Université des sciences sociales Toulouse
1
Année universitaire 2005/2006
![](protection-financiere-patrimoine-public1.png)
La protection financière du
patrimoine public
ou
Le mythe du Phoenix et le droit des
biens
![](protection-financiere-patrimoine-public2.png)
Mémoire
présenté pour l'obtention du Master 2 Droit public des
affaires
par Melle Jennifer
MARCHAND
Sous l'aimable direction de M. le
professeur Lucien RAPP
Remerciements
q Je tiens à remercier, tout
spécialement, M. RAPP, Professeur à l'Université des
Sciences Sociales de Toulouse, pour la direction enthousiaste qu'il a su donner
à ce travail, et son soutien dans l'encadrement de cette
recherche.
Liste des
abréviations
AJDA : Actualité juridique de
droit administratif.
Art. : Article.
C.G.C.T : Code général
des collectivités territoriales.
C.G.P.P.P : Code général
de la propriété des personnes publiques.
CA : Cour d'appel.
CAA : Cour administrative
d'appel.
Cass. : Cour de cassation.
CC. : Conseil constitutionnel.
CE : Conseil d'Etat.
CEDH : Cour européenne des
droits de l'homme.
Chr. : Chronique.
CJCE : Cour de justice des
Communautés européennes.
CJEG : Cahiers juridiques de
l'électricité et du gaz.
Concl. : Conclusions.
D : Dalloz.
DA : Droit administratif.
Ed. : Edition.
EDCE : Etudes et documents du Conseil
d'Etat.
GAJA : Grands arrêts de la
jurisprudence administrative.
Ibid : Ibidem (même
référence).
JCA : Jurisclasseur
administratif.
JCP : Jurisclasseur périodique (
la semaine juridique).
JO : Journal officiel.
LGDJ : Librairie générale
de droit et de jurisprudence.
LPA : Les petites affiches.
Mél. : Mélanges.
Obs. : Observations.
Op. cit. : Opere citato (ouvrage
cité).
p. : Page.
pp. : Pages.
PUF : Presse universitaire de
France.
RA : Revue administrative.
Rec. : Recueil.
RDI : Revue de droit immobilier.
RDP : Revue du droit public et de la
science politique en France et à l'étranger.
RFDA : Revue française de droit
administratif.
RFDC : Revue française de droit
constitutionnel.
S : Recueil Sirey.
t. : Tome.
TA : Tribunal administrative.
TC : Tribunal des conflits.
Th. : Thèse.
Sommaire
INTRODUCTION GENERALE
PARTIE 1 : ORIGINE &
SIGNIFICATION DE LA PROTECTION FINANCIERE DU PATRIMOINE PUBLIC
SECTION 1 : FONDEMENTS DE LA PATRIMONIALISATION DU DOMAINE
PUBLIC
§1. La permanence historique de la
valorisation financière du patrimoine public
§2. L'inhérence de la logique de
valorisation à la notion de propriété publique
SECTION 2 : PORTEE ACTUELLE DE LA PROTECTION FINANCIERE DU
PATRIMOINE PUBLIC
§1. La consécration
législative de l'impératif de valorisation des
propriétés publiques
§2. La limite d'une démarche
purement économique
PARTIE 2 : POLITIQUES ET
OUTILS DE LA PROTECTION FINANCIERE DU PATRIMOINE PUBLIC OU L'ESSOR D'UNE
NOUVELLE GOUVERNANCE PATRIMONIALE
SECTION 1 LA MODERNISATION DE
L'EXPLOITATION ECONOMIQUE DU PATRIMOINE PUBLIC
§1. Une gestion patrimoniale
renouvelée
§2. La performance financière et
économique du patrimoine public
SECTION 2 : LE DEVELOPPEMENT DU
MANAGEMENT EN MATIERE PATRIMONIALE
§1. Les nouveaux outils d'une gestion
patrimoniale dynamique
§2. L'intégration de
références entrepreneuriales dans l'action patrimoniale des
personnes publiques
Introduction
générale
![](protection-financiere-patrimoine-public3.png)
« Le droit administratif des
biens a un pouvoir de séduction et une facilité de renouvellement
presque inépuisables1(*) »
Quelle que soit la tendance
générale de la politique économique actuelle et à
venir en France, le droit des biens constituera toujours une matière
vivante car il est, plus que toute autre branche du droit public, aux prises
avec les réalités de la vie économique. Le patrimoine
public doit répondre à la permanence de certains dogmes
originels : le souci de se prémunir de toute dilapidation et le
respect de l'intégrité des propriétés et de leur
affectation aux utilités communes. En revanche, « ce qui
est relativement2(*)
nouveau, c'est la conscience de la valeur économique de ce patrimoine et
la volonté d'en rationaliser et d'en rentabiliser la gestion, du
même coup affirmée comme une exploitation3(*) ».Pour
répondre à l'exigence de protection de la valeur
financière du patrimoine public, le droit des biens a été
évalué et récemment réformé.
L'ensemble des biens
appartenant aux personnes publiques se subdivise en deux masses de
dépendances, celles du domaine public et celles du domaine privé.
Ces biens, mobiliers ou immobiliers, corporels ou incorporels sont l'objet d'un
droit de propriété publique, au même titre et dans les
mêmes conditions que les biens des personnes privées. C'est
pourquoi, l'intitulé du présent mémoire vise le
« patrimoine public ». Le patrimoine est un concept issu du
droit privé. Dès la Grèce antique, le patrimoine relie
symboliquement les biens à la personne. Dans la théorie
civiliste, le patrimoine se rattache à un ensemble de biens
détenus par une même personne4(*). Certains éléments de cette
définition permettent de comprendre la transposition de ce terme en
droit public :
- Le patrimoine s'inscrit dans une
logique de transmission. Les devoirs qui s'imposent au
titulaire et le respect du patrimoine font de celui-ci un cadre conforme
à la nécessaire préservation des possessions publiques.
- Néanmoins, cette logique de
transmission se double d'une nécessaire gestion
« en bon père de famille ».
L'intangibilité du patrimoine ne conduit en aucune façon à
figer ses éléments constitutifs. Ceux-ci peuvent et doivent
même être exploités, consommés ou vendus. La notion
de patrimoine a donc été transposée en droit public afin
de répondre aux exigences de gestion des biens publics.
Toutefois, le patrimoine des personnes
publiques a longtemps fait l'objet d'une gestion conservatrice afin
d'empêcher toute dilapidation. En effet, en réaction contre les
conceptions domaniales de l'Ancien Régime, la doctrine avec Proudhon
considérait que le domaine public n'était pour personne. Une des
conséquences était que le domaine public, hors commerce,
était improductif. En outre, il existait des réticences
traditionnelles à employer le terme de valorisation, l'expression
« protection de la valeur financière du patrimoine »
renvoyant au champ disciplinaire économique.
Désormais, le
patrimoine public est le support d'opérations qui constituent parfois un
aspect essentiel des interventions publiques5(*). Il s'agit d'en tirer des ressources et de faire
fructifier la richesse qu'il représente. Il s'agit de soutenir
l'activité économique en mettant à contribution la
richesse collective. C'est pourquoi, entre protection et valorisation, le
balancier penche inexorablement vers cette dernière
préoccupation.
A l'heure actuelle, protéger la
valeur financière du patrimoine, est un thème qui se retrouve
dans de nombreux discours ou rapports6(*), certaines thèses ou travaux ont d'ailleurs
été consacrés à ce sujet7(*). Dans ce contexte, pour
répondre à l'exigence de protection de la valeur
financière du patrimoine public, le droit des biens a été
réformé.
La citation de M. de
LAUBADERE a conservé toute sa pertinence au regard du sujet qui nous est
donné d'étudier. Souvent analysées, les insuffisances ou
carences de la domanialité publique ont fait l'objet d'interventions
jurisprudentielles, législatives et doctrinales. Alors que les
implantations économiques souffraient d'un carcan juridique
inadapté aux pratiques industrielles, le droit domanial et ses principes
fondateurs ont fait l'objet d'assouplissements. Les lois du 5 janvier 1988 et
du 25 juillet 19948(*) en
sont la preuve. Elles ont tenté de rassurer les investisseurs potentiels
en reconnaissant à l'occupant des droits réels sur les
constructions réalisées dans le cadre de montages contractuels
reposant sur des baux emphytéotiques administratifs (BEA) ou sur des
autorisations d'occupation temporaire (AOT). Toutefois, cet appareil de
référence classique s'est rapidement avéré
insuffisant, malhabile et confus pour accueillir et sécuriser les
investissements domaniaux que requiert la valorisation des
propriétés publiques. Suite à de nombreux rapports qui
avaient tiré la sonnette d'alarme9(*), ces dernières années ont
été le théâtre de changements capitaux, ces derniers
ayant d'ailleurs connu une accélération sans
précédent. Après l'adoption de la loi organique relative
aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001, de l'ordonnance
relative aux contrats de partenariat public/privé de juin 2004, le Code
général de la propriété des personnes publiques
(CGPPP)10(*)
procède à une réforme globale de la matière et
fournit désormais les outils d'une exploitation tournée vers la
performance. « La codification du droit des
propriétés publiques offre donc un moment
privilégié pour la réflexion. Elle marque à la fois
l'achèvement d'un cycle et l'exorde du suivant : la réforme
administrative est une histoire sans fin11(*) ».
Cela permet de comprendre
la référence au Phoenix. Le phénix ou
phoenix (du
grec
öï?íéî / Phoinix) est un oiseau
fabuleux, doué de longévité et caractérisé
par son pouvoir de renaître après s'être consumé sous
l'effet de sa propre chaleur. Son plumage rouge est à l'origine de son
nom : « phénicée ». Il symbolise les
cycles de mort et de résurrection. Selon
Plutarque
et
Hérodote, il
serait d'origine
éthiopienne. Le
phoenix égyptien est appelé
bénou. Le mythe le
plus répandu fait du bénou un oiseau mystérieux, qui
n'apparaît aux hommes que tous les 500 ans à
Héliopolis
à l'occasion de sa mort et de sa résurrection. Il est
associé au cycle annuel des crues du
Nil. L'oiseau
mythique évoque
également le feu créateur et destructeur. Comme le Soleil, le Feu
symbolise l'action fécondante. En consumant, il purifie et permet la
régénérescence. Le Phoenix est lié à
la symbolique de la résurgence cyclique. Transposée aux
interrogations soulevées par la valorisation du patrimoine public, la
symbolique du Phoenix renvoie, au renouveau constant de la matière qui
renaît de ses cendres. Les préoccupations de pure protection des
patrimoines publics ont parfois été opposées à des
opérations de valorisation excessives, le droit a donc été
tout naturellement au coeur de cette évolution conflictuelle ; et
l'on n'a jamais réformé le droit des propriétés
publiques comme il a été entrepris de le faire aujourd'hui avec
l'adoption du Code général de la propriété des
personnes publiques (CGPPP) entré en vigueur le 1er juillet
2006. L'intérêt principal du sujet qui sera traité
réside dans le fait qu'il s'inscrit dans une actualité
féconde de réformes et de perspectives intéressantes en
terme de valorisation.
L'importance considérable des
patrimoines publics et la nécessité d'appréhender ceux-ci
dans une perspective de valorisation est un aspect essentiel et un des plus
concrets de la réforme de l'Etat. Au-delà des
slogans politiques, la réforme de l'Etat impliquait une réforme
de l'Etat propriétaire tendant à une meilleure satisfaction de
l'intérêt général. La valorisation d'un
équipement public est sans doute la réalisation et l'entretien de
celui-ci au moindre coût, son aliénation au meilleur prix mais
aussi l'adéquation constante de cet équipement à
l'intérêt général. C'est au nom de ce dernier que
les politiques publiques ont décidé de promouvoir une gestion
patrimoniale plus efficiente et orientée vers le dogme de la
performance. L'intégration d'une logique managériale dans la
gestion patrimoniale laisse pressentir le renouveau de la politique de
valorisation. La symbolique du Phoenix surgit encore. En effet, on retrouve la
thématique de la réforme, du changement. Rien n'est immuable, les
règles juridiques sont contingentes, elles ne se comprennent qu'au
regard du contexte dans lequel elles s'insèrent. En un mot, la
réforme fait partie de l'ordre des choses. Notre ordre juridique interne
se devait de répondre aux exigences d'une société moderne
dans laquelle l'Administration compte sur ses partenaires privés et sur
des outils innovant pour assurer la valorisation de ses possessions.
Alors que le Code général de la
propriété des personnes publiques est récemment
entré en vigueur, il apparaît opportun de s'interroger sur les
évolutions ayant affecté le droit domanial et de manière
plus globale, le droit de la valorisation patrimoniale. Si cet objectif a
toujours caractérisé les politiques publiques, on ne peut que
constater l'hybridation de la matière avec la combinaison de
préceptes issus du secteur privé afin de promouvoir une politique
patrimoniale optimisée. Prise en compte des intérêts de
l'occupant, partenariat public/privé, application de la loi organique
relative aux lois de finances... depuis ces dernières années la
valorisation du patrimoine passe incontestablement par la prise en compte de
considérations nouvelles sans cependant que soient perdus les principes
de protection, d'affectation au service public et les garanties
constitutionnelles qui y sont attachées. Comment alors concilier
modernisation de la gestion domaniale et respect de ses garanties fondatrices ?
En d'autre terme, comment ouvrir la voie à une gestion plus
cohérente du patrimoine, en gardant les acquis de la période
actuelle et en prenant acte du changement de mentalités ? Dans ce
contexte, le présent mémoire vise à élargir la
réflexion en se demandant quels sont les fondements
théoriques de la protection financière du patrimoine
public et quelles sont les applications pratiques de sa
valorisation.
L'attrait structurel du domaine public pour
les investisseurs privés, la pénurie foncière,
l'interventionnisme croissant des collectivités publiques tous ces
facteurs expliquent l'extension de l'utilisation économique des biens
affectés à l'intérêt collectif. Cet impératif
s'avère être une préoccupation récurrente des
politiques publiques et les récentes réformes qui sont
intervenues sont venues lui donner un cadre d'expression élargi. Il
convient alors d'exposer les origines et la signification actuelle de la
protection de la valeur financière du patrimoine public (PARTIE
1). Les instruments juridiques de la valorisation (aliénations
assurant de justes revenus, investissements et gestion patrimoniale assurant de
justes revenus) bénéficient d'un cadre renouvelé reposant
sur l'intégration de la rationalité managériale. La
recherche accrue de la rentabilité et de la performance du patrimoine
public s'est faite au prix d'une banalisation du régime juridique des
biens appartenant au domaine public. La protection financière du
patrimoine public repose aujourd'hui sur de nouveaux outils qui fondent
l'émergence d'une nouvelle gouvernance patrimoniale (PARTIE
2).
Partie 1 :
Origine & signification actuelle de la protection
financière du patrimoine public
A
près la Révolution, les premières
théories sur la domanialité publiques mirent l'accent sur la
nature particulière des biens composant le domaine : ceux-ci ne
pouvaient pas faire l'objet d'un droit de propriété et leur
utilisation ne pouvait être que gratuite. On considère aujourd'hui
que le domaine public constitue une source de richesses, qu'il présente
un intérêt économique et qu'il doit être bien
géré. Les utilisations privatives chaque fois qu'elles sont
compatibles avec l'utilisation principale, sont normales et doivent même
être encouragées, dans la mesure où elles sont non
seulement sources de revenus pour la collectivité propriétaire,
mais aussi participent au développement économique
général12(*).D'une manière un peu paradoxale
peut-être, on ressuscite actuellement la conception ancienne du domaine.
Longtemps, sous l'Ancien Régime, le domaine de la couronne fut la source
principale des revenus de l'Etat. Il convient alors de revenir sur les
fondements de la patrimonialisation du domaine public (SECTION
1).
Le nouvel équilibre entre protection et valorisation
est difficile. Tandis que les agents économiques souhaitent un
régime domanial plus favorable à l'occupant, le maître du
domaine souhaite promouvoir une véritable gestion patrimoniale lui
procurant des revenus. La valorisation a donné lieu à de
nombreuses réformes et la dernière en date démontre que la
propriété fournit l'explication la plus satisfaisante pour rendre
compte de la valorisation du domaine public. La portée actuelle de la
protection financière du patrimoine public repose tout à la fois
sur un réexamen de la portée des contraintes exorbitantes de
droit commun et sur la permanence des exigences de protection (SECTION
2).
SECTION 1
LES FONDEMENTS DE LA PATRIMONIALISATION DU DOMAINE PUBLIC
« En toutes choses il est bon de remonter aux
anciennes traditions, parce qu'un droit n'est jamais mieux connu que lorsqu'on
l'aperçoit dès son origine »13(*).
Nous commencerons par enterrer un paradoxe,
celui d'une contradiction, voire initialement d'une incompatibilité
entre l'activité commerciale, sous-tendue par une volonté
publique de valorisation des biens, et le domaine public. Aujourd'hui, le
législateur, la doctrine et la jurisprudence attestent de l'abandon de
l'idée selon laquelle le domaine ne serait que le siège
d'activités de police. Il s'agit désormais d'assurer la
« meilleure gestion possible ». La tendance est
telle, qu'en 1991, au cours d'un colloque le professeur J-J ISRAËL se
demandait « oserons-nous le terme de rentabilité, en
parlant de rentabilité d'une richesse
collective ?14(*) ». Nous pouvons affirmer, au regard
des récentes mutations qui ont marqué la gestion domaniale, que
le pas a été franchi. Si les transformations du droit
administratif des biens se sont multipliées, elles ont eu tendance
à éluder, le fait que la recherche de valorisation soit inscrite
depuis longtemps dans la pratique administrative. Cela justifie, une mise en
perspective de l'impératif de valorisation, afin de mettre en
lumière le passé et alimenter le présent.
La persistance de l'objectif de protection de
la valeur financière du patrimoine public est remarquable. Cette
volonté s'inscrit profondément dans l'histoire domaniale
( §1) et il ressort que « la propriété
n'a rempli qu'une seule fonction : réconcilier l'action
administrative et les préoccupations économiques et
financières15(*) » (§2).
§ 1. La permanence historique de la valorisation du
patrimoine public
« On n'étudie pas le passé en soi,
on n'entreprend pas de pareilles recherches rien que pour elles-mêmes, il
y a toujours une arrière pensée. »16(*)
La récente réforme qui a abouti
à l'adoption de la partie législative du Code
général de la propriété des personnes
publiques17(*) (CGPPP)
démontre l'infléchissement de la théorie domaniale vers
une valorisation accrue du patrimoine public. Il s'agit, non seulement de
répondre à l'intérêt général, dans la
mesure où le domaine est une richesse collective18(*) dont il incombe aux
collectivités d'assurer la gestion la plus rationnelle et performante
possible, mais également de tenir compte des exigences
économiques qui nécessitent un régime propice au
développement des investissements privés.
Un rapide aperçu historique
démontre que dès l'empire romain, des contrats avaient pour
objectif d'assurer la mise en valeur et l'exploitation du domaine public (A).
En outre, la recherche d'une rentabilité accrue de l'exploitation
domaniale existait déjà sous l'Ancien régime (B).
L'histoire nous permet de comprendre que la protection résultant de la
domanialité publique n'a jamais été un obstacle à
la valorisation du patrimoine public.
A. La mise en valeur et l'exploitation du domaine public au
fil des siècles.
Dès qu'une volonté de
développer le domaine éminent20(*) apparaît, le contrat public occupe une place
essentielle. Par exemple, les contrats de paréages au
XIIIème siècle ont abouti à une vaste mise en
valeur du domaine public, précédemment mal exploité et
à la création d'environ 300 villes dans le Sud-Est de la France.
Plus tard, les rois ont cherché, toujours par deux voies contractuelles
( fief et bail accensé), à faire mettre en valeur les marais, les
mines, les colonies, les espaces agricoles et les quartiers. Ceci requiert des
investissements, des droits étalés dans le temps et de
véritables contrats publics-privés.
Rome nous a laissé de splendides
constructions. Le Digeste, oeuvre juridique d'ensemble réalisée
entre 528 et 530 par l'empereur Justinien, traitait en de nombreuses parties du
droit administratif21(*).
L'empire romain était détenteur d'immenses possessions domaniales
et le fisc impérial utilisait deux sortes de concessions pour les
exploiter : l'emphytéose perpétuelle et un bail temporaire
d'une durée de cinq ans. La royauté et l'Eglise en France
copièrent ces baux pour la gestion de leurs propres domaines.
En France, des contrats portant sur la mise
en valeur du domaine public sont passés par les rois sous forme de
fiefs22(*). Peu avant la
fin de l'Ancien Régime, la perpétuité du contrat et la
cession domaniale ont disparu. C'est le roi qui accorde
discrétionnairement l'autorisation de faire l'ouvrage et d'exploiter en
monopole une part du domaine public en fonction d'un tarif fixé par
lui.
Au début du XVIIème
siècle apparaissent des baux de longue durée
spécifiquement dédiés au domaine public, associant
à un travail public des services de longue durée. Si ce type de
contrat trouve ses origines du temps de Henri IV, il connaîtra une
considérable extension par l'action de Colbert qui les
généralise pour les ponts et chaussées. Ces baux ne
comportent pas de transfert domanial, si ce n'est la prise de
responsabilité de l'édification et de l'entretien du domaine
public. Les contractants de l'Administration s'obligent à tenir en bon
état le patrimoine voire même à l'accroître et
à l'améliorer. Les contrats sont rarement de plus de dix ans.
Colbert, par une circulaire aux intendants, du 10 décembre 1669 imposa
que les marchés des ouvrages soient accompagnés d'une phase
d'entretien de huit à dix ans23(*). Ce contrat domina le XVIIIème
siècle.
La Révolution n'arrête pas le
processus des concessions. Elle ne supprime pas non plus les baux
décennaux qui sont maintenus. Cette période clarifie les concepts
en posant des principes qui sont en grande partie en vigueur aujourd'hui
notamment celui de la loi des 2-17 mars 1791 établissant la
liberté du commerce et de l'industrie. La Révolution et l'Empire
influent directement sur les contrats domaniaux, il en résulte un
nouveau régime pour le bail emphytéotique et les baux domaniaux.
Pendant cette période, on abolit l'emphytéose perpétuelle.
L'article 1 du décret des 18 et 29 décembre 1790 conserve
néanmoins les baux de moins de 99 ans. La loi du 11 Brumaire an VII
(1/11/1798) précise par la suite qu'est susceptible d'hypothèque
l'usufruit ainsi que la jouissance à titre d'emphytéote des biens
pendant le temps de leur durée. Cette rédaction montre que les
légistes se sont rattachés à la tradition romaine pour
laquelle l'emphytéose était un simple droit réel de
jouissance de la chose d'autrui.
Le concept de contrat domanial de longue
durée est conservé. Pourtant, l'emphytéose semble avoir
été ignoré par le Code civil. Le droit réel semble
avoir été supprimé faute d'être cité par le
Code. Toutefois, de nombreuses décisions de jurisprudence confirment le
droit réel de l'occupant et la doctrine pencha majoritairement pour
cette solution : l'emphytéose consistait en un droit
réel immobilier. L'article 1er de la loi du 26 juin
1902, trancha définitivement la question en déclarant
que : « le bail emphytéotique des biens
immeubles confère au preneur un droit réel susceptible
d'hypothèque, ce droit ne peut être saisi et cédé
dans les formes prescrites pour la saisie
immobilière ».
Suite à cette rétrospective,
comment ne pas être frappé de la persistance du but de
valorisation du domaine public ? Les lois des 5 janvier 1988 et 25 juillet
1994 n'ont fait que consacrer le rôle des baux emphytéotiques dans
la protection de la valeur économique et financière du patrimoine
public. Il existe depuis de nombreuses années une réelle
volonté de valorisation du domaine public tant par l'État que par
les collectivités territoriales24(*). Ce mouvement a longtemps été
limité par les règles classiques de la domanialité qui ont
pu décourager des investissements privés significatifs qui ne
trouvaient pas un environnement juridique assez sûr à leur
goût. C'est dans cette optique que la loi, en 1988 pour les
collectivités territoriales, et en 1994 pour l'État, a permis la
constitution de droits réels sur le domaine public. Cette tendance est
aujourd'hui perpétuée par le CGPPP.
En plus de la valorisation, un aperçu
historique montre que la recherche de la rentabilité constitue bien un
objectif pour l'ensemble du domaine au-delà d'une conception simpliste
de la summa divisio domaine public/ domaine privé qui pourrait
laisser penser que la rentabilité est un objectif naturel pour le second
et illicite pour le premier.
B. La recherche de la rentabilité du patrimoine
public, un objectif persistant
L'admission de la recherche de la
rentabilité du domaine public comme objectif valable de la gestion dudit
domaine se retrouve dès l'Ancien régime à une
époque où le domaine royal constituait une source de revenus
particulièrement importante. Le constat d'une apparente contradiction
entre le régime protecteur du domaine public et la volonté de
tirer le maximum de recettes n'est pas propre à l'époque
contemporaine. A ce propos, le professeur YOLKA a ainsi
écrit : « La monarchie s'est débattue
dans une des contradictions dont souffre encore le droit domanial.
L'inaliénabilité impliquait la précarité des
occupations privatives. Mais une telle instabilité dissuadait les
possesseurs d'investir de sorte que le domaine restait peu frugifère et
fort mal entretenu25(*) ». C'est ce constat qui à
notre époque a abouti à l'adoption des lois de 1988 et 1994 dont
le régime juridique a été renforcé dans le sens
d'une admission accrue de l'impératif de valorisation par l'ordonnance
n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie
législative du code général de la propriété
des personnes publiques 26(*).
Pour l'essentiel, les grands traits de
régime domanial, qui s'établissent au XVIIIème
et au XIVème siècles, sont stables et s'appliquent
à tous les biens de la Couronne. Cette propriété, parce
qu'elle est publique, est soumise à un régime protecteur
dérogatoire au droit commun. Mais parce qu'il s'agit d'une
propriété, elle fait l'objet d'une exploitation
économique. L'inaliénabilité acquiert une portée
générale au XVème siècle et le mouvement
s'accentue au siècle suivant ; plusieurs édits
établis sous François Ier indiquent que
l'inaliénabilité est en train de s'imposer comme une loi
fondamentale27(*). Cette
évolution est consacrée par l'Edit de Moulins en février
1566 sous le règne de Charles IX. En réalité,
l'inaliénabilité ne s'est développée que parce que
la monarchie y trouvait son compte. En effet, c'est surtout pour
protéger les revenus dont il est la source que le domaine devient
inaliénable.
« Le domaine -
écrivait Bodin - est le plus seur moyen de faire
fonds ». Sous l'Ancien régime, l'exploitation
financière du domaine royal revêt une grande importance dans la
mesure où les ressources domaniales ont longtemps constitué la
principale source de revenus royaux. Si, à partir du règne de
Louis XI, les ressources tirées de l'impôt ont pu dépasser
celles provenant des biens domaniaux, ces dernières ont, tout au long de
l'Ancien régime, constitué une source habituelle et importante de
revenus.
Tout d'abord, le pouvoir royal a
utilisé sa faculté d'aliéner de « petits
domaines » (il s'agit de biens de faible importance tels que les
moulins, les marins et étangs), entendus de manière très
extensive. Sous le règne de Louis XIV l'aliénabilité des
petits domaines a connu une progression remarquable. Les édits de la fin
du règne du roi Soleil en allongèrent la liste et
ordonnèrent des aliénations multiples. La souplesse de cette
notion permit d'aliéner des terres qui n'en relevaient pas.
Un second moyen de percevoir des recettes
à partir des biens domaniaux consistait à engager des biens de la
Couronne. L'engagement était défini comme la remise en gage d'un
bien domanial pour garantir le remboursement d'une somme empruntée. Il
ne transférait à l'engagiste que les droits utiles mais il
était néanmoins transmissible. C'est pourquoi, les conditions
strictes auxquelles il était subordonné,
n'empêchèrent pas son développement, tant la formule
constituait pour la monarchie une source de revenus importante. Outre ces deux
principales modalités d'exploitation du domaine royal, d'autres
modalités existaient depuis la perception directe de produits domaniaux
jusqu'à la concession de biens à titre de bénéfices
viagers en passant par des échanges qui pouvaient dissimuler des
aliénations.
Les nécessités
financières ont donc conduit la monarchie à privilégier
l'exploitation au détriment de l'inaliénabilité. Cette
politique domaniale est à l'origine d'un amenuisement constant des
terres publiques et des ressources ordinaires. Le domaine ne représente
plus à la fin de l'Ancien Régime qu'une fraction du territoire du
royaume28(*). La monarchie
a voulu enrayer ce processus par une politique de rachat des domaines
engagés et de rationalisation de l'exploitation domaniale. En
parallèle, elle tente d'améliorer le rendement du domaine, en
rationalisant son exploitation, confiée à un nombre restreint
d'adjudicataires à partir de 1666, avant que ne soit créée
en 1680, la Ferme Générale. Cette compagnie assura la recette des
droits et produits domaniaux pendant un siècle jusqu'à ce qu'un
arrêt de règlement du 9 janvier 1780, pris à l'instigation
de Necker, en confie le recouvrement à une « Administration
générale des Domaines et des droits domaniaux ».
?
Sans chercher à faire un
résumé de l'histoire de la gestion domaniale,
l'intérêt de ce rappel est de mettre en lumière
l'ancienneté de la préoccupation de rentabilité et de
valorisation. En réalité, l'histoire de l'exploitation domaniale
est discontinue, le XIXème siècle se
caractérisant par une atténuation des considérations
financières au profit de considérations de police. En fait, les
périodes pendant lesquelles la recherche de valorisation
prédomine sont étroitement liées à la
reconnaissance du droit de propriété des personnes
publiques.29(*)
§ 2. L'inhérence de la logique de valorisation
à la notion de propriété publique
« L'erreur, c'est d'admettre en principe
l'assimilation de la domanialité à la propriété,
quand ce sont, au contraire, deux choses en principe tout à fait
différentes »30(*).
La propriété publique a pour
finalité de réglementer les pouvoirs d'un propriétaire sur
son bien et les relations qu'il entretient avec les tiers. L'objet de la
propriété publique est beaucoup plus vaste que celui de la
domanialité publique puisqu'il consiste à organiser juridiquement
la gestion, au sens large du terme, d'un patrimoine public31(*).
La valorisation économique des
patrimoines administratifs est un des problèmes dominants du droit des
biens publics. Pour la faciliter, les pouvoirs publics entendent soumettre
l'ensemble des biens publics à un régime de
propriété. La concomitance d'une valorisation accrue du domaine
public et du renforcement de l'idée de propriété n'est pas
le fruit du hasard. Il convient de revenir succinctement sur la reconnaissance
de la propriété publique (A) et sur le lien qui existe entre la
propriété et la protection de la valeur financière du
patrimoine public (B).
A La reconnaissance du droit de propriété des
personnes publiques
Si la propriété reçoit
un traitement particulier, c'est parce qu'elle est traditionnellement
appréhendée comme un attribut des particuliers et, est une notion
centrale des programmes de droit civil. Aujourd'hui, nul ne conteste que les
personnes publiques disposent d'un droit de propriété sur leur
biens. Il convient alors de revenir sur les bases de cette reconnaissance.
1. Les bases jurisprudentielles et
législatives de la propriété publique
Les textes (l'article 538 du Code civil) et
la doctrine du XIXème siècle niaient que le domaine
public puisse être objet de propriété. Proudhon et
Berthélémy faisaient valoir que les personnes publiques ne
détenaient sur le domaine public ni l'usus (qui appartient au public),
ni le fructus (les biens étant improductifs), ni l'abusus. Pour autant,
la démonstration de Maurice Hauriou, selon laquelle il est difficile
d'admettre que le droit de propriété, disparaît
après l'affectation, et la jurisprudence de la Cour de cassation qui,
dès un arrêt du 16 février 1836, proclamait que l'Etat est
« réputé propriétaire des chemins ou routes
dont l'entretien est à sa charge » incitèrent le
Conseil d'Etat à adopter une position identique. Dans le
célèbre arrêt sur les mutations domaniales, il estime que
« la Ville de Paris a conservé les droits de
propriété qu'elle pouvait avoir sur ces parcelles32(*) ».
La reconnaissance d'un droit de
propriété sur le domaine public, acquise dès le
début du XXème siècle pour l'Etat, puis
progressivement étendue à l'ensemble des personnes morales de
droit public33(*) , ne
s'est jamais démentie. La plupart des commissaires du gouvernement qui
ont conclu en matière domaniale se sont ralliés à la
thèse propriétariste34(*) et les travaux contemporains du Conseil d'Etat se
font l'écho de cette conception35(*). Quant aux sources textuelles, elles sont très
nombreuses. Nous pouvons citer entre autres la loi n° 76-1285 du 31
décembre 1976 complétant l'article L. 142-1 du Code de
l'urbanisme dont l'alinéa 3 précise que « les
dispositions de l'article L. 130-3 sont applicables aux biens immobiliers
acquis en application des précédents alinéas, qui sont
incorporés au domaine public de la personne
propriétaire ». Les lois intervenues en matière de
décentralisation confirment également l'existence de ce droit de
propriété. Les articles 19 et suivants de la loi du 7 janvier
1983 se réfèrent à la « collectivité
propriétaire ». On trouve encore des allusions au droit
de propriété dans les textes portant transfert de biens de l'Etat
à certains établissements publics. Enfin, il résulte
de la loi du 25 juillet 1994 que les installations privatives
aménagées sur le domaine public, dont le maintien est
accepté à l'issue du titre d'occupation, deviennent la
propriété de l'Etat. Toutes ces références sont
particulièrement significatives.
Enfin, la propriété publique
dispose désormais d'un Code résultant de l'ordonnance du 21 avril
2006 relative à la partie législative du Code
général de la propriété des personnes publiques
(CGPPP)36(*). Il y lieu de
relever que le plan du Code traduit l'abandon de l'approche traditionnelle
fondée entre le domaine public et le domaine privé des personnes
publiques. Cette approche fondée sur la domanialité rendait
compte de manière impropre du régime des biens des personnes
publiques. Le rapport de l'Institut de la gestion déléguée
relatif à la réforme du droit des propriétés
publiques37(*) l'avait mis
en exergue. L'ensemble des biens appartenant à une personne publique
constitue des biens publics au seul motif qu'une personne publique se les est
appropriés. C'est donc une approche par la propriété que
consacre le CGPPP en traitant dans les trois première partie de
l'acquisition, de la gestion et de la cession des biens appartenant aux
personnes publiques.
2. Les bases internationales et
constitutionnelles de la propriété publique
Le droit international, parce qu'il admet
l'expropriation et la nationalisation, reconnaît par-là même
la propriété publique. L'article 17§2 de la
Déclaration universelle des droits de l'homme dispose à cet
égard que « Nul ne peut être arbitrairement privé
de sa propriété ». Les principales conventions
internationales comportent des formules de compromis en la matière,
ménageant les conceptions opposées, des pays occidentaux et des
anciens pays socialistes, de ce droit. Aussi, la propriété ne
semble-t-elle pas être exclue de leur champ d'application.
Au niveau européen, le traité
de Rome « ne préjuge en rien le régime de la
propriété dans les Etats membres ». L'influence
apparaît limitée sur les règles applicables dans la mesure
où le droit communautaire ne connaît pas la distinction droit
public et droit privé. Quant à la Convention européenne
des droits de l'homme, l'article 1 du Protocole additionnel n° I
reconnaît que « Toute personne physique ou morale a droit
au respect de ses biens ». Si la Cour européenne des
droits de l'homme a donné à cette disposition une
interprétation extensive, le bénéfice n'en a pas
été étendu à la propriété des
personnes.
Au niveau interne, la Constitution de 1958 ne
contient aucune référence à la propriété des
biens publics. Seuls l'alinéa 9 du Préambule de la Constitution
de 1946 prévoit que « Tout bien, toute entreprise dont
l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national
ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la
collectivité ». La décision du Conseil
constitutionnel du 16 janvier 1982 avait tranché la question du
caractère constitutionnel du droit de propriété. Pour
autant, se posait le problème de savoir s'il s'agissait d'une
reconnaissance générale indépendamment de la
qualité publique ou privée du titulaire. La précision est
intervenue en 1986.
Contrairement au droit communautaire, le
Conseil constitutionnel a franchi le pas. Le Conseil constitutionnel a
considéré dans les décisions des 25 et 26 juin 1986, du 18
septembre 198638(*) et
dans celle du 21 juillet 199439(*) « que les dispositions de l'article 17
de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 relatives
au droit de propriété et à la protection qui lui est due
ne concernent pas seulement la propriété privée des
particuliers, mais aussi, à titre égal, la
propriété de l'Etat et des autres personnes
publiques ».
