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Le régime juridique du classement sans suite en procédure pénale congolaise


par Darchy ELIONTA
Université Marien Ngouabi  - Master  2024
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE MARIEN NGOUABI

Travail-Progrès-Humanité

 
 
 
 
 
 

ECOLE NATIONALE D'ADMINISTRATION ET DE MAGISTRATURE

 
 
 
 
 
 
 

DIRECTION ADJOINTE

DEPARTEMENT DES CARRIERES JUDICIAIRES

LE REGIME JURIDIQUE DU CLASSEMENT SANS

SUITE EN PROCEDURE PENALE CONGOLAISE

MEMOIRE

De fin de cycle pour l'obtention du Diplôme de Master professionnel de l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature

Cycle : II

Filière : Magistrature

Présenté et soutenu publiquement par : Sous la direction de :

Darchy ELIONTA Cyprien GANZINO-NGOUNGA

Magistrat,

Avocat général près la Cour suprême

Année Académique : 2023-2024

Promotion 2022-2024

DEDICACE

Je dédie ce mémoire à ma tendre mère NKOA Eveline pour ses soins et son amour indéfectible dont elle a toujours fait montre à mon égard, en tout temps et en toutes circonstances.

Je dédie aussi ce travail à mon père NKABA-OMBA pour son accompagnement multiforme et à mon oncle OKOUO Nazaire Blaise pour son soutien moral, matériel et financier.

II

REMERCIEMENTS

Mes remerciements s'adressent en tout premier lieu à mon auguste directeur de mémoire, monsieur l'Avocat général près la Cour suprême, Cyprien GANZINO-NGOUNGA qui a accepté volontiers de me faire le grand honneur de diriger mes travaux de recherche. Je lui dois donc un lourd tribut de respect et de reconnaissance.

Je souhaite également remercier tout l'ensemble du corps professoral et administratif de l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature pour m'avoir accompagné le long de mon parcours par leurs enseignements et conseils.

Mes remerciements vont ensuite à ma famille : mon épouse ELIONTA Rebecca, mes enfants ELIONTA Vertu, ELIONTA Consacrée, ELIONTA Vaillant, mes tantes, mes oncles, mes frères et soeurs pour leur assistance sans faille.

Je tiens à exprimer également ma gratitude à mes très chaleureux frères et soeurs en Christ, de la grande communauté chrétienne des Assemblées de Dieu de Pentecôte Eglise Restaurée (DPER), dans son ensemble pour leurs encouragements et prières en ma faveur, et en particulier à mon pasteur BONZENE Raymond et son épouse, et mon bien-aimé WAWA Juvey pour leur attention particulière à mon égard.

Je voudrais aussi remercier mes chers collègues de lutte avec lesquels nous avons composé une équipe dynamique et forte de travail pour aboutir aux résultats que nous savourons aujourd'hui.

Mes remerciements vont enfin au Grand et Incomparable Roi Immortel qui règne à jamais et à qui je dois tout de ma vie : JESUS-CHRIST DE NAZARETH.

III

ABREVIATIONS

Al. Alinéa

Art. Article

Bull. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de

cassation

CPCCAF Code de procédure civile, commerciale, administrative et
financière

CPP Code de procédure pénale

Cass. Crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation

éd. Édition

Gaz. Pal. La Gazette du Palais

L.G.D.J. Librairie générale de droit et de jurisprudence

n° Numéro

Obs. Observations

Op. cit. Ouvrage précité ultérieurement

p. Page

PP Pages

PUF Presses universitaires de France

Rev. dr. Pén Revue de droit pénal

s. et suivants

Vol. Volume

iv

SOMMAIRE

INTRODUCTION 1

PREMIERE PARTIE : LES LACUNES DU REGIME JURIDIQUE DU CLASSEMENT

SANS SUITE 12
CHAPITRE I : L'ABSENCE D'ENCADREMENT DU POUVOIR DE CLASSEMENT

SANS SUITE DU PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE 14

Section 1 : Le classement sans suite : une décision relevant du pouvoir

discrétionnaire du Procureur de la République 14

Section 2 : Les implications pratiques du pouvoir discrétionnaire du Procureur de la

République lié au classement sans suite 28
CHPITRE II : LE MANQUE DE LISIBILITE DES OBLIGATIONS DE L'AUTEUR DU

CLASSEMENT ET DES DROITS DU PLAIGNANT 40

Section 1 : Le non-assujettissement du classement sans suite à l'obligation de

motivation et de notification 40

Section 2 : L'inexistence du droit de recours pour le plaignant

du classement sans suite 52

DEUXIEME PARTIE : LES PERSPECTIVES D'AMELIORATION DU REGIME

JURIDIQUE DU CLASSEMENT SANS SUITE 61

CHAPITRE I : LA REDEFINITION DE L'AUTORITE INCARNANT LE POUVOIR DE

L'OPPORTUNITE DES POURSUITES 63

Section 1 : L'instauration d'un juge d'opportunité des poursuites 63

Section 2 : La relégation du Procureur de la République à la fonction de poursuite 73

CHAPITRE II : LE RENFORCEMENT D'EFFICACITE DES PROCEDURES

ALTERNATIVES AU CLASSEMENT SANS SUITE 86

Section 1 : L'aperçu des procédures alternatives au classement sans suite 86

Section 2 : Les aspects à prendre en compte pour l'efficacité des procédures

alternatives au classement sans suite 98

CONCLUSION 111

BIBLIOGRAPHIE 116

TABLE DES MATIERES 122

1

INTRODUCTION

1- Le contexte général

Il n'y a pas aujourd'hui de question, touchant de près ou de loin la justice pénale, pour laquelle un rôle ne soit pas réservé au Procureur de la République. Considéré comme la véritable cheville ouvrière dans la réaction opposée par la société à la commission d'une infraction pénale1, cet acteur judiciaire incarne le pouvoir d'opportunité des poursuites.

L'article 28-1 du code de procédure pénale dispose : « Le Procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner ». Apprécier2 la suite à donner aux plaintes et dénonciations, c'est jouir de l'opportunité des poursuites3, perçue comme « la reine des attributions »4 du Procureur de la République. Cette attribution lui permet de centraliser les plaintes qui lui sont adressées directement ou qui sont préalablement déposées auprès des services de police ou de gendarmerie. Sur la base des informations reçues ou complétées, le cas échéant, par les actes d'enquête effectués par les services compétents à leur initiative ou sur instruction du Procureur, ce magistrat va devoir prendre une décision adaptée compte tenu des exigences légales, de l'état du dossier de la procédure et de la finalité envisagée en appréciant la consistance et la pertinence des preuves recueillies ainsi que les possibilités légales qu'il offre sous l'angle de la poursuite5.

1DECHEPY-TELLIER (J), La procédure pénale en schémas, Paris, 2e édition, Ellipses, 2017, p.446

2 Selon un auteur, la légalité et l'opportunité constituent les éléments de base d'appréciation de la décision tant de poursuite que de classement sans suite. Une fois qu'il a apprécié la légalité et l'opportunité d'une poursuite éventuelle, le Procureur de la République est libre de fixer sa décision dans le sens qui correspond à son sentiment personnel. Il se décide aussi librement en ce qui concerne la légalité qu'en ce qui concerne l'opportunité. Voir en ce sens BOULOC (B), Procédure pénale, Paris, 23e édition, Dalloz, 2012, p.580

3GANZINO-NGOUNGA (C), L'audience pénale, Porto-Novo, 1e édition, Protic, 2021, p.50

4DE NAUW (A), La décision de poursuivre - Instruments et mesures, Rev. dr. pén., 1976-1977, p. 449. 5GUINCHARD (S), Procédure pénale, Paris, Litec, 2000, p.962

2

Ainsi, en vertu du pouvoir d'opportunité des poursuites, le Procureur de la République peut décider soit d'actionner, sur le clavier de l'action publique, la touche de la poursuite, soit d'activer la touche verte absolutoire du classement sans suite6.

La poursuite consiste à mettre en mouvement l'action publique en saisissant une juridiction d'instruction ou, directement, une juridiction de jugement. Le classement sans suite constitue une décision qui, à l'inverse, met fin à la procédure qui avait pu être initiée et entraîne le non-exercice de l'action publique, sous réserve du droit reconnu à la victime et à certaines administrations de mettre en mouvement l'action publique.

Contrairement au système légaliste7 qui impose au ministère public de poursuivre toute infraction parvenue à sa connaissance, quelles qu'en soient la gravité ou les circonstances8, le système d'opportunité donne toute la liberté au ministère public de ne pas déclencher9 des poursuites pour un fait pénalement qualifiable10 par une décision de classement sans suite.

Généralement, le classement sans suite peut être dicté par le défaut de la caractérisation de l'infraction, l'existence d'une cause d'impunité, l'extinction de l'action publique, le caractère mineur du trouble causé à l'ordre public et bien d'autres motifs non spécifiés par la loi. Cette décision ne signifie pas nécessairement que le Procureur

6VIOUT (J.O) en collaboration avec TALEB (A), La défense pénale devant le ministère public : les alternatives à la poursuite, in La Défense pénale, Actes du XIXe congrès de l'Association française de droit pénal, RPDP n° spécial 2010, p. 135. L'exercice du pouvoir d'appréciation de l'opportunité des poursuites par le procureur se réduit à un choix binaire. Soit il poursuit, soit il classe sans suite. Il s'agit d'une alternative légale : un magistrat du parquet ne peut sans outre-passer ses prérogatives, sortir des frontières délimitées par les deux seules options : classer ou poursuivre. Cependant, si la poursuite implique un mineur, le parquet peut user de médiation en toute discrétion en sortant de l'impératif binaire de poursuite. « On s'attachera, dans toute mesure possible, à traiter le cas des délinquants juvéniles en évitant le recours à une procédure judiciaire devant l'autorité compétente...Le parquet ou les autres services chargés de la délinquance juvénile ont le pouvoir de régler ces cas à leur discrétion, sans appliquer la procédure pénale officielle.

Tout recours a des moyens extrajudiciaires exige le consentement de l'intéressé ou de ses parents ou de son tuteur. Il faut assurer la restitution des biens et l'indemnisation des victimes ». Art. 75alinéa 1-4 de la loi n°4-2010 du 14 juin portant protection de l'enfant en République Congo

7D'une manière plus générale, la distinction entre opportunité et légalité repose sur le présupposé que la décision en opportunité résulte d'un choix discrétionnaire, tandis que l'appréciation de la légalité serait une simple application d'une norme préexistante à une situation de fait, mais on sait bien qu'il faut au moins déterminer le texte applicable, puis l'interpréter et que ces opérations ne peuvent être accomplies sans un choix discrétionnaire. 8MERLE (R) et VITU (A), Traité de droit criminel, Paris, 4e édition, Tome II, Éditions Cujas, 1989, p.331 n°278 9 La plainte de la victime n'oblige pas le procureur de la République à poursuivre que l'absence ou le retrait de plainte ne le contraint à rester inactif et à ne pas poursuivre.

10GANZINO-NGOUNGA (C), Audience pénale, op. cit. p.50, définit l'opportunité des poursuites comme « le principe en vertu duquel le procureur de la République est libre de ne pas déclencher des poursuites pour un fait pénalement qualifiable ».

3

de la République n'envisage pas à terme de poursuivre le présumé auteur, d'autant plus qu'une telle décision n'implique pas l'abandon des poursuites, dès lors que le ministère public peut à tout moment, pendant le délai de prescription, revenir sur sa position pour engager les poursuites. C'est dans cette perspective que Serge GUINCHARD et Jacques BOUISSON préfèrent l'expression « poursuite différée » à celle de classement sans suite, car le classement sans suite laisse place à une suite11.

2- La définition des concepts clés

Pour bien cerner notre sujet, nous allons procéder à la clarification des expressions suivantes : le classement sans suite, la procédure pénale et le régime juridique.

Le classement sans suite : le lexique des termes juridiques le définit comme une décision prise par le ministère public en vertu du principe de l'opportunité des poursuites, écartant momentanément la mise en mouvement de l'action publique12. Selon Jacques LEROY, « le classement sans suite est la décision du Procureur dans le cas où les poursuites ne sont pas engagées pour des raisons de légalité ou d'opportunité13». Serge GUINCHARD et Jacques BOUISSON l'appréhendent comme étant « la décision par laquelle le Procureur de la République, décidant de ne pas poursuivre, classe le dossier dans les archives de son parquet14 ». D'après d'autres auteurs, le classement sans suite est une « mesure administrative prise par l'officier du ministère public lorsque l'instruction ouverte à charge d'une personne ne semble pas soutenue par des preuves suffisantes pouvant lui permettre de fixer l'affaire. En ce cas, le Ministère public ne se dessaisit pas de l'affaire. Il la démet tout simplement de ses préoccupations actuelles en attendant que soient fournies des preuves complémentaires lui permettant de parachever son travail15 ».

11GUNICHARD (S) et BOUISSON (J), Procédure pénale, Paris, 9e édition, LexisNexis, P. 969. Ces auteurs définissent la poursuite différée comme « la décision du ministère public de ne pas poursuivre immédiatement, pour bien marquer qu'une telle décision, quelle qu'elle soit, n'implique pas l'abandon des poursuites, dès lors que le ministère public a, à tout moment pendant le délai de prescription, la faculté de revenir sur sa position pour engager la poursuite », p.965

12GUINCHARD (S) et DEBARD (T), Lexiques des termes juridiques, Paris, 25e édition, Dalloz, 2017-2018, p.156. Voir aussi PUIGELIER (C), Dictionnaire juridique, Bruxelles, 2e édition, Larcier, 2015. Cet auteur définit le classement sans suite comme « une absence de poursuite d'une affaire décidée par le ministère public après le dépôt d'une plainte ».

13LE ROY (J), procédure pénale, Paris, Lextenso, 2013, p. 311

14GUINCHARD (S) BOUISSON (J), Procédure pénale, op. cit. p.966

15LUZOLO BAMBI LESSA (E) et BAYONA BA MEYA (N.A), Manuel de procédure pénale, Kinshasa, PUC, 2011, p. 383

4

En dépit de leur mérite, ces différentes approches définitionnelles ne permettent pas d'appréhender les contours de la notion de classement sans suite. C'est sur la base de ces considérations que nous pensons la définir comme une décision administrative prise par le Procureur de la République, suite à une plainte ou une dénonciation, en vertu de son pouvoir d'opportunité des poursuites, d'abandonner provisoirement ou définitivement les poursuites, pour des considérations objectives ou subjectives de légalité ou d'opportunité. Cette définition parait plausible en donnant un aperçu sur la nature de la décision, le moment auquel elle peut être prise et les éléments de son soubassement.

La procédure pénale : celle-ci est conçue comme l'ensemble « des règles qui définissent la manière de procéder pour la constatation des infractions, l'instruction préparatoire, la poursuite et le jugement des délinquants16 ».

Le régime juridique : il s'entend comme l'ensemble des lois, des règles, des procédures et des principes applicables à une notion. En réalité, il n'existe pas, à proprement parler, de régime juridique définissant les règles juridiques applicables en matière de classement sans suite en droit positif congolais ; sinon que l'énoncé du principe de l'opportunité des poursuites17. Chaque parquetier reste libre d'appliquer les règles de son choix18 dans la prise, la matérialisation et la communication de ladite décision ; ce qui alimente le risque d'arbitraire. Il n'est pas à nier que la raison d'être de l'organisation procédurale en matière de prévention et de répression des infractions à la loi pénale est d'éviter l'arbitraire19. Cependant, l'exercice du pouvoir d'opportunité des poursuites, par ricochet de classement sans suite, n'est pas encadré et laisse une brèche à l'orchestration des abus par le détenteur dudit pouvoir.

3- L'historique du sujet

Le système de poursuite adopté par le législateur congolais, puise ses racines du droit colonial français. En effet, n'étant pas consacré par le code d'instruction criminelle de 1807, dont le système de poursuite était, selon toute apparence légaliste, il a fallu

16GUINCHARD (S) et DEBARD (T), Lexiques des termes juridiques, op. cit. p.687

17Voir dans ce sens l'article 28 du code de procédure pénale

18Les pratiques en matière de classement ne correspondent pas à un traitement standardisé mais à des habitudes

propres à chaque parquet.

19BAMBA (S.L), Le déroulement du procès pénal : Essai de droit comparé Congo/France, Paris, L'Harmattan, 2019, p.5

5

attendre l'adoption du code de procédure pénale de 1958, dont le choix de poursuite s'était orienté vers le modèle de l'opportunité des poursuites20. Trois ans juste après son accession à l'indépendance, la République du Congo adopte par la loi n°1-63 du 13 janvier 1963 le code de procédure pénale calqué sur le modèle français dans lequel il consacre le principe de l'opportunité des poursuites en son article 28-121, reprenant littéralement l'article 40 du code de procédure pénale français.

Dans le souci d'encadrer les pouvoirs du ministère public, éviter le risque d'arbitraire, protéger les droits des victimes et lutter contre l'impunité des auteurs d'infractions, plusieurs reformes ont été initiées au fil des années sous l'influence de différentes lois par le législateur français22, encadrant la pratique du classement sans suite. Au Congo, par contre, la pratique du classement sans suite, courante dans le cadre d'une procédure pénale, n'a connu aucune évolution de nature à la doter d'un régime juridique qui lui est propre pour l'encadrer, à l'instar du droit français.

Le texte23 fondateur, reconnaissant la possibilité au Procureur de la République de classer sans suite une plainte, doit être mis à jour à cause des lacunes critiquables qu'il comporte et qui constituent le revers de la médaille du système répressif dont la vocation tend à garantir un Etat de droit.

En effet, ce texte de référence ne définit nullement les critères susceptibles de guider le Procureur de la République dans ses décisions de classement, ne l'oblige pas à les motiver, les communiquer et à orienter la victime qui n'a pas le droit de recours, à

20Article 40 du code de procédure pénale français. Ce système offre au ministère public toute la latitude de décider d'engager ou non les poursuites après avoir apprécié les plaintes et les dénonciations reçues.

21« Le Procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner ».

22La première évolution significative du régime du classement sans suite a été introduite par la loi sur la modernisation de la justice du 27 mai 2014. Celle-ci a consacré d'une part un droit de recours devant le procureur général pour les victimes qui estiment que leur plainte a été classée sans suite à tort. Elle a introduit d'autre part la notion de classement avec orientation vers une alternative aux poursuites. Ce nouveau régime permet au parquet, lorsqu'il estime que les faits sont établis mais que des poursuites ne sont pas nécessaires, de proposer à l'intéressé une alternative aux poursuites, telle qu'une médiation pénale. En août 2018, la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a modifié le régime juridique du classement sans suite pour ces affaires. Ainsi, le parquet ne peut plus classer sans suite les affaires de violences sexuelles et sexistes sans avoir préalablement rencontré la victime. Cette disposition vise à mieux prendre en compte les victimes, à favoriser leur accompagnement, l'efficacité de la justice et à lutter contre l'impunité des auteurs des violences sexuelles et sexistes. En 2020, la loi de programmation par la justice a élargi le champ d'application du classement sans suite avec orientation à toutes les infractions punissables d'une peine d'emprisonnement, y compris les crimes. En outre, la loi a introduit la possibilité pour le parquet de renvoyer l'auteur présumé des faits devant le juge d'instruction même en cas de classement sans suite, si des éléments le justifient.

23 Art. 28-1 du CPP

6

d'autres démarches. En réalité, cette disposition légale reconnait au ministère public une très large manoeuvre de choisir sans pouvoir se justifier, le motif de classement, le moment de prendre sa décision, la forme de la décision (implicite ou explicite), la communication ou non de la décision, bref, de faire ce qu'il veut. Dans une très large mesure, c'est sur l'intégrité personnelle du Procureur de la République qu'il faudra compter, pour que son pouvoir de classer les affaires pénales soit exercé avec toute la rectitude nécessaire24, dans le respect des droits de la victime. Or, il ne fait l'ombre d'aucun doute que « tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser, il va jusqu'à trouver des limites.25». Autrement, tout pouvoir non encadré est enclin aux abus.

4- La motivation sur le choix du sujet

Le choix de cette thématique n'est pas anodin, ni moins encore le fruit d'une génération spontanée. L'exercice non encadré du pouvoir de classement sans suite, placé entre les mains des magistrats dépourvus d'éthique et d'indépendance, devient souvent « un rouleau compresseur des droits de certaines victimes ». Il constitue, en effet, une insécurité juridique pour les victimes, en les exposant aux abus et caprices du Procureur de la République et offre une certaine garantie d'impunité à certains présumés auteurs d'infractions impliqués dans la procédure.

Favorisé par l'absence très remarquée de l'encadrement de la pratique de classement sans suite, la dépendance du ministère public au pouvoir politique, l'érosion des vertus éthiques de la part de certains magistrats et l'absence de consécration des garanties solides pour la victime, le spectacle des abus observés lors de notre stage au parquet, en qualité d'auditeur de justice a éveillé notre curiosité et nous a poussé à placer le curseur de notre champ de recherche sur cette question cruciale en procédure pénale.

En principe, la faculté de classement accordée au Procureur de la République se doit d'être utilisée « avec réflexion et prudence et exige de sa part des références éthiques et morales lui évitant de tomber dans l'arbitraire ou la faiblesse, de donner libre cours à ses préjugés, voire même de se laisser emporter par la crainte ou l'amitié. Il importe qu'en toute circonstance, le Procureur de la République évite de donner le sentiment d'impunité au délinquant, le sentiment d'abandon à la victime et l'impression de

24Commission de réforme du droit du Canada, Document de travail 62 Poursuites pénales : les pouvoirs du Procureur Général et des Procureurs de la couronne, 1990

25MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, (1748), Paris, Garnier frères, 1973, (contrib. R. DERATHE), p. 142.

7

laxisme à ses concitoyens26 ». Malheureusement, le tableau que la pratique nous présente est loin d'atteindre cet idéal.

L'objectif visé par cette étude est d'adresser un réquisitoire contre le système actuel et de faire un plaidoyer pour son remodelage, en proposant un nouveau cadre légal, qui consacrera d'une part les droits de la victime et d'autre part un juge incarnant les garanties d'indépendance, investi du pouvoir d'opportunité des poursuites, soumis aux obligations légales clairement définies et à un contrôle, afin d'éviter tout risque d'arbitraire.

5- L'intérêt du sujet

Au regard, sans doute, des lacunes évidentes observées dans le régime juridique du classement sans suite, avec les abus qui s'ensuivent, cette thématique suscite un intérêt significatif d'ordre théorique, pratique, législatif, social, économique et politique.

Théoriquement, la thématique du régime juridique du classement sans suite n'a pas laissé la doctrine indifférente. Jacques LEROY affirme que le classement sans suite est une décision non revêtue de l'autorité de la chose jugée. Il est toujours provisoire, et la poursuite demeure possible jusqu'à l'expiration du délai de prescription. Il n'empêche pas à la victime de déclencher elle-même les poursuites27. Philipe CONTE pense que « le classement sans suite est un mode controversé de clôture de l'enquête, qui peut laisser penser que la justice n'a pas été rendue ou que l'auteur de l'infraction a bénéficié d'une impunité déguisée28 ». Selon Marc Robert, « le classement sans suite est souvent perçue comme une victoire pour les auteurs d'infraction, mais il peut également être une victoire pour les victimes si celles-ci ont obtenu réparation de leur préjudice en dehors de la voie pénale29 ».

Pratiquement, conscient des dérives qu'entraine l'exercice du pouvoir de classement sans suite, et de l'absence des garanties solides reconnues aux victimes de classement sans suite, cette étude contribuera à doter la pratique de classement sans suite d'un régime juridique propre, qui placera en son sein un acteur judiciaire indépendant et impartial, avec des pouvoirs et des obligations strictement encadrés,

26DROPET(O), Les infractions sans suite ou la délinquance mal traitée, disponible sur

https:/ www.senat.fr/rap/r97-513/r97-513-mono.html

27LE ROY (Jacques), procédure pénale, Paris, Lextenso, 2013, p.311

28CONTE (Ph), auteur de « L'enquête pénale » Editions Dalloz, 2021

29Robert (M), ancien président de la conférence nationale des procureurs de la République.

8

et garantira les droits de la victime, éloignera le risque d'arbitraire et l'éventuelle protection accordée à certains présumés coupables. En connaissant ses obligations, les motifs de classement, les droits de la victime, la procédure à suivre et les éléments à prendre en compte avant et après la décision de classement, la tâche du magistrat sera simplifiée.

Sur le plan législatif, cette étude tend à inciter le législateur à corriger les insuffisances du dispositif actuel de classement sans suite pour le rendre équitable à trois niveaux : confier d'abord le pouvoir d'opportunité des poursuites à un acteur judiciaire indépendant, qui rendra les décisions de classement sans suite motivées, transparentes, justes et susceptibles de voie de recours ; améliorer ensuite le fonctionnement des procédures pouvant servir d'alternative et de contrepoids au classement pour garantir un meilleur accès au juge pénal et reconnaitre, enfin, à la victime le droit à l'information, à une décision dans les plus brefs délais avec la possibilité de la contester devant une juridiction.

Socialement, il faut reconnaitre que le système répressif congolais n'inspire pas confiance à l'égard de la société qui le traite de tous les maux30, au regard des abus qui ternissent son image31, créent une justice à double vitesse et confortent les propos du Président de la République qui dénonce la présence du « ver dans le fruit32 » de la magistrature. En redéfinissant le régime juridique de classement sans suite, ce travail contribuera à modifier le sentiment d'incompréhension, de méfiance et d'exaspération croissante de l'opinion publique vis-à-vis de la justice.

Economiquement, le fait de savoir que les autorités judiciaires prennent des décisions de classement de manière objective et respectueuse des droits des personnes aura des effets positifs sur l'économie, en réduisant l'incertitude juridique pour les

30La crédibilité de tout système de justice réside dans sa capacité réelle à convaincre les justiciables de son indépendance et de son impartialité susceptible de leur garantir leurs droits. En l'absence de telles garanties, le système ne peut nullement inspirer confiance au public duquel dépend pourtant sa légitimité.

31MAKOSSO (A.C), Les nouvelles figures de la délinquance mal saisies par le droit pénal des mineurs, Annales de l'Université Marien Ngouabi, 2019 ; 19 (2) ; 33-59, Sciences juridiques et politiques, p.53

32Extrait de l'allocution du Président de la République Denis SASSOU NGUESSO prononcée le 27 mars 2023 lors de la réunion du conseil supérieur de la Magistrature disponible sur https/www. Rfi.fr

9

entreprises et les particuliers, et contribuera à renforcer la confiance des acteurs économiques dans le cadre légal et institutionnel33.

Sur le plan politique, l'autorité incarnant le pouvoir d'opportunité des poursuites est regardée souvent comme une caisse de résonnance ou le bras judiciaire du pouvoir politique par sa subordination au ministre de la justice.

En confiant, d'un côté, le pouvoir d'opportunité des poursuites à un juge indépendant qui n'est soumis qu'à l'autorité de la loi, ce sujet contribuera à empêcher l'intrusion du gouvernement dans les affaires judiciaires individuelles et imposera le respect de la séparation des pouvoirs. En renforçant, de l'autre côté, l'indépendance des procédures alternatives au classement sans suite vis-à-vis du ministère public, cela empêcherait à l'exécutif d'instrumentaliser le ministère public pour faire échec aux démarches initiées par la victime en vue de porter son action devant le juge34.

6- Revue de la littérature

Ce sujet, tel que formulé, n'a pas fait l'objet d'une étude particulière. Néanmoins, plusieurs de ses aspects ont été abordés par quelques auteurs comme :

- Cyprien GANZINO-NGOUNGA35 qui, traite la question de l'opportunité des poursuites, comme un pouvoir reconnu au procureur de la République de classer une affaire pénalement qualifiable.

- Serge GUINCHARD et Jacques BOUISSON36 qui assimilent le classement sans suite, à un archivage du dossier dans les archives du parquet. Le dossier classé peut à tout moment, dans le délai de prescription, être soumis à une juridiction par le ministère public.

- DELMAS-MARTY Mireille37 qui affirme qu'en vertu de l'opportunité des poursuites, le Procureur de la République peut « classer les affaires à son gré pour des raisons qu'il

33 Car, nul entrepreneur averti et rationnel, fût-il natif du pays, ne courra le risque d'investir son capital dans une société au sein de laquelle le système de justice n'est pas crédible.

34 Cette thématique donnera un coup d'accélérateur aux procédures pouvant servir d'alternative à la décision de classement sans suite et garantira leur dénouement heureux. Elle va permettre aux procureurs de la République de s'affranchir des pressions hiérarchiques et de travailler sous l'autorité de la loi, sans crainte d'une mauvaise notation, d'une lourde sanction disciplinaire qui affecterait leur carrière.

35GANZINO-NGOUNGA (C), L'audience pénale, op. cit. p.50

36GUNICHARD (S) et BOUISSON (J), Procédure pénale, op. cit. P. 967

37DELMAS-MARTY (M), les chemins de la répression, Paris, PUF, 1980, p263

10

n'a pas à indiquer, qu'elles soient d'ordre juridique, matériel, économique, d'équité, ou même de politique ».

- Jean-Marie SHANGO OKOMA38 qui souligne que dans bien des circonstances, le classement sans suite est devenu un moyen pour les magistrats du ministère public d'abuser de leur pouvoir.

- HAENEL Hubert qui évoque39 la nécessité de clarifier les décisions de classement sans suite pour permettre leur compréhension par les victimes.

- Ernest NILLES, Martine SOLOVIEFF et Georges OSWALD40 qui mentionnent les correctifs aux décisions de classement sans suite abusives aux nombres desquels le recours hiérarchique devant le Procureur Général et le droit de la victime de mettre elle-même en mouvement l'action publique.

- Anatole Collinet MAKOSSO41qui affirme que le classement sans suite est un moyen permettant au Procureur de la République d'affirmer son autorité sur l'opportunité des poursuites. Cette décision signifie un abandon des poursuites, qui n'honore pas toujours le pouvoir judiciaire, souvent accusé de laxisme, de complicité ou de complaisance.

Eu égard aux divers aspects évoqués par lesdits auteurs, la présente étude ne s'attèlera pas à dresser le portrait du régime juridique du classement sans suite qui, d'ailleurs, n'existe pas. Elle ne traitera pas, non plus, la question des droits pour la victime d'obtenir réparation après le classement sans suite. Elle se propose plutôt d'analyser de manière très critique, les différentes lacunes légales du régime juridique du classement sans suite y compris les abus qui en résultent dans la pratique et les pistes de solution pour le parfaire.

7- Problématique

Le caractère peu perceptible et lisible dans le code de procédure pénale et l'application à géométrie variable par le ministère public du régime juridique du classement sans

38SHANGO OKOMA (J.M), Le classement sans suite en droit procédural Congolais, disponible sur www.iosrjournals.org

39Rapport du sénat français « Les infractions sans suite ou la délinquance mal traitée » disponible sur https:/ www.senat.fr/rap/r97-513/r97-513-mono.html

40NILLES (Ernest), SOLOVIEFF (Martine) et OSWALD (Georges), Avis commun du parquet général et des parquets près les tribunaux d'arrondissement de Luxembourg et de Diekirch, 2020, p. p.23-26

41MAKOSSO (A.C), Les nouvelles figures de la délinquance mal saisies par le droit pénal des mineurs, op. cit. p.53

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suite sont évocateurs de la problématique de ses lacunes et de la nécessité d'envisager leur mise à jour. Cela nous conduit alors à nous poser les questions suivantes : quelles lacunes peut-on relever dans le cadre juridique régissant le classement sans suite ? Quelles sont les perspectives d'amélioration envisageables pour combler ces dites lacunes, afin d'ériger un système répressif efficace ? évocateur

8- Les hypothèses de recherche

La réponse à ces préoccupations commande à ce qu'on jette une lumière sur les différentes lacunes caractérisant le régime juridique du classement sans suite, en évaluant leur impact sur les droits des plaignants.

L'amélioration du système actuellement défaillant passe par la création d'un juge indépendant, chargé d'évaluer l'opportunité des poursuites et le renforcement de l'efficacité des procédures alternatives au classement sans suite.

9- Les méthodes de recherche

Les méthodes utilisées pour parvenir aux objectifs définis dans le cadre de cette recherche incluent trois approches différentes : la fouille documentaire, les entretiens et l'analyse prospective. L'étude fouillée de la documentation dédiée aux différents éléments touchant notre thématique nous a permis de recueillir des informations utiles au traitement de cette question à travers les textes de lois, les livres, les rapports, les thèses, les mémoires, les articles de revues et les sites web. Les entretiens avec les praticiens nous ont permis de se faire l'idée sur la pratique du classement grâce à leurs expériences et leurs opinions. L'analyse prospective a porté sur la pratique courante du classement sans suite par le ministère public, les différents textes légaux relatifs au pouvoir d'opportunité des poursuites et ceux consacrant la possibilité pour la victime de mettre en mouvement l'action publique, afin déceler les lacunes et de proposer les solutions.

10- L'annonce du plan

Nos travaux de recherche, ayant pour centre de gravité le régime juridique du classement sans suite, vont explorer avec un regard critique les lacunes observées dans le système actuel de classement sans suite (Première partie), avant de les orienter vers les perspectives de son amélioration (Deuxième partie).

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PREMIERE PARTIE

LES LACUNES DU REGIME JURIDIQUE DU CLASSEMENT

SANS SUITE

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Le refus de l'impunité des infractions s'inscrit dans la consécration assumée d'une galaxie d'institutions judiciaires au service d'une obligation de les poursuivre. Le centre de gravité de cet ordonnancement juridique est le Procureur de la République en ce qu'il conduit et engage les poursuites42. Il n'est pas cependant obligé d'agir quand une infraction est portée à sa connaissance, par une décision de classement sans suite.

Toutefois, beaucoup de questions demeurent sans réponses : sur quel critère doit-il le faire ? Sous quelle forme (écrite, orale, explicite ou implicite) et quand ? Quelle est la valeur de cette décision ? Qui doit contrôler sa légitimité ? Quelles sont les obligations qui pèsent sur l'auteur du classement à l'égard de la victime ? Doit-il l'informer ou un simple silence prolongé suffit à justifier le classement ? Que doit faire la victime face à un classement sans suite ? Dispose-t-elle d'un droit de le contester ou d'une alternative efficace pour le contourner ? Ces questions pertinentes, nécessitant des réponses claires du législateur, sont finalement sans réponse et constituent par conséquent les lacunes du système de classement sans suite.

La décision de classement sans suite prise par le ministère public à l'occasion de l'enquête préliminaire est caractérisée en droit congolais par une absence totale des règles transparentes liant l'autorité compétente chargée de la prendre, et l'absence de garanties pour les plaignants. L'article 28-1 du code de procédure pénale ne se contente que d'énoncer le principe d'opportunité des poursuites sans dégager les règles applicables, si jamais le ministère public décide d'un classement sans suite. Sa pratique relève du choix discrétionnaire du procureur de la République d'abandonner les poursuites s'il estime qu'elles sont inopportunes.

Ce vide juridique attaché à une décision mettant fin à la procédure engagée par le plaignant met à nu les faiblesses de ce dispositif juridique qu'il convient de scruter. Deux aspects majeurs révèlent les insuffisances décriées : l'absence d'encadrement du pouvoir de l'autorité chargée de prendre une telle décision notamment le Procureur de la République (Chapitre I) et le manque de lisibilité de ses obligations et des droits du plaignant (Chapitre II).

42 LE GALL (E), L'opportunité des poursuites du Procureur international : Du pouvoir arbitraire au contrôle insuffisant, Revue internationale de droit pénal, 2013/3 vol.84/pp. 495-514

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CHAPITRE I : L'ABSENCE D'ENCADREMENT DU POUVOIR DE CLASSEMENT SANS SUITE DU PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

L'application du principe de l'opportunité des poursuites rend le Procureur de la République titulaire d'un pouvoir discrétionnaire dans le choix des poursuites43. Son pouvoir absolu se caractérise par la possibilité qui lui est reconnu de mettre fin à une procédure engagée en appliquant justement son pouvoir discrétionnaire44. Ce pouvoir reconnu au Procureur de la République de classer sans suite une plainte fera l'objet de la première section (Section 1), avant d'envisager ses implications pratiques (Section 2).

SECTION 1 : Le classement sans suite : une décision relevant du pouvoir discrétionnaire du Procureur de la République

Le classement sans suite est une décision traduisant le pouvoir discrétionnaire du Procureur de la République. La notion du pouvoir discrétionnaire est inconnue à la procédure pénale. Elle relève plutôt du droit administratif où elle est opposée aux cas dans lesquels l'administration est en situation de compétence liée. Celle-ci est comme l'écrit le professeur René CHAPUS, « le pouvoir de choisir entre deux décisions ou deux comportements (deux au moins) conformes à la légalité45».

En procédure pénale, la doctrine l'utilise pour appréhender le pouvoir d'appréciation reconnu au Procureur de la République au stade de la décision sur l'engagement ou non des poursuites46. La compréhension du pouvoir discrétionnaire du Procureur de la République en matière de classement sans suite passe par son analyse (Paragraphe 1) avant de montrer ses limites (Paragraphe 2).

43 LE GALL (Elise), L'opportunité des poursuites du Procureur international : Du pouvoir arbitraire au contrôle insuffisant, Revue internationale de droit pénal, 2013/3 vol.84/p.p 495-514

44VILLARD, Katia Anne. Opportunité des poursuites et conflits de compétences : notes sur les articles 8 al. 2 let. c et 8 al. 3 CPP. In: Dodécaphonie pénale : Liber discipulorum en l'honneur du Professeur Robert Roth. Genève : Schulthess, 2017. p. 131-144 disponible sur https://archive-ouverte.unige.ch//unige:102745

45CHAPUS (R), Droit administratif général, Paris, 15e édition, Lgdj, 2001, p.119

46GIRAUD (P), Le pouvoir discrétionnaire du procureur de la cour pénale internationale, rapport de recherche pour l'obtention du certificat de recherche approfondie (2012), p. 13

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PARAGRAPHE 1 : L'analyse du pouvoir discrétionnaire du Procureur de la République

L'analyse du pouvoir de discrétion du Procureur de la République commande qu'on examine cette notion (A) et sa portée (B).

A- La notion du pouvoir discrétionnaire du procureur de la République

Le pouvoir discrétionnaire du Procureur de la République est une notion juridique qui désigne la capacité qu'à le procureur de décider de l'opportunité et de l'orientation des poursuites pénales. Il peut décider de poursuivre les auteurs présumés des infractions, mais également décider de ne pas le faire, décider d'engager des poursuites à l'égard de certains auteurs de façon plus sévère que pour d'autres. En réalité, les décisions du Procureur de la République sont prises au cas par cas, en fonction des éléments recueillis durant l'enquête préliminaire, des critères d'opportunité tels que l'intérêt général et les orientations de la politique pénale. Certains auteurs considèrent que le pouvoir discrétionnaire du procureur se manifeste surtout dans ses décisions négatives47 c'est-à-dire de classement sans suite alors que l'infraction est constituée et l'auteur identifié.

La notion du pouvoir discrétionnaire peut être entendue de trois manières : le pouvoir d'appréciation, de décider en dernier ressort et sans être lié par les normes préexistantes.

Le pouvoir d'appréciation renvoie à la nécessité de faire appel, dans l'application d'une norme, au jugement du ministère public plutôt que de pouvoir se contenter de son application mécanique48. Il n'est pas inutile de préciser que cette application peut porter aussi bien sur l'existence des faits auxquels cette norme s'applique y compris les problèmes juridiques de preuve que cette question soulève que sur la signification des normes elles-mêmes, et leur importance respective49lorsque, pour des raisons de droit ou de fait, un choix s'impose entre plusieurs normes au niveau de leur application.

47En ce sens, STITH (K), The arc of the Pendulum ; Judges, Prosecutors and the Exercise of Discretion, Yale Law Journal 2008 ; pp 1420 à 1422 « In the context of the criminal law, to exercise discretion means, most simply, to decide not to investigate, prosecute, or punish to the full extent avalable under the law », cité par VAN DE KERCHOVE (M) : fondement et limites du pouvoir discrétionnaire du ministère public. Aux fins de la légalité, disponible sur https:// doi.org./10.7202/001384

48DWORKIN (Ronald), Taking Rights, Cambrige, Mass, Harvard University Press, 1978, p.31

49RAZ (Joseph), Legal principle and the limits of law, dans yale law journal, Vol.81, 1972, p.846

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Le pouvoir discrétionnaire au niveau de l'engagement des poursuites ne peut se faire de manière purement mécanique et fait donc appel au jugement du Procureur de la République. Une administration enchainée par la loi, sans aucune marge de liberté dans l'appréciation des faits et dans la prise des décisions entrainerait une sorte de robotisation de l'action du ministère public.

Ce jugement consistera pour lui dans l'examen de la réalité des faits délictueux commis dans leur qualification juridique et dans l'interprétation de la loi pénale. En cela, ses fonctions s'apparentent manifestement à celles du juge, car il est appelé aussi à connaitre de l'affaire au fond, exactement comme le ferait le juge de jugement et à prendre une décision qui s'apparente à celle que rend ce dernier. C'est en ce sens, d'ailleurs, que l'on dit parfois que « le parquet est le premier juge de l'affaire50 ».

Même si, une telle appréciation peut amener le ministère public à classer l'affaire sans suite, il importe cependant de noter qu'elle ne porte pas, dans ce cas, sur l'opportunité proprement dite des poursuites, mais bien sur leur légalité51. Il convient de souligner que l'appréciation porte aussi bien sur la légalité que sur l'opportunité avant que le Procureur de la République fixe sa décision dans le sens qui correspond à son sentiment personnel. Il se décide aussi librement en ce qui concerne la légalité qu'en ce qui concerne l'opportunité52.

Quant au pouvoir de décider en dernier ressort, il se traduit par le fait que la décision prise par le Procureur de la République n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours et d'être contrôlé ou modifié par une instance. C'est un pouvoir reconnu au ministère public d'apprécier sans contrôle du juge l'adéquation du fait à la règle de droit. Il constitue le domaine réservé qui échappe au contrôle juridictionnel qui se fait dans un cadre bien défini, sinon il ne relèverait plus du domaine de l'opportunité mais de celui de la légalité.

50FRANCHIMONT (A), cours de procédure pénale, t.I, Liège, 1984, p.40

51L'opportunité des poursuites ne veut pas dire que le procureur n'a pas à se préoccuper de la loi ; ce qui serait gravement inexact. Avant de prendre la décision de poursuivre ou de classer sans suite, le procureur de la République, souvent par le moyen d'une enquête préliminaire, vérifie si légalement l'infraction semble constituée. Cependant, le procureur de la République, même si les éléments constitutifs de l'infraction paraissent réunis, dispose encore de la faculté de classer sans suite. Voir Roger Perrot, Le rôle du Ministère Public dans les domaines pénal, civil et commercial, dans Conseil de l'Europe, dir., Le rôle du ministère public dans une société démocratique, Strasbourg, Editions du Conseil de l'Europe, 1997, 167 167. p. 174.

52BOULOC (B), Procédure pénale, Paris, 23e édition, Dalloz, 2012, p. 595.

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Sans doute faut-il rappeler que l'autorité de cette décision doit être entendue, dans un sens très différent de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à un acte juridictionnel, étant donné que le parquet peut revenir sur un classement effectué et mettre en mouvement l'action publique, même en l'absence de charges nouvelles53. Il apparait, par contre, que, dans les limites du pouvoir d'appréciation en opportunité à tout le moins, l'exercice de ce pouvoir ne peut en principe faire l'objet d'aucun recours et n'est donc pas susceptible d'être remis en question par une autre instance. En droit congolais, cette décision est sans appel, car insusceptible de voie de recours administratif (recours gracieux ou hiérarchique) et juridictionnel (devant un juge).

Enfin, le pouvoir discrétionnaire désigne le fait que le Procureur de la République prend la décision sans être lié à des normes préexistantes54. Il y a pouvoir discrétionnaire toutefois qu'une autorité agit librement sans que la conduite à tenir soit dictée à l'avance par une règle de droit55. Ce pouvoir est conçu comme affranchi de toute régulation juridique préexistante, et son exercice est caractérisé par l'absence d'un encadrement juridique, des normes sur lesquelles le ministère public doit se référer pour pouvoir décider.

Le monopole d'appréciation du ministère public ne consiste pas seulement à apprécier l'existence de l'infraction au regard de la loi, mais le pouvoir, une fois acquise, la conviction qu'une infraction a été commise et qu'aucun obstacle juridique n'empêche de la poursuivre, de classer sans suite les documents relatifs à des infractions réelles mais dont la poursuite lui parait inopportune. Il s'agit de ce pouvoir qui, alors que la condamnation parait devoir être certaine, permet au ministère public de décider néanmoins de ne pas poursuivre, estimant que la poursuite est inopportune56. Or selon une opinion largement partagée, une telle appréciation ne repose sur aucun critère proposé par le législateur et fait exclusivement appel à la conscience, à la prudence et au jugement du magistrat lui-même. Ce pouvoir discrétionnaire peut être mis en parallèle avec la mission qui revient au juge répressif d'individualiser la peine entre le minimum et le maximum fixés par la loi. L'exercice d'un tel pouvoir fait appel à une conviction subjective, que l'on qualifie parfois d'intime « conviction » parce qu'elle

53 Merle (R) et Vitu (A), op. cit. p.344

54DWORKIN(R), Taking rights seriously, op. cit. pp. 31 et s.

55 MOUBANGAT MOUKONZI (A.D), Le juge congolais face au pouvoir discrétionnaire de l'administration,

Mémoire pour l'obtention du Diplôme de l'E.N.A.M (filière Magistrature) Brazzaville 1988 p.58

56Raymond Charles, Du Ministère public, dans le journal des tribunaux, né 5218, 1992, p.553

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repose sur des éléments en partie rebelles à toute tentative de transmission logique et à une expérience objectivement incommunicable dans sa totalité. Or, « pour qu'un système judiciaire soit marqué au coin de l'équité, l'engagement des poursuites doit dans une certaine mesure obéir à des critères », l'antidote contre l'arbitraire.

En conséquence, la liberté de choix qu'implique l'existence du pouvoir discrétionnaire peut être compris comme une absence d'automatisme de la décision, une absence de contrôle et une absence de régulation. Le pouvoir discrétionnaire commence où le droit s'arrête.

B- La portée du pouvoir discrétionnaire du Procureur de la République

Le pouvoir discrétionnaire du Procureur de la République dans le choix des poursuites demeure indispensable dans le système répressif congolais. Il « constitue l'indispensable soupape du système général de la poursuite, sans quoi on aboutirait à un automatisme aveugle et sans nuances, à un écrasement de l'individu par l'implacable mécanique de la lo57 ». Il se fonde non seulement sur l'idée qu'il n'est pas possible pour une société de tout poursuivre, mais encore sur l'idée que cela n'est pas souhaitable. Il traduit non seulement une nécessité, mais aussi un idéal58.

Il n'est plus sûr que le voeu de la loi et l'exécution de la loi soient l'exercice de l'action publique par la poursuite intentée toujours, en toute circonstance et à tout prix. Si le principe de légalité reflète une conception implicite selon laquelle l'intérêt général exige des poursuites, le principe de l'opportunité des poursuites reflète dès lors la conception opposée qui laisse aux autorités de poursuite le soin d'apprécier l'utilité concrète de la répression et l'intérêt de la société à voir punir l'infraction commise59.

L'intérêt pratique de ce pouvoir est d'éviter de poursuivre sans discernement toute infraction constituée sans évaluer la gravité, les circonstances de sa commission ou les traits de personnalité de son auteur. Il remédie aux lenteurs de la justice pénale, non seulement par les ressources qui lui sont attribuées et par la façon dont ces

57Conférence des procureurs généraux d'Europe 5e session organisée par le conseil de l'Europe en coopération avec le procureur général de Celle, Basse-Saxe sur : Les pouvoirs d'appréciation du ministère public : le principe d'opportunité ou de légalité, avantages et inconvénients, p.2

58Idem

59Idem

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ressources sont utilisées, mais aussi par une meilleure définition des priorités dans la conduite de la politique criminelle60.

Le pouvoir de discrétion permet au procureur d'opérer un filtre en ne soumettant au Juge61 que les affaires les plus graves. « L'intérêt public n'exige nécessairement pas que l'on poursuive tout le menu fretin impliqué dans une infraction ; l'important, c'est que le gros gibier soit traduit en justice62 ». Cet argumentaire reste tout de même discutable :« L'expérience prouve qu'une affaire se modifie parfois d'une façon considérable entre l'ouverture des poursuites et le jugement qui sera rendu : tel dossier se gonfle d'éléments nouveaux qui traduisent progressivement la gravité réelle de l'affaire ; dans tel autre, l'infraction commise prend des dimensions sensiblement plus modestes63».

Néanmoins, ce pouvoir reste inévitable dans le cadre de notre système judiciaire caractérisé dans les grandes villes par une véritable inflation pénale et dont le fonctionnement est devenu impossible sans ce mécanisme d'auto-régulation.64 Dans cette perspective, le classement sans suite est devenu en quelque sorte, « la mesure de l'inapplicabilité de la loi65» garantissant une certaine flexibilité dans le traitement des affaires et désengorgeant les tribunaux, en adaptant la part des poursuites à la capacité des juridictions de jugement66.

Notons tout de même que la disparité dans le taux de classement remet en cause l'égalité des citoyens devant la loi67, puisqu'une affaire similaire aura plus de chance d'être classée dans une grande juridiction que dans une plus petite, alors que la loi doit s'appliquer à toutes les personnes, à toutes les situations et sur tout le territoire

60La Recommandation n°R (87) 18 sur la simplification de la justice pénale adoptée par le Comité des ministres du conseil de l'Europe, le 17 septembre 1987

61L'on peut soutenir incontestablement que le dispositif du classement sans suite n'est plus un mécanisme sommaire qui corrige la rigidité excessive du principe de la légalité des poursuites appliqué dans sa conception la plus pure. Il devient un véritable mécanisme de régulation, filtrant le nombre de dossiers arrivant devant la juridiction répressive.

62Commission de réforme du droit du Canada, Document de travail 62 Poursuites pénales : les pouvoirs du Procureur Général et des Procureurs de la couronne, 1990

63MERLE (R), VITU (A), Traité de droit criminel, op. cit. p.331

64DU JARDIN (J), La politique criminelle du ministère public, 1983, p.450

65MICHAUX (J), Chronique du parquet et de l'instruction, Revue de science criminelle, 1977, p.906 66SIMMAT-DURAND (L), Orientation et sélection des affaires pénales : une approche quantitative de l'action du parquet, Thèse, Université de PARIS-I, 1994, p. 342

67 L'art. 2 de la loi n°19-99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire consacre l'égalité des citoyens devant la loi et devant les juridictions : « Les citoyens congolais sont égaux devant la loi et devant les juridictions ».

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de manière égalitaire68. C'est dans ce sens que le système de l'opportunité des poursuites paraît contredire le principe de l'égalité devant la loi. Il conduit à l'application à géométrie variable de la loi. Or la garantie d'égalité constitue l'un des piliers de la procédure pénale ainsi que l'un des fondements de sa crédibilité pour le justiciable69.

Le pouvoir discrétionnaire, en dépit de ses vertus, n'est pas à l'abri des critiques en raison des abus qui accompagnent son exercice. En portant un regard appuyé sur son centre de gravité qu'est le Procureur de la République, il ne fait pas de doute qu'il soit pointé du doigt en classant certaines affaires pour obéir aux injonctions du gouvernement, pour favoriser certains coupables haut placés, pour recevoir en échange les pots-de-vin, alors qu'il existe les soupçons sérieux de commission d'une infraction.

Or, le classement sans suite n'est qu'un pouvoir réaliste d'adaptation à certaines situations bien ciblées, utilisé de manière très marginale. Le pouvoir de classement, « confié à la conscience des magistrats, par fonction indépendants et impartiaux70 », et tel qu'il est présenté dans les textes ne devrait pas reposer sur des appréciations arbitraires, purement subjectives et personnelles, mais sur des données objectives. Le maniement éclairé du pouvoir d'opportunité va de pair avec la qualité de magistrat reconnue aux procureurs71.

Le recours constant au classement pour inopportunité des poursuites, apparaît comme un facteur criminogène prédisposant ceux bénéficiant de son application à la perpétration de la délinquance avec une garantie, non la moindre, d'échapper à la poursuite, parce qu'ils trouveront souvent en elle une sorte de cause légale de non- imputabilité ou une immunité légale implicite. Toute action ou idée de prévention et de lutte efficace contre la criminalité par conséquent se révèle impossible dans le système judiciaire congolais actuel où le classement pour inopportunité des poursuites est souvent décidé sur ordre de la hiérarchie politique ou judiciaire ou dicté par les considérations partisanes et pécuniaires du magistrat.

68Rapport du sénat français, Les infractions sans suite ou la délinquance mal traitée, op. cit.

69Bertrand de LAMY. « L'égalité devant la justice pénale dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel : à propos, notamment, de la nécessaire courbure d'un principe essentiel », Titre VII [en ligne], n° 4, Le principe d'égalité, avril 2020. URL complète : https://www.conseilconstitutionnel.fr/publications/titre-vii/l-egalite-devant-la-justice-penale-dans-la-jurisprudence-du-conseil-constitutionnel-a-propos

70SEGAUD (J), ESSAI SUR L'ACTION PUBLIC, Thèse, UNIVERSITE DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE UFR Droit et Sciences Politiques, 2010, p.121

71Rapport du sénat français, Les infractions sans suite ou la délinquance mal traitée, op. cit.

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Le mauvais maniement du pouvoir de classement est une situation nuisible et dangereuse. Il donne l'impression que le système judiciaire est trop laxiste envers les uns et trop punitif envers d'autres. Il encourage les auteurs d'infractions à persévérer dans la voie délictueuse, développe le sentiment d'insécurité et de méfiance à l'égard de la justice et démobilise les services de police et de gendarmerie, qui constatent que leur action n'est pas vraiment relayée par celle de la justice72. Cette situation pousse à porter voix à un plaidoyer pour que l'exercice de ce pouvoir soit suffisamment encadré et limité afin d'éviter toute apparence d'injustice et d'impartialité73.

La légitimité d'un choix de poursuite ne doit occulter qu'il faut restituer à la justice sa vocation première. Cette vocation est de rendre justice, qui, dans sa dimension la plus noble, peut être assimilée au propos de Cesare BECCARIA en 1764 : « Le châtiment ne doit pas forcément être sévère mais il doit nécessairement être inéluctable74 ».

Le pouvoir discrétionnaire reconnu au ministère public en matière de poursuite ne lui donne pas un chèque en blanc pour poursuivre qui il veut, ni choisir les infractions qu'il veut poursuivre et laisser de côté certaines infractions et certaines personnes. L'intérêt de son pouvoir est de lui permettre de mieux traiter les affaires pénales en fonction de leur nature, de leur gravité et des circonstances particulières de chaque cas. Ainsi, il doit concilier les objectifs de l'action publique, tels que la prévention de la criminalité, la protection des droits des victimes et la répression des auteurs d'infractions, avec les exigences de la justice et du respect des droits de l'auteur présumé des faits en préservant la présomption d'innocence, et garantissant que les poursuites ne sont engagées que lorsque cela est justifié par les preuves et les circonstances de l'affaire.

En réalité, ce n'est pas le système qui est mauvais, mais les hommes qui en font l'usage. Il ne fait aucun doute que ce qui importe au premier chef dans un système de poursuite, ce sont les qualités du titulaire de la charge de poursuite : force de caractère, intégrité personnelle, respect des principes de l'indépendance et de la représentation impartiale de l'intérêt public75.

72DROPET (O), Les infractions sans suite ou la délinquance mal traitée, op. cit.

73LE GALL (E), L'opportunité des poursuites du Procureur international : Du pouvoir arbitraire au contrôle insuffisant, op. cit. p.500

74 BECCARIA (C), Des délits et des peines, Dei delitti e delle pene, ENS, France, 2009, p. 446

75 Commission de réforme du droit du Canada, Document de travail 62 Poursuites pénales : les pouvoirs du Procureur Général et des Procureurs de la couronne, 1990

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PARAGRAPHE 2 : Les limites du pouvoir discrétionnaire du Procureur de la République

Le pouvoir discrétionnaire du Procureur de la République en matière de classement sans suite n'est pas absolu. Il peut être limité par l'injonction venant du supérieur hiérarchique ordonnant le déclenchent des poursuites76. Toutefois, nous n'allons pas nous attarder sur cette hypothèse moins solide puisque le Procureur de la République peut passer outre l'instruction reçue77. Les limites du pouvoir de discrétion qui nous intéressent sont liées aux privilèges de juridiction dont jouit certaines personnalités publiques (A) empêchant ainsi au Procureur de la République d'exercer sa liberté d'apprécier l'opportunité des poursuites, et l'indisponibilité de l'exercice de l'opportunité des poursuites après la mise en mouvement de l'action publique (B).

A- L'empêchement de classement d'une plainte dirigée contre une personne jouissant des privilèges de juridiction

Un prévenu doit normalement être jugé devant la juridiction territorialement compétente. Toutefois, sous certaines conditions, il est possible d'être jugé par une autre juridiction au titre du privilège de juridiction.

Le privilège de juridiction peut se comprendre comme un droit accordé à certains dignitaires ou fonctionnaires au regard des fonctions qu'ils assument de comparaitre devant une autre juridiction que celle normalement territorialement compétente78. Le privilège de juridiction est aussi appelé immunité de juridiction ou délocalisation.

Comme on peut le constater, le privilège de juridiction n'est pas synonyme de l'immunité des poursuites. Si le privilège de juridiction se rapporte aux règles de compétence personnelles des juridictions répressives, l'immunité des poursuites est liée aux règles de procédure pénale ou des poursuites des auteurs présumés des infractions devant ces juridictions pénales. Néanmoins, faut-il le souligner, le privilège de juridiction viole le principe de l'égalité devant la justice qui exige que tous les

76 LE ROY (J), procédure pénale, op. cit. p.209. Cet auteur affirme que la liberté du procureur est limitée par la subordination hiérarchique

77 BOULOC (B), Procédure pénale, op. cit. p. 576. Le procureur de la République est libre de prendre les décisions en matière de poursuite. Il peut cependant recevoir des instructions de ses supérieurs hiérarchiques, lesquels ne peuvent pourtant pas se substituer à lui pour déclencher l'action publique, ni arrêter une action qu'il aurait mise en mouvement.

78KAPINGA NKASHAMA (Symphorien), Privilège de juridiction et lutte contre l'impunité en République Démocratique du Congo, disponible sur www. Creeda-rdc.org

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justiciables se trouvant dans la même situation soient jugés par les mêmes tribunaux selon les mêmes règles de procédure et de fond.

En présence donc d'une personnalité jouissant des privilèges de juridiction notamment les officiers de police judicaire79, les élus locaux80et les magistrats81, la loi commande au Procureur de la République de s'abstenir d'activer l'opportunité des poursuites, susceptible de le conduire au classement ou aux poursuites de l'affaire portée à sa connaissance. Cette interdiction tient du fait que le pouvoir de statuer, en matière de règlement de juge, est exclusivement confié au bureau de la Cour suprême82. Ce dernier est habilité à désigner la juridiction d'instruction ou de jugement chargée de connaître de l'affaire. Il s'agit là d'une question préjudicielle au déclenchement de l'action publique, cause de nullité de l'acte de saisine. Celle-ci se distingue bien d'une exception préjudicielle au jugement, sur laquelle une autre juridiction doit statuer.

Néanmoins, le Procureur de la République joue un rôle essentiel dans la préparation de la décision. C'est lui qui transmet au bureau de la Cour suprême les renseignements nécessaires, car c'est lui qui les a reçus tout d'abord, étant donné que c'est vers lui que convergent toutes les indications relatives à la commission d'une infraction83.

79L'article 608 du code de procédure pénale dispose : « Lorsqu'un officier de police judiciaire est susceptible d'être inculpé d'un crime ou d'un délit, qui aurait été commis dans la circonscription où il est territorialement compétent, hors ou dans l'exercice de ses fonctions, le procureur de la République saisi de l'affaire est tenu d'adresser immédiatement une requête à la chambre judiciaire de la cour suprême. Sous huitaine, celle-ci procède et statue comme en matière de règlement de juge et désigne la juridiction chargée de l'instruction et du jugement de cette affaire ».

80L'article 42 de la loi n°7-2003 du 6 février 2003 portant organisation et fonctionnement des collectivités locales dispose : « Lorsqu'un conseiller est susceptible d'être poursuivi pour un crime ou un délit commis hors ou dans l'exercice de ses fonctions, le procureur de la République, saisi de l'affaire présente sans délai une requête à la chambre pénale de la cour suprême qui procède et statue comme en matière de règlement de juge et désigne la juridiction chargée de l'instruction ou du jugement ».

81L'article 601-1 code de procédure pénale dispose : « Lorsqu'un membre de la cour suprême ou un magistrat de l'ordre judiciaire, est susceptible d'être inculpé d'un crime ou d'un délit commis hors l'exercice de ses fonctions, le procureur de la République saisi de l'affaire, présente requête à la cour suprême qui procède et statue comme en matière de règlement de juge et désigne la juridiction de l'instruction et du jugement de l'affaire, si le bureau de la cour suprême estime qu'il y a lieu à poursuite Lorsqu'une des personnes énumérées à l'article 601 est susceptible d'être inculpée d'un crime ou d'un délit commis dans l'exercice de ses fonctions, le procureur de la République saisi transmet sans délai le dossier au procureur général près la cour suprême qui engage et exerce l'action publique devant la cour suprême ». L'article 603 alinéa 1 et 2 du CPP précise les pouvoirs du bureau de la cour suprême après la réception du dossier : « Si le bureau de la cour suprême estime qu'il y a lieu à poursuite, le procureur général requiert l'ouverture d'une information ».

82Selon l'article 17 de la loi n°17-99 du 15 avril 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°025-92 du 20 août 1992 et de la loi n°30-94 du 18 octobre 1994 portant organisation et fonctionnement de la cour suprême, le bureau de la cour suprême comprend : le premier président, le procureur général, le vice-président, le premier avocat général, des présidents de chambre et les cinq avocats généraux.

83 BOULOC (B), Procédure pénale, Paris, 23e édition, Dalloz, 2012, p.576

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Dès lors qu'il est saisi d'une plainte impliquant les bénéficiaires des privilèges de juridiction, le Procureur de la République saisit immédiatement et sans délai la Cour suprême. L'emploi par le législateur des expressions « transmet sans délai le dossier ; présente requête ; présente sans délai une requête, tenu d'adresser immédiatement la requête » illustre sans doute, l'interdiction faite au procureur d'apprécier le dossier, de décider de la suite à donner et son obligation de saisir immédiatement la Cour suprême.

Il faut relever tout de même, qu'au regard des articles 601 et 603 combinés du code de procédure pénale, le rôle du bureau de la Cour suprême saisie de l'affaire concernant un magistrat n'a pas pour impératif la désignation de la juridiction d'instruction ou de jugement. Il reste seul compétent pour poursuivre84, instruire85 et juger86 l'affaire en premier et dernier ressort87, en violation du principe du double degré de juridiction.

Son intervention consiste à apprécier l'opportunité des poursuites et non à désigner la juridiction à connaitre de l'affaire. La décision de poursuivre un magistrat, présumé auteur d'un crime ou délit commis hors ou pendant l'exercice de ses fonctions ne peut venir que de la Cour suprême. Lorsqu'elle juge qu'il n'y a pas lieu à poursuite, la procédure s'arrête. Dans le cas contraire, lorsqu'elle estime opportune d'engager les poursuites, elle instruit et juge.

Il n'est pas inutile de signaler que le pouvoir d'opportunité des poursuites du bureau de la Cour suprême n'a pas de contrepoids comme celui du procureur de la République. En effet, lorsque le Procureur de la République classe sans suite une plainte, la victime peut mettre en mouvement l'action publique par voie de citation directe ou de constitution de partie civile devant le juge d'instruction. Par contre, quand le classement est effectué par la Cour suprême, la loi n'offre pas à la victime la possibilité de contester cette décision, ni la possibilité de mettre en mouvement l'action publique. La voie civile demeure la seule option pour la victime. Ce dispositif considéré

84Article 603 alinéa 1 du CPP

85Article 604 alinéa 1 du CPP

86Article 5 de la loi n°17-99 du 15 avril 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°025-92 du 20 août 1992 et de la loi n°30-94 du 18 octobre 1994 portant organisation et fonctionnement de la cour suprême 87Article 25-2 de la même loi dispose : « Elle (la chambre pénale de la cour suprême) juge en premier et dernier ressort les crimes et délits commis par les magistrats non justiciables de la haute cour de justice ».

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comme protecteur de la fonction du magistrat empiète aussi sur ses propres droits et à ceux des victimes.

En conclusion, les privilèges de juridiction constituent un obstacle pour le procureur de la République d'activer son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, et par conséquent, de classer sans suite une plainte. La mise en mouvement de l'action publique paralyse ou empêche tout de même l'activation par le procureur de la République de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation.

B- L'empêchement de classement après la mise en mouvement de l'action publique

La décision de classement sans suite relève des prérogatives du ministère public. Cependant, elle ne peut pas être prise à n'importe quel niveau de la procédure pénale. Elle ne peut intervenir qu'au stade préliminaire de l'enquête, c'est-à-dire avant la mise en mouvement de l'action publique. C'est à ce stade que le procureur de la République exercice son pouvoir d'opportunité des poursuites, en appréciant les plaintes et en décidant de la suite à donner : la poursuite ou le classement sans suite. Son pouvoir d'initiative est alors très restreint à ce stade88.

La règle s'applique par le souci de respecter l'indépendance des juridictions d'instruction et de jugement. Au-delà de cette phase, le ministère public ne peut plus se questionner sur son pouvoir d'opportunité des poursuites. Il ne peut plus faire marche arrière c'est-à-dire revenir sur sa décision ou renoncer aux poursuites. La saisine d'une juridiction a pour effet de rendre indisponible l'action publique. « L'indisponibilité de l'action (publique) a pour pendant non seulement que le choix de ne pas poursuivre est révocable, mais également que celui de poursuivre devient irrémédiable89 »

Le ministère public devient définitivement partie principale au procès qu'il a ainsi engagé, sans disposer du pouvoir de dessaisir la juridiction saisie. La mise en mouvement de l'action publique interdit au ministère public soit d'opérer un classement

88GIRAUD (P), Le pouvoir discrétionnaire du procureur de la cour pénale internationale, rapport de recherche pour l'obtention du certificat de recherche approfondie (2012), p. 10

89 Anne-Sophie CHAVENT-LECLÈRE, Désistement, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale Dalloz, 2010 (actualisation : avril 2015), n°13

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sans suite, soit de choisir une autre voie de poursuite90. Il n'a pas la disposition de l'action publique dans le cadre de l'exercice des poursuites.

Le classement est une décision provisoire qui peut être révisée aussi longtemps que les faits sont couverts par la prescription. La poursuite par contre est une décision sans appel91, irrévocable et définitive lorsqu'elle s'est manifestée par un acte mettant l'action publique en mouvement.

Dès qu'une juridiction est saisie, le ministère public est sans pouvoir pour retirer l'action : il demeure partie au procès ; il va de soi que si, en cours de procédure, il apparaissait au ministère public que son action est mal dirigée ou mal fondée, il devrait requérir le renvoi des poursuites. Il n'a plus de pouvoir de solliciter l'appréciation une fois que les poursuites sont engagées : il ne peut pas demander l'acquittement pour des raisons d'opportunité, alors que les faits infractionnels sont établis92. Il est tenu de prendre des réquisitions et d'exercer l'action publique jusqu'à la clôture de l'affaire.

Quand une juridiction d'instruction est saisie, elle ne peut plus être dessaisie jusqu'à la clôture de l'information. Sa seule option reste la voie d'appel devant la chambre d'accusation, s'il estime que les charges retenues contre l'inculpé ne sont pas suffisantes pour qu'il soit renvoyé devant le tribunal ou la cour d'appel.

Si le ministère public saisit une juridiction de jugement, il doit soutenir l'accusation. S'il estime que les faits reprochés contre le prévenu ne sont pas délictueux, il ne peut que requérir la relaxe. Ce dispositif consacre l'immutabilité du procès pénal.

Il est vrai que dans certains systèmes pénaux, le pouvoir d'opportunité des poursuites du ministère public s'exerce à tous les niveaux, en fonction de l'évolution de la vie de l'affaire. Il ne s'exerce pas seulement au niveau de la mise en mouvement de l'action publique mais aussi de l'exercice de celle-ci. Cela signifie qu'une fois les poursuites commencées, il peut abandonner l'accusation et arrêter le cours du procès, malgré la saisine des juridictions d'instruction et de jugement compétentes. La liberté du

90GUINCHARD (S) et BOUISSON (J), Procédure pénale, op. cit. P.984

91 Jl n'y a pas de recours possible contre la décision de mise en mouvement de l'action publique. Elle n'a pas l'autorité de la chose jugée et n'établit évidemment pas la culpabilité de la personne poursuivie, qui continue de bénéficier de la présomption d'innocence. L'appréciation que le procureur de la République avait porté sur la légalité de la poursuite et sa recevabilité sera d'ailleurs révisée par les juridictions d'instruction ou de jugement qui auront examiné l'affaire.

92RUBBENS (A), Le droit judicaire congolais : L'instruction criminelle et la procédure pénale, op. cit. p. 117118

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ministère public est donc entière, aussi bien pour la mise en mouvement que pour l'exercice des poursuites. Elle permet de tenir compte des évolutions survenues dans les affaires. Certains auteurs relèvent en effet que « l'expérience prouve qu'une affaire se modifie parfois d'une façon considérable entre l'ouverture des poursuites et le jugement qui sera rendu : tel dossier se gonfle d'éléments nouveaux qui traduisent progressivement la gravité réelle de l'affaire ; dans tel autre, l'infraction commise prend des dimensions sensiblement plus modestes. En reconnaissant au ministère public la possibilité d'arrêter le cours de l'action répressive, on renonce à l'idée d'une immutabilité du procès jusqu'à la décision juridictionnelle, mais on accorde plus d'importance à la « vie » de l'affaire et à ses transformations93».

En droit positif congolais, cette possibilité reconnue au ministère public de renoncer aux poursuites n'existe pas. Certes, le ministère public a la faculté d'abandonner les poursuites, mais cet abandon n'a aucun effet sur l'action publique dont l'extinction ne peut provenir que des juridictions. Une fois lancée, l'action publique ne peut prendre fin que par une décision juridictionnelle (non-lieu de la juridiction d'instruction, jugement de relaxe ou de condamnation de la juridiction de jugement)94. En effet, malgré l'abandon du ministère public, la juridiction répressive est tenue de se prononcer sur l'action publique ; cet abandon ne lie pas le juge, qui peut prononcer une condamnation malgré le changement de position adopté par le ministère public à l'audience. L'abandon de l'action publique par le ministère public peut se traduire par le fait que celui-ci requiert à l'audience la relaxe ou l'acquittement, malgré un acte de poursuite contraire à ses réquisitions orales.

En un mot, la décision de classement ne peut être prise que lors du déclenchement des poursuites. Elle peut être revue en raison de son caractère provisoire et non juridictionnel. Dès lors que le ministère public ou la victime décide d'engager les poursuites, le ministère public ne peut plus revenir sur sa décision ou sur celle de la victime pour la convertir en classement sans suite. La mise en mouvement de l'action publique présente un caractère irréversible, irrévocable et définitif. Donc, le Procureur (ni personne d'autre) ne peut exercer son pouvoir discrétionnaire en arrêtant le

93MERLE (R), VITU (A), Traité de droit criminel, op. cit. p.331

94 PRADEL (Jean), procédure pénale, Paris, 17e édition revue et augmentée à jour au 15 juillet 2013, Cujas,

2013, P.538

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mécanisme de la répression, ni renoncer aux recours que la loi ouvre, ni se désister de ceux qu'il aurait formés.

Apres avoir cerné le pouvoir discrétionnaire reconnu au ministère public et ses limitations en matière de classement sans suite, il est nécessaire d'étudier ses implications pratiques dans notre système répressif.

SECTION 2 : Les implications pratiques du pouvoir discrétionnaire du Procureur de la République lié au classement sans suite

Le pouvoir discrétionnaire du ministère public échappe à toute réglementation. Il implique la liberté pour le procureur de la République de choisir un motif de classement sans avoir à se justifier (Paragraphe 1), et celle de choisir la forme et le délai qu'il veut de la décision de classement sans suite (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : La liberté de choix du motif de classement sans suite

Le Procureur de la République ne dispose pas des lignes directrices rédigées sur lesquelles il doit se référer pour conclure sur un classement sans suite. La loi ne donne pas les indications précises et claires sur les motifs de classement sans suite. Il est donc du devoir du ministère public de se livrer à l'opération d'appréciation des plaintes reçues pour conclure sur un classement. N'étant pas cantonné dans un cadre légal, le ministère public reste libre d'opérer le classement suivant les éléments du dossier (A) ou selon d'autres facteurs (B).

A- La liberté de choix dicté par les éléments du dossier

Le législateur a consacré le principe de l'opportunité des poursuites qui permet au ministère public, de classement sans suite une plainte, pour un motif qu'il juge judicieux après s'être prêté à l'exercice de l'appréciation de la plainte. Si les raisons de poursuite sont connues, il n'en est pas de même pour le classement sans suite. Pratiquement, les raisons soulevées à l'appui du classement sans suite sont dans la pratique contenues dans un imprimé dénommé « avis de classement sans suite », lequel contient plusieurs raisons pouvant être à l'origine d'un classement. Il revient donc aux magistrats du parquet de cocher une case préétablie dans cet imprimé indiquant les raisons l'ayant amené à classer l'affaire. Rien ne les empêche cependant pas à avoir

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des raisons autres que celles préétablies dans ledit avis de classement sans suite. La décision de classement sans suite se repose généralement sur les éléments objectifs dictés par le dossier et impose au magistrat de le classer. Il s'agit entre autres :

- l'absence d'infraction si les faits portés à la connaissance du ministère public ne constituent pas une infraction c'est-à-dire n'ont pas violé la loi pénale en vertu du principe de la légalité95. Il s'agit d'un problème de qualification juridique des faits. En pratique, l'on trouvera souvent la considération selon laquelle il s'agit d'un litige civil et que la justice répressive n'a donc pas vocation à être saisie. Le parquet peut également considérer que les faits sont erronés.

- L'infraction n'est pas suffisamment caractérisée. Toute infraction pénale doit être caractérisée dans son élément légal, matériel et moral. Si l'une des composantes fait défaut, il ne sera pas possible de caractériser cette infraction. Par exemple, si l'intention frauduleuse ne peut être démontrée en matière de vol96, l'infraction ne sera pas caractérisée. Dès lors, si les circonstances de l'infraction sont indéterminées, la poursuite ne sera pas possible.

- Le défaut d'identification de l'auteur de l'infraction. Sont visés ici les cas dans lesquels l'auteur de l'infraction est introuvable. Encore dans ce dernier cas, l'action publique pourra être mise en mouvement par une information ouverte contre x.

- Le défaut d'élucidation. Le Procureur ne peut pas poursuivre une personne, s'il n'existe suffisamment d'éléments pour prouver l'infraction et entrainer une condamnation devant le juge, en vertu du principe de présomption d'innocence. Dans un souci d'économie de procédure, il est à même de décider de classer le dossier.

- L'existence d'une immunité prévue par la loi empêche que l'auteur d'une infraction soit poursuivi. Il s'agit par exemple de l'immunité familiale, diplomatique ou du président de la République97.

- L'irresponsabilité pénale résultant soit d'une cause subjective (trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli le discernement ou le contrôle de l'auteur de l'infraction,

95 Art. 4 du Code pénal

96Article 379 du code pénal présente le vol comme « la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui »

97Article 96 de la constitution du 25 octobre 2015 dispose : « Aucune poursuite pour des faits qualifiés crime ou délit ou pour manquement grave à ses devoirs commis à l'occasion de l'exercice de sa fonction ne peut plus être exercée contre le Président de la République après la cessation de ses fonctions. La violation des dispositions ci-dessus constitue le crime de forfaiture ou de haute trahison conformément à la loi ».

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l'âge du délinquant98), soit les causes objectives (légitime défense, état de nécessité, commandement de l'autorité légitime, autorisation de la loi).

- L'extinction de l'action publique. Les causes de l'extinction de l'action publique sont visées à l'article 6-1 du Code de procédure pénale : « L'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort du prévenu, la prescription, l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale, la transaction lorsque la loi en dispose spécialement et le retrait de la plainte lorsque celle-ci est une condition nécessaire de la poursuite ».

En dehors des raisons évoquées ci-dessous, le classement peut être motivé par d'autres facteurs.

B- La liberté de choix dicté par d'autres facteurs

Le principe de l'opportunité des poursuites laisse toute latitude au ministère public de décider de ne pas déclencher les poursuites alors même que l'infraction est avérée, l'auteur identifié et aucun empêchement juridique n'existe99. Il s'agit probablement de l'un des motifs de classement les plus subjectifs, celui dans lequel l'opportunité des poursuites pourrait être ressenti comme un choix arbitraire100, alors qu'elle trouve sa vraie logique et sa complète expression que lorsqu'apparait constituée une infraction dont l'auteur présumé est identifié. Une telle décision est source de suspicion puisqu'aucun critère certain ne peut alors être avéré qui soit susceptible de démontrer d'emblée qu'il ne consacre aucune inégalité devant la justice101. « Une situation de cette sorte est perverse, nuisible et dangereuse. La possibilité de passer à travers les mailles du filet de la répression ne peut qu'encourager les auteurs d'infractions à persévérer dans la voie délictueuse, les personnes et les biens de nos concitoyens ne sont plus suffisamment protégés, le sentiment d'insécurité se développe en se nourrissant d'exemples concrets, les services de police et de gendarmerie, constatant

98L'art. 73 alinéa 2 et 1 de la loin°4-2010 du 14 juin portant protection de l'enfant en République Congo dispose que l'enfant de moins de treize ans ne peut faire l'objet des poursuites pénales, car il est présumé n'avoir pas la capacité d'enfreindre la loi pénale. Les dommages infractionnels occasionnés par les enfants de moins de treize ans ne peuvent faire l'objet que de réparations civiles.

99« Le poursuivant n'est pas tenu de porter toutes les accusations que la preuve pourrait étayer. Il peut dans certaines circonstances, et pour des motifs sérieux, conformes à l'intérêt public, s'abstenir d'intenter des poursuites, alors même qu'il existe une preuve suffisante pour entrainer une déclaration de culpabilité ». Voir Commission de réforme du droit du Canada, Document de travail 62 Poursuites pénales : les pouvoirs du Procureur Général et des Procureurs de la couronne, 1990

100GAUTIER (J), Quelles sont les raisons d'un classement sans suite ? disponible sur www. Qualiplainte.fr 101GUINCHARD (S) et BOUISSON (J), Procédure pénale, op. cit. P.967

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que leur action n'est pas vraiment relayée par celle de la justice risquent de se démobiliser, enfin un terreau favorable est fourni à des idéologies malsaines102 ».

En réalité, « les classements décidés sur la notion d'inopportunité des poursuites posent problème en empiétant sur la règle, c'est-à-dire l'exercice des poursuites pénales contre le délinquant ; ils donnent l'impression que la justice ne défend pas suffisamment l'intérêt général et l'ordre social, en un mot, qu'elle n'accomplit pas convenablement sa mission103». Les parquetiers ne sauraient oublier que le principe reste tout de même la poursuite, même si la loi ne le dit pas expressément104. Le ministère public a l'obligation de poursuivre l'exécution de la loi, la faculté de ne pas le faire pour des raisons d'inopportunité n'étant que l'exception105.

Dès lors, il est nécessaire de se questionner sur les raisons pour lesquelles le ministère public peut décider de classer une affaire remplissant toutes les conditions légales requises pour être poursuivie. Il peut s'agir de plusieurs motifs faute d'une liste fournie par la loi :

- Le préjudice causé par l'infraction n'est pas assez important et doté d'un certain degré de gravité ; le prévenu a déjà réparé le dommage ; la victime a contribué à la commission de l'infraction ; les conséquences financières et logistiques pour le système judiciaire106 sont énormes ; la répression serait plus punissable qu'utile à l'ordre public. « Aucun système ne saurait permettre de traduire en justice toutes les personnes qui sont bel et bien coupables d'infraction. L'objectif, au regard de l'équité, ne consiste donc pas simplement à poursuivre les coupables et à ne pas poursuivre les innocents, mais à faire en sorte que des poursuites soient intentées seulement dans le cas où la preuve est adéquate et où l'intérêt public le justifie. Lorsque les

102Rapport du sénat français, Les infractions sans suite ou la délinquance mal traitée, op. cit.

103Rapport du sénat français, Les infractions sans suite ou la délinquance mal traitée, op. cit.

104 PRADEL (J), procédure pénale, op. cit. P.545-546.

105RAYMOND (C), Du Ministère public, op. cit. P.55.

106Il doit être admis que certaines infractions qui pourraient donner lieu à poursuites n'en font pas l'objet, notamment parce que les Parquets savent que les tribunaux correctionnels ne sont pas en mesure de traiter plus d'affaires que celles dont ils sont déjà saisis ou à cause de surpeuplement des maisons d'arrêt. Faute de moyens suffisants, ils sont obligés d'établir des priorités dans les poursuites et de mettre de côté certaines affaires. Ces classements sont doublement critiquables. D'une part, ils ne sont pas justifiés par l'opportunité, mais par la nécessité de tenir compte de la gestion des flux et de la capacité de jugement des juridictions. On assiste alors à un véritable détournement du rôle du ministère public. D'autre part, la détermination du seuil de déclenchement des poursuites en fonction de l'encombrement du tribunal conduit à d'importantes disparités dans le traitement pénal contraires au principe d'égalité devant la loi. Selon les lieux où ils commettent leurs méfaits, les délinquants bénéficieront d'une impunité plus ou moins grande. Une menace réelle semble peser sur la réalité de l'Etat de droit.

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autorités engagent des poursuites dans de tels cas, c'est que l'intérêt public parait l'exiger. Mais le plus souvent, la prise en compte de celui-ci les invitera à conclure qu'il vaut mieux renoncer à poursuivre, bien que les chances d'obtenir une condamnation soient excellentes107 ».

- L'instruction hiérarchique. Le parquetier au nom du principe de la subordination hiérarchique régissant le ministère public n'est pas toujours libre de décider en matière de poursuites. Apres l'analyse du dossier, il peut être convaincu d'engager les poursuites. Cependant, il peut recevoir une instruction de classement venant du supérieur hiérarchique dont il est tenu de s'y conformer sous peine de sanctions disciplinaires, pour insubordination hiérarchique. Cette instruction vient souvent pour protéger un ami, une personnalité politique ou un parent. De tels classements creusent le fossé d'égalité des citoyens devant la loi, et constituent un facteur criminogène prédisposant ceux bénéficiant de son application à la perpétration de la délinquance avec une garantie d'échapper à la poursuite. Le classement est utilisé comme une mesure d'inapplication de la loi, d'injustice et donne « souvent le sentiment que la règle commune, celle qui garantit la sécurité des personnes et des biens n'est plus respectée, qu'une infraction dûment constatée, alors même que l'auteur présumé a été identifié, n'a pas de suite judiciaire. Un sentiment d'inégalité, d'impunité et d'insécurité s'ensuit inévitablement108 » ;

- La subjectivité du Procureur de la République : le pouvoir discrétionnaire reconnu au procureur de la République est souvent vecteur d'abus. Généralement, dans l'appréciation des éléments constitutifs de l'infraction, le procureur n'est pas objectif, il ne prend pas en compte tous les éléments qui pourraient être pertinents dans la décision de poursuivre l'auteur présumé de l'infraction, ou il falsifie la vérité des faits en dressant des procès-verbaux dans un sens orienté vers le classement sans suite, ou encore il prend en compte des considérations qui ne sont pas liées aux faits ou aux principes juridiques, telles que des considérations personnelles, économiques, politiques, de conflit d'intérêts ou d'influence extérieures.

Nous remarquons dans bien des cas, le motif du classement est invoqué de façon parfois étrange par rapport au contenu du dossier. Il est devenu le moyen utilisé pour

107Royal commission on criminal procedure, Report, Londres, HMSO, 1981 (Cmnd 8092), pp 144-145 108Idem

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en sauver des amis, des membres de famille, des personnes jouissant des appuis politiques, financiers et pour se faire de l'argent. C'est une source de revenus pour beaucoup de magistrats qui n'ont pas de conscience professionnelle. Or, « Cette faculté de classement accordée au Procureur devrait être utilisée avec réflexion et prudence et exige de sa part des références éthiques et morales lui évitant de tomber dans l'arbitraire ou la faiblesse, de donner libre cours à ses préjugés, voire même de se laisser emporter par la crainte ou l'amitié. Il importe qu'en toute circonstance, le procureur de la République évite de donner le sentiment d'impunité au délinquant, le sentiment d'abandon à la victime et l'impression de laxisme à ses concitoyens109 ». Le poursuivant ne doit pas mettre en cause, suivant ses inclinaisons personnelles, partisanes, politiques ou tribales, la loi de la Nation.

Pour conclure, législateur doit ériger une liste des critères de classement que le parquet est amené à utiliser pour chaque décision de classement. L'objectif étant premièrement d'éviter l'arbitraire, en l'absence de règles clairement définies. « Une loi préalable ne constitue une véritable garantie contre l'arbitraire et ne satisfait ainsi à l'exigence de prééminence du droit que si elle émane des règles claires et précises110 ».

Il faut rendre l'exercice du pouvoir discrétionnaire public au point que les critères de classement appliqués par le poursuivant soient connus de tous pour les raisons de transparence et de pédagogie111. Leur connaissance par le public permettra de comprendre les raisons pour lesquelles certaines poursuites ne sont pas exercées. Le fondement de la décision ne doit pas demeurer cachée. La loi doit être accessible, elle doit indiquer au citoyen de manière suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite les autorités de poursuite à décider de poursuivre ou de classer sans suite. Le citoyen doit disposer de renseignements suffisants sur les normes juridiques applicables à un cas donné112.

La définition claire des critères de classement garantit l'égalité de traitement et met le ministère public à l'abri des accusations de favoritisme.

109Rapport du sénat français, Les infractions sans suite ou la délinquance mal traitée, op. cit.

110DESPORTES LAURENCE (F) et LAZERGERS-COUSQUER, Traité de procédure pénale, Paris, 3e édition, Economica, 2013, p.154

111Commission de réforme du droit du Canada, Document de travail 62 Poursuites pénales : les pouvoirs du Procureur Général et des Procureurs de la couronne, 1990

112 Idem

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Deuxièmement, cette liste va évidemment permettre au magistrat d'épingler le plus rapidement possible le motif adéquat de classement qu'il retient pour justifier sa décision, et d'uniformiser les pratiques disparates des parquets. Ces motifs vont traduire, lorsqu'ils sont mobilisés par le ministère public, un obstacle à la mise en mouvement de l'action publique. Ils doivent être étrangers à tout jugement subjectif, en ne faisant que rapporter une réalité juridique objective. Cela éviterait de tomber dans les classements douteux et problématiques.

PARAGRAPHE 2 : La liberté de choix de la forme et du délai de classement sans

suite

Il est du pouvoir du ministère public de décider sous quelle forme sa décision de classement doit être prise (A) et quand elle doit intervenir (B).

A- Le choix de la forme de classement sans suite

Le pouvoir discrétionnaire reconnu au ministère public de classer sans suite une plainte le conduit à choisir en toute liberté de quelle manière traduire son refus de poursuite. Il exprime son refus de poursuivre de deux manières : par un acte appelé « avis de classement sans suite » (classement explicite) ou par un silence (classement implicite).

Le classement explicite est une décision matérialisée par un écrit, un acte, un imprimé d'avis de classement sans suite qui énumère les motifs sommaires non exhaustifs de classement que le parquet peut retenir en le cochant simplement, et une phrase d'orientation pour la victime qui souhaite elle-même mettre en mouvement l'action public : « Toutefois, vous conservez la possibilité d'engager vous-même des poursuites pénales, soit par voie de citation directe, soit en vous constituant partie civile devant le juge d'instruction qui fixera le montant de la somme que vous aurez à consigner113 ». Cette pratique peut être considérée comme une solution de facilité car il suffit de cocher un motif pour se débarrasser de l'affaire.

Le classement implicite par contre est traduit par l'absence d'une réponse, d'une décision en bonne et due forme d'avis de classement sans suite malgré la plainte

113Cette formule se trouve dans l'imprimé utilisé par le parquet du Tribunal de Grande Instance de Brazzaville

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reçue. Il s'agit justement de l'inaction du parquet qui s'estime dans ses droits de ne pas donner suite à une plainte. Cette attitude que le ministère public adopte sur certaines affaires nous laisse dans un questionnement sur les motifs pouvant la légitimer et sur l'égalité de traitement devant la loi. Elle peut être interprétée comme quoi, la plainte déposée par le plaignant n'a pas été traitée, prise en compte et que le service de la justice ne fait pas suffisamment son travail de lutte contre l'impunité et ne défend pas assez les intérêts de la société. Le traitement différentiel signifie que certains citoyens ont droit à ce que leur cause soit entendue par la justice, et que d'autres soient marginalisés.

On peut admettre qu'en sa qualité d'administration, le ministère public a le droit de décider de manière tacite. Toutefois, il serait difficile de concilier cette réponse silencieuse avec les dispositions de l'article 28-1 du code de procédure, qui font obligation au Procureur de la République d'apprécier la suite à donner à une plainte. La suite à donner est une réponse à une plainte ou une dénonciation que le ministère public est tenu de communiquer. L'opportunité des poursuites ne donne au ministère public que deux options : poursuivre ou classer sans suite. La décision de poursuite ou de classement doit être matérialisée par un acte de poursuite ou de classement.

Quand il décide de poursuivre, le ministère public matérialise sa poursuite par un acte entre autres le réquisitoire introductif saisissant le juge d'instruction ou la citation directe saisissant la formation de jugement. Par contre, lorsqu'il classe sans suite, il doit normalement matérialiser sa décision par un avis de classement sans suite. Ne pas le faire est un abus de pouvoir qui mérite d'être sanctionné. Malheureusement, en pratique, le ministère public use d'une liberté qui ne trouve son fondement dans aucun texte de classer une plainte de manière silencieuse au mépris de l'obligation qui lui est faite de donner une suite. L'inertie coupable du parquet de répondre à une plainte n'est pas seulement illégale, mais aussi dangereuse et suspecte.

Tout d'abord, elle laisse la victime dans une expectative prolongée qui pourrait affecter ses droits d'engager les poursuites ou l'action civile en raison du risque de prescription qui pourrait frapper son action. Celle-ci ne dispose pas de voies légales pour contraindre le ministère public à décider sur sa plainte, sinon que d'attendre ou d'opter pour d'autres solutions. Le ministère public doit se garder de victimiser doublement la victime, car cela ne relève pas de ses attributions.

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Ensuite, le refus de répondre à une plainte alimente généralement le sentiment de suspicion de corruption, de favoritisme dans le chef du ministère public. Il n'y a rien qui justifie que le parquet brille par une inertie pour remplir un petit imprimé de classement sans suite, s'il n'existe pas des motifs inavoués et cachés justifiant son silence. Le magistrat en charge du dossier aurait du mal peut-être à prendre une décision dont il serait tenu de cocher un motif fantaisiste qui l'embarrasserait et trahirait son manque d'impartialité et ses abus.

Enfin, elle peut constituer un déni de justice114. L'absence de réponse formelle de la part du parquet tenu de donner suite à une plainte ne saurait s'analyser à une simple décision d'abandon des poursuites. Selon toute vraie semblance, il est question de déni de justice de la part du Procureur de la République, qui refuse d'accomplir un acte relevant de sa fonction, et empêchant par conséquent, que la cause de la victime soit entendue par une juridiction qui dira si elle est fondée ou non. Le ministère public qui joue le rôle de pont entre le plaignant et le juge est devenu un mur entre le juge et le plaignant.

Dans tous les cas, le problème vient du fait que la loi n'indique pas sous quelle forme cette décision doit être prise et rien ne dit si le régime des actes administratifs est applicable en matière de classement, pour assimiler l'inaction du parquet au refus d'exercer les poursuites. Cette difficulté soulève en même temps la question de la liberté reconnue au ministère public de choisir le moment pour classer sans suite la plainte reçue.

B- Le choix du délai de classement sans suite

La notion du délai de classement renvoie au temps que le Procureur de la République se donne pour prendre sa décision. Le parquet n'a pas l'obligation de répondre immédiatement après le dépôt d'une plainte et la loi ne lui impose pas un délai de réponse. Le Procureur de la République tout comme les autres magistrats de l'ordre judiciaire sauf exception prévue par la loi est soumis à l'exigence du délai raisonnable dans le traitement des plaintes, qui fait appel à sa conscience professionnelle. En effet, en vertu de la liberté de décision reconnue au Procureur de la République, ce dernier

114Le dictionnaire LE ROBERT définit le déni de justice comme le « refus de la part d'un magistrat de remplir un acte de sa fonction, de statuer sur un litige, d'accorder un droit à quelqu'un ».

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est libre de décider souverainement à quel moment prendre sa décision. Il peut décider de classer la plainte sans suite ou de poursuivre les investigations.

La disparité du temps de réponse en matière de classement s'explique par plusieurs facteurs tels que la complexité de l'affaire, le nombre de dossiers en attente, les priorités du tribunal, l'insuffisance du personnel et le besoin d'enquêtes supplémentaires. Cependant, toutes ces raisons ne doivent pas justifier le rallongement criant des délais de décision de classement que nous observons dans certaines affaires ou l'abstention du législateur d'imposer au ministère public un délai relativement court pour pouvoir décider.

Il n'est pas équitable d'abandonner au ministère public l'opportunité de décider quand il veut décider. L'enquête préliminaire ne doit pas se transformer en instruction préparatoire ou à la barre qui peut prendre des années, ce qui est tout à fait normal. Le ministère public ne doit pas se transformer en juge d'instruction pour chercher à aller au fond des investigations au mépris de la séparation des fonctions. Le raisonnement juridique voudrait que, si le dossier parait complexe ou flou, que le ministère public saisisse le juge d'instruction, spécialiste en matière de recherche de la vérité. Il est le juge investigateur qui éclaire les faits paraissant peu claires, complexes ou insuffisant. Si les faits infractionnels sont clairs et simples et qu'il n'existe aucun empêchement de poursuite, qu'il saisisse le tribunal par voie de citation directe. En cas d'infraction récente avec les indices et les preuves, qu'il opte pour la procédure de flagrant délit. Donc, il n'y a aucune raison que la décision de poursuite s'étale au-delà de trois mois.

En général, le Procureur doit disposer d'un délai de 3 mois pour prendre une décision concernant le classement ou moins encore la poursuite. Cependant, si l'affaire est plus complexe ou nécessite des investigations plus approfondies, il est tenu de mettre en mouvement l'action publique par un réquisitoire introductif pour lutter contre l'inaction et les abus derrière cette inaction. Profitant de ce vide juridique, certains parquetiers ne répondent pas à certaines plaintes pour les raisons que seuls eux connaissent et surtout qu'il n'existe pas un moyen de pression, ni de contrôle sur eux pour combattre les mauvaises habitudes jugées déshonorantes pour la justice.

L'enjeu derrière le voeu de fixer un délai de trois (3) mois pour étudier la plainte est d'éviter la prescription de l'affaire dans le bureau du Procureur de la République qui,

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en réalité, a décidé de ne rien faire, en attendant simplement la prescription, et afin de permettre à la victime d'envisager d'autres voies à sa disposition si elle le souhaite. Or, le plus souvent, les magistrats véreux et malhonnêtes s'assoient sur certains dossiers pour exiger une motivation financière à la victime pour qu'ils fassent leur travail ou pour les prescrire et empêcher la victime de déclencher elle-même l'action publique, en la rassurant que sa plainte est en cours de traitement alors qu'ils sont en conflit d'intérêts.

Nombreux sont des dossiers qui ne reçoivent pas une suite, le plaignant ou la victime se fatigue après une longue attente et conclut que la justice est corrompue. Pour remédier à cette situation honteuse, il est souhaitable que le législateur fixe un délai de trois (3) mois auquel le ministère public doit décider sur l'opportunité des poursuites en prenant une décision formelle de classement s'il y a lieu. S'il ne le fait pas au-delà de ce délai, une sanction doit être envisagée. Pour une bonne applicabilité de cette discipline, chaque dossier doit porter le nom du parquetier qui en a la charge du traitement, du suivi et de répondre en cas d'un dysfonctionnement.

D'ailleurs, le classement sans suite est une décision administrative, mais paradoxalement, le ministère public, agissant comme une autorité administrative n'est pas soumis aux règles juridiques relatives aux décisions administratives. Il convient de rappeler qu'en matière administrative, le délai pendant lequel l'administration est tenue de répondre à un administré se confond avec le délai du recours pour excès de pouvoir, qui est de deux mois. En effet, lorsque l'administration est saisie de la demande d'un administré, celle-ci est tenue de répondre, et le délai qui lui est imparti pour le faire est de deux mois à compter de la réception de la demande. Toutefois, le silence gardé par l'administration pendant quatre mois vaut décision implicite de rejet, en l'absence de textes contraires115. Cette exception tend à sanctionner l'inaction de l'administration, au cas où celle-ci s'abstiendrait à répondre à la sollicitation de l'administré.

Par analogie avec la procédure administrative, on peut suggérer que le délai pendant lequel le ministère public devrait prendre sa décision de classement sans suite ne soit

115Article 407 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière : « Le silence gardé pendant quatre mois sur une réclamation par l'autorité administrative compétente vaut décision de rejet. En ce cas, le délai de recours commence à recourir à l'expiration de cette période de quatre mois. Au cas de rejet explicite de la réclamation le délai court du jour de la notification de la décision de rejet ».

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pas de deux mois mais de trois mois à compter de la réception de la plainte. Mais une question peut se poser, celle de savoir, quel est le moment qui doit être pris en compte pour considérer que la plainte a été reçue par le ministère public, entendu que la plainte peut être déposée soit à la police ou à la gendarmerie, soit directement à secrétariat du parquet ? Il faut dire que, peu importe le lieu où la plainte serait déposée, pourvu que la victime soit munie d'un récépissé justifiant le dépôt d'une plainte, si dans les trois mois la victime n'est pas en possession d'une décision du ministère public, il devra se prévaloir d'une décision de classement sans suite, car le silence du ministère public équivaudrait, dans ce cas, à un refus de poursuivre. Cette mesure serait une véritable limite au pouvoir du Procureur de la République.

L'imposition du délai de décision est nécessaire pour empêcher à ce que la victime impatiente engage plusieurs actions à la fois. Déjà la loi ne fait pas obligation à la victime de saisir en amont le Procureur de la République avant de saisir le juge d'instruction ou le juge de jugement. Il n'existe pas un ordre de priorité d'action, ni l'interdiction d'exercer de manière simultanée les différentes actions ou de manière alternée. La nécessité est de permettre au plaignant qui a déposé la plainte de savoir quand elle peut envisager d'autres actions.

L'étude de l'absence d'encadrement du pouvoir de classement sans suite du Procureur de la République et de ses implications pratiques ayant été épuisée, force est d'envisager le manque de lisibilité des obligations qui incombent au ministère public après avoir décidé d'un classement sans suite et les droits du plaignant de cette décision.

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CHAPITRE II : LE MANQUE DE LISIBILITE DES OBLIGATIONS DE L'AUTEUR DU CLASSEMENT SANS SUITE ET DES DROITS DU PLAIGNANT

L'absence de lisibilité des obligations du ministère public après la décision d'abandon des poursuites, se traduit par le non-assujettissent de sa décision à l'obligation de motivation et de notification (Section 1). Quant à l'absence liée aux droits du plaignant, elle se lit par l'inexistence du droit de contester la décision de classement sans suite (Section 2).

SECTION 1 : Le non-assujettissement du classement sans suite à l'obligation de motivation et de notification

Les décisions de classement sans ne sont pas assujetties à l'obligation de motivation (Paragraphe 1) et paradoxalement aussi à celle de notification (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : L'absence de l'obligation de motivation du classement sans suite

En l'absence de l'obligation légale de motiver la décision de classement sans suite, nous allons étudier de quelle manière le ministère public observe l'exigence de la motivation (A) avant de s'attarder sur sa nécessité (B).

