Université de Nantes
Faculté de droit et de sciences
politiques
Centre de droit maritime et océanique
« Un exemple unique de construction et
d'exploitation d'un navire :
Le Cargo solidaire »
Mémoire de Master 2 recherche droit maritime et
océanique
Soutenu par Elisabeth Druel
Sous la direction de Monsieur Yves Tassel
Année universitaire 2006/2007
Merci à tous les membres de l'association
« Le Cargo solidaire » pour leur aide, leur accueil et
surtout pour m'avoir permis, d'une certaine façon, de participer au
projet.
Je tiens également à remercier tout
particulièrement Monsieur Tassel, pour sa disponibilité et ses
conseils, qui m'ont été précieux tout au long de la
rédaction de ce mémoire.
SOMMAIRE
INTRODUCTION.................................................................................p
6
TITRE I : DE L'ORIGINE A LA CONSTRUCTION DU
NAVIRE : UN PROJET BASE SUR LA PRATIQUE DES
SOLIDARITES..........................................p 18
CHAPITRE I : LE FINANCEMENT DE LA
CONSTRUCTION.......................p 19
Section 1 : Le choix d'un mode de
financement.......................................................p 20
Section 2 : Les questions financières et
fiscales liées à la construction du navire..........p 30
CHAPITRE II : LA CONSTRUCTION DU NAVIRE
...............................................p 36
Section 1 : Association et structure chantier :
du choix de la forme au contrat de
construction.....................................................................................................p
36
Section 2 : Les relations entre la structure chantier
et les différents acteurs d'un chantier de construction navale
basé sur la pratique des
solidarités...........................................p 42
TITRE II : L'EXPLOITATION NON LUCRATIVE MAIS
ECONOMIQUE D'UN
NAVIRE .............................................................................................p
52
CHAPITRE I : LES CHOIX INTERNES RELATIFS A
L'EXPLOITATION DU
NAVIRE .............................................................................................p
53
Section 1 : Le choix de la structure
exploitation.......................................................p 54
Section 2 : Les questions touchant le navire
lui-même et son armement......................p 61
CHAPITRE II : LA MISE EN OEUVRE DE L'EXPLOITATION
DU NAVIRE...p 67
Section 1 : Le transport de
marchandises...............................................................p
68
Section 2 : L'organisation de
voyages...................................................................p
73
Section 3 : Les questions liées à
l'exploitation de la structure animation.....................p 76
CONCLUSION....................................................................................p
82
BIBLIOGRAPHIE................................................................................p
84
ANNEXES..........................................................................................p
86
TABLE DES
MATIERES.......................................................................p
110
INTRODUCTION
C'est à Nantes qu'a vu le jour un projet ambitieux,
original, unique, ayant pour but la construction et l'exploitation,
fondées sur la pratique des solidarités, d'un cargo mixte
à voiles, le Cargo solidaire.
- Historique du projet
A la genèse du projet, se trouve une association
nantaise, l'association Histoire de la construction navale à Nantes (ou
AHCNN). Cette association a été crée en 1986, au lendemain
de la fermeture des chantiers de construction navale Dubigeon de Nantes, avec
pour objectifs la préservation des archives et outils des chantiers et
la mise à la disposition du public d'un lieu d'animation, d'exposition
et de documentation sur la Navale.
Au milieu des années 90, l'association fut
sollicitée pour participer à la construction de la péniche
Cap Vert. Cette péniche (qui ne navigue donc que sur les voies d'eaux
intérieures), est un bateau spécialement conçu pour
permettre à des personnes handicapées ou âgées de
naviguer, donc pour permettre à des personnes à mobilité
réduite d'avoir accès aux joies de la navigation. L'AHCNN s'est
trouvée impliquée dans la construction, apportant son aide et son
savoir faire aux initiateurs du projet. La construction, afin de conserver
intact l'esprit du projet, a été réalisée en
partenariat avec un chantier de réinsertion et avec l'aide de nombreux
bénévoles. Déjà, la première
expérience en matière de construction de l'AHCNN était
placée sous le signe de la pratique des solidarités.
Egalement, dans l'optique de préservation du
patrimoine naval de la région, le chantier était situé sur
le site de la Prairie au Duc, à Nantes. Le bateau quitta la cale
n°3 en 2001.
En 2004, la péniche Cap Vert obtint l'homologation
« bateau à passagers » et depuis ce temps,
l'association qui la gère organise des croisières sur l'Erdre et
le canal entre Nantes et Redon1(*).
Cependant, l'AHCNN n'avait pas attendu cette première
expérience réussie pour lancer l'idée de la construction
et de l'exploitation d'un navire qui pourrait parcourir les mers du globe en
embarquant à son bord un certain nombre de personnes à
mobilité réduite. L'idée même du Cargo solidaire
remonte à 1991, et le projet va développer une véritable
originalité, englobant plusieurs dimensions : innovation,
solidarité, réinsertion, écologie... qui viendront
s'ajouter à l'objectif de permettre à tous de naviguer.
L'idée était de construire un quatre mâts
barque, le Loire. Ce fut le premier nom du projet, le Loire C174. Pour le
construire, les membres de l'association décidèrent de s'appuyer
sur les plans du voilier « Loire », construit à
Nantes en 1896, tout en les adaptant aux normes et règlements actuels.
C'est là mettre en oeuvre l'un des objectifs du projet, dont il sera
reparlé plus tard, la préservation du patrimoine naval de la
région, Nantes ayant été un haut lieu de la construction
de tels voiliers.
Petit à petit, le projet prit forme et intégra
de nouvelles dimensions qui conduisirent à changer son nom de Loire C174
en Cargo solidaire. Le 11 octobre 2006, une assemblée constitutive se
réunit et créa l'association « Le Cargo
solidaire ». Cette association réunit des membres de l'AHCNN
et d'autres personnalités extérieures, particulièrement
intéressées au projet. L'article 2 des statuts de l'association
dispose que « cette association a pour objet la construction et
l'exploitation, fondées sur la pratique des solidarités, d'un
cargo mixte à voiles. ». Voilà pour l'objet
même de l'association. Les objectifs du projet sont eux nombreux et
variés et il convient de les présenter.
- Présentation des différents objectifs du
projet
Le but même de l'association est la pratique des
solidarités, et la construction et l'exploitation du Cargo solidaire
sont deux façons originales de mettre en oeuvre ce but. Cette pratique
des solidarités, qui chapeaute tout, recouvre plusieurs objectifs qu'il
est nécessaire de présenter.
Le premier objectif du projet « Le Cargo
solidaire » est la préservation du patrimoine naval de la
région et au-delà. Il s'agit de préserver un savoir faire
traditionnel dans la région, en utilisant comme base les plans du
voilier « Loire » construit à Nantes en 1896. Ce
voilier était un cap hornier (navire qui a franchi le Cap Horn dans un
sens ou dans l'autre). A partir de 1897, afin d'enrayer les baisses constantes
des frets, les armateurs français avaient fait construire et armer ces
voiliers, qui étaient en acier et d'un port en lourd de 2500 à
4500 tonnes et qui, à chacun de leurs voyages de circumnavigation,
doublaient le Cap Horn. Ces navires étaient construits par des armateurs
de Dunkerque, Le Havre, Rouen, La Rochelle, Bordeaux, Marseille et surtout
Nantes (jusqu'en 1903), qui armait à elle seule 147 grands voiliers,
dont la plupart construits dans ses propres chantiers. Ces trois mâts et
quatre mâts (il y eut aussi deux cinq mâts appelés France)
aux mâtures hautes de 45 à 55 mètres et arborant des
surfaces de voilure de 2500 à 5000 mètres carrés,
partaient d'Europe avec des cargaisons à destination de tous les pays du
monde. Il s'agit ici de faire revivre un savoir faire traditionnel, connu
à Nantes mais aussi partout en France.
Mais également, la préservation passe par
l'utilisation des outils et emplacements traditionnels d'une région
marquée par son histoire maritime. C'est pourquoi le lieu de
construction choisi est Nantes Saint-Nazaire et plus particulièrement
l'île de Nantes, à la fois pour faire revivre cet endroit et pour
conserver un savoir faire qui se perd en France, la construction maritime
étant de plus en plus délocalisée vers des pays tiers.
Le deuxième objectif du projet est l'innovation. En
effet, il a fallu adapter les plans du Loire aux contraintes actuelles. Le
Cargo solidaire est un cargo mixte, fret et passagers, conçu pour faire
des voyages au long cours. C'est un quatre mâts d'une longueur totale de
114, 2 mètres, doté d'une double propulsion, à la fois
vélique et mécanique. Sa vitesse de service sous voile devrait
être de dix noeuds, ce qui est relativement peu, mais la vitesse ne fait
pas partie des objectifs du projet. L'innovation porte donc sur la combinaison
de ces deux types de savoir faire, traditionnel et novateur, avec
l'intégration sur un navire classique d'innovations écologiques
et techniques. Notamment, il est prévu que le groupe
électrogène fonctionne au diester (énergie verte). Or,
aucun moteur marin, actuellement, n'accepte plus de 10% de ce que l'on appelle
« le gasoil vert ». Les membres de l'association
prévoient de faire travailler sur le sujet des entreprises qui
permettront d'innover dans le secteur. Une autre alternative possible serait de
faire fonctionner le groupe électrogène au GPL, énergie
moins polluante que l'essence classique. Ces innovations seront
extrêmement importantes, car appliquées sur un navire d'une grande
taille, voyageant au long cours et pourront permettre une meilleure diffusion
des connaissances en la matière et (pourquoi pas ?), la
création ad hoc d'une nouvelle catégorie de navires, les Cargos
solidaires...
L'aspect innovation se couple parfaitement avec les aspects
écologie et développement durable qui sont pleinement
intégrés dans le chantier. Le projet a pour objectif de pousser
au maximum le respect de l'environnement, que ce soit dans la construction ou
dans l'exploitation du navire. Pour cela, l'application de la démarche
Haute Qualité Environnementale (ou HQE) est mise en avant, aussi bien
sur le chantier que lors de la phase d'exploitation du Cargo solidaire. Il faut
préciser ici qu'il n'y a pas réellement de normes HQE. Cela
relève d'une démarche, d'un certain nombre de choix faits par les
concepteurs du projet (par exemple, l'utilisation, lors de la construction, de
bois cultivés en Europe dans des forêts entretenues dans une
perspective de développement durable et non d'essences tropicales, rares
ou menacées comme le teck). La propulsion à la voile, non
polluante, sera utilisée en priorité. Les déchets à
bord seront pleinement recyclés, les eaux usées traitées
avant d'être rejetées à la mer (ce qui permettra peut
être l'application de la marque CLEANSEA ou de la marque CLEANSEA SUPER
au navire). Ainsi, des caisses sanitaires sont mises en place à bord du
navire, qui récupèrent toutes les eaux usées et sont
accompagnées d'une centrale de retraitement qui permettra de rejeter
à la mer des eaux parfaitement pures.
Deux autres objectifs du projet vont également pouvoir
se coupler parfaitement : le Cargo solidaire, cargo mixte, est
conçu pour permettre à tous (y compris les personnes
handicapées) de naviguer, et pour organiser le transport de marchandises
estampillées commerce équitable à travers le monde, et ce,
au profit d'organisations non gouvernementales (ONG). Ce caractère de
mixité va poser inéluctablement la question de la
catégorie du navire et du type de règlements à appliquer,
notamment lors de la construction. Il semble cependant à première
vue que la réglementation « navire de charge »
s'appliquera à la partie fret du navire et celle « navire
à passagers » à la partie passager.
Concernant l'objectif de permettre la navigation pour tous,
il faut noter que, outre la péniche Cap Vert, une expérience
similaire a eu lieu sur deux navires en Angleterre, le Lord Nelson et le
Tenacious. L'objectif qui présidait à leur construction
était de permettre à un équipage mixte, composé en
partie de personnes handicapées, de naviguer autour du monde. Il n'y a
pas de passager sur ces navires. Chacun participe aux manoeuvres et est
considéré comme un membre d'équipage. Ces
expériences réussies prouvent l'attente qui peut exister dans le
domaine. En effet, le Lord Nelson, depuis son voyage inaugural en 1986, a
embarqué 22 908 passagers dont 8 970 personnes souffrant d'un
handicap, parmi lesquelles 3 509 se trouvaient en fauteuil. Le Tenacious,
qui navigue depuis 2000, a embarqué 5 764 passagers, parmi lesquels
2 215 handicapés et 773 personnes se trouvant en fauteuil
roulant2(*).
Le Cargo solidaire a largement intégré cette
dimension. En effet, il peut accueillir 48 passagers, dont 16 personnes
handicapées à son bord. Ces passagers seront accompagnés
par un équipage de 34 personnes. Ils ne seront donc pas des membres de
l'équipage, comme sur les deux navires anglais3(*), mais le but reste tout de
même de les faire participer, dans une certaine mesure, aux manoeuvres du
cargo, comme le prouvent les recherches actuellement menées sur
l'automatisation ou la semi-automatisation de l'ensemble du gréement
pour faciliter cette participation des personnes handicapées.
L'objectif de permettre la navigation à tous va
imposer un certain nombre de contraintes aux concepteurs du projet. Ceux-ci ont
intégré l'idée, et ont mis en place à bord un
espace médicalisé, pour permettre l'accompagnement des personnes
handicapées. Les normes de sécurité et la conception des
cabines ont été pensées en conséquence.
Le Cargo solidaire peut accueillir à son bord 20
conteneurs, ce qui permettra d'assurer la réalisation d'un autre
objectif, le transport de marchandises commerce équitable, en
partenariat avec des ONG. Cette idée découle de l'histoire
même de Nantes, port esclavagiste, et de la volonté d'inverser le
commerce triangulaire, afin d'instaurer plus d'équité dans les
relations Nord/Sud. Le Cargo solidaire sera donc affrété pour
transporter des marchandises commerce équitable, qui lui seront
confiées par des ONG, au prix du marché. Mais également,
le Cargo solidaire pourra transporter, au profit d'ONG, des marchandises non
estampillées commerce équitable, comme des médicaments ou
des vêtements. Leur transport à bord du navire est une excellente
vitrine pour ces associations.
Il convient de rappeler ici quelques règles
afférentes au commerce équitable. Il est né dès la
fin des années 40 avec les américains de Thousand Villages, puis
dans les années 50 en Europe avec Oxfam, actuellement l'ONG la plus
puissante dans le domaine. Cependant, la prise de conscience était
beaucoup plus ancienne, et, dans l'édition originale de Max
Havelaar ou les ventes de café de la compagnie commerciale des
Pays Bas de 1860, on retrouve cette phrase : « Ils sont
très rares, très rares, les Européens qui ne croient pas
inutile de condescendre à observer les émotions de ces outils
à produire le café ou le sucre que l'on nomme les
indigènes. »4(*). Le principe connaîtra sa
consécration au niveau international avec le célèbre
slogan adopté lors de la deuxième conférence des Nations
Unies sur le commerce et le développement de 1968 :
« Trade, not aid ». Une définition au
niveau international a été donnée :
« Le commerce équitable est un partenariat commercial
fondé sur le dialogue et la transparence et le respect, dont l'objectif
est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce
mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures
conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des
travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la
Planète. Les organisations du commerce équitable (soutenues par
les consommateurs) s'engagent activement à soutenir les producteurs,
à sensibiliser l'opinion et à mener campagne en faveur de
changements dans les règles et pratiques du commerce
équitable. »5(*). Le principe premier du commerce équitable
est la garantie donnée aux petits producteurs de commercialiser leurs
produits à des prix plus rémunérateurs que les cours
mondiaux. C'est également une garantie de relative stabilité des
prix et la mise en place de conditions et de délais de paiement, voire
des possibilités de préfinancement, qui évitent aux
paysans et aux artisans de brader leurs produits ou d'avoir recours à
des prêts usuriers6(*).
Cet objectif de solidarité, de pratique des
solidarités, se retrouve aussi dans le dernier objectif du projet :
la formation et la réinsertion pour tous. Le chantier de construction
s'étalera sur sept ou huit ans, par tranches de deux ans avec des
objectifs précis pour chacune de ces tranches. La rapidité n'est
pas un critère déterminant ici. Le but est de permettre à
une centaine de personnes par an de se réinsérer ou de se former
sur le chantier. Il faut valoriser l'être humain par son travail.
Cet objectif sera atteint par des partenariats avec les
écoles de la région et avec les organismes de réinsertion
professionnelle. L'ouverture du chantier au public permettra de rendre compte
de l'état d'avancement des travaux et aussi de présenter les
différents métiers de la Navale, dans une optique de diffusion et
de valorisation des savoirs.
Ainsi, après cette présentation des
différents objectifs du projet, une idée force
apparaît : le Cargo solidaire (justement qualifié d'utopie
réaliste) est un outil permettant la pratique des solidarités, et
même, au-delà, un projet fondé uniquement sur cette
pratique des solidarités.
- Présentation de l'état actuel du
projet
La particularité du projet est d'être
mené par une association, « Le Cargo solidaire ».
Cette association a été constituée le 11 octobre 2006 et,
suite à la déclaration en préfecture, une insertion
reprenant certains éléments de la déclaration afin de
faire connaître la constitution de l'association aux tiers fut faite dans
le Journal Officiel de la République Française le 25 novembre
2006. En juillet 2007, l'association continuait à oeuvrer, multipliant
les démarches près des partenaires potentiels et recherchant des
subventions. Le lancement de la construction est prévu en 2008.
Le choix de la forme associative s'accorde parfaitement avec
les objectifs du projet, mais de ce choix, vont découler un certain
nombre de spécificités. On ne se trouve pas, ici, dans un cadre
classique de construction et d'exploitation d'un navire. Un rapide état
des lieux est nécessaire avant de développer une
problématique.
L'association qui va mettre en oeuvre ce projet est une
association déclarée loi de 1901. En matière de droit
français des associations, les grands textes fondateurs sont la loi du
1er juillet 1901 et son décret d'application du 16 août
19017(*). La loi de 1901
opère une distinction entre quatre types d'associations : les
associations non déclarées, les associations
déclarées, qui ont une capacité réduite et ne
peuvent en principe recevoir des dons et legs, les associations reconnues
d'utilité publique, et les associations agrées8(*). Il faut noter également
qu'existe un projet d'association européenne, destiné aux
associations dont le champ d'activité s'étend à plus d'un
Etat membre de l'Union Européenne et aux associations qui veulent agir
en commun au niveau européen. Si ce projet voit le jour, il sera peut
être intéressant pour le Cargo solidaire d'y prendre part, afin de
donner une dimension supplémentaire au projet.
La déclaration à la préfecture ou
à la sous préfecture est nécessaire pour faire
acquérir à l'association la personnalité morale. En effet,
une association non déclarée n'aura pas la personnalité
morale vis-à-vis des tiers. Dans le cadre de l'association
« Le Cargo solidaire », la déclaration fut faite
à la préfecture. Depuis, l'association « Le Cargo
solidaire » jouit donc de la personnalité morale, a un nom, un
domicile, une nationalité (ici, la nationalité française),
et un patrimoine propre qui ne se confond pas avec celui des membres. De plus,
l'association peut passer des contrats avec des tiers, agir en justice par
l'intermédiaire de ses représentants, et être
elle-même représentée devant les tribunaux. Cependant, il
est coutumier de dire que l'association déclarée ne jouit que
d'une demi-personnalité morale, en ce qu'il y existe un certain nombre
d'actes qu'elle ne peut accomplir, notamment recevoir des
libéralités. Ce point sera développé plus tard.
Les statuts de l'association, formalité indispensable
pour sa constitution, sont dans l'ensemble classiques et conformes au droit en
vigueur, c'est-à-dire à la loi de 1901 et à son
décret d'application9(*). Le siège de l'association se trouve à
Nantes, et l'article 3 des statuts confère le pouvoir de changer le
siège au conseil d'administration, ce qui est le plus simple. En effet,
en l'absence de dispositions expresses dans les statuts, le pouvoir d'effectuer
toute modification statutaire revient à l'assemblée des membres
(générale ou extraordinaire), ce qui constitue une
procédure longue et lourde.
L'association « Le Cargo solidaire » est
constituée pour une durée illimitée, sa dissolution peut
être prononcée à n'importe quel moment. Pour devenir membre
de cette association, aucune condition de fond n'est posée, il suffit
simplement d'adhérer aux statuts et de s'acquitter de sa cotisation.
Peuvent être membres des personnes physiques ou morales. L'article 7 des
statuts énonce les quatre cas classiques de perte de la qualité
de membre : le décès, la radiation, la démission ou
le non paiement de la cotisation.
Il est à noter que l'article 12 des statuts
prévoit la rédaction d'un règlement intérieur qui
viendra compléter les dits statuts. Ce règlement n'a toujours pas
été adopté. Il est recommandé à
l'association de le faire, afin de garantir l'homogénéité
et la sûreté des règles lorsque l'association prendra de
l'ampleur (au moment du lancement de la construction). Il sera
nécessaire à ce moment là de préciser de nombreux
points, aussi divers que les contrats de travail, les assurances, la tenue
d'une comptabilité, etc... Le règlement intérieur peut
être modifié assez facilement (contrairement aux statuts qui
exigent la tenue d'une assemblée générale) : il
suffit d'une décision du conseil d'administration portée à
la connaissance des membres (par exemple, par voie d'affichage dans les locaux
de l'association).
Les ressources de l'association sont nombreuses :
cotisations, ventes de produits ou de services fournis par l'association,
subventions, dons manuels, et toutes autres ressources non contraires au droit
en vigueur. Ces ressources ne posent pas problème, la loi de 1901
disposant que « toute association régulièrement
déclarée peut, sans autorisation, recevoir des dons manuels ainsi
que des dons des établissements d'utilité
publique »10(*). Cependant, l'article 17 de cette même loi
interdit formellement aux associations déclarées de recevoir des
dons et legs, soit directement, soit par personnes interposées, soit
indirectement et cet article déclare nuls tous actes entre vifs ou
testamentaires.
L'un des problèmes majeurs du projet « Le
Cargo solidaire » est de trouver le financement suffisant pour
assurer la construction du navire. Cette disposition ne va-t-elle priver
l'association de ressources financières appréciables ? Une
catégorie spéciale d'association a le droit de recevoir des dons
et legs : il s'agit des associations déclarées
d'utilité publique. Ces associations doivent présenter un
intérêt particulier pour la collectivité nationale :
elles doivent être d'une importance certaine et poursuivre un but
d'intérêt général. C'est le ministre de
l'Intérieur qui, après avis du Conseil d'Etat, signera un
décret de reconnaissance d'utilité publique. Cependant, la
reconnaissance d'utilité publique, si elle octroie certains avantages,
fait également peser sur l'association un grand nombre de contraintes,
en matière de fonctionnement interne notamment11(*). Il faut se demander si
réellement, elle sera de quelque utilité à l'association
« Le Cargo solidaire ».
Il semble que non. L'objet même de l'association
devrait lui permettre de bénéficier d'une exception. En effet, un
certain nombre de textes ont admis que des associations simplement
déclarées puissent recevoir des dons et legs, notamment les
associations d'assistance et de bienfaisance, catégorie dans laquelle
pourrait rentrer « Le Cargo solidaire »12(*). De plus, le
législateur a largement encouragé la pratique des dons en
espèces faits au profit d'oeuvres ou d'organismes d'intérêt
général, de caractère philanthropique, éducatif,
scientifique, social ou familial, puisqu'il autorise à déduire du
montant de leur bénéfice imposable ces versements, dans une
certaine limite. Cela permettrait d'encourager les dons faits à
l'association.
Le budget de construction est très
élevé13(*),
et les membres de l'association n'ont pas misé sur l'apport de
libéralités pour parvenir à le constituer. Les apports
consistent davantage en subventions, mécénat, ventes de produits
dérivés et visites guidées du chantier. La forme de
l'association, association déclarée, convient parfaitement au
projet, puisqu'il n'est pas fait appel, pour le moment, à des
libéralités.
Trois organes vont présider au fonctionnement de
l'association, dont l'un est plus spécifique au Cargo solidaire. Tout
d'abord, la classique assemblée générale ordinaire,
composée de tous les membres de l'association, qui se réunit une
fois par an au minimum, valide les comptes et adopte certaines lignes
directrices. Le même organe sera dénommé assemblée
générale extraordinaire lorsque, par exemple, une modification
statutaire ou une nécessaire dissolution ne peuvent attendre la
convocation à une date normale de l'assemblée
générale ordinaire.
Ensuite, on trouve le conseil d'administration, dont la
particularité est d'être composé de neuf
co-présidents14(*).
Ce conseil d'administration met en oeuvre les décisions de
l'assemblée générale et se charge du fonctionnement au
quotidien de l'association.
Enfin, un troisième organe, moins classique, existe.
