FACULTÉ DE DROIT ROBERT SCHUMAN, STRASBOURG.
MASTER II DROIT PRIVÉ FONDAMENTAL, PROMOTION 2007.
L'EMPLOI DES TECHNIQUES DE
DROIT COMMUN DANS LA RUPTURE
UNILATÉRALE DU CONCUBINAGE ET
DU PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ.
Mémoire présenté par Audrey MELLAC, sous la
direction de M. Patrice HILT, maître de conférences à la
faculté de droit Robert Schuman.
Je tiens particulièrement à remercier M. Hilt pour
ses conseils et son aide constante tout au long de la rédaction de ce
mémoire.
Merci encore à mes parents et à ma soeur pour le
soutien de tous les instants qu'ils m'ont apporté.
TABLEAU DES ABRÉVIATIONS:
> AJ famille: Actualité juridique famille.
> Bull. civ.: Bulletin des arrêts de la Cour de
cassation, chambres civiles.
> Cass. civ. 1e (2e...): Cour de cassation, première
(deuxième...) chambre civile.
> Cass. com.: Cour de cassation chambre commerciale.
> C. civ: Code civil.
> D.: Recueil Dalloz.
> Defrén.: Répertoire du notariat
Defrénois.
> Dr. fam.: Revue droit de la famille
> Dr. patr.: Revue droit et patrimoine.
> Dr. sociétés: Revue droit des
sociétés.
> Gaz. Pal: La gazette du palais.
> RLDC: Revue Lamy droit civil.
> RTD civ: Revue trimestrielle de droit civil
> JCP G: La semaine juridique édition
générale.
> JCP N: La semaine juridique édition notariale.
SOMMAIRE:
INTRODUCTION p3
PREMIÈRE PARTIE: TECHNIQUES OBJECTIVES DE
LIQUIDATION DES INTÉRÊTS
PÉCUNIAIRES À L'ISSUE D'UN CONCUBINAGE OU D'UN
PACS p10
CHAPITRE PREMIER: PAR APPLICATION DU DROIT COMMUN DES
CONTRATS p10
SECTION I: LES EVENTUELS CONTRATS CONCLUS A L'OCCASION
D'UN CONCUBINAGE OU D'UN PACS. p11
I: LE CONTRAT DE CONCUBINAGE p11
II: LES CONTRATS A TITRE ONEREUX COMMUNS AUX DEUX TYPES
D'UNIONS p14
SECTION II: LA RESOLUTION DU PACS p17
CHAPITRE SECOND: PAR APPLICATION DU DROIT COMMUN
DES BIENS p20
SECTION I: LIQUIDATION DES BIENS INDIVIS p20
I: PARTAGE DE L'INDIVISION LEGALE p21
II: PARTAGE DE L'INDIVISION CONVENTIONNELLE p27
SECTION II: LA THEORIE DE L'ACCESSION p 29
DEUXIÈME PARTIE: TECHNIQUES SUBJECTIVES DE
LIQUIDATION DES INTÉRÊTS PÉCUNIAIRES À L'ISSUE D'UN
CONCUBINAGE OU D'UN
PACS p31
CHAPITRE PREMIER: REEQUILIBRAGE DES PATRIMOINES
PAR LA TECHNIQUE DE L'INDEMNISATION p32
SECTION I: LA TECHNIQUE DE LA SOCIETE CREEE DE FAIT
p32
I: LA DIFFICILE REUNION DE SES CONDITIONS D'EXISTENCE
p 33
II: INTERETS DE LA TECHNIQUE POUR LES CONCUBINS OU
PARTENAIRES p36
SECTION II: LE RECOURS AUX QUASICONTRATS p38
I: LA GESTION D'AFFAIRE p38
II: L'ENRICHISSEMENT SANS CAUSE AU SERVICE DES CONCUBINS OU
PARTENAIRES p 39
CHAPITRE SECOND: REPARATION DU PREJUDICE RESULTANT DE LA
RUPTURE UNILATERALE p44
SECTION I: REPARATION DU PREJUDICE RESULTANT D'UNE RUPTURE
FAUTIVE PAR LA RESPONSABILITE CIVILE DELICTUELLE p44
I: DETERMINATION DE LA FAUTE OUVRANT DROIT A REPARATION
p45
II: PREEMINENCE DE LA NOTION DE PREJUDICE SUR LA NOTION DE
FAUTE p 47
SECTION II: REPARATION DU PREJUDICE RESULTANT DE LA RUPTURE
EN ELLEMEME PAR L'OBLIGATION NATURELLE p 49
I: FONDEMENTS DE L'OBLIGATION NATURELLE p 49
II: CIRCONSTANCES DE MISE EN OEUVRE D'UNE OBLIGATION
NATURELLE p51
CONCLUSION p54
BIBLIOGRAPHIE p55
« Boire, manger et coucher ensemble, c'est mariage ce me
semble »1. Cependant, la réalité sociologique
actuelle est venue contredire Loysel, le modèle familial traditionnel du
couple marié se voyant concurrencé par d'autres formes de
conjugalité.
