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L'identité en débat - Représentations et idéologies dans les discours sur l'immigration au sein de l'espace public

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par Jean-Marie GIRIER
Université Lyon II - Université Lyon III - ENS-Lsh Lyon - Master 2 recherche en Sciences de l'information et de la communication 2007
  

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L'individualisation dans le combat politique électoral

Suite à la « mort politique » de Dominique de Villepin après l'échec du CPE, le ministre de l'Intérieur a été institué comme l'unique candidat potentiel de la droite pour les élections présidentielles. Comme nous l'avons montré plus haut, l'énonciation journalistique a entamé un cycle de dénigrement de la personnalité par un rapprochement avec Jean-Marie Le Pen. Dès lors, les attaques de l'opposition s'effectuant auparavant à l'encontre de l' « Etat-UMP » se sont concentrées sur la seule personne de Nicolas Sarkozy. On assiste ici à une individualisation du fait politique au service d'une stratégie à long terme. Nicolas Sarkozy se voit institué par ces attaques comme un leader et il se défend dès lors d'un projet de loi électoraliste en se positionnant comme garant des institutions : «  À ceux qui me déconseillaient de déposer un projet de loi sur l'immigration en raison de la proximité des élections, je réponds que, bien au contraire, dans la démocratie, c'est par le débat qu'on tire la réflexion vers le haut ». L'opposition réinvestie pour sa part l'énonciation journalistique, ce qui introduit les médias au coeur du débat parlementaire. Dans un premier temps, le discours parlementaire associe les critiques envers l'immigration choisie à la seule personnalité de Nicolas Sarkozy avec un recours important à la seconde personne du pluriel lors d'interpellations dans l'hémicycle. Ainsi Bernard Roman (PS) effectue une attaque sur la personne avant d'aborder le projet de loi :

« - M. Bernard Roman. Nous dénonçons cette confusion des genres : vous utilisez vos responsabilités ministérielles pour vous tracer des perspectives électorales.

- M. Serge Blisko. Eh oui !

- M. Bernard Roman. Cela ne facilitera pas, l'année prochaine, votre argumentation sur la rupture. Vous aurez du mal à convaincre l'opinion...

- M. Marcel Bonnot. Et vous ?

- M. Bernard Roman. ...que vous êtes vierge du bilan de ce gouvernement, après avoir autant contribué à sa boulimie législative !

- M. Bernard Roman. Vous vous inscrivez dans une remarquable continuité. Il y a vingt ans, votre ami Charles Pasqua affirmait que les valeurs de la droite étaient les mêmes que celles de l'extrême droite.

- M. Bernard Roman. Nous sommes là dans un domaine nauséabond, mais aussi dans l'inflation des lois d'affichage, dénoncée récemment par le président du Conseil constitutionnel.

« Oui, je cherche à séduire les électeurs du Front national, j'irai même les chercher un à un, cela ne me gêne pas », annonciez-vous dans Le Parisien du 29 mars. Et vous avez ouvertement repris devant vos admirateurs, le 22 avril dernier à Paris, ces slogans de l'extrême droite et de son leader, eux-mêmes transposition d'anathèmes venant tout droit des États-Unis lors de la guerre du Vietnam. Pour un homme qui se veut l'incarnation de la rupture, vous n'innovez pas ! »

Dans notre mode d'application de la démocratie, celui de la représentation, le peuple s'incarne dans des sujets, mais il y a une surdétermination de l'individuel par le collectif. Les sujets qui représentent symboliquement les citoyens au Parlement doivent agir dans une logique d'identité collective. Ils sont investis par leurs pairs pour représenter le réel de la société dans le symbolique du champ politique. Mais la stratégie socialiste consiste à renverser ce phénomène pour attribuer des faits politiques construits par le collectif à un individu singulier, en l'occurrence Nicolas Sarkozy. Finalement, c'est la délibération politique collégiale qui est assimilée par la stratégie discursive de l'opposition au processus de décision. Ce dernier repose sur une distinction des autres acteurs par la mise en oeuvre de la singularité dans le processus de passage du symbolique au réel.

En outre, cette charge discursive concentrée sur une individualité trouvera un écho dans les mouvements associatifs et libertaires « anti-Sarko » apparus lors de la crise des banlieues. Ceux-ci prendront leur essor et se cristalliseront dans la lutte contre ce projet de loi. On constate alors que ces mouvements de confrontation radicale ne peuvent se constituer qu'à partir de l'individualisation du fait politique, à laquelle leur existence est liée. Ils présentent des caractéristiques qu'il serait intéressant d'étudier, en particulier la manière avec laquelle leur immense production sémantique sert la diffusion d'un imaginaire.

Ces deux exemples très détaillés nous ont donc permis de montrer l'importance de l'inter-évènementialité dans la construction sémiotique du débat sur la loi CESEDA. Le débat aurait été bien différent sans la crise du CPE, peut-être n'aurait-on pas abordé autant la composante de l'appartenance professionnelle de l'identité politique, et si les élections présidentielles n'avaient pas été aussi proches, ce débat n'aurait peut-être simplement pas eu lieu.

Les autres exemples sont nombreux, et nous aurions également pu faire un dernier développement concernant la crise des banlieues, autre crise sociale de la fin de l'année 2005. Dans ce cas, il aurait été intéressant d'envisager l'amalgame produit entre immigration et violence urbaine. Une intervention du ministre Christian Estrosi résume à elle seule la tonalité du propos : « Quand on a l'honneur de détenir une carte de résident ou une carte de séjour, on n'a pas à brûler des voitures dans les rues ! ».

Le débat doit donc être analysé conjointement à des évènements qui l'entourent dans le temps ou lui ressemble dans la forme. Cette dimension est un fondement d'une meilleure approche de l'espace public. Ainsi, c'est en partant de l'énonciation médiatique, véritable rouage instigateur de ce lieu symbolique, que l'on appréhende le mieux une construction.

Après la description du déroulement et de l'espace de ce débat, nous allons aborder dans une seconde partie le contenu symbolique et esthétique investi dans les discours en nous attachant à définir les contours actuels des représentations de l'immigration.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand