Le collectionneur: un acheteur, un consommateur( Télécharger le fichier original )par Adil Elkhoutabi Université Mohamed V - Agdal - Rabat - Ecole Doctorale de Gestion 2006 |
Mai 2006PLAN Introduction Partie 1 : Le profil du collectionneur
A. Caractéristiques du collectionneur B. Les compétences du collectionneur Partie 2 : Le comportement d'achat du collectionneur
A. Délibération et décision B. Achat, consommation et satisfaction Conclusion INTRODUCTION« Il faut tout garder il ne faut rien jeter pour retarder la mort » J.C Averty Fait incontestable, il y a tant d'objets sur notre planète qu'une vie ne réussirait pas à les répertorier tous. Aussitôt produits, aussitôt achetés, consommés, échangés ou collectionnés. Nous vivons dans un univers d'objets et chacun le parcourt à sa manière, selon des usages et des coutumes différents. Nous nous entourons d'objets par besoins, qu'ils soient utilitaires, affectifs, intellectuels, religieux... et ceux que nous choisissons portent une marque, celle de notre identité. Ne nous attardons pas à la nature de ces objets mais à un système qui nous lie à eux, la collection. Ma motivation face à cette activité a été d'éclaircir certains comportements humains qui s'y rattachent. C'est pourquoi je vous propose de l'aborder. Le sujet est si vaste et si complexe qu'il vaut mieux ne pas se perdre de vue. Le comportement des collectionneurs a fait l'objet de réflexions et d'études chez les philosophes, les psychologues et les médecins. Ceux-ci distinguent la collectionnomanie, qui n'est autre que la manie du collectionneur, et le collectionnisme, qui est le besoin pathologique de rassembler des objets hétéroclites et inutiles, caractéristique de certaines formes de névrose obsessionnelle. Quelques études ont exploré le comportement du collectionneur du point de vue marketing et plus spécialement autant que comportement d'un consommateur très particulier. La passion du collectionneur présente des degrés plus ou moins fort, allant de l'engouement passager lié à une mode, au syndrome appelé "collectionnisme" qui rend le sujet lui même malheureux, face à une passion qui le dévore. Avant de présenter une introduction au sujet, essayons de trouver une représentation commune au mot « collectionneur » : Dans le Larousse, le collectionneur est une personne qui se plaît à collectionner, qui fait une ou des collections. Avec l'origine même du mot, nous avons ce qui correspond à une définition possible : Le vieux français nous dit que collectionner c'est réunir. Et nous dirons alors qu'une collection c'est une réunion d'objets sur un même thème. Une telle définition nous conduisant donc à parler de collections pour une passion typique : La recherche de la perfection pour un objet particulier. Au sens ou non seulement le collectionneur c'est celui qui regroupe ce qui était dispersé (une collection étant composé d'objets liés par un point commun), mais surtout que le but c'est qu'un jour, de cette dispersion, il n'en soit plus question : Réunion finale, collection fini. Nous pouvons donc dire du collectionneur qu'il se fait fort de grouper l'ingroupable, de créer un ordre (limité) à l'univers qui l'entoure. LE STATUT DE L'OBJET Quelque chose manque, quelque chose fait défaut à l'être humain, ce manque c'est celui qui alimente les activités humaines, sans manque pas de désir, c'est parce qu'il y a du vide (à combler) que l'homme cherche la richesse, la célébrité, l'acquisition d'objets, de savoir, de partenaires etc. L'éventail des objets comblants est infini, chacun orientant ses recherches en fonction de sa personnalité, (c'est à dire de l'addition entre son histoire personnelle et le monde il évolue). Le sujet humain investit des objets divers, avec pour espoir que ces objets là le comble, c'est à dire qu'ils lui permettraient enfin de n'avoir plus de manques, fantasme auquel il s'accroche tout en se doutant bien du fait qu'il n'est pas réalisable pour la simple raison que ce qui manque à l'homme est incomblable. C'est sur cette caractéristique que repose notre société de consommation, la publicité sacralisant les choses exposées comme étant, non pas la clef d'un paradis Chrétien (qu'elles ont remplacé dans le plaisir tout de suite, a crédit), mais le paradis même. Idéal dont peu de personnes ne déclarent être dupes mais qui continuera d'agir au delà des discours, de façon réflexe, bref inconsciente. Il y a l'objet et il y a le manque, de ce manque propre à l'homme naît la demande, demande que ce manque soit comblé, l'objet prend place comme bouchon, mais parce que justement ce qui manque à l'humain est au delà des choses, jamais ces choses ne sont pleinement satisfaisantes, au sens ou si elles l'étaient, l'homme cesserait sa recherche perpétuelle d'autres choses, d'autres objets que ceux animant nos contemporains dans les centres commerciaux le dimanche et les autres jours. De ceci le collectionneur ne s'écarte pas vraiment, lui aussi donne a l'objet une valeur qui dépasse la valeur de l'objet, il suffit de fréquenter quelques collectionneurs pour constater le faible intérêt que suscite en nous ces stocks qui pour eux sont des trésors, noeud de leur passion. Il pourrait d'ailleurs sembler à première vue que ce noyau (le stock) est le moteur de l'activité frénétique du collectionneur : Ne nous y trompons pas ! Ce qui épuise le collectionneur ce n'est pas ce qu'il possède déjà mais plutôt ce qu'il rêve de posséder, mais alors que le quidam consommateur navigue d'un achat à l'autre espérant sans trop y croire que sa frénésie trouvera dans cette diversité le bouchon qui lui faisait défaut, le collectionneur lui, ne cesse de le dire, il sait précisément ce qu'il lui manque !, les listes (toujours renouvelées) d'objets recherchés, diffusées dans le monde entier l'attestent : Le collectionneur ne semble avoir aucun doute quand à l'objet de son désir.
