Annexe n°4
Index des sigles
CECEF Conseil d'Églises chrétiennes en France
CESEDA Code de l'entrée et du séjour des
étrangers et du droit d'asile
CFCM Conseil français du culte musulman
CGT Confédération générale du
travail
CIMADE Service oecuménique d'entraide
COMECE Commission des épiscopats de la communauté
européenne
CPE Contrat première embauche
CRIF Conseil représentatif des institutions juives de
France
DOM Département d'outre-mer
FN Front national
FO Force ouvrière
GISTI Groupe d'information et de soutien des travailleurs
immigrés
INSEE Institut national de la statistique et des
études économiques
LDH Ligue des Droits de l'Homme
LMSI Les mots sont important (collectif)
MRAP Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des
peuples
MST Maladie sexuellement transmissible
PCF Parti communiste français
PRG Parti radical de gauche
PS Parti socialiste
RESF Réseau éducation sans frontière
RPR Rassemblement pour la France
SMIC Salaire minimum interprofessionnel de croissance
SOFRES Société française d'études par
sondages
TOM Territoire d'outre-mer
UDF Union démocratique française
UMP Union pour un Mouvement Populaire
UNEF Union nationale des étudiants de France
Annexe n°5
Extraits de la présentation du projet de loi par
Mr Nicolas Sarkozy, Ministre d'État, ministre de l'intérieur et
de l'aménagement du territoire
Monsieur le président, monsieur le président de
la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les
députés, depuis cinq semaines, le projet de loi relatif à
l'immigration et l'intégration est entre vos mains. Je voudrais vous
dire dans quel état d'esprit j'aborde la discussion qui s'ouvre
aujourd'hui devant la représentation nationale.
Ma conviction est que, dans une démocratie moderne,
l'immigration n'est pas un sujet tabou. Dans tous les pays d'Europe,
l'immigration est considérée pour ce qu'elle est : un sujet
de société, une question politique majeure, engageant l'avenir
d'une nation. Dans toutes les démocraties, il est permis d'en
débattre, sans avoir à s'excuser d'un débat
extrêmement nécessaire. Et, par-dessus tout, dans toutes les
démocraties d'Europe, il est permis d'agir, en ne craignant pas, s'il le
faut, de remettre plusieurs fois l'ouvrage sur le métier.
Ainsi, le gouvernement socialiste de Tony Blair a
réformé à quatre reprises la législation
britannique sur l'asile et l'immigration, sans qu'on ait dit pour autant que la
Grande-Bretagne n'était plus une démocratie. L'Espagne a
changé trois fois sa loi sur l'asile et sur l'immigration depuis 2000,
et il ne serait venu à l'idée de personne de dire que l'Espagne
n'était plus une démocratie. Une profonde réforme du
système allemand, conçue par le gouvernement socialiste et vert
de M. Schröder, est entrée en vigueur le 1er janvier 2005.
Dans ces grands pays européens, la réforme de
l'immigration a donné lieu à une confrontation de projets,
à un vrai débat d'idées, à la fois passionné
et rationnel : un débat pleinement démocratique et
politique. Ce débat sur l'immigration, je veux qu'il ait aussi lieu dans
notre pays, car les Français l'attendent, ils l'exigent.
Et quand les partis républicains n'ont pas le courage,
à gauche comme à droite, de s'occuper d'un sujet qui est au coeur
des préoccupations des Français, il ne faut pas se plaindre que
les extrêmes prennent la place qu'ils ont désertée.
Voilà la réalité politique de notre pays depuis des
décennies ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union
pour un mouvement populaire.) Les Français nous demandent de regarder
cette réalité en face. Jamais le fossé n'a
été aussi grand entre le discours de certaines élites et
la réalité, telle qu'elle est perçue par nos
compatriotes.
Selon un sondage de la SOFRES publié par Le Monde en
décembre 2005, 63 % des Français estiment qu'il y a trop
d'immigrés en France. Parmi ces 63 % de Français, 50 %
sont des électeurs de gauche. Plutôt que de leur reprocher de
penser ce qu'ils pensent, il me semble plus utile d'essayer de comprendre
pourquoi ils pensent ainsi et de leur apporter des réponses.
Je suis convaincu que l'immense majorité de nos
compatriotes n'est ni raciste ni xénophobe, qu'ils exècrent le
racisme et la xénophobie. Mais reconnaissons les choses telles qu'elles
sont : pour beaucoup de Français, l'immigration est une source
d'inquiétude qu'il nous faut prendre en compte. Ils y voient une menace
pour leur sécurité, leur emploi, leur mode de vie. Les
Français qui pensent de la sorte sont aussi respectables que les autres.
Il faut comprendre les attentes de cette majorité silencieuse, pour qui
l'immigration est d'abord une réalité quotidienne.
Nos compatriotes savent que l'immigration présente
d'immenses avantages pour la vie de la cité. Dans l'échange avec
le migrant, il y a l'apprentissage de la diversité, le goût de la
différence, le sens de la tolérance.
Il y a le meilleur. Mais il y a aussi le pire, produit par
trente années d'une immigration non gérée : les
cités ghettos, les squats qui brûlent, les
phénomènes de bandes et les violences urbaines. Ne pas tenir
compte de cette réalité, c'est accepter que l'extrême
droite soit dans notre pays depuis vingt-cinq ans à un niveau qu'aucun
autre pays démocratique ne connaît. C'est une question
posée à toute la représentation nationale.
Les Français savent que les violences qui ont
éclaté dans nos banlieues à l'automne dernier ne sont pas
sans rapport avec l'échec consternant de la politique d'immigration et
d'intégration.
Cet échec se traduit par une réalité
douloureuse : des enfants nés en France se sentent moins
français que leurs grands-parents qui étaient pourtant
étrangers.
Cette réalité, nous devons la regarder en face
et en tirer toutes les conséquences.
Notre système d'intégration ne fonctionne
plus !
La vérité, c'est que les vingt-sept nuits
d'émeutes, que nous avons subies en octobre et novembre, sont
directement le produit de la panne de notre système
d'intégration, qui n'intègre plus personne !
La vérité, c'est que les étrangers les
plus récemment arrivés dans notre pays sont les premières
victimes de notre incapacité collective à maîtriser
l'immigration. Je pense, bien sûr, aux incendies dramatiques des 25 et
29 août 2005, à Paris, qui ont causé la mort de
vingt-quatre personnes originaires d'Afrique. Je garde en mémoire, alors
que j'étais aux côtés du maire et des élus de Paris,
ces enfants allongés sur des civières, que nous pensions endormis
alors qu'ils étaient morts, asphyxiés, tués par la
misère.
