L'engagement francais dans le processus d'internationalisation des droits de l'hommepar Aurelia Kergueno epouse Peuch Université Pierre Mendes France de Grenoble - DEA "histoire, droit, droits de l'homme" 1996 |
INTRODUCTION
"Bien que de violents antagonismes le divisent, le monde actuel est, dans une large mesure, un monde"transnational"."1(*) Il n'est donc pas étonnant que les droits de l'homme aient reçu de l'Organisation des Nations Unies une consécration internationale, puis du Conseil de l'Europe une consécration régionale. Ces reconnaissances ont nécessité le développement d'une "diplomatie des droits de l'homme" qui semble avoir fait subir à ces droits une certaine politisation générant leur perversion2(*). Il n'en reste pas moins que les textes juridiques protecteurs des droits de l'homme sont les fruits de ces débats politiques souvent difficiles. La France a joué un certain rôle dans ces discussions à l'O.N.U. et au Conseil de l'Europe. Quelle a été sa contribution aux discussions diplomatiques concernant l'internationalisation des droits de l'homme? Quelle fut sa conception de cette internationalisation? Quelles décisions choisit-elle de prendre quant à ses engagements propres en la matière? Voilà des questions auxquelles ce travail tentera d'apporter quelques réponses. Au cours d'un stage effectué en novembre 1995 au sein de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, ces interrogations nous ont semblé représenter une intéressante piste de recherche. Nos premières investigations portèrent sur la participation française à l'élaboration de la Déclaration universelle des droits de l'homme et en particulier sur le rôle qu'avait pu jouer, autour de son président René CASSIN, la Commission consultative française des droits de l'homme, organe créé au Ministère des Affaires Etrangères dès 1947. La trace de cette Commission fut retrouvée aux archives diplomatiques françaises. Leur dépouillement permit de reconstituer un projet rédigé par elle en 1947 et destiné à la Commission des droits de l'homme de l'O.N.U. Le projet comprenait une Déclaration et un Pacte internationaux. Outre leur intérêt concernant l'histoire de la Commission consultative française, ces documents prennent place dans l'histoire générale des droits de l'homme et notamment dans leur échappée du domaine national. Il nous est donc apparu nécessaire de chercher à comprendre davantage ce que recouvrait l'internationalisation des droits de l'homme, afin de replacer la France au sein de ce processus. Ce mémoire comporte deux parties. La première s'efforce de mettre en lumière le rôle de la France dans l'internationalisation des droits de l'homme. La protection internationale de ces droits avait été amorcée, de façon incidente, lors de l'institution de la Société des Nations après la première guerre. Il fallut cependant attendre les découvertes liées à l'holocauste et voir dévoilée la démesure de l'inhumanité à laquelle l'homme pouvait parvenir, pour déclencher un électrochoc général et faire tenir à la protection des droits de l'homme une place d'importance au sein de la Charte des Nations Unies. Nous tentons de déterminer quelle fut la participation de la France, au sein de l'Organisation des Nations Unies, lors de l'élaboration de textes internationaux de protection des droits dont la violation apparaissait comme l'une des causes du second conflit mondial. La deuxième partie se propose de dégager l'attitude adoptée par la France face à l'affirmation et à la mise en oeuvre de garanties effectives de protection des droits de l'homme au sein du Conseil de l'Europe. L'adoption d'un texte contraignant au sein d'une organisation mondiale se révéla être une entreprise difficile. Comme il était nécessaire de construire de manière rapide des institutions de paix pour échapper au cauchemar totalitaire, le Conseil de l'Europe, nouvelle organisation internationale qui naquit d'une Europe exsangue, devait s'employer à élaborer un texte régional de protection des droits de l'homme. Nous essayons de dégager l'empreinte de la France dans les discussions qui aboutirent à la rédaction de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, puis de faire apparaître sa position devant l'invitation qui lui était faite de ratifier le document et d'accepter le recours individuel, considéré par certains comme la "clef de voute des libertés"3(*). Nous concluons sur l'idée selon laquelle la réticence de la France face aux engagements réels qui se proposaient à elle en matière de droits de l'homme, a contribué au développement de ce que l'on a pu appeler "l'exception française". * 1 A COCATRE-ZILGIEN, R.D.P. 1978, p. 649 * 2 F. SUDRE, Droit international et européen des droits de l'homme, pp. 11 et 12. * 3 André COCATRE-ZILGIEN, R.D.P. 1978, p.650. |
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