Analyses quantitatives du premier corpus
Par souci de représentativité, et pour maximiser
l'utilité des notes (cf. annexe) à des fins de recherches, nous
procèderons tout d'abord à une première étape
où nous considérerons l'ensemble des émissions d'une
saison entière afin de dégager les statistiques
nécessaires à la bonne signification et la pertinence de notre
propos.
Nous considérerons donc dans un premier temps la saison
2004/05 pour dégager des statistiques qui situeront notre sujet
-l'intolérance face à la skysolidarité dans la
globalité de l'émission.
Ce travail permettra notamment de dessiner un squelette des
grands axes de l'expression à l'antenne des interventions des auditeurs
et d'imaginer une représentation graphique qui figurera le
positionnement de l'auditeur-individu
dans la galaxie des rapports sociaux qu'on le voit entretenir
selon les thèmes récurrents à l'antenne.
Nous justifierons la pertinence de notre sujet dans -ou
plutôt selon- ce schéma, en situant ses champs d'action.
L'annexe recense les thèmes abordés par les
auditeurs dans l'émission Radio libre, soit les soucis auxquels
ils sont confrontés, et résume les réponses
apportées par l'équipe et les auditeurs eux-mêmes.
Elle se lit comme suit :
- La première colonne date le jour de diffusion ;
- la seconde et la troisième les heures de début
et de fin de la séquence (le traitement du problème de
l'auditeur) ;
- la quatrième jette une idée large de la
thématique (sans ambition catégorielle dans sa rédaction
a priori) ;
- la cinquième libelle un intitulé du
problème de l'auditeur ;
- la sixième énumère les principales
interventions de l'équipe de l'émission pour résoudre le
problème de l'auditeur primo appelant ;
- la septième résume les principales interventions
des auditeurs à propos du problème de l'auditeur primo
appelant.
Un second corpus sera restreint à une période
plus courte et à une sélection de séquences concernant
notre sujet. Cette sélection se fera sur des critères de
représentativité selon nos statistiques ainsi que,
qualitativement, selon des critères d'appréciation de
l'importance du traitement du problème de l'auditeur. C'est de ce corpus
restreint que nous allons analyser le contenu et sur lequel il va s'agir de
théoriser sur le fonctionnement de l'émission.
Premiers traitements : contextualisation de notre
sujet
D'après les notes prises sur le conducteur des
thématiques de la skysolidarité, sur l'année
2004/2005, nous pouvons relever le traitement de 798 cas. 29 cas ont pour sujet
l'intolérance (tableau 1).
Si nous réduisons notre corpus à la période
septembre/décembre 2004, nous dénombrons 326 cas traités
et 12 thématiques ayant pour sujet l'intolérance.
La proportion est respectée (environ 4% de l'ensemble
des cas traités dans l'année sur la période
septembre/décembre 2004) et le tableau ci-après nous apprend que
la variété des cas recensés s'agissant des sujets qui nous
intéressent reste représentative si l'on se limite à
travailler sur le corpus restreint de septembre à décembre
2004.
Le tableau qui suit, mieux que de longues explications, donne
une vision générale du sujet « intolérance »
dans l'émission sur la saison 2004/05 et répertorie leurs
intitulés.
(Voir tableau 1 page suivante)
TABLEAU 1 / Occurrences mensuelles et intitulés
des sujets " intolérance »1
Exemple de lecture : " Au mois de septembre 2004, 2 sujets sur
70 portaient sur l'intolérance : `'mon père n'aime pas mon copain
parce qu'il est noir'' et `'mes parents ref usent mon homosexualité et
veulent que je devienne hétérosexuel'' ».
