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Evolution et mutation de l'inspection du travail

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par Anne Claire Michaut
Université Paul Cézanne - Aix Marseille III - Master Droit social 2008
  

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Section 2 : La répression de l'inspecteur : un rôle en marge de sa mission :

Les droits que nous avons évoqués dans la première section et le développement qui va suivre montrent vraiment la mise en oeuvre des pouvoirs de police judiciaire. Cependant, même s'ils sont calqués sur ceux de la police judiciaire, il n'en demeure pas moins spécifique eu égard au particularisme du droit pénal du travail et à la mission de l'inspecteur du travail. Une première particularité est le choix que peut opérer l'inspecteur de ne pas engager les poursuites pénales (§1). Même si ce choix laissé est très souvent apprécié par les acteurs du droit social, l'inspecteur du travail n'en reste pas moins un acteur de la mise en mouvement de l'action pénale (§2).

§ 1 : Le choix entre conseil et poursuite : une liberté d'appréciation :

S'il est vrai que l'inspecteur du travail dispose de pouvoirs de police qui lui permettent de relever par voie de procès verbal les infractions qu'ils constatent lors de ses visite, il reste libre de préférer la voie de la mise en demeure ou de la simple observation. En effet, se fondant sur les faits et le droit, l'inspecteur du travail a tendance à relativiser les situations qu'ils rencontrent. En outre, la Convention OIT n°8132(*)1 précise qu'il est libre de donner des conseils ou avertissements plutôt que de recourir à la verbalisation ou de recommander des poursuites. Ainsi l'inspecteur du travail peut intervenir selon des modes de dénonciation officieux.

Tout d'abord l'inspecteur peut émettre des observations qui demeurent la principale dénonciation d'infraction133(*). Si cette pratique est critiquée par la doctrine pénaliste, puisque le code de procédure pénale précise que tout fonctionnaire ayant d'un crime ou d'un délit dans l'exercice de ses fonctions doit en aviser le Procureur de la République134(*). Mais cette disposition est en contradiction avec la fonction même de l'inspecteur du travail, qui tend vers une pratique tournée vers la prévention et non la répression. Le recours majoritaire aux observations traduit cette pratique de prévention. L'utilisation de la répression n'est envisagée qu'en dernier recours. Selon certains auteurs, la répression pénale constitue une « arme symbolique135(*) ». Certains vont même jusqu'à qualifier « d'échec136(*) » le recours à la répression pénale. Si nous rejoignons la doctrine pénaliste qui veut que tout agent ayant connaissance d'infractions les transmettent au Procureur, il ne faut pas pour autant oublier que l'inspecteur du travail n'est pas un officier de police judiciaire, ni un gendarme, et que cette liberté d'opportunité repose sur sa compétence propre. La Convention OIT n°81 lui autorise de rechercher plutôt la voie de la conciliation que celle de la répression. Ce texte est en contradiction avec le droit pénal français certes, mais il n'en demeure pas moins applicable. Et puisque l'on reconnait la possibilité de choisir à l'inspecteur du travail, il serait mal venu de lui imposer, en droit français, de recours systématiquement à la verbalisation. D'autant que cette systématicité risquerait de faire glisser l'inspecteur du travail vers une police du travail, au sens strict, lui interdisant ainsi toute marge de manoeuvre factuelle. Cette appréciation de l'opportunité des poursuites pénales découlent aussi directement du principe d'indépendance des inspecteurs du travail. Il est à noter que le législateur a créé une « obligation de signalement 137(*)», pesant sur tous les services de l'Etat, « des menaces imminentes pour la santé de la population dont ils ont connaissance, ainsi que les situations dans lesquelles une présomption sérieuse de menace sanitaire grave leur apparaît constituée ». Par cette loi, le législateur restreint la possibilité des inspecteurs du travail de ne pas donner de suites pénales à leur constatation. En matière de santé, ils y sont tenus. Il est aussi à noter que l'inspecteur du travail peut recourir au juge des référés pour faire cesser toutes situations graves et notamment en cas de risques d'atteinte à l'intégrité physique des travailleurs138(*). Mais cette procédure exceptionnelle n'intervient qu'après le refus de l'employeur de faire cesser la dangerosité de la situation constatée par l'inspecteur du travail. Donc ce dernier reste encore libre de déterminer si la situation en cause nécessite ou nom l'intervention du juge. Cette procédure concerne un domaine bien particulier : l'hygiène et la sécurité de manière générale et le BTP de manière plus spécialisée. En outre, il peut prendre toutes mesures utiles, y compris l'arrêt des travaux, lorsqu'ils constatent une situation de danger grave et imminent découlant du non-respect de la réglementation relative aux chutes de hauteur ou aux risques d'ensevelissement sur un chantier du BTP, ou sur un chantier de confinement ou de retrait d'amiante139(*).