Il s'agit du comité d'éthique, crée par l'article 10 du
statut, qui est « garant du respect de l'objet de
l'association ». Ce comité est constitué par les
membres fondateurs de l'association, excepté les co-présidents
pendant la durée de leur mandat. Avec ce comité d'éthique
et l'objet de l'association, on va toucher le coeur même du
problème, la véritable particularité juridique du projet.
Quelle est la raison d'être de ce comité
d'éthique ? De garantir le respect de l'objet de l'association.
L'objet de l'association, défini dans l'article 2 des statuts, est
« la construction et l'exploitation, fondée sur la
pratique des solidarités, d'un cargo mixte à voiles ».
Le risque de dérive ne se situe certainement pas du
côté de la construction et de l'exploitation. Ces deux
thèmes sont suffisamment larges pour englober une grande
catégorie d'actes s'y rattachant, sans que l'on sorte de l'objet de
l'association. Le risque pèse bien sur la formule
« fondée sur la pratique des
solidarités ».
En effet, c'est commercer que de construire et d'exploiter un
navire, et ce type d'activités est plutôt réservé
aux sociétés. L'association est un groupement civil par nature,
tandis que la société est un groupement commercial. Une
différence fondamentale existe entre eux. La société,
suivant l'article 1832 du Code Civil, « est instituée par
deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à
une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager ce
bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en
résulter ». Le but d'une association ne pourra jamais
être de réaliser des bénéfices en vue de les
partager entre ses membres. Si cela était, le juge requalifiera
l'association en société crée de fait15(*).
Cependant, la ligne de démarcation entre
société et association a tendance, au fil du temps, à
devenir de plus en plus floue. Il est très fréquent que des
associations aient une activité économique (activité qui
consiste à produire ou distribuer des biens et des services). Il arrive
donc qu'elles réalisent des bénéfices (cette
hypothèse est envisagée dans le budget prévisionnel
d'exploitation du Cargo solidaire).
La réalisation de tels bénéfices n'est
pas interdite, c'est leur partage entre les membres de l'association qui l'est.
Ces bénéfices devront être nécessairement
réaffectés à la réalisation du but poursuivi par
l'association ou mis en trésorerie.
Il arrive aussi que l'activité économique
englobe également la réalisation d'actes de commerce.
L'association, si elle ne veut pas se voir qualifiée de
commerçante, devra accomplir ces actes de façon accessoire
à son activité principale, et ces actes devront lui permettre de
réaliser son objet statutaire. En effet, l'article 1er du
Code de Commerce dispose que « sont commerçants ceux qui
exercent des actes de commerce et en font leur profession
habituelle ». Les deux critères retenus ici (exercice
habituel d'actes de commerce et exercice à titre professionnel) pourront
trouver à s'appliquer à bien des associations, qui deviendront
alors des associations commerçantes et se verront appliquer les
règles du droit commercial : rien, dans la loi de 1901, n'interdit
en effet à une association d'être commerçante.
On le voit, la frontière est souvent ténue
entre l'association et la société. Différentes dans la
théorie, elles se ressemblent plus qu'il n'y paraît au premier
abord dans la pratique. En particulier, dans le cas du Cargo solidaire, le
risque d'une dérive apparaît nettement. Il est aisé
d'imaginer, à terme, une association fonctionnant comme n'importe quelle
société, organisant des voyages et des affrètements en se
servant d'une vague image « solidaire », et
réalisant des bénéfices qu'elle partagerait entre ses
différents membres. L'activité de l'association ne serait plus
désintéressée et risquerait la requalification en
société de fait.
Il faut garder intact l'esprit du projet voulu par les
fondateurs : la construction et l'exploitation d'un navire dans un but
désintéressé. Ce sont donc toute la particularité,
toute la richesse, tout l'intérêt même du projet qui vont
s'exprimer ici. On se trouve en présence de deux activités
classiques du droit maritime : la construction et l'exploitation d'un
navire, activités normalement tournées vers la réalisation
de bénéfices. Ces deux activités vont être mises au
service d'un objectif ambitieux : la pratique des solidarités,
pratique garantie à la fois par le comité d'éthique et par
l'article 2 des statuts de l'association.
Le problème qui se pose, qui sous tend alors toute
cette réflexion est forcément axé sur cette
originalité du projet. Toute la question, alors, est de savoir si la
pratique des solidarités, véritable coeur du projet, conduit
à envisager des solutions différentes de celles que l'on trouve
classiquement. Quelles sont les spécificités dans la construction
et l'exploitation du Cargo solidaire qui découleront de cette
finalité première et nécessaire qu'est la pratique des
solidarités ?
La réponse va être amenée en deux
temps : tout d'abord (Titre I), en étudiant de l'origine à
la construction un projet basé sur la pratique des solidarités.
Comment, du financement à la fin du chantier, va-t-on réussir
à combiner les règles classiques du droit maritime avec des
règles innovantes qui reprendront les différents objectifs du
projet ? Ensuite (Titre II), en concentrant la réflexion sur
l'exploitation non lucrative mais économique d'un navire. Cette
exploitation ne peut donc être tournée uniquement vers la
réalisation de bénéfices. La garantie de l'esprit du
projet exige même qu'elle se fasse dans un esprit strictement
désintéressé. Mais elle sera aussi nécessairement
économique, tout simplement parce qu'un budget équilibré
sera nécessaire à l'association pour perdurer.
TITRE I
DE L'ORIGINE A LA CONSTRUCTION DU NAVIRE :
UN PROJET BASE SUR LA PRATIQUE DES SOLIDARITES
Ce titre se subdivise aisément en deux chapitres. En
effet, la première question qui va se poser à l'association
« Le Cargo solidaire » est celle de savoir comment elle va
pouvoir assurer le financement de la construction (chapitre I). Ensuite, il
faut se demander comment mettre en oeuvre cette construction, tout en tenant
compte des particularités que va induire la pratique des
solidarités (chapitre II).
CHAPITRE I : LE FINANCEMENT DE LA CONSTRUCTION
Quel est le mode traditionnel de financement
de la construction d'un navire ? Doit-il être utilisé dans le
cas de la construction du Cargo solidaire ? Ou bien délaissé
au profit d'un autre type de financement et pourquoi ?
La construction d'un navire coûte très cher, et
il est rare que les entreprises disposent des fonds nécessaires. Ils
vont les trouver près d'établissements financiers ou de
crédit, souvent au moyen d'opérations de crédit bail ou
leasing16(*). Ces
derniers vont assurer leur remboursement en constituant une hypothèque
sur le navire en construction, ou également en pratiquant
l'affrètement coque-nue financier.
Il apparaît évident que ce type de financement
ne peut pas être utilisé dans le cadre de la construction du Cargo
solidaire, en raison, notamment, de la finalité même du projet (la
pratique des solidarités). Le projet est mené par une
association, qui n'a pas pour vocation de réaliser des
bénéfices, contrairement à une société
commerciale classique. Ses ressources ne sont pas celles des
sociétés, celles du Cargo solidaire étant notamment
constituées par des subventions et des cotisations. L'association ne
peut pas encore compter sur la fourniture de prestations de services
(excepté, durant la construction, sur l'argent rapporté par les
visites du chantier, mais il faut pour cela que le chantier soit lancé).
De plus, il est douteux que des établissements financiers ou de
crédit acceptent de financer une telle construction, car les sommes en
jeu sont énormes et une association n'offre évidemment pas les
mêmes garanties de paiement qu'une société, dont le but est
de faire du profit. Il va donc falloir dégager d'autres solutions,
et ce sont elles précisément qui vont être
étudiées dans la section I. Il faudra par ailleurs envisager les
questions financières et fiscales particulières qui vont
être liées à la gestion de ce financement dans une section
II.
Section I : Le choix d'un mode de financement
Pour rester fidèle à l'esprit du projet, il va
falloir avoir recours à des solutions différentes de celles
proposées par le droit commun. Ces solutions devront permettre de
garantir l'indépendance financière de l'association, être
suffisantes pour que le projet soit mené à bien et permettre
à tous d'y participer. Elles sont au nombre de trois :
l'association mère avec éventuellement des structures filles
(§1), le mécénat (§2), et la fondation (§3).
Ces structures permettront d'aller rechercher le financement
nécessaire près d'organismes publics ou éventuellement
privés. Le financement, suivant le budget prévisionnel
établi par l'association, va être recherché près de
la mairie de Nantes et de Nantes métropole (communauté
d'agglomération), du Conseil Général, du Conseil
Régional, de l'Etat, de l'Europe, et en organisant des conventions de
mécénat17(*).
Le but, ici, va être de comparer les différentes
solutions offertes par le droit afin de déterminer laquelle des trois
solutions est la plus apte à permettre le meilleur financement possible
du projet. Il faut également avoir conscience du fait que l'association,
en sa forme actuelle, va probablement être amenée à
évoluer.
§1 : L'association mère et ses structures
filles
Le choix de la forme associative correspond parfaitement
à l'esprit du projet, l'objectif n'étant ici pas de
réaliser des bénéfices, mais de mettre en oeuvre la
pratique des solidarités. Cependant, l'association simplement
déclarée ne jouit que d'une demi-personnalité morale, qui
l'empêche d'accomplir certains actes, peut-être nécessaires
à la réalisation du projet, notamment recevoir des dons et
libéralités entre vifs ou testamentaires.
Quelles vont être les ressources de l'association qui
vont permettre la construction du navire ? D'une façon
générale, quelles sont les ressources dont l'association va
pouvoir disposer conformément à la loi tout au long de son
existence ?
Ces ressources sont prévues dans l'article 11 des
statuts, mais rien ne s'oppose à ce qu'une modification statutaire
élargisse cette liste, en restant bien évidemment conforme
à la loi.
On opère une distinction entre les ressources internes
et les ressources externes à l'association. Dans les premières,
on trouve tout d'abord les cotisations. Celles-ci ne posent pas de
problème particulier, mais ne constituent cependant qu'une part
négligeable du financement du projet.
Ensuite, l'expression « vente de produits, de
services ou de prestations fournies par l'association »
mentionnée par les statuts est recouverte par l'expression plus
générale d'activités économiques. On distingue
l'activité économique, qui consiste à produire ou à
distribuer des biens ou services, de l'activité commerciale, qui est
l'accomplissement à titre habituel, d'actes de commerce.
L'exercice d'activités économiques par les
associations est parfaitement possible, à la condition que cette
activité soit développée dans le cadre d'un objet licite
excluant tout partage de bénéfices entre les
sociétaires18(*).
Il est nécessaire, de plus, que ces activités économiques
soient prévues dans les statuts. Cela ne semble poser aucun
problème dans le cadre du Cargo solidaire, les statuts parlant
expressément de construction et d'exploitation, activités
économiques par nature.
Pour les activités économiques, certaines
règles du droit des affaires trouveront à s'appliquer à
l'association, entre autres : l'article L. 612-4 du Code de Commerce
relatif au règlement amiable et à la prévention des
difficultés des entreprises qui s'impose aux personnes morales
exerçant des activités économiques au-delà d'un
seuil de 150 000 euros ; les dispositions du Code de Commerce sur le
redressement et la liquidation judiciaires des entreprises ; certaines
règles en matière de concurrence (l'association peut
notamment faire l'objet d'une action en concurrence déloyale)...
Lorsque l'activité de l'association n'est plus
seulement économique, mais commerciale (réalisation à
titre habituel d'actes de commerce), certaines règles du droit
commercial vont trouver à s'appliquer, et l'on pourra se poser la
question de savoir si l'association doit rechercher la qualification de
commerçante. En effet, certaines associations réclament cette
qualification, qu'elles jugent avantageuse, parce qu'elle leur permet, par
exemple, de récupérer la TVA ou encore d'obtenir le
renouvellement d'un bail commercial.
L'association « Le Cargo solidaire » se
situe a minima dans le domaine de la para commercialité. Tout au long de
son existence, l'association sera amenée à réaliser des
actes de commerce classiques, comme les contrats de transport. Pourra-t-elle
rechercher cette qualification ?
La Cour de Cassation admet traditionnellement qu'une
association puisse effectuer des actes de commerce qui ne modifient en rien la
nature civile du groupement à condition qu'ils ne soient qu'accessoires
par rapport à l'objet statutaire de l'association et à condition
que les bénéfices ne soient pas distribués aux membres.
Lorsque les actes de commerce sont réalisés de façon
habituelle, la question est plus épineuse. La Cour de Cassation
renâcle à reconnaître la qualité de commerçant
aux associations, et se contente, dans les espèces dont elle a eu
connaissance, d'appliquer ou de refuser d'appliquer certaines règles du
droit commercial (comme le statut des baux commerciaux, les règles de
preuve en matière commerciale, la compétence des tribunaux de
commerce...). De façon générale, pour qu'une association
soit commerçante, il faut qu'elle exerce son activité commerciale
à titre principal, que cette activité revête un
caractère spéculatif répété et prime l'objet
statutaire.
Il semble difficile ici de rechercher la qualification de
commerçant, ne serait-ce que parce que l'activité commerciale ne
prime pas l'objet statutaire, mais est bien mise au service de sa
réalisation à travers la pratique des solidarités.
L'activité économique de l'association est indiscutable, son
activité commerciale aussi, mais rien ne prouve qu'être
commerçant conférerait de plus grands avantages à
l'association pour assurer le financement du projet. Au contraire, il semble
même que cela l'écarterait de la possibilité d'obtenir un
certain nombre d'aides. Il faut aussi souligner que l'association, qui ne jouit
que d'une demi-personnalité morale, ne bénéficie pas de
toutes les prérogatives d'une société en la
matière. A ce titre, il apparaît judicieux de confier la
réalisation des actes de commerce à une structure
« fille » de l'association, qui pourrait être une
société. Les fondateurs du projet ont écarté
l'idée quant à la construction du navire, qui sera menée
par l'association elle-même. Mais c'est la solution qui est
envisagée pour l'exploitation du navire et qui sera, à ce titre,
développée dans le Titre II.
Cette filialisation est également une solution qui
permettrait de soustraire les activités non commerciales aux
impôts commerciaux qui pourront être exigés. Même si
l'association n'est pas reconnue juridiquement commerçante, elle pourra
l'être fiscalement et ainsi être soumise aux impôts
commerciaux. L'administration fiscale utilise en effet d'autres critères
que la Cour de Cassation pour juger de la qualification de
commerçant19(*).
Voilà pour les ressources internes à
l'association mentionnées dans les statuts. D'autres ressources peuvent
également être envisagées, des ressources externes, qui
ici, vont jouer un grand rôle dans le financement de la construction du
navire. Sont mentionnés dans les statuts les dons manuels, parfaitement
licites dans le cas des associations simplement déclarées. Il
faut noter ici que les dons des établissements d'utilité publique
sont également possibles20(*). La question des libéralités pose plus
de problèmes.
Une association simplement déclarée ne peut, en
effet, recevoir de libéralités entre vifs ou testamentaires. Une
exception existe cependant, qui permettrait au Cargo solidaire de
compléter utilement ses moyens de financement, pour les associations
déclarées qui ont pour but exclusif l'assistance, la
bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale. Dans ce cas, une
demande d'acceptation de donation ou de legs est adressée au
préfet du département du siège social de l'association.
Cette demande entraîne une enquête administrative et certaines
modifications statutaires. La décision d'autorisation est prise par
décret en Conseil d'Etat21(*).
L'association peut également bénéficier
de subventions, qui jouent une grande part dans le budget prévisionnel
de construction du Cargo solidaire. Elle peut recevoir des subventions de
l'Etat, des départements, des communes et des établissements
publics. Il faudra pour cela qu'elle dépose une demande de subvention
auprès de la collectivité. La décision d'octroi ou non
relève du pouvoir discrétionnaire de la collectivité. Il
faut noter qu'une collectivité territoriale ne peut accorder une
subvention à une association que si l'activité de celle-ci
présente un intérêt pour la collectivité,
c'est-à-dire que si l'activité de l'association entre dans le
champ d'action de la collectivité considérée. Les
subventions peuvent être accordées en espèces ou en nature,
et doivent être utilisées conformément à
l'affectation prévue ou à l'objet social de l'association sous
peine de reversement à la personne morale. Une association n'a pas le
droit de faire bénéficier une autre association de tout ou partie
de la subvention qui lui a été versée : cette
condition semble mettre un frein à une filialisation sous la forme
association mère- association fille.
Les subventions sont très encadrées par les
pouvoirs publics et un grand nombre de conditions est posé pour leur
octroi et leur utilisation. Notamment, des règles fiscales et comptables
particulières vont être appliquées, qui seront
développées plus bas.
Enfin, l'article 11 des statuts rappelle que les finances de
l'association peuvent être constituées « de toute
autre ressource qui ne soit pas contraire aux règles en
vigueur ». Un grand nombre de ressources financières
peuvent entrer dans cette catégorie : les apports en espèces
ou en nature faits à l'association par un sociétaire (membre) ou
un tiers, l'excédent des ressources annuelles (économies faites
sur le budget annuel), les amendes éventuelles prononcées
à l'encontre d'un sociétaire, les emprunts sous certaines
conditions etc...
L'association est donc un bon mode de financement du projet,
mais mal adapté, sous certains aspects, aux pratiques commerciales qui
seront nécessaires pour réaliser l'objet statutaire. Faudra-t-il
envisager une filialisation sous forme de société ?
§2 : Le mécénat
Un autre outil pourra être utilisé afin de
rassembler le financement nécessaire à la construction du Cargo
solidaire, un outil qui ne nécessitera pas la transformation de
l'association en un autre type de groupement : il s'agit du
mécénat22(*). Le budget prévisionnel de construction du
navire prévoit le recours au mécénat pour un montant total
de 9 736 000 euros, ce qui est considérable.
Le mécénat s'apparente à la subvention,
mais dans le domaine privé : il permet de faire appel à des
fonds privés, plus nombreux et plus souples d'accès que les fonds
publics. Un arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la
terminologie économique et financière définit le
mécénat comme étant « le soutien
matériel apporté sans contrepartie directe de la part du
bénéficiaire à une oeuvre ou à une personne pour
l'exercice d'activités présentant un intérêt
général ». Le mécénat est donc une
forme de générosité désintéressée,
qui se différencie du parrainage ou sponsoring (auquel le Cargo
solidaire pourra également avoir recours !). Le parrainage est le
soutien matériel apporté à une manifestation, à une
personne, à un produit ou à une organisation en vue d'en retirer
un bénéfice direct.
Le mécène va faire un don (une
libéralité) à une association qui se situe en France et
présente un intérêt général ; il
n'attend pas de contrepartie financière ou autre. Mais cela suppose que
l'association « Le Cargo solidaire » puisse recevoir des
dons. On différencie quatre formes de mécénat : le
mécénat financier (cotisations, subventions, apports en
numéraire), le mécénat en nature (remise d'un bien, de
marchandises en stock, exécution de prestations de services), le
mécénat technologique (qui mobilise le savoir faire, le
métier de l'entreprise au bénéfice de partenaires
culturels ou du monde de la solidarité), et le mécénat de
compétences (des salariés sont mis à disposition, par
l'entreprise, de l'association, et continuent d'être
rémunérés par leur entreprise d'origine). Le Cargo
solidaire compte utiliser le mécénat financier et le
mécénat de compétences pour financer la construction.
Mais l'association est-elle éligible au
mécénat ? En admettant qu'elle puisse recevoir des dons
comme association ayant pour but exclusif l'assistance ou la
bienfaisance23(*), deux
conditions restent posées : se situer en France et présenter
un intérêt général. La première condition ne
crée pas de difficultés : le siège de l'association
est à Nantes. Pour la deuxième, il faut apprécier la
notion d'intérêt général. La notion
d'intérêt général est très floue en droit
français. Il va falloir ici l'envisager du point de vue du droit fiscal.
En droit fiscal, la notion d'intérêt
général s'apprécie à travers la prise en compte
d'un certain nombre de critères. Tout d'abord, l'association ne doit pas
fonctionner au profit d'un nombre restreint de personnes. Ensuite, elle ne doit
pas exercer d'activité lucrative (c'est sur ce critère que sera
nécessaire une filialisation ou une sectorisation des activités
lucratives). Ensuite, elle doit avoir une gestion
désintéressée, c'est-à-dire qu'elle doit être
administrée à titre bénévole par des personnes qui,
directement ou par personnes interposées, n'ont aucun
intérêt dans les résultats de l'exploitation ; elle ne
doit procéder à aucune distribution de
bénéfices ; ses membres et leurs ayant-droits n'ont aucun
droit à l'attribution d'une part quelconque de son actif, sauf pour le
droit de reprise des apports. Enfin, l'activité de l'association ne doit
pas concurrencer le secteur commercial dans des conditions de gestion
similaire. Pour apprécier la non lucrativité, on prend en compte
deux éléments : la gestion
désintéressée et l'utilité sociale. Cette
dernière découle de quatre notions (c'est la règle des 4
P) : l'association doit satisfaire un besoin peu ou pas pris en compte par
les sociétés (produit), les prix que l'association propose
doivent se distinguer des prix proposés par le marché ou
être modulables en fonction des personnes (prix), l'activité de
l'association doit bénéficier à des personnes justifiant
l'octroi d'avantages particuliers au regard de leur situation économique
et sociale (public) et l'association doit choisir le support de sa
publicité et son contenu en tenant compte du public visé
(publicité)24(*).
La question de savoir si le Cargo solidaire remplit toutes ces
conditions reste posée et est soumise à l'appréciation de
l'administration fiscale25(*). Association opérant dans le domaine
économique, le Cargo solidaire va être amenée, sur bien des
points, à se rapprocher davantage des sociétés qu'à
s'en démarquer. Mais les originalités de ce projet fondé
sur la pratique des solidarités sont telles qu'il est loisible de penser
que la notion d'intérêt général va l'emporter, et
c'est sur cette hypothèse que l'on va continuer.
Ensuite, il faudra adresser une demande de financement
auprès d'un éventuel mécène : il s'agira
très souvent d'une fondation. Les entreprises, en particulier,
créent des fondations qui participent uniquement à des
activités de mécénat26(*). Il n'existe pas de documents types pour effectuer la
demande, mais il est recommandé d'envoyer les coordonnées exactes
de l'association, les statuts, des renseignements concernant le bureau de
l'association et le personnel de l'association, indiquer la compagnie
d'assurances de l'association, ses activités, son bailleur si elle est
locataire, un résumé des différentes manifestations
organisées l'année précédente, quels sont les
nouveaux projets mis en oeuvre avec leur descriptif, le bilan de l'année
écoulée et le budget prévisionnel des projets. Si la
demande est acceptée, il faudra conclure un contrat. Ce n'est pas
obligatoire, il n'existe pas de contrat type, mais il est tout de même
fortement conseillé d'inclure dans cet écrit : la
durée de validité du contrat, le délai de versement des
fonds ou de livraison du matériel, le régime fiscal s'appliquant
à ces fonds, l'exclusivité ou non du mécénat, et
une clause de résiliation.
Concernant le mécénat de compétences
souhaité par l'association « Le Cargo solidaire »,
il est évident que c'est l'entreprise mécène qui reste
employeur et assume donc toutes les charges financières et fiscales
liées à cela.
L'association devra ensuite informer
régulièrement le mécène de l'état
d'avancement du projet et organiser à l'avance le travail commun. En
effet, dans une certaine mesure, le mécène va pouvoir être
autorisé à tirer un certain avantage de sa
générosité
« désintéressée ». Le
mécénat est avant tout un excellent moyen de communication pour
l'entreprise qui a crée la fondation mécène. Par exemple,
le nom du mécène pourra être associé à celui
de l'association (sous forme d'une simple mention). L'instruction fiscale du 26
avril 2000 autorise clairement l'existence de contreparties, à condition
toutefois qu'il existe une disproportion marquée entre les sommes
données et la valorisation de la prestation rendue (inférieure
à 25 %).
L'intérêt, pour le mécène, va
également être de pouvoir bénéficier d'une
réduction d'impôts sur ses impôts commerciaux. En effet,
l'article 238 bis du Code Général des impôts modifié
par la loi du 1er août 2003 dispose qu'ouvrent droit à
une réduction d'impôt égale à 60% de leur montant
les versements en numéraire ou en nature, pris dans la limite de 5 pour
1000 du chiffre d'affaires, effectués par les entreprises assujetties
à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les
sociétés au profit d'oeuvres ou d'organismes
d'intérêt général philanthropique, éducatif,
scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel. Sur la base de
l'hypothèse formulée plus haut, l'association « Le
Cargo solidaire » rentre parfaitement dans cette catégorie. Il
suffira qu'elle remette un reçu de don aux oeuvres à l'entreprise
mécène pour que celle-ci puisse bénéficier de la
réduction mentionnée plus haut.
Le mécénat peut être une ressource
très appréciable pour le Cargo solidaire, car les entreprises
disposent de moyens conséquents en la matière, qu'elles utilisent
pour redorer leur image.
§3 : La fondation
Pour élargir encore les possibilités de
financement du projet, une troisième solution a été
envisagée, qui est la transformation de l'association en fondation. Aux
termes de la loi du 23 juillet 1987, la fondation « est l'acte
par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident de
l'affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à une
oeuvre d'intérêt général et à but non
lucratif »27(*).
Il existe trois types principaux de fondations. Tout d'abord
la fondation d'entreprise, mais celle-ci ne peut être crée par une
association. Ensuite, la fondation abritée ou sous égide, que
l'on va retrouver au sein de l'Institut de France, de la Fondation de France,
ou d'une autre fondation abritante. Il ne semble pas qu'il s'agisse de la
meilleure solution pour mener à bien le projet « Le Cargo
solidaire ». En effet, la fondation sous égide ne jouit pas de
la personnalité morale. C'est la fondation abritante qui
l'héberge qui gère son budget.
Le troisième type de fondation est la fondation
reconnue d'utilité publique. C'est celle-là qui pourra être
envisagée pour financer le Cargo solidaire.
Il faut ici rappeler quelques règles fondamentales
relatives aux fondations reconnues d'utilité publique. Elles se
différencient des associations en ce qu'elles ne comportent jamais de
membres (et ne bénéficient donc pas des subventions comme mode de
financement). Elles doivent bénéficier, au moment de leur
création, d'un patrimoine qu'elles vont affecter à la
réalisation de leur but. Pour obtenir la reconnaissance d'utilité
publique, la dotation initiale doit être supérieure à un
million d'euros. La procédure de reconnaissance d'utilité
publique est assez longue : elle prend de quelques mois à deux ans.
Il va falloir déposer un dossier de demande, qui va faire ressortir,
entre autres, les buts que poursuivent les fondateurs, l'originalité de
la fondation, le caractère généreux et/ou
d'intérêt général des objectifs, les moyens
financiers de l'institution sous forme d'une dotation initiale, les revenus
dont elle disposera. En outre, un bilan prévisionnel concernant les
trois premières années d'activité de la fondation est
exigé. La demande va être examinée par le ministre de
l'Intérieur, qui rendra sa décision après avis du Conseil
d'Etat.
Une fois la fondation crée, elle va perdurer pour une
durée illimitée, du fait du caractère irrévocable
de l'affectation des fonds au but poursuivi : les fonds sont
définitivement acquis par la fondation. La survie de la fondation
échappe donc à la volonté de ses fondateurs.
Contrairement aux associations, la fondation n'a pas
d'assemblée générale. Son fonctionnement est assuré
par un conseil d'administration statutaire (solution la plus fréquemment
retenue) ou par un conseil de surveillance avec directoire (formule mal connue,
car récente, mais qui est certainement à retenir dans le cadre
d'une fondation qui gère beaucoup d'argent). C'est donc toujours un
organe collégial qui assure son fonctionnement.
Sur la composition de cet organe, deux possibilités
existent. Soit l'organe collégial comprend des membres de droit incluant
des représentants de l'Etat qui vont prendre les décisions au
même titre que les autres membres. Dans ce cas, l'organe est
généralement composé suivant la règle des trois
tiers : un tiers de membres nommés par le fondateur (l'association
« Le Cargo solidaire »), un tiers de membres
représentant l'Etat et un tiers de personnes qualifiées (pour
garantir l'indépendance de la fondation vis-à-vis du fondateur).
Soit aucun représentant de l'Etat n'est nommé, et dans ce cas, un
commissaire du gouvernement va surveiller l'activité de la fondation.
Les fondations ont l'obligation d'établir des comptes
annuels.
L'intérêt de la constitution d'une fondation
reconnue d'utilité publique va être d'élargir les
possibilités de financement. Une fondation peut recevoir des subventions
publiques ou privées, des dons et legs, faire appel à la
générosité publique, vendre des produits liés
à son objet, être propriétaire d'immeubles de rapport,
même si ces immeubles ne concernent pas directement l'objet de la
fondation, et placer librement ses capitaux mobiliers disponibles. En outre, la
reconnaissance d'utilité publique permet d'assurer la
déductibilité des dons pour le donateur. L'article 238 bis du
Code Général des impôts dispose en effet qu'
« ouvrent droit à une réduction d'impôts
égale à 60% de leur montant les versements, pris dans la limite
de 5 pour 1000 du chiffre d'affaires, effectués par les entreprises
assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur
les sociétés au profit : [...]b) de fondations ou
d'associations reconnues d'utilité publique [...] ». Pour
les particuliers, l'article 200 du Code Général des impôts
précise qu' « ouvrent droit à une réduction
d'impôt sur le revenu égale à 66% de leur montant les
sommes prises dans la limite de 20 % du revenu imposable qui correspondent
à des dons et versements, y compris l'abandon exprès de revenus
et de produits, effectués par les contribuables domiciliés en
France au sens de l'article 4 B, au profit : a) de fondations ou
d'associations reconnues d'utilité publique [...] ».
La fondation présente donc l'avantage certain de
permettre une meilleure collecte des fonds destinés à financer le
projet. Il faut noter que la plupart des groupements s'intéressant aux
associations, fondations et mécénat recommandent à leurs
donateurs de n'effectuer leurs dons qu'à des fondations ou à des
associations reconnues d'utilité publique. Cela se comprend, car dans le
cas de la fondation, le contrôle de l'Etat par le biais du commissaire du
gouvernement permet d'assurer le respect de l'objet de la fondation. Ce
système pourrait être un garde-fou utile dans le cadre de
l'exploitation du Cargo solidaire.
La fondation offre en outre l'avantage d'une grande souplesse
de fonctionnement, la possibilité de prendre des décisions
rapidement sans avoir à passer par une assemblée
générale, et jouit d'une excellente image près du public.
C'est définitivement une possibilité d'évolution à
envisager sérieusement pour l'association « Le Cargo
solidaire ».
Section II : Les questions financières et
fiscales liées à la construction du navire
Préalablement au lancement de la construction du
navire, plusieurs questions d'ordre financier et comptable doivent
nécessairement être soulevées. Quelle que soit la forme
choisie pour assurer le financement du projet, des contraintes vont s'appliquer
au groupement, contraintes qui diffèrent de celles applicables aux
sociétés classiques. Il faudra s'interroger d'abord sur la tenue
d'une comptabilité (§1), avant d'envisager la gestion
financière et fiscale de la main d'oeuvre (§2) et de la fourniture
de choses (§3).
§1 : La tenue d'une comptabilité
La tenue d'une comptabilité, même sommaire, est
nécessaire dans toutes les associations. La loi n'impose aucune
obligation de ce genre pour les associations simplement déclarées
qui ne reçoivent pas de subventions et qui ne sont soumises par les
textes à aucun contrôle particulier, mais il est évident
qu'il faudra dans tous les cas justifier de l'affectation des fonds de
l'association.
Dans le cas du Cargo solidaire, la tenue d'une
comptabilité va être obligatoire, quelle que soit la situation
dans laquelle on va se trouver. En effet, les associations qui se livrent
à une activité économique doivent tenir une
comptabilité susceptible de justifier de l'exactitude des
résultats déclarés28(*). Lorsque certaines conditions sont remplies, ces
associations vont être tenues d'établir des comptes annuels (un
bilan, un compte de résultat et une annexe) et de désigner au
moins un commissaire aux comptes et un suppléant. Ces conditions sont au
nombre de trois, et il suffit que l'une d'entre elles soit remplie. Tout
d'abord, il faut qu'au mois 50 salariés soient liés à
l'association par un contrat de travail à durée
indéterminée. Ou bien que le montant hors taxes (HT) du chiffre
d'affaires ou des ressources soit supérieur ou égal à
3 100 000 euros. Ou encore que le total du bilan (somme des montants
nets des éléments d'actif) soit supérieur ou égal
à 1 550 000 euros. A première vue, il apparaît
que la troisième condition sera remplie par l'association et
nécessitera donc l'établissement de comptes annuels.
Ces comptes annuels seront établis selon les principes
et méthodes comptables définis au Code de commerce, sous
réserve des adaptations que rend nécessaires la forme juridique
ou l'activité de l'association. Ces adaptations ont été
visées par la création d'un plan comptable des associations et
des fondations29(*),
devenu obligatoire depuis le 1er janvier 2000. Ce plan comptable
devra être utilisé par l'association « Le Cargo
solidaire ».
Une autre catégorie d'association devra tenir une
comptabilité comprenant un bilan, un compte de résultat et une
annexe, et devra également désigner un commissaire aux
comptes : il s'agit des associations ayant reçu de l'Etat, des
collectivités locales ou établissements publics des subventions
d'un montant égal ou supérieur à 150 000 euros. Il
semble bien que l'association « Le Cargo solidaire » ne
pourra en aucun cas échapper à cette obligation ni à la
nomination d'un commissaire aux comptes.
Cela se comprend aisément. Il faut établir la
position active ou passive de l'association, et montrer l'usage qui est fait
des fonds qui lui sont versés, notamment vis-à-vis des tiers.
Dans le cas particulier de la fondation, ou encore si
l'association, même non reconnue d'utilité publique, peut recevoir
des libéralités, ou dans le cas où des dons sont
versés par des personnes physiques ou morales et ouvrent droit, au
bénéfice des donateurs à un avantage fiscal au titre de
l'impôt sur le revenu30(*) ou de l'impôt sur les
sociétés31(*), les obligations s'alourdissent. En effet, dans les
trois cas, les dons ouvrent droit à un avantage fiscal : la
réduction d'impôts. Le groupement devra donc assurer la
publication et la certification de ses comptes annuels au dessus d'un montant
de dons de 153 000 euros par an. L'association « Le Cargo
solidaire » misant sur un mécénat à hauteur de
1 217 000 euros par an, elle sera tenue de s'acquitter de cette
obligation, qui d'ailleurs se comprend très facilement. Elle a pour but
de permettre aux donateurs de vérifier si les fonds par eux
donnés sont correctement employés.
La publicité des comptes peut être faite par
tout moyen, comprenant l'affichage, la publication, la diffusion sur Internet,
etc... La Cour des Comptes, quant à elle, contrôlera la
conformité entre les objectifs du groupement (association ou fondation)
et les dépenses financées par ces dons32(*).
Au vu de ces obligations très lourdes, il n'est que
trop recommandé à l'association de s'occuper le plus rapidement
possible de l'établissement d'une comptabilité33(*).
§2 : La gestion financière et fiscale de
la main d'oeuvre
On peut distinguer ici différentes catégories
de main d'oeuvre qui vont concourir à la construction du Cargo
solidaire : les salariés de l'association, les dirigeants, les
personnes mises à la disposition de l'association par le biais du
mécénat de compétence, les bénévoles, les
personnes en réinsertion professionnelle ou en formation. Leur
régime financier et fiscal diffère.
Pour pouvoir bénéficier de la mention
« organisme d'intérêt général »
et des avantages qui en découlent, l'association « Le Cargo
solidaire » doit avoir une gestion
désintéressée. A ce titre, la rémunération
des dirigeants est possible, mais seulement si elle n'atteint pas les trois
quart du SMIC.
Pour les bénévoles, la réponse est
simple : ceux-ci exercent une activité
désintéressée et ne sont pas
rémunérés. Il n'y a donc pas de questions
financières et fiscales particulières dans ce cas. C'est la
même chose pour le mécénat de compétence : la
personne mise à la disposition de l'association par le
mécène reste employée de l'entreprise où il
travaille.
La question est plus épineuse pour les salariés
de l'association. Dès que cette dernière deviendra employeur
(même d'une seule personne), elle devra effectuer un certain nombre de
démarches près de l'URSSAF. Ces démarches ont
été simplifiées grâce à la déclaration
unique d'embauche (DUE), qui permet de faire la déclaration
d'immatriculation de l'association employeur lors de la première
embauche, la demande d'immatriculation du salarié au régime
général de la sécurité sociale lorsque celui-ci
occupe pour la première fois un emploi salarié, la
déclaration permettant d'obtenir l'exonération des cotisations
patronales pour l'embauche du premier salarié. L'association va alors
être inscrite au répertoire national des entreprises et de leurs
établissements « SIREN » et va se voir attribuer un
numéro national d'indentification qui lui servira dans toutes ses
relations avec les organismes sociaux.
Outre le salaire versé au salarié,
l'association va devoir s'acquitter de toutes les cotisations sociales qui
pèsent sur les employeurs. Ainsi, elle va devoir s'acquitter des
cotisations de sécurité sociale qui sont perçues par les
URSSAF. Dans ces dernières, on retrouve l'assurance maladie
maternité, qui couvre les risques de maladie, maternité,
invalidité ou décès. Elle est répartie entre
l'employeur (12,8%) et le salarié (0,75%) et est prélevée
sur la totalité du salaire. Ensuite, l'assurance vieillesse,
également partagée entre le salarié et l'employeur,
l'assurance accidents du travail, qui est à la charge exclusive de
l'employeur et dont le montant sera fixé au cas par cas, et la
cotisation d'allocations familiales, représentant 5,4% de la
totalité du salaire, à la charge exclusive de l'employeur.
D'autres prélèvements sont prévus : la contribution
sociale généralisée (CSG) et la contribution au
remboursement de la dette sociale (CRDS) sont à la charge exclusive du
salarié34(*). Puis,
il faudra cotiser aux ASSEDICS (taux global de 6,40%, 4% à la charge de
l'employeur et 2,40 % à la charge du salarié). Il faut ajouter la
cotisation logement (0,10% du salaire), la cotisation transport (applicable
dans certains cas seulement), et la cotisation solidarité autonomie
(0,30%), toutes les trois à la charge de l'employeur. Des cas
d'exonération sont prévus par divers textes de lois35(*). L'affiliation à un
régime de retraite complémentaire étant obligatoire,
l'association employeur devra cotiser pour partie à ce régime
pour le compte de son salarié. Enfin, d'autres taxes existent, que
l'association devra payer : la participation à la formation
professionnelle continue, la participation à l'effort de construction et
la taxe sur les salaires36(*).
Il faut rappeler ici l'article L. 242-1 du Code de la
sécurité sociale : « pour le calcul des
cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des
allocations familiales, sont considérées comme
rémunérations toutes les sommes versées au travailleur en
contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou
gains, les indemnités de congés payés, le montant des
retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes
gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature
ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers
à titre de pourboire ».
On le voit, la gestion de la main d'oeuvre est
particulièrement compliquée. La réglementation est
très riche dans le domaine, et il faudrait que l'association embauche un
comptable pour établir les fiches de paie. De plus, le
législateur, afin de simplifier les emplois dans le milieu associatif, a
mis en place le chèque emploi associatif (qui s'adresse aux petites
associations sans but lucratif employant trois personnes au plus et pourrait
donc être utilisé par le Cargo solidaire à ses
débuts)37(*).
Pour les personnes mises à la disposition de
l'association par des organismes de formation ou de réinsertion, la
question est plus aisée. L'association « Le Cargo
solidaire » met simplement à la disposition de ces organismes
le chantier de construction et ne sera en aucun cas employeur. Elle
établira des contrats de sous traitance et se chargera de payer 20% du
salaire.
§3 : La gestion financière et fiscale de
la fourniture de choses
Le terme « choses » recouvre une
variété quasi infinie de possibles. C'est pourquoi, dans ce
paragraphe, il va être difficile d'être exhaustif.
L'association va pouvoir acquérir des biens à
titre onéreux. On divise cette catégorie en deux : les
achats et les apports. L'association, même simplement
déclarée, peut acheter toute espèce de biens :
meubles, fonds de commerce, clientèle, droit au bail, valeurs
mobilières, immeubles et terrains. Toutefois, en matière
d'immeubles, les associations simplement déclarées ne peuvent
être propriétaires que du local destiné à
l'administration de l'association et à la réunion de ses membres
ou des immeubles strictement nécessaires à l'accomplissement du
but poursuivi. Toute acquisition ou vente d'immeuble devra être
déclarée dans les trois mois à la préfecture ou
à la sous préfecture qui a reçu la déclaration
originaire de l'association. Ces restrictions s'appliqueront à
l'association « Le Cargo solidaire », sauf si elle
évolue en fondation ou obtient la reconnaissance d'utilité
publique.
Des apports vont également pouvoir être faits
à l'association. Ces apports peuvent être effectués par des
sociétaires ou par des tiers au moment de la constitution de
l'association ou en cours d'exercice. Les apports consistent dans la
transmission par l'apporteur à l'association, de la
propriété d'un bien indispensable à son fonctionnement,
l'apporteur pouvant se réserver de le reprendre à la dissolution,
soit lui-même, soit, s'il est décédé, ses
héritiers. Aucun droit de mutation n'est perçu pour les apports
mobiliers, à moins qu'il ne s'agisse d'un fonds de commerce, d'une
clientèle, ou d'un droit au bail.
Pour les apports immobiliers, la question est plus complexe.
Aucun apport immobilier n'a été fait lors de la constitution de
l'association. Il convient alors de s'intéresser à la
fiscalité des apports immobiliers ou de droits immobiliers
effectués au cours de la vie sociale. Dans ce cas, s'ils sont consentis
par une personne morale passible de l'impôt sur le revenu, ils sont
soumis à un droit de mutation de 5% auquel s'ajoute un
prélèvement de 2,50% pour frais d'assiette et de recouvrement.
Les apports à titre onéreux (moyennant une
contrepartie financière) de biens mobiliers vont être soumis aux
droits de mutation ordinaires selon leur nature.
Il faut également s'intéresser à la
fiscalité des dons. Les dons manuels sont exonérés de
droits de mutation ou d'enregistrement. Pour les organismes
d'intérêt général mentionnés à
l'article 200 du CGI (catégorie dans laquelle pourrait rentrer
l'association « Le Cargo solidaire »), les dons manuels
sont également exonérés de droit de donation, même
lorsqu'ils sont déclarés par le donateur dans un acte soumis
à enregistrement ; ils font l'objet d'une reconnaissance
judiciaire ; ils sont révélés par le donateur
à l'administration.
Enfin, les dons et legs consentis aux organismes qui
poursuivent un but exclusif d'assistance et de bienfaisance ou consentis aux
établissements d'utilité publique sont exonérés de
droits de donation38(*).
Un certain contrôle va être exercé sur les
associations par l'administration en matière fiscale. Les associations
simplement déclarées vont devoir révéler à
l'administration les acquisitions immobilières et les dons et legs qui
ont pu leur être faits. Les associations subventionnées vont
être soumises à un nombre plus important de contrôles
concernant l'emploi de ces subventions. Notamment, outre la tenue d'une
comptabilité et la communication du budget et des comptes à la
personne morale qui a accordé la subvention, les associations
subventionnées vont devoir faire vérifier l'utilisation des
subventions par les comptables supérieurs du Trésor et de
l'inspection générale de l'administration et seront soumises au
contrôle de la Cour des Comptes39(*). De plus, les associations recevant des subventions
vont également être soumises au contrôle de l'Inspection
générale des finances40(*).
La question de savoir si l'association « Le Cargo
solidaire » va être soumise aux impôts commerciaux (TVA,
impôt sur les sociétés, taxe professionnelle) sera
traitée dans le Titre II. Elle est directement en relation avec
l'exploitation du navire et déterminera en partie le choix du groupement
qui exploitera le navire.
CHAPITRE II : LA CONSTRUCTION DU NAVIRE
Deux problèmes bien distincts vont se poser ici :
tout d'abord, le choix de la structure chantier et le contrat de construction
navale (section I) ; ensuite, il faudra éclaircir la nature des
relations juridiques entre la structure chantier et les différents
acteurs que l'on va pouvoir retrouver sur un chantier de construction navale
basé sur la pratique des solidarités (section II).
Section I : Association et structure chantier :
du choix de la forme au contrat de construction
Il s'agit ici de savoir s'il faut prévoir une
structure chantier différente de l'association « Le Cargo
solidaire » (§1). Ensuite, il faudra préciser les
modalités de construction, éventuellement dans un contrat
(§2), avant d'examiner les spécificités que vont amener dans
cette construction l'utilisation des normes HQE et l'organisation de voyages
pour les personnes handicapées (§3).
§ 1 : Le choix de la structure chantier
La question est posée de savoir s'il est
nécessaire de créer une structure chantier différente de
l'association « Le Cargo solidaire » afin de mener à
bien la construction du navire.
Le droit maritime français distingue deux modes de
construction : la construction à l'économie, dans laquelle
l'armateur est également la structure chantier, et la construction
à l'entreprise ou au forfait, par laquelle l'armateur
délègue la construction du navire à un chantier de
construction navale. La deuxième solution, appliquée au cas du
Cargo solidaire, conduirait à mettre sur pied une structure
différente de l'association pour mener à bien la
construction : une autre association, une société... Cela
permettrait à l'association de ne pas être à la fois juge
et partie et d'échapper, s'il y a lieu, aux impôts commerciaux.
Cependant, une association ne peut pas reverser tout ou
partie de ses subventions à une autre association. Ce qui serait
possible dans le cadre d'une fondation ne l'est pas ici (du moins tant que
l'association « Le Cargo solidaire » n'est pas
transformée en fondation). Cela poserait un frein trop important
à la réalisation du projet pour permettre de mettre en place une
structure « association mère- association fille ».
De plus, il est douteux que la construction du Cargo
solidaire soit taxée au titre des impôts commerciaux. Et il faut
ajouter que les fondateurs ont décidé que la construction serait
effectuée par l'association elle-même !
§2 : Le contrat de construction et la question de
la catégorie du navire
Il n'y aura donc pas de contrat de construction puisque la
construction du navire se fait à l'économie. Cependant, il sera
toujours nécessaire de déterminer les règles
appliquées pour la construction. Il faut savoir qu'une fois sur deux la
construction d'un navire se termine mal. Il faut donc établir
soigneusement toutes les règles qui seront utilisées.
Pour cela, on peut se servir de ce qui est établi
classiquement dans un contrat de construction au forfait et établir un
parallèle. Le contrat de construction définit les règles
appliquées pour la construction. Chaque morceau de la coque sera
vérifié au fur et à mesure de la construction par le
Bureau Veritas. Un cahier des charges est défini, que l'on appelle la
spécification technique. Il détermine ce qui est du ressort du
chantier et ce qui est du ressort de l'armateur. Ce ne sera donc pas
nécessaire ici, mais il faudra tout de même établir ce qui
sera du ressort de l'association et ce qui sera du ressort des travailleurs
indépendants et des différents chantiers de formation et de
réinsertion.
Les plans, quant à eux, doivent être
approuvés par la société de classification (le Bureau
Veritas) avant leur mise en oeuvre. Si l'on part de l'hypothèse que le
navire sera exploité sous pavillon français, le règlement
français s'appliquera. L'association devra ensuite payer le Bureau
Veritas, à moins qu'il n'accepte d'accomplir cette tâche à
titre bénévole.
Quelles vont être les différentes
réglementations qui vont donc s'appliquer à la construction du
Cargo solidaire ? Ce sont essentiellement des prescriptions en
matière de sécurité qui vont s'appliquer. Tout d'abord, on
retrouve la convention SOLAS (Safety Of Life At Sea) du 1er novembre
1974, transposée en droit français par la loi du 5 juillet
198341(*) et son
décret d'application du 30 août 198442(*). Un arrêté du 23
novembre 1987 relatif à la sécurité maritime vient
compléter ce dispositif et met en place le règlement
français. Ce règlement comporte plusieurs divisions qui
contiennent des prescriptions différentes selon la catégorie du
navire.
Le Cargo solidaire est susceptible d'entrer dans trois
catégories : celle de navire de charge de plus de 500 tonneaux de
jauge brute (sa jauge brute est de 2598), celle de navire à passagers en
navigation internationale et celle de navire spécial. Pour les deux
premières catégories, c'est la division 221 du règlement
français43(*)
intitulée « navires à passagers effectuant des
voyages internationaux et navires de charge de jauge brute égale ou
supérieure à 500 » qui est pertinente. La
réglementation « navire à
passagers » va s'appliquer ici, car c'est la
réglementation la plus contraignante, plus contraignante même que
celle de navire de charge.
Le Cargo solidaire peut également tenter de rentrer
dans la catégorie « navire
spécial », prévue par la division 234 du
règlement français. Les navires spéciaux sont, entre
autres, les navires affectés à la formation du personnel
maritime, les navires affectés aux recherches, expéditions,
levées (comme les navires de l'IFREMER), les navires usines qui ne se
livrent pas à la pêche, les navires équipés pour le
traitement d'autres ressources biologiques de la mer qui ne se livrent pas
à la pêche, et les navires qui peuvent rentrer dans cette
catégorie après avis de la commission de sécurité
compétente. Dans ce cas, les passagers seront considérés
comme des membres d'équipage bénévoles au sein d'une
association caritative. De plus, il y aura moins de règles
contraignantes en matière de construction. Les fondateurs envisagent
sérieusement de faire entrer le navire dans cette catégorie.
