La République tchèque : analyse de son "retour à l'Europe"( Télécharger le fichier original )par Audrey Arnoult Université Lyon 2 - Master 2 en Sciences de l'Information et de la Communication 2007 |
c) V. Klaus, leader de l'ODS, un parti eurosceptiqueV. Klaus est le leader de l'ODS, considéré sur la scène politique tchèque et européenne comme un parti eurosceptique. Le parti civique démocrate a été créé par V. Klaus en avril 1991 en raison de nombreux désaccords avec les dirigeants du Forum civique en particulier sur la façon de mener la transition économique. Il se définit comme un parti civique, démocrate et conservateur. Sans détailler ses orientations idéologiques, il est intéressant de mentionner la définition que le parti donne du terme « conservateur » : « est un parti conservateur [un parti] qui ambitionne de sauver et de recouvrer, pour notre futur, les valeurs principales de la civilisation chrétienne européenne des traditions démocratiques tchécoslovaques »135(*). C'est un parti libéral au plan économique et conservateur au niveau social qui se définit comme un parti de droite et prend pour référence le parti conservateur britannique. Favorable à une transition économique rapide, V. Klaus est en grande partie à l'origine des réformes qui ont permis à la République tchèque de devenir une économie de marché et notamment l'instigateur de la privatisation par coupons. Définition de l'euroscepticisme Avant d'étudier plus en détails la position de V. Klaus par rapport à l'Europe, il est nécessaire de définir l'euroscepticisme pour le différencier de l'anti-européanisme. L. Neumayer explique que les eurosceptiques considèrent l'intégration « comme une nécessité historique et les controverses portent sur les moyens de satisfaire cette nécessité tout en protégeant les intérêts nationaux »136(*) alors que pour les antieuropéens, l'Europe menace la nation. Les discours de ces derniers se caractérisent « par [leur] radicalité et [leur] conviction que des alternatives à l'intégration existent »137(*). Cependant, L. Neumayer ne cache pas la difficulté de qualifier un parti d'eurosceptique ou d'antieuropéen, certaines formations politiques adoptant un double discours. A cette première difficulté s'ajoute le fait que les partis eurosceptiques rejettent souvent ce qualificatif et préfèrent se définir comme euroréalistes. V. Klaus, lui, se qualifie à la fois d'eurooptimiste et d'euroréaliste138(*). Plusieurs auteurs ont proposé des typologies de l'euroscepticisme : Petr Kopecky et Cas Mudde établissent une distinction entre europhiles et europhobes puis entre eurooptimistes et europessimistes139(*) ; d'autres distinguent seulement « l'euroscepticisme mou » de « l'euroscepticisme dur »140(*). Nous n'avons pas jugé utile de rentrer dans ce type de détails d'autant plus qu'au final, il reste difficile de faire entrer un parti politique dans l'une de ces catégories car bien souvent, différentes tendances coexistent au sein d'une même formation politique ce qui est le cas à l'ODS141(*). Nous pouvons simplement souligner qu'aux yeux de l'opinion publique, V. Klaus est considéré comme eurosceptique selon un sondage réalisé en août 2005142(*). L'Europe une menace pour la diversité et pour l'identité nationale Dans une analyse des discours de l'ODS143(*), Annabelle Coustaury montre que la position proeuropéenne de V. Klaus n'est pas si évidente et qu'en réalité le leader oscille sans cesse entre la volonté d'adhérer à l'UE et le rejet de l'UE, exprimant des critiques à son égard. Elle souligne également l'évolution du discours de l'ODS au cours de la décennie précédent l'élargissement. Dès la création du parti en 1991, V. Klaus insiste sur l'importance de l'adhésion de la Tchécoslovaquie à l'UE qui constitue l'un des axes majeurs de sa politique étrangère. Il met en oeuvre les démarches nécessaires pour négocier l'adhésion du pays à l'UE et remet la demande d'adhésion en 1996. Parallèlement, il se montre assez critique envers l'UE. En 1994, il fait part de son rejet d'une Europe supranationale qui nierait les différences nationales. A