A.
Rationalité économique versus dimension humaine
V. Havel part d'une expérience personnelle pour capter
l'attention de son auditoire et le mettre en garde contre
« l'évolution de la civilisation
contemporaine ». A ses yeux, la rationalité
économique prend une place de plus en plus importante dans la vie
quotidienne au détriment de la dimension humaine. L'étude des
champs lexicaux présents dans le discours est assez
révélatrice de cette évolution. V. Havel prend pour
exemple deux lieux emblématiques de la civilisation contemporaine :
le supermarché et le cinéma ou plus précisément les
multiplexes. Les termes utilisés pour décrire le
supermarché renvoient aux notions d'espace et d'abondance. Il est
« vaste comme un hall de gare », V. Havel
« s'est égaré ». Nous trouvons aussi
le terme « grands supermarchés ». L'ancien
président évoque « l'incroyable diversité
des produits » et le «chariot rempli de marchandises
intéressantes » avec lequel les clients repartent.
A ces supermarchés, symbole de la civilisation
contemporaine, il oppose les « petits commerces et [les] petits
artisans de nos villes et de nos villages » qui
« disparaissent ». La dimension spatiale est ici
suggérée par le terme « petit » qui
est utilisé à plusieurs reprises. Il permet d'insister sur la
dimension humaine de ce type de commerce. V. Havel ajoute qu'il est possible de
les « embrasser d'un seul coup d'oeil », une
phrase qui renvoie elle aussi à la dimension humaine. Contrairement aux
supermarchés qui sont synonymes d'anonymat, ces petits commerces sont
des « petits centres de vie sociale ».
Effectivement, toutes les expressions utilisées pour les décrire
renvoient à la communication et donc à la dimension
humaine : les gens « se connaissent
mutuellement », « connaissant le
vendeur », « échanger quelques
mots », « caractère individualisé de
l'achat ». Pour V. Havel, avec la disparition de ces petits
commerces, c'est la dimension humaine qui disparaît :
« aux communautés humaines non anonymes »
se substitue « l'anonymat de la civilisation »,
« l'isolement existentiel ».
L'objectif de V. Havel n'est pas de dénoncer
l'évolution de la civilisation actuelle. Il reconnaît que d'un
point de vue économique, les supermarchés sont
« avantageux ». Cependant, il souligne
qu'« il existe d'autres points de vue que celui de la
rationalité économique [...] plus importants
encore ». Cette dichotomie rationalité
économique/dimension humaine qui traverse quasiment tout son discours
reflète sa vision de l'Europe, une Europe qui manque de dimension
humaine et spirituelle.
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