Il ne faut pas perdre de vue le caractère fondamental
de notre corpus : l'oralité. Nous nous intéressons ici à
des conversations radiophoniques entre les animateurs d'une émission et
certains de ses auditeurs, qui endossent pour l'occasion la
responsabilité de co-constructeurs directs du discours
élaboré à l'antenne.
L'analyse conversationnelle à laquelle nous allons
procéder demande que nous en proposions ici quelques fondements que nous
compléterons de caractéristiques de notre approche pratique.
- cognitive (contenu des signes linguistiques
échangés) ;
- indicielle (qui portent sur le locuteur dans le but de
définir et de contrôler le rôle qu'il joue durant la
conversation) ;
- injonctive (échangée par les participants pour
faire progresser la conversation, varier les locuteurs, aboutir à un
résultat).
Les moyens de communication de la conversation orale (ou
comportements) sont à considérer dans leur ensemble.
Appliqué à notre cas, nous distinguerons ainsi :
- les moyens linguistiques à proprement
parler (manifestation vocale : expressions singulières...) ;
1 Christian Baylon, Sociolinguistique,
société, langue et discours, Paris, Nathan
Université, 1996, p. 201 et suivantes.
- les moyens paralinguistiques (non-verbal :
ton de la voix, intonation, rythme... plus ou moins conscients, compris par les
membres d'une même culture1, et, il est vrai, peu perceptibles
dans une retranscription écrite) ;
- les moyens extralinguistiques (qui
échappent au contrôle du locuteur dans la conversation (ici
nécessairement vocal : la qualité de la voix, apporte des
renseignements biologiques, psychologiques ou sociaux sur le locuteur).
Nous devrons garder à l'esprit le contexte de la
conversation, soit ce que nous avons défini comme une libre antenne sur
une radio jeune de culture multicolore, largement écoutée dans
les grandes villes et leurs périphéries. Un contexte qui est
aussi du côté de l'auditeur lui-même (potentiellement
participant) celui qu'a peint Hervé Glévarec2, une
radio écoutée essentiellement seul, sur l'oreiller, par un
auditorat en demande de partage des expériences adolescentes.
La conversation est également à mettre en
relation avec un projet d'interaction sociale. Outre l'évidente et
nécessaire coordination de la langue, George Herbert Mead3
pointe du doigt que l'identité est construite par et à travers
l'interaction sociale. Plus que l'influence du langage, il s'agit donc aussi de
celle des codes et des comportements. Un concept d'interaction que nous
retrouverons chez Goffman, il n'est pas de « moi » mais des sois
différents selon nos interactions avec nos amis, y compris ceux qui sont
de passage, à la radio. L'image que l'on (se) donne, le comportement que
l'on adopte, les codes que nous utilisons (syntaxiques, lexicaux,
intonatifs...) dépendent des interactions que nous formons avec
l'ensemble des interlocuteurs avec qui l'on co-construit non seulement un
discours, mais aussi sa propre opinion, son imaginaire, son personnage, sa
personnalité, son identité.
1 Christian Baylon, op. cit., p. 203
2 Hervé Glévarec, op cit, 2005.
3 George Herbert, Mead, Mind, self and society,
University of Chicago press, 1962.