D'autres textes vont également être
obligatoires : la division 431 du règlement français sur la
sécurité des conteneurs, la convention sur les lignes de charge
du 5 avril 1966. Il faut noter également que la convention SOLAS est une
convention a minima et que chaque état partie peut prévoir des
règles plus contraignantes : c'est le cas de la Norvège,
pour les règles relatives au sauvetage. Si les membres de l'association
prévoient d'aller aux Etats-Unis, il faudra prendre en compte la
législation américaine, plus lourde que la législation
française, pour pouvoir accoster dans un port américain.
De plus, le Cargo solidaire étant un navire mixte
transport de passagers et fret, il va falloir délimiter les deux zones
relevant de chaque utilisation et ne pas les mélanger.
§3 : Les spécificités liées
aux normes HQE et à l'organisation de voyages pour les personnes
handicapées
Tous les navires à passagers effectuant une
navigation internationale ou nationale de transports publics44(*) sont tous tenus d'être
équipés pour permettre un accès à leur bord des
personnes handicapées.
En l'espèce, le texte applicable va être le
projet de division 190 du règlement maritime français. Ce projet,
mis en circulation par la Commission Centrale de sécurité depuis
le 8 mars 2007, est déjà utilisé par tous les bureaux
d'études pour la conception des navires. C'est donc à
celui-là qu'il faudra se référer.
Ce règlement prévoit que le navire est
aménagé pour que les personnes à mobilité
réduite puissent accéder à tous les espaces publics
autorisés d'accès aux autres passagers. Le nombre de cabines
accessibles aux personnes en fauteuil roulant devra être de deux minimum
pour au maximum cinquante cabines passagers à bord. Le projet
prévoit d'embarquer 48 passagers, dont 16 à mobilité
réduite. Il faudra penser à aménager le nombre
nécessaire de cabines (en réalité, les cabines
étant prévues pour plusieurs personnes, elles devront presque
toutes être accessibles aux handicapés).
Il faudra se référer soigneusement à la
Division 190 pour toutes les phases de la construction du navire. Il existe,
par exemple, des normes pour régler l'intensité de la
lumière à bord ou pour savoir quelles couleurs peuvent être
utilisées pour décorer le navire. Sera ensuite
délivré un certificat d'accessibilité pour navire à
passagers qui prouvera la conformité de la construction aux normes de la
Division 190.
Passant de la conception à la construction du Cargo
solidaire, il faut s'interroger sur l'utilisation des normes HQE sur le
chantier de construction et le navire lui-même. Il n'existe pas de lois
prévoyant le recours à la Haute Qualité Environnementale.
La HQE est une norme, supposant une démarche, et permettant d'obtenir
une certification. Avant toute autre chose, il s'agit d'une démarche de
gestion de projet. Elle est principalement appliquée dans le domaine de
l'urbanisme et de la construction.
La structure chantier va se trouver face à quatorze
cibles de la qualité environnementale. Elle devra choisir, parmi ces
cibles, les trois ou quatre qui lui semblent les plus importantes sur
lesquelles elle concentrera un maximum d'efforts. Puis, elle choisira quatre ou
cinq autres cibles qui bénéficieront d'un traitement approfondi.
Enfin, les cibles restantes devront être traitées de façon
correcte, au minimum conformes à la réglementation en vigueur ou
aux bonnes pratiques. C'est donc une hiérarchisation des objectifs.
Voici les quatorze cibles HQE45(*) :
Les cibles d'écoconstruction :
|
Les cibles d'écogestion :
|
Cible n°1 « Relation harmonieuse des
bâtiments avec leur environnement
immédiat » :
- utilisation des
opportunités offertes par le voisinage et le site ; - gestion
des avantages et désavantages de la parcelle ; - organisation de
la parcelle pour créer un cadre de vie agréable ; -
réduction des risques de nuisances entre le bâtiment, son
voisinage et son site.
|
Cible n°4 « Gestion de
l'énergie » :
- renforcement de la réduction de la demande et des
besoins énergétiques ; - renforcement du recours aux
énergies environne mentalement satisfaisantes ; - renforcement
de l'efficacité des équipements
énergétiques ; - utilisation de générateurs
propres lorsqu'on à recours à des générateurs
à combustion.
|
Cible n°2 « Choix intégré
des procédés et produits de
construction » :
- adaptabilité et
durabilité des bâtiments ; - choix des
procédés de construction ; - choix des produits de
construction.
|
Cible n°5 « Gestion de
l'eau » :
- gestion de l'eau potable ; -
recours à des eaux non potables ; - assurance de
l'assainissement des eaux usées ; - aide à la gestion des
eaux pluviales.
|
Cible n°3 « Chantier à faibles
nuisances » :
- gestion
différenciée des déchets de chantier ; -
réduction du bruit de chantier ; - réduction des
pollutions de la parcelle et du voisinage ; - maîtrise des autres
nuisances de chantier.
|
Cible n°6 « Gestion des déchets
d'activités » :
- conception des
dépôts de déchets d'activités adaptée aux
modes de collecte actuel et futur probable ; - gestion
différenciée des déchets d'activités,
adaptée au mode de collecte actuel.
|
Cible n°7 « Entretien et
maintenance » :
- optimisation des besoins de
maintenance ; - mise en place de procédés efficaces de
gestion technique et de maintenance ; - maîtrise des effets
environnementaux des procédés de maintenance.
|
Les cibles de création d'un environnement
intérieur satisfaisant
Les cibles de confort :
|
Les cibles de santé:
|
Cible n°8 « Confort
hygrothermique » :
- permanence des conditions
de confort hygrothermique ; - homogénéité des
ambiances hygrothermiques ; - zonage hygrothermique.
|
Cible n°12 « Conditions
sanitaires » :
- création de
caractéristiques non aériennes des ambiances intérieures
satisfaisantes ; - création des conditions
d'hygiène ; - facilitation du nettoyage et de
l'évacuation des déchets d'activités ; -
facilitation des soins de santé ; - création de
commodités pour les personnes à capacités
réduites.
|
Cible n°9 « Confort
acoustique » :
- correction
acoustique ; - isolation acoustique ; - affaiblissement des
bruits d'impacts et d'équipements ; - zonage acoustique.
|
Cible n°13 « Qualité de
l'air » :
- gestion des risques de pollution par
les produits de construction ; - gestion des risques de pollution par
les équipements ; - gestion des risques de pollution par
l'entretien ou l'amélioration ; - gestion des risques de
pollution par le radon ; - gestion des risques d'air neuf
pollué ; - ventilation pour la qualité de l'air.
|
Cible n°10 « Confort
visuel » :
- relation visuelle satisfaisante
avec l'extérieur ; - éclairage naturel optimal en termes
de confort et de dépenses énergétiques ; -
éclairage artificiel satisfaisant et en appoint de l'éclairage
naturel.
|
Cible n°14 « Qualité de
l'eau » :
- protection du réseau de
distribution collective d'eau potable ; - maintien de la qualité
de l'eau potable dans les bâtiments ; - amélioration
éventuelle de la qualité de l'eau potable ; - traitement
éventuel des eaux non potables utilisées ; - gestion des
risques liés aux réseaux d'eaux non potables.
|
Cible n°11 « Confort
olfactif » :
- réduction des sources
d'odeurs désagréables ; - ventilation permettant
l'évacuation des odeurs désagréables.
|
Lorsque cette démarche aura été mise en
place, il faudra s'adresser à AFNOR certification (Association
Française de normalisation, qui certifie les normes), pour qu'elle
puisse certifier HQE le chantier et le navire, ce qui garantira la
réalisation de deux des objectifs du projet : la promotion de
l'écologie et l'innovation, puisqu'aucun navire n'a jamais
été certifié HQE.
Mais d'autres moyens sont possibles pour optimiser l'aspect
écologique du projet. L'OMI (Organisation Maritime Internationale), en
2003, a adopté une résolution mettant en place un passeport
vert46(*). Concerné
par le problème du recyclage des navires, l'OMI a mis en place des
mesures permettant de connaître l'existence d'éventuels
matériaux dangereux dans la construction et d'éviter ainsi
l'exposition des travailleurs à ce type de substances. Le passeport vert
fournit des renseignements au sujet des matières et matériaux
potentiellement dangereux et utilisés dans la construction du navire, de
son armement ou de ses systèmes. Ce document devra être
conservé et actualisé tout au long de la vie du navire, avant
d'être remis à l'entreprise de recyclage. La même
résolution préconise la réduction maximale de ce type de
matériaux.
Enfin, pour optimiser au maximum l'objectif
écologique, il est recommandé d'utiliser les marques CLEANSEA et
CLEANSEA SUPER lors de la conception et de l'exploitation du Cargo solidaire.
Ces marques sont ce qui se fait de mieux actuellement en matière de
protection de l'environnement. Elles dépassent les normes de l'OMI en
termes d'exigences, et mettent en place un système complexe
d'épuration des eaux usées, visant à limiter au maximum
les rejets en mer. Les déchets secs sont obligatoirement traités
à terre. Ce sont les sociétés de certification qui
apposent ces marques (ici, le Bureau Veritas). La marque CLEANSEA SUPER impose
plus d'exigences que la marque CLEANSEA. Elle est très
fréquemment utilisée en Norvège.
Section II : Les relations entre la structure chantier
et les différents acteurs d'un chantier de construction navale
basé sur la pratique des solidarités
La spécificité du projet (mettre en oeuvre la
pratique des solidarités) va conduire à l'établissement de
relations particulières entre l'association et les acteurs qui vont
intervenir sur le chantier de construction. Les cas de figure vont être
plus nombreux que sur un chantier classique. Outre les contrats d'embauche et
de sous traitance (§2), on va voir intervenir des bénévoles
(§3). Mais tout d'abord, il convient d'examiner les
spécificités qui vont être induites par l'objectif de
réinsertion par la formation professionnelle (§3).
§1 : L'objectif de réinsertion par la
formation professionnelle
Comme il a déjà été
précisé dans l'introduction, l'un des objectifs du projet
« Le Cargo solidaire » est de permettre la formation et la
réinsertion d'un certain nombre de personnes. C'est la valorisation de
l'être humain par le travail qui est ici recherchée.
Les chantiers de construction et de restauration navale
organisés par le monde associatif sont un outil souvent utilisé
pour permettre la formation ou la réinsertion. On peut citer, par
exemple, le cas de l'association Amerami qui, en Basse-Normandie, a
récemment achevé la restauration du
« Déhel », navire traditionnel classé
monument historique. 1 500 heures de formation ont été
financées sur ce chantier, pour permettre à 16 jeunes
d'acquérir un savoir faire.
Le chantier du Cargo solidaire va être mis à la
disposition de divers organismes afin de permettre la formation et la
réinsertion. On va trouver tout d'abord des organismes d'insertion,
comme l'association nantaise ATAO, qui a pour objet l'insertion sociale et
professionnelle de personnes en situation de précarité et
d'exclusion. Cette association s'occupera notamment du domaine de la
métallerie. Dans le domaine du bois, on peut citer l'association OSER.
Des organismes de formation vont également intervenir. Entre autres,
l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA),
les lycées d'enseignement professionnel de la région, et les
instituts universitaires de technologie (IUT).
Le budget prévisionnel de construction prévoit
que 756 000 heures seront attribuées au personnel en formation
et/ou en insertion. Ce personnel ne sera pas rémunéré par
l'association, qui ne sera pas employeur. Des contrats de sous traitance vont
être mis en place47(*), et une partie des rémunérations sera
prise en charge par les institutions (à hauteur de 80%), tandis que
l'association « Le Cargo solidaire » contribuera à
hauteur de 20% et fournira les matériaux nécessaires à la
réalisation de l'objet.
Il faut distinguer deux types de situations. Tout d'abord,
lorsqu'on se trouve dans le cadre de la formation. Dans ce cas, si les
personnes concernées restent sur leur site habituel d'enseignement, un
accord de type « convention » ou portant sur la
réalisation d'un objet sera passé. Si la formation a lieu sur le
site même du Cargo solidaire et qu'un professeur est présent, on
se retrouve dans la situation décrite précédemment. Par
contre, si le professeur est absent, il faudra passer une convention de stage.
Comme on se trouve dans le cadre de la formation, on va considérer qu'il
s'agit de stages obligatoires. Ils vont faire l'objet d'une convention dite
« de stage obligatoire » entre l'établissement de
formation et l'employeur, qui n'a pas en principe à verser de
rémunération, mais peut verser une gratification.
Si la gratification n'excède pas 30% du SMIC et que le
stagiaire est couvert par l'établissement d'origine en matière
d'accidents du travail, l'employeur n'a pas à verser de cotisations
sociales. Il le fera si :
- la couverture « accidents du travail »
n'est pas assurée par l'établissement d'enseignement48(*) ;
- les sommes versées et les avantages en nature
dépassent 30% du SMIC49(*).
Dans le cadre de l'insertion, l'encadrement se fait
par l'organe d'insertion présent et la personne se trouve sous sa
responsabilité. L'association passe alors une convention avec l'organe
d'insertion, comme elle met à disposition le chantier pour permettre la
formation.
Ceci pose la question de la responsabilité de
l'association et des assurances sur le chantier. Comme il y a contrat, ou
convention, on va se trouver dans le domaine de la responsabilité civile
contractuelle50(*). Dans
ce domaine, les associations sont essentiellement débitrices d'une
obligation de sécurité qui s'analyse de la façon
suivante :
- Il s'agit d'une obligation de moyens chaque fois que la
victime joue un rôle actif dans les activités associatives. Dans
ce cas, cette dernière devra établir un manquement, une faute de
l'association ;
- C'est une obligation de résultat lorsque la victime
joue un rôle passif lors des activités associatives, et alors
c'est sur l'association que pèsera la charge de la preuve d'une
éventuelle exonération de responsabilité.
Il est donc nécessaire de prendre une assurance.
Il existe, près des assureurs, des formules types
« multirisques associations », qui couvrent tout bien et
toute responsabilité hors automobile. Pour les activités
économiques et commerciales, il faut contracter une assurance des
entreprises. Enfin, notons que l'association a une obligation de contracter une
assurance lorsqu'elle se prête à des activités de formation
professionnelle alternée.
§2 : Les contrats plus classiques d'embauche et
de sous traitance
Les contrats de travail et de sous traitance sont des
contrats classiquement utilisés sur tous les chantiers de construction
navale hors milieu associatif. Ils vont être nécessaires à
la réalisation du projet.
- Le contrat de travail
Une association peut parfaitement être employeur.
A ce titre, elle devra s'acquitter des charges fiscales qui pèsent sur
les employeurs.
L'association déclarée qui est employeur (comme
la fondation ou l'association reconnue d'utilité publique) est dans la
même situation que les sociétés civiles ou commerciales.
Les règles du droit du travail s'appliquent donc ici.
Cependant, deux types de contrats sont proposés
spécifiquement aux associations et pourront être utiles dans le
cas du Cargo solidaire. Il s'agit tout d'abord des contrats d'accompagnement
dans l'emploi destinés aux personnes rencontrant des difficultés
sociales et professionnelles d'accès à l'emploi et des contrats
d'avenir destinés à faciliter l'insertion sociale et
professionnelle des personnes bénéficiant du revenu minimum
d'insertion, de l'allocation spécifique de solidarité ou de
l'allocation de parent isolé51(*). Dans le cadre de l'objectif d'insertion par le
travail, ces contrats peuvent être intéressants.
Sinon, le droit classique s'applique en l'espèce.
Différents types de contrats de travail sont susceptibles d'être
conclus : le contrat de travail à durée
indéterminée (CDI), le contrat de travail à durée
déterminée (CDD), le contrat à temps partiel, le contrat
d'intérim, le contrat emploi-solidarité (CES)...
Quelle que soit la forme de l'association, il faudra, avant
l'embauche, effectuer une déclaration préalable d'embauche
à l'inspection du travail s'il s'agit d'un premier emploi de main
d'oeuvre salariée ou d'une embauche de travailleurs à
domicile52(*). Dès
l'embauche, il faudra procéder à l'inscription sur le registre
unique du personnel53(*),
qui mentionne, dans l'ordre d'embauchage les noms et prénoms de tous les
salariés et également ouvrir un registre unique pour
l'évaluation des risques professionnels pour la santé et la
sécurité des travailleurs. Enfin, il est possible qu'en cours de
projet, l'association « Le Cargo solidaire » emploie plus
de 50 personnes. Dans ce cas, dans les 8 premiers jours de chaque mois, un
relevé mensuel des contrats conclus et résiliés au cours
du mois précédent est à adresser au directeur
départemental du travail et de l'emploi54(*). Il ne faudra pas, également, oublier de
prendre contact avec un organisme de retraite complémentaire.
Tous les contrats devront être écrits et
comporter les mentions exigées par la loi (fonction du salarié,
nature et durée du contrat, horaires de travail,
rémunération, durée de la période d'essai...).
Toute modification du contrat de travail fera obligatoirement l'objet d'un
avenant notifié par écrit au salarié. De plus, suivant
l'article L. 143-3 du Code du travail, lors de chaque paie, l'employeur doit
remettre au salarié, à titre de justificatif, un bulletin de
paie. Ce bulletin doit être remis sur le lieu du travail et doit
comporter un certain nombre de mentions obligatoires55(*).
Le contrat de travail va pouvoir prendre fin de
différentes façons. Tout d'abord, le salarié de
l'association peut démissionner. Sa démission peut être
verbale ou écrite, toutefois l'envoi d'une lettre recommandée
avec accusé de réception est préférable. La
démission ne se présume pas. Pour qu'il y ait démission,
le salarié doit manifester une volonté sérieuse et non
équivoque de rompre son contrat de travail. Ensuite, il existe un
préavis dont la durée est fixée par les usages ou par le
contrat de travail. S'il ne fait pas son préavis, le salarié peut
se voir réclamer par l'employeur une indemnité compensatrice de
préavis.
Dans le cadre d'un CDD, le contrat ne peut être rompu
avant terme, sauf par un accord entre le salarié et l'association, ou en
cas d'embauche du salarié en CDI, ou encore en cas de faute grave de
l'association et du salarié, ou bien en cas de force majeure.
Pour le CDI, on peut avoir recours à un licenciement
pour motif personnel. Ce licenciement sera toujours fondé sur une cause
réelle (les faits doivent être objectifs) et sérieuse (la
cause doit être suffisamment grave pour rendre inévitable le
licenciement). Il existe deux cas de licenciement pour motif personnel. Tout
d'abord, le licenciement pour faute : faute simple, grave ou lourde
(commise avec l'intention de nuire à l'association). Ensuite, le
licenciement non fautif, dans le cas par exemple d'une maladie, d'un refus
d'une modification du contrat de travail ou d'une inaptitude physique. Une
procédure est à respecter : il faut convoquer le
salarié à un entretien préalable, lui faire passer cet
entretien, ensuite notifier le licenciement par lettre recommandée avec
accusé de réception indiquant les faits précis
reprochés et respecter le délai de préavis. La
possibilité d'une indemnité de licenciement doit également
être examinée.
Dans tous les cas, c'est le conseil de prud'hommes qui sera
compétent s'il y a litige entre le salarié et l'association
« Le Cargo solidaire ».
- Le contrat de sous traitance
Il s'agit là d'un contrat classique en
matière de construction navale. Il sera passé entre l'association
constructrice et le sous traitant. Dans le cadre des contrats de construction
à l'entreprise ou au forfait (dans lesquels le chantier gère et
est le seul interlocuteur de l'armateur), l'armateur exige du chantier qu'il ne
passe les contrats qu'avec des sous traitants qualifiés et reconnus sur
la place publique et qu'ils utilisent du matériel neuf et
certifié à utilisation marine. L'association « Le Cargo
solidaire », dirigeant elle-même le chantier de construction,
ne se verra pas imposer de telles exigences, mais ne pourra que s'inspirer de
leur bon sens. Les sous traitants classiques sont les bureaux d'études,
les plaquistes, les isolateurs, les électriciens, les motoristes, les
héliciers...
Mais les contrats passés par l'association
« Le Cargo solidaire » avec ces tiers vont-ils pouvoir
être qualifiés de contrats de sous traitance et se voir appliquer
le régime en découlant ?
L'article 1er de la loi du 31 décembre 1975
sur la sous traitance définit celle-ci comme étant
« l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un
sous traité, et sous sa responsabilité, à une autre
personne appelée sous traitant l'exécution de tout ou partie du
contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le
maître de l'ouvrage ». Trois personnes sont donc
nécessaires pour qu'il y ait sous-traitance : un maître de
l'ouvrage qui passe un contrat avec l'entreprise principale, qui va passer un
contrat de sous-traitance avec le sous-traitant.
Si l'association « Le Cargo solidaire »
avait délégué la construction du navire à un
groupement tiers, doté d'une personnalité morale distincte de la
sienne, des contrats de sous-traitance auraient éventuellement pu
être conclus. C'est le cas de figure que l'on retrouve sur les chantiers
de construction navale classiques : un armateur, un chantier, des
sous-traitants.
Mais l'association sera également structure chantier.
Il n'y a donc pas de maître d'ouvrage, et le régime de la sous
traitance ne s'appliquera pas. Les personnes qui auraient pu être
sous-traitants seront des travailleurs indépendants,
rémunérés pour exercer leur activité. Ils ont la
possibilité, certes, de conclure un véritable contrat de travail
avec l'association. Mais la formule la plus fréquemment retenue dans ce
cas est celle du contrat d'entreprise. Ce dernier est « la
convention par laquelle une personne s'oblige contre rémunération
à exécuter un travail de façon indépendante et sans
représenter son cocontractant »56(*). Ici, l'association ne
sera pas employeur, à moins que la qualification du contrat liant les
indépendants à l'association ne soit remise en cause.
En effet, il est fréquent de se demander si de tels
travailleurs ne sont pas en réalité des salariés et si
leurs cotisations sociales ne sont pas dues. Il faut alors regarder s'il
n'existe pas entre l'association et le travailleur indépendant un lien
de subordination caractéristique du contrat de travail. Pour la
jurisprudence, le lien de subordination se caractérise par
l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le
pouvoir de donner des ordres, d'en contrôler l'exécution, de
sanctionner les manquements de son subordonné. Si tel était le
cas, la requalification serait inévitable.
§ 3 : La question du bénévolat
Un dernier type d'acteur, particulier au monde associatif, va
pouvoir intervenir sur le chantier de construction, et plus largement, de la
conception jusqu'à la phase d'exploitation du navire : il s'agit du
bénévole.
Le bénévole pratique le
bénévolat, c'est-à-dire qu'il participe au fonctionnement
de l'association sans percevoir, en contrepartie, aucune
rémunération sous quelque forme que ce soit. Il n'existe aucune
définition juridique précise du bénévole, et il
faut se référer en la matière à une
définition donnée par le Conseil économique et social, qui
considère comme bénévole « celui qui
s'engage librement pour mener une action non salariée en direction
d'autrui, en dehors de son temps professionnel et
familial. »57(*) .
Tout à fait concrètement, plusieurs questions
vont pouvoir se poser aux membres de l'association « Le Cargo
solidaire » concernant cette pratique du
bénévolat : toutes les rémunérations
sont-elles exclues pour un bénévole ? Quel régime de
responsabilité de l'association si, par exemple, un
bénévole se blesse sur le chantier ? Quelles
assurances ?
- L'exclusion de toute rémunération
Le bénévolat se caractérise donc par
l'absence de toute contre partie financière : les
bénévoles qui ont participé, participent ou participeront
à l'élaboration du projet « Le Cargo
solidaire » ne peuvent toucher aucune rémunération, que
ce soit en espèces ou sous la forme d'avantages en nature. Ainsi, vont
être exclues les sommes versées en contrepartie ou à
l'occasion du travail comprenant les salaires et gains, bien évidemment,
mais aussi les indemnités de toute nature, les primes, les
gratifications et tous les avantages en argent. Les avantages en nature
(« prestations fournies gratuitement par l'employeur au
bénévole ou moyennant une participation très modique du
bénévole, très inférieure à la valeur
réelle des prestations ») sont eux aussi exclus. Ils
comprennent notamment l'hébergement ou le logement du
bénévole par l'association, les repas (les
bénévoles travaillant sur le chantier devront emmener de quoi
déjeuner, ou encore payer leur repas à l'association au prix
réel), la mise à disposition d'un véhicule, et, de
façon générale, la participation financière de
l'association à toute dépense incombant normalement au
bénévole.