Personne, sur aucun banc de cette assemblée, ne peut
considérer que ces squats, où s'entassent des malheureux sans
avenir à qui l'on a fait croire qu'ils auraient un logement et un
travail, témoignent d'un système d'intégration qui
fonctionne. Nous refusons des gens pour qui nous avons un travail, mais nous
acceptons des malheureux pour lesquels nous n'avons ni logement ni travail et
qui terminent dans des squats qui prennent feu au mois d'août dans la
capitale de la France.
Voilà la réalité et elle n'est glorieuse
pour personne !
La vérité, c'est que des familles
entières d'immigrés sont hébergées dans des taudis
et que leurs enfants, qui ne peuvent faire leurs devoirs scolaires dans des
logements trop exigus, sont bien souvent laissés à
eux-mêmes dans la rue.
Face à cette réalité, les Français
ne supportent plus les oppositions politiques frontales qui n'ont aucun sens
sur un sujet de cette importance et de cette complexité.
Les Français refusent d'être prisonniers de deux
extrémismes : l'immigration zéro d'un côté,
l'immigration totale de l'autre.
L'immigration zéro est un mythe dangereux. Je rejette
de la manière la plus nette le poncif habituel des mouvements
d'extrême droite selon lesquels il existerait des cultures "impossibles
à intégrer" et qui prêchent le concept totalement mensonger
de l'immigration zéro qui est contraire à l'histoire de la
France, à son identité, à ses traditions. D'ailleurs, au
cours l'histoire, si certaines sociétés se sont
effondrées, c'est davantage en raison de la consanguinité, du
repliement et de la fermeture que de l'ouverture et de la politique de la main
tendue. L'immigration zéro n'est en aucune manière et d'aucune
façon la politique que je vous propose au nom du gouvernement de la
France. La France n'a pas vocation à être repliée sur
elle-même, derrière on ne sait quelle ligne Maginot ! La
consanguinité serait synonyme de déclin national.
Mais pas plus que l'intolérance des partisans de
l'immigration zéro, je n'accepte l'autre extrémisme. Je ne crois
pas que les hommes soient interchangeables, que les frontières soient
illégitimes, et que l'on puisse faire table rase de son passé et
de sa culture.
Je refuse, avec la plus grande fermeté, les
opérations globales de régularisations d'étrangers sans
papiers, comme les gouvernements de François Mitterrand et Lionel Jospin
les ont pratiquées en 1981, 1990 et 1997. En dix ans, nous avons connu
trois opérations de régularisations qui ont abouti au
désastre que nous connaissons aujourd'hui. Ce n'était donc pas la
solution au problème de la France !
Ces opérations de régularisations massives sont
très dangereuses, car elles ont un effet d'appel d'air. Le migrant
régularisé fait venir sa famille. Il indique à ses amis,
dans son village, que l'émigration vers la France est possible. Des
filières se créent. Et, dans les pays d'origine, le signal est
bien reçu : la frontière est ouverte ! L'incarnation de
cette absence de conviction et de politique a été Sangatte, qui a
abouti à un déferlement de misère dans le Calaisis,
misère à laquelle nous avons dû mettre un terme.
Les Espagnols le savent bien, qui ont régularisé
570 000 clandestins au premier semestre 2005. Cela n'a fait qu'encourager
les milliers de malheureux migrants africains qui traversent le Sahara dans
l'espoir d'obtenir des papiers en Espagne, avant de se heurter aux
barbelés scandaleux de Ceuta et Mellila. La régularisation
générale suscite la migration clandestine. Voilà la
réalité à laquelle nous sommes confrontés !
Les Italiens le savent, eux aussi, qui régularisent tous les deux ou
trois ans des centaines de milliers de personnes. Mais il en entre toujours
plus. Et il faut donc régulariser davantage !
Ne nous y trompons pas : les régularisations
décidées en France ont beaucoup contribué à la
confusion et au désordre. Renouer avec ces pratiques fragiliserait
considérablement notre pacte social. J'ai été heureux
d'entendre un homme de la qualité de M. Strauss-Kahn
répondre à l'irresponsabilité de M. Fabius qui
appelait à la régularisation générale.
La France est trop fragile pour subir cette épreuve.
Cela ne signifie pas que je sois hostile à toute régularisation,
et j'y reviendrai au cours de nos débats. Mais je refuse, avec une
totale détermination, les fausses solutions dictées par le
simplisme et par l'aveuglement.
Pour la première fois sous la
Ve République, un ministre est responsable de l'ensemble des
questions de l'immigration. Chargé de coordonner les différentes
administrations compétentes dans ce domaine - intérieur, affaires
étrangères, affaires sociales -, j'ai pu préparer, depuis
juin dernier, le texte qui vous est soumis aujourd'hui.
J'ai la conviction que c'est un texte équilibré.
Il est ferme à l'endroit de ceux qui ne respecteront pas les
règles. Il est juste à l'égard des personnes qui demandent
à venir en France en suivant les règles d'admission que nous
fixons pour tous.
Nous devons avoir l'exigence de justice.
Par ailleurs, les dispositions concernant le séjour des
étrangers malades ne doivent pas être remises en cause. Je
n'accepterai aucun amendement qui modifierait sur ce point la
législation équilibrée qui est aujourd'hui la nôtre,
même si j'aurai l'occasion d'expliquer qu'il nous appartient, sans
changer la loi, de lutter contre certaines fraudes particulièrement
choquantes.
La meilleure preuve de l'équilibre du projet de loi, me
semble-t-il, est qu'il fait l'objet d'attaques virulentes aussi bien de la part
de l'extrême droite, qui m'accuse de laxisme, que de certaines franges de
la gauche, qui m'accusent de xénophobie.
D'une certaine manière, je me félicite de ces
critiques.
Elles indiquent, à n'en point douter, que la voie
médiane a été trouvée.
Depuis quatre ans, le Gouvernement s'est efforcé de
redresser la barre d'un navire à la dérive.
En mai 2002, la situation que j'ai trouvée
était dramatique. La gestion hasardeuse de l'immigration faisait des
ravages. Les demandes d'asile avaient quadruplé en cinq ans :
20 000 en 1997, 82 000 en 2002. La zone d'attente de Roissy
débordait de tous les côtés. Le hangar de Sangatte se
présentait, dans toute l'Europe, comme le symbole honteux du chaos
migratoire français. Et aucun ministre des gouvernements socialistes
n'avait jugé utile de rendre visite aux malheureux de Sangatte !
Quant aux flux d'immigration régulière, ils s'étaient
accrus d'un tiers en cinq ans : 120 000 en 1997, 160 000 en
2002.
En votant la loi du 26 novembre 2003, vous avez
donné au Gouvernement de nouveaux outils de lutte contre l'immigration
irrégulière. Je n'en ferai pas aujourd'hui le bilan, car vous le
connaissez.
[...]
L'immigration « pour motif familial »
occupe une place très importante dans les flux migratoires.
