5.5 Le marché touristique des stations d'hiver dans
les Alpes françaises
Les Alpes réunissent plus de six cent soixante-six
domaines skiables24 et font partie des plus grandes régions
touristiques mondiales. Selon Bätzing (1997) elles accueillent un quart de
tous les touristes du monde.
Les stations de montagne ont des positionnements
différents sur le marché touristique d'hiver surtout selon des
conditions environnementales. Des stations en haute altitude avec une forte
fiabilité de l'enneigement sont plus fréquentées par une
clientèle sportive avec un bon voir très bon niveau dans les
différentes pratiques des sports d'hiver. Ils cherchent souvent des
très bonnes conditions d'enneigement et des très bons
aménagements des pistes. Au contraire, dans les altitudes plus basses on
trouve généralement des stations plus petites qui sont plus
fréquentées par des familles et des pratiquants de la
région. Donc, pour faire une représentation du marché
d'hiver il faut être conscient que la clientèle d'une seule
station d'hiver dans les Alpes ne représente pas la moyenne de toute la
clientèle des différentes stations d'hiver de l'Arc alpin.
La base pour l'analyse des touristes d'hiver dans les Alpes
françaises est fondée à partir de différents
enquêtes publié pour la plupart par le Ministère des
Transports, de l'Equipement, du Tourisme et de la Mer25 étant
la plus importante l'enquête sur les sports d'hiver : pratiques et
pratiquants du Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie
Associative26. Ces études concernent les pratiques de sport
d'hiver dans l'ensemble des espaces montagnards français et
27cf. Organisation Mondiale du Tourisme, 2006,
disponible sur
http://www.oecd.org/document/49/0,2340,fr_2649_201185_37825521_1_1_1_1,00.html;
consulté le 16/12/2006
25Veuillez trouver les études qui ont
été consultées pour la réalisation de cette partie
du mémoire dans l'annexe 1.
26cf. Thiery Patrick, 2006
ne différencient pas les différents massifs. Les
Alpes sont la destination hivernale et montagnarde la plus importante en France
avec une part du marché de 69% (Alpes du Nord à 53% et Alpes du
Sud à 16%), suivi par les Pyrénées (15%).
Les différentes études concernant le
marché des sports d'hiver ne sont pas publiées avant octobre ou
novembre de l'année de leurs réalisations. Pour cette raison, les
résultats des études les plus actuelles qui sont
intégrés dans ce travail concernent l'hiver 2005/2006.
Pendant l'hiver 2005/200627 un Français sur
deux est parti en séjour d'hiver. Cependant, il n'y a que 8,9% qui sont
partis en séjour d'hiver en station pour pratiquer une activité
de sport d'hiver.28 (cf. tableau 2) Cela montre bien que les
séjours des sports d'hiver ne jouent pas un rôle
prépondérant concernant le nombre des départs en vacances
pendant l'hiver. Notamment, les séjours d'hiver au soleil semblent
devenir des concurrents de plus en plus forts.
Tableau 2: Repartition des departs en séjour d'hiver
2005/2006 Source : adapté selon Dauphin L., 2006
44%
9%
Repartition des departs en sejour d'hiver 05/06
47%
population qui ne parte pas en séjour d'hiver
population qui part en séjour d'hiver
population qui part en séjour d'hiver et pratique les
sports d'hiver
27Septmois pendant l'hiver sont calculés :
octobre à avril (inclus). 28cf. Dauphin L., 2006
Il faut cependant noter que les études concernant les
pratiquants des sports d'hiver sont basées sur les nuitées. Donc,
ils ne prennent pas en compte tous les clients journaliers qui ne vont à
la montagne que pour une journée. Le constat du Ministère de la
Jeunesse et des Sports (cf. Thiery, 2006) relève que quatre-vingt-dix
pourcent de la pratique des sports d'hiver est journalière. Donc, il y a
une grande importance en nombre des pratiquants qui ne passent pas la nuit dans
la station.
Les stations villages sont les destinations favorites pour les
français. Cinquante-neuf pourcent apporte une grande importance sur la
convivialité du lieu et aux activités de détente en
famille. Les clients sont en général fidèles et sont
habitués à 54% à retourner dans la même station de
sport d'hiver. La tendance des années précédentes montre
que seulement dix pourcent partent plusieurs fois dans une même saison
d'hiver. Soixante-quinze pourcent passent une semaine pour leurs vacances
d'hiver. Il n'y a que dix pourcent qui reste plus que dix jours. Cette tendance
est indépendante du type de sport d'hiver pratiqué. Les raisons
pour les intentions de non départ en hiver 2006/2007 sont d'ordre
financier ou liées au rythme du travail.