Les échelles de valeurs ont évolué au fil
des transformations sociales, ce qu'illustre l'affirmation du concubinage et du
pacte civil de solidarité face au mariage.
Celui-ci ne jouit plus à l'heure actuelle de la
reconnaissance et de la valeur dont il bénéficiait il y a encore
quelques décennies2.
Depuis la fin des années 1950, le droit de la famille a
subi de profondes mutations prenant en compte d'une part l'évolution de
la famille dans notre société, d'autre part les valeurs que la
famille, lieu symbolique où se construisent les rapports sociaux,
représente et protège. Les réformes successives ont
progressivement remis en cause la primauté du modèle familial qui
n'est plus l'unique modèle de référence à la vie en
couple.
Cependant, l'institution du mariage reste le fondement essentiel
de la famille dans le Code civil.
Depuis cinquante ans, le législateur s'est résolu
à adapter le droit de la famille, au travers de différentes
réformes, à une réalité familiale
nouvelle3.
Traditionnellement considéré comme fondement de
toute société, le mariage s'est vu concurrencé tout
d'abord par le concubinage, devenu fait de civilisation, puis par le pacte
civil de solidarité (PACS), créé en 1999 pour permettre
aux couples homosexuels, auxquels le mariage est fermé, d'organiser leur
vie commune dans un cadre légal.
Cependant, les conséquences de la rupture de ces trois
types d'unions diffèrent.
Les couples mariés se voient appliquer les règles
légales du divorce, au contraire des concubins et des couples
liés par un pacte civil de solidarité.
Ceci souligne la volonté du législateur de
favoriser le modèle traditionnel du mariage en n'étendant pas le
bénéfice des règles du divorce aux autres types de
conjugalité.
Ainsi, le droit de la famille n'organise pas juridiquement les
conséquences de la rupture du concubinage ou du PACS, qui de fait n'a
pas été conçu comme une institution concurrente du mariage
mais comme un contrat spécifique organisant la vie commune des
parties4. Le fait que le droit de la famille soit une branche
sensible du droit civil, qui relève autant des moeurs que du droit,
explique cette absence de règlementation.
En outre, le choix du PACS par le législateur
reflète, au delà de la volonté de donner un cadre
légal aux concubins qui le souhaitent, un choix de
société.
Par ses effets patrimoniaux, le PACS se rapproche du mariage,
surtout depuis la réforme du 23 juin 2006.
En revanche, il produit peu d'effets personnels et c'est un lien
contractuel qui unit les partenaires, non pas institutionnel, le mariage ne se
trouvant pas ainsi véritablement concu rrencé5.
,
1 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, La famille, Defrénois, 2e
éd°, 2006, p 160.
2 R. FRANK, « Mariage et concubinage, réflexions sur
le couple et la famille », in Des concubinages: droit interne, droit
international, droit comparé, études offertes à J.
RUBELLIN DEVICHI, Litec, 2002.
3 J-M BURGUBURU, C. MEININGER- BOTHOREL: « La famille: le
constat et les paradoxes », Gaz. Pal. N° 172, 20 juin
2000, p 9.
4 D. FENOUILLET et P. DE VAREILLES SOMMIÈRES ( sous dir.),
La contractualisation de la famille, collection études juridiques
dirigée par N. Molfessis, économica, 2001, introduction p
1.
5 C. BRUNETTI- PONS, « L'émergence d'une notion de
couple en droit civil », RTD civ 1999, art., p 27.
En effet, en omettant lors des lois du 15 novembre 1999
instituant le PACS et du 23 juin 2006 le modifiant, de régler
légalement les conséquences de la rupture du PACS et du
concubinage6, le législateur a assis sa volonté de ne
pas diluer le modèle sociétal du mariage dans un choix d'unions
à la carte, avec des effets juridiques spécifiques pendant
l'union et lors de sa rupture.
Ainsi, les concubins, qui ont refusé les devoirs mis
à la charge des époux, ne bénéficieront pas des
avantages liés à ce statut lors de leur rupture.