Près de la moitié des cartes de séjour
sont délivrées à ce titre - 82 000 en 2005. Chez nos
partenaires européens, le niveau de l'immigration familiale est bien
inférieur : 66 000 en Allemagne, qui compte 20 millions
d'habitants de plus que nous, et 35 000 en Grande-Bretagne, qui a le
même nombre d'habitants que nous.
Que l'on me comprenne bien : je ne dis pas qu'un
immigré ne doit pas avoir le droit de faire venir sa famille en
France.
Je suis trop attaché à notre tradition
humaniste.
Je suis trop attaché au principe constitutionnel de
protection de la vie familiale. Je suis trop respectueux de nos engagements
européens. D'ailleurs, l'idée ne viendrait à personne de
contester à un père le droit de vivre avec sa femme et ses
enfants.
Mais je voudrais que les choses soient claires : c'est au
pouvoir politique, au Gouvernement et au législateur, de définir
dans quelles conditions s'applique en France le droit à la vie
privée et familiale. Il ne saurait y avoir, pour toutes les familles de
par le monde, un droit absolu et inconditionnel à s'installer en France
sans aucun projet d'intégration, sans aucun travail, sans logement digne
et sans perspective.
La répartition des flux migratoires est d'autant plus
illogique en France que l'immigration pour motif de travail reste à un
niveau marginal : 11 500 cartes de séjour ont
été délivrées à ce titre en 2005, ce qui
signifie que nous ne sommes pas capables d'accueillir des migrants pourvus d'un
emploi et contribuant à la croissance.
Nous sommes en réalité plongés dans un
système totalement paradoxal depuis trente ans. Au prétexte de
protéger l'emploi national, on a verrouillé, par un
système de contrôles a priori, effectués par
l'administration du travail, l'introduction en France d'étrangers
pourvus d'un emploi. Et, dans le même temps, contre toute logique, on
laisse entrer dans notre pays un flux croissant d'immigration familiale qui
déséquilibre fortement le marché du travail en faisant
venir des étrangers, la plupart du temps très peu
qualifiés et peu intégrés. C'est le contraire de ce qu'il
convient de faire : on ferme la porte à ceux qui ont un travail,
alors qu'on l'ouvre à ceux qui n'ont ni travail ni formation ni
perspective.
Ce système est absurde. C'est là, je crois, une
source essentielle du malaise français. Toute notre ambition doit
être d'en sortir au plus vite.
Il faut donc transformer profondément la politique
d'immigration. Je n'ai pas peur de le dire à ceux qui me font le
reproche de venir une deuxième fois devant le Parlement pour
présenter un projet de loi : j'ai bien conscience que la loi de
2003 n'a été que la première étape de la
transformation de notre politique d'immigration.
[...]
Il ne s'agit donc pas pour nous de transposer en France un
exemple étranger, mais de définir ensemble un nouveau
modèle français de l'immigration. Je vous propose de le faire en
partant de trois principes fondamentaux : l'immigration choisie,
l'affirmation d'un lien entre intégration et immigration, et le
co-développement.
Le premier principe est celui de l'immigration choisie.
Je revendique cette expression qui n'est pas la mienne, mais
celle qu'a retenue la Commission européenne de Bruxelles, qui recommande
à tous les États membres d'adopter une même politique de
l'immigration fondée sur l'immigration choisie.
Ceux qui combattent ce terme ne peuvent pas se
prétendre européens puisque c'est précisément cette
politique que préconise la Commission.
Ma conviction est que, comme toutes les grandes
démocraties du monde, la France doit pouvoir choisir non seulement le
nombre des migrants qu'elle accueille, mais aussi les objectifs et les
conditions dans lesquels elle le fait.
L'immigration choisie est le contraire de l'absence
d'immigration. C'est aussi le contraire de l'immigration subie - subie par les
Français et par des migrants qui ne trouvent en France que
l'échec. Elle crée d'abord la possibilité pour
l'État de fixer des objectifs quantifiés d'immigration afin de
déterminer la composition des flux migratoires, dans
l'intérêt de la France comme dans celui des pays d'origine.
Mais l'immigration choisie, c'est aussi le refus de la
fatalité et la volonté déterminée de lier
l'immigration aux capacités d'accueil de notre pays.
C'est un système dont les règles sont claires et
prévisibles, pour les Français comme pour les migrants. C'est un
système où le candidat à l'immigration en France doit
être autorisé à venir s'y installer avant son entrée
sur notre territoire. Rien de plus logique à cela : pour venir
s'installer en France, pour venir y étudier, y travailler ou rejoindre
sa famille, il faut que la République soit d'accord et qu'elle signifie
clairement au migrant, dans son pays, qu'elle est prête à
l'accueillir.
Il ne s'agit donc pas d'un système élitiste qui
n'accepterait en France que des étrangers extrêmement
qualifiés. C'est une immigration régulée, d'autant mieux
acceptée par nos compatriotes qu'ils auront conscience de sa
contribution positive à la vie de notre nation.
Et cette immigration ne sera réussie, en
vérité, que si les immigrés parviennent à
s'intégrer à la société qui les accueille.
D'où le deuxième principe de cette
réforme : l'affirmation d'un lien étroit entre
l'intégration et l'immigration.
Je veux rompre, à cet égard, avec des
décennies de faux-semblants.
Des experts, ou prétendus tels, osent encore affirmer
que les questions d'immigration et d'intégration doivent être
dissociées. Pour ne pas stigmatiser les nouveaux arrivants, nous dit-on,
il importerait de ne pas les considérer comme des migrants et de les
prendre en compte, au mieux, dans le cadre de la politique de la ville.
Cela n'a aucun sens. Et cela explique d'ailleurs pourquoi la
politique de la ville a connu son lot d'échecs. Ma philosophie est tout
autre : pour moi, il ne fait aucun doute que l'immigration et
l'intégration sont deux enjeux étroitement imbriqués. Et
cela, pour une raison évidente : faire entrer en France un grand
nombre de migrants sans se donner les moyens de les accueillir et d'organiser
leur insertion dans la société française conduit à
des situations explosives.
L'intégration est un processus long, complexe et
coûteux, qui met en jeu les équilibres de notre pacte social. Ce
que nous voulons, c'est obliger les étrangers qui veulent s'installer
durablement ou définitivement en France à faire les efforts
indispensables pour s'intégrer.
Il n'y a pas que la société qui accueille, qui
doive faire des efforts. Celui qui veut être intégré doit
aussi se donner du mal pour être accepté.
Je pose la question : comment pourrait-on espérer
s'intégrer en France sans parler un mot de français ?
Comment, dans de telles conditions, trouver un travail, organiser une vie
sociale ou élever ses enfants ? C'est impossible, bien entendu.
Désormais, pour obtenir un droit au séjour
durable, il faudra manifester sa volonté de s'intégrer en faisant
l'effort nécessaire pour apprendre notre langue. Si l'on n'apprend pas
le français, on n'a pas vocation à rester durablement sur le
territoire de la République française.