A- La pratique liée à l'absence de motivation dans la décision de classement sans suite

Une des garanties historiques les plus notables face à l'arbitraire d'une autorité chargée de rendre des décisions contraignantes, est celle, au côté d'autres, de l'obligation de motivation. Cette exigence introduit une certaine transparence dans la décision et empêche que l'autorité adopte une attitude qui répond exclusivement à ses propres intérêts. Jean PRADEL souligne : « L'exigence de motivation conduit à donner plus de transparence à la justice et réduit le nombre des classements car une motivation pouvant s'avérer malaisée, une réponse systématique sera plus fréquente116 ».De ce fait, l'absence d'exigence de la motivation fait à ce que le

116PRADEL (J), procédure pénale, op. cit. P.545-546

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ministère public agisse en fonction de plusieurs paramètres : les éléments du dossier, les intérêts en présence, sa subjectivité, ses humeurs ou des pressions hiérarchiques.

La motivation au sens juridique, constitue l'exposé de l'ensemble des motifs, c'est-à-dire de l'ensemble des raisons de fait ou de droit, sur lequel repose une décision. Mais la motivation, c'est aussi le fait d'exposer les raisons de fait et de droit qui ont conduit le juge à décider. Autrement dit, la motivation correspond à la fois à l'exposé des motifs et au fait d'exposer ces motifs : elle est à la fois action et résultat de cette action117. La motivation est la marque extérieure de l'opération intellectuelle à laquelle se livre le juge pour fonder en droit une décision118. C'est par la motivation de ses décisions que le juge développe son raisonnement, explique le pourquoi, et donne les raisons qui l'ont amené à prendre telle ou telle solution.

Pratiquement, en matière de classement sans suite, le ministère public ne motive pas ses décisions. Elles sont caractérisées par l'absence de motivation que nous nous trouvons dans les décisions de justice pour quelques raisons.

Tout d'abord, le Procureur de la République n'est pas un juge et le classement sans suite n'est pas une décision de justice. Par conséquent, il ne saurait être soumis à l'exigence d'une motivation que doit contenir toute décision de justice119.

Ensuite, le classement sans suite est une décision relevant du pouvoir discrétionnaire du ministère public qui signifie absence de contrôle. Néanmoins, pour la transparence d'une telle pratique souvent sujette aux critiques, le ministère public devrait se donner la peine de motiver en fait et en droit ses décisions pour permettre leur compréhension par les intéressés, le public et barrer la voie à tout soupçon de favoritisme et de corruption.

L'absence d'observation de cette exigence suscite des interrogations et des doutes quant à sa légitimité du classement. L'action publique appartient à la société, et non pas au ministère public (bien qu'il représente notre société), il est essentiel que cette prérogative s'exerce de manière transparente et non opaque.

117GIUDICELLI-DELAGE (G), La motivation des décisions de justice, Thèse Potiers, 1979, 2 tomes, T.1, pp.3 et s.

118GIUDICELLI-DELAGE (G), op. cit. p.136

119Art. 53-3 du CPCCAF

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De plus, d'après certains professionnels, ils ne sont pas tenus de justifier leurs décisions. Si le plaignant n'est pas d'accord avec le motif mentionné dans la décision, il peut user de son droit de mettre en mouvement l'action publique. Cette raison évoquée reste sujette à débat. Le droit de la victime d'intenter les poursuites ne devrait pas empêcher au ministère public de bien remplir correctement sa tâche et de prendre des décisions convaincantes. Si, parallèlement, le juge de première instance statuait avec légèreté parce que la victime disposerait du droit de faire appel de sa décision, le travail du magistrat serait douteux, bâclé et manquerait de crédibilité. La capacité d'un bon parquetier doit être évaluée en fonction de la pertinence de ses décisions de classement sans suite.

D'ailleurs, la loi n'oblige pas au ministère public de motiver ses décisions, si bien que le défaut de motivation ou une motivation erronée n'invalide pas la décision de classement sans suite. La liberté est donc reconnue aux magistrats du ministère public, de choisir un motif de manière souveraine, avec tous les risques d'arbitraire que cette pratique peut entrainer, sans avoir à justifier les bases de leur décision. Certes, la loi ne fait pas de la motivation une exigence, il n'en demeure pas moins vrai que la loi ne l'interdit pas non plus. En tenant compte de la portée de cette décision, qui porte atteinte au droit d'accès à la justice, au moins du côté de l'autorité de poursuite, une motivation s'avère nécessaire pour justifier son refus et expliquer qu'il n'est pas dicté par les mobiles injustes.

Enfin, si une motivation plus concrète, telle qu'envisagée lors d'un jugement, est imposée, le ministère public serait confronté à un accroissement important de travail difficilement gérable. Ce qui reste contestable aussi puisque les magistrats du siège sont soumis à cette obligation sans faillir à leur mission. Manifestement, le ministère public dans ses décisions de classement se contente simplement d'une motivation formelle contenue dans un imprimé pour laquelle il n'entend pas engager les poursuites. Par exemple, l'absence d'infraction, l'impossibilité d'identifier l'auteur des faits, l'insuffisance de charge, l'obstacle à la poursuite sans tenir compte de la clarté de l'explication au plaignant de ses droits, de la précision sur le motif du classement.

Le motif indiqué dans l'avis de classement sans suite supplée la motivation au sens juridique. Pourtant, le classement sans suite devrait comporter une véritable

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motivation. Au lieu de se contenter d'indiquer que le classement est prononcé pour absence d'infraction, impossibilité de poursuite, le ministère public devrait préciser les raisons caractérisant cette absence d'infraction ou l'impossibilité de poursuite. Cette pratique constituera un contrepoids nécessaire au pouvoir de classement du Parquet, et participera à l'idée que, si aucune suite judiciaire n'est apportée par le Parquet, celui-ci donne cependant une réponse véritable à la plainte de la victime120.

B- La nécessité de la motivation dans la décision de classement sans suite

Nul ne saurait contester aujourd'hui la portée de la motivation et ses nécessités dans un Etat de droit. Si tout jugement doit rendre compte de la solution donnée au litige et la justifier en exposant les raisons qui l'ont soutenue, sous la forme de motivation, il ne doit pas être autrement pour une décision de classement sans suite où le risque d'arbitraire est élevé voire décrié. La motivation est une garantie indéniable attachée au classement sans suite121. Le ministère public doit justifier pourquoi il a choisi de ne pas poursuivre alors qu'une infraction a été signalée par une plainte. Cette justification aura une vertu pédagogique pour la justice122.

Sans prétendre à l'exhaustivité, la motivation est d'abord un élément d'information à la fois pour les parties au litige qui peuvent ainsi apprécier les chances de succès d'une éventuelle voie de recours mais aussi pour le public et les autres magistrats. Elle traduit, comme le rappelle le professeur René Chapus, « une exigence de la démocratie »123. En agissant au nom de la société, les parquetiers doivent rendre compte des raisons par lesquelles ils se sont déterminés pour ne pas poursuivre. La motivation des décisions apparait comme une nécessité sociologique.

La motivation est identifiée comme un élément de compréhension en direction des justiciables. Ils disposent d'un droit de comprendre la décision qui est rendue124. Une décision de justice est d'autant mieux acceptée qu'elle est comprise par ceux à qui elle s'adresse125. La motivation a une dimension pédagogique à l'égard des justiciables qui veulent comprendre le sens de la décision. Elle permet au juge de démontrer et de

120Rapport du sénat français, Les infractions sans suite ou la délinquance mal traitée, op. cit. 121SHANGO OKOMA (J.M), Le classement sans suite en droit procédural Congolais, op. cit. 122GUILLERMET (C.J), La motivation des décisions de justice. La vertu pédagogique de la justice, Paris, L'Harmatan, 2006, p.106.

123CHAPUS (R), Droit du contentieux administratif, Paris, Montchrestien, 13eme éd., 2008, p. 1062 124OBERDORFF (H), L'émergence d'un droit de comprendre, EDCE 1992, n°43, pp.217 et s. 125SAUVEL (T), Histoire du jugement motivé, RDP 1955, pp. 5-53, spé.p.5

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prouver126, mais aussi de persuader ou de convaincre le justiciable qu'il doit finalement accepter la décision rendue. Elle assure alors une fonction de légitimité qui donne une force morale aux décisions de justice. Au vue de ses différentes finalités, la motivation se présente comme un impératif, un principe obligatoire de bonne justice, un de ces grands principes dont on dit volontiers qu'il domine le droit127.

L'objectif rationnel de la motivation est de permettre au magistrat de prouver qu'il applique rigoureusement la lettre de droit, renforçant par là même l'idée de son entière neutralité en évitant une justice dominée par une justice casuistique, partiale et arbitraire. La motivation est nécessaire car nous avons besoin de croire en une justice impartiale et nier un quelconque pouvoir créateur de celui qui la rend.

Le magistrat, détaché de toutes les passions, tentations et autres sentiments humains, est avant tout au service du droit qu'il applique en toute neutralité, au cas par cas. A une même situation donnée, la même règle de droit sera appliquée, assurant ainsi la sécurité juridique des citoyens. Afin de prouver à ses destinataires que la décision qu'il rend l'est de manière objective, le magistrat explique la solution retenue et justifie la décision en la motivant. Ainsi, en motivant sa décision, le ministère public éloigne tout arbitraire128.

La motivation est aussi perçue comme un élément de contrôle. Elle permet le contrôle de la décision par les parties qui sont en droit d'attendre que la justice soit rendue mais aussi par les instances supérieures qui doivent être en mesure d'apprécier le bien-fondé des décisions. Elle permet de remplir une fonction sociale ainsi qu'une bonne administration et un bon fonctionnement de la justice129. Selon un auteur, « la motivation ne peut être conçue seulement comme un moyen de contrôle institutionnel, mais aussi et surtout comme un instrument destiné à rendre possible un contrôle généralisé et diffus sur la manière dont le magistrat administre la justice. En d'autres termes, cela implique que les destinataires de la motivation ne soient pas uniquement

126HEGEL (G.W.F), Principes de la philosophie du droit ou droit naturel et science de l'Etat en abrégé, Librairie philosophique J. VRIN, 1998, § 222, p.240.

127SAUVEL (T), Histoire du jugement motivé, op. cit., p.5

128WANDA (M), Essai sur la motivation des décisions de justice. Pour une lecture simplifiée des décisions des cours constitutionnels, Revue Annuaire International de justice constitutionnelle, année 2000/15-1999/pp.35-63 129TARUFFO (M), La motivazione delle sentenze civili, Padoue, C.E.D.A.M., 1975, pp.406-407.

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les parties, les avocats et le juge d'appel, mais également l'opinion publique comprise soit dans son ensemble soit comme l'opinion de l'un de ses membres130 ».

La motivation de la décision est un principe essentiel de la procédure. Elle apparait comme un élément de l'Etat de droit et une garantie de bonne administration de la justice131. Elle permet de vérifier la qualité du raisonnement du magistrat, protégeant le justiciable du risque d'arbitraire. « Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser132».

L'exigence d'une motivation suffisante comme gage d'une décision digne de confiance mérite d'être envisagée par le législateur congolais, qui est resté muet en abandonnant aux parquetiers le soin de faire ce qu'ils croient être utiles pour la bonne administration de la justice, et en exposant les victimes à une insécurité juridique.

L'obligation de motiver la décision de classement sans suite va répondre à deux exigences.

La première vise à répondre à la volonté de transparence de la décision. Il est devenu indispensable de pouvoir éclairer la décision de classement au regard de sa motivation et d'ainsi apprécier si le motif est légitime et bien pensé. Mais aussi d'évaluer si la décision de classement sans suite répond ou non aux directives de politique criminelle.

Une autre considération tend à renforcer l'information de la victime d'une infraction pénale. Le législateur doit permettre à celle-ci de prendre connaissance des informations relatives au classement sans suite, non seulement en étant informée de la décision de classement mais aussi en obtenant le motif de classement. Ce faisant, la personne ayant déposé sa plainte pourra adopter une opinion quant à la décision du parquet de classer le dossier sans suite et, au besoin, décider d'envisager une démarche devant les tribunaux.

Le parquet doit persuader au mieux le tiers lésé que, malgré l'intérêt personnel du plaignant de voir l'infraction être poursuivie, sa poursuite n'est pas opportune compte tenu de la répercussion sociale ou d'autres considérations. La décision de classement,

130Ibidem

131PETIT (E), La motivation des décisions judicaires et l'autorité du juge, disponible sur Cainrn. info 132MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, (1748), Paris, Garnier frères, 1973, (contrib. R. D2RATHE), p. 142.

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en un mot, doit être en mesure de toujours convaincre au moins de s'expliquer133. Par ailleurs, l'exigence de la motivation va de pair avec celle de la notification.

PARAGRAPHE 2 : L'obligation de notification de la décision de classement sans suite

L'exigence de la notification des décisions de classement n'est pas observée en pratique de manière rigoureuse par le ministère public (A), alors qu'elle présente un intérêt majeur (B).

A- L'observation facultative de l'obligation de notification en matière de classement sans suite

Par définition, la notification est la formalité par laquelle on tient officiellement une personne informée, du contenu d'un acte auquel elle n'a pas été partie, ou par lequel on lui donne un préavis, on la cite à comparaitre devant un tribunal ou on lui donne connaissance du contenu d'une décision de justice.

Dans le cadre de notre étude, la notification doit s'entendre comme la communication de la décision de classement prise par le ministère public au plaignant. Elle peut être effectuée par le secrétariat du parquet, en principe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Selon toute vraie semblance, la loi n'oblige pas le ministère public à communiquer sa décision de classement sans suite. Cette formalité est pratiquée de manière facultative. La difficulté résulte parfois du fait que le ministère public ne matérialise pas toujours son refus de poursuivre. Il serait incohérent de notifier au plaignant une décision qui n'existe pas. Cette pratique est dangereuse car elle démontre à suffisance

133Le législateur doit illustrer la synergie entre le ministère public et la victime. Dans l'hypothèse où un délit est classé pour des motifs juridiques et techniques, le parquet en communique la raison précise au plaignant. Le législateur escompte, ce faisant, que le tiers lésé comprenne le bien fondé du classement ; le parquet n'ayant pas d'autre choix que d'y procéder. Dans l'autre hypothèse, où un délit est classé pour des motifs d'opportunités, recueillir l'assentiment du tiers lésé est un peu plus délicat. Le parquet doit être amené à se prononcer sur l'opportunité de l'engagement de l'action publique et le plaignant risque, en effet, d'avoir plus de difficulté à comprendre cette décision. Il est du devoir du parquet de combler le fossé entre le citoyen et la Justice par la communication de la décision de classement et de sa motivation.

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que le ministère public ne traite pas certaines plaintes qu'il reçoit, laissant les victimes dans une incompréhension totale et soif de justice.

La notification signifie que la plainte a été traitée, la cause de la victime a été entendue et qu'une décision a été prise par l'autorité compétente. Le contraire signifie que la plainte a été classée sans examen, la cause de la victime n'a pas été entendue par le garant de l'ordre public et par conséquent, elle n'a pas droit à la justice. Tel est le sentiment que la victime ressent en cas d'absence de réponse. La notification est en réalité la réponse du parquet à la plainte déposée par la victime. En l'absence d'une décision matérielle, c'est difficile de s'attendre à une notification. Certaines victimes souffrent, se lassent ou optent pour d'autres solutions, en faisant des allers-retours au parquet pour s'enquérir de la décision du ministère public sans suite car aucune décision n'est prise et ne sera prise.

Dans certains cas, une décision peut être prise sans que la victime en soit informée. Elle reste alors à la maison, attendant un éventuel appel ou une notification qui ne vient pas. D'après les informations que nous avons recueillies sur le terrain, le parquet estime souvent que c'est à la victime de suivre l'avancement de son dossier plutôt que d'attendre passivement à la maison. Bien sûr, les victimes doivent être tenues informées de l'évolution de leurs dossiers, mais certaines se fatiguent après une longue attente de la décision du ministère public. Cette situation découle du fait que le ministère public n'est pas tenu de notifier systématiquement ses décisions et qu'il refuse d'offrir aux justiciables la transparence nécessaire sur son action. Cette pratique nuit aux droits de la victime d'être informée des suites judiciaires données à sa plainte.

D'ailleurs, les obstacles à l'information de la victime, quant à l'évolution de sa plainte découlent du fait qu'aucun délai légal n'est défini pour que le ministère public rende sa décision. Si ce délai était connu, la victime pourrait se présenter au parquet au moment fixé par le législateur afin d'exiger une réponse concernant sa plainte.

Il est en effet curieux de constater que le problème de communication ne se pose que dans les décisions de classement sans suite et non dans celles de poursuite. La justification de ce traitement différentiel réservé à ces deux décisions du parquet est difficile à établir. Parfois, le manque d'intérêt du ministère public se manifeste davantage dans les décisions de classement que dans celles de poursuite. Étant exempt de toute obligation de notification, le parquetier ne prend pas la peine de

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notifier sa décision de classement. Ce manque de volonté de communiquer la décision pourrait s'expliquer en partie, surtout lorsque le motif retenu pour le classement est arbitraire, fantaisiste et dicté par des intérêts personnels plutôt que juridiques.

Le caractère facultatif de la notification n'est pas toujours dû à la seule volonté du ministère public. Il y a bien d'autres raisons qui justifient cette attitude du parquet à savoir : l'absence des canaux de communication efficaces établis entre le secrétariat du parquet et les victimes ; le manque de personnel administratif formé et qualifié pour la notification des décisions du parquet ; le manque de suivi du dossier par la victime après une longue attente. Il faut ajouter à ces raisons l'absence de décision formelle prise par le parquet ; de l'obligation légale de notification dans les délais bien précis ; de la conscience professionnelle de certains magistrats chargés de traiter les plaintes.

La situation décrite illustre l'urgence d'une réforme pour remédier à l'opacité et aux abus dans le traitement des plaintes. Il est impératif de rendre la notification légale, avec un délai maximal de dix (10) jours après la décision de classement, en utilisant à la fois les canaux traditionnels et les moyens modernes que la technologie nous offre ( les réseaux sociaux, l'e-mail et la consultation d'un site web répertoriant les décisions du ministère public). La notification doit parvenir à la victime, voire au présumé auteur, au plus tard quatre mois après le dépôt de la plainte, étant donné qu'il est nécessaire, que le ministère public prenne sa décision, dans un délai maximal de trois mois après le dépôt de la plainte.

B- L'intérêt d'observation de l'obligation de notification en matière de classement sans suite

Si nous comprenons que la notification est la communication de la décision qui a été prise par le ministère public, il y a lieu de cerner l'intérêt d'observer cette exigence tant pour le plaignant que pour la victime. L'absence de notification traduit bel et bien qu'aucune décision n'a été prise, et par conséquent, les droits de la victime ont été bafoués par les autorités judiciaires. Il résulte incontestablement de ce système une insécurité juridique, car il laisse le prévenu dans l'ignorance de l'issue de la procédure, dans l'impasse et la reprise de la procédure au gré du ministère public134.

134LUZOLO BAMBI LESSA (E) et BAYONA BA MEYA (N.A), Manuel de procédure pénale, op. cit. P.382

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La nécessité de la communication de la décision de classement au plaignant répond à l'exigence de transparence et de clarification des décisions du ministère public. Elle est importante pour la transparence de la justice, car elle permet à la victime et à la population de connaitre et comprendre les raisons pour lesquelles l'affaire a été classée sans suite. Cela va aider à renforcer la confiance dans le système judiciaire en montrant que les décisions sont prises avec transparence et impartialité. L'absence d'obligation de rendre publique la décision de classement nuit aux intérêts de la victime. Celle-ci a le droit d'être informée par le procureur de la République de sa décision de classement sans suite, ainsi que des motifs l'ayant conduit à prendre une telle décision.

Il doit également l'informer de ses droits pour la suite éventuelle de la procédure, notamment celui de contester la décision de classement, de se constituer partie civile devant le magistrat instructeur, si elle souhaite poursuivre l'affaire devant un tribunal, de saisir directement la formation de jugement par voie de citation directe, de saisir le tribunal civil s'il le souhaite pour obtenir indemnisation pour le préjudice subi en raison de l'infraction ; même si l'auteur présumé de l'infraction n'a pas été poursuivi. L'information peut aider la victime à préparer sa défense si elle décide de poursuivre l'auteur présumé de l'infraction en justice.

La notification fait courir les délais de recours et permet à la victime d'accomplir le plus vite possible les diligences nécessaires pour d'autres actions envisagées. Sans la notification, aucune action ne pourrait être envisagée. Néanmoins, compte tenu du silence de la loi, en l'absence d'une notification, la victime peut saisir une juridiction répressive pour mettre en mouvement l'action publique d'autant plus que la décision du parquet n'est pas un préalable à la saisine du juge d'instruction ou de jugement. L'action de la victime de saisir une juridiction répressive est indépendante de la décision ou l'attitude adoptée par le ministère public.

L'absence de notification paralyse la victime et la laisse dans l'incertitude, surtout dans le contexte pénal où les infractions peuvent s'éteindre en raison du principe de prescription. Ce dernier constitue un mécanisme de perte du droit d'agir en justice : un an pour les contraventions, trois ans pour les délits et dix ans pour les crimes, sans tenir compte des infractions bénéficiant de délais d'exception. La loi devrait imposer au procureur l'obligation de fournir une réponse pénale suite à une plainte, plutôt que de rester silencieux, ce qui serait préjudiciable à la victime. Le Procureur devrait

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informer les plaignants et les prévenus, s'ils sont identifiés, en précisant les raisons juridiques ou d'opportunité justifiant sa décision, à l'instar de la pratique en France135.

Il serait hautement souhaitable de modifier les pratiques du classement pour permettre une plus grande clarification des décisions de classement, de leur motivation et des formes de leur notification aux victimes. Il va falloir que ces décisions soient plus personnalisées, plus complètes et qu'elles orientent la victime, le cas échéant, vers d'autres démarches. La question du droit de recours se doit d'être prise en compte en raison de son inexistence en dispositif.

SECTION 2 : L'inexistence du droit de recours pour le plaignant du classement sans suite

Le classement sans suite est une décision insusceptible de voie de recours de la part du plaignant. Ni la loi, ni la pratique n'admet la remise en cause de la décision de classement sans suite par voie de recours administratif ou juridictionnel. Il est essentiel de s'intéresser au fondement de la méconnaissance de ce droit (Paragraphe 1) et de tenter par la suite de montrer une possible discussion face à ce refus (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : Le fondement de l'inexistence du droit de recours contre le classement sans suite

Deux justificatifs sont avancés pour soutenir la méconnaissance du droit de recours contre un classement sans suite : son caractère administratif (A) et provisoire (B).

A- Le classement sans suite : une décision administrative

Le caractère administratif de la décision de classement sans suite est l'une des raisons évoquées pour justifier l'absence d'admission de voie de recours juridictionnel voire administratif. Il est admis que le classement n'est pas un acte juridictionnel mais administratif136. Il n'est donc pas revêtu de l'autorité de la chose jugée137, si bien qu'il n'est jamais passé en force de chose jugée.

135Art. 40-2 nouveau du CPP

136Crim., 6 juin. 1952, B.C., n°142 ; 5 Déc 1972, BC., n°375, RSC, 1973, 716, obs J.M- Robert 137Idem

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Le classement sans suite est une mesure d'administration judiciaire ne tranchant pas au fond sur les condamnations, pour qu'il fasse l'objet de contestation devant les tribunaux. Contrairement à une décision juridictionnelle qui met un terme à un litige, le classement sans suite ne tranche pas une question juridique, ne crée pas des droits pour les parties et n'établit pas l'innocence de la personne poursuivie, ni l'abus de droit du plaignant. Il ne fait que constater l'absence d'éléments suffisants ou l'inutilité d'engager les poursuites138 et met fin à l'enquête préliminaire. Il est hors de question de contester une telle décision ni devant les tribunaux, ni devant les autorités administratives.

Il convient néanmoins de nuancer cette approche, au regard des conséquences que le classement sans suite peut avoir sur le plaignant, notamment quand il cherche à obtenir réparation du préjudice subi. Cette décision met fin aux poursuites, du moins du point de vue du ministère public, au point que si le plaignant n'est pas informé de ses droits, il peut penser qu'il a reçu une réponse pénale définitive à sa plainte. De même, ayant été informé de ses droits, s'il ne dispose pas des ressources nécessaires pour engager elle-même les poursuites, et que le ministère public ne revient pas sur sa décision, le classement prendrait les allures d'une décision définitive, établissant ainsi l'innocence du présumé prévenu, au détriment des droits de la victime.

En absence de garanties légales, le classement serait une décision fatale pour le plaignant et réconfortante pour le prévenu. Le dispositif actuel expose en réalité, le plaignant aux abus irrémédiables du ministère public. Alors qu'il est toujours possible de remédier, tout au moins dans une certaine mesure, à la partialité du juge avec les moyens normaux d'opposition, il n'existe aucune solution contre les déviations du ministère public qui sont non seulement possibles mais fréquentes139

D'ailleurs, le classement sans suite ne peut fait l'objet de contestation car le Procureur de la République n'est pas un juge, mais plutôt une autorité de poursuite, qui décide en toute discrétion sur l'engagement des poursuites. La décision de classement ne peut être remise en cause par une autre autorité judiciaire. Il revient au ministère public seul le pouvoir de réviser sa décision prise en toute discrétion. Le caractère

138L'utilité de l'action publique n'est pas toujours évidente. Il peut en effet être conforme au bien commun que le Ministère public n'engage pas de poursuites dans certains cas, même si la preuve est patente.

139 GIUSEPPE (C), Dépendance ou indépendance du Ministère Public, dans Conseil de l'Europe, dir., Le rôle du ministère public dans une société démocratique, Strasbourg, Editions du Conseil de l'Europe, 1997, 13 à la p. 17.

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discrétionnaire de la décision signifie l'absence de contrôle qui s'exerce par voie de recours hiérarchique ou juridictionnel. Exercer un contrôle transformerait le pouvoir d'opportunité en un contrôle de légalité.

Or, il faut souligner tout de même que, le caractère administratif du classement sans suite ne saurait justifier le refus de voie de recours. La nature administrative de la décision fait qu'elle soit soumise au régime des actes administratifs unilatéraux, sujets aux recours administratifs et juridictionnels. Ce n'est pas parce que la décision est prise par le ministère public qui n'endosse pas la casquette de juge, qu'elle ne peut souffrir d'aucune contestation, alors que les droits des victimes sont en jeu.

B- Le classement sans suite : une décision provisoire

L'un des attributs de la décision de classement sans suite c'est son caractère provisoire. Il n'est pas un acte définitif et irrévocable à la différence d'un acte de poursuite. Cela signifie qu'il est tout à fait possible pour le procureur de revenir sur sa décision première et d'exercer des poursuites, sans avoir à justifier de la survenance de faits nouveaux. Il ne peut pas être invoqué devant le juge, ni devant une autre autorité administrative, car il n'est pas une décision définitive concernant l'innocence du suspect et le mal fondé de la plainte de la victime.

D'un côté, le prévenu n'a pas à penser qu'il est mis à l'abri des poursuites car l'action publique peut être relancée à tout moment au gré du parquet. Son seul rempart pour noyer ses inquiétudes reste le délai de prescription. De l'autre côté, la victime ne doit pas se décourager en pensant que sa plainte n'est pas prise en compte et par conséquent, qu'elle est jetée dans les oubliettes du parquet, puisque, à tout moment, le ministère public peut réviser sa décision. Il n'y a donc aucune raison justifiant une voie de recours contre une décision précaire, révocable, ne mettant pas fin à l'action publique, qui peut être rouverte à tout moment si de nouveaux éléments viennent modifier l'appréciation initiale du Procureur de la République. « Le classement sans suite est une décision qui met fin à l'enquête ou à l'instruction, mais qui n'est pas nécessairement définitive. Si de nouveaux éléments sont découverts, l'affaire peut être rouverte, et une nouvelle enquête ou instruction peut être lancée140 ».

140PRADEL (J), Droit pénal comparé, Paris, 4e édition, Dalloz, 2016, p.1116

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Lorsque le parquet décide du classement d'une affaire, il prend une mesure unilatérale, mais il ne se lie nullement ; Il ne poursuit pas, mais il garde le pouvoir de poursuivre. C'est si vrai que lorsqu'il poursuit, il ne doit pas au préalable l'annoncer à l'inculpé, le seul fait de le citer établit à suffisance qu'il a décidé de poursuivre.

Le classement sans suite n'est pas un acte juridictionnel qui dessaisit l'autorité qui l'a pris. C'est une simple mesure d'administration sur laquelle le parquetier peut revenir à tout moment proprio motu ou sur ordre du supérieur hiérarchique, soit qu'il possède des éléments nouveaux éclairant sa conscience ou susceptible d'entraîner la conviction des juges, soit que les motifs d'opportunité qui avaient suspendu son action aient cessé d'exister.

Rappelons que l'action publique appartenant au parquet, organe hiérarchisé de la puissance publique, tout supérieur du magistrat traitant le dossier peut, sans ou contre son avis, décider des poursuites, et ce sans aucune limitation de délai, sauf la prescription de droit commun. Le classement ne devient définitif que par l'écoulement du temps de la prescription (interrompu d'ailleurs par les actes d'instruction)141. L'intervention de la prescription constitue un coup de grâce contre la poursuite et garantit de la sorte le caractère irrévocable du classement.

Le caractère provisoire tient également au fait que la victime peut s'opposer au classement, en mettant elle-même l'action publique en mouvement142. Le classement sans suite n'est pas une cause d'extinction de l'action publique et n'interdit pas à la victime d'engager elle-même les poursuites tant avant la décision de classement qu'après. Il n'est qu'un acte précaire.

Cependant, la validité d'un classement sans suite peut varier en fonction des affaires et des éléments en présence. Dans certains cas, il peut être définitif, notamment si une expertise ou une enquête complémentaire ont été réalisées et ont confirmé l'absence d'infraction pénale, ou si le motif évoqué est d'ordre juridique (l'extinction de l'action publique, un fait justificatif, une immunité, l'irresponsable pénale de l'auteur de l'infraction. En dehors de ces cas, la durée court jusqu'à la prescription de l'action publique. Le dossier sera donc classé, de façon à pouvoir éventuellement être ressorti

141RUBBENS (A), Le droit judicaire congolais : L'instruction criminelle et la procédure pénale, Bruxelles, 1e édition, Tomme III, Larcier,1965, p.357

142Dictionnaire permanant sécurité et conditions de travail-Poursuites et procédures, février 2021 : 73. Classement « sec » et classement « sous condition » disponible sur Dalloz Avocats.

soit si le Parquet revient sur sa décision, par exemple au vu d'éléments nouveaux, soit si la victime se constitue partie civile143 devant le juge d'instruction ou saisit la formation de jugement par voie de citation directe.

Bien que soutenu que cette décision n'est pas définitive, et peut toujours être rapportée, il y a lieu de noter qu'en pratique, le ministère public ne revient pas souvent sur ses décisions de classement. Combien même l'affaire peut connaitre un rebondissement, par exemple l'identification du présumé auteur, la caractérisation de l'infraction, la constitution des preuves, les faits reçoivent une qualification pénale, le ministère public reste toujours libre d'engager ou non la poursuite. Le classement ne retire pas au ministère public son pouvoir d'opportunité des poursuites car l'affaire est encore au stade préjudictionnel. Tout comme, sans que l'affaire ait des éléments nouveaux, il peut décider de poursuivre. De la même manière que le classement relève du pouvoir discrétionnaire du Procureur de la République, de même la relance de poursuite reste à son pouvoir sauf une injonction venant d'un supérieur hiérarchique. Dans ces conditions, c'est clair que le classement pourrait se révéler irréversible.

En considération de ce qui précède, nous serions tentés de penser que toutes les fois que ce sont les titulaires d'influences de différentes natures qui sont mis en cause, c'est la donnée prescription qui est visée par le recours au classement sous prétexte des raisons d'opportunité, étant entendu que ces genres de classement sont, pour la plupart des cas, initiés ou ordonnés par les supérieurs hiérarchiques des magistrats en charge du dossier ou par l'autorité politique. Donc, le caractère provisoire n'est pas une raison suffisante pour priver la victime du droit de contester une décision prise souvent en toute opacité. En comptant sur la bonne foi du ministère public, c'est un risque dont on saurait mesurer son ampleur, alors même que la méconnaissance du droit de recours reste discutable.

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143BARRICAND (J) et SIMON (A-M), Droit pénal procédure pénale, Paris, 6e édition, Dalloz, 2018, P.257

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PARAGRAPHE 2 : La méconnaissance discutable du droit de recours contre le classement sans suite

Le refus de reconnaitre à la victime le droit d'exercer un recours contre un classement ne se justifie pas toujours au regard de la nature administrative de la décision (A) et de ses effets (B).

A- Un possible recours en vertu de la nature administrative de la décision de classement sans suite

Le rejet de voie de recours contre la décision de classement n'a aucun fondement légal. Tout d'abord, le code de procédure pénale est muet sur la question, c'est-à-dire ne l'autorise pas et ne l'interdit pas. En droit, on dit souvent que ce qui n'est pas interdit est permis. Dans le silence de la loi, étant donné que la voie de recours est une garantie contre les décisions prises par les autorités judiciaires, elle ne doit pas être exclue. Ni le caractère provisoire, ni le caractère discrétionnaire du classement comme souligné ci-haut ne saurait justifier le rejet de voie de recours contre cette décision. Sa nature administrative et unilatérale suffit à reconnaitre à la victime le droit de la contester légalement.

La question qui vaut la peine d'être posée est de savoir : quelle est la nature du recours recevable contre un classement sans suite ? Faut-il admettre un recours juridictionnel ou un recours administratif ? Il est généralement admis que le classement sans suite n'est pas un acte juridictionnel pour qu'il soit soumis à l'appréciation d'un juge. Le refus du recours juridictionnel permet d'éviter l'immixtion du juge dans les fonctions de poursuites en vertu du principe de la séparation des fonctions judiciaires. Les tribunaux répressifs n'ont pas qualité d'apprécier la légalité ou l'opportunité des actes posés par le parquet.