B. Le lien entre propriété publique et
exploitation de la valeur financière du patrimoine public
L'adoption du droit de
propriété comme fondement du pouvoir de gestion domaniale remonte
au début du XXème siècle. Cette position puise son origine
dans l'Ancien droit, marqué par la revendication de ce droit de
propriété par un pouvoir royal attaché à la
capacité financière provenant de l'exploitation des biens
domaniaux. Pourtant, le professeur YOLKA estime que « si la
doctrine dominante fait de la propriété le fondement des pouvoirs
de gestion domaniale, elle ne s'est guère attachée à
montrer le caractère nécessaire de cette
liaison »40(*). La domanialité publique n'a pas vocation
à régir l'ensemble des rapports des collectivités
publiques à leurs biens. André de Laubadère constatait
ainsi qu'il y a « des questions qu'elle ne permet pas de
résoudre ; par exemple, qui a la charge de l'entretien d'un bien
domanial ? A qui reviennent les revenus qu'il peut
procurer ? »41(*). L'obligation d'entretien et la perception de
redevance, qui sont deux manifestations majeures de la recherche de
valorisation des patrimoines publics, sont intimement liées à la
qualité de propriétaire de la personne publique. La
possession d'un bien implique nécessairement la maîtrise des
moyens nécessaires pour en tirer le meilleur parti.
D'abord, l'imputation de la charge de
l'entretien des dépendances revient en principe au propriétaire.
L'administration propriétaire a l'obligation d'entretenir les biens de
son domaine public, afin de conserver à ces biens leur destination.
Cette obligation est, en principe, générale, qu'il s'agisse
d'ouvrages incorporés au domaine public telles qu'une écluse
située sur le domaine public fluvial (C.E. 28 avril 1965, Min. des
Travaux publics c/ Sté des Chais d'Armagnac) ou de
dépendances non aménagées telles les rivages de la mer
(C.E. 3 mai 1963, Commune de Saint-Brévin-les-Pins). Dans cette
dernière espèce, la domanialité tend toutefois à
s'immiscer dans cette matière dans la mesure où ce régime
s'impose aux collectivités affectataires qui sont tenues d'entretenir
les dépendances domaniales de manière à ce qu'elles
puissent être utilisées conformément à leur
destination42(*). Nous
pouvons alors en déduire que la charge de l'entretien relève
largement mais non entièrement de la propriété.
Ensuite, la
propriété des personnes publique permet de leur reconnaître
deux choses qui vont dans le sens d'un lien entre propriété et
valorisation.
D'une part, c'est la personne morale de droit public qui a
dans son patrimoine la valeur en capital représentée par ce
domaine. En cas de désaffectation et de mise en vente d'un bien
domanial, elle percevra le prix.
D'autre part, les collectivités publiques
perçoivent les revenus que peut procurer leur domaine public. La
théorie propriétariste leur permet de retirer les utilités
économiques de leurs biens. Les personnes publiques, envisagées
comme propriétaires, peuvent rentabiliser leur patrimoine. Le lien entre
les revenus domaniaux et l'exercice du droit de propriété par les
personnes publiques est particulièrement probant. La
détermination des loyers intègre des paramètres
économiques ; le prix tient compte du chiffre d'affaire
escompté par le preneur. Le mode de calcul confirme le lien avec la
propriété. Il est généralement
interprété comme l'une des manifestations des pouvoirs que la
propriété publique confère à son titulaire.
Le juge a d'ailleurs souligné le lien entre la
propriété publique et les pouvoirs de gestion domaniale. Le droit
d'exploiter le domaine public est arrimé au droit de
propriété. La formulation de certains arrêts paraît
au demeurant assez limpide « ... ne constitue qu'une
conséquence normale de l'exercice par la Ville de Limoges de son
droit de propriété reconnu par la juridiction judiciaire et
n'est pas de nature à rendre irrégulière l'utilisation
faite par la ville de son domaine public en délivrant la permission de
voirie contestée »43(*). Cela sera confirmé plus récemment par
le professeur Teitgen-Colly pour
qui : « L'administration peut ainsi atteindre par la
voie de son droit de propriété, ce qu'elle ne pouvait atteindre
par la voie de son pouvoir fiscal. L'impôt ne permet d'atteindre que le
fait matériel de l'occupation ; par delà ce fait
matériel la propriété permet d'atteindre les profits
économiques procurés par l'utilisation »44(*).
?
La notion de propriété publique
donne la priorité à la conception du domaine en tant qu'ensemble
de ressources, dont le régime s'adapte à la finalité
assignée aux différents biens45(*). C'est pourquoi, l'adoption du Code
général de la propriété des personnes publiques en
avril 2006 « révèle un nouveau paradigme : le
centre de gravité de la théorie domaniale se déplace d'une
logique de protection (centrée sur l'affectation publique) vers une
démarche de valorisation (fondée sur le droit de
propriété) »46(*).
SECTION 2
PORTEE ACTUELLE DE LA PROTECTION FINANCIERE DU
PATRIMOINE PUBLIC
« Le droit de la propriété publique
était traditionnellement un droit de la conservation ; il est
devenu aujourd'hui un droit de l'exploitation. C'est au fond l'évolution
normale de tout le droit de propriété, mais les personnes
publiques ont été plus longues à le comprendre.(..)
Aujourd'hui l'administration découvre à son tour que les domaines
publics peuvent être valorisés, rendus à leur valeur
économique et accueillir des initiatives complémentaires de leur
vocation traditionnelle »47(*)
La propriété est source de
valeur, de richesses, elle permet la valorisation du bien par la disposition
d'outils que l'on connaît bien : possibilité d'aliéner
la propriété, possibilité de développer par une
gestion active, la faculté de consentir des sûretés
réelles, comme support de financement ou pour valoriser les utilisations
de la propriété publique. Pourtant, l'inadaptation du droit des
biens a été très tôt soulignée. La critique
portait sur les complications artificielles du droit et de façon
liée sur l'hypertrophie elle-même injustifiée du
régime de domanialité publique. On constate d'ailleurs que toute
une série de réformes ont été
déterminées par la prise de conscience de cette imperfection du
droit des propriétés publiques48(*) même si les réponses sont souvent
restées partielles et désordonnées.
Depuis l'adoption du Code
général de la propriété public des personnes
publiques (CGPPP), la nécessité d'appréhender le
patrimoine public dans une perspective de valorisation, a été
consacrée par le législateur (§1). Souci de valorisation,
prise en compte des intérêts de l'occupant, application de la loi
organique relative aux lois de finances... font du patrimoine un outil
d'optimisation et de rentabilité financière sans que soient
perdus de vue les principes de protection financière et les garanties
constitutionnelles qui y sont attachées (§2).
§1. La consécration législative de
l'impératif de valorisation du patrimoine public
« Pour remettre d'aplomb notre droit
administratif, il faudra, semble-t-il accepter de le percevoir comme une
composante d'ensembles plus vastes, accepter d'y intégrer pleinement
l'analyse économique et consentir à lui rechercher une assise
dans les droits fondamentaux. »49(*)
Un tel jugement met en relief la
réalité économique du domaine, le considérant comme
une ressource à valoriser. Il prône les bienfaits d'une analyse
économique en droit public.
Le contexte politique et administratif dans
lequel s'inscrit le présent mémoire a été
particulièrement favorable. D'une manière générale,
le gouvernement a mis un point d'honneur a relancé,
systématisé et amélioré l'objectif de
réforme en matière patrimoniale. Nous avons
bénéficié du mouvement initié par le projet de
réforme de la domanialité publique inscrit à l'article 34
de la loi du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le
droit. L'ambition de ce projet doit être soulignée. Le
gouvernement a été autorisé à prendre par
ordonnance les mesures législatives nécessaires pour modifier et
compléter « les dispositions relatives à la
définition, à l'administration, à la protection et au
contentieux du domaine public et du domaine privé, mobilier comme
immobilier, de l'Etat, des collectivités territoriales et des
établissements publics, à l'authentification des actes
passés par les personnes publiques, aux régimes des redevances et
produits domaniaux, au régime de réalisation et de contrôle
des opérations immobilières, afin de les simplifier, de les
préciser, de les harmoniser, d'améliorer la gestion domaniale et
de les codifier ». En outre, ce mouvement s'est
accompagné de la production de nombreux rapports résolument
tournés vers la modernisation de la matière50(*).
De toute évidence, l'importance
considérable des patrimoines publics nécessitait de les
appréhender dans une perspective de valorisation. Alors que les
règles de la domanialité publique n'étaient pas,
jusqu'à très récemment, pleinement accordées ni
à la meilleure valorisation des biens, ni au meilleur
développement des activités économiques, le sujet a
reçu un coup d'accélérateur. Tandis que les changements
résultant des lois des 5 janvier 1988 et 24 juillet 1994, sont
demeurés modestes51(*), on a compris que « si l'on veut
vraiment réformer l'Etat, il faut considérer les finances
publiques (la réforme est amorcée), le statut des personnels
(tout reste à faire ou presque) et l'Etat
propriétaire »52(*). Des premiers pas ont été faits
dans certains domaines particuliers avec les mécanismes des baux
emphytéotiques qu'ont institué respectivement la loi du 29
août 2002 d'orientation et de programmation pour la
sécurité intérieure et l'ordonnance du 4 septembre 2003
relative aux établissements hospitaliers.
Après, une ordonnance du 19 août
2004 qui a fait sortir du domaine public tous les immeubles de bureaux
appartenant à l'Etat et à ses établissements publics, et a
autorisé leur aliénation même en cas d'occupation par des
services administratifs, la préoccupation de valorisation a
trouvé un écho sans équivoque dans le Code des
propriétés publiques (B). De plus, les préoccupations
d'efficacité économique sont une entrée majeure dans le
sujet. La valorisation des biens domaniaux répond à des raisons
financières visant l'allègement des charges et la recherche de
ressources nouvelles permettant de satisfaire aux obligations
européennes de l'Etat (visées à l'article 50 de la LOLF du
1er août 2001). Toutefois au-delà du banal comblement
du déficit budgétaire, l'approche économique invite
à la mise en oeuvre d'une réforme de la conception même du
patrimoine public. Il convient alors de revenir sur la nécessaire prise
en compte du poids des enjeux économiques et financiers d'un
questionnement orienté vers la valorisation (A).
A. La nécessaire prise en compte des enjeux
économiques et financiers
Soumis aux tensions introduites par la prise
en compte renforcée des intérêts des occupants, dans le
cadre d'une valorisation de son exploitation, le patrimoine public se trouve
être l'objet d'une remise en cause dans ses éléments
constitutifs et dans son orientation, suite aux réformes de la loi
organique relative aux lois de finances et au Code des propriétés
publiques. La logique de performance qu'elles introduisent et leurs solutions
managériales conduisent à mieux apprécier le coût
engendré par les propriétés publiques et à les
considérer globalement comme des ressources valorisables (2).
Il convient toutefois de revenir, au
préalable, sur l'analyse économique de la valeur du patrimoine
public afin de justifier et légitimer un questionnement financier
à l'égard de biens publics. En effet, c'est parce que les
patrimoines ont une valeur (notamment au regard du poids des dépenses
d'entretien) qu'il est possible d'envisager leur valorisation (1).
1. Réflexions sur la
légitimité de l'analyse économique en droit public :
le cas du droit domanial
L'analyse économique en droit vise le
plus souvent, à expliquer le bien-fondé des règles
juridique à travers le prisme de l'efficacité. La dimension
économique de l'efficacité est généralement
considérée comme étant l'apanage des privatistes
plutôt que celui des publicistes. Comme l'écrit Ejan
Mackaay : « (...) l'analyse économique du droit
rejoint la doctrine civiliste mais l'assoit sur des fondements plus
solides. »53(*). Le droit privé ayant pour objet la
réglementation des rapports entre particuliers, on conçoit que
des raisonnements économiques puissent fonder ces règles. En
revanche, on le sait, l'objet et la finalité du droit public sont
différents : celui-ci a pour préoccupation majeure
l'intérêt général. A priori, une analyse
économique d'un tel droit paraît sans fondement. Or, il est
possible de soutenir le contraire, notamment en ce qui concerne les biens
publics.
Le patrimoine comporte un actif
composé de biens corporels et incorporels et un passif constitué
d'obligations. Les droits patrimoniaux sont les droits qui composent l'actif
d'un patrimoine. Ce sont donc des biens. On les oppose aux droits extra
patrimoniaux qui ne sont pas un élément de richesse. Ces derniers
touchent, en fait, à la personne. Le droit civil a proposé un
critère de distinction fondé sur l'aptitude à
l'évaluation pécuniaire. Seuls les droits qui sont
appréciables en argent sont réputés être des droits
patrimoniaux. Les droits extrapatrimoniaux sont, en revanche, rebelles à
toute conversion en argent : ils ne sont pas transmissibles moyennant
finances.
Les biens des personnes publiques font partie
des droits patrimoniaux, d'une part parce qu'ils sont des biens et d'autre
part, parce qu'ils sont susceptibles d'évaluation.
Le Tableau général des
propriétés de l'Etat (T.G.P.E) rassemble les estimations
financières de l'ensemble des biens de l'Etat et des
établissements publics nationaux à caractère
administratif, domaine public et domaine privé confondus54(*). La soumission d'un bien au
régime de la domanialité publique ne constitue pas en soi un
obstacle à son évaluation pécuniaire :
l'inaliénabilité ne fait qu'interdire la vente des biens du
domaine public, non leur estimation. Ce n'est donc pas parce qu'un bien est
affecté à une utilité publique déterminée
que l'on ne peut plus estimer sa valeur. La valeur vénale d'un bien
correspond simplement à la somme d'argent qu'il serait juste et
nécessaire de verser pour en obtenir la propriété. La
valeur vénale d'un bien n'augmente ni ne diminue sous l'influence de
l'affectation et de son régime. La valeur est établie au regard
de la nature physique et des caractères intrinsèques La valeur
des biens publics n'a donc aucune raison d'être modifiée lors de
leur incorporation dans le domaine public. Mme MAMONTOFF a, du reste,
démontré55(*) que le domaine public sur lequel est installée
une entreprise privée qui développe une activité marchande
était soumis à la loi du marché.
Les biens publics font donc partie des biens
patrimoniaux. Mais ils ne bénéficient pas tous du même
degré de patrimonialité. Seuls les biens librement
aliénables, c'est-à-dire ceux du domaine privé, jouissent
d'un niveau de patrimonialité le plus élevé : ceux-ci
sont évaluables financièrement et cessibles. Les biens du domaine
public se situent à un degré inférieur de
patrimonialité : ils ont une valeur économique tout en
étant indisponibles.
2. La patrimonialité des biens
publics : aspects comptables et budgétaires
« Il n'est pas de fonction publique qui n'ait son
côté économique ; pour s'en convaincre il suffit de
jeter un coup d'oeil sur un budget ! »56(*)
. Le coût d'exploitation du patrimoine
public
Notre patrimoine vieillissant et mal
entretenu, se dégrade vite faute d'un entretien adéquat.
L'entretien exige une grande vigilance. Au cours du XXème
siècle, à la différence des siècles
précédents, de nouveaux équipements ont été
construits sans que l'on entretienne les actifs existants. Pourtant, la
valorisation des ouvrages construits repose sur une formule mathématique
simple. Il suffit de prendre la valeur d'usage, c'est-à-dire la valeur
de remplacement diminuée d'un pourcentage de vétusté. On
estime actuellement que les travaux d'entretien ou de réhabilitation
représentent chaque année le tiers du montant des travaux publics
réalisés en France. Les techniciens considèrent que
l'entretien d'un bâtiment requiert un budget de l'ordre de 5% du
coût de la construction. Ce taux peut paraître élevé,
mais il correspond à la réalité. Les collectivités
le savent bien : cet entretien grève lourdement le revenu des
loyers. Cette observation a une conséquence : le coût global
d'un bâtiment, sur sa période d'utilisation, est un multiple du
coût de la construction. Si on applique ces ratios aux
collectivités territoriales, qui comptent 3 m2 de
bâtiment par habitant, c'est environ 150 euros que chaque habitant doit
consacrer à l'entretien du patrimoine communal pour en sauvegarder la
fonctionnalité et la valeur57(*). Il faut prendre conscience que, sur soixante ou
quatre-vingts années, durées de vie somme toute minimale pour un
bâtiment, le coût global d'un édifice sera
égal à quatre ou cinq fois son coût de construction initial
et que cette observation justifie le soin à apporter à
l'amélioration de la productivité de l'entretien. La
plupart des auteurs estiment que les personnes publiques n'ont pas
réellement pris la mesure de cet impératif d'entretien et que
les sommes consacrées sont largement insuffisantes. Le manque
d'entretien provient de deux éléments : le régime
d'exploitation des ouvrages et la pratique contentieuse.
Les dépenses d'entretien
représentent une part non négligeable, compte tenu des surfaces
à entretenir. Globalement, l'entretien est géré de trois
manière :
- Gestion par l'occupant, lorsqu'un tiers est
utilisateur ; il n'est pas rare que l'occupant assume les charges
d'entretien et que le propriétaire les prenne à sa charge sans
pour autant que cela fasse l'objet d'un contrat.
- Gestion de l'entretien en régie ; à titre
d'exemple, le personnel municipal est chargé d'entretenir les locaux
administratifs de la ville.
- Contrats d'entretien avec des prestataires
Dans les faits, il apparaît que
certains ouvrages sont surveillés mais pas forcément entretenus.
C'est ce qui se passe lorsque les constructions sont exploitées en
régie et non en concession. En effet, ce dernier type d'exploitation
exige de la part du concessionnaire l'entretien des ouvrages qu'il construit ou
qui ont été mis à sa disposition. Néanmoins,
l'optimisation des contrats est souvent possible. Son effectivité
conduirait non seulement, à envisager des économies mais
également, à rendre l'obligation d'entretien plus
systématique. La poursuite de la valorisation des patrimoines passe donc
en partie par une amélioration des dispositifs gouvernant
l'entretien.
Aussi depuis l'année 2000, la
programmation des crédits de maintenance immobilière a
été effectuée sur la base des données
résultant de l'utilisation de l'outil Gestion du patrimoine immobilier
(GPI). Ce catalogue de données immobilières a été
mis à la disposition des services sur le site intranet du
ministère de l'équipement pour la première fois en
février 2001. Il sera progressivement enrichi grâce à
l'analyse de l'évolution pluriannuelle des données et constitue
un véritable référentiel pour les services
déconcentrés leur permettant d'élaborer localement leur
propre politique immobilière dans le cadre de plan pluriannuel de
gestion du patrimoine58(*).
Toutefois, Les crédits
d'investissement sont, selon le ministère de l'Equipement59(*), insuffisants au regard des
besoins exprimés par les services. En particulier, aucune
opération lourde nouvelle n'a pu être engagée sur la
période 1997- 2001 (par exemple en vue de la construction neuve d'un
siège d'une DDE). Les moyens budgétaires mis à disposition
des services n'ont pas permis d'engager des actions significatives
au-delà des premières priorités et en particulier le
maintien en état du patrimoine. Aucune véritable politique de
maintenance préventive n'a pu être mise en oeuvre depuis plusieurs
années.
Le manque d'entretien provient aussi de
l'absence d'obligation pour une personne publique d'entretenir son domaine
public. Autant la règle d'inaliénabilité est depuis
longtemps consacrée, autant l'existence d'une obligation d'entretien a
plus de difficulté à s'affirmer. Il est vrai qu'elle s'adresse
exclusivement aux personnes publiques et qu'elle fait peser des charges
financières. Cette contrainte n'a jamais été
formalisée expressément par la jurisprudence. Lorsqu'une telle
obligation d'entretien est mentionnée, elle est toujours
rapportée non au domaine public mais à un ouvrage public60(*). Pourtant l'on peut
considérer qu'indirectement mais nécessairement elle a
été reconnue dans un arrêt de 1963 où le Conseil
d'Etat affirme que l'administration doit « assurer la
conservation de son domaine public »61(*). Si le terme conservation
n'équivaut pas à celui d'entretien, parce qu'il est plus
général, il l'englobe. Conserver le domaine public implique en
effet de préserver à la fois son intégrité et sa
destination y compris de fait, ce qui oblige la personne publique responsable
à l'entretenir. L'exercice de la police de la conservation, qui
contraint les contrevenants à remettre les lieux en l'état ou
à financer les travaux nécessaires, a été
considéré par la jurisprudence comme une compétence
liée. C'est dire que le juge administratif lorsqu'il impose la
conservation du domaine inclut dans cette obligation son entretien.
En outre, l'obligation de l'Etat de financer
les travaux d'entretien ne fait pas toujours partie des dépenses
obligatoires. En revanche, en ce qui concerne les collectivités
territoriales, le CGCT inscrit notamment dans les dépenses obligatoires
de la commune l'entretien de l'hôtel de ville, la clôture des
cimetières, leur entretien, celui des stations d'épuration des
eaux usées, des voies communales62(*). La procédure d'inscription d'office permet de
contraindre les collectivités au respect de l'obligation. Si de
semblables dispositions n'existent pas pour l'Etat, c'est parce que le
système des dépenses obligatoires a peu de sens pour celui-ci
sauf à le constitutionnaliser. Il reste que comme tout
propriétaire qui n'entretient pas son bien et qui, de ce fait, cause un
dommage, une personne publique engagera sa responsabilité pour faute.
. Le patrimoine public, comme ensemble de ressources
valorisables
Avec les perspectives offertes par la
réforme budgétaire, le souci se manifeste de mieux
connaître l'étendue et la valeur des propriétés de
l'Etat, spécialement dans le domaine immobilier, afin d'en optimiser la
gestion. Il apparaît que les enjeux financiers jouent un rôle
déterminant.
Selon une approche ancienne, l'article 3 de
la loi organique de 2001 relative aux lois de finances intègre aux
ressources budgétaires de l'Etat les revenus du domaine, des
participations financières et des autres actifs et droits. Le montant de
ces différentes catégories de ressources est d'ailleurs
décrit dans l'annexe « Evaluation des voies et
moyens » accompagnant le projet de lois de finances. Nous exposerons
successivement la logique financière qui se retrouve dans le budget de
l'Etat en ce qui concerne les revenus du domaine et la gestion tout à
fait particulière des participations de l'Etat.
q Produits et revenus du domaine de l'Etat
Actuellement, l'attention se trouve
attirée par le gisement de ressources potentielles que constituent les
biens immobiliers disponibles, dont l'affectation est devenue sans objet
véritable : terrains militaires, emprises de la SNCF et RFF...S'y
ajoute, avec l'ordonnance du 19 août 2004, le déclassement des
immeubles à usage de bureaux. La loi de finances pour 2006
prévoit des recettes non fiscales63(*) de
24,8 milliards d'euros en 2006.
|
LFI 2005
|
Evaluations révisées pour
2005
|
Evaluations proposées pour 2006
|
Exploitations industrielles et commerciales et
établissements publics à caractère financier
|
3,5
|
3,8
|
5,6
|
Produits et revenus du domaine de l'Etat
|
1,3
|
0,7
|
0,3
|
Taxes, redevances et recettes assimilées
|
8,8
|
9,2
|
9,0
|
Intérêts des avances, des prêts et
dotations en capital
|
0,7
|
1,0
|
0,3
|
Retenues et cotisations sociales au profit de l'Etat
|
9,9
|
9,9
|
0,5
|
Recettes provenant de l'extérieur
|
0,5
|
0,5
|
0,6
|
Opérations entre administrations et services publics
|
0,1
|
0,1
|
0,1
|
Divers
|
11,0
|
11,9
|
8,4
|
TOTAL
|
35,7
|
37,1
|
24,8
|
Source : site du Sénat (données en
milliards d'euros)
Les produits et revenus du domaine de l'Etat
sont moins dynamiques que prévu, avec un montant inférieur de
420 millions d'euros aux prévisions (750 millions d'euros au
lieu de 1.269 millions d'euros).
Cette moins-value provient, pour
350 millions d'euros, de la révision à la baisse du produit
de la cession d'éléments du patrimoine immobilier de l'Etat, de
850 millions d'euros selon la loi de finances initiale pour 2005, et
désormais évalués à 500 millions d'euros.
Après prise en compte d'une diminution spontanée de
100 millions d'euros, ce produit ne serait plus que de 60 millions
d'euros en 2006 sur le budget général, selon la loi de
finances.
Une telle baisse a amené le
Sénat à exprimer une inquiétude lors de l'examen du projet
de loi de finances pour 2006 : « il convient de
s'inquiéter de l'incapacité où semble se trouver l'Etat de
s'engager dans une vraie politique d'arbitrage patrimonial. Tout se passe comme
si les corporatismes ministériels s'avéraient beaucoup plus forts
que la volonté de réforme de l'Etat ». Toutefois,
selon le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie,
«le choix a été fait de poursuivre la démarche
des programmes de cession dont l'élaboration est coordonnée
depuis 2004 par la mission interministérielle de valorisation du
patrimoine immobilier de l'Etat [...] Le but est de donner à l'Etat les
moyens d'une gestion immobilière performante à long terme,
au-delà de l'impulsion donnée par les programmes de cessions et
de lui permettre d'assurer sa fonction de
propriétaire ».
q La gestion des participations de l'Etat
Pour 2003, La Cour des comptes avait
relevé la forte diminution des produits versés par les
entreprises financières (0.3 milliard d'euros contre 1.4 milliard en
2002) en raison de l'absence de versement du dividende de la Banque de France
et surtout d'une forte réduction de celui de la Caisse des
dépôts et consignations64(*).
Le compte 902-24 permet de suivre les
produits réalisés au terme des opérations de
privatisations. La logique du compte spécial du Trésor est tout
à fait adaptée d'ailleurs à une approche patrimoniale et
permet de faire apparaître davantage de transparence dans les mouvements
financiers. Cependant, l'alimentation du compte reste tributaire de la
politique de privatisation, responsable des fluctuations enregistrées,
ce qui pose le problème d'une meilleure définition des
obligations de l'Etat65(*)
Il a été pris acte de cet
état de fait. Les remèdes apportés à la gouvernance
des entreprises publiques66(*) ont permis de mettre en place un dispositif
favorisant une gestion plus autonome à même de valoriser cette
dimension du patrimoine de l'Etat. Les résultats affichés pour
2006 sont en nette progression. Le produit des participations de l'État
devrait, après une stabilisation en 2005, progresser de moitié en
2006 pour atteindre 3.855 millions d'euros.
PRODUIT DES PARTICIPATIONS DE L'ETAT DANS DES
ENTREPRISES FINANCIÈRES
|
(en millions d'euros)
|
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
PLF 2006
|
LFI
|
révisé
|
I.- Banque de France
|
450,0
|
450,8
|
450,0
|
0,0
|
100,0
|
40,0
|
420,0
|
II.- Caisse des dépôts et
consignations
|
642,0
|
907,6
|
915,0
|
931,9
|
486,0
|
471,5
|
685,0
|
III. - Autres
|
49,7
|
61,2
|
28,2
|
16,2
|
18,3
|
34,5
|
44,5
|
Total Ligne 110
|
1.141,7
|
1.419,6
|
292,4
|
948,1
|
604,3
|
546,0
|
1.149,5
|
Source : Ministère de l'économie, des
finances et de l'industrie.
|
Le produit des participations de
l'État dans les entreprises financières devrait doubler pour
atteindre 1.149 millions d'euros en 2006, retrouvant son niveau moyen
constaté au début des années 2000 en raison de la reprise,
après deux années de fort tassement de son résultat net,
du versement de dividendes par la Banque de France.
Qu'il s'agisse des nouvelles approches
économiques à l'oeuvre dans le domaine public ou de la
volonté de juguler les coûts entraîner par l'exploitation et
la gestion des participations de l'Etat, l'objectif de valorisation met en
relief l'unité profonde apportée par le concept de
propriétés publiques ; ces dernières
bénéficiant désormais d'un code résolument
tourné vers l'impératif de protection de la valeur
économique du patrimoine public.
B. L'apport du Code général des
propriétés publiques en terme de valorisation
Souvent, les personnes publiques sont
regardées comme de piètres gestionnaires, embarrassées par
des règles juridiques vieillies. Pourtant, l'unilatéralisme des
propos est contestable. L'Etat a voulu se donner les moyens juridiques d'une
gestion renouvelée et des progrès ont été
récemment accomplis. Sous l'autorité du Conseil d'Etat, un Code
des propriétés publiques a été
conçu67(*). Sans
remettre en cause les principes du droit public et la préservation de
l'intérêt général, il modernise le droit domanial
pour lui donner la souplesse nécessaire sans renier les fondamentaux.
Les dispositions du Code sont entrées
en vigueur le 1er juillet 2006 ( Ord., art 13), elles ont
remplacé celles du Code du domaine de l'Etat. Il procède
à un grand nombre d'innovations lesquelles seront analysées plus
concrètement dans la section 2 de ce mémoire. Il s'agit, à
ce stade de l'étude, de faire transparaître, de manière
générale, la volonté du législateur de favoriser
la valorisation du patrimoine public.
La codification du droit de la
propriété des personnes publiques ne pouvait être
effectuée à droit constant tant ce droit s'était, durant
les dernières décennies, diversifié et complexifié
au gré des modifications de l'environnement juridique et
économique. Le droit domanial était devenu à maints
égards trop rigide, eu égard aux opportunités liées
à la valorisation économique du domaine public. Institué
par le décret n° 57-1336 du 28 décembre 1957, le Code du
domaine de l'Etat reflétait nécessairement ces insuffisances dans
la mesure où il n'avait pas fait l'objet d'une révision
d'ensemble depuis 1970.
En termes de définitions
générales, celle du domaine public immobilier est fondée
sur les critères jurisprudentiels de l'affectation d'un bien à
l'usage direct du public ou au service public pourvu qu'en ce dernier cas, ce
bien fasse l'objet d'un aménagement non plus seulement spécial
mais indispensable68(*).
Le Code propose une définition qui réduit le
périmètre de la domanialité publique. La nouvelle
codification contient des innovations importantes qui devraient
améliorer la sécurité juridique des contrats et qui
étaient réclamées par les praticiens du droit comme par
les acteurs de la vie économique.
En termes de modernisation de la gestion
patrimoniale et de valorisation économique du domaine public, deux
orientations ont été principalement suivies :
- Fluidifier la gestion du patrimoine immobilier.
L'ordonnance du 19 août 2004 avait classé les immeubles de bureaux
appartenant à l'Etat et à ses établissements publics dans
leur domaine privé (article L. 2211-1). Ces biens sont de ce fait
aliénables sans contrainte de déclassement du domaine public.
Dans le prolongement, de cette respiration du patrimoine public et au vu de
l'expérience acquise, cet assouplissement a été
étendu aux autres personnes publiques. Par là, tout conspire
à une externalisation de l'immobilier administratif. De plus, les
opérations de cession ou d'échange sont rendues possibles quand
bien même ces immeubles continuent à être utilisés
par un service public, ce qui peut permettre leur reprise en location
auprès d'un investisseur (articles L. 3211-2 et L. 3211-3). En outre,
les incertitudes juridiques qui pesaient sur les transferts de
propriété entre personnes publiques ont été
levées. Il devient loisible à une personne publique
propriétaire, en cas de cession à l'amiable, de s'affranchir
expressément de la contrainte du déclassement préalable
(article L. 3112-1). La même simplification a été
réalisée pour les échanges d'immeubles, ce qui est de
nature à faciliter de nombreuses opérations foncières
entre l'Etat et les collectivités territoriales (article L. 3112-2).
- Le projet, en outre, modernise le régime de
l'occupation du domaine public. Il s'inspire notamment des
réflexions contenues dans l'étude du Conseil d'Etat du 24 octobre
2002 relative aux redevances pour service rendu et redevances pour occupation
du domaine public. Ainsi le principe selon lequel toute occupation ou
utilisation du domaine public, quel qu'en soit le propriétaire, donne
lieu au paiement d'une redevance tenant compte des avantages de toute nature
qui sont procurés à l'occupant, est-il consacré par la
loi. De plus, si le régime des occupations privatives est repris
à règles presque constantes pour l'Etat, le droit local
évolue en revanche. Le Code ajoute dans la besace des
collectivités territoriales un jeu d'autorisations d'occupation
attributives de droits réels librement inspiré de celui
applicable à l'Etat (article L. 2122-20). Au surplus, est en fin admise,
la possibilité de grever les immeubles du domaine public de servitudes
conventionnelles (article L. 2122-4).
?
La nouvelle appréhension du patrimoine
public, à l'aune notamment du Code général de la
propriété des personnes publiques d'une part, et d'une
propension globale au développement des préceptes
économiques et managériaux d'autre part, rencontre
néanmoins une limite essentielle : les principes protecteurs de la
domanialité publique qui interdisent de dilapider le patrimoine public
et les garanties légales d'exigences constitutionnelles, comme le
fonctionnement continu du service public et la protection de la
propriété publique.
§ 2. La limite d'une démarche purement
économique : le maintien d'une exigence de protection du
patrimoine public.
« Il faut sans doute se garder d'une
illusion : on peut atténuer les aspérités de la
domanialité publique mais il est sans doute illusoire de penser que l'on
peut avoir simultanément les avantages inhérents à des
logiques sinon opposées du moins substantiellement différentes.
On ne peut pas revendiquer à la fois l'idée d'une protection
domaniale forte, au nom de la police, ou des libertés publiques ou de
l'intérêt général, et revendiquer d'autre part, les
avantages économiques d'une exploitation en quête de
rentabilité, il y a là deux approches également
légitimes et respectables, mais entre lesquelles il faut choisir et que
l'on ne peut pas impunément confondre ou
réunir »69(*)
En rapport avec la réforme de la loi
organique sur les lois de finances, apparaît une nouvelle dimension
liée à l'approche managériale de la gestion de l'Etat qui
retentit directement sur la conception même du domaine. Si la tendance
actuelle démontre un souci de limiter la domanialité publique
à « un noyau dur »70(*), la solution extrême
d'une cession se heurte aux limites des bases constitutionnelles du domaine
(A).
Les deux objectifs de valorisation et de
protection sont certes antinomiques mais les décisions
jurisprudentielles, tant constitutionnelles qu'administratives,
démontrent qu'il est possible de composer entre ces deux orientations.
Depuis quelques années, le droit du domaine public doit prendre en
compte de nouvelles considérations sans cependant que soient perdus de
vue les principes de protection résultant de
l'inaliénabilité et de l'incessibilité à vil prix
des propriétés publiques. Toutefois, l'application
concrète de ces deux principes fait l'objet d'une certaine
relativité (B).
A La protection du domaine public, un impératif
constitutionnellement reconnu ?
La jurisprudence, tant constitutionnelle
qu'administrative, s'est depuis quelques années largement
développée pour témoigner de l'existence d'une protection
de nature constitutionnelle sur les propriétés publiques (1)
même s'il est possible de dénoter une certaine confusion (2).
1. Les limites inhérentes à la
protection constitutionnelle des biens publics
. Analyse de la jurisprudence
constitutionnelle
La question qui se pose, est de savoir s'il
existe des règles et principes constitutionnels que le
législateur doit respecter lorsqu'il modifie le droit domanial. Il
semble à cet égard que la première constatation qui
s'impose est que, dans sa décision n° 94-346 DC du 21 juillet 1994,
Loi relative à la constitution de droits réels sur le domaine
public71(*),
le Conseil constitutionnel a en quelque sorte constitutionnalisé
l'existence d'un domaine public en considérant que le législateur
ne peut modifier le droit de la domanialité publique qu'à la
condition « de ne pas priver de garanties légales les
exigences constitutionnelles qui résultent de la continuité des
services publics auxquels le domaine public est
affecté »72(*). Il s'agit d'une logique de protection de
l'utilisation qui est faite du domaine. Il s'agit en outre, d'assurer la
protection d'autres principes à valeur constitutionnelle :
continuité du service public. L'approche s'avère donc pragmatique
et ne vise en aucun à une quelconque « sanctuarisation du
domaine public »
Une autre approche est également
à l'oeuvre dans cette décision. Ce raisonnement s'appuie sur les
dispositions de l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et
du Citoyen de 1789. La protection qui est due à la
propriété privée concerne à titre égal, la
propriété étatique. Le Conseil en tire comme
conséquence que le domaine public ne peut être grevé de
droits réels « sans contrepartie appropriée eu
égard à la valeur réelle de ce
patrimoine ». Ici est bien en oeuvre une logique patrimoniale
qui interdit toute valorisation qui se ferait à un prix inférieur
à la valeur réelle des biens publics
Il résulte clairement de ce
considérant que le régime juridique des biens du domaine public
doit nécessairement comprendre des règles susceptibles de faire
en sorte que le respect des exigences constitutionnelles soit obligatoire. Cela
ne signifie pas, semble-t-il, que ces éléments obligatoires, ont
valeur constitutionnelle en eux-mêmes. Ils doivent seulement faire partie
des principes que l'administration doit respecter dans la gestion de ceux de
ses biens qui appartiennent au domaine public. Pour prendre l'exemple de
l'inaliénabilité, ce ne serait pas parce que celui-ci
constituerait un élément constitutionnellement obligatoire du
régime de la domanialité publique qu'il aurait
nécessairement valeur constitutionnelle. En d'autres termes, si,
à la différence de l'administration, le législateur peut,
comme il l'a fait pour France Télécom73(*), déclasser et
transférer la propriété de biens affectés à
un service public sans mettre au préalable fin à l'affectation,
il ne peut malgré tout le faire que si, il ne porte pas atteinte au
principe de continuité des services publics. Le Conseil d'Etat est
également intervenu en la matière.
â. La jurisprudence administrative :
la reconnaissance d'un « impératif d'ordre constitutionnel de
protection du domaine public ».
C'est à l'occasion d'un recours en
excès de pouvoir dirigé contre l'une des dispositions du
décret n° 97-683 du 30 mai 1997 relatif aux droits de passage sur
le domaine public routier et aux servitudes prévues par le Code des
postes et télécommunications que le Conseil d'Etat, dans
l'arrêt SIPPEREC du 21 mars 2003, a énoncé le principe
suivant : « Qu'en vertu de l'article 17 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, auquel se
réfère le Préambule de la Constitution, la protection du
domaine public est un impératif d'ordre
constitutionnel »74(*). L'expression retenue n'est pas sans rappeler celle
« d'objectif à valeur constitutionnelle »
utilisée par le Conseil constitutionnel au regard de l'objet de
l'impératif : la limitation des droits fondamentaux (la
liberté du commerce) et la promotion de valeurs collectives
(l'affectation à l'usage du public). Il fallait se méfier d'une
lecture de l'espèce trop hâtive conduisant à
interpréter la consécration de l'impératif d'ordre
constitutionnel comme une réaction au phénomène de
patrimonialisation du domaine public. Face au développement de
l'exploitation économique du domaine public, le Conseil d'Etat
réaffirme que ce dernier n'est pas comme les autres et qu'il doit donc
recevoir une protection spéciale.
Comment comprendre l'impératif de
protection posé par le Conseil d'Etat ? L'emprise de la logique
subjective et patrimoniale sur la propriété publique s'est
accentuée à la faveur de plusieurs évènements. Tout
d'abord, à la faculté traditionnelle d'invoquer des motifs de
gestion pour délivrer les autorisations d'occupation privatives du
domaine public, s'est ajoutée une liberté réelle du
gestionnaire quant au choix de ces motifs. Les lois du 5 janvier 1988 et du 25
juillet 1994 ont ensuite remis en cause partiellement le principe de
l'inaliénabilité en autorisant la constitution de droits
réels. Par ailleurs, par une importante décision
d'Assemblée du 23 octobre 199875(*), le Conseil d'Etat a refusé par
opportunité d'appliquer la domanialité publique aux biens
d'Electricité de France (EDF) de manière à assurer
à cette entreprise une liberté dans la gestion de son patrimoine.
En définitive, on assiste à une banalisation de la gestion du
domaine public lequel se rapprocherait davantage d'un espace marchand à
l'instar du domaine privé. Toutefois, c'est à cette idée
que le Conseil d'Etat s'oppose dans la décision SIPPEREC. Le domaine
public n'est pas un espace comme les autres, un espace sur lequel tout type
d'activités, à commencer, par celles économiques, pourrait
librement s'exercer.
L'arrêt EDF précité
pourrait conduire comme le suggère C. LAVIALLE, à la disparition
du critère de l'affectation à un service public, étant
donné que l'exercice d'une mission de service public, est de plus en
plus jugé incompatible avec le maintien des contraintes liées
à la domanialité publique. La protection ne devrait pouvoir
concerner que le domaine affecté à l'usage du public,
déjà appelé le « noyau dur » du
domaine public, de manière à ne pas entraver la valorisation de
certains biens non affectés à cet usage.
2. Les doutes quant à la portée
réelle de la protection
La jurisprudence ci-dessus examinée
démontre l'existence d'une double protection : protection du droit
de propriété des personnes publiques et protection de
l'affectation des biens du domaine public. Propriété et
domanialité ne sont pas dans une logique de concurrence, leurs liens se
juxtaposent et sont connexes. Toutefois, un examen plus approfondi permet de
mettre en exergue certaines confusions.
La première source de confusion
réside dans le mélange des deux impératifs de protection.
Cette tendance n'est pas nouvelle puisque déjà l'arrêt
B.R.G.M du 21décembre 1987 est révélatrice de cette
confusion76(*). La Cour y
écrit que les biens des personnes publiques bénéficient de
l'insaisissabilité, cette situation témoignant de l'existence
d'un principe général du droit. Pour arrêter cette
solution, la Cour indique que ces biens relèvent de
procédés de gestion dérogatoires du droit commun. On peut
se demander si une logique de protection n'est pas inscrite en filigrane.
Logique patrimoniale et logique de protection de l'affectation sembleraient
alors se confondre, accréditant au surplus l'idée selon laquelle
le domaine public constituerait la forme de propriété
privilégiée des personnes publiques.
La deuxième de source de confusion
provient de glissements sémantiques progressifs. L'arrêt SIPPEREC
paraît conduire à des effets surdimensionnés. En
particulier, la formule aurait gagné à être définie
de manière plus restrictive. Sous le couvert de l'expression
« protection » que vise-t-on exactement ?
L'interprétation est en effet susceptible de donner lieu à de
nombreuses interrogations de la part des gestionnaires du domaine
public77(*).
En réalité, il ne s'agit pas
d'être alarmiste. Ces deux séries de protection peuvent se
cumuler ; elles ne doivent ni être confondues, ni être
entendues de manière trop large. Il convient de soutenir toutes les
solutions techniques qui, tout en préservant ces impératifs,
permettent de donner aux gestionnaires des moyens souples et faciles pour
gérer les propriétés publiques. En outre, la
décision SIPPEREC du 21 mars 2003 a été rendue en
matière de circulation. Cela permet de comprendre, qu'en aucun cas, la
valorisation du patrimoine public connaît un coup d'arrêt. La
protection ne concerne que le domaine affecté à l'usage du
public.
Les juridictions administrative et
constitutionnelle veillent, non sans confusion dans la formulation, à
ce que l'exploitation économique du domaine public se fasse dans le
respect d'un principe de protection de celui-ci. La valorisation doit donc
composer avec l'application des principes d'inaliénabilité et
d'incessibilité à vil prix des propriétés
publiques.
B La portée effective des principes protecteurs du
patrimoine public : une application relative face aux exigences de
valorisation.
Le droit des biens repose sur des principes
visant à conserver l'intégrité et la valeur patrimoniale
des dépendances publiques. Si l'inaliénabilité (qui
s'applique au domaine public) (1) et l'incessibilité à vil prix
(qui concerne la propriété) (2) peuvent servir de rempart
à une valorisation extrême fondée sur la cession des
propriétés, leur application est bien souvent relative. Le
domaine public est une richesse et le développement de son exploitation
économique l'emporte souvent.
1 . Le principe de
l'inaliénabilité
L'étude du droit des biens78(*) comprend classiquement une
partie relative à la protection des dépendances domaniales dans
laquelle le principe de l'inaliénabilité est incontournable.
Consacrée par l'article L. 52 du Code du domaine de l'Etat qui dispose
que : « Les biens du domaine public sont inaliénables
et imprescriptibles » et par l'article 13 de la loi du 5 janvier
1988 pour les biens des collectivités territoriales,
l'inaliénabilité a des origines fort anciennes. Elle a
été solennellement consacrée « loi fondamentale
du Royaume » par l'Edit de Moulins de 156679(*). Mais quelle est sa
portée ? Dans quelle mesure ce principe peut-il entraver la
valorisation du patrimoine public ?
La raison d'être de
l'inaliénabilité est l'affectation donnée au bien
domanial. Son champ d'application est large et sa mise oeuvre entraîne
des effets puissants : nullité des aliénations et
impossibilité d'exproprier les biens. Cependant, une simple
désaffectation suffit à en neutraliser l'effectivité.
Aussi faut-il parler d'inaliénabilité ou
d'aliénabilité conditionnelle ? Cette question
posée par Marcel Waline dans sa thèse sur « Les
mutations domaniales » met l'accent sur le caractère
discrétionnaire de l'acte de déclassement. Une grande
liberté est laissée aux personnes publiques pour disposer de
leurs biens domaniaux et le contrôle du juge sur les
déclassements, qu'il estimera a priori liés à une
politique raisonnable de gestion domaniale, est réduit au minimum.
L'inaliénabilité n'est donc que
relative et potestative puisque l'administration reste libre de
supprimer l'affectation et de disposer ensuite des biens comme elle l'entend.
Suite à la décision du Conseil d'Etat SIPPEREC en est-il toujours
ainsi ?
Selon M. SOULIE, dans sa note sous
l'arrêt SIPPEREC80(*), il est fort peu probable que la Haute juridiction
ait pris le soin de créer un impératif d'ordre constitutionnel
pour ne rappeler que des principes classiques en matière de protection
du domaine public. La portée de l'impératif pourrait être
plus importante et concerner la valeur du principe
d'inaliénabilité. La protection serait en conséquence plus
importante, à partir du moment où tout projet législatif
qui comporterait une aliénation d'une partie du domaine affecté
à l'usage du public serait susceptible d'une censure par les gardiens de
la Constitution. Toutefois, la reconnaissance d'une valeur constitutionnelle se
heurte à certaines difficultés. D'une part, il faudrait revenir
sur la liberté accordée aux personnes morales de droit public
dans la gestion de leur patrimoine81(*) ; celles-ci ne pouvant plus désaffecter
et déclasser une partie de leurs biens. D'autre part, prié de se
prononcer, le Conseil constitutionnel fut conduit à apprécier
l'autorité d'un tel principe : valeur législative ou
constitutionnelle ? Il s'est toujours opposé à cette
reconnaissance, sans pour autant utiliser une formulation explicite82(*). Dans l'attente d'un
éventuel, mais improbable, revirement jurisprudentiel l'arrêt
SIPPEREC permet de renforcer le contrôle sur les actes de
désaffectation préalables à des aliénations et
ainsi préserver la substance du domaine public, en fournissant un
début de protection contre le risque de dilapidation des patrimoines
publics dans un contexte de développement accru des
phénomènes de cessions et d'externalisation. Une logique
similaire se retrouve dans l'application du principe d'incessibilité des
propriétés publiques à vil prix.
2. L'incessibilité à vil prix des
propriétés publiques
On sait, depuis La Bruyère, que
« la libéralité consiste moins à donner
beaucoup qu'à donner à propos83(*) ». Au
précepte du moraliste, le droit domanial fait écho, puisque la
propriété publique ne peut faire l'objet de cessions à
titre gratuit. En soi la règle selon laquelle les propriétaires
publics ne peuvent céder, aliéner ou échanger leurs biens
sans contrepartie effective n'a rien de surprenant. Elle n'est que
l'expression, dans le droit des biens, du principe selon lequel les personnes
et collectivités publiques ne peuvent pas consentir de
libéralités, et cela tout simplement parce que les biens qu'elles
possèdent, acquis par des deniers publics, sont directement ou
indirectement le support de l'intérêt général dont
elles ont la charge. L'interdiction d'aliéner à vil prix rejoint
la prohibition plus générale des libéralités et,
dans le domaine du contentieux, l'interdiction de condamner une personne
publique à payer une somme qu'elle ne doit pas ( sur ce principe v.
l'arrêt Mergui, C.E. 19 mars 1971 avec les conclusions
Rougevin-Baville). On rattache généralement cette prohibition
à l'obligation pour l'administration d'exiger une redevance de la part
des occupants privatifs du domaine public84(*).
Ce principe, somme toute assez naturel, a
été relayé par une jurisprudence du Conseil
constitutionnel inaugurée par la décision des 25-26 juin 1986. A
propos d'une loi d'habilitation permettant des privatisations d'entreprises, le
Conseil constitutionnel affirme que la protection constitutionnelle du droit de
propriété, telle que commandée par la Déclaration
des droits de 1789, « ne concerne pas seulement la
propriété privée des particuliers, mais aussi, à
titre égal, la propriété de l'Etat et des autres personnes
publiques » ; et il précise, en se fondant sur le
principe d'égalité, que « la Constitution s'oppose
à ce que des biens et des entreprises faisant partie de patrimoines
publics soient cédés à des personnes poursuivant des fins
d'intérêt privé pour des prix inférieurs à
leur valeur »85(*).
Le Conseil constitutionnel a
considéré que les aliénations de biens publics à
des prix inférieurs à leur valeur portaient atteinte aux
intérêts patrimoniaux des propriétaires publics86(*). En effet, lorsqu'une personne
publique décide de céder un terrain ou un bâtiment lui
appartenant pour la somme d'un euro, elle ampute son patrimoine de la valeur
vénale du bien ainsi aliéné. La réalisation de
telles opérations risquerait d'obérer gravement les patrimoines
et deniers publics, alors que l'intégrité et la non-dilapidation
des patrimoines publics constituent une des garanties de la continuité
des pouvoirs publics87(*).
On voit l'influence de la jurisprudence constitutionnelle sur la jurisprudence
administrative. L'incessibilité des biens publics à titre gratuit
s'inscrit dans un ensemble - la protection constitutionnelle de la
propriété publique - à la fois plus large et plus
exigeant.
Toutefois, cette proposition est en
elle-même limitée au cas où le cessionnaire serait
« une personne poursuivant des fins d'intérêt
privé ». Aucune protection constitutionnelle
spécifique ni prohibition n'existent donc pour d'éventuelles
cessions de biens, par une personne publique, à une autre personne
publique ou encore à des personnes privées poursuivant des fins
d'intérêt général. L'incessibilité des biens
publics conçus par le Conseil constitutionnel est finalement
définie par deux critères. Le premier est organique dans
la mesure où seules les personnes privées sont assujetties
à cette interdiction, les personnes publiques en sont
dégagées. Le second est matériel puisqu'il implique
un examen de l'activité des personnes privées. Celles poursuivant
une activité d'intérêt général sont
susceptibles d'acquérir des propriétés publiques à
des prix dérisoires tandis que celles qui ont une activité
purement privée doivent payer le prix correspondant à la valeur
desdits biens.
De surcroît, le Conseil d'Etat au
contentieux a retenu une interprétation peu contraignante - mais
réaliste - de ces principes protecteurs du domaine public et s'opposant
à ce qu'aucun élément du patrimoine public puisse
être cédé à vil prix. Alors que le tribunal
administratif de Besançon en avait tiré la conséquence
qu'une commune ne pouvait pas céder une parcelle de son domaine
privé à un prix inférieur à sa valeur, et notamment
pour un franc symbolique. Le Conseil d'Etat a jugé au contraire que
« la cession par une commune d'un terrain à une entreprise
pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être
regardée comme méconnaissant le principe selon lequel une
collectivité publique ne peut pas céder un élément
de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à
une personne poursuivant des fins d'intérêt privé, lorsque
la cession est justifiée par des motifs d'intérêt
général et comprend des contreparties
suffisantes »88(*). La cour administrative d'appel de Nantes a
jugé dans le même sens qu'il n'y avait pas d'atteinte à la
protection constitutionnelle de la propriété publique dans le
fait pour une commune, de céder des lots de lotissements communaux
à bas prix au regard des motifs d'intérêt
général par ailleurs poursuivis89(*).
?
L'opposition traditionnelle entre protection
et valorisation du patrimoine public avait cours lorsque ce dernier
était essentiellement appréhendé comme un espace de
police. Si la valorisation connaît des limites - nécessaires pour
éviter toute dilapidation -, l'exploitation est désormais
l'objectif premier des politiques publiques domaniales. Il convient
néanmoins de rappeler que la valorisation n'est pas seulement la
maximisation du profit qu'il est possible d'en retirer, elle inclut aussi la
recherche d'une meilleure satisfaction d'un intérêt
général. La valorisation doit s'entendre d'une exploitation
économique au service de l'utilité publique et de la
continuité du service public. Une telle conciliation d'objectifs
apparemment antinomiques se retrouvait déjà dans l'avis du
Conseil d'Etat du 31 janvier 199590(*). Dans sa décision, la Haute Juridiction admet
la légalité d'un montage mettant en oeuvre un mécanisme de
location avec option d'achat sur la base d'autorisation d'occupation du domaine
public constitutive de droits réels. Aucun obstacle à valeur
constitutionnelle n'était venu interdire une telle opération,
consacrée depuis par le législateur et avalisée par les
Neuf Sages91(*).
Il convient désormais d'étudier
l'application pratique de la politique de protection de la valeur
économique et financière du patrimoine public.
Partie 2
Politiques et outils de la protection financière
du patrimoine public
ou
l'essor d'une nouvelle gouvernance patrimoniale
D
epuis une quinzaine d'année, la domanialité
publique est en débat. « Parce qu'il renvoie à une
conception désuète de la propriété publique,
inaliénable et imprescriptible, le régime juridique des biens
publics, à force de dissuader l'initiative économique, oblige
parfois à des attitudes ou des montages fragiles, toujours susceptibles
de provoquer des procès. »92(*)
Il semble que le professeur J. CAILLOSSE ait
été entendu. L'idée de réformer le droit domanial
relève désormais du lieu commun. En effet, le droit des biens
connaît actuellement une vague de réformes et de politiques qui
tendent à faire de la valorisation un impératif à mettre
en oeuvre. Il s'agit de prendre acte des carences du régime juridique.
Ce dernier était devenu insuffisant voire inadapté aux exigences
économiques93(*).
Jusqu'à une période récente, il était admis que le
coût de l'utilisation des propriétés publiques n'avait pas
à être pris en compte dans le calcul du coût de
fonctionnement des services publics. Pour des raisons que tous le monde
connaît - état des finances publiques, ouverture à la
concurrence des principaux services publics industriels et commerciaux,
influence des nouveaux modes de gestion du patrimoine des entreprises,
développements des techniques d'externalisation - cette conception n'a
plus cours.
Il est désormais pleinement admis que
les personnes publiques doivent avoir une « gestion patrimoniale
optimale95(*) ». C'est pourquoi, les pouvoirs
publics s'acheminent incontestablement vers le perfectionnement d'outils
juridiques permettant de valoriser le domaine public. Tandis que, l'adoption du
Code général de la propriété des personnes
publiques atteste d'une modernisation de l'exploitation économique du
patrimoine (SECTION 1), les politiques domaniales
étatiques démontrent le développement, en la
matière, d'un management public empreint des dogmes entrepreneuriaux
(SECTION 2).
SECTION 1
LA MODERNISATION DE L'EXPLOITATION ECONOMIQUE DU
PATRIMOINE PUBLIC
« Quand le droit ne convient pas, plutôt que
de chercher à le tourner, il faut songer à le
changer 96(*)»
La publication d'un nouveau code constitue
toujours un événement. Conçu, comme un outil de
référence de tel ou tel pan du droit, un code doit
améliorer à la fois la lisibilité de la norme et
l'accessibilité du droit. La publication au Journal officiel du 22 avril
2006 de l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la
partie législative du code général de la
propriété des personnes publiques (CGPPP) constitue donc un
événement en soi.
Le contexte dans lequel est intervenue
l'adoption de ce code était particulièrement propice. Une mise
à jour du droit des propriétés publiques s'était
avérée être une absolue nécessité.
L'hypertrophie du régime de domanialité publique combinée
à une interprétation inutilement exigeante de ce régime
confisquait toutes les perspectives de valorisation par ailleurs
encouragées. Le Code général de la propriété
des personnes publiques a donc réformé assez
considérablement l'exploitation domaniale. C'est parce qu'il consacre
une approche par la propriété que le CGPPP procède
à une modernisation du droit des biens.
Le code présente à raison, de
son objet et des interventions législatives antérieures qu'il
conforte, une singularité qui s'apprécie notamment au regard de
son économie générale. On se limitera donc à
l'analyse des innovations les plus marquantes. Les règles nouvelles du
code commentées ci-après sont le reflet de deux
préoccupations : renouveler la gestion patrimoniale des personnes
publiques (§1) et assurer la performance financière de leur domaine
public (§2).
§ 1. Une gestion patrimoniale
renouvelée :
Le constat, effectué dès 1986
par le rapport du Conseil d'Etat sur l'avenir du droit des
propriétés publiques, d'un domaine public hypertrophié
dont la protection certes nécessaire avait toutefois des
conséquences patrimoniales déraisonnables pour le gestionnaire
compte tenu de la rigidité des règles, a conduit les auteurs du
Code à définir par la loi, le domaine public immobilier afin d'en
contenir l'étendue97(*) (A). Le code vient également conforter des
interventions législatives ponctuelles antérieures98(*). Le renouvellement de la
gestion est donc assuré par les règles relatives aux
opérations de cession, d'échange ou de transfert de
propriété. Toutes ces dispositions facilitent la respiration du
domaine public (B).
A. La limitation de l'hypertrophie99(*) du domaine
public : une nouvelle définition à l'effectivité
incertaine
« Il convient, au préalable, d'aborder une
notion-clé, celle du domaine public. Est-ce un
héritage de l'ancienne monarchie ou du droit administratif
républicain ? Si l'héritage est porteur de routine, il faut
avoir la franchise de l'abolir. Si en revanche, on doit le considérer
comme un outil, il faut l'améliorer. Aussi loin que l'on remonte, la
notion de domaine public a été envisagée comme un outil
irremplaçable pour permettre à l'Etat d'organiser la localisation
de certaines activités économiques.100(*) ».
Il existe dans le discours doctrinal un
relatif consensus pour dénoncer l'excessive rigidité de la
domanialité publique. Mais les divergences apparaissent lorsqu'il s'agit
d'exposer les voies et les moyens d'une possible évolution. Soit on
songe à régler les problèmes liés à la
division domaniale soit, au contraire, on suggère d'aménager le
cadre de l'intervention : le domaine recevrait une définition
restrictive grâce à l'intervention d'un critère
pondérateur plus efficace que celui de l'aménagement
spécial. Le CGPPP a décidé de privilégier la
deuxième voie, en procédant à un recentrage de la
domanialité publique (1). L'adoption de ce Code a également
été l'occasion d'affaiblir la règle de l'accessoire. Cette
dernière était devenue incompatible avec la volonté
politique de réduire la consistance du domaine public (2). Toutefois,
Ces deux innovations sont à relativiser, dans leur application
concrète, au regard de la rédaction retenue par le
législateur.
1. Le recentrage de la domanialité
publique
Historiquement, l'Etat a étendu son
domaine dans le même temps qu'il accroissait son territoire. Cette
conception quantitative a montré ses limites. L'inventaire des biens
composant le domaine public n'a cessé de s'enrichir. La raison peut en
être trouvée dans la volonté des pouvoirs publics de donner
à une grande partie de leurs biens des éléments de
protection du fait de leur affectation à l'intérêt
général. Le critère accueillant de la notion de service
public a permis cet élargissement ainsi que l'effet peu réducteur
de la condition d'aménagement spécial. Alors qu'une partie de la
doctrine prône l'abandon du recours à un critère
réducteur (á), le législateur en 2006 a maintenu son
application (â)
á. Les tenants de l'abandon d'une
définition du domaine public en application d'un critère
réducteur
« Faut-il
définir le domaine public et comment ? » tel est le
titre d'un article du professeur H. HUBRECHT101(*) qui à l'immense intérêt de
mettre en exergue la difficulté d'arrêter une définition du
domaine public. Selon M. HUBRECHT, la logique dominante est désormais
celle d'un régime législatif adapté à chaque type
de biens appartenant à chaque catégorie de personnes publiques.
On ne serait plus « dans la pure logique de la définition
générique mais plutôt dans celle d'un ultime filet
protecteur ». Cela incite à conserver une
définition traditionnelle par l'affectation à l'usage du public
ou du service public mais sans la référence à quelque
critère réducteur que ce soit. En effet, le critère de
l'aménagement spécial a été inventé dans la
perspective sinon exclusive du moins principale de faire échapper aux
rigueurs de la domanialité publique les immeubles de bureaux
banalisés. L'objectif ayant été atteint, ce critère
perdrait toute utilité. En outre, son maintien alimenterait des
difficultés d'interprétations contentieuses non
négligeables.
L'adoption du Code général de
la propriété des personnes publiques va à l'encontre des
préconisations de M. HUBRECHT. Le législateur a en effet pris le
parti d'arrêter une définition générale reposant sur
un critère plus réducteur que celui d'aménagement
spécial. Une cure de minceur pourrait succéder à
« l'hypertrophie pathologique du domaine public »
(G. LIET-VEAUX).
â. Une nouvelle définition du
domaine public propice aux exigences de valorisation
Selon l'article L. 2111-1 du CGPPP,
« sous réserve de dispositions législatives
spéciales, le domaine public d'une personne publique est
constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés
à l'usage direct du public, soit affectés à un service
public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement
indispensable à l'exécution des missions de ce service
public. »
Le législateur prend la main pour
préciser par la loi les critères devant être mis en oeuvre
pour définir le domaine public immobilier. La définition retenue
par le législateur est centrée sur la notion
d'affectation, étant observé que la condition
d'appartenance du bien à une personne publique demeure. Il doit s'agir
d'une propriété pleine et entière. La jurisprudence ( CE,
Section, 11 février 1994, Cie d'assurances Préservatrices
foncières, Rec. P. 65) exclut l'application du régime de la
domanialité publique les immeubles en copropriété.
Le changement de terminologie n'est pas
anodin :
- Pour les biens affectés à l'usage direct du
public, toute référence explicite à
l'aménagement disparaît (CE, 28 juin 1935,
Marécar, Rec. P. 734). Cela présente un inconvénient
majeur : celui de redonner une portée à la distinction entre
les biens affectés à l'usage direct du public et les biens
affectés à un service public. En effet, ainsi que de nombreux
arrêts l'on montré102(*) La distinction n'est pas toujours aussi claire,
selon Y. GAUDEMET, « l'affectation peut dans certains cas aussi
bien être présentée comme faite à l'usage du public
ou à un service public103(*) ». Désormais, la distinction entre
les deux catégories de biens retrouve tout son intérêt
puisque les conditions d'entrée d'un bien dans le domaine public
diffèrent selon que l'on est en présence de l'une ou l'autre
catégorie.
- Pour les biens affectés au service public,
leur domanialité publique dépendra du caractère
indispensable des aménagements pour l'exécution du
service. La recherche d'un critère réducteur de la
domanialité publique s'est imposé depuis longtemps comme une
nécessité. Si tous les auteurs s'accordent pour affirmer que
réduire le domaine public aux biens affectés à l'usage
direct du public est une vue trop étroite et insoutenable à
l'heure du développement des activités publiques, ils
considèrent généralement qu'une extension de la
domanialité publique est inopportune. C'est dans ce contexte qu'en 1956
le Conseil d'Etat a posé le critère de l'aménagement
spécial (CE, 19 octobre 1956, Sté Le Béton, D.
1956, p. 681, concl. LONG).
C'est sur ce point qu'est intervenue une innovation
importante. Comme ce qui était reproché à la notion
d'aménagement spécial, telle que la jurisprudence l'avait
interprétée104(*) c'était de ne pas constituer un
critère suffisamment réducteur, il ne fait aucun doute que si le
CGPPP a opéré cette modification, c'est parce que dans l'esprit
des auteurs, la condition d'aménagement indispensable est plus
exigeante.
La réduction ainsi
opérée sera-t-elle suffisante ? On peut douter que
l'objectif poursuivi soit atteint dans la mesure où il paraît
logique de considérer qu'un aménagement indispensable à
l'exécution des missions de service public, peut ne pas constituer un
aménagement spécial. Il aurait été
préférable d'écrire tout simplement ce que le recours
à la notion d'aménagement indispensable est censé
permettre : limiter la domanialité publique aux biens
nécessaires au bon fonctionnement des services auxquels ils sont
affectés. En pratique, il est fort probable que le résultat
poursuivi sera atteint. On peut penser que le juge saura voir dans la
modification opérée par le Code une invitation à
interpréter plus strictement ce critère.
Un autre apport du Code a été
de mettre un terme à la théorie de domanialité publique
virtuelle. Sur ce point, le rapport au président de la République
était très clair puisqu'il affirmait
que « c'est désormais la réalisation certaine
et effective d'un aménagement indispensable qui déterminera
l'application de la domanialité publique. » Dans quel
but ? « [...] pour priver d'effet la théorie de la
domanialité publique virtuelle ».
Avant le CGPPP, la théorie de la
domanialité publique virtuelle était une théorie qui
régissait la situation d'un bien appartenant à des personnes
publiques entre le moment où la l'affectation publique avait
été décidée et le moment où elle devenait
effective suite à la réalisation des aménagements
spéciaux. Désormais, il faut que le bien fasse
l'objet et non plus ait fait l'objet d'un aménagement
indispensable.
Toutefois, si on s'en tient à la
lettre du texte législatif, si la condition de l'aménagement
indispensable doit être considérée comme remplie dès
que la réalisation de l'aménagement a commencé ; les
biens entrent dans le domaine public avant même que leur affectation soit
effective. On doit donc considérer que la théorie de la
domanialité publique virtuelle n'est pas privée d'effet à
l'égards des biens affectés à un service public,
elle s'applique toutefois pendant une période beaucoup plus courte. Le
doute est donc permis mais le professeur FATÔME souhaite
« que le juge se réfère à la
rédaction limpide du rapport remis au Président de la
république pour abandonner cette théorie, source de
rigidité et d'insécurité juridique105(*) ».
L'effort de limiter la consistance du
domaine public pour soumettre à la domanialité publique, les
seuls biens pour lesquels cette soumission apparaît réellement
nécessaire transparaît également par une réduction
de la portée de la règle de l'accessoire
2. L'affaiblissement de la règle de
l'accessoire
Avant l'adoption du CGPPP, la règle de
l'accessoire s'appliquait si un bien appartenait à une personne publique
et, de manière alternative, s'il était
lié physiquement à une dépendance publique ou s'il en
constituait un élément indispensable ou utile. Si la
première condition est maintenue, le CGPPP procède à un
changement considérable en ce qui concerne la seconde condition.
Dans le but de réduire la
domanialité publique, le législateur exige désormais qu'un
bien ne puisse intégrer le domaine public par application de la
règle de l'accessoire que si, tout à la fois, il
concourt à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public et s'il
constitue un accessoire indissociable de ce bien. Par conséquent, un
lien soit fonctionnel, soit physique ne suffit plus, il faut que les
deux existent cumulativement. La rédaction du Code
soulève quelques interrogations : en ce qui concerne le lien
fonctionnel, de quelle utilisation s'agit-il ? Vise-t-il des utilisations
uniquement conformes ? Ou bien, les utilisations non conformes sont-elles
aussi concernées ? De plus, quelle conception de
l'indissociabilité faut-il retenir ? Dans tous les cas ces
questions devront être résolues par le juge.
Enfin, quel sera l'avenir de cette
règle ? Cette théorie a vocation à unifier le
régime juridique d'un ensemble de biens compris sur une emprise
foncière unique y compris ceux qui ne sont ou pas encore affectés
au service public. Elle a donc pour effet d'accroître le champ de la
domanialité publique. Dans la mesure où les règles
d'incorporation sont désormais fixées par le CGPPP et que la
règle de l'accessoire n'a pas été codifiée, on peut
penser que cette dernière a vocation à disparaître. Cela va
dans le sens d'un resserrement de la définition du domaine public et de
son régime.
Au-delà d'une définition
recentrée sur l'affectation par le jeu d'un critère
réducteur et par la disparition programmée de théories qui
participaient, par leur application, à l'hypertrophie domaniale ;
le renouvellement de la gestion patrimoniale transparaît également
au travers des possibilités qui sont reconnues aux personnes publiques
de faire « respirer » leur domaine public.
B. La respiration du patrimoine public
Si l'objectif de limiter l'hypertrophie
patrimoniale nécessite des précisions que le juge devra lever
dans ses prochaines décisions, la respiration du domaine public laisse
entrevoir des applications concrètes, effectives et plus
immédiates. Ces nouvelles dispositions vont indéniablement dans
le sens d'une protection accrue de la valeur financière du patrimoine
public. Il s'agit de permettre aux personnes publiques d'accroître
l'efficacité de leur gestion domaniale grâce à un
assouplissement des règles traditionnelles gouvernant le régime
des biens publics.
La nouvelle conception de ce que doit
être la gestion des propriétés publiques, telle qu'elle
ressort d'interventions législatives antérieures au CGPPP repose
essentiellement sur deux orientations. Il s'agit tout d'abord d'atténuer
les principes de base traditionnellement caractéristiques du droit des
biens ( désaffectation, inaliénabilité) afin de favoriser
la circulation des propriétés publiques (1). Ensuite, il convient
de favoriser la possibilité pour les personnes publiques de céder
certains biens appartenant au domaine public, dès lors que cela
apparaît être une bonne solution d'un point de vue financier. Le
domaine privé apparaît alors comme le nouvel eldorado d'une
valorisation financière accrue (2). Toutefois, ces opérations de
« privatisation » ne sont pas toujours efficaces et de
nombreuses interrogations sont formulées par la doctrine.
1. La circulation des propriétés
publiques
En la matière, le Code
général de la propriété des personnes publiques
assouplit la jurisprudence, mettant fin à des blocages venus du Conseil
d'Etat. L'état du droit sort amendé sur trois
points106(*).
La circulation dans les patrimoines
administratifs est étendue. Les transferts de gestion sont
désormais possibles pour l'ensemble des personnes publiques ( article L.
2123-3 CGPPP). Ils ne sont plus réservés comme auparavant
à l'Etat.
La circulation vers les patrimoines
privés est favorisée. L'édulcoration du principe
d'inaliénabilité ouvre à l'Etat comme à ses
établissements publics la possibilité de déclasser et de
vendre les immeubles du domaine public artificiel sous la condition
résolutoire d'une désaffectation dans un délai maximum de
trois ans suivant le déclassement. L'article L. 2141-2 du CGPPP permet
de déroger au principe fondamental selon lequel une mesure de
déclassement est illégale si elle ne sanctionne pas une
désaffectation de fait, si l'affectation à l'utilité
publique de l'immeuble n'a pas cessé. Cet article introduit un facteur
de souplesse en autorisant le déclassement par anticipation d'immeubles
encore affectés à un service public. Une cession ne pourra plus
être empêchée au prétexte que la
désaffectation matérielle n'a pas été
réalisée, alors que cette dernière a été
décidée. Cette mesure permet de ne pas retarder une
opération lorsque la désaffectation se prolonge en cas de
complexité de l'opération. Ce régime est néanmoins
encadré. Le déclassement par anticipation doit répondre
aux nécessités du service public. Il ne peut excéder trois
ans.
Enfin, la circulation entre patrimoines
administratifs évolue assez considérablement. La question qui
se posait était de savoir si le principe d'inaliénabilité
s'imposait avec la même rigueur entre personne publique. Cette question
était relativement peu débattue en doctrine alors même que
de la solution dépendait la faculté d'éviter d'importantes
complications107(*).
Alors que le Conseil d'Etat avait une position ambiguë108(*), le CGPPP semble avoir
entendu les collectivités publiques qui souhaitaient un assouplissement
du régime en vigueur. Le Code apporte une sérieuse
dérogation au principe de l'inaliénabilité en autorisant
les transferts de propriétés entre personnes publiques lorsque
s'opère un changement de service public qui maintient le bien en
question sous un régime de domanialité publique. Il devient
loisible à la personne publique propriétaire de s'affranchir de
la contrainte du déclassement préalable (article L. 3113-1). La
même simplification est réalisée pour les échanges
d'immeubles.
Ces dispositions sont de nature à
faciliter de nombreuses opérations foncières entre l'Etat et les
collectivités territoriales. La qualité de gestionnaire de ces
dernières sort incontestablement renforcée. Avant l'intervention
du Code, il existait des procédures d'aliénations domaniales sans
désaffectation. Cependant, elles devaient être
réalisées par voie législative comme en témoigne le
récent déclassement des dépendances affectées au
service public aéroportuaire géré par Aéroports de
Paris pour accompagner son changement de statut (loi n° 2005-357 du 20
avril 2005, JO 21 avril 2005, p. 6969). L'intervention de l'Etat était
donc nécessaire. Lui seul pouvait passer outre le problème
posé par l'impossibilité de désaffecter109(*). Des solutions devaient
être trouvées pour permettre un réel transfert de
propriété sans désaffectation et sans intervention de
l'Etat. C'est ce à quoi, il a été procédé
avec le CGPPP. Les personnes publiques notamment les collectivités
territoriales peuvent désormais en toute légalité
procéder elles aussi à des mutations domaniales. Le droit a ainsi
rattrapé le fait.
2. L'accroissement de la consistance du domaine
privé
La valorisation du patrimoine public
passe-t-elle par une extension du domaine privé afin de profiter de ses
règles de gestion ? Il est vrai que l'on peut se poser la question
tant les réformes qui sont intervenues ces dernières
années en matière patrimoniale, ont eu tendance à
favoriser le déclassement de biens publics afin d'en permettre la
cession. Il conviendra d'exposer les raisons théoriques qui justifient
l'intérêt porté à la domanialité
privée, dans un contexte de poursuite de valorisation domaniale
(á). Pour démontrer cette tendance, deux exemples
législatifs concrets ainsi que les interrogations doctrinales qu'ils ont
suscité seront exposées : le déclassement des
immeubles à usages de bureaux par l'ordonnance du 19 août
2004 et l'incidence de la loi du 20 avril 2005 sur le régime
des infrastructures aéroportuaires (â).
á. Les politiques de déclassement
des dépendances domaniales publiques : le domaine privé,
vecteur d'efficacité patrimoniale ?
Depuis plusieurs années, le
thème de la valorisation110(*) et de la gestion des biens par les personnes
publiques est récurrent et permet de rendre compte du réalisme
économique qui irrigue la matière domaniale, par l'importation
d'une certaine dose de droit privé. Un tel constat, est la
conséquence logique de la volonté des pouvoirs publics d'adapter
le domaine public aux besoins des acteurs publics et privés intervenant
en matière domaniale.
Cette volonté s'appuie sur des
justifications d'ordres économique et financier : importance
économique du domaine public et raréfaction des ressources
publiques. Une grande partie du domaine public, composée des
infrastructures portuaires, aéroportuaires, routières,
ferroviaires, est devenue vitale au développement économique. La
volonté d'adapter le régime juridique de ce domaine répond
au souci d'y permettre la réalisation d'investissements lourds et
l'accueil du plus grand nombre d'activités économiques, notamment
assurées par les acteurs privés. La raréfaction des
ressources publiques a conduit les pouvoirs publics à vouloir
réformer le régime domanial afin de faciliter de nouveaux
investissements, notamment par des financements privés.
Dans cette perspective, une partie de la
doctrine prône l'abandon de la domanialité
publique111(*).
Madame LATOURNERIE légitime d'ailleurs cette solution : cette
« seconde piste qui a priori peut paraître plus radicale,
mais il n'est pas sûr qu'elle le soit, [...] serait d'avoir comme
objectif de faire carrément sauter la notion de domaine
privé », son régime étant étendu
à l'ensemble des biens publics112(*). L'extension de la domanialité privée
serait alors envisageable voire même souhaitable. Elle
présenterait d'autant plus d'intérêts que la
domanialité publique remplirait mal sa fonction première en
raison de l'évolution des besoins des acteurs juridiques. Ainsi que le
déplore M. BEYSSON, « les principes qui ont
été établis pour assurer la protection des
intérêts de la puissance publique se retournent en
réalité contre les objectifs poursuivis par ses
représentants »113(*) Le régime du domaine privé semble en
effet être à même d'assurer l'adaptation aux exigences
économiques des dépendances domaniales tout en assurant la prise
en compte des intérêts collectifs dont les biens publics sont le
support.
La liberté des collectivités
publiques d'exploiter les biens composant leur domaine privé est assez
large. Selon M. MOYSAN, l'extension de la domanialité privée
apporterait les réponses aux différents types de
difficultés rencontrés parce qu'elle permettrait à la
collectivité de prendre tous les actes que la propriété
autorise. L'extension du régime du domaine privé permettrait aux
collectivités publiques d'aliéner librement toutes leurs
dépendances, de réaliser leurs investissements grâce aux
techniques classiques de financement.
La poursuite de l'efficacité de
gestion a naturellement conduit le législateur à déclasser
les immeubles à usage de bureaux et les infrastructures
aéroportuaires. Ces deux interventions attestent des vertus dont le
domaine privé serait porteur. Pour autant, la domanialité
publique, telle qu'elle a été réformée à la
suite de l'adoption du CGPPP, n'est en rien antinomique avec la protection de
la valeur financière du patrimoine. Ceci d'autant plus, qu'une
« privatisation » systématique des
dépendances prive de l'application de montages contractuels publics qui
assurent tout autant la valorisation du patrimoine. C'est pourquoi, ces
réformes ont suscité quelques réserves doctrinales. De
plus, de nombreux biens privés demeurent soumis à un
régime exorbitant. Si leur aliénabilité constitue leur
caractéristique fondamentale, les biens privés affectés
à un service public peuvent être inaliénables afin de
maintenir la continuité du service public. Cela démontre qu'il
faut se garder d'avoir une vision trop manichéenne des classifications
domaniales.
â. Les exemples
concrets d'un accroissement de la domanialité privée : le
développement de « biens privés affectés au
service public »
« le droit public de l'économie n'en finit
pas d'être un animal juridique singulier114(*) »
Concomitamment à l'adoption du Code
général de la propriété des personnes publiques, le
législateur a fondé la réforme du droit domanial sur le
déclassement de certaines dépendances afin de pouvoir les
soumettre au régime de la domanialité privée. Ces
interventions législatives contribuent à créer des biens
privés soumis à un régime hybride qui peut paralyser le
souci initial de valorisation. En effet, l'arbitrage entre les forces du
marché et les exigences de service public ne sont jamais univoques. En
dépit de la domanialité privée, l'application du droit
public se maintient. Cette « schizophrénie » peut
être un obstacle à la protection financière du patrimoine
public initialement recherchée. Cela s'est avéré
être le cas pour les aéroports et moins pour les immeubles
à usage de bureaux.
q Le déclassement des immeubles à usage de
bureaux
Un recours à des procédures de
cessions d'immeubles administratifs banalisés et occupés, en vue
de leur reprise en location par l'Etat auprès de l'acquéreur
impliquait de s'affranchir de la domanialité publique. Le
déclassement des immeubles à usage de bureaux a été
envisagé dans le rapport présenté en 1999 par M. QUERRIEN
qui a constitué le socle du CGPPP et dont les dispositions ont
été reprises dans une ordonnance en 2004.
Afin de permettre à l'Etat de
valoriser son patrimoine immobilier, l'ordonnance du 19 août 2004 a
posé le principe que les immeubles de bureaux lui appartenant
relèvent du domaine privé. Elle est venue parachever une longue
liste d'interventions législatives ponctuelles qui avaient assoupli le
régime juridique du domaine115(*). L'article 1er de l'ordonnance a
ajouté au second alinéa de l'article L. 2 du Code du Domaine de
l'Etat : « Notamment les biens immobiliers à usage de
bureaux, propriété de l'Etat ou de ses établissements
publics, à l'exclusion de ceux formant un ensemble indivisible avec des
biens immobiliers appartenant au domaine public, font partie du domaine
privé de ces personnes publiques ». L'inclusion de ces
immeubles dans le domaine privé était subordonnée à
la réunion de trois éléments. Les
biens immobiliers devaient être à usage de bureaux. Pour cela,
il devait accueillir des activités « de direction, de
service, de conseil, d'étude » au sens du Code de
l'urbanisme116(*),
c'est-à-dire, plus globalement des activités de bureaux. De plus,
à l'incompatibilité de principe entre domanialité
publique et copropriété117(*), l'immeuble devait appartenir à l'Etat.
Sur ce dernier point, le déclassement des immeubles à usage de
bureaux a été étendu aux collectivités
territoriales par l'article L. 2211-1 du CGPPP.
Ces biens bénéficient alors de
la domanialité privée. Cette dernière est notamment
« débarrassée » du principe
d'inaliénabilité qui était vécu comme le principal
obstacle au développement économique du patrimoine public.
Toutefois, ces biens, quoique intégrés au domaine privé,
peuvent être soumis à un régime exorbitant. S'agissant des
immeubles à usage de bureaux non affectés à un service
public, leur soumission au droit commun trouve sa limite dans le fait
qu « à l'égal du domaine public, le domaine
privé est une propriété publique118(*) ». En ce qui
concernent les biens affectés à un service publics, une limite
supplémentaire surgit : la continuité du service public.
Si ces immeubles demeurent utilisés
par les administrations et ont par la même une affectation publique, la
marge de manoeuvre offerte aux gestionnaires publics est encadrée par le
nécessaire respect des principes d'insaisissabilité et
d'incessibilité à vil prix. Quant à l'acte de cession, il
doit contribuer à préserver la continuité du service
public. Toutefois, ce régime hybride n'a pas constitué un
obstacle. Ces dispositions ont servi de fondement à une vague importante
de cessions d'immeubles. Longtemps attendue par les praticiens, cette
réforme met en exergue le potentiel de valorisation offert par le
domaine privé.
La gestion immobilière est un chantier
emblématique de la réforme plus globale de l'Etat. En
matière immobilière, cela implique d'évoluer vers un parc
moins coûteux, plus adapté, mieux entretenu. Il est
désormais admis que les personnes publiques doivent avoir une
« gestion patrimoniale optimale ». Cela implique qu'elles
aient la possibilité de ne pas être systématiquement
propriétaire des biens nécessaires au fonctionnement des services
publics dont elles sont responsables. On reconnaît désormais aux
personnes publiques la possibilité d'externaliser l'immobilier,
c'est-à-dire, de le vendre tout en continuant de l'utiliser. En outre,
la gestion patrimoniale passe également par la possibilité, sous
réserve de ne pas compromettre le fonctionnement des services publics,
de valoriser toutes les utilités de leurs biens affectés qui ne
sont pas accaparés par leur affectation. Ils deviennent alors source de
revenus.
Le déclassement des infrastructures
aéroportuaires en 2005 a également participé à
l'émergence d' « un quasi-domaine
public119(*) ».
q Le déclassement des aéroports
La loi du 20 avril 2005 relative aux
aéroports change le statut juridique des infrastructures
aéroportuaires. L'établissement public Aéroport de Paris
(ADP) est transformé en société anonyme
contrôlée par l'Etat. Les concessions des grands aéroports
régionaux d'intérêt national ou international pourront
dorénavant être attribuées à des
sociétés de droit privé au capital desquelles
participeront les chambres de commerce et d'industrie et les
collectivités territoriales intéressées. Au-delà de
ces transformations institutionnelles, la loi montre que la privatisation des
structures juridiques n'implique pas le délitement systématique
des techniques de droit public et contribue à l'émergence d'une
propriété privée affectée à
l'utilité publique.
Le déclassement des dépendances
du domaine public est habituellement requis pour transférer des biens
qui ne sont plus affectés à l'utilité publique dans le
domaine privé et pour les restituer au commerce. On retrouve cette
exigence pour les biens du domaine d'ADP120(*).
Cela dit, ce n'est pas parce que les biens de
la société ADP sont désormais des propriétés
privées qu'ils sont exclusivement régis par le droit civil et le
droit commercial. Au contraire, des règles exorbitantes du droit commun
s'appliquent, rappelant par-là, que lorsqu'un bien est affecté
à l'utilité publique, qu'il soit public ou privé, un
régime spécifique protecteur de son affectation doit être
institué. L'aliénation de ces biens n'est donc pas libre.
L'article L. 251-3, alinéa 1er du Code de l'aviation civile,
modifié par la loi du 20 avril 2005, prévoit que les biens d'ADP
ne peuvent être cédés lorsqu'ils sont
« nécessaires à la bonne exécution par la
société de ses missions de service public ».
L'Etat est chargé de s'opposer à de telles cessions. Cette
disposition n'ouvre pas, pour l'Etat, une faculté mais une obligation.
C'est pourquoi, les cessions réalisées sans que l'Etat ait
été mis en mesure de s'y opposer ou en violation de son
opposition sont nulles de plein droit (article L. 251-3, al. 3 du code de
l'aviation civile). Cette atteinte au principe de libre disposition des biens
privés permet de préserver l'exécution des missions de
service public d'ADP, cette dernière est en outre assurée par
l'insaisissabilité de ces biens121(*).
Les dispositions précitées
instituent ni plus ni moins un mécanisme d'autorisation préalable
qui ne va pas dans le sens d'une valorisation des dépendances
domaniales. En effet, les exigences du service public en exigeait-elle
autant ? On peut se demander si le législateur n'a pas pris le
risque de dissuader les investisseurs privés de participer au capital de
la société voire de conclure des partenariats
publics-privés122(*) dès lors que les possibilités de
développement dépendront toujours in fine de la
décision de l'Etat. Au demeurant, certains procédés de
droit privé sont explicitement interdits : ainsi de la conclusion
de baux commerciaux par ADP et de l'exercice des voies d'exécution du
droit commercial.
Cet exemple législatif démontre
clairement que la protection ne passe pas par un déclassement
systématique des dépendances. En effet, ce serait oublier que la
domanialité publique, qui a certes été longtemps un
obstacle à la valorisation des biens, a été
réformée pour répondre à de telles
préoccupations. L'application de la loi du 20 avril 2005 écarte
toute possibilité d'avoir recours à des montages contractuels
complexes biens connus de type BEA ou AOT jumelés avec une LOA ou plus
récemment de PPP et qui auraient permis de satisfaire les attentes de
tous les acteurs potentiels : les partenaires privés qui se
seraient vus reconnaître des garanties suffisantes et les personnes
publiques qui auraient été assurées de voir les
dépendances valorisées grâce à l'occupation
privative. Dans cette optique, la protection de la valeur du patrimoine
était assurée.
En définitive, l'ordonnance de 2004 et
la loi d'avril 2005 démontrent que les politiques domaniales qui
cherchent à promouvoir la protection financière du patrimoine
public passent largement par une soumission des biens aux techniques du droit
privé. Les contrats emportant occupation du domaine aéroportuaire
ne seront plus ainsi des conventions d'occupation du domaine public et
échapperont de ce fait à la juridiction administrative. Cette
tendance se manifeste dans la constitution de droits réels sur le
domaine public, au financement privé des équipements publics ou
à la vente des immeubles à usage de bureaux. Toutefois, on ne
peut manquer de remarquer la permanence des procédés de droit
public123(*). Une telle
combinaison de régime peut s'avérer néfaste pour une
valorisation efficace. En ce qui concerne les infrastructures
aéroportuaires, la liberté de gestion d'ADP ne sera jamais
totale. Au final, selon B. GARIDOU « si les pouvoirs publics
s'acheminent incontestablement vers le perfectionnement d'outils juridiques
permettant de valoriser le domaine public, ce n'est pas parce qu'ils souhaitent
qu'il devienne le domaine privé mais justement parce qu'il est le
domaine public !124(*) ». Il ne s'agit pas de
privilégier frénétiquement la domanialité
privée et occulter les bénéfices, en terme de
valorisation, que peuvent retirer certaines dépendances de la
domanialité publique.
?
Néanmoins, la nouvelle gouvernance
patrimoniale qui tend à se mettre en place avec ces différents
textes laisse apparaître une constante : la recherche de la
performance financière du patrimoine public.
§ 2. La performance financière du patrimoine
public
Les pressions de la valorisation concernent les gestionnaires
des dépendances du domaine public qui doivent prendre en compte les
impératifs de la rentabilité domaniale et favoriser au maximum
les développements harmonieux des investissements privés dans le
cadre d'une stratégie globale de protection de la valeur des
dépendances publiques. Dans ce contexte, il est parfaitement
légal que l'Administration se préoccupe du but financier.
Les idées de gestion économique marquent dorénavant de
leur empreinte l'activité administrative.
La valorisation passe alors par le
développement des occupations sur les dépendances domaniales. En
effet, ces utilisations permettent à la personne publique, à la
fois de retirer un gain non négligeable par la perception de redevances,
et de profiter des aménagements réalisés par l'occupant.
La performance financière du patrimoine publique est donc assurée
par la rentabilisation de l'occupation (A) et la productivité
apportée à la propriété domaniale par les
opérateurs privés (B).
A La rentabilisation des occupations domaniales
Aujourd'hui, la reconnaissance d'un droit de
propriété aux collectivités publiques sur le domaine
public leur confère la possibilité d'exploiter leur titre de
propriétaire. L'utilisation du domaine public se caractérise
aujourd'hui par son onérosité. La valorisation économique
du domaine public est recherchée que son utilisation soit collective ou
privative (1). Cette valorisation du domaine est également
confirmée par le caractère économique de la redevance pour
occupation de celui-ci (2).
1. L'exploitation financière du patrimoine
public ou le déclin de la gratuité face aux exigences de
valorisation
« La gratuité ne peut être
considérée comme une règle juridique contraignante pour
l'administration que là où la loi l'a spécifiquement
prévue. Pour le reste elle n'est qu'une modalité d'organisation
administrative, qui coexiste avec d'autres formes d'organisation. C'est en ce
sens que l'on peut dire qu'il n'existe pas de principe général de
gratuité125(*) »
La conception qui se développe depuis
un demi-siècle selon laquelle le domaine public constitue une richesse
économique que les collectivités publiques doivent exploiter se
manifeste non seulement dans le pouvoir qui leur a été reconnu
par le juge de réglementer l'usage de ce domaine en tenant compte de
motivations diverses (notamment financières) mais encore dans celui de
percevoir des droits à l'occasion de l'usage de ce domaine par les
particuliers. Le recul du principe de la gratuité qui en résulte
mérite de retenir l'attention. Non pas pour son importance sur le plan
des ressources des collectivités publiques car en fait il n'y a
guère de changements de ce point de vue : les ressources domaniales
sont dérisoires lorsqu'elles sont rapportées à l'ensemble
des recettes perçues126(*). Mais pour sa signification sur le plan de la
liberté d'utilisation du domaine public. Elle atteste de la poursuite de
la valorisation économique du domaine public au profit de
l'autorité gestionnaire, tant en ce qui concerne les utilisations
collectives (á) que les utilisations privatives (â).
á. Une remise en cause de la
gratuité du domaine public par le développement du
caractère financier des utilisations collectives.
Que l'usage commun du domaine public puisse
être source de profits pour l'administration, voilà qui doit
étonner. Généralement se sont les occupations privatives
qui sont étudiées pour démontrer la poursuite croissante
d'une politique de valorisation. En effet, les utilisations privatives sont
l'occasion pour les personnes publiques de contracter avec un partenaire
privé qui en contrepartie de son occupation verse une redevance.
Au-delà du strict intérêt financier que les
propriétaires publics retirent d'un tel partenariat, ils profitent des
aménagements matériels de l'occupation. Là encore, les
propos doivent être nuancés.
Les utilisations communes des
dépendances domaniales publiques, sont liées normalement au
principe de gratuité. Ce principe est le corollaire des autres
règles régissant les utilisations collectives du domaine
public : la liberté et l'égalité, même si ces
deux derniers principes ont une valeur constitutionnelle que n'a pas le
principe de gratuité. Néanmoins, la gratuité des
utilisations communes connaît depuis plusieurs années de multiples
dérogations127(*). L'administration en effet n'entend plus
faire des occupations privatives la seule source de ses revenus
domaniaux. Déjà il est vrai, au début du
siècle, un régime répressif rigoureux du point de vue des
réparations sanctionnait les dégradations dont le domaine pouvait
être l'objet. Mais il ne s'agissait que d'un régime
répressif qui tout en assurant la protection matérielle des
dépendances ne portait pas atteinte à la gratuité. Il en
est tout autrement avec la mise en place de péages sur les voies
publiques et l'instauration du stationnement payant128(*). La gratuité de
l'usage commun qui constitue une des conquêtes de la Révolution
fut donc de brève durée.
â. L'autorisation d'occupation privative,
instrument de gestion du domaine public
La conception traditionnelle du domaine
public cède le pas à une conception plus dynamique de la
domanialité que formulait G. JEZE en 1922 à propos des
permissions de voirie : « ne prendre en considération
que l'élément de police, c'est perdre de vue la nature
essentielle, économique et juridique de la permission de
voirie ». Dans cette perspective, l'autorisation d'occupation
privative du domaine public constitue un instrument d'exploitation du domaine
et elle doit désormais avoir un prix. Les autorisations
d'occupations privatives sont des actes de gestion qui tendent
vers une fin d'ordre économique : la rentabilité
financière du patrimoine public.
L'utilisation privative du domaine est une
source de revenus pour l'administration car cette occupation, qu'elle
résulte d'une autorisation unilatérale ou d'un contrat, est
soumise au paiement obligatoire d'une redevance. Cette obligation
résulte de l'incapacité des personnes publiques à
consentir des libéralités : « outre que le
domaine public peut être considéré comme un bien productif
du meilleur revenu possible, les communes ne sont pas habilitées
à consentir des libéralités aux particuliers et à
établir des discriminations aboutissant à créer des
catégories privilégiées d'usagers129(*) ». Il n'y a aucune
raison en effet de priver la collectivité de la jouissance d'une partie
du domaine public, ni de faire bénéficier un particulier d'un tel
avantage sans qu'aucune contrepartie ne soit exigée. Cela a
été réaffirmé récemment d'abord par la
jurisprudence puis par le Code général de la
propriété des personnes publiques.
En 2004, la Cour administrative d'appel de
Marseille130(*) a
consacré l'existence d'un « principe
général du droit de non-gratuité »
de l'occupation privative du domaine public en se fondant sur
« l'avantage particulier procuré à leurs
bénéficiaires par les occupations privatives du domaine
public 131(*)». En 2006, le CGPPP modernise le régime
financier de l'occupation du domaine public. Il s'est pour cela inspiré
des réflexions contenues dans l'étude du Conseil d'Etat relative
aux redevances pour service rendu et redevances pour occupation du domaine
public. Ainsi, le principe selon lequel toute occupation quel qu'en soit le
propriétaire, donne lieu au paiement d'une redevance tenant compte des
avantages procurés à l'occupant, est-il consacré par la
loi (art. L. 2125-1). Pour autant la démarche n'est pas sans nuance. La
reconnaissance de la non-gratuité des occupations privative s'accompagne
d'exceptions. L'exigence de principe d'une redevance afin d'assurer
l'égalité devant les charges publiques peut être
écartée pour un motif d'intérêt
général. Dans le même sens, le CGPPP a clarifié les
situations où un intérêt public justifie la gratuité
(articles L. 2125-1 et L. 2125-3). Celle-ci se conçoit dans deux
cas : lorsque l'occupation est la condition naturelle et forcée de
l'exécution de travaux intéressant un service public
bénéficiant gratuitement à tous ou lorsque l'occupation
contribue à assurer la conservation du domaine public ou la
sécurité des usagers132(*).
Ces deux reconnaissances s'inscrivent plus
largement dans la logique bien connue selon laquelle le domaine public n'est
plus simplement le siège d'un pouvoir de police. Elle découle
également de la protection constitutionnelle des
propriétés publiques et de l'incessibiblité des biens
publics à vil prix. Tout ceci a conduit le Conseil d'Etat a
refusé de reconnaître l'existence d'un principe
général de gratuité des occupations privatives du domaine
public133(*).
Dans cette optique, la Cour des Comptes a
ordonné aux gestionnaires de ne pas négliger les revenus
domaniaux, soulignant même l'insuffisance des redevances d'occupation du
domaine public en affirmant que « d'une manière
générale, il serait souhaitable que les redevances de cette
nature tiennent un plus juste compte de la valeur des terrains et des
installations concédées134(*). » Pour C. Teitgen-Colly, ce
décalage s'explique par la volonté délibérée
de l'Etat de faciliter la création par des personnes privées de
certaines infrastructures trop lourdes pour son budget. « A son
intérêt financier à court terme réalisé par
la perception d'une redevance, l'Etat préfèrerait son
intérêt financier à long terme qui est de
récupérer en fin de concession le maximum d'ouvrages construits
à moindre frais135(*) ». En effet, la recherche d'un loyer
maximal devient plus difficile pour l'administration dans le cas où elle
met à disposition le domaine public pour l'aménagement
d'équipement public favorisant la valorisation du patrimoine public.
2. Le caractère économique de la
redevance pour occupation du domaine public
Lorsque le domaine public n'était
qu'un objet de police administrative, la redevance pour occupation ne pouvait
qu'être relative à la surface du domaine occupé. Avec les
notions de gestion et de valorisation du patrimoine public, la redevance a un
second fondement : faire bénéficier la collectivité
aux bénéfices dont l'occupation privative peut être la
source (á). Le caractère économique de la redevance
exacerbé à propos des licences UMTS136(*) (â).
á. La redevance, source de
bénéfices pour la personne publique
propriétaire
L'administration traque tout exploitant
susceptible de s'enrichir d'une façon quelconque sur le domaine. Toute
occupation du domaine public nécessite une autorisation. Chaque
emplacement occupé privativement devant rapporter, il n'est pas rare que
les collectivités affectent un fonctionnaire à la recherche de
toute occupation qui ne ferait pas l'objet de la délivrance d'un titre
et en conséquence du paiement de la redevance137(*)
Le souci d'une meilleure gestion du domaine
public a entraîné une évolution importante de la redevance.
Son caractère économique est de plus en plus marqué. Le
Conseil d'Etat n'a pas manqué de rappeler que les redevances ont avant
tout un motif purement financier et qu'elles sont accordées par
« l'autorité gestionnaire du domaine public138(*) ». Le souci
d'une meilleure gestion du domaine public est à l'origine de la
modification du mode de calcul des redevances. Celles-ci comprennent deux
éléments : l'un fixe, l'autre variable.
Le premier élément est
constitué d'une somme fixe et proportionnelle à la surface
occupée, dans un premier temps, l'occupant ne payait que cet
élément fixe.
Par la suite, différentes
décisions vont admettre la possibilité d'introduire un
élément variable. En 1923, le Conseil d'Etat admet que le
niveau de la redevance puisse tenir compte de l'usage fait de la
dépendance domaniale et de la nature des commerces
exercés139(*).
Dix ans plus tard la formulation devient plus explicite. Le Conseil d'Etat va
reconnaître la légalité de redevances fixées
« sur une base autre que la superficie des emplacements
utilisés140(*) » et visant à tenir compte des
bénéfices de l'occupant. Cette jurisprudence a été
codifiée d'abord par un décret du 9 juillet 1934, puis l'article
22 de la loi du 6 janvier 1948 aux termes duquel les redevances domaniales
« doivent correspondre à la valeur locative de
l'emplacement ou du droit concédé ». La
référence à la valeur locative, difficile à
appréhender s'agissant de la propriété des personnes
publiques, a été abandonnée à l'occasion de
l'édiction du Code du domaine de l'Etat. L'article R.56 de ce code a
rendu obligatoire de prendre en compte les avantages de toute nature
procurés au concessionnaire. Ces dispositions ont été
reprises intégralement par l'article L. 2125.3 du CGPPP. Dans la
pratique, le chiffre d'affaire est souvent utilisé comme base de calcul
de la redevance. Peuvent également entrer en ligne de compte les
conditions d'exploitation et de rentabilité de la concession
d'occupation141(*). De
même, et le cas échéant, il peut être tenu compte du
seul fait d'être autorisé à jouir de façon privative
d'une partie du domaine142(*). Une jurisprudence récente a confirmé
cette tendance. Le Conseil d'Etat a rappelé que les communes doivent
recouvrer au titre des occupations privatives de leur domaine public des
redevances calculées en fonction des avantages procurés au
concessionnaire ou permissionnaire de voirie. Par contre, elle n'a pas
nécessairement à les calculer en fonction de la valeur locative
d'une propriété privée comparable à la
dépendance du domaine public occupée143(*).
Toujours dans cette perspective
financière, la jurisprudence reconnaît que l'administration peut
retirer l'autorisation d'occupation ou ne pas renouveler pour non-acceptation
de l'augmentation de la redevance. Cela donne à l'administration des
pouvoirs très importants à l'encontre de l'occupant lui
permettant de rentabiliser au maximum le domaine144(*).
â. Un exemple concret démontrant
le caractère économique des redevances : les licences
UMTS
Selon J-.F Calmette, « la
nouvelle conception économique qui se traduit par une volonté de
la part de l'Administration de valoriser la rareté de son domaine a
atteint son paroxysme avec la gestion domaniale des fréquences
hertziennes145(*) ». Le progrès technique
entraînant une explosion des applications susceptibles d'utiliser le
spectre hertzien, les fréquences sont devenues un enjeu
économique pour les pouvoirs publics.
L'attribution des licences de
télécommunication mobile de troisième
génération, dites « UMTS », a donné
lieu à de vifs débats qui ont porté tant sur les
modalités que la détermination des redevances. La solution
forfaitaire finalement retenue en France a marqué une rupture avec les
principes habituellement suivis en matière de communications
électroniques. La situation était exceptionnelle. Les pouvoirs
publics peu habitués à évaluer de telles autorisations
d'occupation ont décidé de faire payer la redevance domaniale au
prix fort146(*).
Dans sa décision du 28 décembre
2000, le Conseil constitutionnel a confirmé que la redevance des
fréquences était un revenu du domaine, se bornant à
constater que la redevance en cause était liée à
l'occupation privative du domaine public de l'Etat147(*). En retenant que la
redevance est liée à l'occupation du domaine public et qu'elle
est un revenu du domaine, le Conseil constitutionnel laisse à la
discrétion des pouvoirs publics les modalités d'exploitation de
sa ressource. Toutefois, ce pouvoir discrétionnaire dans la fixation du
montant des redevances s'est heurté à la logique du
marché. Les préoccupations financières ont
supplanté le débat juridique et expliquent en partie le retard
pris par la France dans le maillage du territoire par les réseaux de
communications dans la mesure où les partenaires avaient dû
contracter de lourds emprunts.
Cet exemple démontre que la recherche
de profits peut aller à l'encontre de l'impératif de
valorisation. Les collectivités publiques doivent privilégier une
approche sur le long terme. Il ne s'agit pas de s'assurer un profit
immédiat, il convient de tenir compte du contexte économique dans
lequel s'insère l'exploitation du patrimoine. On retrouve une logique
identique dans les réformes récentes qui ont permis
d'améliorer la situation matérielle et financière de
l'occupant afin que soit assurer la productivité de la
propriété domaniale.
A. La productivité de la
propriété domaniale
Les évolutions que subit le droit du
domaine public depuis une trentaine d'années sont édifiantes.
« Elles révèlent une nouvelle sensibilité
économique d'un droit dont la teneur est fondamentalement politique et
qui se traduit par la teneur économique de la notion
d'intérêt général 148(*)». Cette tendance
conduit aujourd'hui à une prise en compte plus forte des
préoccupations des acteurs privés.
L'opérateur privé est
incontournable sur le domaine public. C'est-à-dire qu'en
réalité il est soumis à la
précarité149(*), à la révocabilité et qu'il n'a
aucun droit au renouvellement des autorisations150(*), mais que son action est
indispensable. P. GODFRIN est un des rares auteurs qui note dans ce sens que
« le concours des occupants du domaine est nécessaire pour
une bonne exploitation du domaine. Tout en se livrant à son
activité professionnelle, il participe à la mise en valeur du
domaine, et, par voie de conséquence, à l'enrichissement de la
collectivité publique elle-même151(*) ». . Cette évolution est en
cours depuis le début des années 1990 sous l'influence croissante
du droit communautaire152(*) et de concepts issus du droit de la concurrence.
Intérêt général et intérêt
économique se confrontent.
Le domaine public est désormais un
lieu de collaboration entre l'Administration et les personnes privées et
ce pour plusieurs raisons. L'opérateur s'est imposé par la
puissance de ses capitaux, par son savoir-faire dans la gestion (gestion plus
économe impliquant moins de dépenses inutiles), par sa
rapidité de décision et d'adaptation à la
société.
La productivité de la propriété
domaniale est donc consubstantielle à l'action de l'occupant
privé. L'Administration ne peut avoir de gains que si
l'opérateur s'implante sur son domaine ; à l'inverse s'il ne
s'implante pas, elle aura une incidence économique directe puisqu'elle
ne percevra plus de redevances. Cela devient alors un manque à gagner
important pour la personne publique. De plus, la mise en valeur des
dépendances domaniales est profitable pour l'opérateur
privé, mais elle l'est aussi pour la collectivité. Cette
nécessité de promouvoir le domaine public comme un instrument du
développement économique plaidait donc en faveur d'un
assouplissement des règles de la domanialité publique. C'est
pourquoi le législateur a renforcé les droits des occupants (1)
tout en modernisant les outils contractuels afin de favoriser leur partenariat
(2)
1. Le renforcement des droits des occupants
privés du patrimoine public
Le régime de la domanialité a
subi de profondes évolutions afin de prendre en compte la
nécessité d'une plus grande protection de la valeur
financière des propriétés publiques. Pour ce faire, le
législateur a accru la sécurité juridique de l'occupant
privé en reconnaissant la valeur patrimoniale de ses droits (á)
et en atténuant sa précarité (â).
á. La valeur patrimoniale des droits des
occupants privatifs
Afin de ne pas compromettre l'accroissement
du partenariat entre les collectivités publiques et le secteur
privé, la jurisprudence et la loi sont venues renforcer les droits des
occupants du domaine public.
La jurisprudence administrative ne
reconnaît pas clairement au permissionnaire un véritable droit
patrimonial. Toutefois, le Conseil constitutionnel à propos de la loi de
finances pour 2001 affirme qu'en matière d'occupation privative du
domaine public hertzien : « la délivrance de
l'autorisation ouvre pour une période de quinze ans le droit
d'occupation des fréquences ; qu'elle confère ainsi à
son bénéficiaire un avantage valorisable ». La
Cour de cassation, quant à elle, estime que les concessions d'occupation
du domaine public ont une « valeur patrimoniale153(*) ». De plus,
certaines autorisations bien qu'ayant un caractère personnel peuvent
être transmises. Les occupants d'emplacements sur un Marché
d'Intérêt National (M.I.N) bénéficient de ce droit
de cession conformément aux dispositions de l'ordonnance du 22 septembre
1967 qui concilient les impératifs de la domanialité avec ceux du
commerce.
â. L'atténuation de la
précarité du partenaire privé
L'importance du patrimoine public en fait un
objet de convoitise, son potentiel de valorisation conduit à rechercher
des partenaires économiques qui beaucoup plus que les simples occupants
l'enrichiront tout en s'enrichissant eux-mêmes. Encore faut-il les
attirer en protégeant leurs droits et l'on en vient à admettre
que la mise en valeur du domaine passe aussi par la protection de ses
occupants. « La sécurité économique du
domaine requiert la sécurité juridique de ses
utilisateurs154(*) ».
Le législateur est donc intervenu pour
atténuer les effets du principe d'inaliénabilité sur les
droits de l'occupant. En effet, cette règle rend difficile la
valorisation du domaine public pour son occupant car elle interdit la
constitution d'hypothèques sur les dépendances domaniales. Le
législateur a donc renforcé les garanties accordées aux
occupants en instituant un bail emphytéotique sur le domaine public des
collectivités territoriales155(*), puis en reconnaissant en 1994 l'existence de droits
réels au profit des occupants du domaine public de l'Etat156(*). Désormais,
l'avantage procuré à l'administration peut se combiner avec
l'intérêt financier et privé retiré par l'entreprise
utilisatrice du domaine157(*). Le texte de 1994 avait pour objectif majeur de
mette en valeur économiquement le domaine public et d'en permettre une
utilisation en accord avec les nécessités de l'époque.
En 2006, le Code général de la
propriété des personnes publiques est venu clarifier la question
des droits réels. Il maintient le principe de précarité
des occupations privatives (article L. 2122-3)158(*) mais renforce la
sécurité juridique. Ce nouveau droit devrait permettre, dans
l'intérêt des collectivités publiques propriétaires,
une meilleure valorisation du patrimoine public. Le code procède
à une clarification bienvenue. Il emploie expressément le terme
de propriétaire pour caractériser les droits de
l'occupant sur les installations qu'il réalise. L'occupant n'a
pas de droit sur le fond lui-même, il n'a qu'un droit superficiel mais ce
droit, conféré par le titre, a une valeur économique
pendant la durée d'occupation. Il constitue une garantie à
offrir.
En outre, on constate un élargissement
significatif des possibilités offertes aux collectivités locales.
Si le régime des occupations constitutives de droits réels sur le
domaine public est repris à règles presque constantes pour
l'Etat, le droit local évolue en revanche. Outre un léger
élargissement du bail emphytéotique administratif aux
édifices du culte et la mention expresse du crédit-bail pour
financer les ouvrages construits (article L. 1311-2 al. 1er et L.
1311-3-5° du CGCT), l'ordonnance du 21 avril 2006 crée un jeu
d'autorisations d'occupation attributives de droits réels librement
inspiré de celui applicable à l'Etat ( article l. 2122-20 du
CGPPP). De plus la solution retenue pour l'Etat dans l'article 2122-6 du CGPPP
selon laquelle le titulaire d'une autorisation d'occupation du domaine public a
un droit réel sur les ouvrages qu'il réalise est étendue
aux collectivités territoriales par l'article L. 1311-1 du CGCT
modifié.
La reconnaissance à l'occupant
domanial des attributs du propriétaire est source pour lui de valeur, de
richesse. Elle permet la valorisation du bien par la disposition d'outils que
l'on connaît : la possibilité de céder certains
éléments du bien, la possibilité de développer une
gestion patrimoniale active, la faculté de consentir des
sûretés réelles comme support de financement, la
possibilité de recourir au crédit-bail. Cette tendance a
été accrue suit à la création d'un nouveau
contrat : le partenariat public-privé qui intéresse à
bien des égards la protection de la valeur financière du
patrimoine public.