D'ailleurs, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a
précisé dans l'arrêt Saucedo Gomez contre Espagne, rendu le
19 janvier 1999, que bien que la réalité sociale démontre
l'existence d'unions stables entre hommes et femmes, hors cadre juridique du
mariage, il ne lui appartenait pas de dicter ou d'indiquer à un Etat les
mesures à adopter pour prendre en compte ces unions7.
De plus, les juges Strasbourgeois affirment que les concubins
hétérosexuels qui se séparent ne peuvent revendiquer le
bénéfice de l'application des conséquences du divorce. En
effet, ils auraient pu librement régulariser leur situation de
façon à bénéficier des avantages économiques
inhérents au statut de conjoint.
Ils ne peuvent donc invoquer une discrimination par rapport aux
unions matrimoniales.
La question de l'élaboration d'un statut extra-matrimonial
relève, pour les couples hétérosexuels et homosexuels, de
la marge d'appréciation des Etats.
Ainsi, le refus d'accorder aux couples homosexuels les
mêmes garanties qu'aux couples mariés est justifié, selon
la Cour, par le but de protéger le mariage8.
La question des conséquences de la rupture du PACS et
du concubinage mérite donc que l'on s'y arrête, une proportion
importante des couples étant engagée dans ces unions dont la
rupture est dépourvue d'effets juridiques spécifiques.
Afin de comprendre les positions législatives et
jurisprudentielles actuelles, il convient de remonter dans le temps, pour
constater que le concubinage n'est pas spécifique à notre
société actuelle, mais au contraire existe depuis toujours.
En 1762, le Dictionnaire de Pratique et de Jurisprudence
définissait le concubinage comme la conjonction d'un homme et d'une
femme qui sont libres, qui ne sont pas mariés ensemble, mais qui le
pourraient, le concubinage étant opposé à l'inceste et
à l'adultère.9
A la fin de l'Ancien Régime, le concubinage était
réprouvé par le droit canonique, mais aussi par le droit
laïc.
L'Eglise considérait cette forme d'union comme le plus
grave des péchés de fornication et l'ancien Droit n'y voyait pas
une forme particulière de famille.
Le droit, dans une volonté de protection de la
primauté du mariage, combattait l'union libre tout en affirmant
l'indissolubilité du mariage10.
Au moment de la rédaction du Code civil, une disposition
incriminant le concubinage fut
6 Désormais défini à l'article 515-8 du Code
civil depuis 1999.
7 J.P MARGUÉNAUD, Du PACS aux nouvelles
conjugalités: une modélisation supra-étatique des
relations extra - matrimoniales par la jurisprudence de la CEDH, in Du PACS
aux nouvelles conjugalités: où en est l'Europe, coll, PUF,
janvier 2006.
8 J.P MARGUÉNAUD, art. préc., Op. Cit.
9 L-A. BARRIÈRE, art. préc., études offertes
à J. RUBELLIN DEVICHI, Op. Cit.
10 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, La famille, 2e
éd°, Defrénois, 2006, p 154
proposée mais non retenue.
Avec le XIXe siècle s'accrût le concubinage
ouvrier.
Face au silence du Code, qui ne reconnaissait pas le
concubinage comme une situation juridique, la doctrine s'est
évertuée à en délimiter les effets tout en
rappelant la supériorité de l'union organisée par la loi,
soit le mariage11.
Au début du XXe siècle, l'augmentation du
concubinage a incité la doctrine à se pencher sur les raisons de
son essor et sur les possibilités de l'organiser par contrat.
Cependant, la plupart des auteurs continuaient de
réprouver le concubinage, tel Planiol, considérant cela immoral
parce que, « en ne procédant pas aux formalités du mariage,
les concubins conservaient leur liberté et enlevaient au pouvoir social
tout moyen de contrainte, or, la société a un
intérêt suprême à la durée des unions qui
créent les familles. »12
De même, Josserand, en 1938, proposait de contrer
l'augmentation du concubinage en ne faisant produire à celui ci que des
effets négatifs pour les concubins.13
A l'inverse, Esmein en 1935 observait que les juridictions se
contentaient de faire abstraction de l'union libre, celle ci n'étant pas
en droit le fondement des arrêts rendus.
Il soulignait par conséquent que les juges ne faisaient
pas à proprement parler produire des effets au
concubinage.14
A la fin des années 1960, le concubinage a connu un
nouvel essor, grâce à l'évolution des mentalités
tels qu'en témoignent les évènements de mai 1968 et
à la perte d'influence des préceptes de l'Eglise sur les
comportements.
