La protection financière du patrimoine public( Télécharger le fichier original )par Jennifer Marchand Université des sciences sociales Toulouse 1 - Master 2 Droit public des affaires 2006 |
B. Le lien entre propriété publique et exploitation de la valeur financière du patrimoine publicL'adoption du droit de propriété comme fondement du pouvoir de gestion domaniale remonte au début du XXème siècle. Cette position puise son origine dans l'Ancien droit, marqué par la revendication de ce droit de propriété par un pouvoir royal attaché à la capacité financière provenant de l'exploitation des biens domaniaux. Pourtant, le professeur YOLKA estime que « si la doctrine dominante fait de la propriété le fondement des pouvoirs de gestion domaniale, elle ne s'est guère attachée à montrer le caractère nécessaire de cette liaison »40(*). La domanialité publique n'a pas vocation à régir l'ensemble des rapports des collectivités publiques à leurs biens. André de Laubadère constatait ainsi qu'il y a « des questions qu'elle ne permet pas de résoudre ; par exemple, qui a la charge de l'entretien d'un bien domanial ? A qui reviennent les revenus qu'il peut procurer ? »41(*). L'obligation d'entretien et la perception de redevance, qui sont deux manifestations majeures de la recherche de valorisation des patrimoines publics, sont intimement liées à la qualité de propriétaire de la personne publique. La possession d'un bien implique nécessairement la maîtrise des moyens nécessaires pour en tirer le meilleur parti. D'abord, l'imputation de la charge de
l'entretien des dépendances revient en principe au propriétaire.
L'administration propriétaire a l'obligation d'entretenir les biens de
son domaine public, afin de conserver à ces biens leur destination.
Ensuite, la propriété des personnes publique permet de leur reconnaître deux choses qui vont dans le sens d'un lien entre propriété et valorisation. D'une part, c'est la personne morale de droit public qui a dans son patrimoine la valeur en capital représentée par ce domaine. En cas de désaffectation et de mise en vente d'un bien domanial, elle percevra le prix. D'autre part, les collectivités publiques perçoivent les revenus que peut procurer leur domaine public. La théorie propriétariste leur permet de retirer les utilités économiques de leurs biens. Les personnes publiques, envisagées comme propriétaires, peuvent rentabiliser leur patrimoine. Le lien entre les revenus domaniaux et l'exercice du droit de propriété par les personnes publiques est particulièrement probant. La détermination des loyers intègre des paramètres économiques ; le prix tient compte du chiffre d'affaire escompté par le preneur. Le mode de calcul confirme le lien avec la propriété. Il est généralement interprété comme l'une des manifestations des pouvoirs que la propriété publique confère à son titulaire. Le juge a d'ailleurs souligné le lien entre la propriété publique et les pouvoirs de gestion domaniale. Le droit d'exploiter le domaine public est arrimé au droit de propriété. La formulation de certains arrêts paraît au demeurant assez limpide « ... ne constitue qu'une conséquence normale de l'exercice par la Ville de Limoges de son droit de propriété reconnu par la juridiction judiciaire et n'est pas de nature à rendre irrégulière l'utilisation faite par la ville de son domaine public en délivrant la permission de voirie contestée »43(*). Cela sera confirmé plus récemment par le professeur Teitgen-Colly pour qui : « L'administration peut ainsi atteindre par la voie de son droit de propriété, ce qu'elle ne pouvait atteindre par la voie de son pouvoir fiscal. L'impôt ne permet d'atteindre que le fait matériel de l'occupation ; par delà ce fait matériel la propriété permet d'atteindre les profits économiques procurés par l'utilisation »44(*). ? La notion de propriété publique donne la priorité à la conception du domaine en tant qu'ensemble de ressources, dont le régime s'adapte à la finalité assignée aux différents biens45(*). C'est pourquoi, l'adoption du Code général de la propriété des personnes publiques en avril 2006 « révèle un nouveau paradigme : le centre de gravité de la théorie domaniale se déplace d'une logique de protection (centrée sur l'affectation publique) vers une démarche de valorisation (fondée sur le droit de propriété) »46(*). * 40 P YOLKA, « La propriété publique. Eléments pour une théorie », Paris, LGDJ 1997, p. 278 * 41 A. de LAUBADERE, Traité de droit administratif, LGDJ 1980 p. 146 * 42 Des textes particuliers peuvent intervenir pour organiser la mise en oeuvre de l'obligation générale d'entretenir le domaine public. Ainsi la loi n°75-602 du 10 juillet 1975 a créé un établissement public administratif de l'Etat, le « Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres », ayant pour mission de mener, dans les cantons côtiers et dans les communes riveraines des lacs et plans d'eau d'une superficie au moins égale à 1000 hectares, une politique foncière de sauvegarde de l'espace littoral, de respect des sites naturels. * 43 CE, 10/11/1972, Dame Dubois, dame veuve Goursaud et Ville de Limoges, DA 1972, n° 401 * 44 C. TEITGEN-COLLY, « La légalité de l'intérêt financier dans l'activité administrative », Economica, 1981 * 45« Propriété publique et domaine public ne sont pas synonymes, mais complémentaires : le premier explique la partie fixe du régime des biens publics,, le second la plupart des éléments qui varient en fonction de l'activité » P. YOLKA in La propriété publique. Eléments pour une théorie. Paris, LGDJ 1997, p. 609 * 46 P. YOLKA, « Naissance d'un code : la réforme du droit des propriétés publique », JCP A 29 mai 2006, n° 22, p. 688 |
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