2. Les contrats de partenariat et la valorisation
patrimoniale
Le financement privé se heurte
traditionnellement aux règles de la domanialité publique, de la
maîtrise d'ouvrage publique et à celles du Code des marchés
publics. Pour contourner cette difficulté, de nombreux montages
contractuels complexes se sont développés en se fondant sur les
dispositions des lois de 1988 et de 1994. Ces deux lois reconnaissent en effet
aux titulaires des autorisations d'occupation temporaire (AOT) et des baux
emphytéotiques administratifs (BEA), des droits de superficie leur
permettant de construire les équipements tout en en conservant la
propriété pendant la durée du titre. Toutefois,
récemment, le paysage contractuel a été modifié
avec la création du contrat du partenariat public-privé (PPP)
à la suite de l'ordonnance du 17 juin 2004.
Si le choix entre les conventions classique
de type BEA ou AOT et les PPP est laissé à la discrétion
des collectivités publiques, certains atouts des PPP pourraient laisser
augurer de nombreuses applications à ce nouveau contrat dans un contexte
visant à développer la valorisation des dépendances
publiques (â) tout en tendant de répondre aux objections
formulées par les praticiens vis-à-vis des contrats classiques
(á). Les collectivités pourraient se voir assurer le concours des
acteurs privés.
á. Les limites des techniques
contractuelles classiques en matière de valorisation du patrimoine
public
Les lois de 1988 et 1994 ont apporté
une première réponse à la rentabilisation de
l'exploitation domaniale mais très rapidement les gestionnaires publics
et les acteurs privés ont souhaité qu'elles soient approfondies
afin de donner une plus grande sécurité juridique aux
opérations domaniales et un meilleur ajustement des règles de
droit à la demande économique.
Les règles de la domanialité ne sont pas
propices aux engagements financiers. En effet, faute pour les investisseurs
d'avoir la maîtrise foncière, ils ne parviennent pas à
obtenir les garanties nécessaires au financement des opérations.
L'autorisation d'occupation ne suffit donc pas, du fait de sa
précarité. Pour les banquiers le problème essentiel
réside dans des engagements qui risquent de ne pas pouvoir être
remboursés si l'autorisation d'occuper le domaine est trop courte ou
interrompue trop tôt.
â. Le partenariat, contrat
potentiellement vecteur d'une valorisation financière du patrimoine
public accrue
Jusqu'à l'adoption des contrats de
partenariat, la construction, le financement et l'exploitation par des
investisseurs privés exigeaient l'adoption d'un montage complexe par
lequel le constructeur louait à l'Administration les ouvrages
construits. Le contrat de partenariat public/privé (PPP) permet
d'abandonner cet artifice159(*) en emportant à la fois occupation du domaine,
construction, financement exploitation ou maintenance. Cela est conforme
à la logique économique du projet.
Tout comme les contrats institués en
1988 et 1994, les PPP sont attributifs de droits réels. Ils renouent
avec l'idée, par ailleurs consacrée par le CGPPP, que l'occupant
dispose d'un droit réel sur les ouvrages qu'il construit160(*). Ce régime permet de
justifier le recours au crédit-bail. Bénéficiant d'un
contexte favorable161(*)
au développement des techniques de financement issues du droit
privé, l'ordonnance du 17 juin 2004 contribue à banaliser encore
davantage le recours au crédit-bail. Néanmoins, les partenariats
doivent respecter certaines règles de droit public. On retrouve
certaines objections formulées dans le présent mémoire en
ce qu concerne le régime des biens d'ADP et des immeubles à usage
de bureaux. La volonté de sauvegarder les intérêts du
service public avait conduit à l'administrativisation des droits
consentis par les lois de 1988 et 1994162(*). On retrouve une logique similaire avec les contrats
de partenariat. L'investisseur privé n'a pas la libre disposition des
droits de superficie et il doit toujours assurer la continuité du
service public164(*).
Néanmoins, « ils (les contrats de partenariat) offrent une
vision domaniale cohérente qui pourrait préfigurer le statut de
l'ensemble des équipements et ouvrages construits sur le domaine public
par des investisseurs privés165(*) », ils contribuent sans conteste
à accroître la valeur financière du patrimoine grâce
à l'association du secteur privé.
?
Si le régime des ouvrages et
équipements réalisés sous le régime des PPP atteste
de la résurgence de l « 'échelle de la
domanialité166(*) », il n'en demeure pas moins que ces
contrats peuvent s'avérer être un outil efficace au service des
collectivités publiques dans le cadre de leur politique de valorisation.
Il s'agit d'une technique contractuelle qui permet sur le long terme la
construction, le financement et l'exploitation d'ouvrages par des capitaux
privés. La rémunération du partenaire privé est
assurée par un prix payé par l'Administration sur la base de
standards de performance. Deux principes sont à la base des PPP :
l'optimisation des coûts et la répartition des risques. La
recherche de la « best value » permet de comparer
les offres du secteur privé entre elles et entre celles du privé
et du secteur public. C'est donc un outil intéressant qui va permettre
d'accroître l'aménagement du domaine public et par la même
d'assurer sa valorisation et ceci en application de nouveaux
préceptes : analyse prévisionnelle des coûts et
comparaison des performances. La nouvelle gouvernance patrimoniale laisse donc
entrevoir le développement du management en matière domaniale.
Section 2 :
Le développement du management en matière
domaniale ou l'optimisation de la valeur financière du patrimoine
public
« L'orientation de notre droit public et de notre droit
privé suppose que des regards permanents, assidus, soient
échangés par-dessus la ligne théorique de partage entre
les deux branches du droit167(*) »
« Mot d'ordre parfois reçu avec
perplexité, l'impératif catégorique de gestion rentable et
efficace stimule et défie l'administration. [...] Dans un
« Etat modeste, Etat moderne », les fonctionnaires doivent
réagir en chefs d'entreprise168(*) »
Après avoir envahi la sphère
du droit privé, le droit des affaires se rue dans celle du droit public
et justifie l'émergence de nouveaux juristes169(*) formés à ces
nouvelles questions.
Cette tendance permet de comprendre le
développement du management public en matière domaniale. Dans
l'introduction de son manuel de management public, le professeur AUBY souligne
la spécificité du management public. Il reconnait que
« le développement du management public s'est
accompagné de l'introduction dans les techniques de gestion publique, de
techniques et de méthodes développées dans les entreprises
privées ». Il réfute néanmoins toute
idée d'une assimilation entre le management public et le management
privée, considérant que le premier constitue une discipline
autonome170(*).Le
management public est défini comme « un ensemble de
méthodes de gestion rationnelles et modernes placées au service
des décideurs publics »171(*).
La valorisation du patrimoine public
s'inscrit dans un ensemble plus vaste : la réforme de l'Etat. Cette
dernière implique des évolutions plus ou moins importantes de la
structure étatique et notamment de l'administration. En effet,
modernisation étatique et modernisation administrative sont
irrémédiablement liées172(*). Il n'est donc pas étonnant de constater que
les critiques adressées à l'Etat, en général, ont
été déclinées sous les traits de multiples
dénonciations de l'inefficacité administrative. L'administration
se doit aujourd'hui de s'adapter aux évolutions rapides de notre
environnement économique ou technologique.
Les pouvoirs publics ont alors apporté
une réponse en imaginant une politique de modernisation qui
présente deux caractéristiques. D'une part, cette modernisation
ne se veut pas ponctuelle mais s'inscrit dans une démarche globale.
D'autre part, il convient de noter l'importance de la volonté politique
qui prend la forme d'un engagement gouvernemental résolu. Cela s'est
concrètement traduit par une gestion patrimoniale s'appuyant sur de
nouveaux outils (§1) et par l'intégration du modèle
entrepreneurial dans l'action domaniale des personnes publiques (§2)
§ 1. Les nouveaux outils d'une gestion patrimoniale
dynamique
La politique de modernisation administrative
a pris la forme d'une véritable révolution managériale
dont on a pu penser, un instant, qu'il s'agissait d'une inquiétante
remise en cause de notre droit, et notamment du droit public. C'était
aller un peu vite en besogne et proclamer trop tôt la mort du droit
administratif. Car non seulement rationalité juridique et
rationalité managériale sont interactives173(*), mais leur confrontation a
permis un renouvellement du droit administratif174(*). Soucieuses de rendre la
politique patrimoniale plus efficace, les personnes publiques ont alors
procédé à une évaluation des actifs publics (A) et
à la création d'organes (B), ceci dans la perspective de
répondre davantage à des valeurs d'efficacité,
d'optimum.
A. L'évaluation des actifs
publics175(*)
« Il faudrait
l'imagination d'un Prévert pour donner idée de la
diversité des propriétés publiques, qui
représentent un dixième de la superficie du territoire
national176(*) ». L'obstacle majeur à une
valorisation optimale du patrimoine public a longtemps été
l'absence d'une connaissance exhaustive des propriétés publiques.
C'est pourquoi, l'Etat a lancé une réforme d'ampleur tendant
à évaluer les actifs corporels (1) et incorporels (2).
1. L'évaluation des actifs
corporels177(*) publics, fondement d'une vaste
politique de cessions
Une valorisation optimale des biens publics
passe nécessairement par une connaissance exhaustive de ces
dernières. Il a donc été procédé à
une mise à jour du Tableau général des
propriétés de l'Etat178(*) (á). Cela a permis à l'Etat de se
défaire des biens notamment immobiliers dont il n'avait plus
l'utilité, ceci dans le souci de ne faire application de la
domanialité publique qu'à un « noyau
dur » de biens (â).
á. La mise à jour du Tableau
général des propriétés de l'Etat
(TGPE)
Depuis 1791, l'établissement d'un
inventaire complet des propriétés de l'Etat a toujours
formé l'une des préoccupations de l'administration des domaines
(devenue depuis le 1er janvier 2006 France Domaine). Afin de
permettre une actualisation permanente de ce document, une circulaire du
Premier ministre, en date du 7 mai 1974, prescrivait le recours à
l'informatique. Cette réforme visait à « permettre
de faire le point sur le patrimoine immobilier de l'Etat et, à l'avenir,
d'en suivre l'évolution d'une manière plus
précise179(*) ». Six ans après cette
informatisation, la Cour des comptes a procédé à un
contrôle révélateur de lacunes et d'incertitudes. Il n'a
pas été le point de passage de toutes les
procédures : si les administrations étaient tenues
d'informer le service des procédures de bail emphytéotique, elles
ne l'étaient pas, en revanche, pour la construction de nouveaux
immeubles ! C'est l'Assemblée nationale elle-même, par la
voix de sa commission des finances, qui reconnaissait en 1997 que l'Etat ne
serait pas en mesure de connaître précisément ni le montant
réel de sa dette, ni la liste et la valeur de ses actifs180(*). Ce diagnostic a
été corroboré par un récent rapport du Sénat
au titre évocateur : En finir avec le mensonge
budgétaire : enquête sur la transparence très relative
des comptes de l'Etat181(*).
Il a été pris acte de cette
situation et le gouvernement actuel, par l'intermédiaire de son ministre
attaché à la réforme de l'Etat, M. COPE, a
décidé d'actualiser l'évaluation des actifs. Le patrimoine
a été évalué comme suit182(*) :
- Les biens immobiliers au sens large comprennent des
terrains, bâtiments mais aussi des infrastructures routières, des
voies navigables. Le coût de renouvellement des infrastructures et des
terrains atteint près de 230 milliards tandis que la valeur
vénale de l'immobilier avoisinerait les 33 milliards d'euros
d'après le Rapport de la mission de valorisation du parc immobilier
public confié à O. DEBAINS. Suite à la
systématisation de l'évaluation et à la mise à jour
des outils de recensement, la valeur de ce patrimoine, essentiellement
composé d'immeubles à usage de bureaux ou de logements de
fonction, s'élèverait au 1er janvier 2006
s'élève à 38 milliards d'euros sans compter les 30.000
immeubles des établissements publics.
- Les biens meubles recouvrent des
réalités diverses. Y figurent entre autres, le mobilier national,
les 300 000 oeuvres du Louvre ou encore les 12 millions d'ouvrages de la
Bibliothèque nationale. Les oeuvres d'art appartenant à l'Etat
atteindrait le montant de 150 milliards d'euros. On peut ajouter à cela,
les stocks militaires, si bien que selon M. PICHET l'évaluation totale
atteindrait 200 milliards d'euros.
Fort d'une évaluation plus
précise et réaliste de son patrimoine, le gouvernement a
décidé de se séparer des biens devenus inutiles à
ses services (toujours dans une logique de valorisation et d'optimum des
patrimoines). Une politique de cession immobilière a donc
été lancée.
â. La politique de cession
immobilière de l'Etat
Comme cela a déjà
été dit, l'Etat n'était pas doté d'outils
convenables de connaissance de son propre patrimoine immobilier : le
"tableau général des propriétés de l'Etat"
(le TGPE) était largement lacunaire et ses mises à jour
insuffisantes. Les logiciels de gestion immobilière des divers
ministères étaient disparates dans leur conception et leurs
performances. Enfin, les services occupant des immeubles administratifs
propriété de l'Etat étaient insensibles au coût
réel de ces locaux, notamment parce qu'aucun loyer n'était
facturé aux administrations.
Heureusement, la situation a
évolué. Sur le plan juridique, les multiples freins qui
existaient ont été levés : le Code des marchés
publics a été rénové et assoupli, de même que
celui de la construction et de l'habitation, l'ordonnance du 17 juin 2004, a
rendu possible le recours aux contrats de partenariat public/privé
inspirés du PFI britannique. Mais l'innovation sans doute la plus
importante est passée presque inaperçue : c'est celle
réalisée par l'ordonnance du 19 août 2004 qui a
transféré les immeubles à usage de bureaux du domaine
public de l'Etat et de ses établissements publics à leur domaine
privé, rendant ainsi possible leur aliénation, même lorsque
ces immeubles continuent à être occupés par des services
publics.
Ce contexte juridique rénové a
permis d'étayer la volonté politique de renforcer et
d'améliorer la réforme de l'Etat. A partir de 2003, dans le cadre
de la maîtrise des déficits budgétaires, le Gouvernement a
décidé de fixer des objectifs annuels de produits de cessions
immobilières et de programmer les opérations nécessaires,
pour réduire la dépense immobilière de l'Etat. Cette
démarche a permis de faire respirer le parc, et d'engager la
modernisation du dispositif183(*). Ces derniers mois ont marqué par un
approfondissement de ces réformes. L'Etat a pour la première fois
atteint l'objectif fixé à 600 millions d'euros de produits en
2005 et l'a dépassé avec un total de 630 millions d'euros. On
remarque que l'Etat s'est professionnalisé et a conduit des cessions
majeures aux standards du marché184(*). En outre, la modernisation du parc est
engagée. Les cessions de l'Etat portent sur des immeubles
libérés par les administrations, et elles permettent de
réduire la dépense immobilière. En 2006, la politique de
cessions a été poursuivie. Le Parlement a fixé un objectif
de 480 millions d'euros pour l'Etat185(*) " Un effort maintenu, car les
opérations exceptionnelles, comme le transfert du siège des
Douanes du centre de Paris, rue du Bac, à Montreuil, seront moins
nombreuses cette année ", a précisé
Jean-François COPE lors de l'installation du Conseil
immobilier
de l'État.
Les cessions ont connu jusqu'à
présent un franc succès. Le stock de logements et de bureaux
à vendre est quasiment épuisé. De nouveaux biens seront
mis en vente en septembre, notamment dans la capitale. L'offre se tarit,
inexorablement. " Vendu ", " délai
expiré "... la consultation des offres immobilières
proposées par l'État, disponibles directement sur le site
Internet
de Bercy (http://www.minefi.gouv.fr/cessions/), est de plus en plus rapide. Sur
Paris, deux biens seulement sur la dizaine initialement proposée sont
encore disponibles.
Il convient toutefois de ne pas être
aveuglés par cette manne financière et ses
bénéfices immédiats. Sur le long terme, le risque est
grand de voir l'Etat, mais plus généralement, les personnes
publiques propriétaires de déclasser et céder leur
patrimoine. Cela pourrait être interprété comme une
dilapidation des biens publics. Cette politique de reconversion n'est pas
neuve ( les cessions d'emprises publiques se sont multipliées ces
dernières années) mais elle traduit un changement de logique
important. L'Etat vend des biens utiles à ses services, pour les
reprendre ensuite à bail avec maintien de leur affectation publique.
Cette « externalisation » consistant à
déléguer l'intendance au secteur privé rompt avec une
tradition d'appropriation publique. Certains auteurs s'inquiètent. P.
YOLKA souhaite qu'un encadrement juridique de ces cessions soit efficacement
appliqué : « des garanties de fond restent à
inventer, pour éviter la cession de quelques joyaux de la
République » d'autant plus que « cette
perte de maîtrise domaniale aura un coût financier :
céder pour relouer, c'est sacrifier le long terme au court
terme 186(*)». Quant à Mme MORAND-DEVILLER,
« la protection contre la tentation actuelle de
déclassement trouvera son meilleur allié dans une politique
d'encouragement aux investisseurs productifs avec appel aux initiatives
privées187(*) ».
En matière d'actifs corporels et
notamment immobiliers, l'inventaire s'est avéré
être un préalable indispensable à la rentabilisation.
Longtemps ignorante de la réelle étendue de son
patrimoine, la puissance publique s'est donc attelée à son
évaluation avant de procéder à certaines cessions. Elle a
retenu la même approche pour ses actifs incorporels.
2. L'évaluation des actifs
immatériels, un patrimoine valorisable largement inexploré mais
en voie d'appréhension.
Le poids de l'immatériel dans le
processus de production n'est plus à prouver. Le repérage et
l'évaluation des actifs incorporels constituent une question importante
dès lors que l'on souhaite rendre compte de façon pertinente des
performances des organisations contemporaines. Après avoir reconnu le
potentiel de la propriété intellectuelle (á), L'Etat a
décidé de lancer une évaluation globale des actifs
immatériels détenus par la France (â).
á. La reconnaissance du potentiel
financier économique de la propriété intellectuelle :
un contexte favorable à l'évaluation des actifs
immatériels
La Propriété intellectuelle a
été longtemps perçue sous un angle essentiellement
défensif : on parle de « protéger l'innovation », de
lutte contre la contrefaçon, de constitution d'un monopole, dans une
logique de repli sur soi. Cette vision est réductrice et
évolue vers une logique de « valorisation », au sens premier
de ce terme : conférer de la valeur.
Depuis vingt ans, l'économie
réelle se détache peu à peu du "compromis fordiste",
pour reprendre l'expression de Michel Aglietta, dont les paramètres
faisaient l'objet d'un large consensus social : productivité des
facteurs industriels, répartition de la valeur ajoutée sous la
forme du salariat, puissants investissements publics dans les infrastructures.
Désormais, sous les effets conjugués de la financiarisation de
l'économie et de la globalisation, ce sont bien l'innovation, la
différenciation, la valeur ajoutée intellectuelle, et non plus la
productivité purement industrielle, qui sont les principaux relais de
croissance. La Propriété intellectuelle devient de plus en plus
une source de revenu autonome et l'actualité récente
à mis en évidence la valeur des actifs de propriété
industrielle188(*).
Plusieurs réalités sont visées :
La propriété industrielle est ainsi une
composante essentielle de la valeur de l'entreprise. 75 à 90% de la
capitalisation boursière des entreprises cotées est
constituée par des actifs immatériels188(*). La valeur des
marques est plus reconnue et plus visible car chaque année des
sociétés de conseil publient des classements sur la base
d'évaluations relativement convergentes : - les marques Coca-Cola et
Microsoft se situent aux alentours de 60 milliards de dollars. - Parmi les
marques françaises évaluées à 5 milliards de
dollars ou plus, on trouve Louis Vuitton, L'Oréal, BNP Paribas, Chanel,
Cartier, Danone, Auchan ou Renault. Pour les portefeuilles de
brevets, l'évaluation financière est
généralement plus difficile, parce que plus complexe et
nécessitant d'avoir accès à des données internes.
Pendant longtemps cette valorisation n'a été effectuée que
dans le cadre d'opérations de fusion-acquisition. Aujourd'hui, il en est
tout autrement, ainsi : - Les entreprises se préoccupent de plus
en plus de connaître la valeur de leurs droits de propriété
intellectuelle afin de les gérer comme d'autres actifs
économiques. - Les institutions financières ont encore des
difficultés à appréhender la propriété
industrielle, mais elles sont de plus en plus sensibles à son
importance. Quand elles examinent la situation d'une entreprise dans laquelle
elles envisagent d'investir, elles cherchent à voir si l'entreprise
détient des actifs incorporels. L'innovation a tout à y
gagner : plus ces techniques seront développées, plus les PME
innovantes arriveront à trouver des financements, plus l'innovation sera
stimulée.
â. L'évaluation récente
des actifs immatériels de l'Etat
Dans le secteur privé, les dirigeants
d'entreprise reconnaissent majoritairement l'utilité d'une mesure du
capital immatériel pour les actionnaires, les analystes financiers et
les banquiers. Ils estiment que la communication sur les actifs
immatériels des entreprises permet d'accroître la valeur de ces
dernières. Quant aux analystes, ils considèrent que la mise en
place d'indicateurs fiables et stables de valorisation des actifs
immatériels permettrait une valorisation par le marché de la face
cachée des entreprises. L'évaluation puis l'établissement
d'une cartographie de ce capital sont susceptible de donner au marché
une visibilité sur les sources spécifiques de création de
valeur, et de valoriser la vision stratégique qui permet de
développer et de pérenniser l'entreprise.
Le Gouvernement a pleinement conscience des
enjeux de l'économie de l'immatériel. Ces actifs incorporels que
sont le savoir, l'intelligence, l'information, la renommée, la
qualité des produits, l'innovation financière ou la
communication, prennent en effet aujourd'hui le pas sur les actifs physiques
traditionnels. Des études montrent qu'aux États-Unis, les
actifs immatériels dépassent désormais les actifs
corporels qui sont ceux retracés avec précision dans les bilans
des entreprises. Cette transformation majeure méritait d'être
analysée de manière à la fois approfondie et avec une
vision stratégique, notamment pour ce qui concerne la
propriété industrielle. C'est pourquoi T. BRETON a demandé
au Conseil Supérieur de la Propriété Industrielle, de
réfléchir à la question de la valorisation des actifs
immatériels. Le Ministre de l'Economie, des Finances et de
l'Industrie a en outre récemment confié à Maurice
Lévy, président du groupe Publicis, la réalisation d'un
rapport sur les actifs immatériels qui vise à
mettre en évidence les valeurs latentes dont dispose la France.
La mission Lévy, avec le concours de l'Inspection
Générale des Finances, réfléchit à la
façon dont la France pourrait mieux créer de la valeur et mieux
valoriser ses actifs immatériels. Son rapport est attendu pour
l'automne. L'enjeu est important : nos structures économiques, nos
règles juridiques, nos systèmes de prélèvements et
de redistribution, notre organisation publique ont été
conçus à un moment où ces actifs immatériels
n'étaient que peu ou pas valorisés. A une époque où
ils n'étaient pas intégrés à ce point au sein d'une
économie globalisée fondée sur des transactions
financières et des échanges commerciaux beaucoup plus
fluides.
Cette réflexion concernera naturellement la
propriété intellectuelle qui participe du soutien à
l'innovation pour laquelle le Gouvernement a engagé une politique
ambitieuse. Le brevet permet de compenser le coût de l'innovation et
parallèlement de stimuler la création. Le droit
d'auteur, qui protège la forme originale d'une oeuvre de l'esprit,
vise à assurer l'indépendance matérielle du
créateur, en interdisant aux tiers toute reproduction. Seront
également envisagées envisager les modalités de
régulation les plus pertinentes de la propriété
intellectuelle afin d'optimiser la croissance induite par la création,
quelles qu'en soient les formes. La mission Lévy traitera cette question
en ayant en permanence à l'esprit l'objectif de
compétitivité et les éléments de comparaison avec
nos partenaires.
La réforme de l'Etat et la recherche
d'une politique optimale et efficace a amené l'Etat a accompagné
l'évaluation de ses actifs de la création d'organes afin de mieux
structurer et identifier les fonctions de propriétaire et
d'actionnaire.
B. La création d'organes ou
l'institutionnalisation de l'efficacité patrimoniale
L'Etat est un propriétaire (1) et un
actionnaire (2) puissant. La politique de valorisation des patrimoines
immobiliers et financiers a conduit tout naturellement à la
création d'organes capables d'assurer ces deux fonctions essentielles de
l'Etat.
1. La structuration de la fonction de
propriétaire public
En matière de gestion
immobilière, l'État était resté à
l'écart du mouvement de modernisation qu'ont connu depuis quinze ans les
entreprises, publiques ou privées, ou les administrations
étrangères, comme en Allemagne189(*). La Mission d'évaluation et de contrôle
(MEC), dans le rapport d'information (n° 2457) du 6 juillet 2005
sur la gestion et la cession du patrimoine immobilier de l'État et des
établissements publics, intitulé « Immobilier de
l'État : sortir de l'immobilisme », avait
dressé un constat particulièrement sévère.
La MEC avait adopté, à
l'unanimité des groupes politiques, des conclusions par lesquelles elle
entendait réaffirmer le rôle de l'État propriétaire.
Cela a abouti à la création du conseil de surveillance de
l'immobilier (â) et à la rénovation du service des Domaines
(á)
á. Le service France Domaine
L'administration des Domaines a exercé
les fonctions de régulation et d'arbitrage du patrimoine public jusqu'au
début des années 50, mais son rôle a perdu de l'importance
pour n'être plus qu'un rôle de gestion des procédures
(évaluation, enregistrement, vente et législation).
Conformément aux conclusions du rapport de la MEC, l'administration des
Domaines, réformée en profondeur pour sortir d'une fonction de
notaire, est devenue depuis le 1er février 2006 le
« service France Domaine », sous la direction de
M. Daniel Dubost, Inspecteur général des finances. Son
rattachement à la Direction générale de la
comptabilité publique est prévu pour le
1er janvier 2007.
Désormais toutes les expertises de
surface sont réalisées par des géomètres experts,
les diagnostics techniques sont confiés à des auditeurs
spécialisés, le recours aux notaires est autorisé de
manière générale, l'assistance d'avocats
spécialisés sera utilisée en tant que de besoin et des
opérations complexes pourront être réalisées
grâce à des compétences externes.
Les fonctions du service France Domaine sont
de définir la stratégie immobilière de l'État, de
s'occuper du programme de cessions, de gérer le compte d'affectation
spéciale, de mettre en oeuvre les loyers budgétaires et de
superviser la gestion immobilière des ministères. Il exercera ses
missions en dialogue avec les administrations occupantes, en s'appuyant sur les
directeurs immobiliers de chaque ministère. Une séparation
devrait être effectuée entre ses fonctions de pilotage proprement
dites, d'une part, et les autres tâches traditionnelles des Domaines
comme l'évaluation, la vente de biens mobiliers ou la gestion
d'immeubles tombés en déshérence, d'autre part.
La réforme du service France Domaine
est la pierre angulaire de tout le dispositif ; sans un pilote efficace,
tout le système mis en place ne servirait à rien.
â. Le Conseil de surveillance de
l'immobilier de l'Etat
Un Conseil de surveillance de l'immobilier de
l'État a été crée. Il est composé de
parlementaires, de représentants de l'administration, du responsable du
parc immobilier d'une administration étrangère et de
professionnels de l'immobilier. Il devra s'assurer de la mise en oeuvre
effective des réformes par l'examen régulier de l'état
d'avancement de la modernisation de la gestion des immeubles de l'État
et débattre des nouvelles orientations.
Les conclusions du Comité
d'orientation de la politique immobilière de l'État, qui est
composé des représentants des ministères, seront
présentées régulièrement au Conseil de
surveillance.
2. La professionnalisation de l'Etat
actionnaire
La quarantaine d'entités dans
lesquelles l'Etat détient des participations (c'est-à-dire plus
de 10 % du capital)190(*) emploie directement plus de 1.300.000 personnes et
représente 9 % de la production des sociétés non
financières. L'Etat se trouve donc en situation de peser sur
l'économie de façon au moins aussi prononcée qu'il ne peut
le faire au travers de sa politique macro-économique. Ceci semble
d'autant plus vrai qu'il s'agit souvent d'entreprises en charge
d'activités structurantes pour l'ensemble du développement
économique191(*).
Eu égard à ces enjeux, le
rôle d'actionnaire de l'Etat méritait donc d'être
assumé de façon pleinement responsable et transparente. C'est
à cette fin que la gestion des participations publiques a
été profondément réformée depuis deux ans.
Les difficultés pour l'Etat d'assumer son rôle (á) ont
conduit à la création de l'Agence des participations de l'Etat
(APE) sous l'influence des théories du gouvernement d'entreprises
(â)
á. L'Etat, un actionnaire longtemps
apparu comme impuissant
Pendant longtemps, les difficultés
des entreprises publiques à équilibrer leurs comptes provenaient
des lacunes qui affectaient leur mode de gouvernance.
q Des modalités d'action contraignantes
Les entreprises publiques sont soumises
à un contrôle de l'Etat qui s'exerce à travers un
système complexe de tutelle, retracé par le tableau
ci-après :
![](protection-financiere-patrimoine-public4.png)
La multiplicité de ces organes de
décision, de suivi et de contrôle rendaient l'organisation de
l'Etat actionnaire hétérogène et favorisait la dilution
des responsabilités192(*). Par ailleurs, la gestion patrimoniale de l'Etat a
longtemps été soumise à des règles contraignantes.
Ainsi, les procédures de cessions de participations étaient
définies par un cadre législatif et réglementaire
très précis, indispensable à la protection des
intérêts publics, mais qui rendait l'Etat peu manoeuvrant lorsque
les entreprises publiques souhaitent participer à l'évolution de
leur environnement concurrentiel. La présence de l'Etat
entraînait ainsi des incertitudes et des réticences pour des
partenaires éventuels.
q Une carence de stratégie
L'approche stratégique s'appuie sur
deux éléments : la définition d'un objectif et la
programmation des moyens nécessaires pour l'atteindre. Dans ce
processus, le poids des actionnaires dominant est décisif. Or,
l'Etat peinait à jouer ce rôle de stratège dans la
mesure où il ne peut faire abstraction du fait qu'il est la puissance
publique. L'Etat poursuit d'autres objectifs que la seule gestion de
son patrimoine, comme l'aménagement du territoire, la recherche
scientifique, l'indépendance nationale, l'emploi... Ces
préoccupations sont des facteurs déterminants dans le processus
de décision des entreprises publiques et peuvent expliquer la poursuite
d'activités déficitaires, l'entretien de sureffectifs structurels
(SNCF). Le mode de fonctionnement interne des entreprises publiques a donc
été l'objet de critiques récurrentes, notamment
renforcées par les progrès réalisés au sein des
entreprises privées.
â. La création
d'APE : l'influence des théories du gouvernement
d'entreprises
Les théories du Gouvernement
d'entreprise se sont développées en Angleterre et aux Etats-Unis
en réaction à une série de scandales (les "saving
& loans" aux Etats-Unis et les affaires Maxwell, Poly Peck en
Angleterre. Ces théories aboutissent à préconiser un
renouveau du contre-pouvoir actionnarial, reposant tant sur un rôle plus
actif des administrateurs que sur une surveillance renforcée des
actionnaires193(*). Ces
théories ont eu un impact non négligeable en France194(*), conçues pour
être appliquées au sein des sociétés privées,
les règles de gouvernement d'entreprise se sont progressivement
étendues au secteur public.
Dans le secteur public, les règles de
fonctionnement des entreprises étaient issues de la loi du 26 juillet
1983 relative à la démocratisation du secteur public. A
l'exception d'une disposition limitant à quatre le nombre maximal de
mandats pouvant être exercés par un administrateur, aucune des
préoccupations spécifiques des théories du gouvernement
d'entreprise n'était alors réellement promue par ce
texte. Toutefois, des évolutions ont eu lieu dans la pratique. Ainsi,
la création de comités spécialisés s'est
généralisée à partir de la fin des années
1990. Il s'agit principalement de comités d'audit (Air France, SNCF,
EDF, GDF, RATP, ADP en sont désormais dotées), de comités
de stratégie (Air France, SNECMA, EDF), ou de comités de
rémunérations Parallèlement, la formation des
représentants de l'Etat a été améliorée.
Malgré ces initiatives, le mode de
fonctionnement interne des entreprises publiques a été l'objet de
critiques récurrentes, renforcées notamment par les
progrès réalisés au sein des entreprises privées.
Très récemment, le rapport de la Commission parlementaire Douste
Blazy et un rapport relatif à L'Etat actionnaire et le gouvernement
d'entreprise dans les entreprises publiques (2004) ont mis en avant les
lacunes de la gouvernance d'entreprise au sein des entreprises publiques. Le
contenu de ces deux rapports peut être synthétisé :
C'est dans ce contexte qu'a été décidée la
création d'APE
Cette agence, opérationnelle depuis le
mois de septembre 2004 (décret du 10 septembre 2004) et
présidée par Denis Samuel-Lajeunesse, est un service à
compétence nationale rattaché au Directeur du Trésor et
disposant de moyens individualisés (60 personnes environ). Son
rôle est de renforcer la gouvernance des entreprises195(*) au sein desquelles l'Etat
détient une participation, en s'inspirant des recommandations des
groupes de travail ayant consacré des travaux à ce sujet, des
meilleures pratiques en vigueur et en respectant les contraintes
spécifiques liées à l'organisation de l'Etat. Elle exerce
son activité sous quatre formes principales (ces règles de
gouvernances ont été formalisées dans une charte) :
- Elle constitue la force de référence,
d'analyse et de proposition au Ministre de l'Economie s'agissant de l'Etat
actionnaire
- Elle participe aux organes sociaux des entreprises
- Propose l'utilisation des moyens financiers de
l'actionnaire
- Dispose de moyens ce contrôle des entreprises
?
L'ensemble de ces réformes
démontre l'intégration par les personnes publiques de
préoccupations qui étaient jusqu'alors propres au secteur
privé. Désormais, la politique de valorisation patrimoniale est
innervée des dogmes entrepreneuriaux.
§ 2. L'intégration du modèle
entrepreunerial dans l'action domaniale des personnes publiques
« De même que les notions juridiques sont
imprégnées, toutes poisseuses d'idéologie,
l'idéologie a besoin de la forme juridique. Le droit ne saurait
être considéré comme un élément isolé,
séparé du reste de la société ; c'est au
contraire le produit de l'évolution sociale ; les concepts qu'il
utilise ne sont pas neutres, autonomes, intemporels mais intimement liés
aux valeurs sociales dominantes... cette co-incidence entre droit et
idéologie est particulièrement forte en droit administratif
français196(*) »
L'air du temps impose le modèle
entrepreneurial. Certains dogmes libéraux qui caractérisent le
secteur privé comme le profit, l'efficacité, la performance, la
productivité font partie des valeurs sociales et le droit public n'est
pas resté insensible à cette pression. On doit alors constater
leur intégration dans la gestion patrimoniale publique.
L'intériorisation de ces logiques a des effets importants sur la
façon d'envisager le patrimoine public. Ainsi se pose la question de
savoir si les principes, à partir desquelles sont décidées
les grandes orientations d'une entreprise privée peuvent inspirer la
gestion d'une collectivité publique ? Cette question sous-tend un
débat classique qui oppose le public au privé. D'un
côté, l'Administration défendrait l'intérêt
général, de l'autre l'entreprise serait parée des vertus
de profit et d'efficacité. Cette opposition ne pouvait plus rester
à ce stade primaire. Dans les années quatre-vingt, les
impératifs de l'économie libérale, la valorisation par la
classe politique des valeurs de l'entreprise ont projeté
l'intégration du modèle entrepreneurial dans l'action
administrative. L'adaptation directe des logiques de gestions issues du secteur
privé et du management d'entreprise suscite l'ouverture d'un nouveau
champ d'étude : le « management patrimonial
public »197(*).
Ici et là émergent des
initiatives tendant à moderniser la gestion domaniale : la
recherche de l'efficacité conduit à s'inspirer
des méthodes de gestion du secteur privé afin d'atteindre
l'optimum juridique (A) et la rationalisation (B) dans la politique
patrimoniale afin que soit conservée voire augmenter la valeur
financière des propriétés publiques.
A. La recherche de l'optimum juridique en
matière de gestion patrimoniale
Les réformes qui ont récemment
marqué la matière domaniale démontrent la volonté
d'adapter l'environnement juridique afin d'accroître et de
systématiser la protection de la valeur financière du patrimoine
public. Ainsi, l'immobilier offre de vastes perspectives et d'incontestables
opportunités pour une gestion publique plus efficace, moins
coûteuse et plus professionnelle. L'immobilier constitue en
définitive un pan essentiel de la réforme de l'Etat. Afin que
soit promue plus largement la valorisation des dépendances publiques, il
convient d'envisager les expériences réalisées en
matière d'externalisation (1) et d'expérimentation (2)
immobilières
1. L'externalisation de
l'immobilier public
L'externalisation (outsourcing) est un outil
de gestion qui permet à une organisation de déléguer
certaines fonctions non stratégiques, précédemment
exercées par elle, à des prestataires de service
extérieurs198(*).