En effet, le nombre de couples de concubins a plus que
quintuplé de 1968 à nos jours, démontrant que l'opinion
publique est passée envers le concubinage de l'hostilité à
la tolérance, oubliant les griefs d'immoralité dont
étaient jadis accablés les concubins15. En l'absence
d'encadrement légal des conséquences de la rupture du concubinage
et du PACS, les partenaires ou concubins doivent se satisfaire des techniques
de droit commun. Celles-ci leur permettent de liquider leurs
intérêts patrimoniaux, et, le cas échéant, de
demander réparation en cas de rupture fautive.
Ainsi, l'absence de réglementation de la situation des
concubins pendant l'union n'est pas une situation de non droit, car les
techniques de droit commun trouvent application lors de la rupture.
L'absence d'appréhension de la situation des concubins
par le droit de la famille n'aboutit ni au non droit, ni à un vide
juridique, car c'est au droit commun de s'appliquer en l'absence de
réglementation spécifique.16.
En l'occurrence, le droit commun, défini par G. Cornu
comme étant le droit qui s'applique en principe, sauf exception,
à toutes les personnes et à toutes les affaires (par opposition
à exceptionnel), est le droit résiduellement applicable à
tous les cas non exceptés.17 Le droit commun a donc vocation
à s'appliquer à toutes les situations non régies par un
11 L-A. BARRIÈRE, art. préc., études
offertes à J. RUBELLIN DEVICHI, Op. Cit.
12 L-A. BARRIÈRE, art. préc., études
offertes à J. RUBELLIN DEVICHI, Op. Cit.
13 L-A. BARRIÈRE, art. préc., études
offertes à J. RUBELLIN DEVICHI, Op. Cit.
14 P. ESMEIN, « L'union libre », D. 1935, chron.
p 50.
15 L-A. BARRIÈRE, art. préc., études
offertes à J. RUBELLIN DEVICHI, Op. Cit.
16 A. PROTHAIS, « Le droit commun palliant
l'imprévoyance des concubins dans leurs relations pécuniaires
entre
eux », JCP G n° 15, 1990, I, doctrine
n° 3440.
17 G. CORNU, Vocabulaire juridique, association H. CAPITANT, PUF/
quadrige, 6e éd°, juin 2004, p 180.
droit spécial, mais il ne fournit que des palliatifs
à l'absence de réglementation spéciale, des moyens
d'atténuer un mal faute de mieux.
Ces palliatifs évitent ainsi un vide juridique et tout
risque de déni de justice.
Ce droit, en raison de sa subsidiarité, n'est cependant
pas spécialement adapté à la situation de la rupture du
concubinage ou du PACS, ce qui rend l'application des règles de droit
commun aléatoire.18
Il convient d'appliquer, lors de la rupture d'un concubinage,
et dans une moindre mesure, d'un PACS, les techniques de droit commun des
biens, des contrats, et de la responsabilité civile délictuelle,
afin de liquider leurs intérêts patrimoniaux.
En effet, le concubinage est une situation de fait, qui se
définit par rapport au modèle du mariage, par ses
différences et ses ressemblances, et qui peut présenter plusieurs
visages19. D'ailleurs, J. Carbonnier opposait le mariage et le
concubinage par le caractère sérieux du premier et
précaire du second, sans engagement et sans obligations
spécifiques prévues par le législateur.20
Le Code civil le définit à l'article 5 15-8
comme étant « une situation de fait, caractérisée par
une vie commune présentant un caractère de stabilité et de
continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de
même sexe, qui vivent en couple ».
Juridiquement, l'union libre ne fait naître aucune
obligation personnelle à la charge des concubins, et l'article 515-8 du
Code civil issu de la loi du 15 novembre 1999 créant le PACS n'a pas
instauré de statut civil de base du concubinage21. Les droits
et les devoirs des époux prévus aux articles 212 à 226 ne
leur étant pas applicables22, ils ne sont tenus à
aucune obligation de fidélité, d'assistance ou de
communauté de vie.
De même, dans leurs rapports patrimoniaux, les concubins
ne sont soumis à aucune obligation alimentaire, ni contribution aux
charges, ni régime matrimonial, malgré l'inévitable
confusion des patrimoines qu'engendre la vie commune.
