Ecrire l'oral
Partant de ces observations et de nos premières analyses,
comment envisager une analyse conversationnelle ?
A proprement parler, les retranscriptions que nous allons
présenter, n'ont qu'une représentativité limitée de
la conversation radiophonique. Elle est dépouillée des signes non
verbaux, même si nous tacherons d'en laisser apparaître certains.
Ainsi, des didascalies peuvent donner un indice du ton de la...
réplique. Ailleurs, des points de suspension, lorsqu'ils ne sont pas
entre crochets, ne signifient pas une coupure dans la retranscription mais
marquent les hésitations présentes dans l'oralité
originelle. En outre, les « euh », « t'as vu », « tu
sais », « tu vois » ou autres coupures de parole
matérialisées par les points de suspension d'une phrase non finie
sont des marqueurs d'un langage oral exprimant ses codes, ses significations
sociales, les propriétés de l'espace radiophonique dans lequel il
évolue. Ils ont une fonction phatique, ils servent à entretenir
le contact interlocutif, selon Jakobson.
Le passage de l'oral à l'écrit, s'il est
commode, demeure toujours approximatif et suppose parfois des
subjectivités infidèles tant le projet de retranscrire les signes
non verbaux en ponctuation est ardu, et lui-même empreint de la
subjectivité et de la capacité du dactylographe. Nous n'abuserons
donc pas avec certitude de la perception des tonalités dans la
conversation et le lecteur pourra confronter à ce propos le regard de
l'auteur avec le sien à l'écoute des bandes (disons plutôt
des mp3) des séquences qui nous intéressent ici.
Enfin, combinée aux différentes sciences de
l'information et de la communication que nous avons appréhendées
en première partie, l'ethnométhodologie sera un dernier
allié à superposer sur notre approche. Notre projet est
d'accorder un intérêt à la construction locale du discours,
sur l'antenne que nous avons définie, dans un cadre d'échange
singulier, pour comprendre pas à pas, les détails constitutifs de
la conversation, intentions des locuteurs et normes sociales, pour
comprendre la distribution de la parole, les statuts des
co-constructeurs, la pertinence du discours ainsi élaboré.
Notre propos portant sur l'analyse de la
skysolidarité en tant que tel, nous nous emploierons à
distinguer des phases dans la conversation, afin d'en tirer quelques
conclusions. Nous porterons ensuite notre regard sur les échanges
conversationnels pour en décortiquer le discours notamment afin de
déterminer les valeurs qui gouvernent cette
skysolidarité.
Le processus de skysolidarité
Vouloir comprendre le fonctionnement d'un processus discursif
nécessite pour notre tâche une retranscription écrite des
séquences sur lesquelles nous voulons travailler.
Ce travail, s'il est fastidieux, permettra néanmoins,
à l'inverse des séquences audio, un témoignage de
l'interrogation que nous voulons faire du corpus. Il sera un outil plus
maniable pour le travail d'étude, de prise de note, et manié pour
laisser apparaître les traces d'une première analyse (où
nous noterons au fur et à mesure nos observations de découpage
des grandes phases du processus, par exemple : « exposé et
évaluation du problème de l'auditeur », «
témoignage d'un auditeur »...) ; et qui, dans un second temps,
servira de corpus référentiel complémentaire, plus commode
pour l'occurrence, que les bandes son.
Il va s'agir de retranscrire à l'écrit les
conversations des séquences de notre corpus. Nous procèderons en
nommant tout d'abord chacune des séquences et en
référençant son jour et son heure de diffusion. Puis, nous
retranscrirons le dialogue à proprement parler en
précédent chaque intervention du nom de son auteur. Certains
passages, hors sujets, seront coupés, matérialisés par des
points de suspension ou une brève exposition de ce qui vient couper la
séquence, toujours entre crochets. L'usage des points de suspension,
sans crochets, dans la retranscription de la conversation ne signifie ainsi pas
une
interruption mais veut matérialiser une intonation de
la voix (hésitation...) ou le fait que la parole a été
coupée par l'interlocuteur suivant. D'autres signes de l'oralité
seront matérialisés, notamment par des didascalies, entre
parenthèses après le nom de l'interlocuteur, par exemple pour
exprimer son ton ou son attitude. Le souhait de ces procédés est
de conserver une proximité des plus fidèles avec la conversation
et son caractère oral dont tous les paramètres ne peuvent pas
apparaître à l'écrit. Nous devrons ainsi parfois avoir un
second recours à l'écoute des bandes son pour préciser un
propos. Par ailleurs, lorsque besoin sera, nous pourrons aussi contextualiser
les séquences en quelques lignes.
Afin de rendre possible la citation et la
référence, nous aurons ainsi pris soin de numéroter chaque
intervention de chaque séquence, afin de pouvoir y faire
référence selon le découpage à suivre (par exemple
: « à l'intervention 108 du cas 1 des sujets concernant le racisme,
nous pouvons noter... »). La référence citationnelle oblige
à cet exercice af in de rendre compte de façon rigoureuse et
vérifiable de l'exactitude du propos qui suivra dans l'étude. La
numérotation s'appliquera pour chaque intervention et non chaque ligne
pour rendre plus pertinents et commodes l'usage et la lecture de la
citation.
Ainsi, voici ces retranscriptions, pour les trois
catégories des huit sujets de notre corpus, séquences
après séquences, annotées de titres (en majuscule et en
gras) pour mettre en évidence les grandes phases communes à
chacune d'elles. Leurs libellés sont ceux-ci :
- exposé et évaluation du problème de
l'auditeur (ou de l'auditrice) appelant ;
- témoignage d'un, d'une ou de plusieurs membres de
l'équipe ;
- témoignage fictionnel1 d'un, d'une ou de
plusieurs membres de l'équipe ;
- témoignages d'auditeurs ou d'auditrices par messages
(SMS et internet) et points de vue de l'équipe ;
1 Par << fictionnel >>, on entendra << qui
s'imagine en situation sans l'avoir connue >>.
- témoignages d'auditeurs ou d'auditrices à
l'antenne1 et points de vue de l'équipe ;
- conclusions (et éventuellement perspectives)
Chaque intervention a été
numérotée (en marge gauche) de 1 à XXX pour chacune des
séquences. En repartant de zéro à chaque séquence
pour rendre compte du volume de chacune d'elle, respecter leurs
caractères propres et permettre leur utilisation individuelle.
Nous commencerons par les séquences ayant trait au
racisme, puis à l'homophobie et enfin, les intolérances du fait
de la religion/tradition. Cette disposition permet de respecter l'ordre de la
dominance de ces catégories, en commençant par la plus importante
(3 sujets).
1 C'est à dire par téléphone, en direct.
|