La presse en ligne dans la demarche d'information des étudiants immigrés: le cas des camerounais de Francepar Ingrid Alice Ngounou Institut français de presse - Panthéon Assas - Diplôme de l'IFP 2006 |
Problématique et cadre conceptuel de l'étudeI. Problématique
Internet en tant que média autorise de nouveaux défis à la presse. D'une part, elle sert d'interface pour la collecte des informations et leur diffusion ; d'autre part, Internet est une concurrente en tant que média. Aujourd'hui, une nouvelle presse a vu le jour, pour entrer en concurrence avec le trop plein d'informations qui existe sur Internet : La presse en ligne. Appelée aussi presse numérique, presse électronique ou cyberpresse, c'est la version en ligne des journaux traditionnels (ayant une version imprimée)3(*) sur le net. La presse en ligne est donc cette modification, cette nouvelle approche de la diffusion des informations, du contenu des journaux. Parlant de la diffusion, il est possible aujourd'hui d'atteindre un public clairsemé et éparpillé à tous les coins de la planète. A travers l'interactivité que permet l'Internet, il est envisageable de communiquer avec ce public redéfini. Il n'est plus question d'estimer que les lecteurs d'un journal sont ceux qui ont accès à sa version imprimée. Parlant de ce public qui est délocalisé de la zone de diffusion du journal, il est possible effectivement pour eux de recevoir les informations de leurs pays en consultant les sites de journaux en ligne. C'est de ce public qu'il est question dans ce travail. Ce public, ce sont les étudiants camerounais de l'île de France. Corpus étroit car il n'est pas question du quantitatif mais du qualitatif. Ce travail est une analyse des discours de ces Camerounais qui vivent loin de leurs pays et doivent pourtant s'informer d'une part sur l'environnement réel dans lequel ils vivent (île de France) et d'autre part, de l'environnement immatériel d'où ils viennent (Cameroun). À travers l'Internet comme outil et la consultation des journaux comme pratique, ils se rapprochent de leur milieu d'origine, assistent à son évolution, participent quelque peu à son élaboration et surtout gardent le lien social d'où l'intérêt réel de ce sujet, l'intérêt socioculturel : Celui d'un rapprochement possible et d'une participation éventuelle d'une population immigrée au développement de son pays d'origine. Le choix du corpus trouve ici une justification. Les étudiants sont considérés comme des immigrés temporaires, qui généralement ont fait une première partie de leurs études dans leurs pays. À travers ces journaux, ils lisent leurs pays, ils ne se sentent pas déconnectés d'une réalité qui est la leur. L'interactivité que permettent ces sites est une plateforme de discussion et un champ d'expression possible et exploitable à l'instar du courrier des lecteurs et des droits de réponses. Cette interactivité peut être développée à travers des forums et listes de diffusion pour rester en contact avec des problématiques locales. L'intérêt sociologique et donc scientifique de cette étude est de révéler les nouveaux usages et pratiques d'une population qui a des journaux pour s'informer sur son espace de vie mais aussi, des journaux en ligne pour s'informer sur son pays d'origine. Il sera question ici de voir si la pratique de la lecture en ligne est réelle et générale ou si elle n'est effectuée que pour cette presse dont on ne pourrait avoir la version papier. Puisqu'il s'agit d'un pays dont les médias sont très peu développés sur l'Internet, c'est la lecture de la presse en ligne qui peut être examinée car tous les quotidiens camerounais ont une version en ligne et peuvent constituer une base d'analyse contrairement à la radio et la télévision qui n'existent pas véritablement sur Internet. Nous signalons tout de même que ce premier travail est un débroussaillage. Car à terme, examiner la question des pratiques et des usages des camerounais concernant les médias sur Internet nous semble envisageable. Il sera dès lors question de faire un repérage intégral c'est-à-dire, la radio, les journaux et la télévision sur Internet. Mais compte tenu du temps court, des moyens matériels modestes et des outils méthodologiques insuffisants dont nous disposons, nous allons pour ce premier travail, présenter le calendrier de notre recherche. N'ayant accès aux informations de leurs pays d'origine que par Internet, quelle place occupe la lecture de ces journaux en ligne dans la stratégie d'information au quotidien ? d'où l'énoncé de notre question de départ : Quelle est l'importance de la consultation des journaux camerounais en ligne dans la démarche d'information quotidienne des étudiants Camerounais de l'île de France?