Dans le contexte actuel de maîtrise de la dépense publique, les
administrations s'interrogent sur l'intérêt d'y avoir recours pour
l'exploitation de leurs fonctions non régaliennes. Ce concept traduit
une nouvelle ligne de partage entre le faire et le faire faire depuis longtemps
pratiquée dans les pays anglo-saxons (á) et qui se
développe fortement en France (sachant que certaines expériences
ont d'ores et déjà été menées199(*) : â).
á. Les expériences
d'externalisation anglo-saxonnes
L'externalisation atteint un stade
très avancé dans les pays anglo-saxons. Aux Etats-Unis, la
réforme de l'Etat a clairement favorisé l'extension du recours
à la sous-traitance. Dès 1966, la directive A-76 de l'Office de
gestion et du budget (OMB) placé auprès du Président des
Etats-Unis a organisé une méthodologie de comparaison des
coûts entre le secteur public et le secteur privé, dans le but de
confier à des sociétés privées les fonctions qui y
seraient réalisées de manière moins onéreuse.
Depuis 1998, l'adoption du Fair act, qui oblige les
administrations fédérales à publier la liste des fonctions
susceptibles d'être externalisées, constitue une nouvelle
étape dans cette direction200(*).
Traditionnellement attaché au
rôle de la libre entreprise, le Royaume-Uni est un des pays, avec les
Etats-Unis, qui externalise le plus de fonctions dévolues jusqu'à
présent aux forces armées. Ce pays a mis en oeuvre en ce domaine,
en juillet 2000, une réforme ambitieuse, parfois menée de
manière brutale vis-à-vis du personnel. Allant au-delà de
la simple externalisation, les Britanniques recherchent désormais le
plus souvent possible le financement intégral par le secteur
privé d'équipements publics.
â. L'externalisation en France : les
perspectives en matière patrimoniale
q Définition de l'externalisation
L'externalisation participe des techniques de
modernisation de l'administration au même titre que d'autres
méthodes appliquées par les entreprises privées et
transposées dans le secteur public (démarche qualité,
certification ISO...). Dans un contexte budgétaire contraint,
l'externalisation permet à l'Administration de se concentrer sur son
coeur de métier201(*). Une telle situation permet d'expliquer que c'est
déjà un mode de gestion connu et apprécié. La
professionnalisation des armées et d'importantes contraintes
budgétaires ont incité la Défense nationale à y
avoir recours. Mais l'externalisation pourrait trouver application dans de
nombreux domaines.
La gestion et la valorisation de l'immobilier
seront vraisemblablement un terrain d'éclosion de
l'externalisation202(*).
La dissociation entre la propriété immobilière et
l'occupation, entre le property management, le facility
management et l'asset management, est une des tendances lourdes
en matière immobilière. Elle a d'évidentes vertus de
clarification et d'optimisation et la méthode la plus novatrice et la
plus élaborée consisterait en une externalisation de la
propriété même des bureaux. Elle pourrait revêtir
deux formes : une externalisation interne qui reposerait sur le
transfert de la propriété des immeubles à des structures
ad hoc ou une externalisation externe qui ferait appel à des
structures privées. Cette deuxième solution permettrait à
l'Etat de percevoir le prix des immeubles cédés. Dans tous les
cas, des baux à long terme devraient être établis entre les
partenaires afin de favoriser la professionnalisation de la gestion. En outre,
le deuxième scénario reposerait sur des opérations
financières de type titrisation.
q Les moyens dont disposent les personnes publiques pour
asseoir l'externalisation
Les personnes publiques ont
déjà à leur disposition des outils qui tendent à
favoriser l'externalisation. Il s'agit du crédit-bail ou du lease-back
et des contrats de partenariats publics-privés (PPP). Ils traduisent
tous la volonté de l'Administration de bénéficier du cadre
juridique privé parce qu'elle y trouve un intérêt : en
ce qui nous concerne, assurer la valorisation de leur patrimoine.
Il n'existe pas de mode contractuel de
principe de l'externalisation. Le recours aux marchés publics se heurte
à de fortes rigidités et à l'obligation de financer
l'opération par des deniers publics. Le mécanisme de la
délégation de service public paraît plus adapté en
ce qu'il autorise le financement privé mais la question est de savoir si
l'activité dont l'externalisation est envisagée présente
ou non le caractère de service public. Ces différents blocages
juridiques sont neutralisés par le recours aux contrats de partenariat.
C'est un contrat qui repose sur le financement par le secteur privé
d'équipements publics, ce qui permet un lissage des dépenses
publiques en transférant à un opérateur privé le
poids des variations liées aux investissements et les risques qui y sont
associés. Allégé de ces contraintes, le budget public peut
être mieux maîtrisé. L'entreprise qui finance
l'équipement public loue ensuite son utilisation à la puissance
publique. En matière immobilière, le contrat devra assurer
à la personne publique l'externalisation des risques de
réalisations et d'exploitation et la
déconsolidation de la dette de l'Administration (le PPP
n'emporte pas qu'un transfert de maîtrise d'ouvrage, il permet de faire
réaliser aujourd'hui ce que l'on ne paiera que demain). La combinaison
à laquelle procède ces contrats entre les vertus du public et du
privé ouvre un nouveau champ de recherche pour le management
public203(*).
Le financement privé
d'équipements publics est devenu un moyen incontournable et avantageux
de valorisation du domaine public. Cette externalisation se fonde sur le
crédit-bail et le lease-back. Concernant le premier mode de
financement, le CGPPP s'est limité à une reprise du droit
constant. Dans le mécanisme issu de la loi de 1994, le recours au
crédit-bail est possible dans le cadre des AOT constitutives de droits
réels sauf si les ouvrages sont affectés à un service
public ou à l'usage du public ou s'il s'agit de travaux
exécutés pour une personne publique dans un but
d'intérêt général. Cette exception a depuis fait
l'objet de nombreuses exceptions pour répondre au besoin de la justice,
de la gendarmerie ou des armées204(*). L'ensemble a donc perdu toute cohérence,
c'est pourquoi C. MAUGÜE et G. BACHELIER205(*) souhaiteraient la possibilité d'avoir recours
à un financement totalement externalisé pour l'ensemble des
installations notamment immobilières dans le cadre d'une autorisation
d'occupation constitutive de droits réels206(*). Valorisation et
externalisation seraient alors jumelées.
Quant au lease-back207(*), il s'agit d'une
technique de refinancement d'équipements publics. La structure est la
suivante : un organisme français donne en location un
équipement à un trust américain pour une durée
assez longue. Ce même organisme public reprend l'équipement en
sous-location, ce qui lui permet d'en conserver la jouissance et de
décider de son affectation. Le trust acquiert la
« propriété économique » par le biais
du contrat de location. Ce dernier peut par la suite amortir son bien dans ses
comptes et bénéficier d'un crédit d'impôts tandis
que l'organisme public recevra une rémunération
équivalente à 7% de l'actif. En résumé, l'organisme
public n'a pas dépensé un centime. Les principaux obstacles au
lease voient leurs fondements remis en cause. L'inaliénabilité
qui n'est que potestative n'est pas un obstacle à la valorisation
économique du patrimoine public. Le lease-back devrait alors permettre
une externalisation accrue du financement de l'immobilier public. La protection
de la valeur financière de l'immobilier a également conduit
à expérimenter le paiement par les ministères de loyers
budgétaires.
2. L'expérimentation de loyers
budgétaires
Longtemps les ministères
étaient insensibles aux charges afférentes aux immeubles de
bureaux qu'ils utilisaient : en l'absence de loyers, les charges
d'occupation n'étaient pas connues, quant aux charges d'exploitation
elles é(aient souvent difficiles à identifier. En
résumé, le coût complet du poste de travail d'un agent
public n'était pas calculé. Afin d'optimiser les coûts de
fonctionnement des administrations, il était devenu essentiel
d'être en mesure de les calculer et de donner les moyens aux
administrations de les maîtriser. Le gouvernement, sous l'égide de
son ministre attaché à lé réforme de l'Etat, a
décidé de révéler ces coûts et de faire payer
un loyer aux utilisateurs.
D'une part, il ressort du rapport n°
2926 suivi de la Mission d'évaluation et de contrôle sur
la gestion et la cession du patrimoine immobilier de l'État
présenté par M. TRON que le ministère des Finances a
demandé à tous les services centraux des ministères de lui
présenter, avant le 31 mai dernier, un « schéma
pluriannuel de stratégie immobilière » (SPSI). Ces
documents doivent comporter un diagnostic à partir d'une base
intégrant toutes les données nécessaires à la
gestion (ratios d'occupation ou de coût), et des orientations
stratégiques quantifiées sur 5 ans déclinant la
démarche du Gouvernement. Pour remplir leur rôle, ces documents
devront être axés sur l'objectif de réduire la
dépense immobilière. Le service France Domaine fixe
précisément le cadre général de ces SPSI et
validera chacun d'entre eux, afin qu'ils soient en ligne avec les orientations
générales données à la politique immobilière
de l'État209(*).
D'autre part, l'influence grandissante des
préceptes issus du secteur privé en matière de
valorisation patrimoniale et notamment immobilière transparaîtra
dans le paiement par les ministères de loyers budgétaires. En
application de la décision du Président de la
République210(*),
le service France Domaine conclura avec chaque ministère une convention
retraçant les droits et les obligations tant de lui-même que des
ministères occupants. Ces conventions seraient conclues pour une
durée limitée et donc renégociées
périodiquement. Pour ne pas laisser les droits acquis s'instaurer, il
serait bon que le terme de ces « baux » soit de 3 ou
6 ans, plutôt que 9. Cela permettra de garantir la bonne occupation
du parc, en assurant une respiration permanente et en mettant sur le
marché, au fur et à mesure, les biens qui deviennent inutiles et
inadaptés. Les loyers budgétaires feront partie intégrante
de ces conventions.
Les loyers budgétaires211(*) qui sont en cours
d'expérimentation en 2006 sur 178 immeubles occupés par
trois ministères (Affaires étrangères, Économie,
finances et industrie et Justice) seront étendus à toutes les
administrations centrales en 2007. Au vu des résultats de cette
application, ils seront ensuite étendus aux services
déconcentrés. Les gestionnaires recevront une facture au titre
des immeubles qu'ils occupent et devront la payer sur une dotation reçue
en début d'année ; les économies qu'ils
réaliseront leur resteront acquises un certain temps, les
dépenses supplémentaires étant bien sûr à
leur charge. Ce dispositif permettra au service France Domaine de jouer
effectivement son rôle d'État propriétaire, alors que la
situation qui prévalait auparavant laissait les ministères se
comporter en quasi-propriétaires sans contrôle ni
obligation212(*).
B. La rationalisation de la gestion
patrimoniale : transposition des normes de performance issues du secteur
privé
« En tant qu'organisation productrice de
réalisations, une administration publique relève autant de la
logique de gestion qu'une entreprise213(*) »
La performance est une des qualités
souvent prêtées au secteur privé. Désormais, c'est
un objectif que les politiques publiques doivent atteindre. La performance a
donc été naturellement consacrée par la loi organique
relative aux lois de finances (LOLF)214(*). L'article 51 alinéa 5 de cette loi organique
indique que les annexes explicatives accompagnant le projet de loi de finances
doivent être complétées par un projet annuel de
performances précisant « la présentation des
coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats
obtenus et attendus... ». Ce système de gestion de la
performance s'inspire directement de la culture dite de management. Cette
dernière, grâce à ce nouveau contexte, s'est
proposée d'améliorer l'efficacité dans la gestion
domaniale par l'intégration de certaines logiques propres aux
entreprises privées. Un tel constat résulte des implications
qu'ont eu les réformes initiées en matières de
comptabilité publique (1) et de participations financières (2) en
terme de valorisation des propriétés publiques. En effet, la
valorisation patrimoniale se trouve modifiée dans ses
éléments originels du fait de la réforme de la loi
organique relative aux lois de finances et de la logique de performance qu'elle
introduit.
1. L'intégration de la performance dans la
gestion des propriétés publiques : l'application d'une
comptabilité patrimoniale
L'intégration des conceptions à
dominantes économiques en matière de droit public se traduit par
la recherche de l'efficacité dans nos finances publiques. L'obligation
de performance est directement traduite dans la lettre de la loi organique
relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001. La
réforme budgétaire instaure de nouvelles normes en matière
de comptabilité publique, avec pour objectifs la contribution à
la valorisation du patrimoine de l'État, une meilleure
appréhension de la réalité de l'activité annuelle
en termes de recettes et de dépenses et une meilleure communication
financière. L'ordonnance organique de 1959 imposait une
comptabilité budgétaire dite de caisse retraçant
l'exécution des dépenses budgétaires, au moment où
elles sont payées et l'exécution des recettes, au moment
où elles sont encaissées. La nouvelle constitution
financière permet de conjuguer comptabilité budgétaire,
comptabilité générale et comptabilité d'analyse du
coût des actions et des programmes215(*).
Cette loi possède un
périmètre assez large car elle peut potentiellement modifier
notre droit public. Elle est liée à l'objectif plus global de
réforme de l'Etat. Elle concerne non seulement le droit
budgétaire et le droit de la comptabilité publique mais
également d'autres branches du droit216(*). La mise en oeuvre de la LOLF a eu
indéniablement des répercussions majeures en matière de
droit des biens. L'occasion nous déjà été
donnée de démontrer la préoccupation comptable du
gouvernement en matière d'immobilier. Un recensement a été
entrepris afin de mieux identifier le contenu du patrimoine de l'Etat.
L'importance accordée à l'aspect comptable découle de
l'insertion des dispositions particulières des articles 27 à
31217(*) de la LOLF. Ces
dispositions permettent de mieux comprendre l'importance revêtue par le
patrimoine et un traitement financier qui rapproche la
collectivité propriétaire de la situation de l'entreprise
privée218(*), sous réserve de la permanence de
règles exorbitantes. La réforme comptable permet une prise en
compte renforcée de la dimension patrimoniale : il s'agit de mieux
connaître, puis d'évaluer et enfin d'inscrire tant les actifs que
le passif. L'analyse ainsi conduite permettra de faire apparaître les
contraintes de gestion qui découlent de l'approche économique du
domaine public. Le mouvement d'assimilation par le droit des biens des
dogmes du secteur privé est donc manifeste. Désormais
les règles de la comptabilité patrimoniale s'appliquent
pleinement aux propriétés publiques.
En ce qui concerne la comptabilité, le
droit applicable à l'Etat rejoint sur ce point celui applicable aux
collectivités territoriales depuis 1994 ( date d'application de
l'instruction M14). Les personnes publiques doivent dresser un inventaire de
leurs biens et les amortir comptablement comme les immobilisations dans un
bilan avec l'introduction d'une charge nouvelle : l'annuité
d'amortissement219(*).
On ne peut alors que constater : « un lent processus de
transformation des patrimoines publics en universalité de droit. Il
passe par la création d'une dotation aux amortissements et demain
peut-être par la transposition, actuellement à l'étude, de
certaines normes comptables internationales d'origine anglo-saxonne
(International Accounting Standard 36) à la comptabilité
publique220(*) ». La présentation actuelle
concernant la valorisation des biens domaniaux répond à des
raisons financières mais plus profondément, au-delà du
seul comblement du déficit budgétaire, la LOLF a servi de base
à une réforme de la conception même des patrimoines
publics221(*).
Les modes de gestion caractéristiques
du secteur privé ont également été
transposés afin d'optimiser la valorisation des participations
financières que l'Etat détient en tant qu'actionnaire dans une
quarantaine d'entreprises publiques. On retrouve là encore le rôle
de la LOLF qui avait prévu la création d'un compte dit de
privatisation222(*).
2. La création du compte d'affectation
spéciale : « participations financières de
l'Etat »
Le projet de loi de finances pour 2006
présente deux missions liées aux activités patrimoniales
de l'Etat, l'une consacrée à la gestion de son patrimoine
immobilier et l'autre dédiée à la valorisation de son
patrimoine financier. Cette dernière, dénommée
« mission des participations financières de
l'Etat »223(*), retrace les opérations de gestion des parts
que l'Etat détient dans le capital des entreprises publiques et
privées. La bonne valorisation des participations de l'Etat est
l'objectif prioritaire affiché par le budget224(*). Cette priorité vaut
pour toutes les entreprises concernées, que l'Etat y soit actionnaire
majoritaire ou minoritaire et qu'elles aient vocation ou non à
être privatisées, complètement ou partiellement.
Il est d'ailleurs important de noter que les cessions de parts de l'Etat
participent elles aussi directement de cette exigence de bonne gestion du
patrimoine financier de l'Etat225(*). En effet, les ventes de participations de l'Etat
dont le produit est affecté au désendettement ne constituent pas
une diminution de son patrimoine mais un transfert au sein de ce même
patrimoine, de son actif (les participations qu'il détient) vers son
passif (sa dette).
Comme tout actionnaire avisé,
l'État doit d'abord veiller à ce que les entreprises dont il
détient tout ou partie du capital créent de la valeur - afin de
pouvoir les céder, le cas échéant, dans les meilleures
conditions possibles. Au-delà de la seule mise en place de l'APE, la
gestion des participations financières a incontestablement
progressé en termes de transparence, au travers du rapport annuel au
Parlement sur l'Etat actionnaire détaillant la situation des principales
entités et présentant depuis 2003 une forme de comptes
consolidés des entreprises à participation d'Etat. L'objectif de
valorisation des possessions financières de l'Etat repose sur quatre
indicateurs226(*),
traditionnellement utilisés par les investisseurs
privés, afin de mesurer la performance des participations
financières de l'État :
- Le premier mesure la rentabilité
opérationnelle des capitaux employés. A cette fin, il
rapproche le résultat net des entités rentrant dans les
combinés des participations de l'Etat des capitaux employés. Cet
indicateur permet de mesurer la capacité des entreprises
concernées à créer de la valeur par rapport aux moyens
qu'elles engagent
- Le second indicateur, plus large, mesure la
rentabilité financière des participations en rapportant
le résultat net (qui agrége le résultat d'exploitation, le
résultat financier et le résultat exceptionnel) aux capitaux
propres. C'est l'indicateur le plus traditionnel, mais aussi le plus robuste,
car il met en évidence la réelle création de richesse des
entreprises en prenant en compte l'ensemble des éléments de leurs
gestions.
- Le troisième indicateur est la traditionnelle
marge opérationnelle (résultat d'exploitation
sur chiffre d'affaires)
- Enfin, le quatrième indicateur est la
soutenabilité de l'endettement, mesurée par le rapport
entre la trésorerie dégagée par l'exploitation (l'EBITDA)
et les dettes nettes des entités. Il permet de mesurer la
capacité des entreprises à honorer leurs dettes, voire à
se désendetter.
?
La loi organique relative aux lois de
finances du 1er août 2001 (LOLF) a consacré une
exigence de performance de la gestion publique qui s'applique à la
façon dont l'Etat gère son patrimoine. La performance de ce
dernier, vecteur de valorisation, passe incontestablement par
l'intégration des règles de gestion du secteur privé.
L'enjeu économique est essentiel car les privatisations ou
recapitalisations ne sont que la traduction budgétaire visible d'une
politique plus large : celle de la valorisation du patrimoine de l'État,
qu'il s'agisse de ses actifs comme de son passif. La valorisation des
participations de l'État est une exigence pour les entreprises ayant
vocation à être privatisées mais aussi pour les autres.
Conclusion
Le présent mémoire appelle
davantage une série d'observations qu'une conclusion, laquelle aurait
pour effet de figer une matière dont nous savons qu'elle est intimement
liée au mythe du Phoenix et à la symbolique du renouveau
cyclique.
Pendant longtemps, le domaine public
était perçu comme un bien improductif, c'est-à-dire
insusceptible de procurer des revenus à l'Etat. La mission de
l'administration se résumait en une mission de garde et de
surintendance: il s'agissait d'assurer la conservation du domaine. Aujourd'hui,
on note qu'il y a eu une évolution fondamentale : le domaine public est
devenu un enjeu important, une source de richesse nationale. La mission de
l'administration a changé et s'est muée d'un rôle classique
de gardien en un rôle de gestionnaire du domaine. On sait que
l'avènement des thèses propriétaristes est lié
à l'exploitation du domaine public ; c'est cette dernière
évolution, qui participe sur le long terme d'une tendance plus
générale à la patrimonialisation des choses hors du
commerce227(*).
Désormais, l'administration gère le domaine public avec le souci
d'en tirer le meilleur profit possible, étant dès lors
amenée à concilier son obligation de protection avec les
intérêts économiques et financiers des tiers qui vont le
faire fructifier. Or, les règles de la domanialité publique se
sont très vite révélées contraignantes, voire
inadaptées en ce qu'elles ne permettaient pas d'offrir de garanties aux
opérateurs privés, le principe d'inaliénabilité
interdisant la constitution de droits réels. Ainsi, dans le but
d'éviter que ces règles protectrices ne se retournent
économiquement contre les personnes publiques, le législateur est
intervenu, à plusieurs reprises, pour « assouplir » le
régime de la domanialité publique.
Dès les années 80, le Conseil
d'Etat appelait de ses voeux une réforme globale du droit des
propriétés publiques afin de réduire le décalage
entre de vieux principes et les exigences actuelles d'une exploitation
économique, vecteur de valorisation, des dépendances domaniales.
Les interventions législatives ponctuelles ont tenté de
résoudre cette inadaptation. En vain. Le Code général de
la propriété des personnes publique procède alors à
une réforme importante en réalisant une codification à
droit non constant. La modification ainsi réalisée a doté
les personnes publiques d'un ensemble cohérent et actualisé de
règles.
Au regard de l'importance des patrimoines
publics et de la manne financière qu'ils ont toujours
représenté, la protection financière des possessions
publiques a toujours été une préoccupation centrale des
politiques publiques. Prolongeant les pratiques de l'Ancien régime, le
droit des biens permet d'élever la valorisation au rang
d'impératif premier d'une politique domaniale rénovée. La
réforme immobilière, fondement de la réforme globale de
l'Etat, connaît de substantielles évolutions marquées
notamment par une politique ambitieuse de cessions. Tandis que les
participations financières de l'Etat connaissent une nette progression
en raison de la structuration de la fonction d'actionnaire, le gouvernement a
lancé une vaste politique d'évaluation des actifs incorporels
afin d'optimiser la « marque France ». Réforme en
profondeur des règles juridiques, transformations des structures
administratives, évolution de la politique immobilière : les
personnes publiques disposent désormais d'outils rénovés
de gestion patrimoniale.
Le présent mémoire nous a
permis de souligner l'adaptation constante du droit des biens. Tel le Phoenix,
il renaît de ses principes fondateurs pour répondre aux exigences
de la sphère économique. La protection financière
s'avère être un aspect essentiel de la réforme de l'Etat.
Celle-ci passe par l'intégration assumée de certains
préceptes issus du secteur privé. La rentabilité du
domaine, l'optimisation des occupations privatives s'appuient sur la
performance soulignant ainsi que le droit des biens « fut
toujours un hybride mêlant, dans des proportions que l'histoire fait
varier, règles de droit privé et public228(*) ». La symbolique
de la résurgence attachée à l'oiseau paré de
pourpre laisse entendre que malgré l'apport essentiel du Code
général de la propriété publique en terme de
patrimonialisation du domaine et de valorisation de ce dernier, la
matière n'a nullement atteint un degré ultime de réforme.
L'application du droit commercial aux dépendances publiques se posera de
façon inexorable. Si l'objectif de réduire la domanialité
publique paraît salutaire, le droit administratif est porteur d'effets
économiquement néfastes en excluant la conclusion de baux
commerciaux. En outre, même si les actifs immatériels font l'objet
d'une évaluation, la propriété publique incorporelle n'a
pas été traitée par le nouveau code. Il s'agit
indéniablement d'une carence malheureuse, compte tenu d'une nette
tendance à la dématérialisation des
propriétés.
En définitive, en
songeant au droit du patrimoine public, on ne peut s'empêcher de penser
à l'histoire du bateau de Thésée. Plutarque, dans ses
Vies des hommes illustres, rapporte que les Athéniens
gardèrent longtemps le navire, « en ôtant toujours
les vieilles pièces de bois, à mesure qu'elles pourrissaient, et
en y remettant des neuves en leurs places ». S'agissait-il
toujours du même bateau ? « Les uns maintenaient
que c'était un même vaisseau, les autres, au contraire,
soutenaient que non229(*) ». Le droit des biens a incontestablement
évolué. L'exploitation des dépendances patrimoniales
intègre désormais des logiques financières et
managériales mais un impératif demeure :la valorisation des
biens publics s'entend toujours d'une valorisation au service de
l'utilité publique.
Bibliographie générale
I.
OUVRAGES
A. OUVRAGES GENERAUX
q CHAPUS (R.), Droit administratif
général, Tome 1, Domat Droit public, Montchrestien,
15ème édition, 2001
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B.
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Moniteur, 5éme édition
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C. OUVRAGES COLLECTIFS OU ANONYMES
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Faculté de droit de Paris Saint-Maur et les Cahiers juridiques de
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1991)
q Domaine public et entités économiques
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des publications de l'université Toulouse I, 1991)
Ø L. RAPP, « De la domanialité
publique à l'appartenance publique » p. 165
Ø H. ROUSSILLON, « Le Conseil
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Ø B. SAINT-GIRONS, « L'article 17 de la
DDHC et la protection des intérêts patrimoniaux »
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2. Encyclopédies, codes et
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q http://www.assemblee-nationale.fr
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q http://www. ccomptes.fr
q http://www.fondation-igd.org
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q http://www.legifrance.gouv.fr
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q http://www.senat.fr
q http://www.vie-publique.fr
INDEX
A
E
Accessoire : 58
Entretien : 23, 24, 31-33
Actionnaire : 93,96-99, 110
Evaluation : 23,29, 44, 45, 48
Administration des domaines : 19, 86, 113
52,86, 87 92
Affectation : 45, 55, 56, 60, 66
Expérimentation : 101,105
Aménagement spécial/indispensable : 54-56,
58 106
APE : 96, 98, 99
Externalisation : 38, 46, 51,
Autorisation d'occupation temporaire (AOT) : 16
66, 89, 101-105
17, 21, 28, 41, 42, 68, 79, 80-83, 88, 104
B
F
Bail emphytéotique administratif : 14, 15, 68,
79-81 Financement privé : 62-63
Biens corporels : 29, 86, 87
France Domaine : 94,106
Biens incorporels : 29, 90-92
C
CGPPP : 13, 17, 21, 25, 26, 37, 52, 55, 57-61,
G
63-65, 72, 75, 80, 82, 104, 114
Gestion domaniale : 50,
Comptabilité patrimoniale : 107-109
52, 53, 65, 66, 72, 73,
Crédit-bail : 80, 82, 103, 104
85, 100, 110
Gouvernement d'entreprise
96-99
Gratuité : 70-73
D
Déclassement : 39, 60, 61, 64-66
H
Domaine privé : 59, 62-67
Hypertrophie : 26, 52-53,
Domaine public : 14, 16
55-56, 58-59
Droits réels : 16, 79
Droit privé : 29, 59, 62-67, 84, 107-109
I
Propriété intellectuelle :
90-93
Inaliénabilité : 18, 30, 32, 40, 44-45,
51,59 Propriété publique : 12, 17, 19-24
60, 65, 79
25, 26, 37, 52, 55, 57-61, 63-65, 72
Incessibilité à vil prix : 40, 44-48, 65,
73 75, 80, 82, 104, 114
Investissements privés : 14, 16, 69, 89-90
Protection du domaine public : 17,
26, 39, 40-44, 47-48, 73
L
Lease-back : 88, 103-105
R
Licence UMTS: 76
Redevances domaniales: 34-35, 39
Loi du 8 janvier 1988: 16, 17, 28, 42, 79-81
69, 72-76, 78
Loi du 25 juillet 1994 : 16, 17, 28, 41, 42, 79
Réforme de l'Etat : 28, 84-85, 108
80-81, 104
Rentabilité financière : 17, 19, 26,
LOLF : 28, 34, 107-108, 111
69, 72, 75, 90
Loi du 29 août 2002 : 28
Loi du 20 avril 2005 : 64-68
T
TGPE : 30, 86, 88
M
Management public: 84, 85, 103, 107, 115
V
Valeur des patrimoines : 29-31,
O
47-48, 73, 78-79, 83, 90
Occupation collective : 70-71
Occupation privative : 72-78, 80, 114
Ordonnance du 17 juin 2004 : 28, 61, 64-65, 67-68
80, 81, 88
Ordonnance du 19 août 2004 : 34, 38, 68
P
Partenariat public/privé (PPP) : 28, 67-68, 78,
80-83,
88, 103
Participations financières de l'Etat : 36-37, 110,
113
Performance financière : 28, 52, 69, 83, 107
Politique immobilière de l'Etat : 32, 35, 87-88,
93,
113-114
Précarité : 78-79
Table des matières
INTRODUCTION.......................................................................................6
PARTIE 1
ORIGINE ET SIGNIFICATION ACTUELLE DE LA PROTECTION FINANCIERE
DU PATRIMOINE
PUBLIC..............................................................................11
SECTION 1 : LES FONDEMENTS DE LA PATRIMONIALISATION DU
DOMAINE
PUBLIC..................................................................................................13
§1. La permanence historique de la valorisation du
patrimoine public.........................14
A. La mise en valeur et l'exploitation du patrimoine public au
fil des siècles................15
B. La recherche de la rentabilité financière du
patrimoine public, un objectif persistant....18
§2. L'inhérence de la logique de valorisation
à la notion de propriété publique..............20
A. La reconnaissance du droit de propriété des
personnes publiques...........................21
1. Les bases jurisprudentielles et législatives de la
propriété publique.........................21
2. Les bases internationales et constitutionnelles de la
propriété publique.....................21
B. Le lien entre propriété publique et
exploitation de la valeur financière du patrimoine
public....................................................................................................24
SECTION 2 : PORTEE ACTUELLE DE LA PROTECTION FINANCIERE
DU PATRIMOINE
PUBLIC..............................................................................27
§1. La consécration législative de
l'impératif de valorisation du patrimoine public.........28
A. La nécessaire prise en compte des enjeux
économiques et financiers......................29
1. Réflexions sur la légitimité de
l'analyse économique en droit: le cas du droit domanial.30
2. La patrimonialité des biens publics : aspects
comptables et budgétaires....................31
á. Le coût d'exploitation du patrimoine
public....................................................31
â. Le patrimoine public, ensemble de ressources
valorisables...................................35
q Produits et revenus du domaine public de
l'Etat..............................................35
q La gestion des participations de
l'Etat.........................................................37
B. L'apport du CGPPP en terme de
valorisation..................................................38
§2. La limite d'une démarche purement
économique : le maintien d'une exigence de protection du patrimoine
public......................................................................41
A La protection du domaine public, un impératif
constitutionnellement reconnu ?..........41
1. Les limites inhérentes à la protection
constitutionnelle des biens publics..................42
á. Analyse de la jurisprudence
constitutionnelle..................................................42
â. La jurisprudence administrative : la
reconnaissance d'un impératif d'ordre constitutionnel de protection du
domaine public..................................................43
2. Les doutes quant à la portée réelle de
la protection............................................44
B. La portée effective des principes protecteurs du
patrimoine public : une application relative face aux exigences de
valorisation.........................................................45
1. Le principe
d'inaliénabilité........................................................................46
2. L'incessibilité à vil prix des
propriétés
publiques..............................................47
PARTIE 2
POLITIQUES ET OUTILS DE LA PROTECTION FINANCIERE DU PATRIMOINE
PUBLIC OU L'ESSOR D'UNE NOUVELLE GOUVERNANCE PATRIMONIALE.....51
SECTION 1 : LA MODERNISATION DE L'EXPLOITATION ECONOMIQUE
DU PATRIMOINE
PUBLIC..............................................................................53
§1. Une gestion patrimoniale
renouvelée...........................................................54
A. La limitation de l'hypertrophie du domaine public :
une nouvelle définition du domaine public à l'effectivité
incertaine.......................................................................54
1. Le recentrage de la domanialité
publique.......................................................55
á. Les tenants de l'abandon d'une définition du
domaine public subordonnée à l'application d'un critère
réducteur.................................................................................55
â. Une nouvelle définition du domaine public
propice aux exigences de valorisation.......56
2. L'affaiblissement de la règle de
l'accessoire...................................................59
B. La respiration du patrimoine
public..............................................................60
1. La circulation des propriétés
publiques..........................................................60
2. L'accroissement de la consistance du domaine
privé..........................................62
á. Les politiques de déclassement des
dépendances publiques : le domaine privé, vecteur
d'efficacité
patrimoniale ?............................................................................63
â. Les exemples concrets d'un accroissement de la
domanialité privée : le développement de biens
privés affectés au service
public..........................................................65
q Le déclassement des immeubles à usage de
bureaux.........................................65
q Le déclassement des
aéroports..................................................................67
§2. La performance financière du patrimoine
public.............................................70
A. La rentabilisation des occupations
domaniales................................................70
1. L'exploitation financière du patrimoine public ou le
déclin de la gratuité face aux exigences de
valorisation.............................................................................71
á. Une remise en cause de la gratuité du domaine
public par le développement du caractère financier des
utilisations
collectives.................................................................71
â. L'autorisation d'occupation privative, instrument de
gestion du domaine public..........72
2. Le caractère économique de la redevance pour
occupation domaniale.....................74
á. La redevance, source de bénéfices pour
la personne publique propriétaire.................75
â. Un exemple concret démontrant le
caractère économique de la redevance : les licences
UMTS...................................................................................................77
B. La productivité de la propriété
domaniale......................................................78
1. Le renforcement des droits des occupants privatifs du
patrimoine public..................79
á. La valeur patrimoniale des droits des occupants
privatifs....................................79
â. L'atténuation de la précarité du
partenaire privé...............................................80
2. Les contrats de partenariat et la valorisation
patrimoniale....................................82
á. Les limites des techniques contractuelles classiques
en matière de valorisation du patrimoine
public.......................................................................................82
â. Le partenariat, contrat potentiellement vecteur d'une
valorisation financière du patrimoine
public.......................................................................................83
SECTION 2 : LE DEVELOPPEMENT DU MANAGEMENT EN MATIERE
DOMANIALE OU L'OPTIMISATION DE LA VALEUR FINANCIERE DU PATRIMOINE
PUBLIC..............................................................................85
§1. Les nouveaux outils d'une gestion domaniale
dynamique...................................86
A L'évaluation des actifs
publics....................................................................87
1. L'évaluation des actifs corporels, fondements d'une
vaste politique de cessions.........87
á. La mise à jour du
TGPE...........................................................................87
â. La politique de cession immobilière de
l'Etat...................................................89
2. L'évaluation des actifs immatériels, un
patrimoine valorisable largement méconnu mais en voie
d'appréhension................................................................................91
á. La méconnaissance du potentiel financier de
la propriété intellectuelle : un contexte favorable à
l'évaluation des actifs
immatériels....................................................91
â. L'évaluation récente des actifs
immatériels de l'Etat..........................................93
B. La création d'organes ou l'institutionnalisation de
l'efficacité patrimoniale...............94
1. La structuration de la fonction de propriétaire
public..........................................94
á. Le service France
Domaine........................................................................95
â. Le conseil de surveillance de l'immobilier de
l'Etat...........................................96
2. La professionnalisation de l'Etat
actionnaire...................................................97
á. L'Etat, un actionnaire longtemps apparu comme
impuissant.................................97
q Des modalités d'action
contraignantes.........................................................97
q Une carence de
stratégie.........................................................................
98
â. La création d'APE : l'influence des
théories du gouvernement d'entreprises..............99
§2. L'intégration du modèle entrepreunerial
dans l'action domaniale des personnes
publiques..............................................................................................101
A. La recherche de l'optimum juridique en matière de
gestion patrimoniale................102
1. L'externalisation de l'immobilier
public.......................................................102
á. Les expériences anglo-saxonnes
d'extrernalisation..........................................103
â. L'externalisation en France : les perspectives
en matière patrimoniale....................103
q Définition de
l'externalisation..................................................................103
q Les moyens dont disposent les personnes publiques pour
asseoir l'externalisation....104
2. L'expérimentation de loyers
budgétaires......................................................106
B. La rationalisation de la gestion patrimoniale :
transposition des normes de performances issues du secteur
privé...............................................................................108
1. L'intégration de la performance dans la gestion des
propriétés publiques : l'application de la
comptabilité
patrimoniale.....................................................................108
2. La création du compte d'affectation
spéciale « participations financières de
l'Etat »...110
CONCLUSION.......................................................................................113
BIBLIOGRAPHIE
GENERALE..................................................................116
INDEX................................................................................................123
TABLES DES
MATIERES........................................................................125
* 1
André de Laubadère, « Domanialité publique,
propriété administrative, affectation », RDP,
1950
* 2
Les premiers développements de ce mémoire permettent de
démontrer la permanence historique des exigences de valorisation des
possessions publiques. Voir infra p. 11
* 3
Y. GAUDEMET, « L'avenir des propriétés
publiques », in Mélanges Fr. Terré,
Dalloz, PUF, Editions du Juris-Classeur, 1999, p. 569
* 4
Selon F. OST, l'ensemble des biens, c'est-à-dire des valeurs
pécuniaires, ayant pour sujet une même personne est le patrimoine
de celle-ci.