L'OBJET COMME SYMBOLE Dire qu'il y a toujours un écart entre le manque et la demande signifie que ce qui manque à l'homme n'est jamais comblé parce que ce qu'il demande et obtient, l'objet acquit, n'est jamais le bon et le désir se poursuit donc, inlassablement. Si l'objet demandé n'est pas vraiment ce qui manque, on peut dire qu'il prend alors place de "bouche trou", c'est à dire qu'il n'est qu'une métaphore, symbolisant le Manque. L'acquisition de voitures puissantes par nos contemporains, dépassant les vitesses autorisées, est bien l'exemple de cet autre chose que peut représenter pour l'acquéreur, un gros bolide. Là où réside le symbole, le langage n'est pas loin, si je vous demande de penser à un "arbre", le mot évoquera un membre de l'espèce végétale mais chacun imaginera son arbre. Il en est de même pour l'objet collectionné, il s'inscrit comme un symbole parce qu'il représente toujours autre chose, insaisissable. Ce qui anime ce collectionneur de timbres, ce n'est pas ces rectangles de papiers dentés à 2,5 DH, mais quelque chose d'un au delà, qui a autant à faire avec l'environnement social qu'a l'histoire du sujet. COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR COLLECTIONNEUR Les collectionneurs sont véritablement des acheteurs et consommateurs très particuliers. Ils sont obsédés par la découverte et l'acquisition d'objets nouveaux, et ne peuvent eux-même expliqués ce besoin fondamental, comparable à la faim, qui peut être assouvi mais jamais gommé. Leur comportement et la nature de leur passion sont souvent caractérisés par l'alternance de phase d'euphorie, d'allégresse et de phase de tension, de détresse, de doute, de culpabilité. Cette passion est capable d'emmener certains vers la dévastation de leur vie entière : profession, famille, obligations et responsabilités sociales ... Une collection est le choix, la réunion et la conservation d'objets qui ont une valeur subjective. Le collectionneur, comme le croyant, attribue un pouvoir et une valeur aux objets parce que leur présence et leur possession ont une fonction réparatrice, palliative, protectrice face à l'anxiété et l'incertitude. Selon l'enquête sur « Les Pratiques Culturelles des Français » sortie en 1990, 23% des habitants de l'hexagone de plus de 15 ans déclarent réaliser une collection, dont environ la moitié s'en occupe au moins une fois par mois. Les collectionneurs français ont principalement entre 15 et 19 ans (41% d'entre eux) même si cette pratique est de moins en moins caractéristique du monde des jeunes (14% des plus de 60 ans en 1989, 7% en 1973). Elle est dominée par les hommes aux CSP1(*) les plus élevées, habitant dans les grandes villes. Que collectionne t'on ? De tout. Des timbres principalement (8% des Français), suivis des cartes postales, des pièces et médailles. On note cependant que l'activité de collectionner s'est, au cours de ces dernières années, diversifiée en s'appliquant à de nouveaux domaines ou objets. L'accumulation d'objets hétéroclites peut aussi être vue comme une manière de rejeter la société de consommation. Les amasseurs compulsifs luttent inconsciemment contre l'idée qui veut qu'une fois utilisé, passé de mode, un objet soit jeté. La rétention est anormale dans une société où les objets ne sont pas conçus pour être gardés et les relations à ces objets doivent rester indifférentes. * 1 CSP : Classe SocioProfessionnelle |
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