Il faudra aussi - c'est bien le moins - s'engager à
respecter les lois et les valeurs de la République. Si on ne le veut
pas, on n'a pas vocation à être accueilli et à demeurer en
France.
Et il faudra respecter cet engagement, car, si les
étrangers ont des droits, ils ont aussi des devoirs.
Le premier d'entre eux est d'aimer le pays qui les accueille
et de respecter ses valeurs et ses lois. Sinon, rien n'oblige celui qui n'aime
pas notre pays, qui ne respecte pas ses lois et qui n'apprécie pas ses
valeurs à y demeurer !
Le moins qu'on puisse demander à quelqu'un qui veut
être accueilli en France, c'est d'aimer la France et de la respecter.
Annexe n°6
Extrait d'une question préalable au débat
déposée par le Parti socialiste
M. Serge Blisko. Monsieur le président,
monsieur le ministre délégué à l'aménagement
du territoire, mes chers collègues, c'est avec un sentiment de tristesse
et d'angoisse que je tiens ce projet de loi entre mes mains. L'objet de la
question préalable est de savoir s'il y a lieu de
délibérer, comment et sur quoi. Je vais tout de suite vous livrer
ma conclusion : mieux vaudrait rejeter ce projet de loi d'emblée
tant celui-ci fait appel à des analyses fausses et repose sur une
idéologie pour le moins troublante. Je vais essayer de vous en
convaincre.
Ce projet de loi est d'abord fait pour servir vos
intérêts électoraux en instrumentalisant l'immigration, qui
n'est pas une problématique facile, nous le savons tous.
Je pourrais vous reprocher aussi votre manque d'imagination, y
compris dans les slogans. Il y a dix jours M.
Sarkozy déclarait : « si certains n'aiment pas la
France, qu'ils ne se gênent pas pour la quitter ».
M. Bernard Roman. Scandaleux !
M. Serge Blisko. Ce n'est que la traduction de
la formule de la vieille droite réactionnaire américaine :
« America : love it or leave it ».
Vous n'avez rien inventé. Mais vous avez
commencé à attiser la xénophobie et à
développer le mythe récurrent de l'étranger
délinquant, fraudeur, voire criminel. Or il n'y a rien de pire dans ce
domaine que de jouer sur les fantasmes et les peurs. Nous le savons
assez : depuis vingt ans, le débat politique est empoisonné
par cette question. Toutefois, ce projet de loi marque un changement radical
dans la perception de l'immigration et des immigrés.
Le problème, monsieur le ministre, c'est que ce n'est
pas seulement une carrière ou un score dans les sondages qui sont en jeu
aujourd'hui, mais la vie de milliers de personnes. Ce texte, en tout point
déshumanisant, condamne des familles entières à
l'instabilité, à la précarité, à la
clandestinité. Il ne répond en rien à la
problématique extrêmement complexe des flux migratoires. Il entend
traiter un stock, gonflé de façon imaginaire, mais sa seule
efficacité sera d'augmenter le nombre des situations humaines
intolérables.
Ce projet de loi se caractérise d'abord par une
obsession du chiffre. Il ne résulte pas d'un travail
sérieux : ni bilan, ni mise en perspective, ni écoute des
différents acteurs alors qu'il s'agit d'un domaine très
controversé où les chiffres diffèrent selon les instituts
et centres d'études, si sérieux soient-ils. Mais je crains que le
seul calcul qui prévale ici soit le calcul électoral.
Vous adoptez une méthode comptable en
considérant les immigrés sous le seul angle de leur
utilité économique et sociale, en les classant en
catégories statistiques. Vous croyez convaincre par ces chiffres et ces
classifications mais ceux-ci ne peuvent cacher l'absence d'humanité de
vos objectifs.
Le calcul politique prévaut. Sans attendre
l'application intégrale de votre première loi du 26 novembre
2003 et sans en tirer un premier bilan, vous nous soumettez un nouveau texte.
Mais nous n'avons pas trouvé d'explication convaincante à cette
soixante et onzième révision de l'ordonnance de 1945 sur
l'entrée et le séjour des étrangers, à laquelle
vous mêlez, de façon inappropriée, le droit d'asile.
Permettez-nous dès lors de nous interroger sur l'opportunité de
votre démarche.
L'élaboration de votre projet s'est
caractérisée par l'absence de consultation préalable des
organisations syndicales, alors que les conditions de l'immigration liée
au travail sont profondément modifiées. Le ministère des
affaires sociales, premier concerné, en particulier par la
réforme des centres d'accueil pour demandeurs d'asile, n'a, quant
à lui, eu son mot à dire que bien tardivement.
Vous n'avez pas consulté non plus la Commission
nationale consultative des droits de l'homme, la CNCDH. Dois-je ici vous
rappeler l'engagement qu'a pris le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, le
3 octobre 2002, de saisir cette commission de tous les projets du
Gouvernement dès lors qu'ils auraient une incidence directe sur les
droits fondamentaux que les citoyens se sont vu reconnaître par les lois
et par les traités internationaux ratifiés par la France ?
En 2003, cette instance avait d'ailleurs dû s'autosaisir. Elle indiquait
dans son avis du 15 mai de la même année :
« l'on ne saurait borner la politique d'immigration à sa seule
dimension policière tant il est vrai que le développement des
flux migratoires est dans la nature d'un monde de plus en plus
globalisé. La Commission s'interroge sur la pertinence d'une approche
qui tiendrait pour acquise la liberté des échanges commerciaux,
financiers et de l'information, tout en astreignant les hommes à
résidence dans leurs propres pays. » Elle avait aussi
relevé une « suspicion trop fréquente à
l'égard des étrangers ainsi qu'un manque de moyens administratifs
particulièrement criant ». On ne saurait mieux dire. Depuis 2003,
je le crains, rien n'a changé.
Vous êtes pressés, trop pressés. Le projet
de loi présenté ici ne tient pas compte non plus des
recommandations du rapport de la commission d'enquête sénatoriale
sur l'immigration clandestine. Et pour cause, me direz-vous, ce rapport n'est
paru que le 7 avril 2006 alors que votre projet de loi a été
déposé le 29 mars.
M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des
lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration
générale de la République. Eh oui !
M. Serge Blisko. Mais n'aurait-il pas
été plus prudent et plus respectueux pour le Parlement d'attendre
les conclusions des sénateurs avant de légiférer ?
M. le rapporteur a pour sa part beaucoup consulté
les associations et les organisations syndicales, je le reconnais volontiers,
...
M. Thierry Mariani, rapporteur.
Merci !
M. Serge Blisko. ...mais le projet a
été très peu modifié.
Alors même que l'immigration est une question difficile,
nécessitant un réel débat, vous avez ignoré tous
les avis. Loin du dialogue ou du réalisme, vous avez refusé
délibérément de prendre en compte les avis et les
conclusions d'instances légitimes qui, depuis vingt ans, tentent de nous
éclairer dans ce débat.