* 5
Domaine public et activités économiques ( Actes de colloques
organisés les 20 et 21 sept. 1990 par la Faculté de droit de
Paris Saint-Maur et les Cahiers juridiques de l'électricité et du
gaz, n° hors série des CJEG, oct. 1991)
* 6
« La gestion patrimoniale du domaine public »,
Paris, Institut de la Gestion Déléguée, avril 2001 ;
« La réforme du droit des propriétés
publiques », LPA 23 juillet 2004, n° 147
* 7
S. BERNARD, « La recherche de la rentabilité des
activités publiques et le droit administratif », LGDJ,
2001 ; J.P BROUANT, « Le domaine public à
l'épreuve de la valorisation économique »,
Thèse Paris I, 1995 ; J.-Fr. DENOYER,
« L'exploitation du domaine public », LGDJ,
1969 ; A. TAILLEFAIT, « L'évolution du droit de la
gestion des biens des collectivités locales »,
Thèse Paris II, 1996 ; J. MORAND-DEVILLER, « La
valorisation du patrimoine public » in Mélanges en
l'honneur de Roland Drago, Economica, 1996
* 8
Loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la
décentralisation et loi n° 94-631 du 25 juillet 1994
relative à la constitution de droits réels sur le domaine public
de l'Etat
* 9
Réflexions sur l'orientation du droit des propriétés
publiques, EDCE, n°38, 1987 ; La réforme du droit des
propriétés publiques, LPA 23 juillet 2004, n° 147
* 10
Ordonnance du 21 avril 2006 sur le fondement de la loi n°2005-842 du 26
juillet 2005. Mouvement initié par le projet de réforme de la
domanialité publique inscrit à l'article 34 de la loi du 2
juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit
* 11 P.
YOLKA, « Naissance d'un code : la réforme du droit
des propriétés publiques » JCP A 29 mai 2006,
n°22
* 12
Sur ce thème, voir les actes du colloque «Domaine public
et activités économiques », CJEG, Hors
série 1991
*
13 J-B PROUDHON,
Traité du domaine public
* 14
J-J ISRAËL, Intervention au colloque, « Domaine public et
activités économiques » organisé par la
faculté de droit de Paris Saint-Maur les 20 et 21 sept. 1990, n°
Hors série des CJEG, oct. 1991
* 15
E. PICARD, « La notion de police administrative »,
LGDJ, 1984, p. 840
* 16
G. JELLINEK, « Introduction à la doctrine de
l'Etat », Heidelberg, 1903, p. 21
* 17
l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie
législative du code général de la propriété
des personnes publiques
* 18
Etant depuis longtemps admis que le domaine public n'est pas seulement un objet
de police administrative mais une richesse collective que l'Administration a le
devoir de gérer le plus efficacement possible avec pourquoi pas une
finalité de rentabilité, nous ne retracerons pas les
différentes étapes qui ont abouti à un dépassement
progressif des pouvoirs de police comme l'avait souligné P.
Laroque : « A la conception du domaine public hors du
commerce, ne pouvant faire l'objet d'aucune appropriation ni d'aucun droit
véritable, soumis uniquement à la garde et à la police de
l'administration, se substitue la conception du domaine public, richesse
collective et objet d'exploitation : police et gestion n'apparaissent plus
comme des notions antinomiques, mais comme des qualifications
différentes d'une même activité ». Cette
idée devait être reprise par B. Chénot dans ses conclusions
sur CE 5/05/1944, Cie maritime de l'Afrique
orientale : « Le domaine public n'est plus simplement
un objet de police administrative, c'est l'assiette d'un nombre toujours
croissant de services d'intérêt général et c'est un
bien dont l'administration doit assurer dans l'intérêt collectif
la meilleure exploitation (...). Lorsque l'administration délivre une
autorisation de voirie, elle n'a pas seulement le devoir d'en contrôler
l'usage selon l'intérêt du domaine, elle a le droit
d'orienter l'action du permissionnaire vers la satisfaction des
intérêts généraux et de régler son
activité de telle sorte que l'utilisation du domaine public par un
particulier corresponde à l'exécution d'un service utile à
la collectivité tout entière » (RDP 1944, p. 236).
Ce n'est qu'en 1957, que le Conseil d'Etat, dans l'arrêt du 20
décembre 1957, Sté nationale d'éditions
cinématographiques, qui pose en principe « qu'il
appartient à l'autorité chargée de la gestion du domaine
public de fixer, tant dans l'intérêt dudit domaine et de son
affectation que dans l'intérêt général, les
conditions auxquelles elle entend subordonner les permissions
d'occupation ; que ni le principe de la liberté du commerce et de
l'industrie ni celui de la liberté de la presse .... Ne sauraient faire
obstacle à l'exercice de ces pouvoirs de
gestion »19. Cette motivation sera par la suite
confirmée à de nombreuses reprises. ( cf. notamment CE 3 mai
1963, Ministre des Travaux publics c/ Commune Saint-Brévin-Les-Pins,
Lebon p. 259 ; AJDA 1963, II, p. 356, RDP 1963, p. 1174, note
Waline : « dans l'exercice de ses pouvoirs de gestion du domaine
public, il appartient à l'administration d'accorder à titre
temporaire des autorisations d'occupation privative dudit domaine » -
CE 12 juin 1963, Rimoux, AJDA 1963, II, p. 708, note J.-M. A propos d'une
interdiction de circulation dans autobus et des autocars dans le bois de
Boulogne et de Vincennes, le Conseil d'Etat fait observer que la
dérogation consentie à la RATP « a été
édictée dans l'exercice des pouvoirs de gestion du domaine de la
ville de Paris » - CE 29 avril 1966, Sté Affichage Giraudy,
JCP 1966, II, 14746, note Klein : l'un des considérants de
l'arrêt comporte une rédaction identique à celle
utilisée par le Conseil d'Etat dans l'arrêt du 20 décembre
1957 - CE 19 janvier 1966, Club aérien « Les
Gerfauts », Lebon p. 150)
* 20
On oppose le domaine éminent d'exploitation par investissement au
domaine utile d'exploitation directe.
* 21
Par exemple, le titre IX indique la possibilité de contracter avec la
puissance publique pour la jouissance d'un lieu public et de la protection de
l'occupant du domaine public : « Le préteur
s'exprime ainsi : je défends qu'on empêche par violence celui
à qui un lieu public, aura été donné à
bail ». Il est clair que cet interdit a pour but
l'utilité publique puisqu'il soutient la cause des revenus publics
*
22 On distingue notamment
le fief en terre, qui était attribué à un inventeur ou un
financier qui obtenait la cession d'une portion du domaine utile afin d'y
établir un ouvrage dans un délai et pour un péage
déterminé et le fief en fonction
* 23
« Monsieur, étant important pour la commodité
publique et la finalité du commerce, que les ponts et chaussées
soient toujours en bon état, je vous prie de passer promptement des
marchés pour l'entretennement des ouvrages nouvellement faits, et
d'observer avec soin à l'avenir de ne faire aucun marché pour le
rétablissement des ouvrages que nous n'obligiez en même temps les
entrepreneurs à se charger de les entretenir »
* 24
Si l'on prend l'exemple de l'Etat, le parallèle entre la loi de 1902 et
celle de 1994 est particulièrement explicite puisque la loi
n° 94-631 du 25 juillet 1994 a donné la
faculté à l'État et à ses établissements
publics de consentir des titres d'occupation du domaine public constitutifs de
droits réels sur les ouvrages, constructions et installations de
caractère immobilier que le titulaire réalise pour l'exercice
d'une activité autorisée. Ce droit réel confère
à son titulaire, pour la durée de l'autorisation et dans les
conditions et limites précisées par la législation
domaniale, les prérogatives et obligations du propriétaire. La
nature immobilière du droit réel constitué par le titre a
été confirmée par le décret n° 95-595 du
5 juin 1995, qui a modifié l'article 28 du décret
n° 55-22 du 4 janvier 1955.
* 25
P. YOLKA, « La propriété publique. Eléments
pour une théorie », Paris, LGDJ, 1997, p. 91
* 26
Prise sur le fondement de l'art. 48 de la loi n° 2005-842 du 26 juillet
2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie ayant
habilité le gouvernement à prendre par cette voie les mesures
législatives nécessaires pour modifier et compléter les
dispositions relatives : à la définition, aux modes
d'acquisition, à l'administration, à la protection et au
contentieux du domaine public et du domaine privé, mobilier comme
immobilier, de l'Etat, des collectivités territoriales, des
établissements publics et des autres personnes publiques dotées
de la personnalité morale, à l'authentification des actes
détenus en jouissance par ces personnes publiques, au régime des
redevances et des produits domaniaux, tant en ce qui concerne leur institution
que leur recouvrement, à la réalisation et au contrôle des
opérations de prises en location, d'acquisition et d'aliénation
poursuivies par ces personnes publiques,
*
27« Davantage sommes-nous par
constitution, garder et observer à notre pouvoir les terres de notre
domaine » (édit de 1521, cité par Baillère,
Du Domaine public de l'Etat) ; « Savoir faisons que nous
considérons notre dit domaine et patrimoine de France être
inaliénable par quelque espèce ou manière que ce soit,
directement ou indirectement, attendu que ledit domaine et patrimoine de notre
couronne est réputé sacré et ne peut tomber au commerce
des hommes... » (édit du 30 juin 1539, cité par
Récy, Traité, T. 1)
* 28
S'il conserve encore une importance dans les recettes de l'Etat, c'est
grâce au domaine incorporel. Un arrêt du Conseil du 14 janvier 1781
le reconnaît en ces termes : « Sa Majesté
a dû arrêter ses regards sur l'aliénation de ses domaines et
elle n'a pu voir sans peine que cet ancien patrimoine de la Couronne
était tellement diminué (...) qu'il ne restait maintenant entre
ses mains que le plus modique revenu de cette nature de
biens... »
* 29
Ce lien nous permet de comprendre le choix qui a été fait pour
intituler le Code qui a été adopté à la suite de
l'ordonnance du 21 avril 2006 et qui recèle de nombreuses dispositions
qui vont dans le sens d'une plus grande valorisation domaniale plus à
l'écoute des exigences économiques et financières.
* 30
Léon DUGUIT, Traité de droit constitutionnel, 1930, p.
349
* 31
P. YOLKA a montré que ces deux régimes sont
autonomes : « propriété publique et
domanialité publique ne sont pas synonyme mais complémentaires.
Leurs relations s'organisent selon un principe d'indépendance
relative », op cit.
* 32
CE, 16 juin 1909, Ville de Paris
* 33
Jusqu'à une époque récente, il était exclu que les
établissements publics puissent être propriétaires de
dépendances du domaine public. Ils pouvaient en être affectataires
mais elles faisaient partie de leur domaine privé. Le Conseil d'Etat et
le Tribunal des Conflits reconnaissent donc aux seules collectivités
territoriales un droit de propriété (cf ; CE, 19/03/1965,
Sté Lyonnaise des Eaux). La Cour de cassation, quant à
elle, ne faisait aucune difficulté pour admettre la domanialité
publique des biens appartenant à un établissement public :
Cass . 1re civ., 2/04/1963, Montagne. Le revirement
fut la suite d'une longue gestation de la jurisprudence administrative. Suite
aux conclusions du commissaire D. LABETOULLE sur l'arrêt CE, 3/03/1978,
Lecoq, de faire évoluer la jurisprudence, la Haute Juridiction
admet que la domanialité publique peut s'appliquer aux biens des
établissements publics (CE, 6/02/1981, Epp. La reconnaissance
et la consécration du droit de propriété aux profits des
établissements publics sur leurs dépendances interviennent
à la suite de l'arrêt Mansuy du 21 mars 1984.
* 34
Conclusions Teissier sur CE, 16/07/1909, Ville de Paris ;
conclusions Corneille sur CE, 17/01/1923, Piccioli (RDP 1923, p.
572) ; conclusions Latournerie sur CE, 28/06/1935, Marécar
(RDP 1935, p. 590) ; conclusions Guldner sur CE, 20/12/1957, SNEC
( S 1958, p. 58)
* 35
« Réflexions sur l'orientation du droit des
propriétés publiques », EDCE 1987, p. 13
* 36
prise en vertu de l'habilitation prévue par l'article 48 de la loi
n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de
l'économie
* 37
« La réforme du droit des propriétés
publiques », LPA 23 juillet 2004, n° 147
* 38
Décision des 25 et 26/06/1986 « Loi autorisant le gouvernement
à prendre diverses mesures d'ordre économique et
social » n° 86-207 DC, JO 27/06/1986, p. 7978 ; AJDA 1986,
p. 575, note Rivera ; Décision du 18/09/1986 « Loi
relative à la liberté de la communication » n°
86-217 DC, AJDA 1987, p. 102, note Wachsmann
* 39
Décision du 21 juillet 1994 relative à la constitution de droits
réels sur le domaine public n° 94-346 DC AJDA 1994, p. 786, note
G. GONDOUIN ; RFDA 1994, p. 1106, note C. LAVIALLE
* 40
P YOLKA, « La propriété publique. Eléments
pour une théorie », Paris, LGDJ 1997, p. 278
* 41
A. de LAUBADERE, Traité de droit administratif, LGDJ 1980 p. 146
* 42
Des textes particuliers peuvent intervenir pour organiser la mise en oeuvre de
l'obligation générale d'entretenir le domaine public. Ainsi la
loi n°75-602 du 10 juillet 1975 a créé un
établissement public administratif de l'Etat, le «
Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres »,
ayant pour mission de mener, dans les cantons côtiers et dans les
communes riveraines des lacs et plans d'eau d'une superficie au moins
égale à 1000 hectares, une politique foncière de
sauvegarde de l'espace littoral, de respect des sites naturels.
* 43
CE, 10/11/1972, Dame Dubois, dame veuve Goursaud et Ville de Limoges,
DA 1972, n° 401
* 44
C. TEITGEN-COLLY, « La légalité de
l'intérêt financier dans l'activité
administrative », Economica, 1981
*
45« Propriété
publique et domaine public ne sont pas synonymes, mais
complémentaires : le premier explique la partie fixe du
régime des biens publics,, le second la plupart des
éléments qui varient en fonction de
l'activité » P. YOLKA in La
propriété publique. Eléments pour une théorie.
Paris, LGDJ 1997, p. 609
* 46
P. YOLKA, « Naissance d'un code : la réforme du droit
des propriétés publique », JCP A 29 mai 2006,
n° 22, p. 688
* 47
Y. GAUDEMET, Préface de la thèse de P. YOLKA, « La
propriété publique. Eléments pour une
théorie », Paris, LGDJ, 1997, p..XI
* 48
C'est parce que le droit du domaine public était réputé
inaccessible à certains investissements de financement privé que
les lois du 5 janvier 1988 et du 24 juillet 1994 ont ouvert la
possibilité de conclure des baux emphytéotiques administratifs (
pour les collectivités territoriales) et des autorisations d'occupation
temporaire ( pour l'Etat) ; c'est encore la même
préoccupation de valorisation qui est sous-jacente aux lois du 29
août et 9 septembre 2002 au profit de la sécurité
intérieure et de la justice. Enfin, c'est pour faire reculer le
régime de la domanialité publique que les lois du 26 juillet 1996
pour France Télécom et du 11 décembre 2001 pour La Poste
ont mis en place un régime de domanialité privée avec
contrôle préalable au nom de la nécessaire
continuité du service public
* 49
J-B AUBY, « La bataille de San Romano », AJDA, 20
novembre 2001, p. 921
* 50
Nous pensons notamment au rapport d'enquête établi par
l'Inspection générale des finances sur la gestion
immobilière de l'Etat, aux propositions formulées, à la
demande du Premier ministre, par Olivier DEBAINS sur l'optimisation des moyens
de gérer l'immobilier de l'Etat, aux rapports du Conseil d'Etat sur les
redevances domaniales, à la mission d'évaluation des actifs
immatériels de l'Etat confiée à M. Lévy,
Président de Publicis, dont les conclusions seront rendues publiques
à l'automne 2006.
* 51
Cela a été brillamment démontré dans le rapport de
l'Institut de la gestion déléguée en 2001 sur
« La gestion patrimoniale du domaine public »
*
52 Colloque
« La réforme du droit des propriétés
publiques », LPA, 23 juillet 2004, p.11
* 53
Colloque CREDES, Nancy II, 2000. Les références relatives
à l'analyse économique sont tirées principalement de
l'article de J-F CALMETTE, « Réflexions sur la valeur de
l'analyse économique du droit : le cas du droit
public », R.R.J, 2004
* 54
Voir infra, la mise à jour du TGPE à laquelle il a
été procédé dans le cadre du champ plus global de
la réforme de l'Etat et de sa gestion immobilière
* 55
« Domaine public et entreprises privées. La
domanialité publique mise en péril par le
marché », L'Harmattan, collection Logiques juridiques,
2003
* 56
G. JELLINEK, Introduction à la doctrine de l'Etat, Heidelberg, 1903, p.
194
* 57
Voir « La gestion du patrimoine des collectivités
territoriales » de M. ESSEVAZ-ROULET, Dossier d'expert,
Techni-Cités, 2004
* 58
Compte tenu de la structure et des caractéristiques du patrimoine
immobilier des services déconcentrés, les objectifs principaux
d'évolution du parc immobilier ne portent pas sur une augmentation des
surfaces bâties mais sur l'adaptation fonctionnelle des locaux et sur la
remise en état des bâtiments qui se sont dégradés au
fil des années. Ces objectifs visent notamment :
- la mise en sécurité des locaux : près
de 20 % des bâtiments sont confrontés à des
problèmes de conformité aux normes de sécurité
réglementaires (électricité, évacuation,
ascenseurs,...) dont la moitié de non-conformités graves;
- la remise en état du patrimoine : 20 % des
bâtiments nécessitent des interventions importantes sur la
structure (gros oeuvre, étanchéité), dont une forte
proportion d'interventions qualifiées de lourdes
* 59
Consulter le site www.vie-publique.fr, Rubrique découverte des
institutions, ressources et dépenses de l'Etat
* 60
Voir en particulier CE, 5 avril 1962, Ministre des Travaux publics c/
Société des chaix d'Armagnac, AJDA 1962, II, p. 592,
conclusion Braibant
* 61
CE, 3 mai 1963, Ministre des Travaux publics c/ Commune de Saint
Brévin Les Pins, RDP, 1963, p. 1174, note M. WALINE ; CJEG
1984, p.186, note J. VIROLE ; également CE, 19 janvier 1968,
Club aérien « Les Gerfauts », Recueil, p.
50 ; CE, 23 juin 1995, Ministère de la Culture et de la
Francophonie, RFDA, janvier 1996, n°3, note C. LAVIALLE
* 62
Voir la liste non exhaustive (du fait de la présence de l'adverbe
notamment) des dépenses obligatoires à l'article L. 2321-2 du
CGCT pour les communes. Des articles similaires mais moins
développées existent pour les départements et les
régions.
* 63
Les recettes non fiscales courantes comprennent tous les encaissements non
remboursables des administrations ayant une contrepartie - à l'exception
de ceux qui proviennent des ventes de biens en capital, toutes les amendes et
pénalités à l'exception de celles relatives aux
infractions fiscales, et tous les encaissements courants des administrations
publiques représentant des versements volontaires, non remboursables et
sans contrepartie.
* 64
L'exécution des lois de finances pour 2003, Rapport sur les
résultats de la gestion budgétaire, Journal officiel, 2004, p.
23
*
65 Rapport P. LORIDAN,
comptes spéciaux du Trésor, loi de finances pour 2003, doc.
Sénat
* 66
J-Y CHEROT, « L'avenir des entreprises publiques nationales dans
le contexte des réformes sur le gouvernement
d'entreprise », DA avril 2006, p. 5 ; Lignes directrices du
gouvernement d'entreprise des entreprises publiques publiées par l'OCDE
en 2005
* 67
Ce code a été fixé par une ordonnance du 21 avril 2006 sur
le fondement de la loi n°2005-842 du 26 juillet 2005.
* 68
L'aménagement spécial avait été posé comme
un critère réducteur mais son utilisation a en pratique abouti
à un résultat opposé. Dès lors que le juge
décelait le moindre aménagement, il a eu tendance à en
déduire de façon quasi mécanique l'application du
régime de la domanialité publique. En témoigne une
jurisprudence abondante, à propos d'abord des dépendances
affectées aux services publics (CE, ASS., 19 octobre 1956,
Sté Le Béton, Lebon, p. 375, CE, Ass., 11 mai 1959,
Dauphin, Lebon, p. 24) mais également des biens affectés
à l'usage du public (CE, Ass., 22 avril 1960, Berthier, CE, 14
juin 1972, Eidel, AJDA 1976, p. 495).
*
69 Daniel LABETOULLE,
Intervention au Colloque « Domaine public et activités
économiques », n° Hors
série des CJEG, oct. 1991
* 70
Expression utilisée par le Conseil d'Etat dans son rapport de 1986,
Réflexions sur l'orientation du droit des propriétés
publiques, EDCE, n°38, 1987
* 71
AJDA 1994, p. 786, note G. GONDOUIN, RFDC 1994, p. 814, note P. BON
* 72
Voir l'article de E. FATÔME, « A propos des bases
constitutionnelles du droit du domaine public », AJDA 2003, p.
1192
* 73
Décision 96-380 DC du 23 juillet 1996, Loi relative à
l'entreprise nationale France Télécom, commantaire de M.
VERPEAUX, LPA, 11 juin 1997, n°70, p. 19
* 74
CE, 21 mars 2003, Syndicat intercommunal de la périphérie de
Paris pour l'électricité et les réseaux (SIPPEREC),
JCP éd. A 2003, n° 1484, note J. MOREAU, note de J. SOULIE,
« Le domaine public : une catégorie juridique
protégée ? » , RFDA 2003, p. 905
* 75
Sur cette décision, C. LAVIALLE, Le domaine public : une
catégorie juridique menacée ?, RFDA 1999, p. 578.
* 76
Grands arrêts de la jurisprudence administrative, 14ème
édition, Dalloz, p. 678
* 77
Le Conseil constitutionnel a ajouté à la confusion dans sa
décision du 26 juin 2003 relative aux contrats de partenariat
public-privé. L'apparition de la notion « droit commun de la
domanialité publique » peut interpeller le lecteur tant les
contours de cette notion sont loin d'être d'une netteté absolue
* 78
J.B AUBY, Droit administratif des biens, Dalloz, 4éme
édition, 2003, R. CHAPUS, Droit administratif
général, Tome 2, Domat Droit public, Montchrestien,
15ème édition, 2001 ; J. DUFAU, Le Domaine
public, Le Moniteur, 5éme édition ; Y. GAUDEMET,
Droit administratif des biens, Tome 2, LGDJ, 2002 ; Ph. GODFRIN,
Droit administratif des biens, Armand colin, 2005 ; C.
LAVIALLE , Droit administratif des biens, PUF, Droit fondamental,
1996 ; J. MORAND-DEVILLER, Cours de droit administratif,
Montchrestien, 3ème édition, 2003
* 79
M. MONTEIL, cité par Y. GAUDEMET in Droit administratif des biens, LGDJ,
2002, p. 125, estime au contraire que « c'est par une
erreur historique, qu'on fait remonter à l'ordonnance de Moulins
l'inaliénabilité du domaine public »
* 80
Le domaine public : « une catégorie juridique
protégée ? » , RFDA 2003, p. 905
* 81
Cette liberté leur a été reconnue par le Conseil
constitutionnel : cons. Const., n° 96-378 DC, 23 juillet 1996
* 82
La lecture des considérants de principes des décisions
intervenues en la matière permet d'attester d'une rédaction
nuancée : décision du 18 septembre 1986 :
« Sans qu'il soit besoin de recherche si le principe
d'inaliénabilité du domaine public a valeur
constitutionnelle ...Ce principe s'oppose seulement
à ce que des biens soient aliénés sans qu'ils aient
été au préalable
déclassés » ; Décision du 21 juillet
1994 : « Il importe au législateur, lorsqu'il modifie
les dispositions relatives au domaine public, de ne pas priver de garanties
légales les exigences constitutionnelles qui résultent de
l'existence et de la continuité des services
publics ». Les neufs Sages se refusent à la
promotion constitutionnelle de l'inaliénabilité. Ils confirment
son caractère relatif (du fait de la possibilité de
déclassement)
*
83 La Bruyère, Les
Caractères, Chap. IV, Du coeur.
* 84
Thèse de Teitgen-Colly, p. 416
* 85
La solution a été reprise, dans les mêmes termes par la
suite (c.const. 18 sept. 1986 - 21 juillet 1994, A.J.D.A 1994 p. 786, note G.
Gondouin - 23 juillet 1996). Elle était déjà sous-jacente
dans la doctrine administrative (v. not. CE. Avis 27 avril 1961, Grands avis du
CE, p. 87, comm. Y Gaudemet).
* 86
S'agissant des privatisations, la valeur des entreprises cédées
doit être appréciée dans des conditions qui en garantissent
l'exactitude, et dont le juge administratif peut vérifier le respect
(CE, 2 février 1987, Joxe et Bollon, AJDA 1987, p. 350, note
BAZEX
* 87
C'est en partie pour cette raison que les juristes de l'Ancien régime
ont proclamé l'existence du principe d'inaliénabilité, en
réaction à la munificence des souverains.
*
88 C.E. 3 nov. 1997,
Commune de Fougerolles, A.J.D.A. 1997, p. 1010, observ. Critiques L.
Richer
* 89
C.A.A Nantes, 30 juin 2000, Préfet de la Vendée,
A.J.D.A. 2000, p. 951
*
90 Grands avis du Conseil
d'Etat, p. 343, commentaire des professeurs FATÔME et TERNEYRE
* 91
Cf. loi du 29 août 2002 d'orientation pour la sécurité
intérieure (cons. Const., 22/08/2002 n° 2002-460) et loi du 9
septembre 2002 orientation et de programmation pour la justice (
décision n°2002-461)
* 92
J. CAILLOSSE, « Le droit administratif contre la performance
publique ? », AJDA 1999, p. 195
* 93
Sur ce point, on doit comprendre avec Maurice HAURIOU « que l'Etat
moderne a pris de la maturité, il est passé de l'idéalisme
politique au réalisme économique, c'est à dire au
régime administratif94 ».
*
95 Rapport de l'Institut de
la gestion déléguée consacrée à la
valorisation des propriétés publiques, p. 19
*
96 J.J ISRAÊl,
Intervention au colloque organisé par la Faculté de droit de
Saint-Maur en 1991 sur l'exploitation économique du domaine public,
n° Hors série des CJEG, oct. 1991.
* 97
Alors que la doctrine administrativiste a toujours débattu sur la
définition du domaine public, il en existe une, juste et précise,
depuis 1947 : en réalité, c'est la Commission de
réforme du Code civil dans sa séance du 6 novembre 1947 qui a
donné la définition de la domanialité publique la plus
juste : « appartient au domaine public l'ensemble des biens
des collectivités publiques et des établissements publics qui
sont soit mis à la disposition directe du public usager, soit
affectés à un service public pourvu qu'en ce cas, ils soient, par
nature ou par des aménagements particuliers, adaptés
exclusivement ou essentiellement au but particulier de ces
services ».
* 98
Dispositions de l'ordonnance n° 2004-825 du 19 août 2004 relative au
statut des immeubles à usage de bureaux des personnes publiques et de la
loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports
* 99
L'expression hypertrophie se trouve déjà en 1925 dans la
thèse de Marcel WALINE, « Les mutations domaniales. Etude
des rapports des administrations publiques à l'occasion de leurs
domaines publics respectifs », Jouve, 1925, p. 29
*
100 QUERRIEN (M), « La
nouvelle gestion du domaine public immobilier de l'Etat », RFAP
1995, p. 675
*
101 HUBRECHT (H), « Faut-il
définir le domaine public et comment ? », AJDA,
2005, p. 598
*
102 CE, 11 mai 1959, Dauphin, Lebon
p. 314 ; CE, 13 juillet 1961, Ville de Toulouse, AJDA 1961, p.
467 ; CE, 22 avril 1977, Michaud, Lebon p. 185
*
103 GAUDEMET (Y), Droit administratif des
biens, LGDJ, 12e édition, 2002, p. 84
*
104 La notion était devenue si floue
et contingente que son contenu était difficile à
appréhender. Le laconisme de la jurisprudence est sur ce point
révélateur. L'aménagement spécial est souvent
considéré comme étant réalisé de
façon abrupte (CE, 23 octobre 1968, Consorts Brun ; CE, 17
mars 1967, Ranchon). Dans le célèbre arrêt
« Dauphin » du 11 mai 1959, le commissaire du gouvernement
avait déclaré que l'importance matérielle des
aménagements « importe peu ».
L'insaisissabilité de la notion est encore plus marquée lorsque
ne sont retenues que les opérations d'entretien (CE, 30 mai 1978,
Dame Gozzoli). Sans doute peut-on insister sur le rôle
secondaire joué par la notion d'aménagement spécial, qui
s'effacerait devant le rôle capital tenu par l'affectation, et estimer
que « lorsqu'un immeuble est le siège d'un service public,
cette affectation présume l'aménagement spécial,
présume la domanialité publique » (concl. D. LABETOULLE
sur CE, 3 mars 1978, Lecoq)
*
105 FATÔME (E), « La
consistance du domaine public immobilier : évolution et
questions? » , AJDA, 2006, p. 1087
*
106 Nous reprenons les trois points
étudiés par le professeur YOLKA dans son article,
« Naissance d'un Code : la réforme du droit des
propriétés publiques », JCP A, n°22, mai
2006, p. 687
*
107 Sur ce point C. CHAMARD a pu parler de
« controverse discrète au sein de la doctrine
publiciste ». Controverse puisque certains auteurs sont partisans de
l'aliénabilité entre personnes publiques quand d'autres s'y
opposent. Discrète puisque, finalement la plupart des auteurs ne se
prononcent pas directement sur la question.
*
108 Dans une étude
réalisée par la Section du rapport et des études du
Conseil d'Etat en 1989, il est possible de
lire : « Telle qu'elle est rappelée par
l'article 52 du Code du domaine de l'Etat, l'inaliénabilité doit
être comprise comme s'opposant au transfert d'un bien d'une personne
publique à une personne privée, mais non à la circulation
des biens entre personnes publiques » (Conseil d'Etat, Les
établissements publics : transformation et suppression, EDCE 1989)
En 1992, dans un avis rendu par la Section des travaux publics, il affirme sans
ambages que « le principe d'inaliénabilité fait
obstacle à ce que des dépendances domaniales fassent l'objet
d'une procédure d'expropriation qui conduirait à opérer un
transfert de propriété d'une collectivité publique
à une autre collectivité publique ». Ces deux
positions pouvaient laisser transparaître un désaccord
interne.
*
109 Grâce la bienveillance du Conseil
constitutionnel, le législateur pouvait déclasser sans
désaffectation. Selon DUROY, Le Conseil constitutionnel se place
« dans une logique domaniale originale par rapport au juge
administratif puisqu'il dissocie déclassement et
désaffectation ». Cette affirmation avancée en 1997 est
toujours vraie depuis la décision du 14 avril 2005 à propos des
aéroports. (décision n° 2005-513 DC)
*
110 J.-F. DENOYER,
« L'exploitation du domaine public », L.G.D.J,
1969; J. -P BROUANT, « Le régime domanial à
l'épreuve de la valorisation économique »,
Thèse Paris I, 1995, Actes du colloque « domaine public et
activités économiques », C.J.E.G, n° Hors
série, oct. 1991
*
111 Thèse MOYSAN, « Le
droit de propriété des personnes publiques »,
LGDJ, 2001
*
112 LATOURNERIE ( M.-A), «
Les critères de la domanialité publique »,
CJEG 1991, n° HS, p. 20
*
113 « Domaine public et
activités économiques », Actes du Colloque de
Saint-Maur, CJEG 1991, n° HS, p. 128
*
114 B. du MARAIS, Droit public de la
régulation économique, p. 12
*
115 Art. 13 de la loi du 5 janvier 1988 sur
le BEA qui autorise la constitution de droits réels sur le domaine
public des collectivités territoriales, le pendant de cette
dernière mais appliquée à l'Etat est la loi du 26 juillet
1994. Ont été exclus du champ d'application de la
domanialité publique les biens affectés à des services
publics déterminés : les biens de France
Télécom par la loi du 26 juillet 1996, ceux de la Poste par la
loi du 11 décembre 2001, ainsi que certains biens dans le cadre des
nouveaux « contrats de PPP ». Ces interventions ont par la
suite été avalisées par le Conseil d'Etat (CE, avis, 31
janvier 1995 ; CE, 3 octobre 1998 qui décide que les biens d'EDF
n'appartiennent pas au domaine public ; CE, 11 juin 2004, Commune de
Mantes La Jolie et CE, avis, 10 juin 2004, qui exclut respectivement du
domaine public les ateliers relais et l'immeuble abritant le siège de
l'Agence France Presse
*
116 circulaire n°96-138 du 14 juin 1996
relative à la réforme de la procédure d'agrément de
locaux d'activités économiques
*
117 CE, 11 février 1994, Cie
d'assurances La préservatrice foncière, AJDA 1994, p. 548,
note J. DUFAU
*
118 CHAPUS (R) , Droit
administratif général, Montchrestien, tome 2, 15e
édition, 2001, p. 538
*
119 BRISSON (J-.F),
« L'incidence de la loi du 20 avril 2005 sur le régime des
infrastructures aéroportuaires », AJDA 3 octobre 2005 p.
1835
*
120 Toutefois, deux
catégories de biens sont exclues du déclassement. Tout d'abord,
ceux « qui sont nécessaires à l'exercice par l'Etat ou
ses établissements publics de leur mission de service public concourrant
à l'activité aéroportuaire » (article 2). Par
ailleurs, ceux qui sont nécessaires à l'exercice des
contrôles policiers et douaniers.
*
121 L'atteinte à la
libre disposition de biens privés a été validée par
le Conseil constitutionnel qui confirme sa jurisprudence (voir dans le
même sens, L. n° 96-660, 26 juillet 1996, relative à France
Télécom). L'insaisissabilité, fondement de la
continuité du service public, avait déjà
été posée par le Conseil constitutionnel dans sa
décision du 23 juillet 1994 ( n° 94-346 DC, Droits
réels ; voir également, cons. Const., 26 juin 2003, n°
2003-473 DC, Loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit)
*
122 RAPP (L),
« Vérité en deçà de la Manche, erreur
au-delà », AJDA 2005, p. 1201 : « Quel
partenaire financier aura ne serait-ce que l'envie d'investir dans
l'aménagement d'une plate-forme aéroportuaire, lorsqu'il prendra
connaissance de telles dispositions ? Aux lenteurs imputables au
fonctionnement des administrations, aux aléas liés à toute
procédure d'autorisation préalable, aux risques inhérents
à tout contentieux s'ajoutera la morgue des décideurs en dernier
ressort, qui ne manqueront pas de rappeler à l'impatient les termes de
l'article L. 251-3 : l'Etat s'oppose ! »
*
123 Ce régime
d'indisponibilité partielle des biens affectés en dépit de
leur appropriation privée a tendance à s'inscrire dans un
mouvement plus global de privatisation du statut des biens affectés
à l'exécution d'une mission de service public. Ainsi tant les
réformes de France Télécom (loi n° 96-660 du 26
juillet 1996 et cons. Const., 23 juillet 1996, n° 96-380 DC, AJDA 1996, p.
696, note O. SCHRAMECK) que la Poste (loi n° 2001-1168 du 11
décembre 2001) ont accompagné les déclassements des biens
par le maintien d'obligations spécifiques en reconnaissant à
l'Etat le pouvoir de s'opposer à leur aliénation.
*
124 GARIDOU ( B), « Recherche
sur la théorie de la propriété publique en droit
administratif français », Thèse Toulouse 1, 2003,
préface J.-A MAZERES, p. 31
*
125 Y GAUDEMET, - « La
gratuité du domaine public » in Mélanges en
l'honneur de P.-M. Gaudemet, Economica, 1984, p. 1023
*
126 Dans la première partie de ce
mémoire consacrée à la valeur économique des
dépendances domaniales, nous avons été amenés
à évoquer le montant des recettes domaniales de l'Etat. Celles-ci
ont atteint 1.3 milliards d'euros pour 2005 alors que les recettes de l'Etat
étaient évaluées à 243 milliards d'euros Un auteur
dans les années cinquante affirmait même « qu'il
suffit d'ouvrir un traité de législation fiscale pour y trouver
l'affirmation sans nuance du déclin de l'importance du Domaine comme
source de revenus. C'est peut-être ce déclin relatif qui explique
que l'Etat a toujours négligé d'organiser le contrôle
systématique de la gestion de son domaine » (P. G, Le
domaine de l'Etat, Revue du Trésor, n°6, juin 1951, p. 258)
*
127 C. LAVIALLE distingue
trois exceptions à la gratuité : les péages, le
stationnement payant et les taxes liées à l'usage anormal des
voies publiques.