Le cadre théorique est celui de la construction des usages ou mieux des pratiques car comme le dit Josiane Jouët, « l'usage est plus restrictif et renvoie à la simple utilisation tandis que la pratique est une notion plus élaborée qui recouvre non seulement l'emploi des techniques (l'usage) mais aussi les comportements, les attitudes et les représentations des individus qui se rapportent directement à l'outil4(*). » Dans ce travail il est question de s'attarder sur les utilisations mais aussi et sur la fonction de lien social que remplit cette pratique. Car au - delà de la technique et de la consultation des journaux, il y a une question d'identité culturelle à préserver, et de rapports avec sa famille et ses proches à conserver. Jacques Perriault parle de « suppression de l'absence5(*) ». Traiter d'un sujet sur les pratiques sociales des individus ne peut se faire sans tenir compte des évolutions qu'ont connues les notions d'usage et de pratique dans la recherche sociologique depuis des années, les sortant du cadre totalement technique pour les affecter au social. Dans son ouvrage intitulé la logique de l'usage, Jacques Perriault explique la fonction de prothèse social que remplissent les appareils techniques que les individus utilisent ou décident d'utiliser. Publié en 1989, ce livre revient sur les raisons qui peuvent pousser à adopter une innovation et pas une autre. La raison industrielle qui sous-tend la thèse d'une utilisation telle que voulue par celui qui a fabriqué l'objet n'est pas réel. Si oui, dans la seule mesure où elle informe les utilisateurs potentiels de ce à quoi sert cette innovation. « Cette fonction sociale d'affectation des appareils recourt à de nombreux paramètres qui relèvent de l'imaginaire, du milieu et de sa culture technique, de l'individu proprement dit et de son projet. 6(*) » Les raisons de l'appropriation d'une innovation sont donc d'ordre personnel et social. Des années plus tard, en 1996, Gilles Pronovost dans Médias et pratiques Culturelles pose la problématique des usages sociaux reliées aux médias en tenant compte d'une part de la réalité industrielle, d'autre part de la réalité sociale de l'individu. Il définit les usages sociaux comme « Les processus sociaux par lesquels les sujets individuels en viennent à structurer leurs rapports aux médias dans le temps et dans l'espace, dans le contexte de l'ensemble de leurs pratiques culturelles et en interaction avec des logiques industrielles dominantes. 7(*) » Une telle définition, il le rappelle, « implique que les acteurs n'ont pas uniquement des comportements de consommation culturelle, mais que leur `'participation'' est modulée par une trajectoire à la fois personnelle et sociologique.8(*) » Il parle de continuum théorique pour expliquer le fait qu'une pratique sociale peut être provisoire, stabilisée, abandonnée et de continuum empirique pour rappeler que ces pratiques sont liées au temps, au cycle de vie. Donc, les pratiques sociales s'appuient sur les représentations sociales, les situations, les époques et périodes et sur des positions sociales. Les deux ouvrages sus cités évoquent les innovations de façon générale et parlent de médias classiques en tenant compte des technologies de l'information et de la communication. La recherche sur les TIC a aussi évoluée en s'articulant sur les champs de la réception mais aussi sur les logiques d'usages et les représentations avec « la construction des concepts de logiques et de significations d'usage qui prennent en compte la complexité des facteurs culturels et sociaux qui interviennent dans le rapport à la technique.9(*) » Dans la logique de ces travaux sur la construction des usages, nous allons nous intéresser à un cadre particulier pour prendre un exemple de construction d'un usage qui tient compte de la réalité sociale des individus car « la dimension symbolique des processus sociaux - techniques constitue désormais l'axe majeur des recherches sur les NTIC. 10(*)»
« Le concept n'est pas seulement une aide pour percevoir mais une façon de concevoir.11(*)» Les concepts que nous allons utiliser dans ce travail sont à définir afin de préciser notre champ de travail. Importance : Le Petit Larousse illustré définit ce mot comme le caractère de ce qui importe par sa valeur, par son intérêt, par son rôle, caractère de ce qui est considérable par la force, le nombre, la quantité. De cette définition ressortent les indicateurs que nous allons utiliser pour matérialiser la notion d'importance. Le nombre, la quantité. Il sera question dans ce travail de fréquence de consultation des journaux du corpus, du rang qu'occupent les journaux en ligne camerounais dans la consultation des journaux en général.Il sera enfin question des rapports qu'entretiennent