L'immigration est vue à travers le prisme comptable.
Depuis 2003, vous dites que les chiffres s'améliorent en citant, par
exemple, l'augmentation des reconduites à la frontière. Mais nous
savons bien que ces chiffres sont spécieux. Ces reconduites s'effectuent
en majorité dans deux ou trois départements d'outre-mer ou
collectivités, comme Mayotte. De plus, le problème ne se
résout pas en mettant toujours plus de personnes dans les avions pour
les renvoyer dans leur pays d'origine.
Je vais donner un exemple pour illustrer la détestable
méthode Sarkozy, qui consiste à lancer dans la presse des
chiffres avant même qu'ils ne soient vérifiés pour
finalement taire pudiquement la suite des événements, en
particulier lorsque ces chiffres sont infirmés.
M. Sarkozy a ainsi annoncé en novembre 2005,
au moment des émeutes urbaines, que 120 étrangers, en
situation régulière ou non, devaient être condamnés
pour violence et faire l'objet sans délai de mesures d'expulsion.
M. Bernard Roman. Il n'y en avait
qu'un !
M. Serge Blisko. En réalité, ces
120 personnes citées étaient interpellées et non
condamnées. Et finalement, sept jeunes sont concernés dont un
seul est expulsé.
M. Bernard Roman. Il faudra que le
Gouvernement donne des explications à ce sujet !
M. Serge Blisko. Encore une fois, il
s'agit d'un effet d'annonce sans suite. Heureusement d'ailleurs, car voir cent
vingt jeunes chassés de notre pays aurait été
insupportable. Voilà la démonstration que la
réalité est très différente des chiffres que vous
annoncez.
De la même manière, nous n'avons aucune
idée de ce qu'est la fameuse pression migratoire. Vous annoncez entre
200 000 et 400 000 étrangers en situation
irrégulière...
M. René Dosière. Ce qui ne
représente que 0,5 % de la population !
M. Serge Blisko. ...en vous hâtant
d'ajouter que notre pays n'a pas les moyens de les supporter. Mais dois-je vous
faire remarquer que ces chiffres ne recouvrent pas des situations de grande
clandestinité ? La plupart du temps, il s'agit de personnes que
l'administration tarde à convoquer alors que leurs papiers ont
expiré. Elles se retrouvent dans une situation irrégulière
alors qu'elles n'ont absolument rien fait d'irrégulier.
M. Bernard Roman. Oui, nous les voyons dans
nos permanences.
M. Serge Blisko. Dans notre pays, la
proportion d'immigrés en France reste stable depuis près de
trente ans et s'établit entre 6 et 7 % de la population alors
même que l'on nous parle de pression migratoire accrue, d'afflux et
même d'invasion.
Nous avons procédé à des consultations
auprès des syndicats et des associations, notamment le collectif
« Non à l'immigration jetable ». Et il faut bien
voir que derrière ces chiffres, il y a des situations humaines
concrètes : des individus vont devoir remplir des objectifs
quantitatifs pluriannuels déterminés par le Gouvernement.
L'illogisme est criant. Les individus ne sont pas des pions, on ne peut pas les
faire entrer, en poussant, en bourrant, en rabotant les coins, dans vos cases
fixées en fonction d'opportunités politiques et
d'échéances électorales. La réalité n'a rien
à voir avec vos objectifs politiques ou les problèmes d'image de
telle ou telle personnalité.
Vous bafouez les principes républicains. En multipliant
les obstacles, vous niez le droit qu'ont les membres d'une famille de pouvoir
vivre ensemble, droit protégé par l'article 8 de la
Convention européenne des droits de l'homme. Car derrière le
terme de regroupement familial, il faut voir le mal-vivre de familles
séparées, d'enfants privés de leur père et de leur
mère. Vous déstabilisez la famille, cellule de base de la
société, particulièrement pour les populations les plus
fragiles. Vous rendez plus précaires encore des situations
déjà difficiles et vous exposez à la marginalité
des enfants déracinés.
M. Bernard Roman. Très juste !
M. Serge Blisko. Je pense à ces jeunes
mineurs que nous parrainons grâce au réseau «
Éducation sans frontières ». En plein milieu d'une
année scolaire, ils encourent le risque d'être expulsés de
notre pays, alors même qu'ils sont entourés d'amis et soutenus par
des professeurs, exemples même d'insertion par l'école, quel que
soit leur niveau. Et ce n'est pas une description mélodramatique, mais
la triste réalité de ce pays.
M. Bernard Roman. C'est scandaleux !
M. Serge Blisko. Les églises
chrétiennes ont considéré qu'en attaquant frontalement
l'immigration familiale, en la désignant comme une immigration subie,
vous faites le malheur de ces familles et vous bafouez les principes
républicains et humanistes que nous devrions, je crois, tous
partager.
Votre obsession de la catégorisation transpire de ce
texte. Les étrangers classés dans la catégorie
« stagiaires » ou « étudiants »
seront ainsi assez bons pour bénéficier de la carte
« compétences et talents ». Derrière cette
catégorisation se cache une hiérarchisation inacceptable et
absurde. Car dans cette fuite en avant, vous allez finir par vous embourber
dans vos propres contradictions.
Vous tentez de concilier les phobies traditionnelles de
l'extrême droite et un point de vue moderniste, libéral au sens
économique du terme, qui tendrait à répondre aux besoins
de main-d'oeuvre des entreprises françaises. Pensez-vous
réellement qu'en donnant l'image d'une France refermée sur
elle-même, soupçonneuse et pleine d'embûches
administratives, vous allez faire de notre pays un pôle
d'attractivité pour les compétences et les talents ? Soyez
assurés que les étrangers talentueux choisiront une autre
destination, plus sympathique et riante, lorsqu'ils verront ce que sera devenue
la France si votre projet de loi est adopté. Et votre intention
affichée de recruter les meilleurs éléments n'y fera rien.
Ils préféreront partir au Canada plutôt qu'en France.
En outre, le système que vous mettez en place est
totalement stupide. Je lisais aujourd'hui la liste des professions ouvertes aux
ressortissants des nouveaux pays d'Europe de l'Est qui, depuis hier, peuvent
entrer sans grande restriction - et c'est heureux - dans notre pays. On y
trouve à la fois des ingénieurs atomistes, des médecins de
haut niveau mais aussi des laveurs de carreaux.
M. Jean-Pierre Brard. Pour laver les carreaux
de l'UMP !
M. Christian Vanneste. Monsieur Brard,
votre niveau baisse d'heure en heure ! Et il n'était
déjà pas très élevé !
M. Jean-Pierre Brard. Et vous, monsieur
Vanneste, vous avez la vue qui baisse !