*
128 Le Conseil d'Etat a reconnu le fondement
d'un régime payant de stationnement en se fondant sur l'article 131.5 du
Code des communes repris par le CGCT, donnant pouvoir au maire le pouvoir de
délivrer des permis de stationnement. Même si le recours à
cet article est discutable, puisqu'il n'y a pas vraiment de délivrance
d'acte administratif, personne ne conteste aujourd'hui que le paiement du
stationnement est logique et contribue à réglementer la
rareté des places.
*
129 Circulaire du 13 septembre 1966. III.
B
*
130 CAA Marseille, 6 décembre 2004,
Commune de Nice, Contrats et marchés publics, juin 2005, p. 35
note G. ECKERT ; AJDA, 18 avril 2005, p. 832 note S. DELIANCOURT
*
131 Article L. 2213-6 du CGCT
*
132 Dans le premier cas on peut penser
à un poste de secours sur une plage. Dans la seconde hypothèse,
il peut s'agir d'une canalisation d'égout sous la chaussée des
voies de communication.
*
133 CE, 11 février 1998, Ville de
Paris c/ Assoc. Pour la défense des droits des artistes peintres sur la
place du Tertre, AJDA 1998, p. 523, concl. G. BACHELIER ; RFDA 1998,
p. 458
*
134 Rapport de la Cour des
comptes de 1976, JO 1976 pp 866-867. Souligné par G. MELLERAY in
« Domaine public et fiscalité », AJDA,
20juin 1980, p. 323
*
135 TEITGEN-COLLY (C), « La
légalité de l'intérêt financier dans l'action
administrative », Paris, Economica, 1981, p. 428
*
136 Dispositions largement inspirées
de l'étude du Conseil d'Etat parue en 2002 et de la thèse de J-.F
Calmette, La rareté en droit public, L'Harmattan, 2003
*
137 C. MAMONTOFF dans sa
thèse, » la domanialité publique mise en
péril par le marché », L'Harmattan, coll. Logiques
juridiques, 2003, p. 185 précise que les éléments comme
les marquises, les stores et parasols, les emplacements pour arbustes et pots
de fleurs sont soumis à des tarifs établis avec beaucoup de
minutie. De plus, elle précise que les communes établissent des
documents prenant en compte tout type d'occupation : commerces
sédentaires, manèges permanents et occasionnels, stationnement
des autobus, occupations des foires, terrasses et cafés...
*
138 CE, 2 mai 1969,
Société d'affichage Giraudy, AJDA 1970, note A. de
Laubadère
*
139 CE, 12 décembre
1923, Peysson, Lebon, p. 826
*
140 CE, 3 février
1933, Syndicat des patrons et marins pêcheurs du Tréport,
Lebon, p. 153
*
141 CE, 7 mai 1980, Les
Marines de Cogolin, D. 1980, I.R p. 562
*
142 CE, 10 février
1978, Ministre de l'Economie et des finances C/ Scudier, REC., p.
66
*
143 CE, 11 octobre 2004,
Prouvoyeur, BJCL n° 1/05, p. 29, concl. L. Olléon
*
144 CE, 8 janvier 1960, Lafon,
Rec., p. 15 ; CE, 23 juin 1986, Thomas, RFDA 1987, p. 194. Dans
cette dernière espèce, il semble que des pouvoirs
économiques supplémentaires soient conférés
à l'administration puisque le juge fait état d'un droit de
résiliation en vue de provoquer la négociation. On peut
comprendre que l'administration peut résilier l'acte puis discuter
ensuite de l'augmentation de la redevance. Cela donne aux personnes publiques
des pouvoirs très importants dans le cadre de la recherche de profits
*
145 J-.F Calmette, La rareté en
droit public, Thèse Toulouse I, 2002, p. 277
*
146 Le prix de chaque licence a
été fixé à 4.95 milliards d'euros. Une somme
exorbitante pour une redevance domaniale. Les pouvoirs publics français
ont très certainement été fascinés par les montants
atteints par les enchères organisées en Angleterre puis en
Allemagne.
*
147 Cons. Const., 28 décembre 2000,
n° 2000-442 DC, Loi de finances pour 2001, JO 31 décembre 2000, p.
21119. Il ressort de cette décision que les redevances dues pour
l'utilisation des fréquences hertziennes ne sauraient avoir ni une
nature fiscale ni avoir le caractère d'une redevance pour service rendu.
On retrouve ici la polysémie de la notion de redevance et le
débat qu'elle a engendré. La redevance pour service rendu se
distingue de la redevance pour occupation du domaine public. La redevance pour
service rendu voit son produit affecté à un service public
déterminé et atteste d'une proportionnalité entre le
service rendu et le montant de la redevance
*
148 J. CAILLOSSE,
« Le droit administratif contre la performance
publique », AJDA 1999, p. 195
*
149 CE, 19 décembre
1930, R. MONTAGNE, p. 1087
*
150 CE, 13 mai 1964, Dame veuve
Haupais, RDP 1964, p. 852 ; CE, 6 janvier 1967, Epoux
Berthot, AJDA, 1967, II, p. 417 ; CE, 14 octobre 1991,
Hélie, R, p. 927. Références citées par M.
Calmette dans La rareté en droit public, p. 258
*
151 Droit administratif des biens, Armand
colin, 2005
*
152 CJCE, 14 juillet 1971,
Port de Mertet, aff. 10/71, Rec. P. 723 ; CJCE, 18 juin 1998,
Corsica Ferries France
*
153 Cass. 1ère civ. 26
janvier 1970, Dame P., Bull. cass, n° 62
*
154 J. MORAND-DEVILLER,
« La valorisation économique du patrimoine
public », in Mélanges en l'honneur de Roland
Drago, Economica, 1996
*
155 Article 13 de la loi
n° 88-13 du 5 janvier 1988. C. LAVIALLE, « L'article 13 de
la loi du 5 janvier 1988 et l'évolution de la domanialité
publique », CJEG 1988, p. 166
*
156 Loi n° 94-631 du
25 juillet 1994
*
157 Aux termes de l'article L. 34-1 du code
du domaine de l'Etat, le titulaire d'une autorisation d'occupation du domaine
public artificiel bénéficie d'un droit réel et pourra
pendant la durée de validité de son titre (qui ne peut
excéder 70 ans) exercer les prérogatives d'un propriétaire
sous certaines conditions.
*
158 Un exemple de cette
précarité réside dans le refus du juge administratif
d'admettre l'existence d'un fonds de commerce sur le domaine public. Les
dispositions du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 sont claires.
Ce texte écarte la conclusion d'un bail commercial sur le domaine public
et les deux ordres juridictionnels confirment ce principe.
*
159 Ces conventions dites
« aller-retour » permettait par l'intermédiaire du
loyer versé d'écarter l'interdiction du paiement
différé prescrite par le Code des marchés publics.
*
160 Il n'en demeure pas moins que ces
contrats de partenariat ne sauraient priver de garanties légales les
exigences constitutionnelles de la protection des propriétés
publiques. En outre, les droits réels sont nécessairement
temporaires. Ils cessent à l'expiration du contrat.
*
161 Le Conseil d'Etat avait
déjà admis le recours à la location avec option d'achat
(CE, avis, 31 janvier 1995, Les grands avis du Conseil d'Etat, Dalloz,
2e édition, p. 344, commentaire E. FATÔME et P
TERNEYRE). En outre, de manière sectorielle, la LOA et le crédit
bail avait été autorisés dans le cadre de la LOPSI.
Toutefois, si le recours à ces techniques de financement ne se heurte
à aucun impératif constitutionnel, sa
généralisation doit être encadrée (cons. Const., 26
juin 2003, n° 2003-473 DC, Loi habilitant le gouvernement à
simplifier le droit, AJDA 2003, p. 1391 et 1404
*
162 En outre,
« l'administrativité résiduelle qui s'attache aux
nouveaux droits réels consentis à l'occupant privatif conduit
à parler d'évolution plutôt que de
révolution » (P. YOLKA, La propriété
publique, éléments pour une théorie, LGDJ 1997, p. 383).
Selon le professeur CHAPUS, « Le droit public est à
l'arrière-garde des opérations » (R. CHAPUS,
Droit administratif général, Tome 2, Domat Droit public,
Montchrestien, 15ème édition, 2001). Dans le cadre
d'un bail emphytéotique administratif, la cession du droit réel
nécessite l'accord préalable de la collectivité
bailleresse. La constitution d'hypothèques est ensuite
subordonnée à l'accord du maître du domaine, sachant
qu'elle ne doit servir qu'à garantir des emprunts contractés pour
financer des ouvrages situés sur la dépendance prise à
bail. Selon Y. GAUDEMET, cette omniprésence du propriétaire
public fait que le BEA n'est pas tant un outil d'exploitation des patrimoines
administratifs que d'une technique de financement des équipements
publics locaux163. Des contraintes similaires se retrouvent dans le
dispositif de la loi du 25 juillet 1994. Là encore, les
éventuelles hypothèques et cessions doivent recevoir
l'agrément du maître du domaine
*
164 Interdisant la
transposition intégrale des techniques venues du droit privé,
l'affectation du bien au service public influence le régime des biens
domaniaux (P. CUCHE, Domanialité publique, service public et
partenariats public-privé, DA octobre 2003, p. 5)
*
165 J-. F BRISSON,
« Les aspects domaniaux des contrats de
partenariat », AJDA 2005, p. 591
*
166 F. MELLERAY,
« L'échelle de la domanialité », in
Mélanges F. MODERNE, Dalloz, 2004
*
167 R. GUILLIEN,
« Droit public et droit privé »,
in Mélanges offerts à J. Brethe de la Gressaye, éd.
Bière, 1967
*
168 MORAND-DEVILLER (J), « La
valorisation économique du patrimoine public »,
in Mélanges en l'honneur de Roland Drago, Economica, 1996
*
169 LAVIGNE (P), Préface à la
thèse de C. TEITGEN-COLLY, « La légalité de
l'intérêt financier dans l'action administrative »,
Economica, 1984, p. VII : »Plus la pratique de la gestion se
teintera de techniques managériales, plus les autorités publiques
seront soucieuses du respect de la légalité. Mais plus les
techniques managériales seront pratiquées par des gestionnaires
publics plus les juristes seront sollicités. La nouvelle
« Science de la gestion administrative publique »
favorisera-t-elle l'apparition de nouveaux juristes ? » On peut
répondre sans conteste par l'affirmative comme le démontre la
création du Master 2 Droit public des affaires
*
170 AUBY ( J.-F), Management
public, Paris, Sirey, 1996, p.9
*
171 HUSSENOT (P), La gestion publique par
objectifs, Paris, Ed. d'Organisation, 1983, p. 24
*
172 Un tel constat ne fait pas débat.
Ainsi, J. CAILLOSSE remarque -t-il que « le discours de la
réforme, par delà la modernisation du service public, vise
l'Etat » in La modernisation de l'Etat, AJDA, 20/11/1991, p.
755
*
173 CHEVALLIER ( J) et
LOSCHAK ( D), « Rationalité juridique et
rationalité managériale dans l'administration
française » RFAP, n°24, oct-déc. 1982, pp.
53-94
*
174 CAILLOSSE (J.), « La
réforme administrative et la question du droit », AJDA,
20/01/1989, p. 3 ; puis « Le droit administratif contre la
performance publique ? », AJDA, 20/03/1999, p. 195
*
175 Nous pouvons d'ores et
déjà objecter que l'évaluation des actifs publics a
bénéficié d'un contexte juridique favorable. La LOLF de
par son ampleur, renouvelle la problématique de l'évaluation en
science administrative et même l'enrichit puisqu'elle systématise
l'évaluation à l'ensemble des services de l'Etat
* 176 YOLKA (P),
« La propriété publique, éléments
pour une théorie », LGDJ 1997, p. 209
*
177 Cela recouvre les possessions
immobilières et mobilières
*
178 L'Etat est le plus gros
propriétaire foncier. Toutefois le parc immobilier des
collectivités territoriales, pour être mal connu, n'en est pas
moins considérable. Il n'existe pour l'heure aucun outil de recensement
patrimonial. L'évaluation des biens locaux s'avère donc
délicate même si depuis 1997, les collectivités
territoriales disposent d'une comptabilité patrimoniale (instruction
M14).
*
179 P.C et G.M,
« Le tableau général des propriétés
de l'Etat et l'informatique », RA, 1974, p. 365
*
180 Rapport du groupe de travail sur
l'Efficacité de la dépense publique et le contrôle
parlementaire présidé par M. FABIUS, p. 133
*
181 Rapport de la Commission des finances du
Sénat, Lambert MARINI, n° 485, septembre 2000
*
182 PICHET (E), « Le
patrimoine de l'Etat : une évaluation au 1er janvier
2004 », Revue Politiques et Management public, Volume 23,
n° 2, juin 2005
*
183 Deux éléments ont
favorisé les cessions : d'une part, le déclassement
des bureaux de l'Etat en 2004. Jusque là, les bureaux de l'Etat, en tant
qu'éléments du domaine public, ne pouvaient être vendus
sans avoir été au préalable libérés et
déclassés, ce qui faisait obstacle à leur
commercialisation d'autre part, la création de la mission
interministérielles de valorisation du patrimoine immobilier de l'Etat,
chargée de piloter les cessions et professionnaliser la gestion des
immeubles de l'Etat
*
184 France Domaine a ainsi vendu l'immeuble
de la rue du bac pour 165 millions d'euros grâce à un appel
à la concurrence le plus large possible.
*
185 Les choses se présentent
différemment sur trois points : Diffusion du mouvement de
modernisation : les recettes de 2005 étaient fortement
concentrées sur quelques grosses cessions alors que le produit attendu
pour 2006 est bien plus réparti sur tout le territoire ; mise en
cohérence de la valorisation du patrimoine immobilier de l'Etat et de la
politique du logement ; effort portant sur les biens de Réseau
Ferré de France.
*
186 YOLKA (P), « Un Etat
sans domaine ? » , AJDA 2003, p. 1017
*
187 MORAND-DEVILLER (J), « La
valorisation économique du patrimoine public », in
Mélanges en l'honneur de Roland Drago, Economica, 1996
* 182 Thomson a
annoncé 448 M € de redevances de licences pour l'année
2005. Aux Etats-Unis, RIM a accepté le 3 mars 2006 de verser
612,5 millions de dollars à NTP, petite société
détentrice de brevets, pour mettre un terme à des poursuites
judiciaires qui auraient pu conduire à une interruption du service du
Black Berry (ordinateur-téléphone portable capable
d'accéder à l'Internet).
L'action Sanofi-Aventis s'est appréciée
en une séance boursière, le 22 mars 2006, de 8,4 % (soit une
augmentation de 8,5 milliards € de la capitalisation boursière)
à l'annonce d'un accord avec l'entreprise canadienne Apotex, qui
s'engage à ne pas commercialiser de générique de
l'anticoagulant Plavix
Le CEA vient de faire valoir auprès de
plusieurs groupes asiatiques un brevet entré dans sa vingtième
année qui porte sur une technologie mise en oeuvre dans les
écrans à cristaux liquides (LCD) : l'enjeu est
considérable et avoisine cent millions d'euros.
*
188 Il s'agit entre autre de brevets,
licences. Cette importance des actifs immatériels concerne tout autant
les sociétés non cotées, PME incluses
*
189 Sur ce point le droit comparé est
très intéressant. L'Italie a
redynamisé sa gestion immobilière en rénovant
profondément l'Agenzia del Domanio, avec une
politique active de cessions en bloc, en utilisant la technique de la location
vente (3 milliards d'euros de cession annoncés le
31 décembre 2004) Le gouvernement allemand
s'est fixé comme objectif de réduire la bureaucratie et le
déficit de l'Etat. A cet effet, il mène une politique de
privatisations, qui concerne également le secteur immobilier. Suivant
ainsi l'exemple de l'économie privée, ainsi que d'une partie des
länder et des communes qui ont déjà modernisé et
centralisé la gestion de leurs biens immobiliers, le gouvernement a
procédé à une réorganisation complète des
structures de gestion de leurs biens immobiliers avec notamment la
création d'une agence fédérale (BIMA)
opérationnelle depuis le 1er janvier 2005, en application de
la loi du 9 décembre 2004 qui l'a instituée. L'agence
fédérale pour la gestion des biens immobiliers
(Bundesantalt für Immobilienaufgaben, BIMA),
centralise la gestion des biens immobiliers de l'Etat fédéral,
dans le but de rendre la politique immobilière plus efficace et moins
coûteuse. Ses tâches principales concernent l'administration et la
cession des biens immobiliers de l'Etat, dont le nombre total
s'élève à 37.000 immeubles dont 70.000 appartements, ayant
une valeur totale de 10 milliards d'euros. Les auteurs de la réforme
soulignent que le BIMA aura pour tâche de gérer sur la base des
principes commerciaux - en particulier celui des rapports entre bailleur et
locataire (Vermieter-Mieter Modell) - l'ensemble du patrimoine
immobilier et forestier. La Suède
expérimente un système où coexistent au niveau
interministériel plusieurs agences de pilotage par type de bien :
défense, châteaux et monuments historiques, enseignement,
établissements pénitenciers, autres actifs non
spécifiques. En Belgique, la Régie des
bâtiments était, il y a quelques années encore,
propriétaire des immeubles de l'État, mais se contentait d'une
action purement conservatrice. Un ministre a récemment redynamisé
cette administration, qui a alors réalisé un important programme
de cessions et est maintenant engagé dans de nombreuses
opérations de partenariats public/privé. Il n'existe pas au
Royaume-Uni, d'agence interministérielle
chargée de la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat. Il revient
à chaque ministère (Department) de s'acquitter de cette
tâche. Au final, le patrimoine des ministères fait seulement
l'objet d'une présentation centralisée, dans le cadre d'un
document unique, et encore ne s'agit-il que d'une simple indication des
m2 et de la valeur des bâtiments.
(Source/ Service des Affaires européennes de
l'Assemblée nationale)
*
190 On peut citer entre autres :
Alstom, ADP, Air France-KLM, Autoroutes du Sud de la France (ASF),
Électricité de France (EDF), France Télécom, France
Télévision, La Française des jeux, La Poste, Renault SA,
Société du tunnel du Mont-blanc, Société nationale
des chemins de fer français (SNCF), Thomson SA ; Voir la
totalité de la liste à l'annexe III du rapport effectué
par la Commission des Finances du Sénat pour Projet de loi de finances
pour 2006 : Participations financières de l'État (mission
indépendante)
*
191 De telles entreprises disposent aussi
généralement d'un fort potentiel d'exportation qui ne se limite
pas aux cas particuliers d'EADS et des entreprises d'armement mais qui concerne
aussi les entreprises concessionnaires de service public. La France dispose en
effet d'un véritable savoir-faire internationalement reconnu en
matière de délégation des services d'intérêt
général. Ceci vaut d'ailleurs aussi bien pour des entreprises
publiques (transports urbains, énergie, gestion d'aéroports), que
privées (eau, services urbains).
*
192 Le rapport Arthuis-Belot-Marini (1994) a
exposé ces difficultés : "alors que les moyens mis en oeuvre
pour exercer le contrôle au nom de l'Etat sont multiples, ils demeurent
parcellaires... Dépourvu de coordination, le système n'apporte
pas à l'Etat le niveau de sécurité correspondant à
sa puissance et aux enjeux".
*
193 Elles traduisent une conception
particulière de l'entreprise selon laquelle les détenteurs de
celle-ci, c'est-à-dire les actionnaires (share holders), en
confient la gestion aux dirigeants auxquels les unit une relation d'agence.
Afin que les actionnaires puissent se protéger contre les aléas
propres à ce type de relation, il importe que soient mises en place des
règles visant à encadrer les droits et obligations des
dirigeants.
*
194 En France, le rapport Viénot de
juillet 1995 a contribué au développement des théories du
gouvernement d'entreprise. Ses recommandations étaient les
suivantes :
- Information des actionnaires quant aux dispositions prises
par le Conseil
- Examen périodique par le Conseil de sa composition,
de son organisation et de son fonctionnement
- Présence dans chaque conseil d'au moins deux
administrateurs indépendants
- Création de comités spécialisés
(comité des comptes, comité des
rémunérations...)
- Formalisation des droits et obligations des administrateurs
sous la forme d'un règlement intérieur
Par la suite, la loi sur les Nouvelles Régulations
Economiques (15 mai 2001) a repris certaines de ses propositions en même
temps qu'elle a mis en place des mécanismes destinés à
améliorer la transparence et le fonctionnement des
sociétés. L'influence des théories du gouvernement
d'entreprise a été réelle en France.
*
195 L'Agence à tout d'abord mis en
oeuvre à une large échelle un programme de formation de ses
représentants afin que tous disposent d'un référentiel
juridique, financier et comptable commun pour exercer efficacement leurs
responsabilités et s'impliquer dans l'objectif d'une meilleure
gouvernance des entreprises dont ils assurent le suivi.
S'agissant plus spécifiquement des entreprises
publiques, l'agence a élaboré et mis en oeuvre une charte qui
décline, pour chacune d'entre elles, des obligations en matière
de bon fonctionnement des organes sociaux, les relations de l'entreprise avec
l'agence ainsi que les procédures applicables aux situations
exceptionnelles.
Cette charte met en application plusieurs recommandations de
la commission d'enquête constituée à l'Assemblée
nationale afin de tirer les enseignements des défaillances de l'Etat
actionnaire constatées dans certaines affaires retentissantes de ces
dernières années (retracées dans le rapport de la
commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques afin
d'améliorer le système de prise de décision
déposé le 3 juillet 2003 par M. Philippe Douste-Blazy,
président )
*
196 CHEVALLIER (J), « Les
fondements idéologiques du droit administratif
français », in Variations autour de l'idéologie de
l'intérêt général, vol. 2, PUF, CURAPP, 1979, pp.
3à 57, p. 49
*
197 A. TAILLEFAIT, L'évolution du
droit de la gestion des biens des collectivités locales, Thèse
Paris II, 1996, p. 253
*
198 Cette définition peut
paraître quelque peu elliptique mais les dictionnaires couramment
utilisés ne sont guères plus loquaces. On lit en effet, dans le
Petit Robert (édition 2000) que le mot
« externaliser » est un verbe apparu dans la
langue française en 1989 sur le modèle de l'anglais
« to externalize ». Il nous fournit la
définition suivante du mot externaliser : « confier
à une entreprise extérieure (une tâche, une activité
secondaire) ». Le Larousse illustré 2000 et le
dictionnaire Hachette encyclopédique 2001 ne sont guère plus
explicites : pour le premier, externaliser répond à la
définition suivante : « pour une entreprise, confier
une partie de sa production ou de ses activités (comptable, gardiennage,
etc.) à des partenaires extérieurs ». Pour le
second, il s'agit de « transférer à
l'extérieur certaines activités de l'entreprise ».
Inutile d'espérer le moindre éclaircissement du
côté du dictionnaire informatique du logiciel Microsoft Word 2000,
qui considère que les mots « externaliser »
et « externalisation » sont étrangers
à la langue française et qui les souligne de rouge à
chaque utilisation. Notons encore que ni le dictionnaire Flammarion de la
langue française (édition 1999), ni le dictionnaire de
l'Académie française ne contiennent les mots
« externaliser » ou
« externalisation ».
*
199 TRICOT (H), « Que
restera-t-il à gérer aux communes », Maires de
France, supplément septembre 2002 ; LIGNERES (P) et BABIN (L),
« L'externalisation : au coeur des préoccupations de
l'Etat », DA, mai 2002, p. 37 ; DREYFUS (J-D),
« L'externalisation, éléments de droit
public », AJDA 18 novembre 2002, p. 1213
*
200 Ainsi, les administrations doivent
désormais présenter chaque année, avant le 30 juin,
une liste d'activités n'appartenant pas à la sphère
« non délégable » et donc susceptibles
d'être externalisées. Dès mars 2001, l'administration
centrale a demandé aux ministères de mettre en concurrence les
secteurs public et privé ou d'externaliser directement au moins 5 %
des fonctions identifiées avant octobre 2002.
* 201 Dans son Livre
Blanc sur la réforme administrative (1er mars 2000), la
Commission européenne a exprimé sa vision d'une administration
recentrée sur ses activités prioritaires
*
202 L'externalisation a déjà
été expérimentée avec succès par de grandes
entreprises publiques. Il convient également de citer le projet Torpedo
(externalisation du parc de véhicules de La Poste)
*
203 Sur ce thème voir notamment DUMEZ
(H) et JEUNE MAITRE (A), « Les partenariats public/privé
nouveaux venus du management public », Revue Politiques et
management public, Volume 21, n° 4, décembre 2003. Selon les
auteurs les contrats de partenariats sont une nouvelle mode qui touche le
management public. Ces contrats peuvent s'analyser comme une nouvelle forme
« d'hybridation ». Les PPP seraient censés
combiner les points forts de la puissance publique qui régule, du
secteur public fort de ses valeurs de dévouement et du secteur
privé caractérisé par sa capacité d'innovation et
d'efficience gestionnaire. Toutefois, les auteurs ont démontré
que la réalité était plus nuancée au regard des
projets britanniques Airwave et de contrôle aérien.
*
204 Lois LOPSI et LOPJI de 2002
codifiées sur ce point aux articles L. 2122-15 et16 ; loi de
programmation militaire du 27 janvier 2003, puis ordonnance sur les contrats de
partenariat visée à l'article L. 2122-16
*
205 C. MAUGÜE et G. BACHELIER,
« Le Code général de la
propriété : le droit des biens enfin
modernisé », Les cahiers de la fonction publique, mai
2006, n° 256
*
206 Le droit applicable à l'Etat
rejoindrait alors ce qui est reconnu explicitement en faveur des
collectivités territoriales qui peuvent recourir au crédit-bail
dans le cadre de BEA et d'autorisations constitutives de droits réels
inspirées du mécanisme appliqué à l'Etat et
introduit à l'article L. 1311-5 IV du CGCT par l'article 3 VII de
l'ordonnance
*
207 S. NICINSKI,
« Lease américain, équipements publics et droit
administratif », AJDA 2001, p.538 « L'enjeu serait
d'admettre comme objet d'un lease, des équipements immobiliers, alors
que jusqu'à présent la technique n'est employée que pour
des équipements qui n'en font pas
partie208 »
*
209 Pour cela, il faudra s'assurer que les
SPSI permettent de constituer un audit de la situation immobilière de
chaque ministère, audit aboutissant à la définition d'un
plan stratégique. Ils devront indiquer les coûts des implantations
ou des ratios tels que le coût par agent et par mètre
carré. En particulier, il faudra établir dans chaque
ministère des prescriptions générales relatives à
la distinction entre le ou les immeubles de prestige, qui doivent rester
implantés dans le centre de Paris (ministre, cabinet, directions
stratégiques du ministère), et les autres immeubles, qui peuvent
être délocalisés en région parisienne, voire en
province (directions opérationnelles).
* 210
Voeux du Président de la République aux fonctionnaires à
Metz le 6 janvier 2006
*
211 Dans la loi de finances pour 2006, les
loyers budgétaires ont été calculés en multipliant
la valeur inscrite au TGPE par le taux de 5,12 %. Ce taux correspond au
taux moyen de remboursement de la dette de l'État. Il est
inférieur au taux de rendement moyen du marché. Les
professionnels de l'immobilier, consultés sur ce sujet, estiment qu'un
immeuble moyen dans un quartier moyen de Paris est loué à environ
6,50 % de sa valeur vénale. La différence d'environ un point
correspond à peu près aux frais d'entretien (travaux et grosses
réparations). La conséquence d'une telle différence est
que les ministères ne seront pas suffisamment incités à
effectuer les arbitrages nécessaires. La mission confiée à
l'Inspection générale des finances et au Conseil
général des ponts et chaussées a également pour
objet de se prononcer sur la valeur de ce taux et de cette base.
*
212 Le bilan du régime de
« quasi-propriété » était pour le
moins mitigé : celui-ci ne s'était pas traduit par une
politique plus dynamique en matière d'arbitrage et en particulier de
cessions d'immeubles publics. Il n'avait pas non plus entraîné
d'amélioration significative de valorisation du parc immobilier public.
La fonction de propriétaire a été souvent mal remplie par
des ministères qui avaient toujours des besoins plus urgents à
satisfaire que de se préoccuper de la maintenance des immeubles. Pour
encourager les ministères à proposer des cessions d'immeubles
dont ils sont affectataires, tout en concourant à la réduction du
déficit, le gouvernement a modifié le dispositif
d'intéressement antérieurement fixé par la circulaire du
21 février 1992 relative à la réforme de la gestion du
patrimoine immobilier de l'Etat) (dite circulaire
« Cresson »).Toutes les cessions de plus de 2 millions
d'euros donneront lieu à une validation centralisée
préalable des projets de « relogement » des services
concernés. Seules les opérations dégageant un
résultat net positif d'au moins 15 % des produits de cession seront
désormais retenues, toutes dépenses et toutes recettes ou
économies confondues.Les ministères bénéficieront
de 85 % du produit de cession pour les opérations de relogement de leurs
services. Si leurs dépenses réelles s'avèrent
inférieures à ce montant, la différence pourra être
utilisée pour d'autres dépenses (hors titre 2).Les cessions
d'immeubles inutilisés et de terrains donneront lieu à un
intéressement des ministères à hauteur de 50 %.Ainsi, sur
400 millions d'euros de cessions immobilières attendus en 2006, 60
millions d'euros devraient être reversés au budget
général.
*
213 BOE (F), Gestion territoriale,
Juris-classeur Collectivités territoriales, fasc. 2010
* 214
Loi organique du 1er août 2001 n° 2001-692, JORF, 2
août 2001, p. 12480
*
215 La comptabilité
budgétaire retrace l'exécution des dépenses
budgétaires, au moment où elles sont payées et
l'exécution des recettes, au moment où elles sont
encaissées. ; La comptabilité
générale respectant les règles d'une
comptabilité d'exercice vise à décrire la situation
patrimoniale de l'État, c'est à dire l'ensemble de ce qu'il
possède (terrains, immeubles, créances) et de ce qu'il doit
(emprunts, dettes) ; La comptabilité d'analyse du
coût des actions : elle ne doit pas être confondue avec
une comptabilité analytique. Elle est plus spécialement
destinée à compléter l'information du Parlement sur les
moyens budgétaires affectés à la réalisation des
actions prévues au sein des programmes. Elle permet également de
mesurer la performance des administrations. Depuis le 1er janvier
2006, les comptes de l'Etat sont tenus selon ce nouveau
référentiel qui constitue le point de départ de la
démarche de certification des comptes publics.
*
216 LASCOMBE (M) et VANDENDRIESSCHE (X),
Plaidoyer pour le succès de la réforme. Loi organique et la
nécessaire refonte de la responsabilité des ordonnateurs et des
comptables, RFDA 2004, p. 308. Selon les auteurs seront affectés par la
mise en oeuvre de la LOLF tant le droit constitutionnel que le droit
administratif
*
217 Article 30 de la
LOLF : « les règles applicables à la
comptabilité générale de l'Etat ne se distinguent de
celles applicables aux entreprises privées qu'à raison des
spécificités de son action. »
*
218 La comptabilité publique
vise donc à assurer le respect des lois et des règlements,
à veiller au respect des budgets, et à éviter les
abus. Elle ignorait, en revanche, le prix de revient ou le rendement
des services, comme si le fait qu'ils soient financés par l'impôt
ou par l'emprunt apaisait tout scrupule. Malgré ces
différences d'objectifs, s'opère cependant un rapprochement
croissant des comptabilités publiques vers la comptabilité
privée. La comptabilité publique doit désormais
répondre aux mêmes exigences d'exhaustivité, et d'image
fidèle de la situation financière de l'Etat. Elle doit en
même temps offrir une aide à la gestion efficace de l'argent
public, notamment en permettant une meilleure connaissance des coûts des
différentes fonctions exercées au sein de l'administration. Il
était devenu urgent que la comptabilité publique évolue
dans le sens d'une modernisation de la gestion financière de l'Etat,
afin de lui offrir une information plus complète lui permettant de
prendre de meilleures décisions. Il s'agit désormais
d'une comptabilité décisionnelle.
*
219 En 1997, l'instruction comptable
M 14 a aligné la comptabilité des communes de plus de 3.500
habitants sur le plan comptable général de 1982. En
particulier, l'instruction M 14 introduit les possibilités
d'amortissement prévues par le plan comptable général,
afin d'établir une image fidèle du patrimoine et du
résultat des communes. Elle a écarté cependant les
bâtiments et les infrastructures de l'obligation d'amortissement, compte
tenu de l'importance du travail de recensement et d'évaluation que cela
aurait impliqué, et des charges considérables qu'une telle mesure
aurait créé pour les budgets communaux. La règle de
prudence, exigeant des provisions, a également été
introduite pour les garanties d'emprunts accordées par la commune
à des tiers, et pour les dettes financières faisant l'objet d'un
différé de remboursement. L'introduction de ces mesures
souligne la tendance à l'assimilation par la comptabilité
publique des concepts issus de la comptabilité privée
*
220 LAVIALLE (C),
« Les propriétés publiques saisies par la
comptabilité », AJDA, 5 décembre 2005, p. 2257
*
221 DUPRAT (J.P),
« L'évolution des logiques de gestion du domaine de
l'Etat », AJDA 21 mars 2005
*
222 Projet de loi de finances pour
2006 : participations financières de l'Etat (mission
indépendante), avis présenté au nom de la Commission des
Affaires économiques et du Plan par M. BECOT (sénateur)
*
223 Le programme annuel de performance des
« participations financières de l'Etat » affiche
trois objectifs :
- veiller à l'augmentation de la valeur des
participations financières de l'Etat
- assurer le succès des opérations de cessions
des participations financières
- contribuer au désendettement de l'Etat et des
administrations publiques
*
224 Il s'agit soit de maximiser la valeur du
portefeuille financier de l'État soit d'en tirer un maximum de recettes
(par le succès des opérations de cessions), les ressources ainsi
générées devant être utilisées d'une
manière judicieuse (notamment par le désendettement de la
sphère publique).
*
225 Le rapport de 2004 sur l'Etat
actionnaire rapport insiste sur le fait que la gestion active des
participations de l'Etat est une des clefs de la bonne santé
financière des entreprises publiques. Ainsi, "trois
opérations réalisées depuis le début de
l'année 2004 ont contribué à l'enregistrement d'une
recette brute de 5,4 milliards d'euros; il s'agit de la cession de la
participation dans la SNI (société nationale immobilière),
de l'ouverture du capital de la SNECMA et de l'opération de
privatisation
de France Télécom". Enfin, les entreprises
publiques ont en outre réalisé d'importantes cessions. Toutefois,
certains points noirs sont mentionnés dans le rapport. Il s'agit
notamment du poids de la dette financière (192,7 milliards d'euros) et
des engagements hors bilans ( 219 milliards d'euros dont la moitié au
titre des retraites). Le rapport rendu en 2005 insiste pour l'année
2004 sur le changement de statut d'EDF et de Gaz de France, la privatisation de
France Telecom et d'Air France, l'ouverture du capital de Snecma et des
Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR) et l'entrée au capital
d'Alstom. Cette tendance se poursuit en 2005 : changement de statut
d'Aéroports de Paris (ADP), création de la banque postale, fusion
de Snecma et Sagem qui a donné naissance au groupe Safran,
évolutions capitalistiques avec notamment l'ouverture du capital de
Sanef et le désengagement complet du capital de Bull.. Le chiffre global
d'affaires des entreprises dont l'état est actionnaire a
progressé de 4.8% par rapport à 2003 pro forma pour atteindre
195.4 milliards d'euros.
*
226 La commission estime que les indicateurs
proposés pourraient être avantageusement complétés
par un nouveau critère ; le nombre d'années de
bénéfices de l'entreprise auxquelles correspond la valeur des
actions vendues. L'intérêt patrimonial des opérations de
privatisations, serait mieux mesuré, comme l'a montré le
débat récent sur les privatisations d'autoroutes.
*
227 L'idée de gestion
caractérise la conception moderne du domaine public, dans laquelle
l'affectation domaniale ménage une place à l'exploitation. Parce
que la possibilité de tirer parti d'un bien découle ordinairement
du droit de propriété, l'idée de gestion confère
une légitimité théorique à la valorisation du
domaine public ; elle est une conséquence logique de la vision
propriétariste.
*
228 CAILLOSSE (J),
« L'administration française doit-elle s'évader du
droit administratif pour relever le défi de
l'efficience ? », Paris, L'Harmattan, 1996, p. 327
*
229 Plutarque : Les vies des hommes
illustres (Paris, de Cussac, 1801, trad. Amyot-en vieux français-T.1
Thésée. P. 37) cité par P. YOLKA, « La
propriété publique, Eléments pour une
théorie », LGDJ 1997, p. 613
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