Au regard de la nature administrative de la décision, il est de bon aloi que le classement sans suite soit soumis au régime juridique des actes administratifs unilatéraux notamment le recours administratif (le recours gracieux ou hiérarchique). Le recours juridictionnel cependant n'est pas plausible puisque le juge administratif n'est pas compétent pour contrôler la légalité des actes pris par le ministère public. Comparativement à la France, la seule voie de recours à admettre reste hiérarchique devant le procureur général. Ce dernier reste libre de prendre des réquisitions aux fins de poursuites « sans que puisse y faire échec une décision antérieure de classement

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sans suite144 ». En présence d'un tel recours, peut-on parler encore d'appréciation de l'opportunité des poursuites qui par définition échappe à tout encadrement ? Le contrôle de l'opportunité ne risque -t-il pas de se fondre dans un contrôle de légalité145?

Le contrôle d'appréciation devrait se faire à l'égard de son but d'intérêt général, de ses motifs de droit et de fait, en vérifiant si l'activité administrative n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation de l'opportunité de ne pas donner une suite judiciaire à une infraction qui lui a été révélée146.

Donc, toute personne dont sa plainte a été classée sans suite devrait former un recours auprès du Procureur Général contre la décision de classement sans suite prise à la suite d'une plainte. L'objectif du recours est de contrôler, d'évaluer l'activité du parquet, le bien-fondé de sa décision, de redresser les abus. Le Procureur Général, en recevant le recours, doit apprécier l'opportunité des poursuites pour infirmer la décision prise en enjoignant le Procureur de la République par instructions écrites, d'engager les poursuites sans délai, ou le rejeter dans le cas contraire.

L'admission de cette voie soulève deux problèmes liés au principe de la subordination hiérarchique qui gouverne le ministère public et à la cartographie judiciaire congolaise.

Le principe de la subordination hiérarchique veut que le magistrat inférieur soit soumis à son chef hiérarchique tel le Procureur de la République est soumis au procureur général. Ce principe se traduit par deux composantes : l'obligation de rendre compte et l'obligation de se conformer aux instructions reçues. Le Procureur de la République travaille sous le contrôle et la surveillance de son supérieur hiérarchique à qui il rend compte, reçoit les instructions et s'y conforme. Il est simple à comprendre que si l'instruction de classer une affaire venait du procureur général pour des raisons personnelles, le recours formé contre une telle décision est voué à l'échec. Il n'y a aucune garantie qu'une décision prise par le ministère public soit remis en cause par le ministère public qui est régi par le principe de l'indivisibilité pour ne pas dire de la solidarité. Il n'est pas sûr que cette mesure réponde à la crainte des ordres de classement sans suite147.

144 Cass. Crim., 12 mai 1992, Bull. Crim. N°186, D.1992 p.426, note Mayer

145 LE ROY (J), procédure pénale, op. cit. p. 210

146 THOUROUDE (J), Vers un déclin du principe de l'opportunité des poursuites, dans Gazette du Palais, 1981, Doctrine.P.496

147 Ibidem

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La deuxième préoccupation est liée à la situation géographique des cours et tribunaux. Pour les localités qui réunissent à la fois le tribunal de grande instance et la cour d'appel, cette voie de recours peut être exercée sans obstacle géographique. Qu'en est-il des départements qui n'ont pas de cours d'appel comme Impfondo ? Combien le plaignant faudrait-il payer et quelle distance devrait-il parcourir pour user de son droit de recours ? Cet obstacle géographique ne faciliterait pas cette démarche. D'où la nécessité de prendre en ligne de compte les droits du plaignant en instaurant au sein même de chaque Tribunal de grande instance une autorité incarnant l'opportunité des poursuites autre que le ministère public qui traitera cette question.

B- L'admission de voie de recours en vertu des effets de la décision de classement sans suite

Lorsqu'une procédure pénale aboutit à un classement sans suite, cela signifie que le Procureur de la République, après avoir examiné les éléments de l'enquête, a décidé de ne pas poursuivre l'auteur présumé des faits. Il n'existe aucun recours possible pour la victime contre la décision du Procureur de la République de ne pas mettre en mouvement l'appareil répressif, alors même que des éléments de preuve attestent que le suspect a commis une infraction. La perspective de justice pour certaines victimes se trouve ainsi assombrie puisqu'elles font rarement recours aux procédés mis à leur disposition pour enclencher les poursuites. Face au silence du ministère public ou à sa décision de classement, les victimes perdent espoir et n'envisagent pas souvent d'initier d'autres démarches. Généralement, la position du ministère public est considérée par les victimes comme une décision fatale qui verrouille l'accès à la justice pénale.

Il est essentiel qu'une telle décision, à caractère dissuasif et produisant des effets à l'égard des parties en fonction de la situation qui se présente, soit attaquée.

Lorsqu'une personne poursuivie n'a pas été placée en détention préventive pendant l'enquête, après le classement sans suite, elle devient libre de ses mouvements et n'aura pas de casier judiciaire mentionnant les faits pour lesquels elle était soupçonnée. Par contre, quand une personne mise en cause a été incarcérée pendant l'enquête, elle sera libérée, sauf si elle doit être maintenue en détention pour une autre affaire. Dans l'hypothèse où il y avait des objets saisis, ils doivent être restitués à leur propriétaire. Cette procédure pose également un problème si jamais la victime décide

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de mettre en mouvement l'action publique alors que les objets saisis pouvant servir d'éléments essentiels de preuves sont restitués au suspect ; il y a une forte probabilité que le prévenu prenne la fuite et les objets saisis soient distraits ou détruits par le suspect ou ses complices. Une telle situation soulève une inquiétude si le plaignant décide d'engager les poursuites alors que le prévenu n'incarne pas les garanties de représentativité et les objets saisis sont déjà restitués. La liberté devrait être conditionné par l'épuisement de voie de recours engagée par le plaignant devant le Procureur Général et la juridiction répressive sous réserve du respect des droits de la défense.

Pour la victime présumée des faits, le classement peut être difficile à accepter si elle considère que les faits ont bel et bien eu lieu, qu'elle n'a pas eu de suite judiciaire, et le prévenu est mis en liberté. Quand bien même la victime dispose des garanties légales pour contourner la décision du ministère public, il est aussi vrai que cette possibilité n'est pas toujours envisageable en raison du coût financier et des exigences légales à observer. La plainte déposée au parquet est une procédure moins formaliste et moins couteuse pour avoir accès à un juge parce que le ministère public est l'organe étatique de poursuite qui exerce sa mission avec les ressources allouées par le gouvernement, pour l'accomplissement de cette tâche. Par contre, engager une démarche personnelle en se constituant partie civile devant le juge d'instruction ou saisir directement le juge de jugement, reste un casse-tête.

Le droit de recours face au classement sans suite reste nécessaire pour pouvoir obtenir la révision de la décision prise par le premier magistrat si c'est possible, de vérifier la transparence dans laquelle, elle a été prise et de respecter le principe du double degré de juridiction mis en musique par le mécanisme d'appel. Il constitue une garantie fondamentale des droits des justiciables, non seulement à l'occasion des déclenchements de poursuite, mais aussi en cas de classement sans suite, en veillant à ce que les décisions rendues par le ministère public, qui peuvent être entachées d'insuffisances, d'erreurs, d'abus, d'arbitraire et d'injustice, fassent l'objet d'un second examen.

De même, du seul fait de savoir que sa décision pourrait être reformée par le procureur général, le Procureur de la République serait incité à redoubler de zèle et de conscience professionnelle. En plus de son rôle réformateur, le Procureur Général joue directement un rôle de surveillance et d'appréciation de la compétence technique

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et morale des parquetiers placés sous son autorité. Ces décisions vont servir d'éléments d'appréciation des qualités morales et techniques du Procureur de la République pour sa notation.

Tant que le Procureur de la République disposera seul du pouvoir de classement sans suite, sans recours possible offert à la victime pour contrer son silence ou son refus de poursuivre, le spectre du manque d'impartialité dans le choix des poursuites restera dans les esprits et hypothéquera toujours l'oeuvre de la justice pénale148. Néanmoins, la victime dispose de la possibilité de mettre en mouvement l'action publique, par le procédé de constitution de partie civile devant le juge d'instruction ou la citation directe devant la formation de jugement, forçant ainsi la main au Procureur de la République. Cependant, cette option ne doit diluer le droit pour la victime de contester la décision du ministère public et empêcher de réaliser que ces différents procédés placés entre les mains de la victime restent tout de même inefficaces pour assurer l'aboutissement de l'action initiée.

Eu égard à ce qui précède, il convient de souligner que l'objet du dépôt de plainte par la victime d'une infraction aux services du parquet de la République vise avant tout, à d'obtenir le déclenchement des poursuites, la tenue du procès, le prononcé de la décision, bref une réponse pénale. Cependant, toutes les plaintes ne conduisent pas systématiquement à une décision de justice, en raison de l'opportunité des poursuites dont dispose le ministère public. Il peut décider d'engager les poursuites ou de classer sans suite.

La décision de classement sans suite relève du pouvoir discrétionnaire du Procureur de la République. Il décide en toute liberté du choix du motif, du moment, de la forme et de la notification de la décision sans pouvoir se justifier alors que, la motivation permet d'expliquer clairement, précisément et complètement les raisons pour lesquelles il a décidé de ne pas poursuivre l'auteur présumé des faits. Bien plus, sa décision est insusceptible de voie de recours. Ce dispositif permet certes au ministère public d'agir sans avoir les mains liées, il ouvre néanmoins une porte aux abus, qui

148 LE GALL (E), L'opportunité des poursuites du Procureur international : Du pouvoir arbitraire au contrôle insuffisant, Revue internationale de droit pénal, op. cit.p.504

posent un véritable défi à l'État de droit et entravent la réalisation des objectifs de prévention et de répression de la délinquance, qui ne cesse de croître.

Lorsqu'une affaire est classée sans suite pour des raisons apparemment arbitraires, floues ou discriminatoires, cela nuit à la crédibilité du système répressif. Les citoyens ont le sentiment que la justice pénale est sélective : d'un côté, il y a ceux qui échappent aux poursuites en raison de leur pouvoir politique, administratif, économique ou social, et de l'autre, il y a les victimes du système, qui subissent les conséquences de la loi pénale de manière implacable. Enfin, il y a ceux qui ne peuvent obtenir justice parce que le système judiciaire est débordé, sourd, inaccessible, déroutant, invisible et illisible149.

Cette situation soulève des questions essentielles sur l'équité et l'efficacité de notre système judiciaire. L'exercice du pouvoir discrétionnaire conduisant à l'abandon des poursuites, loin de toute référence à la légalité appelle à rechercher une thérapie ou les pistes pour son amélioration afin de garantir une justice équitable et transparente pour tous.

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149Rapport du sénat français « Les infractions sans suite ou la délinquance mal traitée » disponible sur https:/ www.senat.fr/rap/r97-513/r97-513-mono.html

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DEUXIEME PARTIE

LES PERSPECTIVES D'AMELIORATION DU REGIME

JURIDIQUE DU CLASSEMENT SANS SUITE

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En tenant compte des insuffisances du régime juridique du classement sans suite qui exposent les plaignants aux abus du ministère public, et de l'absence des procédures efficaces pouvant servir d'alternative et de contrepoids au pouvoir de classement du ministère public, il est nécessaire d'envisager les pistes de solutions afin de remédier aux faiblesses du système actuel.

Les perspectives envisagées toucheront l'autorité détentrice du pouvoir d'opportunité des poursuites et les procédures pouvant servir de rempart contre les décisions de classement moins convaincantes. Le Procureur de la république étant un magistrat soumis et défendant les intérêts d'un pouvoir exécutif, il n'incarne pas les garanties d'indépendance et d'impartialité150. Par son pouvoir non règlementé, il peut classer sans suite et sans raison valable une plainte, et obstrué l'aboutissement des procédures susceptibles de remettre en cause sa décision par une simple inaction car elles sont soumises à son empire. Ce qui nous amène à proposer la redéfinition de l'autorité de l'opportunité des poursuites jouissant d'une indépendance (Chapitre I) et le renforcement des procédures susceptibles de servir d'alternative efficace au classement, en raison de leur inféodation au pouvoir du ministère public et des faiblesses constatées (Chapitre II).

150BATONON (C), Etude critique de l'opportunité des poursuites dans les législations béninoise et française, Thèse, 2017, tiré de son résumé

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CHAPITRE I : LA REDEFINITION DE L'AUTORITE INCARNANT LE POUVOIR D'OPPORTUNITE DES POURSUITES

Comme souligné ci-haut, le Procureur de la République ne jouit pas de l'indépendance en raison du principe de la subordination hiérarchique qui le rattache du pouvoir exécutif par le biais du ministre de la justice. Pour garantir une bonne administration de la justice, il sied de mettre sur pied un système dans lequel le procureur de la République n'a pas la marge de manoeuvre, du moins, un système où il a une liberté réduite et limitée. Il reçoit les plaintes et les transmet directement à un juge indépendant et impartial, qui décide si l'infraction est constituée ou non151. Ce juge que nous qualifierons de juge d'opportunité des poursuites appréciera les plaintes et les dénonciations reçues par le ministère public et décidera de la suite à donner (Section 1), alors que le ministère public sera relégué à sa fonction de poursuite (Section 2).

SECTION 1 : L'instauration d'un juge d'opportunité des poursuites

Le juge d'opportunité sera une juridiction au sein du tribunal de grande instance, placée sous le pouvoir de la chambre d'accusation, qui contrôlera ses actes par voie d'appel. Il aura des pouvoirs (Paragraphe 1) et des obligations qui tiendront compte des droits des plaignants (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : Les pouvoirs du juge d'opportunité des poursuites

Le juge d'opportunité des poursuites exercera ses pouvoirs qu'après avoir reçu la communication des plaintes de la part du ministère public. Pratiquement, le ministère public ne se contentera pas de la transmission des plaintes reçues de la part des victimes au juge d'opportunité des poursuites, dont les informations pourraient paraitre insuffisantes. Il sera de son devoir de demander à la police judiciaire, de lui faire parvenir des renseignements supplémentaires (la victime, moins bien placée, ne dispose pas d'une telle possibilité) qu'il juge utile. Apres la réunion des éléments nécessaires d'appréciation de l'affaire, il doit procéder à la transmission du dossier

151Idem

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complet, avec les éléments nécessaires au juge d'opportunité, qui appréciera la légalité (A) et l'opportunité (B) des poursuites.

A- Le pouvoir d'appréciation de la légalité des poursuites

L'appréciation de la légalité des poursuites est un exercice qui permet au juge de s'assurer que les poursuites pénales engagées contre une personne, sont conformes aux lois et aux règles de procédure en vigueur. Le principe de la légalité criminelle exige que les crimes et délits soient légalement définis avec clarté et précision ainsi que les peines qui leur sont applicables. Au terme de ce principe, l'action publique ne peut être engagée qu'en vertu d'un texte de loi existant. En l'absence des dispositions légales qui répriment un comportement déviant, le juge ne saurait décider de la mise en mouvement de l'action publique contre une personne152puisqu'il est tenu de viser le texte de prévention et de répression. Le classement sans suite demeure la seule option dans cette hypothèse. Le vide juridique en matière répressive donne des excuses à l'auteur du fait décrié et paralyse la mise en mouvement de l'action publique. Une poursuite n'est donc valable que si l'on s'en tient au principe de la légalité.

L'analyse de la légalité se fait sur des éléments objectifs. Lorsqu'une infraction sera portée à la connaissance du juge d'opportunité des poursuites, celui-ci doit vérifier si toutes les conditions juridiques sont réunies pour permettre la poursuite de cette infraction. Il doit vérifier d'abord l'existence de l'infraction, c'est-à-dire rechercher si les faits qui lui sont présentés comme ayant un caractère pénal constituent réellement une infraction en les qualifiant pour voir s'ils tombent bien sous le coup d'une disposition précise de la loi153. On ne saurait engager une poursuite sans le moindre soupçon de la commission d'une infraction. Généralement, les particuliers déposent les plaintes à la police ou au Parquet pour lui signaler des situations très diverses, dont bon nombre ne constituent pas des infractions pénales. Ainsi, certains portent plainte pour solliciter le divorce, d'autres le paiement de leur dette.

Dans le cas où l'analyse juridique des faits révèle que les éléments constitutifs de l'infraction ne sont pas réunis, l'ordonnance de classement s'impose, car toute décision de poursuite conduirait à une décision de relaxe de la part de la juridiction de jugement

152BAMBA (S.L), Le déroulement du procès pénal : Essai de droit comparé CONGO/France, L'Harmatan, 2019, Paris, p.267

153 Crim. 20 janv. 1977, Gaz. Pal. 1977-2-381.

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qui serait saisie. Il faut éviter d'encombrer le rôle des tribunaux avec des poursuites que tout magistrat expérimenté estimerait vouées à l'échec, parce qu'il existe des éléments de preuve relatifs à chacun des éléments constitutifs de l'infraction. La difficulté est que cela suppose qu'il est possible de calculer mathématiquement les chances de voir la poursuite aboutir, ce qui n'est pas réaliste. On éviterait malheureusement que certaines poursuites ne soient pas intentées même si elles devraient l'être dans l'intérêt public, parce que les chances de condamnations ne sont pas très grandes. La poursuite doit être dans une mesure raisonnablement susceptible d'entrainer une condamnation. C'est dans cette optique que la décision de poursuite ne soulève pas trop d'inquiétude, du fait qu'elle est prise après avoir cru qu'il existe des preuves au vu desquelles le juge de jugement pourrait condamner le prévenu.

La deuxième analyse doit porter sur la caractérisation de l'infraction. Il ne suffit pas d'alléguer l'existence d'une infraction. Il faut qu'elle soit suffisamment caractérisée par ses trois éléments à savoir légal, matériel et moral. Dans le cas où l'infraction évoquée est insuffisamment caractérisée et donc susceptible de conduire à une poursuite débouchant sur une relaxe ou un acquittement, la règle veut que le doute profite à l'accusé. S'il apparaît au juge que le délinquant a toutes les chances d'être relaxé par le tribunal en raison de l'insuffisance des charges, force est pour lui de classer l'affaire sans suite.

Dans le cas où les faits constituent une infraction, le juge doit déterminer s'il n'existe pas des obstacles juridiques empêchant le déclenchement des poursuites tels qu'une cause d'extinction de l'action publique, un fait justificatif, une immunité, l'irresponsabilité pénale de l'auteur, par suite notamment d'un trouble psychique ou de son état de légitime défense.

Après avoir contrôlé que la situation qui lui a été signalée constitue une infraction à la loi pénale et qu'aucun obstacle juridique n'interdit la poursuite, le juge va devoir décider qui sera poursuivi en qualité d'auteur, de coauteur ou de complice de l'infraction en question et si les agissements ont eu lieu avec l'intervention d'une personne morale, il faudra déterminer si la poursuite s'appliquera aux personnes physiques et à la personne morale154. En effet, il ne suffit pas d'avoir constaté l'existence d'une infraction

154 BOULOC (B), Procédure pénale, op. cit. p.581

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susceptible d'être poursuivie, il faut également pouvoir la mettre à la charge de celui qui l'a commise. En cas de non-identification de l'auteur de l'infraction, la poursuite peut être considérée comme possible dès l'instant où l'infraction a été constatée. Il reviendra au juge de rendre une ordonnance de classement ou de poursuite. En cas d'ordonnance de poursuite, le ministère public pourrait donc envisager une ouverture systématique d'information contre x, en espérant que les investigations menées sur commission rogatoire du juge d'instruction pourraient conduire à la découverte de l'auteur.

L'appréciation de la légalité peut porter aussi sur différents aspects de la procédure, par exemple la compétence du tribunal à connaitre de l'affaire, c'est-à-dire la compétence d'attribution et la compétence territoriale en fonction de la qualification retenue ; la légalité des preuves obtenues dans le cadre de l'enquête ; la validité de l'acte d'accusation. En cas de constat d'illégalité, le juge d'opportunité rend une décision d'irrecevabilité de la poursuite par un classement sans suite.

L'appréciation de la légalité des poursuites est une garantie importante pour assurer que les poursuites pénales sont menées conformément aux lois et aux règles de procédure. Elle permet de protéger les droits des personnes accusées et de garantir que la justice est rendue de manière équitable et impartiale. Apres l'examen de la légalité de la poursuite, le juge doit se pencher sur la question d'opportunité des poursuites.

B- Le pouvoir d'appréciation de l'opportunité des poursuites

L'appréciation de l'opportunité des poursuites est une garantie importante pour assurer l'équité et l'efficacité du système judiciaire. Elle permet de concentrer les ressources judiciaires sur les affaires les plus graves. Toutefois, cette appréciation doit être effectuée avec prudence et discernement, afin d'éviter tout abus et partialité. Il sied de rappeler que le système d'opportunité des poursuites s'oppose à celui de la légalité de poursuites adopté par certains pays. Dans ce système, il est organisé une poursuite systématique de toutes les infractions qui parviennent à la connaissance du ministère public. Les défenseurs de ce système lui reconnaissent l'avantage de la certitude de la poursuite et de l'égalité des particuliers devant la justice sur l'ensemble du territoire national. Mais à l'opposé du système de l'opportunité des poursuites, il a à son passif, l'encombrement des juridictions et, en conséquence, le ralentissement de la réponse

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attendue à la suite de l'infraction commise. Or, le principe de l'opportunité des poursuites donne au magistrat le pouvoir de classer une procédure sans suite alors même que l'infraction existe et que son auteur est connu afin de lui permettre d'adapter sa décision aux situations au cas par cas.

L'appréciation de l'opportunité des poursuites va permettre au juge de décider s'il est opportun de poursuivre une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction, même si les preuves sont suffisantes pour justifier la mise en mouvement de l'action publique. Cette appréciation de l'opportunité des poursuites doit être basée sur des critères transparents limitativement énumérés par la loi pour éviter les abus et faciliter leur utilisation par le juge et leur contrôle par les citoyens et d'autres autorités judiciaires. En laissant au juge la latitude de choix d'un motif opportuniste pour justifier l'abandon des poursuites alors que l'infraction est établie et l'auteur identifié ne garantit pas la bonne utilisation de son pouvoir. Cela pourrait accroitre sensiblement le pouvoir du juge parfois au détriment des victimes d'infractions qu'on condamne dans le système actuel. L'on voit également le risque d'arbitraire et d'inégalité entre les particuliers dans la mesure où sur le territoire national, deux affaires similaires peuvent ne pas recevoir la même réponse en deux endroits différents pourtant régis par le même droit.

La faculté de classement en dépit des garanties qui devraient l'entourer doit être utilisée à bon escient. Cette faculté de classement qui sera accordée au juge doit être utilisée avec réflexion et prudence et exige de sa part des références éthiques et morales lui évitant de tomber dans l'arbitraire ou la faiblesse, de donner libre cours à ses préjugés, voire même de se laisser emporter par la crainte ou l'amitié. Il importe qu'en toute circonstance, le juge évite de donner le sentiment d'impunité au délinquant, le sentiment d'abandon à la victime et l'impression de laxisme à ses concitoyens155. L'appréciation de l'opportunité ne doit plus être prise comme un pouvoir discrétionnaire mais comme une compétence liée aux critères définis d'avance par le législateur. Lorsque la poursuite présente des chances raisonnables de succès, le juge doit se demander s'il ne serait pas malgré tout préférable, au regard de l'intérêt public, de s'abstenir de l'intenter. Les motifs d'abstention qui nous paraissent raisonnables sont liés à la gravité de l'infraction, au trouble que la poursuite pourrait

155DROPET (O), Rapport sénat français, op. cit.

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entrainer à l'ordre public, la démarche positive effectuée par le présumé auteur pour les petites infractions. Autrement, le juge peut classer les infractions de moindre gravité156, celles dont la poursuite causerait un préjudice plus considérable, nuisant à la paix sociale que l'impunité accordée au délinquant157, ou celles que l'auteur a remboursé la victime.

Attention, de tels classements poseraient des problèmes s'ils ne sont pas accompagnés des mesures alternatives aux poursuites sanctionnées par un acte éteignant l'action publique et le droit de la victime à mettre en mouvement l'action publique. Le classement n'est pas une solution au litige, mais une mesure administrative provisoire, révocable, qui n'a pas l'autorité de la chose jugée et n'empêche pas à la victime d'engager l'action publique, ni au juge de revenir sur sa décision en cas d'éléments nouveaux produits par le ministère public. Si le juge ne veut pas que l'ordre public soit troublé davantage par les poursuites, s'il estime que l'atteinte portée à l'ordre public est minime, que la réparation est déjà intervenue, que les faits sont bénins, il va falloir trouver une solution définitive. Le juge peut vouloir protéger l'ordre public, mais la victime pour ses intérêts privés ou le désir de vengeance ne s'abstiendra pas toujours à engager les poursuites. Généralement, la victime souhaite d'une part, la déclaration de culpabilité qui reconnaît la faute de l'infracteur à son égard et, d'autre part, la condamnation à une peine par laquelle le coupable sera en mesure de ressentir à son tour la souffrance qu'il a généré158.

Il va devoir reconnaitre au juge le pouvoir d'organiser une médiation159 pour régler la question des dommages intérêts et éviter que la victime mette en mouvement l'action

156La gravité de l'infraction pourrait commander un classement sans suite. Cette considération revêt le mérite de désengorger les juridictions répressives. Le juge pénal n'a donc qu'à se consacrer aux affaires qui mettent en exergue une criminalité d'un niveau assez élevé et qui appellent une répression exemplaire. En cas de commission d'une infraction, le juge doit apprécier au regard des éléments en rapport avec ladite infraction, la valeur positive des poursuites qu'il est appelé à engager. Ainsi, les infractions qui n'ont pas gravement troublé l'ordre social peuvent être classées à l'instar du vol d'un petit biscuit.

157 Il est admis que certaines poursuites pénales peuvent causer un malaise plus grand et produire un préjudice plus considérable que le dommage résultant de l'infraction. Il peut arriver que dans certaines situations, la répression serait plus nuisible à la paix sociale que l'impunité accordée au délinquant par le classement. Ainsi, en cas de coups et blessures entre époux, si les deux antagonistes se sont réconciliés, il peut être préférable de classer car une poursuite risquerait de cristalliser le différend et de l'envenimer. Pour certaines infractions, si l'auteur de l'infraction a spontanément, de lui-même, remboursé la victime, le juge peut classer. L'exemple de l'escroquerie au cas où l'escroc a remboursé les choses de moindre valeur prises.

158YAYA (A), La victime au regard des mutations contemporaines du procès pénal, disponible sur www.annalesumng.org

159 En droit français, le procureur de la République peut préalablement à sa décision sur l'action publique faire procéder à une action de médiation entre l'auteur des faits et la victime, si elles donnent leur accord. Si la

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publique au moment où cela lui semblerait bon. Cette mesure doit être subordonnée à l'accord de la victime après une juste et complète réparation. Le juge appréciera la fourchette de la réparation causée par l'infraction. Si le juge arrache un accord entre les parties, et que la réparation a eu lieu, le juge rend une ordonnance de conciliation éteignant l'action publique. Elle ne peut être remise en cause. Au cas où l'auteur n'arrive pas à honorer ses engagements dans les délais, le juge rend une ordonnance de poursuite contre ce dernier. Le juge d'opportunité n'aura pas que les pouvoirs mais aussi les obligations qu'il convient d'examiner avec les droits qu'on doit reconnaitre aux parties impliquées dans la procédure.

PARAGRAPHE 2 : Les obligations du juge d'opportunité des poursuites et les droits des parties

L'autorité chargée de décider de l'opportunité des poursuites doit être soumise à certaines obligations après avoir pris sa décision (A). Les parties au litige doivent de leur côté bénéficier de certains droits après la décision de classement sans suite (B).

A- Les obligations du juge d'opportunité des poursuites

Le juge d'opportunité des poursuites doit être une autorité indépendante investie des pouvoirs juridictionnels. Il sera tenu de traiter les plaintes dans un délai d'un mois après la réception du dossier venant du ministère public. La définition du délai de décision permet d'éviter une lenteur injustifiée qui « érode l'image de la justice, ronge sa notoriété et peut, si l'on n'y prend garde, ruiner sa crédibilité160 ». La décision sur l'action publique doit être prise dans un certain délai161 pour des raisons de célérité. Celle-ci est la qualité d'une justice qui ne perd pas inutilement de temps, et qui se déroule normalement. Elle consiste à avoir un temps de réaction bref, de nature à faire prendre conscience aux citoyens victimes, que l'institution judiciaire se préoccupe de leur sort162.

médiation réussit, procès-verbal est dressé, dont une copie est remise aux parties. Si l'auteur des faits ne paye pas à la victime des dommages intérêts prévus dans la médiation, ce procès-verbal permet à la victime d'en poursuivre le recouvrement conforment à la procédure d'injonction de payer. En cas de non-exécution de la mesure, le procureur de la République engage les poursuites ou met en oeuvre une autre mesure (Art. 41-1 du CPP).

160Le discours du Président de la République Denis SASSOU NGUESSO prononcé le 17 janvier 2024 à l'occasion de l'audience solennelle de rentrée judiciaire de la cour suprême disponible sur https://gouvernement.cg

161 PRADEL (J), La durée des procédures, Rev. pénit. avril 2001 ( n° 1 ), p. 148 et s.

162 SEGAUD (J), ESSAI SUR L'ACTION PUBLI, op.cit. p.109

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Après l'examen des éléments du dossier, le juge peut rendre une ordonnance de poursuite ou de classement sans suite. En cas d'ordonnance de poursuite, il doit la transmettre sans délai au ministère public qui rédigera l'acte d'accusation et engagera les poursuites en choisissant l'un des modes de poursuite qui lui parait convenir dans un délai de dix (10) jours. Cette procédure semble sans doute la plus juridiquement exacte, puisque le juge ne mettra pas en mouvement l'action publique. Il reviendra à l'organe de poursuite de le faire en choisissant la juridiction à saisir.

Le juge sera tenu d'informer la victime de sa décision de poursuivre y compris du délai imparti au ministère public pour mettre en mouvement l'action publique. En cas d'inertie du ministère public, la victime pourrait saisir la chambre d'accusation qui ordonnera les poursuites immédiates.

Si le juge rend une ordonnance de classement sans suite, il doit la notifier au ministère public, à la victime et au prévenu s'il était identifié. Cette ordonnance est susceptible de recours devant la chambre d'accusation, qui appréciera son bien-fondé. Seul le ministère public et la victime peuvent la contester dans un délai de quinze (15) jours après leur notification. Saisie du recours de l'ordonnance de classement sans suite, la chambre d'accusation peut confirmer l'ordonnance ou l'annuler. En cas d'annulation, elle rend une ordonnance de poursuite qui sera immédiatement transmise au ministère public pour l'engagement des poursuites. En cas de confirmation, la procédure s'arrête, le ministère public reprend le dossier qu'il gardera dans ses archives pour une éventuelle reprise des démarches de poursuite en cas d'éléments nouveaux jusqu'à la prescription de l'action. Quant à la victime, elle peut envisager d'autres voies de poursuite ou la voie civile.

La décision de classement doit être motivée en droit et en fait pour éclairer la victime et le ministère public sur les raisons pour lesquelles le juge a décidé de ne pas poursuivre l'auteur présumé de l'infraction, et leur permettre d'envisager les voies de recours s'ils le souhaitent contre ladite décision. L'obligation de motiver les décisions de justice doit être sacralisée. Nul magistrat ne peut l'éluder163.

L'adoption de cette obligation répondrait à l'exigence de transparence. Il est indispensable de pouvoir éclairer la décision de classement au regard de sa

163 Le discours du Président de la République Denis SASSOU NGUESSO prononcé le 17 janvier 2024 à l'occasion de l'audience solennelle de rentrée judiciaire de la cour suprême disponible sur https://gouvernement.cg

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motivation. Une autre considération est celle de renforcer l'information (droit à l'information) des justiciables. Cela permettra à ces derniers de prendre connaissance des informations relatives au classement sans suite, non seulement en étant informés de la décision de classement, mais aussi, en obtenant le motif de classement. Ce faisant, ils pourront adopter une opinion quant à la décision du juge et, au besoin, décider d'envisager de saisir directement les juridictions compétentes164.

La motivation doit être claire, précise et détaillée, afin de permettre de comprendre les éléments qui ont été pris en compte par le juge, dans sa décision de classer l'affaire sans suite, de garantir le respect des principes de transparence et d'impartialité de la justice, de montrer que le juge a agi de manière objective et impartiale dans l'exerce de son pouvoir discrétionnaire.

En outre, pour favoriser l'équité, la cohérence et l'efficacité de l'action du ministère public, le législateur doit arrêter des principes et des critères généraux servant de référence guidant les prises décisions dans les affaires individuelles afin d'éviter tout arbitraire et la disparité dans le processus de prise de décisions. Ces critères éviteront qu'un même genre d'affaire ne soit pas systématiquement poursuivi dans tel parquet et classé par tel autre, ou fasse l'objet de types de procédures dissemblables ou soit encore qualifié différemment. De tels critères doivent être déterminés de manière qu'ils puissent jouer effectivement le rôle que l'on en attend, sans présenter une rigidité telle qu'ils feraient obstacle à la nécessaire appréciation dans chaque cas d'espèce et en fonction des situations locales, ou pourraient être utilisés par les délinquants pour agir impunément en marge du système.

Pour les classements dictés par les considérations d'opportunité tels que le caractère bénin de l'infraction, l'existence d'une réparation faite déjà par le suspect, la poursuite causerait plus de trouble à l'ordre public que l'abstention, le juge sera tenu d'organiser une médiation pour trouver une solution amiable définitive, mettant fin à l'action publique et civile. Cet accord sera sanctionné par une ordonnance de conciliation.