partir de 1995, le parti intègre cette idée dans son programme politique et se définit comme le parti défenseur des intérêts nationaux de la République tchèque. Ainsi, nous voyons qu'en dépit de la politique proeuropéenne de V. Klaus, les critiques qu'il émet à l'égard de l'UE permettent de le considérer comme eurosceptique d'après la définition donnée précédemment. Ces critiques restent relativement modérées jusqu'aux élections législatives de 1998. Une fois le parti passé dans l'opposition, elles deviennent plus nombreuses et plus virulentes. Dans son programme électoral de 1998, l'ODS insiste sur la défense des intérêts nationaux et prône une Europe des nations comme l'illustre son slogan : « oui à l'intégration, non à la dissolution »144(*). Aux élections parlementaires de 2002, le discours conserve cette ambiguïté et l'ODS intitule son programme « L'ODS vote pour l'UE »145(*). Le parti se présente à nouveau comme le défenseur des intérêts nationaux. Jusqu'à l'entrée de la République tchèque dans l'UE, V. Klaus maintient ses arguments : il affirme son engagement pour l'adhésion mais en critique les conditions sous prétexte de protéger les intérêts nationaux. La vision de l'Europe que défend V. Klaus s'articule essentiellement autour de deux éléments : la protection de l'Etat et le libéralisme économique146(*). Pour lui, l'intégration était synonyme d'opportunités économiques. C'est donc principalement dans une perspective économique que l'ODS concevait l'entrée de la République tchèque dans l'UE. Il défend une vision économique de l'UE qui ne doit pas nuire à la diversité des Etats. A ses yeux, l'Europe représente une menace pour la nation tchèque, c'est pourquoi il estime nécessaire de défendre les intérêts nationaux, en particulier face à l'Allemagne. En effet, le leader de l'ODS n'hésite pas à présenter ce pays comme une menace à la fois politique et économique pour la République tchèque ; une crainte qui nous montre que l'Allemagne revêt toujours la figure de l'ennemi contre qui s'est construite l'identité tchèque. D'autre part, il critique les injustices du système communautaire qui défavorise les petits pays et souhaite logiquement une Europe dans laquelle tous les Etats membres seraient à égalité. L. Neumayer distingue quant à elle trois éléments dans les discours de V. Klaus : pour lui l'Europe est « un plaidoyer pour les Etats nations, seule source d'identité et garantie de la liberté politique et économique ; une défense de la `diversité' nationale face à `l'uniformité' bruxelloise ; la dénonciation du `déficit' démocratique de l'UE »147(*). Il est nécessaire que l'Europe préserve les identités nationales. A titre anecdotique, le jour de l'intégration dans l'UE, V. Klaus a prononcé un discours au Mont Blanik, d'où est censé surgir, selon la mythologie tchèque, les chevaliers qui défendront la patrie menacée148(*). Cette anecdote illustre bien le sentiment de fragilité qu'éprouve le peuple tchèque et la nécessité de défendre la nation qui en découle. * 135 WAELE (de), Jean-Michel, L'émergence des partis politiques en Europe centrale, Bruxelles, Editions de l'Université de Bruxelles, 1999, p. 91 * 136 NEUMAYER, Laure, « Opinions publiques et partis politiques face à l'intégration européenne en Hongrie, Pologne et République tchèque », Revue d'Etudes comparatives Est-Ouest, vol. 30, n°1, mars 1999, p. 155 * 137 Idem p. 155 * 138 COUSTAURY, Annabelle, L'ODS et l'Europe, Etudes du CEFRES, n°7, mai 2005, p. 12, www.cefres.cz/pdf/etude7.pdf * 139 COUSTAURY, [2005], p. 12 * 140 RUPNIK, Jacques, [2004], p. 41 * 141 Annabelle Coustaury montre dans une étude consacrée à l'ODS et à l'Europe que la position de Václav Klaus est contestée par certains membres du parti qui sont beaucoup moins sceptiques vis-à-vis de l'Europe, [2005], p. 21-22 * 142 COUSTAURY, [2005], p. 15 * 143 COUSTAURY, Annabelle, L'ODS et l'Europe, Etudes du CEFRES n°7, mai 2005 * 144 COUSTAURY, [2005], p. 8 * 145 Idem., p. 9 * 146 Idem., p. 10 * 147 NEUMAYER, [2006], p. 85 * 148 MARES, [2005], p. 447 |
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