M. Serge Blisko. Or, vu le nombre de tours de
bureaux qui se construisent ici ou là, nous aurons besoin demain de
laveurs de carreaux. Allez-vous réellement délivrer une carte
« compétences et talents » à un laveur de
carreaux venu d'outre-mer ? Heureusement que le ridicule ne tue
pas !
Autre question : que fait-on des compétences et
talents déjà en France, ceux qui ne trouvent pas leur place, ceux
qui ont le droit d'être médecin dans nos hôpitaux mais qui
n'ont pas le droit de s'installer dans la rue à côté de
l'hôpital, même avec un diplôme français, simplement
parce qu'ils sont étrangers ? Va-t-on leur dire qu'ils sont
compétents, mais sans talents puisque peu payés, qu'ils sont
utiles mais qu'ils n'ont pas droit à la carte
« compétences et talents » car ils sont
arrivés sur notre territoire avant la promulgation de cette
loi ?
M. Bernard Roman. Très bonne
question !
M. Serge Blisko. On se retrouvera avec
des personnes compétentes et talentueuses avec des statuts
différents suivant leur date d'entrée sur notre territoire.
Voilà qui est pernicieux et inégalitaire.
Cet utilitarisme sans principes est une idéologie
dangereuse qui ne répond en rien à la problématique
mondiale de l'immigration.
On joue sur des peurs, des fantasmes. Délinquant,
criminel, bénéficiaire frauduleux des prestations sociales :
telle est l'image de l'immigré que vous véhiculez. En
particulier, vous ne faites toujours pas de distinction entre demandeur d'asile
et immigré. Faut-il vous rappeler que le droit d'asile est reconnu par
la Constitution et la convention de Genève du 28 juillet 1951 et
qu'en aucun cas ce droit imprescriptible ne doit être soumis à des
aléas de crédits, de coûts ou amendé dans une
perspective sécuritaire et répressive, ce qui n'empêche
pas, comme le disait M. Mariani, de traiter plus rapidement et avec plus
d'humanité les demandeurs d'asile pour qu'ils soient fixés sur
leur sort dans des conditions convenables ?
Arrêtons aussi de penser que nous sommes menacés
par une invasion de demandeurs d'asile puisque leur nombre ne cesse de diminuer
dans notre pays. Les statistiques montrent qu'ils étaient 60 000
l'année dernière. Il faut savoir que des pays bien plus pauvres
et bien plus en difficulté que le nôtre accueillent la
majorité des 17 millions de réfugiés et demandeurs
d'asile du monde. 60 % des 17 millions de réfugiés
relevant du HCR ont trouvé asile en Afrique ou en Asie. Avec un ratio de
0,8 demandeur d'asile pour mille habitants, la France se place au
dixième rang européen des pays d'accueil. Où est
l'invasion, où est la menace ? Rien de tout cela : pas
d'afflux massif de demandeurs d'asile, pas de fraudeurs, simplement des gens
qui fuient une situation difficile, des réfugiés politiques, et
dont les dossiers sont examinés en toute sévérité
par l'OFPRA et la commission des recours des réfugiés.
M. Thierry Mariani, rapporteur. Et en
toute honnêteté !
M. Serge Blisko. Effectivement, lorsqu'ils
accordent des moyens suffisants à chaque dossier. Mais ne mettez pas la
pression sur l'OFPRA pour qu'il fasse du chiffre !
Cessez de stigmatiser et de renforcer le mythe des
étrangers profiteurs d'une France trop généreuse, d'abord
parce que sa générosité mériterait d'être
reconsidérée, ensuite parce qu'un tel discours ne peut provoquer
que haine et incompréhension. Je le répète, monsieur le
rapporteur, ce texte ne marque pas un équilibre entre les utopistes, les
angéliques, ceux qui laisseraient entrer tout le monde et
l'extrême droite, mais se rapproche terriblement des
incompréhensions et des ferments de haine que lance l'extrême
droite.
J'en viens maintenant à la politique
d'intégration telle que vous la définissez. Vous insistez,
à juste titre, sur la nécessaire intégration, sur la
meilleure intégration possible des étrangers en France, mais je
crains que cette disposition ne cache un autre dessein.
Avant tout, je rappelle que le contrat d'accueil et
d'intégration souffre de nombreuses lacunes, notamment le nombre
insuffisant de plates-formes et leur manque de moyens. En commission, vous avez
indiqué, monsieur le rapporteur, que chaque département ou
presque disposait d'une plate-forme d'accueil et d'intégration. Je n'en
suis pas sûr.
M. Thierry Mariani, rapporteur. Chaque
région !
M. Serge Blisko. En Lorraine, par exemple, il
n'y a que deux plates-formes, à Metz et à Épinal, puisque
Nancy n'en a pas. En tout cas, comme vous nous l'avez dit en commission des
lois, il est très difficile de demander à quelqu'un qui travaille
toute la journée de faire cinquante ou soixante kilomètres le
soir pour venir apprendre le français. Beaucoup abandonnent, non par
mauvaise volonté, mais tout simplement par manque de moyens.
Nous ne croirons à ce que vous appelez une politique
volontariste d'intégration que le jour où vous y consacrerez plus
de moyens, lorsque ce ne sera plus quelque chose que vous agiterez de temps en
temps.
Vous fermez la porte à des voies naturelles
d'intégration, en remettant en cause la carte de résident de dix
ans et, plus encore, en supprimant la régularisation après dix
ans passés sur le territoire français. L'argument que vous
invoquez pour la supprimer me paraît parfaitement démagogique.
Vous prétendez que ce n'est pas parce qu'on a été
irréguliers pendant dix ans qu'on devrait être pardonnés la
onzième année et qu'on aurait tout à coup des droits. La
situation est complexe, elle évolue. Il ne s'agit pas d'un crime. Dix
ans, c'est tout de même quelque chose dans un processus
d'intégration. Après tout ce temps, allez-vous dire à
quelqu'un qui est restée en France, a fondé une famille et
commencé à travailler qu'il n'aura jamais de papiers vu
qu'il est entré sur notre territoire de manière
irrégulière ? Vous les condamnez à
perpétuité, à la clandestinité, à
l'irrégularité, à des comportements frauduleux et
déviants, et avec eux leur descendance.
M. Bernard Roman. Tout à fait !
M. Serge Blisko. Comme l'a excellemment
démontré tout à l'heure M. Roman, vous les vouez
à une situation que le père spirituel de M. Sarkozy a mise
en place depuis maintenant une vingtaine d'années, je veux parler des
« ni-ni » de M. Pasqua : ni expulsables, ni
régularisables, c'est-à-dire une masse de femmes, d'enfants, de
jeunes et d'adultes. Dès lors, on aboutit à des problèmes
qui nous poursuivront encore pendant des dizaines d'années parce qu'ils
ne partiront pas puisqu'ils sont intégrés de facto à la
France.