La clientèle des sports d'hiver est plutôt jeune
et masculine. En effet, environ la moitié d'entre elle a moins de trente
ans. Surtout les pratiquants de snowboard sont très jeune (85% ont moins
de trente ans). Le groupe d'age de 30 ans à 50 ans reste lui aussi
important. Selon les différents destinations on y trouve environ
quarante pourcent toutes les différentes pratiques de sports d'hiver
confondues. Cependant, le ski de fond est la seule pratique d'hiver qui est
représentée à peu près également dans chaque
tranche d'âge (38% pour les moins de 30 ans, 28% pour les pratiquants
entre 31 et 50 ans, 35% pour les plus de 50 ans).29 C'est aussi dans
la pratique du ski de fond où on trouve une parité
29 Il n'y a pas de données sur la répartition des
tranches d'âge dans les autres pratiques de sport d'hiver (raquette
à neige, bobsleigh, patinage).
parfaite entre les femmes et les hommes (à peu
près pareil pour les autres activités de sport de neige comme les
raquettes à neige, le patinage, le bobsleigh). C'est le snowboard qui
attire plus d'hommes (64%) que femmes. Pour le ski alpin les hommes sont
légèrement majoritaire (52%).
Tableau 3: Parité hommes - femmes dans les sports de neige
Source : Thiery P. (2006)
En lien avec l'âge moyen le taux de célibataires
(40% des plus de 15 ans) et le taux des jeunes en formation sont
élevés (près de 40% des vacanciers en sport d'hiver). Le
niveau d'étude d'enseignement supérieur atteint par ceux qui ne
sont plus en formation se trouve à cinquante-cinq pourcent. Le taux des
pratiquants au chômage est très bas avec trois pourcent. Presque
la moitié des personnes ayant un emploi occupent des postes de niveau de
cadre supérieur
tandis que seulement quatre pourcent sont des ouvriers.
Quatre-vingt-cinq pourcent des pratiquants de ski alpin font parti des
ménages avec un revenu annuel de plus de trente-sept milles euros. Pour
à peu près vingt-cinq pourcent d'entre eux le revenu annuel du
ménage dépasse soixante-huit mille euros. (cf. tableau 4)
Tableau 4: Revenu par ménage des pratiquants du ski Source
: adapté d'après l'enquête de Thiery P. (2006)
100% 80% 60% 40% 20%
0 %
Revenu des pratiquants du ski
plus de 68000 euro s
moi n s de 37000
entre 37000 euros et68000 euros
euro s
De plus, entre les skieurs alpins il y a cinquante-six
pourcent qui a atteint un niveau d'enseignement supérieur30.
Le tableau suivant montre les catégories socio-professionnelles par
rapport aux différentes pratiques de sport d'hiver. Il
révèle que les cadres et les professionnels intellectuels
supérieures sont représentés le plus souvent dans la
pratique du ski alpin. Cependant, ce sont les jeunes en formation
(lycéens et étudiants) qui sont les plus
représentés dans la pratique du snowboard. Mais c'est encore une
fois seule la pratique du ski de
30de ceux qui ont déjà
terminé leur formation
fond qui s'approche le plus à avoir un équilibre
entre les différents groupes socio-professionnels. Les groupes
représentés avec un très faible taux de participation dans
toutes les différentes pratiques, sont les agriculteurs exploitants, les
artisans, les commerçants, les chefs d'entreprise et les ouvriers.
Tableau 5 : Répartition des sports de neige par
catégorie socio-professionnelle Source : Thiery P. (2006)
Les pratiquants des sports d'hiver pratiquent à
quatre-vingt-trois pourcent le ski alpin, à douze pourcent le ski de
fond, à huit pourcent le snow-board et à quinze pourcent d'autres
sports d'hiver (raquettes à neige, patinage, bobsleigh).31 De
toutes les pratiques de sport d'hiver le ski alpin est le plus souvent
pratiqué seul en dehors de toute autre activité de neige
(à 82%). Les autres activités de neige sont souvent moins
exclusives.
31 Le total dépasse cent pourcent car il y a une partie
des pratiquants des sports d'hiver qui pratique plus qu'un sport d'hiver.