les publics avec ces journaux. Se contentent-ils de le lire ou participent -ils à son service de communication ? Démarche d'information : Dans la définition du mot que donne le Petit Larousse illustré, il y a le mot tentative qui évoque la volonté d'essayer de faire quelque chose pour obtenir un résultat. Dans le cadre de notre étude, il s'agit de la consultation des journaux en ligne. D'une manière générale, ce concept devrait évoquer la lecture des journaux, l'écoute de la radio, le visionnage de la télévision ou encore la consultation des journaux sur Internet et même l'écoute de la radio et le visionnage de la télévision sur Internet. Notre travail est une introduction qui va se limiter à la presse en ligne. Avec les concepts de démarche d'information et d'importance, nous avons deux questions secondaires : § Quelle place occupe la consultation des journaux camerounais en ligne dans la démarche d'information de notre corpus? § Qu'est ce qui est à l'oeuvre derrière cette interactivité technique ? Ces deux questions secondaires induisent les deux hypothèses de notre recherche. Selon Madeleine GRAWITZ, « L'hypothèse est une proposition de réponse à la question posée.12(*) » Nous avons bâti notre travail autour de deux hypothèses, qui révèlent les deux dimensions de l'appropriation d'une innovation que nous avons évoquées plus haut. La dimension technique et la dimension sociale, celle du lien social possible. § La consultation des journaux en ligne camerounais est une réalité et elle occupe une place importante, dans la démarche générale d'information des étudiants camerounais de l'île de France. Cette hypothèse de recherche, qui a pour fondement la sociologie des usages veut déterminer le rang qu'occupe la consultation des journaux de notre corpus dans la démarché générale d'information de notre public cible. Il sera question de savoir déjà si la lecture de cette presse est une pratique installée ou elle est irrégulière. Si elle occupe une place importante, il y'a une justification que confirme la deuxième hypothèses. § Au - delà de l'interactivité technique, se trouve une question sociale, celle de l'identité à préserver et à conserver. Ils ont cette pratique parce qu'ils veulent garder le contact avec leur pays et participer par le moyen des forums à des discussions proposées par ces médias. « Plus que jamais dans les données sur l'usage, on est amené à recueillir des interprétations, qui concrétisent et construisent un point de vue de l'usager.13(*) ». Le fondement de cette proposition se trouve dans la question de l'identité. Identité culturelle et lien social à entretenir. Le public qui constitue notre corpus se retrouve dans une dualité par rapport à leur environnement social. Avec d'une part le lieu où ils vivent et donc qui doit les préoccuper sur le plan de l'information, et d'autre part le lieu d'où ils viennent et avec lequel ils doivent garder des rapports. A travers l'observation et des entretiens qualificatifs, on pourra déterminer la manière dont est gérée cette double appartenance à des mondes sociaux qui sur le plan de l'accès aux informations, sont inégaux . car, on a le trop plein d'informations ici en France et la rareté des informations venant du Cameroun. Ces deux hypothèses englobent les deux services que nous proposent un journal, l'information et la communication. Il n'est nullement question de faire une étude quantitative des lecteurs de cette presse en ligne, mais de savoir comment ils ont intégré la pratique et quelles sont les raisons et les satisfactions sociales qu'ils ont. Notre corpus sera donc constitué de lecteurs avérés de cette presse. Il n'est pas question de fournir des chiffres, mais d'analyser des discours pour en tirer des conclusions confirmant ou infirmant nos hypothèses de recherche. Ce travail est dans une large mesure une première étape en vue de dégager les grandes lignes d'une problématique pour poursuivre les recherches l'année prochain. C'est un champ de présentation de la méthodologie et des outils qui restent moins rigides parce que pouvant être modifiés une fois de plus. Car il s'agit de dégager un cadre théorique et de présenter un modèle d'analyse en cours de test. * 3 il existe deux types de presse sur Internet, celui cité ci dessus, différent des webzines, journaux qui n'ont que la version Internet, donc éditées pour le Net. * 4 JOUËT Josiane. Usages et pratiques des nouveaux outils, in le dictionnaire critique de la communication, p.371 * 5 PERRIAULT Jacques. P.229 * 6 Ibid. P. 229 - 230 * 7 PRONOVOST Gilles. P. * 8 Ibid. * 9 LE MAREC Joëlle. P. 147 * 10 Ibid. P. 147 * 11 GRAWITZ Madeleine, p. 352 * 12 GRAWITZ Madeleine, p. 398 * 13 LE MAREC Joëlle. P154 |
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