Les seules exceptions à ce principe très strict
concernent les petits cadeaux et les récompenses qui peuvent être
éventuellement distribués, quand ils ne sont qu'occasionnels et
ne présentent pas un caractère excessif.
Le risque, si des avantages en espèces ou en nature
sont versés à des bénévoles par l'association, est
la requalification de l'activité bénévole en
activité salariée et donc de l'avantage en cause en salaire,
à la condition toutefois que les bénévoles aient
exercé leur activité dans le cadre d'un lien de subordination
avec les responsables de l'association58(*). Si la requalification a lieu, le danger pour
l'association est de voir s'appliquer la législation en matière
de droit social classique, et notamment la législation sur les accidents
du travail (si, par exemple, un accident survient sur le chantier de
construction).
Cependant, les bénévoles de l'association
« Le Cargo solidaire » pourront être
défrayés de certaines dépenses engagées pour le
compte et dans l'intérêt de l'association et percevoir ainsi des
remboursements de frais. Ces remboursements de frais, pour ne pas être
requalifiés d'avantages en espèces ou en nature, et ainsi subir
le risque de voir l'activité bénévole requalifiée
en activité salariée, obéissent à un régime
strict.
Les remboursements de frais pourront également
consister en versements d'allocations forfaitaires pour frais professionnels.
Dans ce cas, il faudra faire particulièrement attention à ne pas
franchir la frontière entre le strict dédommagement des
dépenses engagées par le bénévole et le versement
d'indemnités susceptibles d'être assimilées à un
salaire déguisé.
En effet, pour ne pas faire disparaître la
qualité de bénévole, les remboursements de frais doivent
correspondre à des dépenses réelles et justifiées
pour le bénévole dans le cadre de son activité
associative59(*). Dans le
cas des remboursements sous forme d'allocations forfaitaires, trois conditions
doivent être remplies pour ne pas risquer la requalification en
salaire : ces allocations doivent être utilisées
conformément à leur objet, c'est-à-dire dans
l'intérêt même de l'association ; elles ne doivent pas
dépasser les dépenses réelles engagées par les
bénévoles ; elles doivent présenter un
caractère exceptionnel. Il faut également noter que les
organismes sociaux et les juridictions ne sont pas liés par la
qualification donnée par les parties aux sommes engagées. Des
indemnités de déplacement ou des remboursements de frais seront
requalifiés en salaire s'ils ne correspondent pas à des
dépenses réellement engagées. Pour éviter cette
situation, il est généralement conseillé de laisser
à la charge du bénévole une partie des frais
engagés par lui.
La question sera particulièrement importante dans le
cadre d'un contrôle de l'URSSAF. Dans ce cas, l'association doit prouver
que les remboursements de frais correspondent bien à des dépenses
réelles et justifiées, c'est à dire apporter la preuve que
les sommes versées aux bénévoles correspondent
effectivement au remboursement des frais engagés par ceux-ci dans le
cadre de leur activité. A cette fin, il n'est que trop conseillé
à l'association « Le Cargo solidaire » de conserver
les justificatifs des remboursements de frais pendant trois ans, plus ceux de
l'année en cours60(*). Ces justificatifs comprennent entre autres les
titres de transports, les factures d'essence, de restaurant, etc...
- Responsabilité et assurances
Ici, c'est le statut même du
bénévole qui est mis en cause. Que va-t-il se passer si, par
malheur, un accident survient sur le chantier de construction navale ? Le
bénévole ne peut prétendre au régime des accidents
du travail, il n'a droit à aucune protection particulière et
continue de relever du régime de protection sociale acquis du fait de
son statut principal. La reconnaissance d'un statut juridique du
bénévole est en cours, depuis le décret du 5 mai 1995
créant la Fondation du bénévolat. A long terme, le
bénévole pourra disposer d'une carte de bénévole
lui permettant de bénéficier, en cas de sinistre, d'une garantie
en matière de responsabilité civile et d'une assurance
individuelle en cas d'incapacité permanente ou partielle ou de
décès accidentel.
Mais ce statut n'est pas encore entré en vigueur. En
cas d'accident survenu sur le chantier, lorsque le bénévole
participe donc à une activité ou au fonctionnement de
l'association, c'est la responsabilité civile de l'association qui va
être engagée, à condition qu'une faute puisse lui
être reprochée. Il faut noter que dans un souci de protection des
victimes, les tribunaux admettent très facilement la faute de
l'association. Les juges considèrent qu'existe une convention tacite
d'assistance entre le bénévole et l'association, convention
servant de fondement à une indemnisation61(*). Les fautes entraînant la responsabilité
de l'association sont, par exemple, le défaut de surveillance ou encore
une sécurité mal assurée.
Il est donc particulièrement recommandé
à l'association « Le Cargo solidaire » de conclure
un contrat d'assurance responsabilité civile pour couvrir les risques
encourus par les bénévoles, dans la mesure où ils ne sont
pas pris en charge au titre de l'assurance « accident du
travail ». En cas d'absence d'assurance, le montant des dommages et
intérêts à payer peut être extrêmement lourd,
et il faut de plus noter que l'association peut se retourner contre ses
dirigeants pour leur reprocher de ne pas avoir contracté une telle
assurance. Lors de la conclusion du contrat d'assurance, il faudra lire
très attentivement toutes les clauses du contrat, et notamment les
clauses d'exclusion de garantie, pour vérifier que certaines fautes de
l'association ne sont pas exclues de la garantie offerte par l'assureur. De
plus, il est souhaitable de vérifier que les bénévoles ont
souscrit des assurances particulières.
Il faut mentionner un cas particulier d'assurance, qui
pourrait s'appliquer à l'association « Le Cargo
solidaire ». Les organismes d'intérêt
général définis par l'article 200 du Code
Général des impôts62(*) ont la faculté, depuis la loi du 27 janvier
1993, de souscrire une assurance couvrant les risques d'accidents du travail et
de maladies professionnelles de leurs bénévoles. L'association
« Le Cargo solidaire », en tant qu'organisme
d'intérêt général ayant un caractère social,
éducatif, scientifique, humanitaire, peut légitimement
prétendre à cette faculté. L'association devra en plus
démontrer que l'exploitation de son activité n'est pas lucrative
(ce qui est le cas), et que sa gestion est totalement
désintéressée, et ne procure aucun avantage direct ou
indirect à ses membres.
Etant donné la durée de vie du chantier et la
dangerosité potentielle de l'activité entreprise, il n'est que
trop conseillé de souscrire une telle assurance.
TITRE II :
L'EXPLOITATION NON LUCRATIVE MAIS ECONOMIQUE D'UN
NAVIRE
C'est tout au long de ce titre que va se cristalliser le
problème de l'exercice d'une activité économique par un
groupement (association ou fondation) qui n'a pas pour vocation première
d'exercer une telle activité. Pour garantir le respect de l'objet
même du projet, il faudra se poser les bonnes questions sur
l'organisation interne du groupement (Chapitre I), et ensuite sur la mise en
oeuvre de l'exploitation du navire (Chapitre II).
CHAPITRE I : LES CHOIX INTERNES RELATIFS A
L'EXPLOITATION DU NAVIRE
Deux questions essentielles sous-tendent ce chapitre :
tout d'abord, la question de la structure exploitation et de la forme qu'elle
va devoir adopter pour faire face à l'impact de l'exploitation
économique du Cargo solidaire (Section I), et ensuite, les questions
touchant le navire lui-même et son armement (Section II). Ces
dernières, malgré la spécificité du projet,
demeurent néanmoins assez classiques.
Section I : Le choix de la structure exploitation
Le but recherché par les fondateurs du projet n'est
pas de réaliser des profits, ni d'exercer une activité lucrative.
Cependant, il faut envisager l'impact du caractère économique de
l'exploitation du Cargo solidaire (§1). Cet impact est tel qu'il conduit
naturellement à se demander si l'exploitation peut être
menée au sein de l'association elle-même (§2), ou s'il va
falloir créer une structure exploitation distincte du groupement initial
(§3).
§1 : L'impact du caractère non lucratif
mais économique de l'exploitation du Cargo solidaire
Il s'agit ici de la question la plus cruciale quant à
la mise en place de cet ambitieux projet. Le Cargo solidaire a en effet pour
vocation d'être exploité de façon économique,
même si les objectifs poursuivis par les fondateurs sont
différents de ceux poursuivis par les entrepreneurs classiques du monde
commercial. Le budget prévisionnel d'exploitation prévoit une
balance équilibrée entre recettes et dépenses, et ce, sans
l'aide d'aucune subvention : l'affaire sera rentabilisée avec les
croisières, le transport de marchandises et les visites du navire.
Où se situe, alors, la frontière entre
l'association et une simple société commerciale ? Pour
exister, une société commerciale suppose, de la part de ses
membres, la volonté d'oeuvrer pour réaliser des
bénéfices ou, à tout le moins, des économies. En
cela, le projet ressemble à une entreprise purement commerciale, puisque
reste ouverte la possibilité de faire des bénéfices.
L'impact probable de ce caractère économique
est double : d'une part, il pose un problème d'image par rapport
aux objectifs clairement affichés des fondateurs. N'y a-t-il pas une
contradiction entre le fait de vouloir transporter des marchandises
estampillées commerce équitable, et le fait de vouloir le faire
aux prix du marché ? N'y aura-t-il pas un risque de dérive
lorsque les fondateurs, premiers garants de l'esprit du projet, auront
disparu ? S'il n'y a pas de garde-fous, ne peut-on pas imaginer une
exploitation purement lucrative ?
D'autre part, va inéluctablement se poser la grave
question de l'assujettissement de l'association aux impôts
commerciaux : impôt sur les sociétés, taxe
professionnelle et TVA. L'article 206-1° bis du CGI prévoit que les
associations ne sont pas soumises en principe aux impôts frappant les
personnes morales exerçant une activité commerciale. Cependant,
l'exercice d'activités lucratives va les rendre passibles de ces
impôts. Si l'association « Le Cargo solidaire »
rentre dans les critères définis par l'administration fiscale,
elle devra payer.
Trois textes viennent préciser ce régime :
l'instruction fiscale du 15 septembre 199863(*), celle du 16 février 199964(*), toutes deux reprises et
précisées dans une dernière instruction fiscale du 18
décembre 200665(*).
Ces textes exonèrent par principe d'impôts commerciaux les
groupements à but non lucratif, sauf dans le cas où ils exercent
une activité lucrative. On entend par activité lucrative une
activité agricole, commerciale, libérale, civile, de production
ou de prestation de services, c'est-à-dire une activité
économique qui consiste en la réalisation d'actes payants de la
nature de ceux qui sont effectués par des professionnels, même si
les éventuels bénéfices dégagés sont
destinés à la réalisation d'une oeuvre
désintéressée. Par conséquent, une association
exerçant une activité économique rentre dans cette
catégorie, et il est certain que le Cargo solidaire sera
considéré comme un groupement exerçant une activité
lucrative. Est-ce pour autant qu'il sera soumis aux impôts
commerciaux ? Non, il convient d'examiner les critères retenus par
l'administration fiscale, qui apprécie la notion de non
lucrativité de façon tout à fait spéciale.
Une association va être redevable des trois
impôts commerciaux si :
- sa gestion est intéressée ;
- ou bien, alors même que sa gestion est
désintéressée, elle concurrence le secteur
commercial ;
- si elle concurrence le secteur commercial, l'association
exerce son activité selon des modalités de gestion similaire
à celles d'une entreprise commerciale.
La gestion désintéressée est le
critère qui prime. Trois conditions cumulatives sont nécessaires
pour le remplir. Tout d'abord, l'organisme doit, en principe, être
géré et administré à titre bénévole
par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personnes
interposées, aucun intérêt direct ou indirect dans les
résultats de l'exploitation. Ensuite, l'organisme ne doit
procéder à aucune distribution directe ou indirecte de
bénéfices, sous quelque forme que ce soit. Enfin, les membres de
l'organisme et leurs ayants droits ne doivent pas pouvoir être
déclarés attributaires d'une part quelconque de l'actif, sous
réserve du droit de reprise des apports. Si la gestion est
intéressée, si les trois critères ne sont pas remplis,
l'association sera automatiquement soumise aux trois impôts commerciaux
(la soumission à l'un des trois impôts emporte la soumission aux
deux autres). Si la gestion est désintéressée, on passe au
critère suivant (c'est probablement ce qui se passera dans le cas du
Cargo solidaire).
Ce deuxième critère est plus délicat
à satisfaire dans le cadre de l'association « Le Cargo
solidaire ». Il faut en effet se demander si le caractère
lucratif de l'association ne peut pas découler du fait qu'elle
concurrence des entreprises du secteur lucratif, entreprises exerçant la
même activité dans le même secteur. Il semble que oui, dans
ce cas. En effet, la proximité du port de Nantes Saint-Nazaire conduit
à penser que l'association, fatalement, concurrencera des entreprises
effectuant du transport de conteneurs ou de fret par mer. Si, toutefois,
l'administration fiscale décidait que l'association ne concurrence pas
le secteur lucratif, celle-ci serait définitivement
exonérée d'impôts commerciaux. Mais, le fait de
concurrencer le secteur lucratif ne mène pas obligatoirement à
l'assujettissement aux impôts commerciaux. Il faut passer dans ce cas au
troisième critère, qui est celui des conditions de gestion
similaires à celles du secteur lucratif.
Il s'agit ici de la règle des 4P. L'administration
fiscale va considérer l'utilité sociale de l'activité,
l'affectation des excédents dégagés par l'exploitation,
les conditions dans lesquelles le service est accessible ainsi que les
méthodes auxquelles l'association a recours pour exercer son
activité, à travers quatre critères, qui vont être
présentés par importance décroissante.
Le premier critère est celui du produit
proposé. Ce dernier doit tendre à satisfaire un besoin peu ou pas
du tout pris en compte par le marché (dans le cas de l'association, on
pense notamment au fait de permettre à des personnes handicapées
de pouvoir naviguer).
Le deuxième critère est celui du public
visé. Les actes payants réalisés par l'association doivent
l'être au profit de personnes justifiant l'octroi d'avantages
particuliers au vu de leur situation économique et sociale (comme les
chômeurs et les handicapés).
Le troisième critère à prendre en compte
est celui du prix. Les prix pratiqués doivent être
inférieurs à ceux du marché, doivent se distinguer de ceux
des entreprises concurrentes. Ici, il y aura un très net
problème.
Enfin, le quatrième critère est la
publicité. L'association ne peut diffuser des publicités
destinées à capter un public analogue à celui des
entreprises du secteur commercial.
Si les quatre critères sont remplis, l'association
échappe définitivement aux trois impôts commerciaux. Il est
difficile, à première vue, de dire de quel côté
penchera la balance. A priori, si elle se prémunit contre les risques de
dérive au cours de l'exploitation (et n'a-t-elle pas commencé
à le faire avec la mise en place du comité
d'éthique ?), elle devrait pouvoir échapper aux impôts
commerciaux. Il faudra utiliser la procédure du rescrit fiscal pour
savoir ce qu'il en est, aucune réponse n'étant de toute
façon certaine, et les choses pouvant évoluer au cours de la vie
de l'association.
L'association elle-même doit être amenée
à évoluer, pour continuer à garantir son
indépendance et pour permettre au projet d'avancer de la façon la
plus saine possible. Une fois le navire construit, se pose en effet la question
de savoir si l'association elle-même doit être la structure
armateur, ou s'il faut créer une structure ad hoc pour l'exploitation.
§2 : Le Cargo solidaire devient structure
armateur
La notion d'armateur est davantage une notion
économique qu'une notion juridique. La loi du 3 janvier 1969
énonce que l'armateur est celui qui exploite un navire, qu'il en soit ou
non propriétaire66(*). Le propriétaire du navire est
présumé en être l'armateur67(*).
Ceci ne poserait guère de problème si
l'association « Le Cargo solidaire » devient, après
la phase de construction du navire, structure armateur. Il n'y aura pas de
transfert de propriété, et la solution en elle-même
paraît relativement simple.
Pourtant, à y regarder de plus près, on
aperçoit les difficultés qu'elle va poser. Une association
est-elle réellement armée pour pouvoir mettre en oeuvre
l'exploitation d'un navire ? Ne va-t-on pas se retrouver dans des
situations quelque peu kafkaïennes, dans lesquelles les membres de
l'association vont se retrouver tiraillés entre la poursuite d'un but
désintéressé, d'intérêt
général, et la nécessité absolue
d'équilibrer leur exploitation, puisqu'ils feront vivre le projet sans
subventions à partir de la fin de la construction ? Une fois la
construction du navire finie, on se retrouve face à une véritable
entreprise commerciale, qui doit être viable. L'intérêt
général n'est-il pas diminué dès que l'on entre
dans la phase proprement dite d'exploitation ?
Dans ce cas, les sanctions peuvent tomber. Elles viendront de
la part de l'administration notamment, et des juges également, qui
pourront appliquer les règles du droit des affaires et du droit
commercial, et même aller jusqu'à la requalification en
commerçant de fait. L'administration, quant à elle, pourra
éventuellement soumettre l'association aux impôts commerciaux,
avec tous les problèmes que cela entraîne.
Il existe des solutions pour y échapper. Tout d'abord,
la loi de finances pour 200068(*) exonère des impôts commerciaux les
activités commerciales accessoires des associations dont la gestion est
désintéressée quand les recettes procurées par ces
activités commerciales n'excèdent pas annuellement 75 000
euros69(*). Mais, avant
même de pouvoir examiner si l'exploitation du Cargo solidaire est une
activité commerciale accessoire de l'association, on se heurte au
problème du plafonnement de la mesure. Le budget prévisionnel
d'exploitation prévoit en effet que le total des recettes annuelles
tournera entre 3 700 000 et 4 030 000 euros. Total bien
supérieur à 75 000 euros, et l'on se surprend à
penser qu'il ne sera guère souhaitable pour la viabilité du
projet qu'un jour la mesure en vienne à être applicable !
Une solution serait peut-être à rechercher avec
la sectorisation. Cette opération consiste à séparer
nettement les activités non lucratives et les activités
lucratives de l'association, seules ces dernières étant soumises
aux trois impôts commerciaux. Dans ce cas, les activités
lucratives seront exercées dans le cadre d'un secteur d'activité
distinct. Mais, ici aussi, on va se heurter au problème de
l'évolution, et même du changement de nature de l'association
après la période de construction du navire, lorsque seule
demeurera l'exploitation du Cargo solidaire.
En effet, l'instruction fiscale du 16 février 1999
prévoit que le caractère non lucratif d'ensemble de l'association
n'est pas contesté si les opérations lucratives sont dissociables
par leur nature de l'activité principale non lucrative,
c'est-à-dire correspondant à des prestations de nature
différente70(*).
Pour que la sectorisation opère, il faut que l'activité non
lucrative demeure prépondérante : l'activité
lucrative ne doit pas orienter l'ensemble de l'activité de
l'association. L'administration fiscale utilise un critère
spécial pour apprécier cette prépondérance :
il s'agit du rapport des recettes commerciales sur l'ensemble des moyens de
financement de l'association (recettes, dons, subventions...), calculé
sur une moyenne pluriannuelle. Or, ainsi qu'il a déjà
été dit, lors de la phase d'exploitation, les ressources de
l'association consisteront uniquement en recettes commerciales, et la
sectorisation paraît impossible.
De plus, l'activité non lucrative ne sera plus
prépondérante. La grande particularité du projet, à
ce moment là, sera l'exercice d'une activité lucrative dans un
but d'intérêt général. Même si l'exploitation
n'est qu'économique et non lucrative (non basée sur la recherche
de profits ou d'économies, qui n'est même pas un but de
l'association), l'activité, elle, est lucrative. Il est essentiel de
distinguer les deux notions pour bien comprendre le problème.
L'association se rapproche de la société par les activités
qu'elle exerce, puisque les services proposés ne sont pas à titre
gratuit ou à des prix inférieurs à ceux du marché,
mais s'en distingue par le but recherché, qui n'est pas la recherche du
profit, mais la mise en place d'un système d'échanges basé
sur la pratique des solidarités. C'est trop dangereux. Contrairement
à la construction, qui ne rapportera jamais d'argent à
l'association, l'exploitation, lorsqu'elle demeure la seule activité du
groupement, est susceptible d'entraîner des dérives et des
problèmes trop importants pour qu'une autre solution ne soit pas
envisagée.
§3 : La création d'une structure armateur
différente de l'association initiale
Les membres fondateurs de l'association envisagent de confier
la gestion de l'exploitation du Cargo solidaire à une structure
différente de l'association initiatrice du projet. C'est la solution la
plus sage. Il s'agit d'une opération de filialisation.
Quelle forme prendra la filiale de l'association
« Le Cargo solidaire » ? Une autre association, une
société, un GIE sont-ils envisageables ? Peut-on recourir
à une autre société déjà existante ?
Une chose est certaine : cette filiale récupérera toutes les
activités lucratives de l'association, c'est-à-dire
l'exploitation du navire en lui-même et deviendra ainsi la
véritable structure armateur, celle qui conclura les contrats
d'affrètements et d'organisation de voyages. Cela protégera
l'association initiatrice du projet de toute dérive purement
commerciale. Ainsi, sa filiale exercera les activités lucratives, et
l'association mère sera garante du respect de l'esprit du projet :
l'exploitation économique mais non lucrative du navire.
L'association mère conservera les activités non
lucratives. Ces dernières risquent de se trouver bien réduites.
Mais son rôle est néanmoins essentiel. Elle sera le garde-fou
indispensable pour que le projet ne soit pas dénaturé.
La forme de la filiale est primordiale. La
société, même si elle peut être envisagée, est
probablement à écarter. En effet, la société
engendre des profits qui sont reversés sous forme de dividendes, et si
l'association mère est membre (actionnaire) de cette
société, elle se verra reverser ces dividendes. C'est contraire
au but même du projet. Ou alors, il faudrait envisager de
réinjecter ces profits dans l'entretien du navire, l'organisation
(pourquoi pas ?) de voyages gratuits en faveur des personnes
défavorisées, la diffusion du projet... En aucun cas, il ne
faudra partager ces dividendes entre les membres de l'association.
Société ou association, quelle que soit la forme choisie, un
apport partiel d'actif est nécessaire pour créer la filiale.
Ici, la solution est simple. Il s'agit du navire. Il faudra
transférer sa propriété à la filiale qui va en
assurer la gestion. Une autre solution pourrait également être de
le donner en affrètement coque-nue. L'association mère serait
alors le fréteur, la filiale l'affréteur. Le coût de
l'affrètement devra être soigneusement pensé pour faire en
sorte que l'association mère échappe toujours aux impôts
commerciaux : suivant l'instruction fiscale du 30 octobre 200071(*), les associations vont
échapper aux trois impôts commerciaux lorsque leurs
activités commerciales n'excèdent pas 75 000 euros si leur
gestion est désintéressée et si leurs activités non
lucratives sont significativement prépondérantes72(*). C'est là un
critère qu'il faudra prendre en considération.
Il faudra être très prudent sur la façon
dont l'association va intervenir dans la gestion de sa filiale. Il n'y aura
aucun problème s'il est établi que, de toute façon,
l'association mère, même sans filialisation, n'aurait jamais
été soumise aux impôts commerciaux. Dans le cas contraire,
rien n'interdit à la filiale de faire l'objet d'une gestion purement
patrimoniale : elle seule paiera les impôts commerciaux, si
l'association mère ne joue qu'un rôle passif et n'intervient pas
dans la gestion de la filiale. Si l'association mère intervient
néanmoins dans tout ou partie de la gestion de sa filiale, elle sera
considérée comme exerçant une activité de gestion
de titre et s'appliqueront alors les règles de la sectorisation. Or, il
a été démontré dans le paragraphe
précédent que la sectorisation était impossible en
l'espèce. Il faut donc que l'association ne soit pas passible des
impôts commerciaux, auquel cas peu importe qu'elle intervienne
fréquemment dans la gestion de sa filiale, ou, si elle est passible des
impôts commerciaux, ne joue qu'un rôle passif dans la gestion, ce
qui suppose la mise en place des garde-fous préalablement à la
constitution de la filiale. Bien entendu, l'association passible des
impôts commerciaux peut toujours jouer un rôle actif dans sa
filiale, mais elle sera lors tenue elle aussi de payer l'impôt sur les
sociétés et la taxe professionnelle.
Des garde-fous seront à rechercher du
côté des mécanismes classiques du droit des
sociétés et du droit des associations, notamment par l'octroi de
sièges au conseil d'administration. On peut d'ailleurs imaginer que ces
sièges seront réservés à des membres du
comité d'éthique. Il faudra veiller à ce que les contrats
d'affrètement ou de transport de marchandises soient toujours conclus
avec des ONG partenaires et que les contrats de transport de passagers ou
l'organisation de croisières respectent toujours la mixité
à bord.