Il faut admettre que s'il faut s'en tenir qu'à la décision de classement sans suite, on oublierait qu'elle ne retire pas à la victime son droit de mettre en mouvement l'action publique. Il faut craindre que les considérations prises en compte par le juge ne puissent pas être du goût de la victime, qui pourrait être animée par un sentiment de

164SHANGO OKOMA (J.M), Le classement sans suite en droit procédural Congolais, op. cit.

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vengeance de voir son adversaire subir la rigueur de la loi. Donc, si le juge estime que les faits sont bénins, le présumé auteur a déjà procédé à la réparation, le délinquant est primaire, il doit trouver une solution extrajudiciaire, lorsque l'infraction est constituée et l'auteur identifié.

B- Les droits des parties à la procédure

Les parties qu'il convient de prendre en compte ici c'est le ministère public, la victime et l'éventuel prévenu. Les trois parties ont droit d'être informé de la décision rendue par le juge dans un délai de 15 jours. L'information est un droit fondamental pour les parties prenantes à une procédure judiciaire. Elle leur permet de prendre connaissance de la décision qui a été rendue par le juge. Elles ont un droit à une décision bien motivée justifiant les poursuites ou le classement sans suite. L'ordonnance de classement ne doit plus avoir une motivation formelle épinglant un motif de classement sans aucune justification, laissant les victimes dans une incompréhension totale, et parfois dans un questionnement assourdissant. Or, la justice doit, par la pertinence de ses décisions, convaincre, rassurer, sécuriser, bref, montrer son utilité165. La garantie et la sécurité juridique et judiciaire ne peuvent résulter que de la pertinence des décisions rendues en toute matière166.

En devenant une décision de justice, le classement sans suite doit expliquer aux parties le motif de classement et les raisons qui le soutiennent pour qu'elles comprennent. La clarté et la précision de la motivation vont déterminer la bonne attitude que les parties doivent adopter, inspireront une confiance en la justice, et il y aura de moins en moins de recours aux procédures alternatives au classement sans suite, si les parties comprennent bien la quintessence de la décision.

La décision de poursuite doit indiquer le délai durant lequel l'action publique doit être mise en mouvement par le ministère public, pour aider la victime à se préparer et le prévenu à préparer sa défense. S'agissant de la décision de classement, elle doit indiquer le délai d'appel et la juridiction compétente ; orienter la victime vers d'autres démarches, notamment la saisine du juge civil si elle souhaite obtenir uniquement la réparation des dommages subis, ou mettre en mouvement l'action publique, en se

165 Le discours du Président de la République Denis SASSOU NGUESSO prononcé le 17 janvier 2024 à l'occasion de l'audience solennelle de rentrée judiciaire de la cour suprême disponible sur https://gouvernement.cg

166Idem

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constituant partie civile devant le juge d'instruction ou en saisissant directement la formation de jugement par voie de citation directe.

Les parties ont droit à un appel. Ce droit d'appel sera réservé au ministère public et à la victime en cas de classement sans suite dans un délai de quinze (15) jours devant la chambre d'accusation. La décision de poursuite sera insusceptible de voie d'appel, étant donné qu'elle est considérée comme le principe et ne présage pas une condamnation. En cas d'abus dans la décision, les juridictions de jugement voire de cassation pourraient la corriger. Par contre, la décision de classement doit faire l'objet d'appel, car il met fin à une procédure dirigée contre une personne soupçonnée d'avoir troublé l'ordre public et violé les droits de la présumée victime. Dans la mesure où une telle décision est entachée d'erreurs ou d'abus, elle serait encourageante pour le présumé auteur et décevante pour la victime.

La victime aura le droit d'obtenir réparation pour des classements pour inopportunité des poursuites pour la préservation de l'ordre public et bien d'autres motifs sans pouvoir saisir une juridiction civile. Elle ne sera pas obligée d'accepter cette offre qui doit se faire de manière consensuelle.

Le prévenu a le droit d'être libre s'il était détenu. Il peut rester en détention en cas d'imminence de la saisine du juge par la victime tout en sachant que la liberté peut être sollicitée en tout état de cause. Le juge doit l'informer de la possibilité qu'à la victime de relancer les poursuites. Il doit rechercher les garanties de représentativité du prévenu si la victime ambitionne d'engager elle-même l'action publique. S'il y avait des objets des tiers saisis, le juge doit les restituer si aucune autre démarche est envisagée par la victime. Dans le cas contraire, il faut les confisquer pour éviter qu'ils soient dissimulés ou détruits en cas de la mise en mouvement de l'action publique par la victime. Le ministère public qui perd son pouvoir d'opportunité des poursuites ne reste pas en marge des poursuites. Il sera relégué à ses fonctions de poursuite.

SECTION 2 : La relégation du Procureur de la République à la fonction de poursuite

Il n'est pas aisé pour les magistrats du ministère public de consentir à la perte de leur pouvoir comme souligne le rapport du sénat français. « Il n'est pas question, bien entendu, de céder à quiconque la moindre parcelle de nos attributions légales, ni de

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transiger avec l'exercice de l'action publique qui ne se partage pas. Mais nous ne voulons pas pour autant nous priver de la possibilité d'agir en connaissance de cause dans la plénitude du pouvoir d'opportunité que nous confère la loi167 ». Peu importe l'hostilité affichée par les magistrats du parquet, cette évolution vaut la peine d'être soutenue, puisque le Procureur de la République n'incarne pas les garanties d'une justice indépendante et impartiale dans ses décisions de poursuites.

Dans le souci de protéger l'institution judiciaire contre tous les comportements pouvant nuire à son image, à son rayonnement et à sa bonne considération168, il parait nécessaire de confier les pouvoirs d'opportunité des poursuites à une autorité judiciaire indépendante, soumise à l'autorité de la loi169, et de confiner le ministère public à l'obligation de poursuite (Paragraphe 1), qui a une portée très significative (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : La soumission du ministère public à l'obligation de poursuite

La poursuite est un « acte procédural par le quel une partie à la procédure, exerçant son action, saisit une juridiction d'instruction ou de jugement, ouvrant ainsi le procès pénal170 ». Pour mieux remplir sa mission de poursuite, le ministère public ne doit être soumis qu'à l'exigence de poursuite en lui retirant la liberté d'appréciation de poursuite qui est souvent mal utilisée. L'exécution de cette obligation doit rester tout de même soumise à certaines conditions (A), pour sa mise en oeuvre (B).

A- Les conditions d'exécution de l'obligation de poursuite

Le Procureur de la République en perdant son pouvoir d'appréciation et d'initiative de poursuite, il garde tout de même sa posture d'autorité de poursuite conformément à la loi. L'obligation de poursuite est conforme à la mission naturelle dévolue au ministère public à la différence des missions d'instruction et de jugement confiées à d'autres organes de la justice pénale. Il n'est pas équitable de confier au ministère public le pouvoir de classer sans suite les affaires pénales ; ce qui va à l'encontre de ses

167HAENEL (H), Les infractions suites ou la délinquance mal traitée, disponible sur https://www.senat.fr

168 Le discours du Président de la République Denis SASSOU NGUESSO prononcé le 17 janvier 2024 à l'occasion de l'audience solennelle de rentrée judiciaire de la cour suprême disponible sur https://gouvernement.cg 169L'article 168-2 de la constitution du 25 octobre 2015 dispose : « Les juges ne sont soumis, dans l'exercice de leurs fonctions, qu'à l'autorité de la loi ».

170GUINCHARD (S) et BOUISSON (J), Procédure pénale, op. cit. p.961

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missions entant qu'organe de poursuite et non de jugement. « Le Procureur de la République procède ou fait procéder à tous actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale171 ».

Comme à l'accoutumée, il recevra les plaintes et les procès-verbaux relatifs aux infractions172. Apres avoir réuni les informations nécessaires relatives au dossier de la procédure, il le transmet dans un délai de deux mois, après la réception de la plainte, au juge d'opportunité des poursuites, qui appréciera et décidera de la suite à donner. Ce mécanisme n'est pas loin de celui prévu pour la poursuite des magistrats. Quand un magistrat est mis en cause dans une affaire pénale, le Procureur de la République qui reçoit une plainte n'a pas à apprécier l'opportunité des poursuites. Il transmet immédiatement le dossier au bureau de la Cour suprême qui apprécie l'opportunité des poursuites.

De même, en recevant une plainte, le Procureur de la République doit transmettre le dossier à un juge qui décidera des suites judiciaires. Cette attribution reconnue à ce juge renvoie à l'activité visant à décider de faire usage ou non de la possibilité juridiquement reconnue de s'adresser à un organe détenteur de la juridiction pénale pour qu'il tranche en droit une prétention émanant du droit de punir. S'il estime que toutes les conditions de recevabilité de l'action publique sont réunies, qu'elle parait bien fondée et qu'elle est opportune, il va rendre une ordonnance de poursuite, sans engager lui-même les poursuites. Il doit renvoyer le dossier au ministère public qui formule l'acte d'accusation et prend seul la décision sur la mise en mouvement de l'action publique dans un délai bien circonscrit par la loi.

Ce dispositif va permettre d'alléger la tâche du ministère public qui doit se consacrer aux poursuites, et d'éviter qu'il soit à la fois juge et partie et choisisse les adversaires avec qui se battre sur le terrain judiciaire et les victimes à défendre. Cette mission dévolue à un personnage judiciaire indépendant fera à ce que le ministère public assume sa mission de partie au procès, en laissant la décision de poursuite à un autre acteur qui sera neutre et ne prendra pas part au procès au nom du principe de la séparation des fonctions judiciaires.

171Article 29-1 du CPP 172Article 28 du CPP

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Le juge d'opportunité des poursuites assume la fonction de décision sur la mise en mouvement et l'exercice de l'action publique, alors que le Procureur de la République engage les poursuites et exerce l'action publique devant les tribunaux. Cependant, l'exercice par le ministère public de sa mission doit rester soumis à deux conditions : l'ordonnance de poursuite et le respect du délai imposé par la loi.

Le Procureur de la République ne peut engager les poursuites qu'après avoir reçu une ordonnance de poursuite. Il sera tenu d'engager les poursuites sans pouvoir se questionner sur l'opportunité des poursuites, une fois que l'ordonnance de poursuite est portée à sa connaissance. L'ordonnance de poursuite rend les poursuites légales et oblige le ministère public à mettre l'action publique en mouvement et à l'exercer. En lui retirant le pouvoir d'apprécier l'opportunité des poursuites, il reste l'accusateur public qui exerce l'action publique après l'avoir mise en mouvement.

Il sied de rappeler que le ministère public est le seul organe chargé d'exercer les poursuites devant les tribunaux et de requérir l'application de la loi au nom de la société. « Le ministère public exerce l'action publique et requiert l'application de la loi173 ». Il ne peut valablement refuser de le faire. Lorsque le juge rend une ordonnance de poursuite, le sort réservé au délinquant ne relève plus de l'appréciation du ministère public, car la décision ne lui appartient plus. Il lui appartient de saisir une juridiction répressive, de requérir sans pouvoir arrêter l'action publique, et au juge de décider. <<De ce que l'action publique appartient à la société et que le ministère public n'en a que l'exercice et non la disposition, il ressort que le ministère public n'a pas le droit d'arrêter les poursuites174»

Le Procureur de la République aura l'obligation de prendre sa décision relative à la poursuite dans un délai de dix (10) jours. Cela contribuera à la célérité procédurale et à la lutte contre l'inaction injustifiée du ministère public.

B- La mise oeuvre de l'obligation de poursuite

« La poursuite est l'exercice de l'action publique ; elle consiste à saisir d'un fait la juridiction répressive compétente ou à requérir un juge d'instruction afin qu'il instruise ; elle consiste encore à requérir tout au long de la procédure et éventuellement à

173Article 19 du CPP

174RUBBENS (A), Le droit judicaire congolais : L'instruction criminelle et la procédure pénale, op. cit. p.360

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exercer des voies de recours contre les décisions rendues175. » La poursuite peut donc être envisagée ici dans sa dimension matérielle, c'est-à-dire comme une suite d'actes ordonnés en vue du déclenchement et de l'aboutissement du procès pénal. « La poursuite n'est pas autre chose que l'aspect dynamique de l'action publique, envisagée à la fois dans sa mise en oeuvre et dans son exercice176 »

Le ministère public n'étant plus libre de déclencher les poursuites sans l'ordonnance du juge d'opportunité des poursuites, il reste soumis à l'impératif d'engager les poursuites dans un délai de dix (10) jours. L'ordonnance de poursuite n'imposera pas au ministère public le procédé de poursuite. Il reste libre de rédiger l'acte de poursuite qui saisit nécessairement un juge et de choisir le procédé ou « le mode de poursuite177 » qui lui parait raisonnable et le plus adapté à la nature et aux circonstances de l'affaire pour poursuivre le délinquant. Le choix qu'il effectue est laissé à sa libre appréciation178. En toute hypothèse, qu'elle consiste à saisir une juridiction d'instruction ou de jugement, la poursuite ne peut être opérée sans un acte qui, mettant en oeuvre l'action publique, comporte mention des faits reprochés à une personne dénommée ou non, des infractions que ces faits paraissent constituer, des textes d'incrimination et de répression qui les prévoient, en jonction du dossier de procédure sur lequel cette poursuite est fondée179.

Le Procureur de la République peut utiliser deux procédés pour engager les poursuites. Il peut solliciter l'ouverture d'une information via un réquisitoire afin d'informer (dit également réquisitoire introductif d'instance) qu'il adresse au juge d'instruction. Le réquisitoire décrit les faits reprochés, précise l'infraction qu'ils semblent constituer et mentionne, autant que faire se peut, l'identité des personnes poursuivies, il peut être délivré contre x. Notons que le procédé de l'information est le seul moyen possible de mettre en mouvement l'action publique lorsque l'auteur de l'infraction est inconnu. L'effet essentiel de l'utilisation du procédé de l'information est de saisir le juge d'instruction et de mettre en mouvement l'action publique.

Pour les affaires simples et peu importante, elles peuvent être portées à l'audience par voie de citation directe, mais les affaires délicates ne peuvent venir utilement devant

175FRANCHIMONT (M), Manuel de procédure pénale, op. cit. p.59

176 MERLE (R) et VITU (A), Traité de droit criminel. Procédure pénale, op. cit. n°1051

177 Crim. 27 avril 2011, N° de pourvoi : 11-90011

178 Crim. 26 avr. 1994, Bull. n°149.

179 GUINCHARD (S) et BOUISSON (J), Procédure pénale, op. cit. P. 984

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la juridiction de jugement qu'après que la lumière ait été suffisamment faite sur les circonstances de l'infraction et sur la personnalité du délinquant.

L'instruction définitive qui se fait à l'audience même ne saurait suffire à éclairer ces points, et une « instruction préparatoire » apparait nécessaire. Grâce à l'instruction préparatoire, la juridiction de jugement peut se prononcer dans les meilleures conditions tant sur la culpabilité que sur la peine. Grâce à elle on évite d'envoyer devant cette juridiction des affaires douteuses qui se termineraient par un acquittement fâcheux pour le prestige des autorités publiques ; on évite également le désagrément d'une comparution en audience publique à des personnes injustement soupçonnées. En effet, le juge d'instruction, après une instruction menée de façon objective, appréciera s'il en résulte contre l'intéressé des charges suffisantes pour justifier son renvoi devant la juridiction de jugement.

Le deuxième procédé, c'est la citation directe qui consiste, comme son nom l'indique, à saisir directement (sans passer par la phase de l'instruction préparatoire) la juridiction de jugement. Elle se présente sous la forme d'un exploit d'huissier délivré à la requête du Procureur de la République et citant le prévenu à comparaitre devant la juridiction de jugement pour s'entendre condamner aux peines prévues par la loi. Cet exploit doit mentionner le détail des faits reprochés et les dispositions légales sous le coup desquelles ils tombent. La citation directe a pour effet de saisir la juridiction de jugement.

L'exigence faite au ministère public de poursuivre automatiquement après l'ordonnance de poursuite, selon un procédé de poursuite librement choisi, dans un délai de dix jours, contribuera à la transparence de la procédure et empêchera au ministère public de faire trainer les dossiers dans son parquet pour nuire aux victimes. Cette obligation de poursuite a une portée très significative.

PARAGRAPHE 2 : La portée de la soumission du ministère public à l'obligation de poursuite

L'obligation de poursuite imposée au Procureur de la République tend à protéger son indépendance (A) et la victime face aux immunités du Procureur de la République (B).

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A- La protection de l'indépendance du Procureur de la République

L'obligation de poursuite conditionnée par l'ordonnance de poursuite représente une garantie pour l'indépendance du Procureur de la République à l'égard de l'exécutif. L'indépendance du ministère public du pouvoir exécutif est certainement la condition essentielle, aux fins d'une administration correcte de la justice et de l'application pertinente de la loi pénale. Elle apparaît encore plus nécessaire que celle du juge puisque, alors qu'il est toujours possible de remédier, tout au moins dans une certaine mesure, à la partialité du juge avec les moyens normaux d'opposition, il n'existe aucune solution contre les déviations du ministère public qui sont non seulement possibles mais fréquentes s'il est sous la dépendance du pouvoir exécutif180

L'indépendance renvoie à la situation d'un organe public auquel son statut assure la possibilité de prendre ses décisions en toute liberté et à l'abri de toutes instructions et pressions inacceptables, qu'elle implique que le magistrat n'ait rien à craindre ni à désirer de personne. L'indépendance du Procureur doit s'entendre comme une nécessité à l'égard des pressions qui pourraient s'exercer sur lui.

Or, l'organisation pyramidale du ministère public traduisant le lien de subordination hiérarchique ne permet pas au Procureur de la République de travailler en toute indépendance. Au sommet de la hiérarchie, figure le ministre de la justice qui, s'il n'appartient pas au parquet, a autorité sur ses membres et possède le pouvoir de contrôle, de surveillance181 et leur adresse des injonctions182. « Le ministre de la justice n'est pas officier du ministère public. Il ne peut effectuer par lui-même les actes de poursuite ; il ne possède pas la capacité d'exercer l'action publique ; il se borne à prescrire au fonctionnaire compétent de la mettre en mouvement. Le ministre n'a qu'un droit de direction purement administrative, qui n'agit, ni sur la validité, ni sur l'omission des actes qui sont de la compétence des agents du parquet. L'action publique, on le répète, ne lui appartient pas ; il enjoint uniquement à la personne compétente de faire les diligences nécessaires183». Plus précisément, le ministre de la justice a autorité

180 GIUSEPPE (C), « Dépendance ou indépendance du Ministère Public », op. cit. p. 17.

181 L'art. 1 du décret n°99-88 du 19 mai 1999 portant attributions et organisation du ministère de la justice 182HELIE (F), Traité de l'instruction criminelle ou théorie du code d'instruction criminelle, Bruxelles, tome II, Bruylant-Christophe, 1867, p.302, montre qu'« au faîte de l'institution du ministère public est placé le ministre de la justice, non pour participer à l'exercice de l'action publique, mais pour le surveiller ; non pour prendre part aux actes des poursuites, mais pour les maintenir dans les termes de la loi, et, au besoin, pour les provoquer ». 183 BRAAS (L), Précis de procédure pénale, Bruxelles, 3e édition, H. Vaillant-Carmanne, 1956, p.51

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directe sur le procureur général près la Cour suprême et sur les procureurs généraux près les cours d'appels184, et ces derniers ont autorité sur les procureurs de la République placés sous leur ressort.

Si la pratique nous enseigne le contraire, le Ministre de la justice n'a pas en principe un droit de veto, consistant à empêcher l'exercice de l'action publique. L'on estime en effet que l'ordre de poursuivre ne préjuge rien car l'exercice de l'action publique peut aboutir à l'acquittement : la justice aura éclairci la situation. En revanche, les conséquences de l'interdiction des poursuites sont autrement plus graves car en ce cas, l'autorité qui interdit se substitue à la fonction Juridictionnelle et absout le coupable sans qu'aucune garantie ne soit donnée à la vindicte publique.

Le ministre de la justice peut, pour une affaire particulière, enjoindre au procureur général d'une cour d'appel d'engager les poursuites ou de prendre telles ou telles autres réquisitions185. Toute désobéissance d'un membre du parquet aux instructions n'entraîne pas l'irrégularité des actes, mais l'expose à des sanctions disciplinaires186.

Le Procureur de la République peut se voir obligé de déclencher l'action publique ou de classer sur l'ordre d'un supérieur hiérarchique187. Toutefois, la grande difficulté réside en ce que les supérieurs hiérarchiques ne peuvent pas se substituer au Procureur de la République en cas de refus d'obéir. C'est dans ce sens que GARREAUD fait remarquer : « Les liens qui unissent entre eux les membres du ministère public ne donnent pas de plein droit à chaque magistrat supérieur, le droit de faire, par lui-même et en son nom les actes attribués aux agents immédiatement placés sous ses ordres188.

Disons cependant que le refus du Procureur de la République face aux instructions du garde des sceaux par exemple est sans doute illusoire dans la pratique. Une pareille

184 Art. 24 du CPP dispose : « Le ministre de la justice peut dénoncer au Procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre d'engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportun ».

185 Les membres du Parquet sont hiérarchiquement dépendants du pouvoir exécutif, à ce titre, ils peuvent recevoir des instructions du ministre de la justice et doit les exécuter. Ils peuvent, par exemple, recevoir du ministre de la justice, l'ordre d'intenter des poursuites à la suite de certains agissements. Dans une telle hypothèse, le ministère public qui dispose de l'opportunité des poursuites n'a pas à apprécier lui-même l'opportunité des poursuites. 186Art. 28 de la loi 15-99 du 15 avril 1999, modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°023-92 du 20 août 1992 portant statut de la magistrature

187Art. 24 et 25 du CPP

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résistance n'est guère vraisemblable et en admettant même qu'elle se produise, elle n'en serait pas moins préjudiciable au Procureur de la République. En effet, le procureur général et le ministre de la justice disposent des moyens légaux pour faire assurer la discipline hiérarchique : le premier par le biais de la notation et le second par le biais du conseil supérieur de la magistrature. A ce conseil, le ministre de la justice assure la vice-présidence. C'est sur ses propositions que les magistrats sont nommés, affectés, avancés et sanctionnés. Pour craindre toutes représailles face à celui qui dispose des pouvoirs discrétionnaires de mutations et de sanctions, le procureur de la République ne peut que se conformer aux instructions.

Le Procureur de la République, soumis aux pressions et injonctions de ses autorités hiérarchiques, le Procureur de la République n'est pas libre de décider en toute indépendance et objectivité. Il peut recevoir les instructions lui ordonnant de poursuivre une affaire où le dossier est vide, contre ses convictions pour ternir l'image d'un adversaire politique par exemple, le faire trainer en justice ou le placer injustement en prison, en attendant le jugement.

Il peut tout de même recevoir les injonctions de classer une affaire criminelle pour sauver un ami ou un membre de la famille alors que toutes les conditions de poursuite sont réunies au mépris des droits de la victime. BOULOC affirme qu'il « est possible que le Procureur de la République reçoive les instructions tendant au classement, alors que son sentiment personnel le poussait à prendre une décision de poursuite. Plus fréquent il peut arriver qu'il se voie ordonner de déclencher l'action publique alors qu'il estimait la poursuite peu fondée ou inopportune189 ».

Le Procureur de la République, autorité chargée de lutter contre l'impunité et de veiller au respect de l'ordre public est devenu un instrument du pouvoir politique à travers lequel, il peut s'en servir pour dicter la direction qu'une affaire pénale doit prendre, en détournant cet acteur judiciaire de sa mission et de son éthique.

L'actuel système qui a fait et continue de faire beaucoup de victimes fait honte au système répressif et nuit au principe de l'indépendance reconnue au magistrat par la

189 BOULOC (B), procédure, op. cit. p.593

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loi190, et à celui de l'indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis du pouvoir exécutif191. Il est hors de tout doute que les injonctions de poursuivre ou de ne pas poursuivre deviennent les « manettes du pouvoir » pour que la trajectoire de l'appareil judiciaire soit plus à gauche ou plus à droite.

Avec l'obligation de poursuite, les instructions souvent intéressées visant les affaires individuelles, n'auront plus leur raison d'être puisque la décision de poursuite ou de classement relèverait maintenant d'un autre organe. Il ne pourrait que recevoir les dénonciations de la part de ses supérieurs et non les instructions de poursuite ou de classement. En retirant au ministère public le pouvoir de décision sur l'engagement de poursuite, les antivaleurs vont céder la place à l'équité, en faisant de lui un instrument entre les mains de la loi qui l'exige simplement de poursuivre.

B- La protection de la victime contre les immunités du Procureur de la République

Les immunités sont les prérogatives accordées à une personne qui exerce une fonction publique pour lui assurer une certaine protection. Au sujet du Procureur de la République, cet officier du ministère public jouit d'une double immunité liée à sa fonction (l'irrécusabilité) et à ses actes (l'irresponsabilité).

L'autorité de poursuite bénéficie des prérogatives exorbitantes dans l'exercice de ses fonctions. Il est clair que les risques d'abus susceptibles d'entacher l'action d'une telle autorité sont énormes. En tant que représentant de la société, le ministère public ne peut jamais être l'objet d'une récusation192. Cela signifie que le ministère public ne peut pas être récusé par les parties à une procédure pénale, alors qu'un juge du siège, aussi bien en matière pénale qu'en matière civile, peut être récusé pour des motifs déterminés193. En d'autres termes, les parties ne peuvent pas demander le

190L'article 5 de la loi 15-99 du 1999-04-15 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 023-92 du 20 août 1992 portant statut de la magistrature dispose : « Les magistrats sont indépendants vis-à-vis du pouvoir politique, des groupes de pression et des justiciables.

Ils règlent les affaires dont ils sont saisis en toute impartialité, selon les faits et conformément à la loi, à l'abri de toute influence, de toute pression et de toute menace »,

191L'article 168-1 de la constitution du 25 octobre 2015 dispose : « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif... »

192La requête en renvoi pour cause de suspicion légitime n'est pas recevable contre le ministère public (crim, 7 avril 19976, D 1976, IR p.139 ; crim.27 janv. 1993.Bull né 49)

193 BOULOC (B), Procédure pénale, op. cit. p. 156. Cet auteur justifie le caractère irrécusable du ministère public par le fait qu'il n'est pas juge mais partie. Il agit au nom de la société à laquelle l'infraction a porté atteinte. Il a seulement le pouvoir de poursuivre et d'exercer l'action publique ; mais il n'a ni le droit d'instruire,

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remplacement du Procureur de la République en charge de leur affaire même si elles estiment que celui-ci est partial ou qu'il a un lien d'intérêt avec l'une des parties. Cette garantie est prévue par la loi194, du fait que le ministère public est censé être impartial, dans l'exercice de ses fonctions.

L'interdiction faite à tout magistrat de procéder à un acte de ses fonctions, lorsque sont en jeux ses intérêts, ceux de ses parents, alliés, représentants ou mandants, exclut implicitement les magistrats du parquet195. Ce ne peut être autrement, d'autant plus que la loi n'a prévu les procédures de récusation que pour les magistrats du siège196. Cette garantie protège la fonction du parquetier certes, mais expose le plaignant qui reste sans défense en cas de soupçon de partialité. Il est injuste d'admettre qu'un magistrat traite un dossier impliquant un membre de sa famille sans que le plaignant soit inquiet. Le magistrat n'est pas un ange détaché de tout sentiment humain. Il n'y aura aucune garantie pour le plaignant qui se trouverait devant une telle hypothèse. Si nous estimons que le plaignant n'a pas le droit de refuser de soumettre sa cause à la connaissance et à la décision d'un magistrat par crainte qu'il soit partial, l'idéal serait de confier la tâche d'opportunité des poursuites à un juge récusable, pour garantir les droits du plaignant, afin que sa cause soit connue d'un magistrat dont il a confiance.

Une autre immunité qui n'arrange pas la victime est liée au caractère irresponsable des actes posés par les magistrats du parquet. Cette protection signifie que les actes et les décisions du procureur ne peuvent être attaqués en justice. Aucun magistrat du ministère public ne peut voir sa responsabilité être mise en jeu ou être condamné aux frais ou à des dommages et intérêts si le prévenu est relaxé ou poursuivi à tort197, ou

ni celui de juger c'est-à-dire de décider de l'innocence ou de la culpabilité et de prononcer un acquittement ou

une condamnation à une peine.

194Art. 590-2 du CPP

195Article 12 de la loi n°15-99 du 15 avril 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°023-92 du 20 aout 1992 portant statut de la magistrature

196GOUNGA-GANZINO (C), Audience pénale, op. cit. p.51. Cet auteur cite les articles 589, 590 du code de procédure pénale, 18, 51 et 86 de la loi n°19-99 du 15 aout 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire

197 On fait valoir que cette immunité répond au souci d'accroître la confiance dans l'impartialité des procureurs, et que la menace d'une responsabilité individuelle pourrait avoir un effet « paralysant » sur l'exercice de leurs pouvoirs discrétionnaires. Le fait d'autoriser les poursuites civiles risquerait de susciter une avalanche de procès qui nuirait à l'accomplissement de leurs fonctions normales. Ces arguments cependant ne tiennent pas. Tout d'abord, c'est l'immunité accordée aux poursuivants, même en cas de poursuites abusives équivalant à un abus de pouvoir, qui mine la confiance du public dans le système judiciaire. L'action pour poursuites abusives ne consiste pas simplement à mettre en cause le jugement d'un poursuivant : en fait, un demandeur qui intente une action pour poursuites abusives ne se lance pas dans une entreprise facile ; ce qu'il faut établir, c'est l'exercice délibéré et malveillant de ses pouvoirs pour des fins illégitimes et incompatibles avec le rôle traditionnel du poursuivant. Dans ces conditions, l'effet « paralysant » est très peu vraisemblable :

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si l'inculpé bénéficie d'une décision de classement sans suite, à la différence de la partie civile, qui peut en cas de non-lieu, peut être condamné à des dommages-intérêts envers celui contre qui elle s'est constituée partie civile.

Cependant, il ne faut pas voir dans le principe de l'irresponsabilité une immunité absolue accordée aux représentants du ministère public pour se verser au gré de leurs fantaisies dans des poursuites ou les classements abusifs contre des membres du corps social. Si un magistrat commet une faute personnelle, sa responsabilité civile peut être mise en jeu, comme celle des magistrats du siège, par la procédure dite de prise à partie198. Mais la difficulté de prouver une allégation de poursuites abusives ou de classement abusif constitue un empêchement de mettre en mouvement ce mécanisme. L'action pour poursuites abusives ou classement abusif ne consiste pas simplement à mettre en cause le jugement d'un poursuivant. L'auteur de l'action doit démontrer que le magistrat en charge du dossier a fait preuve de l'exercice délibéré et malveillant de ses pouvoirs pour des fins illégitimes et incompatibles avec le rôle traditionnel du poursuivant199. Cyprien GANZINO-NGOUNGA, Avocat Général à la Cour suprême fait remarquer qu'en tant que magistrat, le Procureur de la République est irresponsable, sauf prise à partie s'il y a violation des formalités prescrites pour les mandats de comparution, d'amener, de dépôt et d'arrêt, puis en cas d'inobservation des mesures protectrices de la liberté individuelle sanctionnée par le code pénal200. Sauf ces cas, il ne peut être condamné aux dépens ni à des dommages intérêts201. S'il a commis une infraction dans l'exercice de l'action publique, il peut évidemment faire l'objet de poursuite, mais celle-ci pourrait donner lieu au renvoi devant une autre juridiction après, éventuellement que le caractère illégal de l'acte ait été constaté202. Ainsi donc, les poursuites judiciaires seront ouvertes à sa charge, donnant ainsi à la partie lésée la possibilité de se constituer partie civile.

La consécration de l'irresponsabilité des actes des magistrats du ministère public dans le cadre de la décision de poursuite nourrit le sentiment d'impunité dans le chef des

198Art. 291 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière définit la prise à partie comme une procédure permettant à la victime « d'obtenir la réparation du préjudice que les magistrats auront causé en abusant, dans les cas suivants, de l'autorité que la loi leur reconnait : s'il y a dol, fraude, concussion ou faute lourde professionnelle commis dans l'instruction ou le jugement d'une affaire ; s'il y a déni de justice ». 199Commission de réforme du droit du Canada, Document de travail 62 Poursuites pénales : les pouvoirs du Procureur Général et des Procureurs de la couronne, 1990

200GOUNGA-GANZINO (C), Audience pénale, op. cit. p. 51-52 ; voir l'article 118 du CPP

201Article 291, alinéa 2, du CPCCAF

202LEVASSEUR (G), BOULOC (B), STEFANI (G), Procédure pénale, Paris, 18e édition, Dalloz, 2000, p.141

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magistrats. C'est ce qui explique les abus dans l'exercice du pouvoir de classement sans suite qui mettent à mal les droits de la victime. Il semble possible d'envisager des mesures disciplinaires non seulement à l'égard de ceux qui agissent avec trop de mollesse ou de négligence, mais encore contre ceux qui auraient intenté l'action publique avec témérité et partialité203. Tout au moins, en confiant le pouvoir d'appréciation d'opportunité à un juge indépendant dont ses actes seront contrôlés et sa responsabilité engagée en cas de refus de juger, les droits de la victime seront respectés.

L'instauration d'un juge d'opportunité des poursuites et la relégation du ministère public à la fonction de poursuite favorise la bonne administration de la justice, évite la concentration des pouvoirs d'appréciation d'opportunité des poursuites et de décision de la mise en mouvement de l'action publique entre les mains d'un seul organe ne jouissant pas de son indépendance, et garantit les droits de la victime. La nouvelle configuration des autorités de la justice pénale ne doit pas diluer les droits reconnus à la victime de mettre en mouvement l'action publique. En raison des difficultés et des problèmes observés dans la mise en jeu de ces procédés, il va devoir renforcer leur efficacité pour qu'ils deviennent des véritables alternatives aux classement sans suite.

