Conclusion:
Les services de l'inspection du travail sont au coeur de la
législation du travail, par l'apport sur le terrain des normes. S'il lui
a fallu du temps pour trouver ses repères au fil des années, elle
aujourd'hui profondément ancrée dans ses principes et conviction.
Forte de son indépendance et de son autonomie, elle n'entend pas se
laisser démanteler au profit d'autres ministères. Le
problème majeur des réformes que nous avons évoqué
est qu'elle touche majoritairement ces deux points sensibles. L'inspecteur du
travail, en étant l'interlocuteur privilégié des
employeurs et des salariés, craint de se trouver relégué
au rang de simple informateur pour les services de police ou de perdre sa
liberté d'appréciation des situations qu'ils rencontrent. Si tout
tourne autour de ces deux aspects, il ne faut pas pour autant oublier le
rôle essentiel que joue l'inspecteur. Tantôt
« vulgarisateur » de la norme quand celle-ci est trop
complexe, tantôt conseiller sur la bonne marche à suivre dans les
méandres que peuvent présenter les législations sociales
successives pour les profanes, il n'en reste pas moins un agent attaché
à des valeurs humaines.
Le refus de se voir confier de nouvelles missions ou le fait
de les contester ne doit pas être regardé comme une remise en
cause profonde des réformes successives, certaines étant pourvues
de très bonnes intentions. Cependant, il est regrettable de voir les
missions de l'inspecteur du travail fondre comme neige au soleil en
matière de travail illégal, au profit d'une meilleure
répression de celui-ci. C'est la toute la particularité de
l'inspection française du travail : savoir appliquer le droit tout
en tenant compte de facteurs humains et sociaux, dont la prise en compte fait
parfois défaut à d'autres services. N'oublions pas non plus que
la tryptique première de l'inspecteur du travail est
« contrôle, conseil, conciliation ». Elle
fonde sa compétence. Au-delà, s'ajoute aujourd'hui des missions
dont il fut doté tout au long des différentes conjonctures
sociales et économiques. Le fort taux de chômage actuel lui permet
ainsi de refuser de déroger à l'organisation du travail pour
pouvoir créer des emplois. A ce titre, il intervient donc contre la
lutte du chômage. L'inspecteur tient également beaucoup à
ses prérogatives qu'il tient de la Convention OIT n°81. Notamment
en matière de dérogation, mais aussi en matière
d'indépendance des suites données à son contrôle. Si
ces procès verbaux ne donnent lieu que rarement à des suites, et
à des condamnations, il n'en reste pas moins investi de pouvoirs de
police judiciaire qui déroge à ceux dont sont investis les
officiers de police judiciaire. Et le doute est sérieux de voir
détourner ses missions au profit d'autres qui ne recueillent pas
l'unanimité du corps de l'inspection. Tout au long de notre
étude, nous avons vu que l'inspecteur du travail n'hésite pas
à monter au créneau lorsqu'il est en désaccord avec les
réformes qui le concernent. Fort de leur indépendance, les
inspecteurs peuvent se permettre de donner leur sentiment, ce qui n'est pas
sans leur faire d'ennemi, quand nous savons que dans la fonction publique, les
agents sont souvent soumis à un devoir de réserve
vis-à-vis des mesures gouvernementales. Malheureusement, les
répétitions de ses accrocs avec le gouvernement sont surtout le
résultat du constat que les modifications apportées à leur
mission se font sans leur accord ou au moins sans écouter leur crainte
et préoccupations. Il serait donc louable que le gouvernement, dans la
mesure du possible, intègre les inspecteurs du travail dans les
réformes les concernant, par exemple par le biais de comités
auxquels seraient soumises les réformes. Il demeure incontestable que
l'avenir de l'inspection du travail ne peut pas se faire sans les inspecteurs.
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