La filiale payera l'impôt sur les
sociétés et la taxe professionnelle sur ses seules
activités lucratives. L'association mère sera
exonérée de ces impôts. Cependant, il faut noter que
lorsqu'elle utilise la filialisation alors qu'elle est passible des
impôts commerciaux, l'association mère sera toujours soumise
à la TVA au titre de ses propres opérations lucratives.
On le voit, les mécanismes utilisés ici sont
particulièrement complexes, et tous reposent sur l'idée de faire
échapper l'association aux trois impôts commerciaux. Ce n'est pas
le but premier des fondateurs de l'association « Le Cargo
solidaire ». Ils veulent avant tout garantir une exploitation
respectueuse du but initial du projet : la pratique des
solidarités.
Donc, l'exploitation commerciale serait confiée
à une structure fille de l'association mère, qui passerait tous
les contrats nécessaires à la gestion du navire. Quelle que soit
l'hypothèse retenue (la structure armateur demeure l'association
initiale ou est une structure fille), on désignera toujours, par
commodité, la structure choisie sous le nom « structure
armateur ».
Section II : Les questions touchant le navire
lui-même et son armement73(*)
Une fois le navire construit et son exploitation
confiée à la structure armateur, il va falloir s'assurer que tout
est prêt pour que le Cargo solidaire puisse effectivement prendre la mer
et accomplir les opérations pour lesquelles il a été
construit. Un grand nombre de questions se posent relativement à cela,
mais il paraît difficile d'avoir la place suffisante pour répondre
à toutes. Trois problèmes se détachent cependant
particulièrement. Il s'agit de la problématique du pavillon et de
l'immatriculation du navire (§1), des contrats passés avec
l'équipage (§2), et des assurances du navire (§3).
§1 : Pavillon et immatriculation du navire
Le pavillon et l'immatriculation du navire sont deux
formalités absolument nécessaires qu'il convient de
préciser. Il sera obligatoire, de toute façon, d'attribuer un
pavillon au Cargo solidaire et de l'immatriculer avant qu'il puisse prendre la
mer.
Suivant la définition d'Alain Le Bayon74(*), « le pavillon
est un drapeau constituant le signe extérieur de la nationalité
d'un navire ». Par extension, le pavillon est devenu la marque
de cette nationalité (on parle de pavillon français, de pavillon
maltais, etc...). Le navire, même s'il est un meuble, va être
obligatoirement doté d'une nationalité.
Il est convenu depuis longtemps par les membres fondateurs du
projet qu'il s'agira du pavillon français. Cependant, la question s'est
posée de savoir quel « pavillon français »
exactement allait être utilisé. Il existe en effet trois
possibilités de pavillon en France. Tout d'abord, il y a le pavillon
français lui-même. Le recours à ce pavillon fait peser un
grand nombre de contraintes, notamment économiques, sur l'armateur. Il
faudra, en effet, rémunérer l'équipage au coût
prévu par la loi française et le droit social français
s'appliquera. Or, les dépenses d'équipage constituent un poste de
dépenses non négligeables : souvent entre un tiers et deux
tiers des charges fixes d'exploitation (qui sont constituées par les
frais généraux, les assurances, l'entretien, la maintenance, et
les charges d'équipage).
Pour diminuer ce coût et rendre son pavillon plus
attractif, la France a eu l'idée de créer un pavillon bis ou
pavillon économique. Cette expression sert à désigner le
pavillon national qui est porté par un navire dans un territoire certes
soumis à la souveraineté nationale, mais
bénéficiant d'un statut local spécifique avec un
allègement des charges sociales et fiscales. Il s'agit en France du
pavillon bis des TAAF (Terres Australes et Antarctiques Françaises).
Enfin, depuis 200575(*), existe une troisième
possibilité : le registre international français ou RIF. En
bénéficier permet d'alléger les charges de l'armement
français. Sont particulièrement visés par ce registre les
navires de commerce au long cours ou au cabotage international,
catégories dans lesquelles rentre aisément le Cargo solidaire.
On peut, bien sûr, envisager sérieusement que le
navire prenne l'un quelconque des deux derniers pavillons afin d'assurer une
meilleure rentabilité économique de son exploitation. Mais, en
termes d'image, cela serait désastreux, et il ne semble pas que ce soit
la solution retenue. Comment justifier, en effet, qu'un projet basé sur
la pratique des solidarités immatricule son navire sous un pavillon bis
ou un pavillon économique aux seules fins de réaliser des
économies sur les charges sociales lui incombant ? Sacrifier
l'équipage pour assurer la rentabilité de l'affaire ?
N'oublions pas que l'exploitation du Cargo solidaire est économique et
non pas lucrative. Il faudra préférer le pavillon
français.
Une fois le pavillon choisi, il faudra procéder
à l'immatriculation du navire. Cette opération permet
d'identifier le navire et de suivre sa nature juridique. Elle est
obligatoire : tout navire va faire l'objet d'une immatriculation
auprès du service des Affaires Maritimes dans le ressort duquel se
trouve le port de rattachement (Nantes Saint-Nazaire, qui se mêle presque
intrinsèquement à l'histoire du Cargo solidaire ?). On va
alors attribuer au Cargo solidaire son numéro d'immatriculation,
composé de six chiffres précédés des lettres
caractéristiques du quartier d'immatriculation.
§2 : Les contrats passés avec
l'équipage
Il faut rappeler ici que le navire
étant immatriculé sous pavillon français (hypothèse
retenue comme étant la plus probable), c'est le droit social
français des gens de mer qui va trouver à s'appliquer ici.
Le projet prévoit un équipage composé de
8 officiers, de 32 membres d'équipage, y compris le personnel de service
(pour les croisiéristes) et le personnel médical. Il existe en
effet une obligation d'avoir un médecin à bord à partir
d'un certain nombre de personnes, et, de plus, la présence de personnes
souffrant de handicap physique à bord du Cargo solidaire
nécessite la présence d'un personnel soignant pouvant prendre en
compte leurs besoins. Relativement à l'équipage
lui-même, il n'existe pas de règlement particulier sur leur
nombre. Mais l'effectif doit être suffisant en nombre et qualité
du point de vue de la sécurité76(*). Il faudra également prendre en compte le fait
que le choix de la propulsion vélique entraîne de plus grandes
contraintes en matière de nombre d'hommes qualifiés à
bord. Les voiles sont plus difficiles à manoeuvrer qu'un simple moteur
et nécessitent plus de marins. Mais le but n'est-il pas que le plus de
personnes possible bénéficient du projet ?
Quelle va être la nationalité des marins
embarqués à bord du Cargo solidaire ? Il apparaît
clairement qu'ils pourront être français, mais également
originaires des autres pays de l'Union Européenne. En effet, l'un des
piliers de la construction communautaire est la liberté de circulation
des travailleurs et l'égalité de traitement des ressortissants
communautaires (article 39 du traité sur l'Union Européenne). Ce
principe a été transposé en droit français par la
loi du 26 février 199677(*), qui met fin à l'ancien privilège de
nationalité sur les navires battant pavillon français (à
l'exception du capitaine et de l'officier suppléant). Des marins
européens pourront donc être embarqués à bord du
Cargo solidaire. Théoriquement, ces marins européens se verront
appliquer la loi du pavillon pour leur contrat de travail, c'est-à-dire
la loi française. Ce sera rester fidèle à l'esprit du
projet que de continuer à appliquer la loi française lorsqu'elle
offre le niveau de protection le plus élevé pour le marin.
Qui va recruter l'équipage ? Il est le
préposé de l'armateur et engage, par son activité, la
responsabilité de ce dernier. C'est donc l'armateur qui recrute les
marins. Que la structure armateur soit propriétaire du navire ou qu'il
lui ait été donné en affrètement coque nue par
l'association mère, c'est donc elle qui se chargera de l'engagement. Si
la structure armateur conclut à son tour un contrat d'affrètement
au voyage ou à temps, elle sera également la structure qui
recrute (bien que dans l'affrètement à temps, l'équipage
soit aux ordres de l'affréteur).
En matière de droit du travail maritime, c'est le Code
du travail maritime de 1926 (maintes fois modifié depuis !), qui va
être applicable. On va se trouver face à des contrats d'engagement
maritime, conclus entre un armateur et un marin en vue d'accomplir un service
à bord du Cargo solidaire. Il convient de rappeler ici quelques
règles générales relatives à ce type de contrat.
Ce contrat sera obligatoirement écrit et indiquera le
service pour lequel le marin s'engage, la fonction qu'il doit exercer, le
montant des salaires et accessoires, la durée du contrat, le
délai de préavis en cas de résiliation
unilatérale78(*).
Si le contrat n'est pas écrit, ou si certaines clauses sont non
écrites, la nullité pourra être prononcée,
nullité qui ne peut être invoquée que par le marin.
Toutes les clauses et stipulations du contrat vont être
inscrites ou annexées au rôle d'équipage (titre de
navigation délivré à tout navire pratiquant une navigation
maritime et pourvu de marins professionnels affiliés à
l'ENIM79(*)). Ce
rôle est annuel.
Préalablement à cette inscription du contrat
d'engagement maritime sur le rôle d'équipage, il faudra obtenir un
visa de l'autorité maritime compétente (qui est l'administrateur
des Affaires Maritimes si le Cargo solidaire a comme port d'attache Nantes
Saint-Nazaire). Ce visa est obligatoire, même pour les marins
étrangers, dont le contrat est soumis au Code du travail maritime
français.
Le contrat d'engagement maritime sera conclu normalement pour
une durée indéterminée. Le contrat à durée
déterminée est l'exception, même si des contrats
d'engagement au voyage peuvent toujours être conclus (C. trav. mar., art.
10-1).
Quelles vont être les causes de rupture du contrat
à durée indéterminée ? On trouve tout d'abord
le licenciement maritime, qui intervient en cas de résiliation par
l'armateur du contrat d'un marin titularisé ou stabilisé dans son
emploi, que ce marin soit embarqué ou non, ou lorsque le marin justifie
d'une ancienneté de services continus d'au moins un an dont six mois
d'embarquement effectif et continu, ou encore en cas d'absence de proposition
d'embarquement pour un marin remplissant les conditions d'ancienneté et
d'embarquement du cas précédent dans un délai de trente
jours à partir de l'achèvement des temps de congés et de
repos80(*).
On peut également recourir à la rupture
unilatérale du contrat à durée indéterminée,
susceptible de dommages et intérêts en cas de résiliation
abusive. Le droit classique des licenciements économiques (tels que
définis à l'article L. 321-1 du Code du travail) s'applique aussi
aux contrats d'engagements maritimes. Les motifs peuvent en être les
suivants : motif non inhérent à la personne du
salarié, suppression ou transformation d'emploi, modification
substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des
difficultés économiques ou des mutations technologiques.
Enfin, il faut noter qu'outre les causes de rupture du
contrat, existent des causes de suspension. Ces dernières sont
variées : les congés payés, prévus par une
ordonnance du 25 mars 1982, les congés maternité et adoption, les
accidents du travail et maladies professionnelles, la grève...
En résumé, s'applique ici le droit social
commun des gens de mer, que la structure armateur ne devra pas
négliger, et même devra optimiser au maximum pour répondre
aux objectifs du projet.
Une question, cependant, demeure : quel type de contrat
passer avec le personnel de service du Cargo solidaire, c'est-à-dire
avec le personnel qui s'occupera des passagers embarqués ? Le
contrat d'engagement maritime s'applique uniquement aux marins. Faut-il en
conclure qu'un contrat de travail classique (terrestre) sera nécessaire
ici ? Tout dépend en réalité de la notion de marin
qui sera retenue. La jurisprudence est hésitante en la matière.
Le Code du travail maritime, en son article 3, définit le marin comme
quiconque s'engage envers l'armateur ou son représentant pour servir
à bord d'un navire. Dans un arrêt de 1998, la Cour d'appel de
Rennes avait jugé que le personnel hôtelier d'un ferry n'avait pas
conclu de contrat d'engagement maritime avec l'armateur et n'était pas
marin81(*). A contrario,
en 2002, la Cour de cassation reconnaissait la qualité de marin à
un éducateur spécialisé qui encadrait des enfants à
bord d'un navire82(*).
Il semble qu'il faille pencher en faveur de la conception
large de la notion de marin, qui est à la fois la solution la plus
récente et la position adoptée par la Cour de cassation. Ce la
conduirait à la conclusion de contrats d'engagement maritime avec le
personnel de service du Cargo solidaire83(*).
§3 : Les assurances du navire
Avant que le Cargo solidaire ne prenne la mer, il faudra
contracter des assurances maritimes. Ces assurances ont pour objet de garantir
les risques relatifs à une opération maritime (C. assur., art. L.
171-1). Il en existe trois types : l'assurance corps, qui couvre les
dommages subis par le navire ; l'assurance facultés qui garantit
les dommages subis par les marchandises ; l'assurance de
responsabilité qui couvre les dommages causés à des tiers
par le navire84(*). Ces
trois types d'assurance devront être contractés.
L'assurance corps est l'assurance du navire et de ses
accessoires contre les dommages, pertes, recours des tiers, dépenses
résultant de fortunes de mer et d'accidents qui peuvent lui arriver.
Pour connaître les conditions dans lesquelles le contrat d'assurance va
être conclu, les membres de l'association « Le Cargo
solidaire » pourront se référer à une
police-type d'assurance-corps. En France, il s'agit de la police d'assurance
maritime sur corps de tous navires à l'exclusion des navires de
pêche et de plaisance, des voiliers et des navires à moteur
auxiliaire (Imprimé du 1er décembre 1983,
modifié le 13 décembre 1984).
L'assurance de responsabilité n'est pas une assurance
classique du droit des assurances maritimes, mais elle a tendance à se
développer de plus en plus ces dernières années. Une telle
assurance sera souscrite dans le but de garantir l'assuré contre les
dommages subis par des tiers du fait du navire.
Enfin, la troisième catégorie est l'assurance
facultés, ou assurance sur facultés. C'est l'assurance maritime
des marchandises transportées ou prises en charge par des professionnels
transporteurs ou auxiliaires de transport, conformément aux usages du
commerce. On distingue entre deux types principaux de polices d'assurance
facultés. Tout d'abord, la police « Garantie tous
risques » (qui se retrouve dans l'imprimé du 30 juin 1983,
modifié le 16 février 1990), qui garantit les dommages et pertes
matériels ainsi que les pertes de poids ou de quantité subis par
les facultés (marchandises) assurées, à l'exclusion de
certains dommages et pertes limitativement prévus. Ensuite, la police
« F.A.P. sauf événements majeurs », F.A.P.
signifiant « Franc d'avaries particulières », qui se
retrouve sur l'imprimé du 30 juin 1983, modifié le 16
février 1990. L'objet de cette police est de garantir les dommages et
pertes matériels ainsi que les pertes de poids ou de quantité
subis pas les marchandises, provenant exclusivement d'évènements
prévus dans le contrat ou résultant d'un acte d'avaries communes.
On va pouvoir conclure cette assurance facultés selon deux
modalités. Soit on va conclure une assurance sur police
particulière, qui va couvrir une marchandise déterminée
pour un voyage particulier, soit on va conclure une assurance sur police
flottante, dans laquelle l'assureur va s'engager à couvrir, sous
certaines conditions, toutes les marchandises expédiées par
l'assuré ou reçues par lui, à la condition que
l'assuré lui fasse part de toutes les mises en risque dans un
délai déterminé. La police flottante va pouvoir se
présenter sous deux formes :
- La police d'abonnement par laquelle l'assureur couvre toutes
les expéditions de l'assuré jusqu'à concurrence d'une
somme déterminée, appelée le plein de
l'assurance ;
- La police à alimenter, où le plein de
l'assurance constitue la limite maximale de la garantie de l'assureur, de sorte
que, à chaque application qui en est faite, le plein diminue,
l'assurance demeurant en vigueur jusqu'à l'épuisement du plein.
L'assuré verra peser sur lui un certain nombre
d'obligations : le paiement de la prime, la déclaration, avant tout
sinistre, des éléments permettant à l'assureur de se faire
une exacte opinion du risque et de prendre un certain nombre de mesures
destinées à préserver les intérêts de
l'assureur85(*).
Mais le plus aisé, en la matière, sera de se
mettre en rapport avec un intermédiaire, courtier ou agent d'assurance,
qui déterminera les risques à couvrir et les compagnies
d'assurance susceptibles de le faire (étant donné la taille du
navire, elles seront certainement plusieurs).
CHAPITRE II : LA MISE EN OEUVRE DE L'EXPLOITATION
DU NAVIRE
Le navire va être exploité de trois
façons différentes. Tout d'abord, il va pouvoir transporter des
marchandises (Section I). Ensuite, il servira à l'organisation de
voyages (Section II). Enfin, des visites seront organisées à son
bord. La section III examinera cette question sous l'angle global de
l'animation qui sera mise en place autour du navire, avec, entre autres, les
visites du chantier de construction.
Section I : Le transport de marchandises
Il va s'agir de transporter des marchandises
labellisées commerce équitable, en partenariat avec des ONG.
Egalement, pourront être transportés du matériel
médical ou d'autres marchandises usuellement envoyées par les ONG
vers des pays du tiers monde. C'est répondre à l'un des objectifs
du projet, qui est l'inversion des rapports Nord/Sud et la pratique des
solidarités vis-à-vis des populations défavorisées.
La promotion du commerce équitable est une solution intéressante,
qui permet aux pays du tiers monde de se développer à travers une
politique de développement par la valorisation du travail et non par
l'assistanat.
Cependant, c'est également ici que l'on va toucher aux
limites du projet. Les marchandises seront transportées par conteneurs
au prix du marché (soit environ 3 000 euros par conteneur). Certes,
le public visé est différent de celui visé habituellement
par les entreprises du secteur, mais le prix du transport ne sera pas
« équitable ». Qu'est ce qui engagera alors les ONG
à faire transporter leurs marchandises par le Cargo solidaire ?
C'est l'image, la publicité, la logique d'une telle
démarche qui sera appréciée par les ONG. On peut imaginer
la mise en place de contrats de parrainage : l'ONG confie ses marchandises
au Cargo solidaire, et en échange, son nom apparaît, par exemple
sur les voiles ou sur la coque du navire. Cela suppose que le Cargo solidaire
devra être irréprochable de sa construction à la fin de son
exploitation, et tous les choix faits précédemment se trouvent
ainsi justifiés : de l'insertion de personnes en difficulté
au pavillon français (plus contraignant en matière de droit
social) en passant par une optimisation maximale des normes écologiques
disponibles en matière de droit maritime.
Ainsi, la structure armateur pourra passer deux types de
contrats pour le transport de marchandises : des contrats de transport
(§1) et des contrats d'affrètement (§2).
§1 : Les contrats de transport86(*)
Les contrats de transport maritime sont à
soigneusement distinguer des contrats d'affrètement. Alors que
l'affrètement relève d'une logique de mise à disposition
d'un navire, le contrat de transport se caractérise par le fait qu'un
chargeur va confier à un transporteur des marchandises pour leur
déplacement. La loi du 18 juin 196687(*), dans son article 15, définit le contrat de
transport maritime de marchandises comme un contrat par lequel un chargeur
s'engage à payer un fret (prix du transport) déterminé
à un transporteur qui s'engage à son tour à acheminer une
marchandise déterminée d'un port à un autre.
Dans le cadre du projet « Le Cargo
solidaire », le transporteur sera donc la structure armateur, quelle
qu'en soit la forme, et le chargeur sera une ONG, qui voudra acheminer par
conteneurs un certain nombre de marchandises. La solution du contrat de
transport est certainement la plus raisonnable, en ce qu'elle permet à
la structure armateur de conserver un grand pouvoir de gestion et de
contrôle sur les contrats qui vont être passés. Elle pourra
ainsi se prémunir contre des risques de dérive qui n'existeront
que si le navire est donné en affrètement et échappe
partiellement à son contrôle. Il est évident que, pour
garantir au plus près le respect du projet, continuer d'avoir une
exploitation économique et ne pas basculer dans l'exploitation purement
lucrative, il faut éviter au maximum les intermédiaires entre la
structure armateur et les ONG. D'ailleurs, la présence
d'intermédiaires entraîne presque inévitablement (et
logiquement !) une répercussion sur le montant du fret.
Il faut noter aussi que les membres fondateurs ont
commencé à démarcher les ONG qui seraient susceptibles
d'utiliser le Cargo solidaire pour expédier des marchandises. Cette
démarche s'accorde parfaitement avec la logique d'un contrat de
transport conclu de la façon la plus simple qui soit, entre un
représentant de la structure armateur, et un représentant de
l'ONG, afin de toujours savoir si le navire servira à transporter des
marchandises utiles à l'accomplissement des objectifs du projet,
à savoir la pratique des solidarités et l'inversion des rapports
Nord/Sud.
Il va être intéressant ici d'étudier
brièvement les obligations qui vont peser sur le transporteur dans le
cadre du contrat de transport. Les obligations concernant le chargeur sont
laissées de côté, elles ne concerneront a priori pas la
structure armateur.
Tout d'abord, la structure armateur sera tenue de faire
diligence pour mettre son navire en état de navigabilité nautique
et commerciale avant le transport proprement dit. La notion de
navigabilité sera entendue comme étant l'aptitude du Cargo
solidaire à affronter les périls de la mer (navigabilité
nautique) et à servir au transport de marchandises (navigabilité
commerciale). Un certificat de navigabilité sera délivré
et devra être conservé à bord.
Ensuite, la structure armateur (transporteur) sera tenue
impérativement de procéder de façon soigneuse au
chargement, à la manutention, à l'arrimage, au transport,
à la garde et au déchargement de la marchandise. Une clause
F.I.O. (Free In and Out) pourra être insérée dans le
contrat de transport. Cette clause stipulera que les frais de chargement et de
déchargement de la marchandise seront à la charge de l'ONG - du
chargeur. En aucun cas, cette clause ne déchargera la structure armateur
de l'obligation d'accomplir le chargement et le déchargement de la
marchandise.
Durant le transport, la structure armateur devra à la
marchandise les soins dits ordinaires, qui sont précisés dans le
contrat conclu entre les parties, ou, s'ils ne le sont pas, sont conformes aux
usages courants du port de chargement. Ces soins sont très
variés, pouvant inclure la ventilation, l'aération, le maintien
des conteneurs à une certaine température...
Si le voyage est interrompu en cours, la structure armateur
devra faire diligence pour assurer le transbordement de la marchandise et son
arrivée au port de destination prévu. Enfin, au terme du voyage,
la marchandise devra être livrée au destinataire ou à son
représentant contre la remise d'un connaissement. Le connaissement est
un titre écrit représentatif de la marchandise,
délivré par un armateur, qui atteste de la réception des
marchandises à bord d'un navire, et qui, dans le cadre d'un contrat de
transport de marchandises, est le titre faisant preuve de ce contrat. De toute
façon, il existe aujourd'hui des imprimés types de ce genre de
documents, imprimés standardisés, que la structure armateur
pourra se procurer.
Il ne faut oublier, également, que la structure
armateur engagera sa responsabilité en cas de dommages ou de pertes
subis par la marchandise. L'article 27 de la loi précitée du 18
juin 1966 fait peser une présomption de responsabilité sur le
transporteur pour les dommages et pertes survenus au cours du transport
à la marchandise qui lui est confiée. Il existe des cas
d'exonération de responsabilité assez nombreux. La loi du 18 juin
1966 ne trouvera cependant à s'appliquer que de façon très
très résiduelle dans le cas du Cargo solidaire. Il semble
plutôt qu'en matière d'exonération de responsabilité
du transporteur il faille se tourner vers la Convention de Bruxelles du 25
août 192488(*), qui
s'applique aux transports internationaux constatés par un connaissement
lorsque le connaissement est émis dans un Etat contractant ou lorsque le
transport a lieu au départ d'un port d'un Etat contractant, ou encore
lorsque le connaissement prévoit l'application de la Convention ou d'une
législation nationale appliquant cette Convention. Le Cargo solidaire,
dans son optique de création de nouveaux rapports Nord/Sud, est
amené à effectuer des transports internationaux et rentre tout
à fait dans cette catégorie. La Convention de Bruxelles
énumère dix-neuf cas d'exonération du transporteur. Ces
dispositions furent d'ailleurs maintes fois critiquées, en ce qu'elles
laissent trop d'opportunités au transporteur pour s'exonérer de
sa responsabilité, il n'en reste pas moins qu'en l'absence de
ratification par la France d'autres textes internationaux sur le sujet, elle
est le texte actuellement en vigueur, et offre ainsi à la structure
armateur de nombreuses portes de sortie en cas de pertes ou de dommages subis
par la marchandise.