Mois
|
|
|
|
|
Intitulés des sujets " intolérance »
(d'après les libellés de la prise de note en
annexe)
|
Septembre 2004
|
|
70
|
|
2
|
" Mon père n'aime pas mon copain car il est noir »
" Mes parents refusent mon homosexualité et veulent que je
devienne hétérosexuel »
|
Octobre 2004
|
|
79
|
|
4
|
" Je suis handicapé, je ne comprends pas que l'on puisse
m'aimer »
" Je suis moqué pour mon look banlieue et ma petite taille
» " La famille de mon copain ne m'accepte pas car je le vois chez moi
» (motif religieux, Islam)
" Je suis homosexuel, mes parents sont homophobes »
|
Novembre 2004
|
|
1 02
|
|
4
|
" Les parents n'acceptent pas le petit ami maghrébin
» " Vexé que ce soit un transsexuel, j'ai été violent
»
" Je suis tombé amoureux de ma cousine, problème
pour la famille »
" Une fille s'incruste dans notre groupe et nous saoule »
|
Dé cembre 2004
|
|
75
|
|
2
|
" Ma famille (musulmane) n'accepte pas que je sois enceinte, je
me retrouve à la rue »
" Ma mère ne supporte pas que je sorte avec un Kabyle
»
|
Janvier 2005
|
|
99
|
|
3
|
" Ma famille est gênée que je sorte avec ma cousine
éloignée »
" Bisexuelle, j'ai tenté des caresses sur ma meilleure
amie, qui n'a pas supporté »
" Mon lycée (catholique) m'a réprimé pour
avoir un CD de Marilyn Manson »
|
Fé vrier 2005
|
|
81
|
|
3
|
" Ma copine est retenue par sa famille musulmane qui me rejette
et qui a trouvé une lettre de moi »
" Mon prof de philosophie me saque après que je suis sorti
avec sa fille »
" Mes parents ne me laissent pas sortir »
|
Mars 2005
|
|
87
|
|
3
|
" J'ai 18 ans, lui 43, comment annoncer à ma mère
que nous allons vivre ensemble ? »
" J'ai fait mon coming-out, j'aimerais que mon mec le fasse aussi
»
" Le mec de mon meilleur ami serait écarté de la
gendarmerie à cause de son homosexualité »
|
Avril 2005
|
|
64
|
|
2
|
" Je n'aime pas que mon pote s'effémine et se mette
à me draguer »
" La mère de ma copine ne veut plus que je la vois depuis
que sa petite soeur s'est jetée sur moi »
|
Mai 2005
|
|
79
|
|
5
|
" Mes parents musulmans n'accepteront jamais mon amour pour un
chrétien »
" J'ai dormi avec mon pote homo qui m'a dit que, saouls, nous
avions fait l'amour »
" Mon père n'accepte pas mon homosexualité
»
" Jalouse de moi, la mère de mon ex m'insulte, elle l'a
pris en otage en Algérie en prenant ses papiers »
" Le père de ma copine ne m'accepte pas »
|
Juin 2005
|
|
62
|
|
1
|
" Ma famille n'aime pas ma copine »
|
Saison 2004/05
|
=
|
798
|
=
|
29
|
|
1 Les lignes bleutées délimitent ce qui sera notre
corpus restreint
Nous retenons donc, à cette étape de
l'étude, les intitulés suivants, entendus sur la période
septembre/décembre 2004, qui apparaissent en surbrillance dans le
tableau 1 :
« Mon père n'aime pas mon copain car il est noir
»
« Mes parents refusent mon homosexualité et veulent
que je devienne hétérosexuel »
« Je suis handicapé, je ne comprends pas que l'on
puisse m'aimer » « Je suis moqué pour mon look banlieue et ma
petite taille »
« La famille de mon copain ne m'accepte pas car je le vois
chez moi » (motif religieux, Islam)
« Je suis homosexuel, mes parents sont homophobes »
« Les parents n'acceptent pas le petit ami maghrébin
»
« Vexé que ce soit un transsexuel, j'ai
été violent »
« Je suis tombé amoureux de ma cousine,
problème pour la famille » « Une fille s'incruste dans notre
groupe et nous saoule »
« Ma famille (musulmane) n'accepte pas que je sois enceinte,
je me retrouve à la rue »
« Ma mère ne supporte pas que je sorte avec un Kabyle
»
Appliquée à notre schéma 1, cette
sélection peut révéler la place de chaque acteur social en
tant que vecteur d'intolérance. En répertoriant pour chacun
d'entre eux une occurrence à chaque implication, on obtient les
résultats suivants :
(Voir schéma 2 page suivante)
SCHEMA 2 / dispersion, par acteur social, de l'origine des
intolérance ressenties par les auditeurs, dans notre corpus restreint
(septembre/décembre 2004)
Exemple de lecture : « Dans notre corpus restreint, la
famille est l'origine la plus fréquente de l'intolérance
ressentie par les auditeurs (9 occurrences) ».
