Evolution et mutation de l'inspection du travail( Télécharger le fichier original )par Anne Claire Michaut Université Paul Cézanne - Aix Marseille III - Master Droit social 2008 |
§ 1 : La mise en place d'un Conseil National de l'Inspection du Travail (CNIT) : service appuyant la mission de l'inspecteur :La création d'un CNIT résulte d'un décret de 198366(*). Rattaché auprès du Ministre du travail67(*), il a pour mission de donner son avis sur l'état d'application du droit du travail, l'orientation du programme de l'Institut National du Travail et se prononce sur les rapports établis par les ministres responsables des services d'inspection68(*). Bien qu'acquis, le principe du CNIT n'a vu le jour que le 4 février 200869(*). En 1983, le CNIT aurait du être composé des ministres chargés de l'agriculture, des transports, de l'industrie, de la mer, du logement et de la justice, du président de section du Conseil d'Etat, des représentants des organisations d'employeurs et des organisations syndicales représentatives. Depuis 1983, sa mise en place a été souhaitée à maintes reprises, mais le Ministre du travail, en réponse à une question écrite en 199670(*), a émis des réserves qui ont eu pour effet la non-création du CNIT. D'abord parce qu'il estimait que certaines compétences dévolues au CNIT relevaient déjà d'autres institutions71(*) ; ensuite parce qu'il pensait que la création du CNIT devait s'inscrire dans une réorganisation des services de l'inspection du travail72(*). Dans la mesure où elle n'était pas encore engagée, sa mise en place était alors inopportune. Depuis lors, le décret de 1983 est resté lettre morte. Il faudra attendre 2008 pour que Xavier Bertrand73(*) installe de manière effective le CNIT. Sa création ne s'est pas faite dans la simplicité et a connu quelques péripéties, tenant notamment à la présence de représentant d'employeurs dans sa composition. Les syndicats d'inspecteurs du travail74(*) étaient montés au créneau, estimant qu'il s'agissait la « d'un moyen pour diriger l'action des agents de l'inspection afin que celle-ci soit en phase avec les priorités patronales et gouvernementales ». Si nous rejoignons leur idée selon laquelle le code du travail rééquilibre un contrat où les forces n'étaient pas égales, il nous semble également qu'admettre la présence de représentants d'employeurs auraient constitués un nouveau déséquilibre dans le rapport employeur-employé. Fort heureusement, le Ministre n'a pas été sourd à ces revendications. De fait, le CNIT, dans sa version actuelle, est composé d'un conseiller d'Etat, d'un conseiller à la Cour de cassation, d'un inspecteur générale des affaires sociales, d'un membre du corps de l'inspection du travail (exerçant les fonctions de directeur régional ou de chef de service régional), d'un inspecteur du travail et d'un contrôleur du travail. Ainsi, le CNIT reste en propre un organisme appartenant aux services de l'inspection du travail, ce qui nous parait justifié eu égard aux missions qui lui incombent. En effet, en vertu de l'article 2 du décret de 2007, il est compétent pour rendre un avis sur « tout acte d'une autorité administrative qui serait de nature à porter directement et personnellement atteinte aux conditions dans lesquelles (l'inspecteur du travail) doit pouvoir exercer sa mission ». Il est donc le garant de l'indépendance de l'inspecteur du travail vis-à-vis des administrations. A ce stade, cela ne comprend pas le débat houleux des représentants d'employeurs. Mais l'article 1 du décret de 2007 dispose que « Il contribue à assurer, par ses attributions consultatives auprès du ministre, l'exercice des missions et garanties de l'inspection du travail ». Dans cette formulation, il est clairement confirmé que l'inspecteur du travail doit être indépendant. Dés lors, il est exclu que des représentants, notons qu'ils s'agissent des employeurs comme des salariés, puissent être intégrés dans sa composition. Car, selon nous, la rogne provoquait par ce texte résultait dans la présence de représentants d'employeurs. Mais il nous apparait plus impartial d'exclure également les représentants des salariés. S'il est vrai, comme nous l'avons déjà souligné, qu'il faille rétablir l'équilibre au profit des salariés, cela ne doit pas aboutir à déséquilibrer de nouveau les rapports contractuels au profit des salariés. Cet article 1er met à mal un autre argument soutenu par les syndicats, lesquels craignaient que le Ministre ne veuille faire de l'inspection du travail une administration soumise à ces ordres, sans respecter les principes posés par la Convention n°81 de l'OIT. Nous ne pensons pas que le but poursuivi par le Ministre fut de museler les inspecteurs, tout au contraire de leur garantir par une institution qui leur est dévouée le respect de tous leurs droits, tant dans l'exercice de leur mission que vis-à-vis des gouvernements successifs. De cette manière, ce texte rend effective la protection des inspecteurs du travail et la défense de leurs intérêts. Si nous pouvons regretter l'entrée en vigueur tardive d'un texte instituant véritablement le CNIT, nous pouvons féliciter le gouvernement, qui tout en démontrant qu'il était à l'écoute de son administration, vient de poser un statut d'exception permanent à la fonction d'inspection du travail. Cette nouvelle mesure n'est pas sans renforcer la particularité de l'inspection française du travail. Ainsi, en garantissant aux inspecteurs une indépendance pleine et entière dans l'exercice de leurs missions, il vient par la même renforcer l'idée selon laquelle une telle institution garde toute sa nécessité dans notre société. Confortant l'inspection du travail dans les missions qui sont les siennes, il n'en a pas moins oublié que nouveaux enjeux étaient apparus, notamment en matière de travail illégal. Nouveaux enjeux qui méritent l'attention de tout à chacun dans le gouvernement, quelque soit le ministère dont ils sont en charge : les ministres doivent dorénavant travailler de concert.
* 66 D. n°83-135 du 24 février 1983 portant création d'un Conseil National de l'Inspection du Travail. * 67 D. n°83-135 précité, art. 1er : « Il est institué auprès du ministre chargé du travail un Conseil national de l'inspection du travail ». * 68 D. n°83-135 précité, art. 2. * 69 D. n°2007-279 du 2 mars 2007 instituant le Conseil National de l'Inspection du Travail. * 70 Question n°35297 du 19 février 1996, JO AN Q, 19 février 1996, p.875. V. annexe 2. * 71 Rép. min. n° 35297, JO AN Q 13 mai 1996, p.2636. * 72 Rép. min. n°35297 précitée. * 73 Ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. * 74 Notamment UNAS-CGT-inspecteurs du travail, dans un article du 2 janvier 2006, « Code du travail, Inspection du travail : la vérité sur les « réformes » du gouvernement », www.legrandsoir.info. |
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