203VAN DE KERCHOVE (M), Fondement et limites du pouvoir discrétionnaire du ministère public : aux confins de la légalité, disponible sur https://doi.org/10.7202/001384ar

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CHAPITRE II : LE RENFORCEMENT D'EFFICACITE DES PROCEDURES ALTERNATIVES AU CLASSEMENT SANS SUITE

Le changement d'autorité d'appréciation d'opportunité des poursuites ne doit pas compromettre les droits reconnus à la victime de mettre elle-même en mouvement l'action publique. Le classement sans suite d'une affaire ne signifie pas pour autant que la victime perd son droit de saisir les juridictions répressives. Le code de procédure pénale offre à tout justiciable des moyens permettant de contrer la décision de classement sans suite et de faire porter à la connaissance de la justice ses prétentions.

La partie lésée bénéficie donc d'un pouvoir concurrent de celui du ministère public, de mettre en mouvement l'action publique, lui permettant de surmonter son éventuelle passivité voire son désaccord dans le système actuel. Il est indéniable, que ce mécanisme apporte un correctif juridique à la faculté reconnue aux autorités pénales de classer un dossier sans suite.

Ces différents moyens mis à la disposition de la victime méritent d'être maintenus et leur efficacité renforcée en dépit de l'instauration d'un juge d'opportunité des poursuites qui incarnera le même rôle que le ministère public. L'objectif visé est de garantir les droits de la victime d'avoir accès à un juge et prévenir les éventuels abus qui pourraient se perpétuer dans le chef de nouvelles autorités de la justice pénale. Faisons d'abord un aperçu de ces différentes procédures alternatives au classement (Section 1) avant de s'attarder sur les différents aspects susceptibles d'être renforcés pour les rendre efficaces (Section 2).

SECTION 1 : L'aperçu des procédures alternatives au classement sans suite

La victime d'une décision de classement sans suite dispose de deux procédées pour engager les poursuites devant les juridictions répressives. Ils ne sont pas conçus au départ comme les alternatives au classement sans suite, mais comme l'une des voies mise à la disposition de la victime d'une infraction d'accéder à la justice pénale. Ils peuvent être utilisés directement par la victime sans qu'elle essuie un refus de poursuite après le dépôt d'une plainte. Ils deviennent des alternatives au classement sans suite si la victime avait en amont saisit les autorités chargées d'apprécier l'opportunité des poursuites. Ces procédures garantissent l'accès au juge pénal

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(Paragraphe 1) et constituent un contrepoids au pouvoir de classement du juge d'opportunité des poursuites (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : Les procédures garantissant le droit d'accès au juge pénal

Le classement sans suite met un terme à la procédure et signifie que l'affaire ne sera pas portée devant une juridiction. Cependant, la loi garantit à la victime d'un classement sans suite le droit d'accès au juge pénal (A). Cependant, ce droit reste un chemin incertain pour le succès de l'action de la victime (B).

A- Le droit d'accès au juge pénal en dépit de la décision de classement sans suite

Le droit d'accès au juge est une garantie fondamentale pour la victime. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend : le droit de saisir les juridictions compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par conventions, lois, règlements et coutume en vigueur204 ». Il existe indépendamment de la décision de classement sans suite. Il n'est pas un droit accessoire ou subordonné à la décision de classement sans suite. Le classement n'est pas une condition nécessaire de saisine des juridictions répressives. Contrairement en France, le classement est une condition nécessaire pour saisir le juge d'instruction. « Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d'instruction compètent en application des dispositions des articles 52,52-1 et 706-42. Toutefois, la plainte avec constitution de partie civile n'est recevable qu'à condition que la personne justifie soit que le Procureur de la République lui a fait connaitre, à la suite d'une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire, qu'il n'engagera pas lui-même des poursuites, soit qu'un délai de trois mois s'est écoulé depuis qu'elle a déposé plainte devant ce magistrat contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou depuis qu'elle a adressé selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte

204Article 9-1 de la Charte des droits et des libertés adoptée le 29 mai 1991 (Conférence souveraine). Voir aussi en ce sens l'article 8 de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 qui

dispose : « Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi ».

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déposée devant un service de police judiciaire »205. En absence d'une telle décision, la plainte serait rejetée.

Au Congo par contre, le dépôt d'une plainte devant le magistrat instructeur n'est pas conditionné par la preuve d'un classement sans suite. « La possibilité offerte à la victime d'aller à l'encontre de la décision de classement est moins ennuyeuse et même souhaitable, dans la mesure où celle-ci lui assure un accès à la justice pénale206 ».

Le droit de saisir le juge d'instruction est plutôt justifié par un dommage subi et né d'une infraction à la loi pénale207. Pour cela, la victime n'est pas obligée de se référer au ministère public en vue de défendre ses intérêts devant le juge répressif208.

Si la jurisprudence française autorise la constitution de partie civile dans l'unique objectif de mettre en mouvement la répression, ce droit n'existe au Congo que lorsqu'il y a un droit à réparation résultant d'une infraction. Personne ne peut se voir refusé ce droit à réparation devant le juge pour quelque motif que ce soit.

Certains auteurs pensent que la possibilité reconnue à la victime de mettre en mouvement l'action publique parait comme un moyen de recours ou un correctif contre une décision de classement sans suite donnant accès au juge. « Lorsque le Procureur de la République ne donne pas de suite à la plainte de la victime, soit qu'il classe sans suite soit qu'il ne donne aucune réponse à celle-ci, la victime aura la possibilité de déclencher les poursuites par sa seule volonté. Toutefois, il faut considérer cette hypothèse comme une faculté de recours contre la décision du parquet de ne donner aucune réponse pénale aux faits dénoncés209 ».

Cette approche ignore qu'en matière pénale, il existe trois portes d'accès au juge pénal : le ministère public, le juge d'instruction et de jugement. La victime d'une infraction a donc le choix de passer soit par le parquet, soit par le juge d'instruction, ou en saisissant le juge de jugement pour faire entendre ses prétentions. La saisine du parquet n'est pas synonyme de renoncement du droit de saisir une juridiction.

205Art. 85 du CPP

206YAYA (A), La victime au regard des mutations contemporaines du procès pénal, disponible sur

www.annalesumng.org

207Art. 70 du CPP

208OSSOMBO (A.K), Le classement sans suite et les droits de la victime au Congo, Mémoire pour l'obtention du

diplôme de Master, Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature (ENAM), 2013, p.63

209 88PIN (X.), « La privatisation du procès pénal », RSC 2002, p. 245 et s

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Le ministère public est une voie d'accès indirecte au juge pénal, puisqu'il n'est pas obligé de saisir le juge en vertu de l'alternative légale de poursuite ou de classement sans suite dont il dispose. Le classement signifie que l'affaire portée à sa connaissance par la victime ne sera pas examinée par un juge. Toutefois, cette décision qui n'éteint pas l'action publique et ne revêt pas l'autorité de la chose jugée n'entame pas le droit qu'a la victime de saisir le juge. Elle signifie simplement que le ministère public ne souhaite pas engager les poursuites pour des raisons qui lui sont propres. Dans cette hypothèse, la victime est libre de se soumettre à la décision si elle la trouve justifiée, ou ne souhaite plus poursuivre son adversaire devant les tribunaux. Dans le cas contraire, elle peut porter son action devant le juge, puisqu'elle dispose d'un droit d'option qui existe avant et subsiste après la décision de classement suite. Elle peut opter pour la réparation civile en saisissant le tribunal civil, elle peut se constituer partie civile devant le juge d'instruction ou devant la juridiction de jugement par voie de citation directe. Cette constitution de partie civile met en mouvement l'action publique et l'action civile.

La faculté pour la victime de mettre l'action publique en mouvement210, ne doit donc pas être considérée comme un mécanisme correcteur du classement sans suite, mais plutôt comme un droit d'accès au juge. Malgré qu'elle puisse être utilisée comme tel dans certaines circonstances, ce n'est pas la volonté du législateur d'en faire une garantie. Notre arsenal juridique ne conçoit pas ce droit reconnu à la personne lésée comme un correctif à proprement parler de la prérogative du parquet de classer un dossier sans suite.

En instaurant une nouvelle autorité chargée du traitement des plaintes, il est essentiel que le droit reconnu à la victime de déclencher les poursuites reste inchangé. Toutefois, le refus de la victime de se conformer à la décision de classement du juge d'opportunité des poursuites ne signifie pas que son action devant les juridictions répressives va prospérer. Ce droit constitue un chemin incertain pour le succès de son action.

210 BOULOC (B), Procédure pénale, Paris, 23e édition, Dalloz, 2012, p. 146. Il définit la mise en mouvement comme l'acte initial de la poursuite, celui par lequel l'action publique est déclenchée et qui saisit le juge d'instruction ou de jugement.

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B- Le droit d'accès au juge : un chemin incertain pour le succès de l'action de la victime

Le droit d'accès au juge reste est un chemin incertain voire risqué pour la victime de classement sans suite. Quand la victime s'engage à contourner la décision de classement, c'est parce qu'elle croit au succès de son action devant le juge. Or, l'accès au juge ne garantit pas que le prévenu sera condamné et la victime dédommagée. En réalité, l'inverse peut se produire et la juridiction saisie peut rendre une décision similaire au classement sans suite avec quelques différences près.

A la différence de la saisine du Procureur de la République qui se fait par simple dépôt d'une plainte à faible coût, il en demeure autrement pour la procédure de constitution de partie civile et de citation directe. Le législateur a jugé qu'il était préférable de poser un filtre au droit de mettre en mouvement l'action publique par la victime.

En effet, la constitution de partie civile devant le magistrat instructeur ne se fait pas sans exigences pour qu'elle soit recevable. Il faut déposer une plainte qui est à la victime comme le réquisitoire introductif est au Procureur de la République. Elle n'obéit pas à un formalisme particulier, autre que la date, l'adresse et la signature du plaignant. Cette lettre doit néanmoins comporter la mention des faits reprochés, de leur qualification pénale, ainsi que la caractérisation du préjudice allégué et la réclamation d'une indemnisation211.

La victime doit consigner au greffe une somme nécessaire aux frais de la procédure dont le juge d'instruction est tenu d'apprécier souverainement mais de manière raisonnable212. Contrairement à la situation où la victime se constitue partie civile alors que l'action publique a déjà été engagée par le ministère public et n'avance donc aucun frais, lorsque la victime se constitue par voie d'action, elle est tenue de consigner au greffe une somme d'argent destinée à couvrir les frais de procédure213et sans quoi son action sera vouée à l'échec. Le rôle de la consignation est donc, avant tout, de couvrir les frais de justice dans la situation où la partie civile succomberait

211GUINCHARD (S), Procédure pénale, op.cit. p.544

212BEERNAERT (M.A), BOSLY(H), VANDERMEERSCH (D), Droit de la procédure pénale, Bruxelles, la Charte, 2014, p. 543.

213L'article 73 du code de procédure pénale fait de la consignation une condition de recevabilité de la plainte de la victime. « La partie civile qui met en mouvement l'action publique doit, si elle n'a obtenu l'assistance judiciaire, et sous peine de non-recevabilité de sa plainte, consigner au greffe la somme présumée nécessaire pour les frais de la procédure, dans le délai imparti par le juge qui en fixe le montant par ordonnance ».

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dans son action214. On imaginerait mal que les coûts de cette entreprise retombent sur les justiciables. Cela constitue un véritable obstacle au droit d'accès au juge pour les démunis. Ce n'est pourtant pas son unique rôle puisque la consignation vise aussi à décourager la constitution de partie civile faite dans le seul but de contrarier son adversaire. La consignation préalable des frais est un cautionnement imposé à la partie civile pour garantir qu'elle usera avec modération du droit que la loi lui a reconnu de mettre l'action publique en mouvement.

Il est à préciser qu'il ne fait pas de doute que la recevabilité de l'action civile est subordonnée au fait pour la victime de démontrer que le préjudice qu'elle invoque soit la conséquence d'une infraction. Le législateur limite, de cette manière, la faculté pour un citoyen de mettre l'action publique en mouvement à ce qu'il démontre qu'il ait subi un réel dommage215 susceptible de donner lieu à constitution de partie civile, sinon, cette garantie ne peut fonctionner216. « La personne lésée doit rendre plausible son allégation relative au dommage qu'elle a subi à cause de l'infraction ».

Une autre incertitude demeure du fait que la saisine du juge d'instruction ne donne pas droit à l'ouverture d'un procès. Pour cause, dès le début de la saisine du juge, ce dernier peut rendre une ordonnance de non-informer ou de refus d'informer mettant fin à l'action de la victime si les « faits ne peuvent légalement comporter une poursuite pénale217 ». Cette disposition ne dégage pas toutes les raisons pouvant amener le juge à conclure par une ordonnance de non-informer, qui peut bien aussi être rendue en cas de prescription, d'amnistie ou d'immunité, s'il y a chose jugée, en cas d'irrecevabilité de l'action civile faute de capacité ou d'intérêt de la victime218.

A la fin de l'information, le juge d'instruction peut rendre une ordonnance de non-lieu si « les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention ou si l'auteur est resté inconnu ou s'il n'existe pas de charges suffisantes contre l'inculpé219 ».

214BEERNAERT (M.A), BOSLY(H), VANDERMEERSCH (D), Droit de la procédure pénale, op. cit. p. 543 215L'action de la victime peut être déclarée irrecevable si la présumée victime ne démontre pas le préjudice subi par l'infraction. Aux termes de l'article 70 du code de procédure pénale, la saisine du juge d'instruction n'est réservée qu'à « toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit ou une contravention ».

216 Crim. 8 fevrier.1979, Bull. n°58, obs J.M. Robert, RSC 1980.151

217Art.71-2 du CPP.

218PRADEL (J), procédure pénale, op. cit. p.612

219Art. 163-1 du CPP

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S'agissant de la citation directe220, elle est une procédure rapide qui permet à la victime de saisir directement le tribunal de police en cas de contravention ou le tribunal correctionnel en cas de délit sans qu'une enquête soit diligentée221. L'action que la partie civile peut soutenir devant le tribunal est essentiellement une prétention aux dommages-intérêts. Cependant, son action civile devant la juridiction pénale ne sera recevable que si la citation comporte les mentions exigées par la loi. « La citation qu'elle qu'en soit la forme énonce le fait poursuivi et vise le texte de loi qui le réprime. Elle indique le tribunal saisi, le lieu, l'heure et la date de l'audience, et précise la qualité du prévenu, de civilement responsable ou de témoin de la personne citée. Elle mentionne les noms, prénoms, profession et domicile réel ou élu (de la partie civile222) ». A défaut de l'un de ces éléments l'action civile sera irrecevable, et n'aura pas déclenché les poursuites. En cas de respect de ces différentes mentions, l'action peut déboucher sur la relaxe du prévenu.

Finalement, le recours par la victime à ces procédés après le classement sans suite ne garantit pas le succès de son action portée devant le juge d'instruction ou de jugement, qui peut se solder par une décision similaire au classement sans suite, en dépit de sa volonté de poursuivre le présumé auteur, et l'expose au paiement des dommages-intérêts pour dénonciation calomnieuse223. Ce qui fait de ces procédés, une entreprise périlleuse pour la victime. Seule la circonstance où le prévenu serait condamné, ferait glisser, in fine, le poids des frais de procédure sur les épaules du condamné.

L'échec de l'action portée par la victime devant le juge signifie simplement que toutes les décisions de classements ne sont pas toujours fantaisistes. La victime doit user avec modération et réflexion de ces procédures alternatives au classement sans suite,

220La citation directe prend la forme d'un exploit d'huissier informant le prévenu qu'il doit comparaitre à l'audience. Ainsi, les frais d'huissier pour délivrer la citation sont à payer par la victime. De plus, devant le tribunal correctionnel, il peut être demandé à la victime de verser une consignation afin de garantir le paiement éventuel de l'amende civile en cas de procédure abusive. L'objet de la citation étant d'avertir qu'une instance s'ouvre, dans laquelle les cités sont parties, la loi a voulu leur assurer la possibilité de préparer leur défense en imposant un délai entre le jour de la citation et le jour de l'audience.

221Article 491 du CPP. En matière de délit et de contravention, la partie lésée peut déclencher l'action publique directement au stade du jugement. La faculté pour la personne lésée de saisir directement une juridiction de fond ne se limite qu'aux délits et aux contraventions. Les préventions criminelles sont donc exclues.

222Art 491-2-3-4 du CPP dispose en substance : « La citation qu'elle qu'en soit la forme énonce le fait poursuivi et vise le texte de loi qui le réprime. Elle indique le tribunal saisi, le lieu, l'heure et la date de l'audience, et précise la qualité du prévenu, de civilement responsable ou de témoin de la personne citée. Elle mentionne les noms, prénoms, profession et domicile réel ou élu de la partie civile ».

223 Art. 76-1

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afin de ne pas se voir imposer la réparation pour des actions vexatoires. Toutefois, ces procédures restent indispensables pour garantir le droit d'accès au juge, après le classement sans suite, et constituent un contrepoids au pouvoir de classement du juge d'opportunité des poursuites.

PARAGRAPHE 2 : Les procédures alternatives au classement sans suite : un contrepoids au pouvoir de classement sans suite du juge d'opportunité des poursuites

Les procédures palliatives sont des garanties pour la victime de classement sans suite grâce à leur autonomie face à la décision de classement sans suite (B), et en limitant le pouvoir de classement du juge d'opportunité des poursuites (A).

A- Les procédures alternatives au classement sans suite: une limite au pouvoir de classement sans suite du juge d'opportunité des poursuites

Le juge qui incarnera le pouvoir d'opportunité des poursuites ne détiendra pas un pouvoir absolu, au risque de voir les victimes être privées du droit d'accès au juge, après un classement sans suite. Une fois que ce juge rend une ordonnance de classement sans suite, il est dessaisi de cette affaire et ne peut plus la connaitre. La prérogative de classer sans suite ne s'exerce que pour autant que l'action publique n'ait pas encore été mise en mouvement224.

La victime reste libre avant ou après le classement sans suite de décider ou non de mettre en mouvement l'action publique par les procédés mis à sa disposition. Ils constituent essentiellement une garantie que la loi offre aux justiciables contre les abus du refus de poursuivre225 de l'autorité des poursuites et empêchent l'activation du pouvoir de classement. Ces mécanismes déclenchent l'action publique, forçant la main au ministère public226 d'exercer l'action publique.

En effet, l'action publique qu'exerce le ministère public appartient à la société et son déclenchement l'oblige à agir. « L'action publique appartient à la société et non au fonctionnaire public ou au magistrat chargé par la loi de l'exercer227».

224BEERNAERT(M.A),COLETTE-BASECQZ,(N),GUILLAIN(C),MANDOUX(P),PREUMONT(M), VANDERMEERSCH (D), Introduction à la procédure pénale, Bruxelles, la Charte, 2012, p. 180. 225RUBBENS (A), Le droit judicaire congolais : L'instruction criminelle et la procédure pénale, op. cit. p. 64. 226Idem, p.122

227Cass. Crim. 11 avr. 1991, Bull. n°174.

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Une procédure enclenchée par la victime devant une juridiction pénale ne sera pas communiquée au juge d'opportunité par le ministère public pour appréciation. Elle n'est pas destinée à passer au filtre de cette autorité judiciaire, mais à l'évincer. Elle revêt un caractère inclassable et contourne son pouvoir régulateur, en étant destiné au juge d'instruction ou de jugement. L'initiative des poursuites prise par la victime a comme effet de contraindre le ministère public à prendre les réquisitions nécessaires exigées par la loi pour la mise oeuvre de la procédure engagée. Il n'a pas le pouvoir d'empêcher son déclenchement mais le droit d'émettre un avis et de l'accompagner au cas où son avis n'est pas suivi.

Saisi d'une procédure de citation directe initiée devant le juge de jugement, le ministère public sera tenu, comme à l'accoutumée, de la viser pour que l'affaire soit jugée. Apres avoir reçu la communication de la plainte déposée devant le magistrat instructeur. Il sera tenu de prendre des réquisitions à fin d'informer ou de non-informer. Cette exigence est justifiée puisque le juge d'instruction ne peut ouvrir une information sans les réquisitions du ministère public228.

Lorsque le ministère public n'a pu obtenir du juge d'instruction une ordonnance de refus d'informer ou d'irrecevabilité de la plainte, ou après qu'il ait visé la citation, il est tenu d'exercer l'action publique aussitôt prise la décision sur la mise en mouvement de l'action publique. Il est lié par l'action engagée par la victime. Il doit soutenir l'accusation car il est le seul organe chargé d'exercer l'action publique devant les tribunaux répressifs.

L'exercice formel des poursuites et le soutien de l'accusation devant les tribunaux constitue l'apanage du ministère public. Le droit de former recours contre les décisions de justice est inséparable de la mission générale du ministère public puisqu'il constitue l'un des moyens de veiller à l'application de la loi tout en participant à la recherche de l'efficacité du système, notamment de la cohérence de la jurisprudence et donc de la répression.

La mise en mouvement de l'action publique est une prérogative partagée entre le ministère public et la partie civile. Cependant, il en va autrement de l'exercice de celle-ci, qui est le monopole du ministère public. « Lorsque la poursuite a été engagée par

228 Art. 64-2 du CPP

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un simple citoyen, le Procureur a le droit d'intervenir pour l'exercer lui-même »229. Ainsi, seul le ministère public peut exercer les recours pénaux et requérir l'application d'une peine. La partie privée n'exerce nullement l'action publique ; elle n'a pas qualité pour requérir une peine, ni pour interjeter appel d'un jugement d'acquittement. Elle peut seulement réclamer la reconnaissance de la culpabilité du prévenu et l'octroi d'une indemnité. Le but visé par la partie civile, en déclenchant l'action publique, c'est de défendre ses intérêts civils.

Lorsque l'action publique est mise en mouvement, le ministère public ne peut plus faire obstacle à une décision émanant d'une juridiction d'instruction ou de jugement. Il serait, en effet, injustifié que le ministère public dispose d'un tel pouvoir arbitraire. Il ne peut pas suspendre le cours de l'action publique déclenchée par la victime. Cette décision devient irrévocable, appelant à la cause le ministère public.

L'exercice de l'action publique est régi par le principe d'indisponibilité, qui implique que le ministère public ne peut renoncer à l'action publique, ni suspendre son cours. « Le ministère public n'a pas la disposition de l'action publique. Si les débats établissent l'innocence du prévenu, le ministère public doit requérir la relaxe et s'en remettre au tribunal pour mettre fin à l'action publique230. » A contrario, si les débats établissent la culpabilité du prévenu, le ministère public doit requérir la condamnation.

Le ministère public, au sujet d'une procédure engagée par une victime d'infraction n'est tenu que de l'obligation de prendre les réquisitions et d'exercer l'action publique une fois qu'elle est mise en mouvement. Il n'y a aucun moyen qu'une telle procédure se heurte à l'opposition de l'autorité qui a l'imperium en matière de décision de poursuite. La juridiction répressive saisie, ne pourra ainsi se dessaisir qu'après avoir apprécié juridiquement les faits de la cause y compris la recevabilité de l'action publique ainsi déclenchée231.

229Conférence des procureurs généraux d'Europe 5e session organisée par le conseil de l'Europe en coopération avec le procureur général de Celle, Basse-Saxe sur : Les pouvoirs d'appréciation du ministère public : le principe d'opportunité ou de légalité, avantages et inconvénients, p19

230Cass. Crim. 28 sept. 1994, Gaz. Pal. 1994, II, Chr. 714.

231 BOULOC (B), Procédure pénale, op. cit. p.592

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B- L'autonomie des procédures alternatives au classement sans suite à l'égard du classement sans suite décidé par le parquet

Il est fréquent qu'une personne, estimant avoir été victime d'une infraction, prévienne les autorités judiciaires sous la forme d'une plainte et que celles-ci ne donnent pas une suite. La victime a, dans ce cas, la possibilité de déclencher elle-même l'action publique de manière autonome sans qu'elle soit tenu d'apporter au juge saisi la preuve de ses démarches auprès du premier magistrat et la décision de ce dernier de ne pas donner suite à sa plainte. Ce statu quo donne une garantie à ces procédés jugés comme des correctifs des classements laissés entre les mains de la victime pour en user en toute liberté, sans qu'elle soit inquiété et tienne compte de la position du premier magistrat. Leur usage n'est pas subordonné à la réponse ou l'inaction des autorités des poursuites, mais à la seule volonté de la victime. Cette autonomie renforçant leur garantie se justifie à deux niveaux.

D'une part, les procédés de saisine des juridictions répressives placés entre les mains de la victime ne sont pas des alternatives au classement selon le dispositif en vigueur que nous souhaitons son maintien. Ils sont indépendants. Ils peuvent être utilisés en amont de la décision de classement sans suite ou en aval. La procédure engagée par la victime devant l'organe de poursuite n'a aucun lien avec toute autre procédure qu'elle pourrait engager devant les juridictions d'instruction ou de jugement au nom du principe de la séparation des fonctions judiciaires.

D'autre part, les juridictions d'instruction et de jugement ne sont pas des juridictions d'appel des décisions de classement. La décision de classement ne s'impose pas au juge d'instruction ou de jugement. Elle n'a pas vocation à être invoquée par l'un ou l'autre. La formation de jugement ne peut pas fonder sa décision en se référant à celle de classement sans suite. La Cour de cassation belge232 avait censuré un arrêt rendu par une juridiction d'appel qui, pour motiver sa décision d'acquittement, s'était fondée sur la pratique courante du parquet de ne pas poursuivre. Cette cour avait rappelé qu'à moins de croire que le prévenu soit tombé dans l'hypothèse de l'erreur invincible, le juge ne peut apprécier l'acquittement au seul motif d'une pratique de classement courante du ministère public. La cour confirme par conséquent que la compétence d'apprécier l'opportunité des poursuites du ministère public ne se confond pas avec la

232Cass., 9 décembre 1981, Pas., 1982, p. 482.

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compétence des juridictions de jugement. Et que dès lors, celles-ci ne peuvent se saisir d'un argument faisant état d'une pratique habituelle du parquet et conclure à un acquittement. « Le juge doit rester hors de l'arène. Il ne doit avoir ni sembler avoir aucune responsabilité quant à l'engagement des poursuites. Il importe d'éviter toute confusion entre la fonction de procureur et celle de juge. Si le juge jouissait du pouvoir de refuser d'entendre une affaire parce qu'il estime que la poursuite est mal à propos, on ne tarderait pas à penser que les affaires qu'il accepte d'instruire sont celles où il a consenti aux poursuites ou les a approuvées233 ».

De même, le juge d'instruction ne dispose pas de la faculté de pouvoir porter un jugement sur l'opportunité des poursuites234. C'est le principe même de la séparation entre la poursuite et l'instruction235. La même cour de cassation belge avait rappelé qu'à moins que le juge d'instruction estime sa saisine irrégulière, celui-ci est tenu d'instruire, sans considération de l'opinion du ministère public sur l'opportunité des poursuites. Le juge d'instruction ne peut refuser de mener son instruction en avançant l'argument que l'instruction est inutile, que le résultat de celle-ci serait douteux, ou qu'aucun délit n'aurait été commis en se basant sur la décision de classement sans suite.

Le juge d'instruction ne peut refuser d'instruire ni le juge de jugement refuser de juger en invoquant le classement sans suite. « Les juges ne doivent pas confondre leur droit de juridiction et l'exercice des initiatives appartenant au ministère public. Sans doute, si les juges ont le devoir d'apprécier dans un procès où le ministère public est partie la légalité, la régularité de ses actes et le fondement de ses prétentions, ils n'ont jamais à se prononcer sur l'opportunité de son action, ni sur l'usage que celui-ci a fait des pouvoirs que la loi lui attribue, ni sur la manière dont il exerce ses fonctions »236. Saisi, le juge ne saurait s'arroger le pouvoir d'apprécier les faits en fonction de cas que le

233Conférence des procureurs généraux d'Europe 5e session organisée par le conseil de l'Europe en coopération avec le procureur général de Celle, Basse-Saxe sur : Les pouvoirs d'appréciation du ministère public : le principe d'opportunité ou de légalité, avantages et inconvénients, p.116

234DE NAUW (A), « La décision de poursuivre, instruments et mesures », Rev. dr. pén., 1976-1977, p. 455.

235 Cass., 3 octobre 1984, Pas., 1985, p. 171

236 VERHYDEN ( R), procureur général près la cour d'appel d'Anvers, «De probatie tussen toekomst en verleden », mercuriale prononcée à l'audience solennelle de rentrée de cette cour le 1er sept. 1975, R.W., 1975-1976, col. 513 à 560.

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ministère public aurait estimé en vertu de ses prérogatives, ne pas devoir poursuivre237.

Le juge est tenu de juger sous peine de déni de justice, et le juge d'instruction est tenu d'informer et de rendre une ordonnance à la fin de son information. Les juges ne sont pas libres de s'abstenir de juger. Ils sont obligés de remplir les fonctions qu'ils ont acceptées, de vider les causes dont ils sont saisis238. Ils ne sont pas liés par la décision de classement prise par le premier juge. Leur décision permettra de corriger les erreurs ou les abus s'il y en a eu, ou de confirmer la décision de classement sans suite sous forme de relaxe ou de non-lieu.

D'ailleurs, le prévenu ne peut pas invoquer son innocence devant une juridiction sur la base d'une ordonnance de classement sans suite qui ne tranche pas le litige au fond. Cette décision n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée et n'établit ni l'innocence, ni la culpabilité du présumé auteur, mais met un terme à la procédure engagée.

En mot, la décision de ne pas poursuivre n'a pas d'impact sur les actions judiciaires futures de la victime.

SECTION 2 : Les aspects à prendre en compte pour l'efficacité des procédures alternatives au classement sans suite

Le premier impératif procédural est l'efficacité du système judiciaire239. L'efficacité de la justice est d'éviter les retards injustifiés dans les procédures judiciaires, de réduire leur coût et d'augmenter leur effectivité240. L'état actuel de notre droit ne permet pas de garantir l'aboutissement des procédures alternatives au classement, en raison de leur inféodation au pouvoir du « tout-puissant » ministère public et des prévisions légales. La meilleure garantie va consister à renforcer leur indépendance à l'égard du

237VAN DE KERCHOVE (M), Fondement et limites du pouvoir discrétionnaire du ministère public : aux confins de la légalité, disponible sur https://doi.org/10.7202/001384ar

238 BRAAS (L), Précis de procédure pénale, op. cit. p.55

239 J.-P. JEAN, De l'efficacité en droit pénal, in Le droit pénal à l'aube du troisième millénaire, Mélanges offerts à J. PRADEL, Cujas, 2006, p. 136 - et par le même auteur, Politique criminelle et nouvelle économie du système pénal, AJ Pénal 2006, p. 475

240 SEGAUD (J), ESSAI SUR L'ACTION PUBLI, op.cit. p.102

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ministère public (Paragraphe 1) et d'envisager leur refonte pour favoriser leur utilisation efficiente par les victimes (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : Le renforcement de l'indépendance des procédures alternatives au classement sans suite

Le renforcement de l'indépendance des procédures alternatives au classement est nécessaire en raison des dysfonctionnements observés dans la pratique (A), en redéfinissant les interventions du ministère public (B).

A- Le renforcement de l'indépendance des procédures alternatives au classement sans suite en raison des dysfonctionnements observés dans la pratique

Le ministère public reste un acteur incontournable en matière de poursuite. Aucune poursuite ne peut être engagée sans ses réquisitions, que la procédure vienne d'un cabinet d'instruction ou de la formation de jugement. Ses interventions conditionnent leur déclenchement, leur poursuite et leur dénouement. Malheureusement, les rapports de collaboration et de concertation voulus par le législateur en dépit de la séparation des fonctions entre l'organe de poursuite, d'instruction et de jugement se transforment en rapport de force troublant l'administration et le fonctionnement de la justice. Le fauteur de troubles ou l'accusé numéro un reste le ministère public, qui veut dominer et écraser les autres autorités judiciaires, en voulant malmener toutes les procédures à ses goûts, en empiétant le principe de la séparation des fonctions judiciaires, et en causant doublement du tort aux victimes.

Quand la victime décide de citer le prévenu devant le tribunal, il dépose le dossier au parquet pour qu'il le vise avant de l'envoyer devant la formation de jugement choisie pour l'ouverture du procès. Cette formalité administrative n'a pas vocation à permettre au ministère public de juger de l'opportunité des poursuites, ni d'apprécier la régularité de la procédure. Elle permet au ministère public de prendre connaissance du dossier pour défendre l'accusation devant le tribunal, le viser et le renvoyer devant le tribunal pour que l'affaire passe à l'audience. Pratiquement, le ministère public a souvent tendance à se comporter dans certains dossiers de citation directe comme juge d'opportunité des poursuites, qui décide de saisir une juridiction ou de classer sans suite. Il se permet de décider s'il y a lieu que la citation passe ou pas à l'audience.

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Le plus souvent, quand le ministère public ne souhaite pas que l'affaire soit jugée, il brille par l'inertie en refusant de viser le dossier ou de le renvoyer devant le tribunal. Le fait de garder le dossier dans le secrétariat du parquet équivaut implicitement à un classement sans suite. Une pratique qui n'est permise par aucun texte.

Finalement, la victime qui pensait vaincre l'inaction du ministère public, contourner sa décision ou corriger ses abus se trouve rattraper. Elle va attendre longtemps jusqu'à renoncer à son action en concluant que la justice ne défend pas les intérêts des citoyens. Cette inaction conduit souvent à la prescription de l'affaire qui porte atteinte aux droits de la victime et n'honorent pas le système judiciaire.