§2 : Les contrats d'affrètement89(*)
De prime abord, utiliser les affrètements pour
exploiter le Cargo solidaire peut paraître une idée un peu
étrange, s'inscrivant très difficilement dans la logique du
projet. L'affrètement, rappelons-le, s'apparente à la mise
à disposition d'un navire à une personne que l'on appellera
affréteur, la personne mettant le navire à disposition
étant, elle, désignée sous le nom de fréteur. Si la
structure armateur donne le navire en affrètement, ne perd elle pas tout
pouvoir de contrôle sur ce qu'il va advenir du Cargo solidaire ?
N'est ce pas courir le risque que l'affréteur sous affrète
ensuite le navire à un sous-affréteur dont les motivations
n'auront rien de commun avec celles des initiateurs du projet ? On peut
difficilement penser à un mécanisme de contrôle en
l'espèce. Comment, en effet, la structure armateur initiale - le
fréteur - pourra-t-elle enjoindre au sous affréteur de se
conformer aux objectifs du projet et de ne transporter que de la marchandise
commerce équitable ou à destination des populations
défavorisées des pays du Sud ? Imaginer une clause dans le
contrat liant le fréteur à l'affréteur et interdisant
à ce dernier de sous affréter le Cargo solidaire à une
entreprise dont les buts sont totalement contraires à l'esprit du projet
serait totalement illusoire, et même la licéité d'une telle
clause serait plus que discutable, suivant la règle selon laquelle les
conventions ne tiennent lieu de loi qu'entre les parties.
L'affrètement coque-nue, qui a pour objet la mise
à disposition d'un navire désigné, sans armement ni
équipage ou alors avec un armement et un équipage incomplet
contre paiement d'un loyer pour une durée déterminée par
les parties, est impensable dans cette hypothèse. Il paraît
quasiment inconcevable que la structure armateur puisse donner le Cargo
solidaire en affrètement coque-nue, et puis, quel serait
l'intérêt de l'opération ? L'affrètement
coque-nue est envisageable à la fin de la phase de construction, lorsque
l'association « Le Cargo solidaire » va rechercher quelle
forme donner à la structure exploitation. Mettons qu'elle ne veuille pas
d'une association, dont le mode de fonctionnement peut être mal
adapté à la conclusion de telles opérations commerciales,
et dont le personnel serait peut-être insuffisamment formé et
qualifié pour exécuter les tâches qui l'attendent. Dans ce
cas, elle pourra se tourner vers une société déjà
existante, ou qu'elle créera de toutes pièces, et, ne voulant pas
lui revendre le navire pour s'assurer encore un certain contrôle, elle le
lui confiera en affrètement coque-nue, transférant ainsi à
l'affréteur (la société), la gestion nautique et
commerciale du Cargo solidaire.
Resteront à la disposition de la structure armateur
deux types classiques d'affrètements. L'affrètement à
temps est le premier de ceux-ci, contrat par lequel le fréteur s'engage
à mettre un navire armé à la disposition de
l'affréteur pour un temps défini. Ce contrat réalise un
partage de la gestion du navire entre le fréteur et l'affréteur,
le fréteur conservant la gestion nautique du navire et
l'affréteur en assurant la gestion commerciale. Le deuxième type
d'affrètement est l'affrètement au voyage, par lequel le
fréteur met en tout ou partie le navire à la disposition de
l'affréteur en vue d'accomplir un ou plusieurs voyages. Le
fréteur conserve alors la gestion nautique et commerciale du navire.
Mais, pour les raisons précédemment citées, aucune de ces
deux solutions n'est réellement satisfaisante. Une ONG, par ailleurs,
a-t-elle vraiment les moyens humains et financiers pour conclure un contrat
d'affrètement plutôt qu'un simple contrat de transport de
marchandises ? Il est permis d'en douter. Comment Oxfam, par exemple, ONG
spécialisée dans le commerce équitable, pourrait-elle
mettre en place la gestion commerciale d'un navire ? Car, dans
l'affrètement à temps, la gestion commerciale échappe
à la structure armateur. Or, c'est précisément la gestion
commerciale qui importe le plus. Il ne faut pas la faire dériver vers la
simple activité lucrative. Si l'on ne peut conclure de contrat
d'affrètement directement avec une ONG, cela signifie la mise en place
d'intermédiaires. A quoi bon ?
La solution est peut être à rechercher du
côté des contrats d'affrètements
« nouveaux » qui émergent ces dernières
années. Le contrat de tonnage est une alternative qui mérite
d'être prise en compte. Deux types de contrats de tonnage existent :
tantôt l'armateur va s'engager à fournir, pour une période
donnée et selon une cadence déterminée, des navires
capables de transporter une quantité de marchandises fixée
à l'avance ; tantôt il va s'engager à transporter la
quantité de marchandises déterminée. Le deuxième
type de contrat peut être une solution. Quant à la question de
savoir si des contrats d'affrètement d'espaces peuvent être
conclus par la structure armateur, elle demeure posée.
Au bout du compte, ce qui va importer réellement lors
de l'exploitation du Cargo solidaire ne va pas être tant la forme
juridique que va prendre le contrat qui servira au transport de marchandises
que la personne avec qui la structure armateur va conclure ces contrats. Ce
n'est pas le choix du contrat qui emportera le choix du cocontractant, mais
l'inverse.
Section II : L'organisation de voyages
Le deuxième mode d'exploitation du Cargo solidaire va
être l'organisation de voyages (ou croisières) à bord du
navire. Des personnes handicapées vont pouvoir y prendre part.
Préalablement à l'organisation de ces
croisières, la structure armateur, quelle qu'en soit la forme, va devoir
remplir une condition de forme : l'obtention d'un agrément
(§1). Ce n'est qu'après que pourront être conclus des
contrats de transport de passagers (§2).
§1 : La condition préalable à
l'organisation de voyages : l'agrément
C'est la loi du 13 juillet 1992, fixant les conditions
d'exercice des activités relatives à l'organisation et à
la vente de voyages ou de séjours90(*) qui prévoit cet agrément. Cette loi est
applicable, suivant son article 1, « aux personnes physiques ou
morales qui se livrent ou qui apportent leur concours, quelles que soient les
modalités de leur rémunération, aux opérations
consistant en l'organisation ou la vente : a) de voyages ou de
séjours individuels ou collectifs [...] ».
La structure armateur, pour exercer son activité
d'organisation de voyage, devra obtenir soit une licence, soit un
agrément. L'agrément concerne les associations et organismes sans
but lucratif. Il est obligatoire pour exercer l'activité d'organisation
de voyages. Pour l'obtenir, l'activité devra remplir trois
conditions : l'activité de tourisme, au sein du groupement, devra
être dirigée par une personne justifiant d'une aptitude
professionnelle ; l'association devra justifier d'une garantie
financière suffisante ; enfin, elle devra justifier d'une assurance
garantissant les risques pécuniaires de la responsabilité civile
qu'elle encourt au titre de cette activité. Pour ce dernier point, il
faut souligner qu'un contrat d'assurance spécifique à
l'organisation de voyages sera obligatoirement souscrit. Cette obligation est
prévue par le décret d'application de la loi du 13 juillet 1992,
en date du 15 juin 199491(*). L'assurance responsabilité civile classique
de l'association ne suffit pas à garantir le risque. Des contrats
d'assurance spécifiques devront également être conclus pour
l'accueil de personnes handicapées ou âgées à bord
et pour l'utilisation de véhicules maritimes.
Mais l'organisation de voyages, suivant l'article 8 de la
loi, ne sera possible que si l'association le fait au profit de ses membres.
Les personnes voulant voyager à bord du Cargo solidaire devront devenir
membres, ce qui pourra poser problème.
Si la structure armateur est une société, c'est
une licence qu'il sera nécessaire d'obtenir. Les conditions d'octroi
sont plus contraignantes. Il faut, notamment, disposer d'installations
matérielles appropriées sur le territoire français ou sur
le territoire de l'Union Européenne. De plus, il est écrit dans
la loi que les titulaires d'une licence d'agent de voyages établis sur
le territoire français doivent se consacrer exclusivement à cette
activité. Pour cette raison, l'agrément est
préférable. Tout, dans cette section, plaide en faveur d'une
structure armateur de forme associative. Sinon, il faudra scinder la structure
exploitation en deux : une partie pour le transport de marchandises,
l'autre pour l'organisation de voyages, ce qui ne serait pas sans soulever de
grandes difficultés.
La structure armateur sera responsable de plein droit
à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des
obligations résultant du contrat. La loi prévoit cependant que la
structure armateur pourra s'exonérer de sa responsabilité
« en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise
exécution du contrat est imputable soit à l'acheteur, soit au
fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à
la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas
de force majeure » (article 23, loi prec.).
Un certain nombre d'obligations vont peser sur la structure
armateur, notamment :
- L'information par écrit préalablement à
la conclusion du contrat sur le contenu des prestations proposées. Cette
information engage le vendeur.
- L'obligation d'insérer un certain nombre de mentions
dans le contrat, telles que les nom et adresses de l'organisateur, de
l'assureur, du vendeur et du garant, les modalités de paiement et de
révision éventuelle des prix, d'annulation ou de cession du
contrat... (pour la liste complète, se référer à
l'article 17 de la loi précitée).
§ 2 : Les contrats de transport de passagers
Ils sont au nombre de deux. Soit la structure armateur
organisera des croisières, soit elle conclura simplement des contrats de
transport maritime de passagers.
La croisière maritime est le voyage au cours duquel
sont fournis au passager des services à terre, tels que visites ou
excursions. A peine de nullité, le contrat de croisière maritime
s'établira par la remise au passager d'un titre de croisière qui
comprend un billet de croisière, matérialisant le contrat de
passage, et un carnet de croisière, contenant des coupons correspondant,
pour chaque escale, aux services à fournir à terre. La structure
armateur sera alors tenue de deux obligations. Tout d'abord, celle d'accomplir
le programme prévu, en ce qui concerne tant le voyage maritime
proprement dit que les services promis à terre lors des escales.
Ensuite, la structure armateur devra garantir la sécurité des
passagers et de leurs bagages. En effet, l'organisateur de la croisière
est personnellement responsable des dommages survenus aux passagers ou à
leurs bagages, en quelque lieu où ce dommage survient (à terre ou
en mer)92(*).
Si aucun service n'est prévu à terre, on se
trouve alors en présence d'un contrat de transport de passagers
classique. On définit ce dernier comme le contrat par lequel un armateur
s'oblige à transporter par mer, sur un trajet défini, un passager
qui s'oblige à acquitter le prix du passage. Contrairement à la
croisière, seul va être délivré un billet de
passage, qui matérialise le contrat de transport. On y trouvera
mentionné le nom des parties, le voyage à effectuer, le prix du
transport, la classe et le numéro de la cabine.
En concluant un contrat de transport maritime de passagers,
la structure armateur, devenue transporteur, est tenue de mettre et de
conserver le navire en état de navigabilité, convenablement
armé, équipé et approvisionné pour le voyage et de
faire toutes diligences pour assurer la sécurité des passagers.
La responsabilité du transporteur est large. En cas de
faute prouvée de sa part ou de la part de ses préposés, il
est responsable des accidents corporels survenus en cours de voyage ou pendant
les opérations d'embarquement ou de débarquement. La
responsabilité du transporteur sera également engagée pour
les accidents corporels causés par naufrage, abordage,
échouement, explosion, incendie ou tout sinistre majeur, sauf s'il
réussit à établir que l'accident n'est imputable ni
à sa faute, ni à celle de ses préposés. Le
transporteur sera également responsable en cas de retard, s'il est
fautif. Il devra alors une réparation au passager.
Un régime de responsabilité existe aussi pour
les bagages des passagers. On distingue trois catégories de
bagages : les bagages enregistrés, ceux qui ne le sont pas, et les
biens précieux confiés par les passagers entre les mains du
capitaine ou du commissaire de bord. Pour ces derniers biens, le transporteur
est responsable sans limites. Pour les bagages enregistrés, le
transporteur va délivrer un récépissé attestant de
leur présence à bord, et sera alors responsable comme en
matière de transport maritime de marchandises (cf section
précédente). Enfin, concernant les bagages non enregistrés
et les effets personnels, en cas de perte ou d'avaries de tels bagages, le
transporteur n'est responsable qu'en cas de faute prouvée de sa part ou
de la part de ses préposés93(*).
Il est intéressant de noter que la structure
exploitation va être amenée à réaliser un nombre
relativement important d'actes de commerce. Les contrats de transport de
passagers ont la qualité d'actes de commerce envers l'armateur, et il ne
fait aucun doute que la conclusion de contrats de transport de marchandises
relève aussi de ce domaine. D'ailleurs, ces actes de commerce vont
constituer la grande majorité de l'activité de la structure
exploitation. Sa qualité de commerçante ne fait donc presque
aucun doute. En effet, l'article 1er du Code de commerce dispose que
« sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce
et en font leur profession habituelle ». Sera-t-il
nécessaire, si la structure exploitation est de forme associative, de
s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés ? La
réponse est difficile. Durant un temps, l'immatriculation des
associations commerçantes à ce registre fut
considérée comme possible, mais dernièrement, la
jurisprudence a refusé cette pratique94(*). Il semble donc que l'on puisse s'en dispenser.
Section III : Les questions liées à
l'exploitation de la structure animation
Le troisième mode d'exploitation du Cargo solidaire va
être l'animation qui va s'organiser autour du navire. Ce mode
d'exploitation entre pour partir dans le budget prévisionnel
établi par l'association, et ce pour un montant de 370 000 euros
par an. Ce montant comprend les visites du navire, et les ventes de produits
dérivés, tels que livres et souvenirs.
Ce mode d'exploitation concernera le Cargo solidaire
dès le lancement de sa construction, c'est pourquoi il convient de
réfléchir à la forme particulière que pourra
adopter la structure animation (§1), avant d'envisager les visites
à bord du navire (§2), et les contrats de licence sur les produits
dérivés (§3).
§1 : Le choix de la structure animation
Un pôle animation est donc nécessaire dès
le lancement de la construction du navire. En effet, dès le lancement du
chantier, des visites auront lieu, et on peut imaginer que la vente de produits
s'organisera très tôt aussi. Comme la structure exploitation
mentionnée précédemment ne sera pas encore mise en place,
il paraît évident que c'est l'association mère
elle-même qui se chargera de l'organisation de ces visites et de
gérer l'argent ainsi récolté. Le postulat de base est que,
lors de la phase de construction, l'association ne sera pas soumise aux
impôts commerciaux. On considérera donc que les recettes ainsi
accumulées ne seront pas susceptibles de TVA. Il faudra obligatoirement
réinjecter les fonds récoltés dans la construction
elle-même.
La question demeure lorsque le navire sera construit et enfin
exploitable. En effet, l'argent amené par la structure animation est
supposé équilibrer le budget d'exploitation de la structure
exploitation. L'idée première des fondateurs du projet
était de conserver le pôle animation au sein de l'association
mère. Cependant, à deuxième vue, force est de constater
qu'il sera peut-être difficile de faire circuler les recettes
engendrées par les visites et les ventes entre l'association
« Le Cargo solidaire » et la structure exploitation du
navire.
Le problème est que, même si la structure
exploitation est un groupement à but non lucratif, elle se doit de
présenter un budget équilibré. C'est une garantie pour les
clients du navire (chargeurs, passagers), et n'oublions pas que la structure
exploitation devra présenter des garanties financières
suffisantes pour obtenir l'agrément ou la licence nécessaires
à l'organisation de voyages. Se priver d'une source de revenus serait
sûrement dommageable.
Il faudrait alors soit trouver un moyen de faire circuler les
fonds, soit transférer l'exploitation du pôle animation à
la structure exploitation, au moins en partie. Cela réduirait d'autant
le rôle de l'association mère, mais, comme il a déjà
été dit, dès la fin de la construction du navire, son
rôle sera davantage celui d'un comité de surveillance, d'un
garde-fou.
Si la structure exploitation est une association, on peut
envisager que l'association mère fasse des dons ou des subventions
à ce groupement. S'il s'agit d'une société,
constituée dans le cadre d'une filialisation, on peut envisager un
apport partiel d'actif annuel, sous la forme du versement des recettes
récoltées dans le pôle animation.
A terme, on pourra envisager (pourquoi pas) de rassembler les
différentes structures au sein d'un Groupement d'Intérêt
Economique (GIE). Le GIE a pour objet de faciliter ou de développer
l'activité économique de ses membres, d'améliorer ou
d'accroître les résultats de cette activité. Cependant, le
GIE doit redistribuer entre ses membres les bénéfices que son
activité engendre. Comme il sera constitué entre personnes
morales, il faudra faire très attention à l'utilisation que les
différentes structures membres vont faire de ces
bénéfices. Elles ne devront pas les distribuer à leurs
propres membres, personnes physiques, mais les réutiliser pour atteindre
les objectifs du projet (par exemple, des travaux sur le navire tout au long de
son existence, afin de garantir le respect des normes écologiques et
continuer d'oeuvrer pour le bien-être des personnes à
mobilité réduite à bord).
§2 : La question des assurances et la
responsabilité vis-à-vis des visiteurs
Des visites vont donc être organisées à
bord du navire. Elles auront lieu aussi sur le chantier de construction. Que
va-t-il se passer en cas d'accident ? Si un visiteur est blessé,
l'association sera-t-elle tenue responsable ? Quelle assurance
souscrire ?
La première question à se poser est celle de la
nature de la responsabilité de l'association envers les visiteurs du
navire et du chantier : contractuelle, délictuelle ou quasi
délictuelle ? A première vue, la balance pencherait
plutôt en faveur de la responsabilité délictuelle et quasi
délictuelle. Dans ce cas, les visiteurs seront considérés
comme des tiers et pourront poursuivre l'association s'ils ont subi, par sa
faute, un préjudice. Cependant, des affaires ont été
jugées, dans lesquelles la Cour de Cassation a reconnu la
responsabilité contractuelle d'une association à l'encontre de
spectateurs payants d'une manifestation sportive95(*). Il semble que le fait de
payer pour assister à la manifestation transforme le tiers en
cocontractant de l'association.
Il faut malgré tout noter que, quelle que soit la
nature de la responsabilité, l'association devra disposer de moyens
suffisants pour assurer la sécurité des visiteurs, payants ou
non. Quel est l'intérêt, alors, de la distinction ? La
responsabilité contractuelle découle de l'inexécution ou
de la mauvaise exécution d'un contrat ou de toute autre obligation
attachée au contrat et peut être engagée même en
l'absence de faute de la personne responsable, dès lors qu'est
constatée la non réalisation du résultat escompté.
La responsabilité délictuelle repose sur une intention de nuire,
alors que la responsabilité quasi délictuelle vise le dommage
commis par négligence ou imprudence, et donc sans intention de nuire.
Ces deux responsabilités sont fondées sur une faute de la
personne responsable, faute qu'il faudra prouver ou faute
présumée par les textes. L'auteur de la faute délictuelle
sera tenu à la réparation totale du préjudice, tandis que
l'auteur d'une faute contractuelle (lorsque sa mauvaise foi n'est pas
établie) ne répond que des dommages-intérêts
prévus ou prévisibles lors du contrat. Le contrat définit
les obligations et faits dont les parties doivent répondre. La
responsabilité délictuelle repose sur des règles
définies par les articles 1382 à 1385 du Code civil. Ainsi, la
responsabilité de l'association sera engagée en qualité de
commettant de ses préposés, qu'il s'agisse de salariés ou
de bénévoles. Egalement, l'association est présumée
responsable des choses et animaux dont elle a la garde, c'est-à-dire
l'usage, le contrôle et la direction.
Il faut rappeler, en matière de responsabilité
civile contractuelle, que les associations sont débitrices à
l'égard de leurs adhérents et des contractants essentiellement
d'une obligation de sécurité. Cette obligation est une obligation
de moyens chaque fois que l'adhérent ou le contractant joue un
rôle actif, et de résultat lorsque la victime joue un rôle
passif lors des activités associatives (ce qui sera le cas des
visiteurs, si la responsabilité de l'association est reconnue être
de nature contractuelle).
Les membres, quant à eux, engagent leur
responsabilité civile personnelle pour les dommages causés aux
tiers par leurs agissements fautifs.
Il est donc recommandé de souscrire une police
d'assurance bien précise, qui va couvrir les risques inhérents
à l'activité de l'association et au but qu'elle poursuit. Il
faudra fournir à l'assureur les renseignements les plus précis
concernant les activités exercées ou envisagées, afin que
le contrat couvre les risques potentiels, et notamment donner des informations
sur le rôle des bénévoles, le nombre de salariés
engagés et leurs fonctions. Il faudra également lire très
attentivement les clauses d'exclusion de garantie contenues dans le
contrat !
Normalement, la garantie de base proposée par les
assureurs est la suivante : sont assurées les conséquences
pécuniaires de la responsabilité civile encourue par
l'association à la suite de dommages corporels, matériels et
immatériels consécutifs causés aux tiers du fait des
activités déclarées aux conditions particulières.
Vont être assurés la personne morale, le président et les
dirigeants, les membres, les préposés, salariés ou non,
les aides bénévoles.
En général, sont exclus de la garantie de base
la faute intentionnelle et la faute inexcusable qui surviennent en cas
d'accidents du travail et autres recours des préposés, la
responsabilité civile encourue pour les besoins du service, les
intoxications alimentaires, les vols commis par les préposés, la
pollution accidentelle, les dommages causés aux objets confiés
à l'association, et la protection juridique.
Il sera possible de souscrire des garanties relevant des
assurances de personne pour les membres de l'association. Ces garanties
concernent les seuls accidents (et non les maladies) survenus pendant les
activités associatives.
Rappelons la nécessité de conclure une
assurance spéciale pour l'organisation de voyages, plus les assurances
maritimes qui seront conclues tout au long de l'exploitation du navire. Enfin,
il faudra assurer les locaux de l'association, que celle-ci soit locataire,
propriétaire ou occupante à titre gratuit.
§3 : Les contrats de licence sur les produits
dérivés
Un produit dérivé est un produit issu d'une
oeuvre et s'appuyant sur la notoriété de l'oeuvre pour se vendre.
Dans le cadre du projet, le produit dérivé utilisera la marque
« Le Cargo solidaire » pour assurer sa vente.
En droit de la propriété industrielle, il
existe deux types de marques : la marque commerciale, et la marque
déposée, qui bénéficie d'une reconnaissance
légale et jouit d'une protection renforcée. L'association
« Le Cargo solidaire » pourra déposer sa marque
près de l'Institut National de la Propriété Intellectuelle
(INPI), pour enregistrement.
Mais que déposer exactement ? Qu'est ce qu'une
marque ? L'article L. 711-1 du Code de la propriété
intellectuelle dispose que « la marque de fabrique, de commerce
ou de service est un signe susceptible de représentation graphique
servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou
morale. Peuvent notamment constituer un tel signe : les
dénominations sous toutes les formes telles que : mots, assemblages
de mots, noms patronymiques et géographiques, pseudonymes, lettres,
chiffres, sigles [...] ». C'est donc le nom même du
projet, « Le Cargo solidaire », écrit d'une certaine
façon, dans une certaine couleur, qui sera déposé
près de l'INPI. Il faut aussi noter que, pour être valable, la
marque doit être un signe autorisé par la loi et un signe
distinctif. De plus, la marque doit être disponible, mais
l'originalité du projet la garantit contre toute appropriation
antérieure.
Lors du dépôt à l'INPI, il faudra fournir
une liste des produits et services qui seront proposés sous cette
marque. Ce point est crucial. En effet, cette liste, après son
enregistrement, ne pourra plus être modifiée, sauf pour y
procéder à des retraits. Il faudra donc bien
réfléchir à la liste des produits que l'on voudra voir
fabriqués sous la marque « Le Cargo solidaire ».
L'enregistrement produit effet pour une période de dix ans, il faudra
penser à le renouveler après. Au cours de cette période,
il existe une obligation d'utiliser la marque, sous peine d'être
déchu du droit de l'utiliser.
Des contrats de licence de marque pourront être
concédés à des licenciés par l'association
(concédant). La licence de marque est le contrat par lequel le titulaire
de marque accorde à un tiers le droit de l'exploiter en tout ou en
partie, moyennant une rémunération consistant souvent en des
redevances proportionnelles à l'exploitation, appelées aussi
royalties. On peut également conclure ce type de contrat à titre
gratuit. Ces contrats sont d'usage courant. Il existe des formulaires types,
que l'on peut se procurer facilement96(*).
CONCLUSION
Voici donc exposés succinctement les principaux
tenants et aboutissants juridiques du projet « Le Cargo
solidaire ». Exemple unique, ainsi que le titre de ce mémoire
l'indique, de construction et d'exploitation d'un navire. Exemple novateur
à bien des titres.
Finalement, que retirer de cette présentation ?