Aucun droit au logement n'est prévu non plus entre
concubins, mais la loi du 6 juillet 1989 est venue étendre au concubin
notoire qui résidait avec le locataire depuis au moins un an le
bénéfice de la continuation du bail en cas d'abandon de domicile
de la part du locataire23.
Par ailleurs, en cas d'incapacité d'un des concubins,
l'autre n'a pas vocation à assurer sa protection, le Code civil visant
uniquement un parent ou allié.24
Tout ceci illustre bien qu'il n'existe aucun lien de droit entre
les concubins, qui restent l'un vis à vis de l'autre des
étrangers, malgré l'interdépendance de leur vie
commune25. En droit civil, les effets juridiques liés aux
ménages de fait ne sont pas comme en Common Law une assimilation
pratique aux effets découlant du mariage.
Les constructions de droit commun appliquées aux concubins
ne le sont que pour éviter que les conséquences de la rupture du
concubinage ne soient dramatiques, non dans une idée
18 A.PROTHAIS, art. préc., JCP G n° 15,
1990, 3440, I, doctr. n° 3440.
19 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, Op. Cit., p 161.
20 D. FENOUILLET et P. DE VAREILLES SOMMIÈRES ( sous
dir.), Op. Cit., introduction p 1.
21 J. MASSIP, « Chronique de jurisprudence civile
générale », Defrén. n°2/2001,
art. 37287 p 93.
22 Les unions libres: les couples, collection encyclopédie
Lamy droit civil- droit des personnes et de la famille, étude
n° 377, 2006.
23 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, Op. Cit., p 165.
24 Les unions libres: les couples, op. Cit., étude
n° 377.
25 A. PROTHAIS, art. préc., JCP G n°
15, 1990, I, doctr. n° 3440.
d'admission d'une pluralité de types d'unions.
Dans le cas du PACS, l'application du droit commun vient
suppléer les règles patrimoniales légalement
prévues, et permet réparation, le cas échéant, sur
le fondement de la responsabilité civile délictuelle.
De plus, l'application du droit commun découle certes
de la situation de fait qu'est le concubinage, mais pour que les techniques de
droit commun soient applicables, il est nécessaire qu'en soient
réunies les conditions, contrairement aux pays de Common Law où
les conditions sont assouplies en présence du
concubinage26.
Au regard des faits, les obligations sanctionnées
découlent certes du concubinage, mais les conditions de ces obligations
doivent exister, en droit, abstraction faite du concubinage27. Moins
les concubins ont organisé juridiquement leur vie commune, plus leur
séparation nécessite le recours au droit, souvent de
manière contentieuse.
Le droit commun vient au secours des concubins a posteriori,
à l'heure de la rupture. En effet, ceux-ci ne se sont pas
souciés, pendant leur union, des conséquences patrimoniales
futures de leur vie commune.
En ayant voulu rester indépendants financièrement
et en droit pendant leur union, ils en subissent les conséquences
à la rupture.
C'est le droit patrimonial commun qui a vocation à
s'appliquer à la liquidation de leurs intérêts
patrimoniaux28.
La situation est quelque peu différente s'agissant du
PACS, contrat permettant d'organiser la vie commune de deux personnes physiques
majeures29, et dont le régime est précisé aux
articles 515- 1 à 515-7 du Code civil.
C'est un contrat à durée
indéterminée, qui peut être résilié à
tout moment, sans motif et sans sanction, sauf à rechercher la
responsabilité délictuelle de droit commun du partenaire qui a
rompu unilatéralement.
Malgré la mention du PACS, accompagnée du nom du
partenaire, sur l'acte de naissance de chaque partenaire, en vertu de l'article
5 15-3-1 du Code civil issu de la loi du 23 juin 2006 il conserve un
caractère contractuel et non institutionnel, sa rupture ne s'apparentant
pas à un divorce.
Pendant leur union, les partenaires sont néanmoins soumis
à un régime légal, qui depuis la loi du 23 juin 2006 est
la séparation de bien30 et qui antérieurement à
cette loi était l'indivision, que les partenaires peuvent aujourd'hui
choisir par convention31. Ils sont aussi soumis à un
régime primaire impératif, qu'ils ne peuvent, par
définition, pas écarter et qui leur impose la solidarité
quant aux dettes et une aide matérielle, qui se rapprochent des articles
214 et 220 du Code civil relatifs aux époux.
Au moment de la dissolution du PACS, ce sont les partenaires
qui liquident eux même leur régime de séparation de bien ou
d'indivision, le juge ne statuant sur les conséquences patrimoniales de
la rupture, et le préjudice éventuel en découlant, qu'en
l'absence d'accord
,
26 J. RUBELLIN DEVICHI, « l'attitude du législateur
contemporain face au mariage de fait », RTD civ 1984, p 389.