L'inspecteur du travail dispose d'une troisième contrainte avant de dresser procès-verbal, il s'agit de la mise en demeure. Elle permet d'accorder un délai supplémentaire à l'employeur pour se mettre en conformité avec la loi. Il s'agit la aussi d'une appréciation laissée au bon vouloir de l'inspecteur du travail. Cependant, elle constitue un préalable obligatoire au procès-verbal. Concernant le domaine de l'hygiène et la sécurité140(*), il faut qu'un texte prévoit la mise en demeure et, la encore, l'inspecteur du travail peut dresser directement procès-verbal s'il constate un danger grave ou imminent pour l'intégrité physique des travailleurs141(*) : il dispose donc ici aussi d'une opportunité de décision. L'inspecteur du travail peut ainsi notifier des mises en demeure de mise en conformité, des mises en demeure de vérification opérée par un organisme agréé et des mises en demeure de vérification des équipements de travail. Il dispose donc d'un large éventail de mise en demeure lui offrant la possibilité de ne pas recourir au procès verbal en attendant que l'employeur se soit exécuté.

Cette liberté laissée aux inspecteurs du travail est contestée par certains auteurs142(*) : selon eux, la situation que vise l'article 17 de la Convention OIT n'existe pas en droit français parce que l'inspecteur du travail n'a pas la maîtrise du déclenchement de l'action pénale. Position critiquable, puisque si l'inspecteur du travail adresse ses procès-verbaux au Procureur, ce qui implique qu'il fait partie de la mise en mouvement de l'action pénale. Mais selon Monsieur Cohen, l'article L611-10 du code du travail emporte l'obligation pour l'inspecteur du travail de dresser procès-verbal chaque fois qu'il constate une infraction. Pourtant le droit positif conserve à l'inspection du travail une « opportunité des constats ».

Le choix entre conseil et poursuite est finalement le corollaire du principe d'indépendance des inspecteurs du travail. Cela consacre également une indépendance vis-à-vis des institutions pénales. Comme nous l'avons vu précédemment, certains syndicats s'offusquent de devoir communiquer à l'OCLTI toutes les informations dont ils disposent. En conservant cette possibilité de ne pas recourir à la voie pénale, le gouvernement insiste aussi sur le fait que l'inspection du travail est investie d'une mission particulière qui nécessite des modalités d'action différentes de celles d'autres services. On lui autorise donc à décider de l'opportunité des poursuites et donc des procès-verbaux, ce qui explique le faible nombre de procès verbaux dressés. Dans le même temps, certains auteurs estiment que le recours au procès-verbal demeure et doit rester l'arme ultime de l'inspecteur. Car, même si la pratique est de ne pas recourir à la verbalisation, l'inspecteur du travail n'en reste pas moins un acteur de la mise en mouvement de l'action pénale.

* 132 Conv. OIT n°81, art 17.

* 133 Sur la répartition des modes d'intervention de l'inspecteur, V. annexe 7.

* 134 Art 40 al 2 CPP.

* 135 Butaud G., Perin F., Thery M., « Les funambules du travail : pratiques de l'inspection du travail », Dr. Soc, 1985, p.274.

* 136 Lazerges C., « La constatation de l'infraction et les poursuites pénales », Dr. Soc., 1984, p.482 : « c'est le constat d'échec des efforts de l'inspecteur du travail pour amener l'employeur à se conformer à la loi ».

* 137 Art. 17 et 36, L. 2004-806, 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

* 138 Art L236-1CT.

* 139 Art. L.231-12 code du travail.

* 140 Art. L231-4 al 1 code du travail.

* 141 Art. L231-4 al 2 code du travail.

* 142 M. COHEN, « Les effets du procès-verbal d'un inspecteur du travail » : Dr. Soc., 1997, p.457.

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