Que le projet est mené par une association et que c'est là sa
particularité ? C'est une vision bien trop réductrice. Tout
ce qui a été dit précédemment démontre que
la dimension du Cargo solidaire est autre. Certes, il est spécial, car,
contrairement à ce que l'on voit le plus souvent dans le milieu
maritime, sa construction et son exploitation ne résultent pas d'une
quête initiale de profits, mais d'une volonté de s'en servir pour
qu'il devienne un outil de pratique de la solidarité - des
solidarités. Certes, ce type de projet va être mené
à son terme par une association. Cela apparaît même normal
aux yeux du public : une société se soucierait-elle, pour
d'autres raisons que la publicité ou l'image, de poursuivre les buts mis
en avant par les fondateurs du projet ? Certes, des règles propres
au monde associatif vont s'appliquer ici et la non lucrativité de
l'exploitation va primer.
Mais il y a plus dans ce projet. Ce n'est pas évident
à première lecture, mais, au fur et à mesure que l'on
avance dans la connaissance des problèmes juridiques que soulève
« Le Cargo solidaire », on réalise que les liens
avec le monde associatif ne sont peut-être pas les plus novateurs.
Non, ce sont ces liens avec le monde commercial qui sont les
plus marquants. On parle souvent, à propos des associations, de
para-commercialité. Ce n'est pas le cas ici. A observer comment se
déroulera l'exploitation du navire, on comprend qu'on se situe dans une
véritable commercialité, viable, équilibrée,
capable de vivre par elle-même en dehors des ressources
traditionnellement allouées aux associations.
Alors, Le Cargo solidaire deviendra autant un outil de
pratique des solidarités qu'un outil économique, commercial. Il
marquera l'avènement des associations (voire de la société
civile) dans un monde où elles n'exercent que des activités de
peu d'importance. Nul doute que cela aura un impact certain. La demande des
populations est croissante envers une moralisation de la vie économique,
envers la remise en question des buts prônés par les grandes
sociétés commerciales : quête du profit, mépris
de l'humain...
C'est tout cela que le Cargo solidaire réalise, en
intervenant dans le domaine économique, en organisant son exploitation
de façon à être à armes égales avec d'autres
structures armatoriales classiques. Il faut souhaiter que le projet aille
à son terme, pour prouver qu'il est possible, dans notre monde que
d'aucuns jugent individualiste, de commercer de façon viable à
travers un projet qui ne laisse personne sur le bord du chemin.
BIBLIOGRAPHIE
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Droit international :
Res. OMI du 5 décembre 2003, A.23/Res.962.
Sites Internet
Site du Cargo solidaire :
www.lecargosolidaire.org/
Site du Lord Nelson et du Tenacious :
www.jst.org.uk/
Site de la péniche Cap Vert :
www.penichecapvert.com/
Commerce équitable :
www.artisansdumonde.org/
www.equiterre.com/
Normes HQE :
www.assohqe.org/
Associations:
www.associations.gouv.fr/
www.guidon.asso.fr/
Fondations et mécénat :
www.admical.org/
www.asocianet.com/
www.fdf.org/
Divers :
www.legifrance.gouv.fr/
www.mer.gouv.fr/
www.aquadesign.be/
www.imo.org/
ANNEXES
Document de présentation générale
du projet..............................................p 87
Statuts de l'association « Le Cargo
solidaire »97(*).............................................p
104
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION...................................................................................p
6
- Historique du
projet...........................................................................................p
6
- Présentation des différents objectifs du
projet.........................................................p 7
- Présentation de l'état actuel du
projet...................................................................p
11
.
TITRE I : DE L'ORIGINE A LA CONSTRUCTION DU
NAVIRE : UN PROJET BASE SUR LA PRATIQUE DES
SOLIDARITES..........................................p 18
CHAPITRE I : LE FINANCEMENT DE LA
CONSTRUCTION........................p 19
Section 1 : Le choix d'un mode de
financement........................................................p 20
§1 : L'association mère et ses
structures filles..........................................p 21
§2 : Le
mécénat.............................................................................p
24
§3 : La
fondation............................................................................p
27
Section 2 : Les questions financières et
fiscales liées à la construction du navire...........p 30
§1 : La tenue d'une
comptabilité.........................................................p
30
§2 : La gestion financière et fiscale de
la main d'oeuvre..............................p 32
§3 : La gestion financière et fiscale de
la fourniture de choses......................p 34
CHAPITRE II : LA CONSTRUCTION DU NAVIRE
..............................................p 36
Section 1 : Association et structure chantier :
du choix de la forme au contrat de
construction.....................................................................................................p
36
§1 : Le choix de la structure
chantier....................................................p 36
§2 : Le contrat de construction et la
catégorie du navire..............................p 37
§3 : Les spécificités liées
aux normes HQE et à l'organisation de voyages pour les personnes
handicapées.....................................................................p
39
Section 2 : Les relations entre la structure chantier
et les différents acteurs d'un chantier de construction navale
basé sur la pratique des
solidarités...........................................p 42
§1 : L'objectif de réinsertion par la
formation professionnelle......................p 42
§2 : Les contrats plus classiques d'embauche et
de sous-traitance..................p 44
- Le contrat de
travail....................................................................p
44
- Le contrat de
sous-traitance..........................................................p
46
§3 : La question du
bénévolat.............................................................p
47
- L'exclusion de toute
rémunération.................................................p
48
- Responsabilité et
assurances.........................................................p 50
TITRE II : L'EXPLOITATION NON LUCRATIVE MAIS
ECONOMIQUE D'UN
NAVIRE .............................................................................................p
52
CHAPITRE I : LES CHOIX INTERNES RELATIFS A
L'EXPLOITATION DU
NAVIRE .............................................................................................p
53
Section 1 : Le choix de la structure
exploitation.......................................................p 54
§1 : L'impact du caractère non lucratif
mais économique de l'exploitation du Cargo
solidaire.......................................................................................p
54
§2 : Le Cargo solidaire devient structure
armateur.....................................p 57
§3 : La création d'une structure armateur
différente de la structure armateur
initiale......................................................................................................................p
59
Section 2 : Les questions touchant le navire
lui-même et son armement......................p 61
§1 : Pavillon et immatriculation du
navire.............................................p 61
§2 : Les contrats passés avec
l'équipage................................................p 63
§3 : Les assurances du
navire............................................................p 66
CHAPITRE II : LA MISE EN OEUVRE DE L'EXPLOITATION
DU NAVIRE...p 67
Section 1 : Le transport de
marchandises...............................................................p
68
§1 : Les contrats de
transport.............................................................p
69
§2 : Les contrats
d'affrètement...........................................................p
71
Section 2 : L'organisation de
voyages...................................................................p
73
§1 : La condition préalable à
l'organisation de voyages : l'agrément...............p 73
§2 : Les contrats de transport de
passagers.............................................p 75
Section 3 : Les questions liées à
l'exploitation de la structure animation.....................p 76
§1 : Le choix de la structure
animation.................................................p 77
§2 : La question des assurances et la
responsabilité vis-à-vis des visiteurs........p 78
§3 : Les contrats de licence sur les produits
dérivés...................................p 80
CONCLUSION....................................................................................p
82
BIBLIOGRAPHIE................................................................................p
84
ANNEXES..........................................................................................p
86
TABLE DES
MATIERES.......................................................................p
110
* 1
www.penichecapvert.com/
.
* 2
www.jst.org.uk/: site du Lord
Nelson et du Tenacious.
* 3 Encore que la question reste
à discuter si le cargo solidaire rentre dans la catégorie des
navires spéciaux (cf Titre I, Chapitre II, Section I, §2).
* 4 Source :
www.equiterre.com
* 5 Définition
élaborée par les acteurs du Nord et du Sud impliqués dans
le commerce équitable et regroupés au sein de FINE, groupe de
travail regroupant quatre structures internationales de commerce
équitable (FLO-I, IFAT, NEWS et EFTA).
* 6 Pour toute information
complémentaire relative à la législation sur le commerce
équitable, voir
http://www.artisansdumonde.org/legislation-commerce-equitable.htm
* 7 Autres textes applicables
aux associations et pertinents dans le cas du Cargo solidaire : les
articles du Code Civil relatifs aux contrats ; les articles L-612-1 et
suivants du Code de Commerce dont les conditions d'application sont
fixées par le décret du 1er mars 1985 en ce qui
concerne les associations ayant une activité économique (comme
« Le Cargo solidaire ») ; les articles L-610-1 et
suivants du Code de Commerce relatifs au redressement et à la
liquidation judiciaire des entreprises ; la loi n° 85- 698 du 11
juillet 1985 autorisant l'émission de valeurs mobilières par
certaines associations ; le décret n°86-469 du 15 mars 1986 et
la loi n°87-518 du 10 juillet 1987 sur les associations d'assistance et de
bienfaisance ; la loi n°92-645 du 13 juillet 1992 fixant les
conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et
à la vente de voyages ou de séjours et son décret
d'application n°94-490 du 15 juin 1994 ; et enfin, sur les conditions
d'octroi d'aides publiques, la circulaire du Premier Ministre du 24
décembre 2002 relative aux subventions de l'Etat, JO du 27
décembre 2002, p. 21697.
* 8 Il faut noter que
certaines activités sont uniquement réservées aux
associations ayant obtenu un agrément, et notamment les activités
d'organisation de voyages et de séjour. L'association « Le
Cargo solidaire » aura-t-elle besoin de cet agrément ?
Dans la partie II de ce mémoire, il sera retraité de ce point
important.
* 9 L'article 1 des statuts
prévoit l'application de la loi de 1901 et de son décret
d'application.
* 10 Loi 1er
juillet 1901, art. 6.
* 11 C'est, entre autres,
l'obligation d'adopter des statuts types, ce qui poserait problème pour
le maintien du comité d'éthique, organe non classiquement
prévu en droit des associations.
* 12 C'est la loi du 14
janvier 1933 qui prévoit cela, à la condition que l'autorisation
d'accepter les dons et legs ait été donnée par
décret pris en Conseil d'Etat.
* 13 38 856 000 euros
aux dernières estimations.
* 14 Pour les
dénominations et fonctions des co-présidents, se reporter aux
statuts insérés dans les annexes.
* 15 Pour un exemple de
requalification, voir C. Cass. 2 mars 1982, BCI n°85.
* 16 Le leasing ou
crédit bail est « une opération de location de
biens mobiliers ou de biens immobiliers qui donne la faculté au
locataire d'en acquérir totalement ou partiellement la
propriété, moyennant une prime convenue à l'avance tenant
compte, pour partie au moins, des versements effectués à titre de
loyers ».
http://www.aquadesign.be/news/article-3691.php
.
* 17 Pour les chiffres
prévisionnels, se reporter au budget prévisionnel de construction
inséré en annexes.
* 18 Dans le cas contraire,
l'association sera requalifiée en commerçant de fait, ce qui est
un cas extrêmement rare.
* 19 Sur ces
critères, voir la section 2 de ce chapitre, plus particulièrement
centrée sur les questions financières et fiscales.
* 20 Loi du 1er
juillet 1901, art.6 modifié par la loi du 23 juillet 1987, prec. La
notion de don manuel n'est pas précisée par la loi.
* 21 Cf note de bas de page
n°12.
* 22 Les textes applicables
au mécénat sont la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le
développement du mécénat, modifiée par la loi
n° 90-559 du 4 juillet 1990 sur la création des fondations
d'entreprise et son décret d'application du 30 septembre 1991, par
l'ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000, par la loi n° 2002-5 du 4
janvier 2002 art. 29, 5° alinéa ; et la loi n° 2003-709
du 1er août 2003 relative au mécénat, aux
associations et aux fondations.
* 23 Il faut noter que dans
certains cas, par tolérance de l'administration, des dons modiques en
espèces pourront être considérés comme des dons
manuels, non soumis à autorisation. Ce ne sera certainement pas le cas
ici. Dans le cas où le versement consiste en un immeuble, il est
toujours soumis à autorisation.
* 24 Pour être
parfaitement exact, l'administration fiscale apprécie la notion de non
lucrativité au travers de la notion de gestion
désintéressée et de deux critères compris dans
l'utilité sociale : le produit et le public. A ce titre, il est
possible de penser que l'association « Le Cargo solidaire »
verra reconnaître le caractère non lucratif à ses
activités économiques.
* 25 Pour savoir si
l'association remplit ces critères, les membres pourront s'adresser
directement à leur centre des impôts, au bureau des associations
et groupements : c'est la procédure du rescrit fiscal.
* 26 Pour un aperçu
des principales fondations d'entreprises en la matière :
http://www.associanet.com/docs/mecenat.html
.
* 27 Loi n° 87-571 du
23 juillet 1987 sur le développement du mécénat,
modifiée par la loi n° 90- 559 du 4 juillet 1990, JO
juillet 1987, art. 18.
* 28 Rep. min. JOAN Q 24
octobre 1983 p. 4624 ; Bull. Joly 1983, p. 928.
* 29 Règlement n°
99-01 du 16 février 1999, Comité de la réglementation
comptable.
* 30 CGI, art. 200.
* 31 CGI, art. 238
bis.
* 32 C. juridictions
financières, art. L. 111-8, dernier alinéa, dans sa
rédaction issue de la loi du 1er août 2003 relative au
mécénat, aux fondations et aux associations.
* 33 Il va être
nécessaire, au vu des obligations comptables qui pèsent sur
l'association, de s'adresser à un cabinet d'expertise comptable pour
établir les comptes de l'association.
* 34 La CSG est
prélevée sur la base de 97% du salaire, au taux de 7,5%. La CRDS
est prélevée sur la base de 97% du salaire, au taux de 0,5%.
* 35 Pour plus
d'informations :
http://fiches.cyberjeune.org/ficheprat/fiche.php3?Id=40.
* 36 Voir
également :
http://fiches.cyberjeune.org/ficheprat/fiche.php3?Id=81.
* 37 Code du travail, art. L.
128-1, issu de la loi n° 2003-442, 19 mai 2003, JO n° 116,
20 mai 2003.
* 38 CGI, art. 794 et
795-2°.
* 39 Code des juridictions
financières, art. L. 133-2 et 133-3.
* 40 Loi n° 96-314 du
12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et
financier, JO n° 88, 13 avril 1996, art. 43.
* 41 Loi n° 83-581 du 5
juillet 1983 sur la sauvegarde de la vie en mer.
* 42 Décret n°
84-810 du 30 août 1984 sur la sauvegarde de la vie humaine en mer,
l'habitabilité à bord des navires et la prévention de la
pollution, JO 1er septembre 1984.
* 43 Division 221 disponible
sur le site du ministère de la mer :
http://www.mer.gouv.fr/securite/01_reglementation/03_textes_navires/fichier_pdf/divisions/volume_2/d221_(18-11-06).pdf
* 44 Transports publics est
entendu dans le sens de tous les transports à but commercial de
personnes, accompagnées ou non de marchandises.
* 45 Source :
http://webeleves.emse.fr/~respire/Projet1A/Ecoconstruction/Norme%20HQE.doc.
* 46 Res. OMI du 5
décembre 2003, A.23/Res.962.
* 47 Pour les contrats de
sous-traitance, se reporter au paragraphe suivant.
* 48 Si la gratification
n'excède pas 30% du SMIC, l'employeur doit acquitter les cotisations
patronales de sécurité sociale sur une assiette forfaitaire
égale à 25% du SMIC, mais ne doit ni la CSG, ni la CRDS.
* 49 Dans ce cas, cette
gratification sera soumise aux cotisations patronales et salariales de
sécurité sociale, à la CSG et à la CRDS.
* 50 Pour la
responsabilité civile délictuelle et quasi délictuelle
(vis-à-vis des tiers), voir les questions liées à
l'exploitation de la structure animation dans le Titre II.
* 51 Loi n° 2005-32 du
18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, JO
n° 15, 19 janvier 2005.
* 52 C. trav. Art. L.
620-1 ; art. R. 620-1 ; art L. 721-7.
* 53 C. trav. Art. L.
620-3 ; art R. 620-3.
* 54 C. trav. Art. R. 320-1-1.
* 55 Nom et adresse de
l'employeur, référence de l'organisme auquel l'employeur verse
les cotisations de sécurité sociale, convention collective
applicable, nom du salarié, dénomination de son emploi,
période et nombre d'heures auxquelles se rapporte la
rémunération, montant de la rémunération brute,
montant de la somme nette versée au salarié et date du paiement,
etc... Pour la liste complète, voir
http://www.guidon.asso.fr/article.php3?Id_article=52.
* 56 GRAVEJAT (N.) ; LEVY
(E.L.), Le guide pratique de la sous traitance, Paris,
Dalloz, 2005, p. 10.
* 57 Conseil économique
et social, avis du 24 février 1993 relatif au développement de la
vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901.
* 58 Selon la jurisprudence,
le lien de subordination est caractérisé principalement par trois
éléments : la soumission à des directives et à
des contrôles ; l'intégration dans un service organisé
par l'association ; le profit retiré par l'association de
l'activité de ses collaborateurs.
* 59 Ainsi, il a
été jugé que des professeurs de faculté se livrant
à des activités de recherche pour une association ont le statut
de bénévoles lorsque, pour ces activités relevant de leurs
connaissances et de leur expérience et ayant un caractère
très ponctuel, les intéressés reçoivent des sommes
destinées à couvrir uniquement leurs frais de
déplacement, de documentation, d'achat ou de location de matériel
(Cass. soc., 30 janvier 1985, BS Lefebvre 4/95).
A contrario, une rétribution variable en fonction de
l'importance des interventions du collaborateur présente le
caractère de salaire et non de remboursement de frais. C'est le cas
d'étudiants en médecine employés comme auxiliaires
médicaux et recevant des indemnités directement liées au
nombre de leurs interventions (Cass. soc., 12 février 1985, Bull.
civ. 1985-V, p.76, n°102).
* 60 Durée
correspondant à la durée de prescription en matière de
cotisations de sécurité sociale sur salaires et au délai
de reprise de l'URSSAF et de l'administration fiscale (Code de la
Sécurité Sociale, article 153).
* 61 Ainsi, l'organisateur
d'une kermesse fut condamné à indemniser un
bénévole qui tenait le stand de tir et avait été
blessé par une balle. Les juges considéraient que l'association
à laquelle le bénévole apportait son aide devait
l'indemniser de son préjudice « en vertu d'une convention
tacite d'assistance » (CA Chambéry, 25 octobre 1965, Les
cahiers de l'assurance, C.D.I.A., août 1980, n°3).
* 62 Entrent dans le champ
d'application de l'article 200 du Code Général des impôts
« les oeuvres et organismes d'intérêt
général ayant un caractère philanthropique,
éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel
ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la
défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la
culture, de la langue et des connaissances scientifiques
françaises ». On voit mal comment l'association
« Le Cargo solidaire » pourrait ne pas entrer dans cette
catégorie.
* 63 Instr. 4 H-1-98, 15
septembre 1998, BOI n°170, 15 septembre 1998.
* 64 Instr. 4 H-1-99, 16
février 1999, BOI n° 33, 19 février 1999.
* 65 Instr. 4 H-5-06, 18
décembre 2006, BOI n° 208, 18 décembre 2006.
* 66 Loi n° 69-8 du 3
janvier 1969, art. 1.
* 67 Loi prec., art. 2.
* 68 L n° 99-1172 du 30
décembre 1999, loi de finances pour 2000, JO n° 303 du 31
décembre 1999.
* 69 Montant fixé par
l'instruction fiscale du 30 octobre 2000. Instr. 4 H-3-00, 30 octobre 2000, BOI
n° 201 du 7 novembre 2000.
* 70 Instr. 4 H-1-99, 16
février 1999, prec.
* 71 Instr. 4 H-3-00, 30
octobre 2000, prec.
* 72 Ceci,
évidemment, dans l'hypothèse où l'association serait
redevable des impôts commerciaux. Sur cette question, se reporter au
paragraphe 1 de cette section.
* 73 Dans cette section, on
entendra le terme « armement » comme étant
l'opération consistant à équiper un navire,
c'est-à-dire à le fournir d'un équipage et de tout ce qui
est nécessaire à la navigation.
* 74 LE BAYON (A.),
Dictionnaire de droit maritime, Rennes, Presses Universitaires de
Rennes, 2004, p. 187.
* 75 Loi n° 2005-412, 3
mai 2005, portant création du registre international français,
JO n° 103, 4 mai 2005.
* 76 D. n° 84-810, 30
août 1984, relatif à la sauvegarde de la vie humaine en mer,
à l'habitabilité à bord des navires et à la
prévention de la pollution, JO 1er septembre 1984.
* 77 Loi n° 96-151 du 26
février 1996, JO 16 mars 1996.
* 78 C. trav. mar., art. 10,
10-1, et 11.
* 79 ENIM :
Etablissement National des Invalides de la Marine. Il s'agit de la caisse de
sécurité sociale des marins, à laquelle va être
affilié l'équipage embarqué sur le Cargo solidaire.
* 80 C. trav. mar., art. 102-1
et 102-2 et D. n°78-389, 17 mars 1978, art. 22.
* 81 CA. Rennes, 24 janv.
1998, DMF 1998, 1018, obs. M. Morin.
* 82 Cass. soc., 28 nov.
2002, n° 00-12.365, voilier Le Goazen, Bull. civ. V, n°360.
* 83 Pour une
présentation plus détaillée du droit social des marins,
voir BEURIER (J.P.) (Dir.), Droits maritimes, Paris, Dalloz
action, 2006, p. 411 à 516, « Le droit social des
gens de mer », par Patrick Chaumette.
* 84 Les textes relatifs aux
assurances maritimes se trouvent dans le Code des assurances : art L.
171-1 à L.171-26 et R. 171-1 à R. 173-7. Les textes relatifs aux
assurances-corps sont les articles L. 173-1 à L. 173-16 et R. 173-1 du
Code des assurances. Pour les assurances de responsabilité : art.
L. 173-23 à L. 173-26 du Code des assurances. Enfin, pour les assurances
facultés : art. L. 173-17 à L. 173-22 et R. 173-2 à
R. 173-7 du Code des assurances.
* 85 Source : BEURIER
(J.P.) (Dir.), Droits maritimes, Paris, Dalloz action, 2006,
p. 370.
* 86 En droit
français, les textes applicables au contrat de transport de marchandises
par mer sont les suivants : Conv. Bruxelles, 25 août 1924, conv.
pour l'unification de certaines règles en matière de
connaissement dites Règles de La Haye - D. 25 mars 1937, JO 8
avril 1937 ; Protocole Bruxelles, 23 février 1968, dit
Règles de Visby- D. 8 juillet 1977, JO 20 juillet 1977 ;
Protocole Bruxelles, 21 décembre 1979, dit Protocole DTS - D. 3 avril
1987, JO 5 avril 1987 ; L. n° 66-420, 18 juin 1966, sur les
contrats d'affrètement et de transports maritimes, JO 24 juin
1966 ; D. n° 66-1078, 31 décembre 1966, sur les contrats
d'affrètement et de transports maritimes, JO 11 janvier 1967.
* 87 L. n° 66-420 du 18
juin 1966, prec.
* 88 Conv. Bruxelles, 25
août 1924, prec.
* 89 Les textes applicables
aux affrètements sont principalement : la loi n° 66-420
du 18 juin 1966, sur les contrats d'affrètement et de transports
maritimes, JO 24 juin 1966 et le décret n° 66-1078 du
31 décembre 1966, sur les contrats d'affrètement et de transports
maritimes, JO 11 janv. 1967.
* 90 L. n° 92-645
fixant les conditions des activités relatives à l'organisation ou
à la vente de voyages ou de séjours, 13 juillet 1992, JO
n° 162 du 14 juillet 1992.
* 91 Décret n°
94-490 du 15 juin 1994, JO n° 139 du 17 juin 1994.
* 92 Textes applicables aux
croisières maritimes : Loi n° 66- 420 du 18 juin 1966, prec.,
articles 47 à 49 et Décret n° 66- 1078 du 31 décembre
1966, prec., articles 78 et 79.
* 93 Textes applicables au
transport maritime de passagers : loi n° 66-420 du 18 juin 1966,
prec., articles 33 à 46 et décret n° 66-1078 du 31
décembre 1966, prec., articles 60 à 77.
* 94 Voir, par exemple, Cass.
Com., 1er mars 1994, Bull. Joly 1994, p. 295, note M. Jeantin.
* 95 Voir par exemple :
Cass. civ., 4 avr. 1978, D. 1979, IR 315.
* 96 Par exemple :
GUTHMANN (C.), « Licences de marque, Formules, Conseils
pratiques », Juris-Classeur Propriété
littéraire et artistique, fascicule n° 7402, 1998.
* 97 Documents disponibles sur
le site du Cargo solidaire :
www.lecargosolidaire.org/
.
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