M. Christian Vanneste. Selon vous, parce
qu'ils ont enfreint la loi pendant dix ans, ils sont
intégrés ?
M. Serge Blisko. De la même
manière, vous condamnez les personnes qui n'ont pas les bons papiers au
bon moment - je n'aime pas le terme de sans-papiers -
M. Jérôme Rivière. C'est de la dialectique !
M. Serge Blisko. ...à la
précarité, au travail clandestin, à un logement indigne,
aux marchands de sommeil, à une existence de fantômes dans nos
villes.
M. Christian Vanneste. À quoi sert-il
de faire une loi ?
M. Bernard Roman. Monsieur Vanneste, avez-vous
déjà vu les files d'attente dans les préfectures ? On
n'a pas les moyens de les recevoir !
M. Jean-Pierre Brard. Souvenez-vous de vos
grands-parents, mesdames, messieurs du groupe UMP !
Mme Arlette Franco.
Justement !
M. Jean-Pierre Brard. Vous les
reniez !
M. Serge Blisko. M. Sarkozy parlait cet
après-midi avec beaucoup d'émotion des incendies
d'août 2005. Mais on est toujours dans la même situation.
Récemment, dans le 13e arrondissement dont je suis maire, la
préfecture de police a procédé à l'expulsion d'un
immeuble qu'elle avait longtemps refusé de reconnaître comme
insalubre. Croyez-vous qu'il y avait une solution de relogement ?
Savez-vous où ils sont ? Ils campent dans le jardin d'à
côté. Rien n'a été prévu !
Annexe n°7
Extrait d'une intervention de Jérôme
Rivière (UMP)
Mme la présidente. Dans la suite
de la discussion générale, la parole est à
M. Jérôme Rivière.
M. Thierry Mariani, rapporteur. Enfin un
orateur modéré ! (Sourires sur plusieurs bancs du groupe de
l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jérôme Rivière.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
hors de tout contexte politique, le texte qui nous est proposé pourrait
laisser croire que notre pays vit des moments paisibles, dans un contexte
économique de forte croissance, et que, tranquillement, nous allons
discuter pour décider des flux migratoires dont le pays aurait besoin.
Hélas ! Comme l'a rappelé Nicolas Sarkozy hier
après-midi, la France est en crise.
M. Patrick Braouezec. Et la crise du
Gouvernement ?
M. Jérôme Rivière. Une
crise d'identité grave et longue : trente années de
repentance et de masochisme soixante-huitard ont étouffé toute
fierté, toute conviction sereine d'être nous-mêmes.
M. Jean-Pierre Brard. Selon vous, monsieur
Rivière, il n'y aurait pas de crise sociale ?
M. Jérôme Rivière. Et
pourtant, à l'heure de la mondialisation, les cultures, les racines, les
appartenances sereines et fortes sont les meilleurs remparts contre le racisme.
Un pays qui n'est pas sûr de son identité ne peut pas s'ouvrir aux
autres sans peur.
M. Christian Vanneste. Très
juste ! C'est Claude Lévi-Strauss qui le dit !
M. Jérôme Rivière. Mais
j'ajouterai, monsieur le ministre, que quelle que soit la force morale d'un
pays, il existe un seuil d'immigration à partir duquel un pays se
regarde dans le miroir sans se reconnaître.
M. Jean-Pierre Brard. Si c'est vous qu'il y
voit, il est évident qu'il ne se reconnaîtra pas !
M. Jérôme Rivière. Ce
seuil est aujourd'hui largement atteint en France.
Les Français, jamais consultés sur cette
immigration de peuplement - car c'est bien ainsi qu'il faut l'appeler -,
subissent ces changements avec surprise et sans y adhérer aucunement.
Leur colère ne manquera pas d'éclater un jour ou l'autre.
La France est, depuis plus de mille ans, un pays
d'héritage judéo-chrétien. (Murmures sur les bancs du
groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et
républicains.) Or, chaque année, les dizaines de milliers de
demandeurs d'asile, qui pour la plupart s'évaporent dans la nature, et
les 130 000 arrivées régulières, fondées pour
l'essentiel sur le regroupement familial ou sur un lien de famille avec des
Français - les étrangers naturalisés qui vont chercher
leur épouse dans leur pays d'origine -, sans parler des clandestins
toujours plus nombreux, sont pour l'immense majorité d'entre eux
d'origine musulmane et viennent modifier profondément la nature de notre
société. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du
groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Entendre cela
à l'Assemblée nationale ! C'est une honte !
M. Gérard Charasse.
Incroyable !
M. Bernard Roman. La République est
laïque !
M. Jérôme Rivière. Pour
parler d'intégration, il faudra bien un jour évoquer sereinement
cet état de fait. Mais les effets directs de l'islam sur la
société restent inexplicablement tabous. Au rebours des
endormeurs médiatiques et des donneurs de leçons, toujours
nombreux sur les bans de la gauche,...
M. Jean-Pierre Brard. En l'occurrence, c'est
vous qui prétendez donner des leçons !
M. Jérôme Rivière. ...je
suis persuadé que cette situation préoccupe gravement nos
concitoyens.
M. Jean-Pierre Brard. C'est du Barrès,
moins la culture !
M. Jérôme Rivière. Leurs
craintes concernent la place de l'islam à l'école, dans les
administrations, mais aussi sa conquête de la rue et de la vie de tous
les jours. La plupart des décideurs y font référence
à la marge, sans aucune mise en perspective. Depuis trop longtemps, les
responsables politiques agissent comme si la vague migratoire
extra-européenne ne remettait pas brutalement en question le destin
même et l'identité pluriséculaire de notre pays.
M. Patrick Braouezec.
« L'identité pluriséculaire », rien que
ça !
M. Jérôme Rivière. Aussi,
monsieur le ministre, face à cette crise, nous devons aller plus
loin.
Je comprends vos intentions lorsque vous parlez d'immigration
« choisie », mais cette notion s'apparente, à mes
yeux, à une sorte de tri sélectif par lequel nous priverions les
pays d'origine de leurs élites, les maintenant dans une situation
où l'émigration est une absolue nécessité. De plus,
la question des étrangers que nous n'aurons pas choisis mais qui
continueront de choisir la France restera pendante.
Pour favoriser l'intégration, vous évoquez la
discrimination positive, qui permettra d'exiger la représentation des
minorités dans l'entreprise ou les médias, alors même qu'il
reste interdit en France de demander, à l'occasion des recensements,
l'origine ethnique ou la religion des personnes interrogées.
M. Jean-Pierre Brard. Il ne manquerait plus
que ça !
M. Jérôme Rivière. La
polygamie est interdite en France, mais largement pratiquée, et
payée par nos impôts.
M. Jean-Pierre Brard. Le Pen n'a pas besoin de
siéger ici : il est représenté par ses
adeptes !