Tableau 6: Les modes de pratique des sports d'hiver Source :
Thiery P. (2006)
Le mode d'hébergement est souvent celui de la location
saisonnière (45%), puis l'hébergement gratuit chez les amis, la
famille ou en résidence secondaire (32%), et ensuite
l'hébergement à l'hôtel (11%) ou dans des clubs commerciaux
ou associatif (11%).
Seul dix pourcent des personnes qui sont en séjours des
sports d'hiver profitent des activités culturelles en plus de
l'activité sportive. Comme les coûts d'un séjour en sport
d'hiver sont importants (matériel et forfait), les pratiquants essaient
en général de les rentabiliser au maximum pendant leur
séjour - donc de faire du ski pendant toute la journée.
5.6 Les nouvelles tendances des pratiques sportives
Les caractéristiques principales des pratiquants de
sports d'hiver montrent que les pratiques sont loin de s'être
démocratisées. Ce constat vaut notamment pour les pratiques qui
nécessitent des forts aménagements et qui coûtent
chères comme le ski alpin. Michon B. et al. (1989) estiment le ski alpin
comme la pratique sportive au quatrième rang des pratiques sportives les
plus chères.32
32Il s'agit du coût global moyen de
chaque pratique sportive où le ski alpin tient le quatrième rang
après l'équitation, le patinage et la planche à voile. Ce
listage date cependant de 1989, donc en considérant l'augmentation des
prix des forfaits des remontées mécaniques au cours des
Selon Mao P. (2006) les pratiques sportives sont dans une
évolution d'une double dynamique socio-spatiale. Elles passent d'une
marginalité géographique, sociale et sportive (peu
d'activités de nature) à une intégration aux
modèles sportifs et sociétaux dominants. Cela implique la
diversification des pratiques, la diffusion géographique, la
médiatisation et la compétition. Une révolution culturelle
fait évoluer le statut du pratiquant sportif vers celui de l'usager et
de consommateur. Le pratiquant aujourd'hui cherche l'accès facile, non
contraignant aux activités, sans projet d'autonomie.
Ce constat de Pascal Mao s'applique particulièrement
aux sports d'hiver des stations. Les pistes de descente apparaissent être
de plus en plus sécurisées et équipées. Même
le «hors-piste» fait généralement partie de la zone
sécurisée. De plus, depuis environ vingt ans le ski n'a plus le
monopole dans les stations, mais on assiste à une grande diversification
des pratiques sportives hivernales. Pour se donner l'image jeune et
«fun» une station est obligée aujourd'hui d'avoir une zone
«freestyle » avec des halfpipes, des possibilités de sauts,
etc. Cette commercialisation des nouveaux styles et pratiques est
spéciale aux sports d'hiver. Le pratiquant de sports d'hiver dans les
stations ne peut pas échapper à la consommation. Il a besoin d'un
équipement cher, des remontées mécaniques, d'un
aménagement des pistes et souvent des prestations de restauration et
d'hébergement.
Cependant les nouvelles formes de glisses ont un impact
non-négligeable sur les stations de sports d'hiver. Selon Bourdeau Ph.
(2007), un nouveau modèle culturel est en train de s'affirmer. Les
styles de glisses ne sont plus ancrés dans la compétition comme
avant. C'est le plaisir et les activités ludiques qui comptent
maintenant. Une pratique sportive fait partie d'un style de vie complet. Mais
même si les pratiques des sports d'hiver sont fortement
commercialisées aujourd'hui, généralement elles ont pris
leur début dans un petit groupe de jeunes qui ont
expérimenté des styles différents. Cependant, ce
dernières années, il est bien possible que la
pratique du ski alpin soit montée dans le listage des pratiques
sportives les plus chères.
sont surtout les jeunes qui vont bientôt manquer dans
les domaines skiables. 33 Les prix élevés des
pratiques de sports d'hiver sur les domaines skiables, font que les familles
n'ont pas le revenu nécessaire pour payer un séjour en station.
Donc, il y a de moins en moins d'enfants qui apprennent une pratique de sports
d'hiver. De plus, il s'ajoute à ce fait un vieillissement important de
la population. Donc, s'il n'y a plus bientôt d'assez jeunes pour innover
les pratiques ce va être les marchands des sports d'hiver qui vont aller
innover pour stimuler la demande. Mais vu le fait que les marchands agissent
selon des principes économiques (maximalisation du profit) l'innovation
sportive ne va plus être portée par le sport lui-même.
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