Administrations
(Ecole, police, entreprise...)
0
Amitiés 2
Individu 2
Amours 0
Famille 8
Ce schéma a pour principal mérite de situer les
acteurs au départ du sentiment d'intolérance de l'auditeur.
Ainsi, on voit que, dans notre corpus, la famille est le lieu où
l'auditeur est le plus victime d'intolérance.
D'autres catégorisations de cette sélection sont
possibles. Ainsi, on peut, par exemple, opérer un enregistrement par
thèmes selon un classement par « familles », ou types
d'intolérance. Dans ce cas, nous relèverons l'apparition
évidente de catégories importantes :
1/ racisme
? « Mon père n'aime pas mon copain car il est noir
»
? « Les parents n'acceptent pas le petit ami
maghrébin »
? « Ma mère ne supporte pas que je sorte avec un
Kabyle »
2/ homophobie
> « Mes parents refusent mon homosexualité et
veulent que je devienne hétérosexuel »
> « Je suis homosexuel, mes parents sont homophobes
»
> et par proximité « vexé que ce soit un
transsexuel, j'ai été violent »
3/ intolérance du fait de la religion, de la tradition
> « La famille de mon copain ne m'accepte pas car je le
vois chez moi » (motif religieux, Islam)
> « Ma famille (musulmane) n'accepte pas que je sois
enceinte, je me retrouve à la rue »
Selon les principes d'exhaustivité exposés par
Laurence Bardin1, nous nous trouvons, dans ce cas avec une case
« divers », où figurent les sujets isolés tels que
« Je suis moqué pour mon look et ma petite taille » ; «
Une fille s'incruste dans notre groupe et nous saoule » ...
Nous ajouterons toutefois qu'il s'agit là des sujets
les moins lourds (voire de sujets accessoires) de notre corpus. La redondance
des trois grands types d'intolérance que nous venons de définir
signifie donc certainement quelque chose et nous concentrer sur celles-ci
rendra notre propos plus pertinent en évitant la dispersion et la
généralisation de matières trop différentes. Les
graves intolérances que nous retenons ont pour point commun de
déclancher des malaises véritablement profonds, portant atteinte
à l'identité de l'individu (le plus souvent, nous le verrons, en
opposition aux acceptions des parents). En portant notre étude sur ces
huit sujets regroupés en trois grandes catégories (racisme,
homophobie, intolérance du fait de la religion/tradition) notre analyse
trouvera une cohérence.
1 Laurence Bardin, op cit.
Il peut ainsi être intéressant de travailler
selon une entrée par « identités ». On notera alors des
figures vectrices et/ou destinataires d'intolérance (identités
ethnique, religieuse, sexuelle) : la famille semble être la
première source de malaise pour certains auditeurs quand à leur
identité ou leurs choix amoureux.
Nous analyserons ainsi le discours qui se crée sur
l'antenne de Skyrock, chaque soir dans Radio libre, selon les
significations des propos traitant le malaise d'auditeurs dont les parents
n'acceptent la situation (identité ethnique de l'amoureux(se),
identité sexuelle du fils ou de la fille, situation contraire à
des principes ou des idées très traditionalistes).
Une séquence atypique, celle où l'auditeur
s'expose non en tant que victime mais en agresseur (« vexé que ce
soit un transsexuel, j'ai été violent », homophobie, sujet
3) nous permettra d'éprouver notre analyse dans une situation
différente - l'auditeur appelant est cette fois-ci l'«
intolérant ». Si cette séquence est une intolérance
du fait de l'identité sexuelle (même si elle s'éloigne
quelque peu de l'intitulé « homophobie »), elle reste à
la marge de la cohérence apportée par le reste du corpus, et en
restera à la marge. Le processus de construction du discours se
différencie de la cohérence formée par les autres. Ce
sujet sera complémentaire pour confronter, dans une sorte de situation
inverse, les valeurs qui gouvernent le discours.
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