M. Christian Vanneste. Staline l'est bien,
lui !
M. Jérôme Rivière. Nos
concitoyens savent tout cela et il nous faut, comme le disait hier Claude
Goasguen, en finir avec toutes les hypocrisies.
Aussi proposerai-je des amendements pour que le Parlement
français marque une réserve d'interprétation sur
l'article 8 de la CEDH, amendements qui sont dans l'esprit du texte qui
avait été présenté au Conseil d'État. Cet
article 8 constitue en effet un véritable tunnel pour l'immigration
en permettant de s'affranchir des contraintes de notre législation.
Deux blocs coexistent au sein du Conseil de l'Europe. Il y a
celui des pays de l'ouest de l'Union Européenne, dont les
systèmes économiques et sociaux exercent sur les ressortissants
des pays les moins favorisés un effet d'attraction immense, justifiant
à lui seul un projet migratoire. Et puis il y a un deuxième bloc,
constitué des pays dont les populations voient dans l'émigration
un objectif prioritaire.
Les membres du Conseil signataires de la CEDH ne peuvent donc
pas avoir de vision commune sur les problèmes migratoires. Et je souffre
de recevoir, à la Cour de Strasbourg, des leçons en
matière de respect des droits de l'homme de la part de juges issus des
systèmes ukrainien, azéri, turc ou géorgien, pour ne citer
que quelques pays signataires.
Plusieurs députés du groupe socialiste et du
groupe des député-e-s communistes et républicains. C'est
scandaleux !
M. Bernard Roman. À quand
l'étoile jaune ?
M. Jean-Pierre Brard. C'est du
Gobineau !
M. Jérôme Rivière. Enfin,
il est indispensable de modifier les règles pour l'accès aux
soins gratuits. Le critère de risque vital doit donc formellement
devenir un critère auquel s'ajoute l'immédiateté. La
France, dont le système de santé occupe la première place
du classement mondial de l'OMS et garantit la gratuité de l'ensemble des
soins médicaux aussi bien aux étrangers admis au séjour
pour soins qu'à ceux qui sont en situation irrégulière,
exerce sur les ressortissants des pays moins favorisés un effet
d'attraction immense, justifiant à lui seul un projet migratoire. Cela
doit être encadré avec la plus grande rigueur.
M. Jean-Pierre Brard. Malheureusement,
certaines maladies sont incurables...
Mme la présidente. Votre temps de
parole est écoulé, monsieur Rivière.
M. Jérôme Rivière. Notre
société change, et c'est bien ainsi. Qu'elle s'enrichisse des
apports de ceux qui souhaitent vivre chez nous et que nous acceptons librement.
Mais il ne faut pas oublier que vivre avec nous, c'est aussi vivre comme nous.
Le premier devoir des immigrés est de respecter la culture du pays qui
les accueille. Ce n'est pas négociable.
Mme la présidente. Veuillez
terminer, monsieur Rivière.
M. Jérôme Rivière. Je
conclus, madame la présidente.
Les Français ne nous écoutent plus : ils
l'ont montré en 2002, en 2004 et en 2005.
Plusieurs députés du groupe des
député-e-s communistes et républicains. Ça, c'est
incontestable !
M. Jérôme Rivière.
Continuons à nous excuser d'être nous-mêmes, marquons une
hésitation à l'occasion de nos débats, et ils nous le
montreront à nouveau. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de
l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Pierre Brard. Jérôme
Gobineau !
Mme la présidente. La discussion
générale est close.
Annexe n°8
Extrait du message d'ouverture du Président de
l'Assemblée générale de la Fédération
protestante de France (12 mars 2006)
Pasteur Jean-Arnold de Clermont
« Ce sont les
mêmes remarques que me suggère le rapport de la
« commission mondiale sur les migrations internationales »
rendu public en octobre 2005 par les Nations unies. Son grand mérite est
de proposer un regard global sur les 200 millions de migrants, soit environ 3%
de la population mondiale, et d'y voir un facteur clé pour la
prospérité y compris des pays industrialisés, et comme un
facteur de développement et de stabilité pour les pays de
migrations. Le rapport aborde avec lucidité la difficile question des
migrations irrégulières ; sans nier le droit des Etats à
déterminer qui peut entrer et demeurer sur leur territoire, il souligne
leur responsabilité et leur obligation à protéger le droit
des migrants. Il les engage à coopérer activement entre eux afin
que leurs efforts ne mettent pas en danger les droits humains, notamment le
droit des réfugiés à demander l'asile. Je vous invite
à la lecture et à l'étude de ce rapport. A plus forte
raison quand un nouveau projet de loi propose sous un titre trompeur,
l'immigration choisie, c'est-à-dire choisie non par les migrants mais
par notre pays en fonction de ses seuls besoins en main d'oeuvre
qualifiée ou non. Je cite ce commentaire de la Nouvelle
République (quotidien algérien d'information) : «Quand
Nicolas Sarkozy soutient que « la France ne peut pas rester à
l'écart des flux mondiaux de l'intelligence et des
compétences» on se demande quand même s'il parle bien
d'êtres humains ou de marchandises utiles au bon fonctionnement de
l'entreprise France... En clair, ce ne sont plus les problèmes
d'intégration qui dictent en priorité la politique migratoire,
mais la compétition internationale, l'avenir des sociétés
françaises. Pour ce qui est d'accueillir «la misère du
monde» ne serait-ce que la partie que lui imposent ses idéaux
fondateurs et sa prospérité relative, la France, «Terre
d'asile» et «pays des droits de l'homme», se déclare aux
abonnés absents. Des pays du tiers-monde, elle prendra seulement les
«talents et compétences», s'appliquant à refouler les
sans-grade, à l'instar notamment des Etats-Unis, du Canada ou de la
Suisse. En creux, derrière l'opposition entre immigration
«choisie» et «immigration subie», les immigrés
d'hier et d'aujourd'hui comprendront aussi qu'ils sont et ont été
«inutiles», un fardeau pour le pays d'accueil. » . Le jugement
est peut être sommaire, mais la Cimade le dit pareillement : « Ce
projet évacue l'être humain pour ne voir que la main d'oeuvre
». Il nous faudra apporter un autre regard sur ce sujet qui, n'en doutons
pas, prendra dans les semaines et les mois à venir une place importante
dans les débats publics.
En partant de ces deux rapports incontestables dans leur
indépendance à l'égard des positions politiques dans notre
pays, j'essaie de vous dire combien nous avons à jouer un rôle lui
aussi indépendant des affrontements politiques parce qu'il placera au
coeur du débat les personnes concernées, la volonté de
chercher des solutions raisonnables et concertées, le refus de nous
laisser guider par nos peurs. Nos Eglises et Associations ont ainsi à
rendre le témoignage d'une participation à la vie publique,
où elles ont à faire entendre leur
spécificité ».
Annexe n°9
Annexe n°10
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