27 P. ESMEIN, « l'union libre », D 1935, chron.
p 50
28 A. PROTHAIS, article précité, JCP G
n° 15, 1990, 3440, I, doctr. n° 3440.
29 E. MULON, « Le pacs: un nouveau mode de
conjugalité », RJPF, avril 2007, analyse, p 8.
30 Article 5 15-5 du Code civil, issu de la loi du 23 juin
2006
31 Article 515-5-1 du Code civil, issu de la loi du 23 juin
2006
entre les partenaires32.
Le PACS engendre également certaines obligations
personnelles entre partenaires, dont l'absence de sanctions
spécifiquement prévues en cas de violation atténue la
portée réelle
.
Néanmoins, c'est encore une fois le droit commun de la
responsabilité, pour demander réparation, ou le droit commun des
contrats, afin d'obtenir la résolution du PACS, qui sera
sollicité le cas échéant.33
Force est de constater que le législateur n'a
souhaité faire bénéficier ni les concubins, ni les
partenaires qui se séparent, des règles du divorce entre
époux, le mariage traditionnel étant considéré
comme une union plus significative d'engagement que l'union de fait ou que
l'union résultant de la conclusion d'un contrat à durée
indéterminée, bien que son objet soit l'organisation de la vie
commune
.
Par conséquent, en l'absence de règlementations
spécifiques, ce sont les techniques de droit commun qui viennent
régler les conséquences de ces ruptures, quant aux biens et quant
aux
Certaines techniques sont communes à tous les types de
rupture, qu'elles soient amiables, unilatérales, consécutives
à un décès ou à un mariage, pendant que d'autre
techniques sont spécifiques aux rupture unilatérales, qui font
l'objet de la présente étude.
Les techniques de droit commun appliquées par les juges le
sont dans un soucis d'équité, pour pallier l'absence de
contribution aux charges du ménage et de solidarité entre
concubins, afin de rétablir un équilibre financier que la vie
commune a pu rompre.34 Ne seront ici abordées que les
conséquences de la rupture unilatérale du concubinage et du PACS
en droit commun Français, quant aux personnes des concubins et des
partenaires, et quant aux biens
.
En effet, les conséquences de la rupture quant aux enfants
sont réglées par le droit de la filiation, désormais
unifié par une ordonnance du 4 juillet 2005.
Par conséquent, étudier l'emploi des techniques
de droit commun dans la rupture du concubinage et du PACS aurait pu revenir
à étudier, d'une part, comment les intérêts
pécuniaires des parties sont liquidés, et d'autre part, de quelle
manière la jurisprudence répare le préjudice
résultant de la rupture unilatérale
.
Or, la liquidation des intérêts pécuniaires,
et la réparation d'un éventuel préjudice constituent,
l'une comme l'autre, les conséquences patrimoniales de la rupture du
concubinage et du
aux personnes, la seconde
utilisées pour séparer les
La première englobant des conséquences quant aux
biens et quant ne traitant que des conséquences quant aux personnes
.
En outre, il convient de remarquer que les techniques de droit
patrimoines des ex-concubins ou partenaires sont de deux sortes
.
D'une part, les techniques de droit des biens tels que le
partage de l'indivision ou l'application de la théorie de l'accession
permettent aux ex-concubins et partenaires de voir leurs patrimoines
séparés de manière objective, en prenant en compte
l'origine des
D'autre part, les mécanismes d'indemnisation et de
réparation favorisent le rééquilibrage des
32 Article 5 15-7 du Code civil, issu de la loi du 23 juin
2006
33 E. MULON, art. préc., RJPF avril 2007, analyse,
p 8. 34 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, Op. Cit.
patrimoines des ex-concubins ou partenaires, de manière
subjective, en prenant en compte l'attitude des interessés
.
En effet, le comportement des concubins ou des partenaires
permet de déterminer s'ils ont eu l'intention de se comporter en
associés d'une société créée de fait, ou si
la remise d'une somme constitue un prêt ou l'exécution d'une
obligation naturelle
.
À la rupture du concubinage et du PACS, il convient
alors, pour liquider de manière équitable les
intérêts pécuniaires des ex-concubins ou partenaires, de
faire tout d'abord application des techniques objectives de liquidation,
relatives aux biens (Partie I) puis application des techniques subjectives de
liquidation, relatives aux personnes (Partie II).
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