Ces pratiques honteuses et illégales qui font vivre les magistrats véreux mettent à mal le principe de la séparation des fonctions judiciaires. Il est inconcevable qu'une procédure orientée vers la juridiction de jugement soit bloquée par l'organe de poursuite. Dans cette hypothèse qui n'est pas rare dans pratique laisse la victime dans la confusion par l'enlisement de la procédure, puisqu'elle ne dispose pas des moyens légaux pour obliger le ministère public à renvoyer le dossier devant la juridiction indiquée. La victime initiant la citation se heurte à la léthargie du ministère public, sa lenteur, la disparition inexpliquée du dossier. La seule raison justifiant cet état de choses c'est l'absence d'indépendance des procédures alternatives au classement et le comportement irresponsable de certains parquetiers qui se croient être les « dieux » de la procédure.

Le dysfonctionnement le plus patent est observé dans les rapports entre le Procureur de la République et le juge d'instruction. Il n'est pas inopportun de rappeler que le législateur a posé la règle de séparation des fonctions entre le ministère public et le juge d'instruction, en établissant entre les deux acteurs les rapports de collaboration et de concertation qui devraient, emporter sur toute autre forme de rapport entre les deux241. Au ministère public la poursuite et les réquisitions, au juge d'instruction les recherches et l'instruction. Le juge d'instruction n'est pas subordonné au ministère public. Ce dernier requiert seulement l'ouverture de l'instruction et fait, au cours de l'instruction telles demandes qu'il croit utile. Il est partie devant le juge d'instruction qui est tenu de statuer sur les demandes et conclusions qu'il reçoit. S'il ne défère pas à la

241 Art. 67 du CPP dispose : « A toute époque de l'information le procureur de la République peut demander au magistrat instructeur la communication de la procédure et requérir tous actes lui paraissant utiles à la manifestation de la vérité... »

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demande, il doit la rejeter par ordonnance motivée dans un délai de cinq jours. Mais dans la pratique, c'est tout le contraire. Le Procureur de la République a substitué les rapports de concertation quotidienne, en rapports de subordination et de domination entre lui et le magistrat instructeur qu'il tente d'apprivoiser242 par les abus.

Le ministère public s'arroge les pouvoirs du supérieur hiérarchique du juge d'instruction en l'imposant ce qu'il doit faire dans telle ou telle affaire. La résistance d'un juge d'instruction aux injonctions du Procureur de la République qu'il s'agisse de refuser d'instruire, de décider d'un non-lieu ou de ne pas accomplir les actes essentiels pour la manifestation de la vérité, n'est pas sans conséquence. Le juge d'instruction pourrait se retrouver avec moins de dossiers que ses collègues qui ont fait allégeance, car c'est lui qui répartit les affaires entre les différents cabinets d'instruction, créant ainsi un sentiment de supériorité chez le Procureur de la République et de redevabilité chez le juge d'instruction. Une telle tâche de répartition des dossiers devrait être réalisée par le doyen des juges ou le président du tribunal que par le Procureur de la République.

Les tensions entre le ministère public et le juge d'instruction peuvent compromettre les espoirs de la victime de voir son action aboutir. Ces tensions peuvent être liées à des conflits de compétence ou d'intérêts, entraînant une collaboration limitée ou un dialogue de sourds, avec pour conséquence la lenteur de la procédure ou sa prescription.

Le juge d'instruction peut communiquer le dossier au ministère public pour ses réquisitions à fin d'informer, d'une mesure d'instruction, de règlement définitif et autre sans avoir de réponse dans les meilleurs délais ou pas du tout. En refusant de prendre des réquisitions utiles pour la poursuite de l'information, la procédure traine, et parfois se solde par la prescription. Le manque d'implication du Procureur dans le suivi de l'instruction porte atteinte aux droits des parties prenantes et à la qualité de l'enquête.

De son côté, le ministère public peut demander au juge d'instruction la communication du dossier et de ne pas avoir de suite. Il peut faire trainer le dossier dans son cabinet sans poser aucun acte ou refuser de le communiquer au mépris des droits de la victime qui attend le dénouement de l'information.

242 MILANDOU (A), La lenteur née des rapports ministère public-juridiction d'instruction, Mémoire pour l'obtention du diplôme du cycle secondaire, filière Magistrature de l'ENAM, 1991, p.25

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Au regard de ce qui vient d'être dit, il est impérieux de renforcer l'indépendance des différents procédés mis à la disposition de la victime, en les soustrayant de la tutelle du Procureur de la République, tout au moins en redéfinissant ses interventions dans ses rapports avec le juge d'instruction et le juge de jugement, afin de pallier les dysfonctionnements relevés.

B- Le renforcement de l'indépendance des procédures alternatives au classement sans suite en redéfinissant les interventions du ministère public

Le ministère public a le devoir de s'acquitter de sa tâche d'une façon efficace, avec un sens profond de la dignité et de la justice des procédures judiciaires243 Par son pouvoir de réquisitions, il est érigé en acteur incontournable dans la décision du droit d'accès au juge. S'il dispose du droit légal de classer sans suite une plainte reçue, il use du droit de classement implicite et silencieux lors des procédures venant de l'instruction ou orientées vers la juridiction de jugement par sa simple inaction qui ne constitue ni une infraction, ni une faute personnelle. Il est regrettable que l'accès au juge puisse être entravé pour certains citoyens. En effet, il n'existe pas de délai spécifique pour acheminer une citation directe, répondre aux ordonnances du juge d'instruction ou exercer des voies de recours ou de pression en cas d'inaction prolongée. Cette situation peut malheureusement conduire à la prescription des affaires, privant ainsi les victimes de la justice qu'elles méritent.

Une attente interminable pousse la victime à renoncer à son action et à chercher des moyens d'obtenir une justice privée. Le Procureur se place au-dessus des droits de la victime en raison de sa liberté d'action, de l'absence de cadre pour son pouvoir, de la définition floue de ses obligations et du manque de contrôle de ses actions, ce qui contribue à l'affaiblissement du système judiciaire. Cette imprécision permet à de nombreux procureurs de s'enrichir et d'être courtisés par les justiciables ou leurs proches. Une solution consisterait à imposer des délais d'action au Procureur de la République ou le mettre de côté.

243 Boucher c. La Reine, [1955] R.C.S. 16 aux pp. 23-24. Voir aussi Rex c. Chamandy (1934), 61 C.C.C. 224 (C.A. Ont.) à la p. 227. « It cannot be made too clear, that in our law, a criminal prosecution is not a contest between individuals, nor it is a contest between the Crown endeavouring to convict and the acçused endeavouring to be acquitted; but it is an investigation that should be conducted without feeling or animus on the part of the prosecution, With the single view ofdetermining the truth ».

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L'absence de définition du délai d'accomplissement de certains actes procéduraux profitent aux magistrats véreux qui jouissent parfois d'une impunité légendaire. Cela crée un boulevard à la lenteur, la prescription, l'orchestration des abus, et à la corruption. Il existe un mythe ancré dans notre subconscient, selon lequel tout devrait tourner autour du ministère public, car il est le garant de l'ordre public. Mais qu'en est-il lorsque ce gardien de l'ordre public se transforme en un défenseur de l'injustice, en un monstre froid qui piétine et dévore les droits des citoyens, s'élevant au-dessus de tous, alors qu'il n'est pas la seule autorité à garantir les droits individuels ? Il n'y a aucun inconvénient à réduire ses pouvoirs en renforçant la séparation des fonctions et le contrôle de ses actions.

Au sujet de la constitution de partie civile devant le juge d'instruction, les interventions du ministère public doivent cesser d'être obligatoire. Le système actuel voudrait que le juge d'instruction n'ouvre244, ne clôture et ne pose certains actes d'information qu'après avoir communiqué le dossier au ministère public pour ses réquisitions. Si le ministère public réagit, le juge d'instruction poursuit son travail, en cas d'inaction, la procédure s'arrête. Pour pallier ces difficultés et permettre au juge d'instruction d'accomplir sa tâche sans subir les caprices du ministère public, il va falloir définir les délais pour lesquels le ministère public est tenu de réagir. Au cas où il ne prend pas des réquisitions au-delà des délais impartis, le juge d'instruction passe outre. C'est une mesure visant à sanctionner son inaction qui recèle souvent les manoeuvres occultes. Par exemple, si le juge d'instruction communique le dossier pour l'ouverture de l'information, son extension ou le règlement définitif, le ministère public doit disposer de 10 jours pour prendre ses réquisitions. S'il ne le fait pas, le juge d'instruction ouvre l'information, étend l'information à d'autres faits non visés par le réquisitoire introductif, clôture son information et renvoie le dossier devant la juridiction compétente. Le juge d'instruction en transmettant le dossier au parquet, il doit garder un exemplaire, en cas de non-retour, il n'aura pas de difficultés de continuer à poser les actes nécessaires à l'information. Pareille chose doit être faite quand le procureur demande la communication du dossier de la procédure. Il y a des dossiers qui sont gardés dans

244 Art. 64-2 du CPP dispose : « Le juge d'instruction ne peut informer qu'en vertu d'un réquisitoire du Procureur de la République ». Le juge d'instruction ne peut se saisir lui-même. S'il le pouvait, il mettrait lui-même l'action publique en mouvement en violation du principe de la séparation des fonctions de poursuite et d'instruction.

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les parquets sans retour dans les cabinets d'instruction de provenance jusqu'à leur prescription.

Pour la citation directe, elle doit être déposée à la formation de jugement qui sera tenue de communiquer un exemplaire au parquet pour la viser dans un délai de 10 jours. Dépassé ce délai, le tribunal inscrit l'affaire au rôle pour être jugée. Cette solution va lutter contre les abus du ministère public et sa toute-puissance. Elle renforcera le principe de la séparation des fonctions judiciaires. Il est curieux qu'une procédure déclenchée devant la juridiction de jugement ou d'instruction, censée pallié le classement traine ou se prescrive à cause de l'organe de poursuite qui refuse de prendre ses réquisitions. Le ministère public doit jouer la fonction protocolaire au sujet des procédures engagés devant les juridictions répressives, en lui retirant son pouvoir d'impulsion en se permettant de tout faire en toute impunité.

L'inaction irrémédiable est un pouvoir entre les mains du Procureur de la République pour enterrer les procédés correctifs de classement. Il faut créer les véritables contrepouvoirs sans les subordonner au pouvoir ou aux caprices du ministère public et en envisageant leur refonte pour favoriser leur meilleur accès par les victimes. Il est essentiel de réformer ces aspects du système judiciaire afin de garantir un accès équitable et rapide à la justice pour tous les citoyens, sans compromettre leurs droits.

PARAGRAPHE 2 : La refonte des procédures alternatives au classement sans suite

La refonte consiste à réviser un texte pour l'améliorer. Il est généralement admis que les textes régissant les procédures alternatives présentent des difficultés pratiques, entravant leur bon déroulement et portant atteinte aux droits des victimes d'infractions. Une révision s'impose tant pour la procédure de constitution de partie civile devant le juge d'instruction (A) que celle enclenchée devant le juge de jugement (B).

A- La refonte de la procédure de constitution de partie civile devant le juge d'instruction

Le juge d'instruction joue un rôle central dans la procédure de constitution de partie civile pour une victime de classement sans suite. Il effectue tous les actes d'information

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qu'il juge nécessaires pour établir la vérité245. Plusieurs obligations pèsent sur lui afin de garantir le bon déroulement de la procédure, notamment l'obligation d'instruire, de collaborer avec le ministère public et de rendre des ordonnances à chaque étape du processus. Malgré ces multiples responsabilités, des lacunes subsistent, nécessitant une limitation des actions du magistrat instructeur dans un délai précis, sous peine de sanctions.

Il est déplorable de constater que certains justiciables voient leurs droits bafoués parce que le juge d'instruction n'a pas accompli les actes d'instruction nécessaires pour établir la vérité, ou parce qu'il s'est abstenu de le faire pendant une période prolongée, entraînant la prescription de l'affaire sans qu'il en subisse les conséquences. Certains juges d'instruction fournissent des informations superficielles ou déforment des faits pour orienter le dossier vers un non-lieu, ou encore s'abstiennent de communiquer le dossier au ministère public pour réquisitions.

Lors de notre passage en stage dans un tribunal de grande instance plus précisément dans les bureaux du parquet de la République, nous étions surpris de voir plus de cent vingt-cinq (125) dossiers venus des cabinets d'instruction, pour les réquisitions aux fins de prescription. Malheureusement, après des années d'attente, les victimes seraient surprises d'apprendre que leurs affaires ne pourraient pas être traitées par le juge, car il n'a pas posé les actes nécessaires et conformes à ses devoirs dans le temps imparti par la loi. Certains dossiers ont fait 5 ans et d'autres plus de dix (10) sans qu'aucun acte soit posé. On comprend par ce comportement que le système judiciaire est malade et mérite d'être soigné en révisant la procédure et en mettant à la charge du juge d'instruction de nouvelles obligations dont leur violation entrainerait une sanction pénale et disciplinaire.

Bien qu'existant, il faut réaffirmer l'obligation d'instruire jusqu'à la clôture du dossier. En cas de prescription d'un dossier dans son cabinet, il doit être sanctionné disciplinairement et civilement pour la paresse ou l'abus de pouvoir. Il doit réparer le dommage subi par la victime à cause de son comportement et verser une réparation que la victime prétendrait avoir de la part de l'inculpé.

Sur le plan disciplinaire, il doit être frappé de l'abaissement d'échelon et de l'affectation d'office. Ces mesures ne sauraient efficaces que si l'inspection générale des

245 Art.65 du CPP

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juridictions et des services judiciaires joue pleinement sa mission d'enquêter et de vérifier au quotidien le respect par les acteurs judiciaires de leurs obligations statutaires246.

Dans ses rapports avec le ministère public, nous ne plaidons pas pour la suppression pure et simple des réquisitions du ministère public dans la procédure d'instruction. Elles restent nécessaires pour éclairer le juge en charge du dossier. Ce que nous déplorons et nous souhaitons une refonte, c'est la subordination de l'instruction aux réquisitions obligatoires du ministère public sans lesquelles le juge d'instruction n'y peut rien, et n'a aucun moyen de le forcer pour les provoquer. Cette exigence, souvent à l'origine des blocages doit être revue.

L'absence d'imposition de délai au juge d'instruction dans la communication du dossier au ministère public constitue également un véritable goulet d'étranglement pour cette procédure. Dès la réception d'une plainte de la part de la victime, elle doit être communiquée au ministère public dans un délai de sept (7) jours pour réquisitions afin d'éclairer le juge d'instruction. Apres l'envoi des réquisitions ou non dans un intervalle de sept (7) jours, le juge d'instruction doit entamer son instruction sans une ordonnance motivée pour ne pas alourdir son travail. Rien ne l'interdit de rendre une ordonnance de refus d'informer s'il apparait que les faits ne tombent pas sous le coup de la loi pénale ou que l'action publique est déjà éteinte ou la personne jouit d'une immunité.

Il peut aussi rendre une ordonnance d'incompétence, s'il constate qu'au point de vue de la compétence d'attribution ou de la compétence territoriale l'affaire n'est pas de son ressort. Tout au moins, le législateur doit indiquer les motifs pour lesquels celui à qui incombe l'obligation d'instruire peut refuser d'informer, même si la victime dispose d'une garantie de voie d'appel devant la chambre d'accusation.

L'obligation d'instruire doit inclure l'obligation d'étendre l'information à des faits nouveaux sans provoquer les réquisitions du ministère public et à l'obligation de rendre une ordonnance de clôture conforme aux éléments d'investigations recueillis. Certains magistrats dénaturent les éléments d'enquête pour orienter les résultats de l'enquête vers un non-lieu.

246 Les articles 6-6 et 8 du décret n°99-87 du 19 mai 1999 portant attributions, organisations et fonctionnement de l'inspection générale des juridictions et des services judiciaires

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Le juge d'instruction doit travailler en collégialité. Pour être plus précis, il faut mettre fin au caractère de juge unique dans les cabinets d'instruction247. On ne doit pas abandonner entre les mains d'un seul juge un travail si complexe et si contraignant. La collégialité est un moyen de se contrôler et de dissuasion en cas de sollicitation à la corruption. Elle contribuera à la célérité dans le traitement des affaires en répartissant les tâches entre les différents juges. Nous étions surpris de trouver plus de 700 dossiers dans un seul cabinet d'instruction lors de notre stage au tribunal de grande instance de Brazzaville alors que dans une chambre civile nous avons trouvé 22 juges. Nous concluons que nos lois ne sont pas collées à la réalité du terrain. Cinq juges par cabinet d'instruction avec un président coordonnateur à leur tête serait un système efficace.

Le juge d'instruction doit fixer les frais de procédure appelés consignation au regard des dispositions légales. La loi doit prévoir une somme modique que la victime doit consigner au greffe pour éviter que les magistrats cupides exploitent les victimes et verrouillent la porte d'accès au juge, surtout que l'assistance judiciaire n'existe que sur papier. Ne mesurons pas la capacité financière en fonction des victimes de grandes villes. Il faut l'évaluer aussi en fonction de celles qui vivent dans les petits villages. Néanmoins, pour une procédure alternative au classement, il n'y a aucune raison qu'une consignation soit imposée à la victime qui a déjà soldé les frais du dépôt de sa plainte au procureur de la République. S'il faut l'admettre, il est souhaitable qu'un montant minimum de 5000 frs soit fixé pour toute la procédure.

La justice est un service public. Il est illogique de faire payer à la victime les frais de la procédure. Pour un simple transport sur les lieux, au lieu de demander les frais de transport comme le nom l'indique, mais on va au-delà. Pour une petite distance on demande 300000 à 500000 mille pour les frais de transport sur les lieux. Si la victime ne verse pas une telle somme, le juge d'instruction s'assoit sur le dossier jusqu'à la prescription ou passe outre. Pour le cas de Brazzaville, il est difficile que les frais de transport sur les lieux soient inferieurs à 100000 frs. Question de dire que les démunis n'auront pas droit à la justice.

247 L'art. 78 de la loi n°19-99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire dispose : « Le cabinet d'instruction est une juridiction à juge unique ».

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Le magistrat instructeur doit informer la victime de toutes les étapes de la procédure, de l'évolution de l'enquête et des actes d'instruction qu'il compte poser et des ordonnances qu'il envisage de prendre. Il est curieux que la victime apprenne que l'inculpé est mis en liberté sans qu'elle soit informée et reçoive une garantie de la part du juge. La victime doit avoir les mêmes droits que le procureur de la République de demander les mesures d'instruction qu'elle juge utiles pour la manifestation de la vérité.

Le juge d'instruction doit se voir obliger d'émettre un mandat d'amener si le présumé auteur ne se présente pas ou le mandat d'arrêt s'il a pris la fuite. Le mandat doit être gratuit, impératif et non facultatif. Le juge d'instruction ne saurait se contenter des convocations et s'abstenir d'avancer dans l'instruction parce que le présumé auteur ne se présente pas. Imaginons qu'à la fin de l'information, le juge d'instruction rende une ordonnance de non-lieu, parce que l'auteur ne s'est pas présenté ou reste introuvable, alors que le juge d'instruction dispose d'un pouvoir de décerner les mandats contraignants et qu'il n'en n'a pas usé car la victime n'a pas dégagé la somme exigée pour son émission. Il faut cesser de faire payer les frais des mandats aux victimes qui sont déjà en détresse et dont le coût s'élève à plus de 200000frs. Il ne faut jamais perdre de vue que l'action publique est exercée au nom de la société. Elle vise à réprimer le trouble à l'ordre public. Il n'est pas évident qu'un délinquant se promène librement parce que sa victime n'a pas dégagé les fonds nécessaires pour son arrestation et sa comparution alors qu'il s'agit de l'action publique. Il est crucial de garantir que les victimes ne subissent pas de préjudice financier supplémentaire lorsqu'elles cherchent à obtenir justice.

B- La refonte de la procédure de citation directe

Lorsqu'une personne souhaite engager une procédure judiciaire par voie de citation directe, elle doit faire appel à un huissier de justice pour en assurer la signification à la partie adverse. Les diligences que l'huissier doit réaliser dans la rédaction d'une citation directe consiste à vérifier la recevabilité de la demande c'est-à-dire si les conditions de recevabilité de la demande sont remplies notamment en ce qui concerne les conditions de fond et de forme ; signifier la citation à la partie adverse, c'est-à-dire lui notifier officiellement la procédure en la lui remettant en main propre dans un délai précis ; établir un procès-verbal de signification qui atteste que la signification a bien

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été effectuée et à déposer la citation directe auprès du tribunal compétent. Cette procédure parait assez simple, avantageuse et efficace en favorisant la saisine directe de la juridiction répressive comme on peut le penser alors que ce n'est pas toujours le cas. En raison de ses contraintes légales, elle doit être révisée pour permettre aux victimes d'en faire usage régulièrement.

La première difficulté est liée à l'exigence d'un agent d'exécution qui sera chargé de sa rédaction et sa signification. L'exigence de l'intervention d'un huissier est loin de refléter la cartographie judiciaire des agents d'exécution et le revenu moyen des citoyens congolais. Il y a plusieurs juridictions dans le ressort desquels il n'y a pas d'huissier de justice. Les huissiers sont plus concentrés dans les grandes villes comme Brazzaville et Pointe-Noire. Il est difficile de trouver un huissier de justice à Ngomboma par exemple. Il revient à dire que la victime d'une infraction qui se trouve dans une localité dans laquelle il n'y a pas d'huissier de justice, ne peut pas saisir directement le juge de jugement. Elle ne peut non plus saisir une autre juridiction en tenant compte de la notion de compétence territoriale. Donc cette garantie offerte aux victimes de classement sans suite ne joue que dans les grandes villes. Dans les petites localités, les voies d'accès au juge sont réduites. En s'inspirant du droit français, le législateur congolais n'a pas tenu compte des réalités locales.

Bien plus, dans les localités où il y a un huissier de justice, un autre problème se pose : le coût de la procédure. Elle s'avère réservée aux citoyens qui ont des assises financières. Au regard du niveau de vie des citoyens congolais, une telle procédure n'est pas accessible à plusieurs. Pensez-vous qu'un villageois, un paysan ou un fonctionnaire peut facilement avoir dans un temps relativement court 150000 pour s'offrir les services d'un huissier de justice, qui s'occupera de sa citation ? La réponse est négative alors que l'accès à la justice est un droit fondamental, qui doit être garanti par les textes, en tenant compte des difficultés que les citoyens rencontrent.

La suppression de l'intervention d'un huissier dans la rédaction d'une citation directe pour des raisons financières et géographiques comme soulignées ci-haut serait la bienvenue. En permettant à chaque victime de rédiger sa citation, en la rendant moins formaliste, est une solution raisonnable. Conscient que tous les justiciables ne connaissent pas la loi, ne savent pas lire et écrire, l'exigence de viser les textes légaux de prévention et de répression dans la citation doit être écartée, en simplifiant sa rédaction sous la forme d'une plainte mentionnant les faits, indiquant l'identité du

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présumé auteur et ses références d'identification. Il reviendra au ministère public de formuler l'acte d'accusation ou le tribunal.

Dans le cadre de la facilitation du droit d'accès au juge, l'Etat doit créer les centres d'aide judicaire aux victimes qui seront composés des professionnels du droit. Ils seront rémunérés par l'Etat ayant comme mission le conseil, l'orientation, la rédaction gratuite des plaintes et citations directes selon les exigences de la loi, si la victime ne souhaite pas le faire elle-même.

Le dépôt de la citation doit se faire au tribunal qui doit vérifier le respect des différentes mentions nécessaires à l'identification du prévenu et de la victime voire des témoins et demander à la victime de régulariser sa citation, avant son passage à l'audience, en cas de défaut d'une mention importante. La notification doit être assurée par les greffiers, ou un service formé pour cette tâche. Un autre problème lié à la citation directe qui mérite une révision est l'interdiction de citer les criminels devant la cour d'appel. Cette restriction limite les droits des victimes d'accéder au juge, si jamais leur plainte est classée sans suite. La raison souvent évoquée est qu'en citation directe, le prévenu doit comparaitre libre alors qu'un présumé criminel doit être placé sous mandat de dépôt et jugé lors des sessions crinelles.

Pour un meilleur accès à la justice, la citation des criminels doit se faire avec la possibilité de décerner un mandat de dépôt. Ensuite, il faut supprimer les sessions criminelles qui ne favorisent pas les victimes avec le temps qu'elles prennent pour se tenir. Si elles font une année sans se tenir, tous les présumés criminels vont se retrouver dehors avec la possibilité de s'enfuir puisque la détention préventive ne peut dépasser 10 mois. Le mimétisme juridique doit refléter l'environnement dans lequel il doit s'appliquer. La suppression des sessions criminelles permettra aux victimes d'obtenir justice dans un temps relativement court et de mettre de côté les jurés qui ne connaissent pas le droit, mais se prononcent sur la base de leurs sentiments et impressions et non de manière objective.

Tout compte fait, le remède contre les dysfonctionnements relevés dans le système de classement sans suite réside, dans la création, d'un juge d'opportunité des poursuites, avec des pouvoirs et des obligations bien définis ; la prise en compte des droits des victimes et le renforcement de l'efficacité des procédures alternatives au classement sans suite.

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CONCLUSION

Il est inconcevable d'imaginer un système d'application de la loi pénale où aucune personne ayant autorité ne serait appelée à décider, si une personne doit être poursuivie ou non pour une infraction alléguée. En procédure pénale congolaise248, ce pouvoir est attribué au Procureur de la République. Contrairement au système de légalité des poursuites, qui veut que toute infraction portée à la connaissance du Procureur de la République soit suivie des poursuites, le système d'opportunité lui accorde le plein pouvoir de décider du traitement à réserver à une affaire pénale : il peut la renvoyer devant un juge ou la classer sans suite.

Le classement sans suite est une décision prise par le Procureur de la République, lorsqu'il estime qu'il n'y a pas lieu de poursuivre une affaire pénale, pour des raisons de légalité ou d'opportunité. Cette décision signifie que l'affaire ne sera pas portée devant le juge. Elle n'implique cependant pas l'abandon des poursuites, dès lors que le ministère public peut à tout moment, pendant le délai de prescription, revenir sur sa position pour mettre en marche la machine judiciaire.

La décision de classement sans suite n'obéit pas à un cadre juridiquement défini d'avance. Elle fait appel exclusivement à la conscience, au jugement, à l'intime conviction et à l'opinion personnelle du Procureur de la République.

Le mécanisme de classement sans suite est une expression du pouvoir discrétionnaire reconnu au ministère public. Ce pouvoir signifie liberté d'appréciation, absence de régulation et de contrôle. Dans une très large mesure, c'est sur l'intégrité personnelle du Procureur de la République qu'il faudra compter, pour que son pouvoir soit exercé avec toute la rectitude nécessaire.

Positivement, ce pouvoir est un outil indispensable pour la gestion des affaires pénales. Il permet au ministère public de trier les affaires que les tribunaux doivent connaitre en raison de leur importance, des ressources disponibles, des priorités et d'éviter les poursuites inutiles, inopportunes et injustifiées249. Toutefois, ce pouvoir

248Art. 28-1 du CPP

249KAVUNDJAN MANENO (T), Procédure pénale, Paris, Espérance, 2022, pp. 459-460. Cet auteur affirme que la mise en oeuvre du pouvoir d'appréciation reconnu au Ministère public permet certains avantages dans le système judiciaire. Il s'agit d'une part de filtrer les dossiers à soumettre au juge, d'éviter des poursuites inutiles lorsque les faits sont prescrits, amnistiés ou lorsqu'il s'avère impossible d'en découvrir les auteurs, d'éviter aux personnes

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connait quelques limites. Ainsi, le Procureur de la République ne peut classer sans suite une plainte mettant en cause une personne jouissant des privilèges juridictionnels, puisque ce pouvoir relève de la Cour suprême. Il ne peut non plus classer une affaire après la décision de poursuite car l'action publique devient indisponible après sa mise en mouvement.

Négativement, à cause des lacunes légales qu'il comporte, le pouvoir de discrétion aboutit immanquablement à une application sélective, discriminatoire, et donc inégale de la loi, devenant ainsi un vecteur d'abus.

Concrètement, ces lacunes sont traduites tout d'abord, par la possibilité reconnue au Procureur de la République de choisir en toute liberté, le motif de classement sans suite. Cette liberté crée une disparité dans ses décisions, encourage les abus qui ternissent l'image de la justice, alimentent les soupçons de la présence du ver dans le fruit de la magistrature et créent une justice à double vitesse. Une telle situation ne saurait être remédiée que par la définition des motifs qui orienteront les décisions du ministère public et feront barrage à l'arbitraire.

Ensuite, l'absence d'obligation de motiver sa décision, créant ainsi, une certaine opacité de son action. Ce système ignore la nécessité de la motivation, élément de pédagogie et de compréhension de la décision par les justiciables et gage d'impartialité.

Bien plus, la liberté du choix du délai de réponse d'une plainte reçue. Pratiquement, beaucoup de plaintes trainent longtemps dans ses bureaux, laissant les victimes dans une totale incompréhension et conduisant certaines affaires à la prescription. L'idéal serait d'imposer un délai de réponse de trois mois pour pallier ces abus.

En outre, le Procureur de la République détermine la forme de la réponse à donner à la victime. En réalité, il est tenu de prendre un acte de classement sans suite comme il le fait pour les actes de poursuite. Malheureusement, en pratique, il y a des classements silencieux, laissant la victime dans une confusion et soif de justice. L'option de classement implicite traduit souvent la crainte de porter à la connaissance

concernées les inconvénients de poursuites injustifiées, à la société de troubles inutiles, et de réduire l'encombrements des juridictions.

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du plaignant une décision fantaisiste qui alimenterait, les soupçons de corruption ou de trafic d'influence.

Enfin, le ministère public reste libre d'informer la victime, oubliant que l'information est cruciale dans une procédure judiciaire, afin de permettre à la victime d'envisager d'autres démarches et de savoir que sa plainte a été prise en compte.

Le comble des lacunes du système actuel se traduit visiblement par l'absence des voies de recours placées entre les mains de la victime pour contraindre le ministère public à revoir sa position ou à sortir de son silence. Or, le recours permet d'assurer le contrôle de la décision prise et de redresser une situation mal traitée.

La victime peut néanmoins contourner le refus d'agir du Procureur de la République, en engageant les poursuites devant les juridictions répressives.

En un mot, le maniement du pouvoir de classement sans suite conduit à une application à géométrie variable de la loi, devient une source de revenus pour les magistrats sans scrupules, un moyen pour faire passer leurs proches, leurs amis ou les hommes influents de la société à travers les mailles du filet de la répression et un facteur criminogène.

L'antidote pour remédier aux dysfonctionnements de la machine judiciaire au premier regard, résiderait d'une part dans la définition des pouvoirs et des obligations du Procureur de la République et d'autre part dans la prise en compte des droits du plaignant notamment le droit à l'information, à l'orientation vers d'autres démarches, à une réponse motivée dans un délai relativement court et le droit de recours devant le procureur général.

Cette approche a tout de même ses faiblesses qui ne permettront pas de rendre à notre justice ses lettres de noblesse à savoir : l'absence d'indépendance du Procureur de la République vis-à-vis de sa hiérarchie judiciaire et politique ; son irrécusabilité combien même il existerait les soupçons d'impartialité ou de corruption, exposant ainsi la victime à une décision arbitraire et enfin son irresponsabilité sauf prise à partie dont la preuve n'est pas toujours aisée à rapporter.

La construction d'un système efficace passe par la création d'un juge d'opportunité des poursuites. Indépendant, récusable et responsable de ses actes, ce magistrat traitera les plaintes reçues par le ministère public dans un délai d'un mois. Apres

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examen, il pourra rendre soit une ordonnance de poursuite communicable au ministère public pour le déclenchement des poursuites dans un délai de dix (10) jours ; soit une ordonnance de conciliation pour motif d'opportunité défini d'avance ou soit une ordonnance de classement sans suite motivée, notifiable et contestable par le ministère public et la victime devant la chambre d'accusation.

Faute d'une indépendance décisionnelle, le ministère public se contentera de recevoir les plaintes, d'ordonner une enquête préliminaire ne pouvant dépasser deux mois et de soumettre les dossiers au juge d'opportunité des poursuites pour appréciation.

Dans le souci de garantir le droit d'accès au juge pour la victime de classement sans suite, il est nécessaire de renforcer l'efficacité des procédures alternatives au classement sans suite notamment la constitution de partie civile devant le juge d'instruction et la citation directe.

Cette efficacité sera assurée par leur détachement au pouvoir du ministère public qui s'érige souvent en obstacle pour leur déclenchement et aboutissement par son inertie à prendre les réquisitions exigées dans les dossiers pleins d'enjeu ; la définition d'un délai minimum au-delà duquel si le ministère public ne prend pas les réquisitions attendues, la juridiction saisie pourra passer outre ; la réduction de leur coût et l'obligation pour le juge saisi d'émettre gratuitement les mandats contraignants selon leur usage ; la simplification de tout acte de saisine du juge en une simple plainte sans formalisme rigoureux ; l'élargissement de la procédure de citation directe aux crimes ; la suppression de l'intervention d'un huissier de justice dans la procédure de citation directe pour réduire son coût et permettre son effectivité sur tout le territoire national ; l'instauration de la collégialité dans les cabinets d'instruction, pour la célérité et la lutte contre la corruption et la création des centres d'aide aux victimes composés des juristes qui les accompagneront dans leur démarche.

La question sur le régime juridique du classement des affaires pénales doit être traitée de manière générale et pertinente. Il n'est pas rare de voir certains dossiers dont les poursuites sont portées devant une formation de jugement, s'ensabler définitivement, alors que ceux ayant donné lieu à une instruction, se solder par un abandon des poursuites, jusqu'au constat de la prescription de l'action publique. C'est donc à tort que cette question reste focalisée uniquement sur le parquet, alors que celui-ci ne constitue qu'un maillon de la chaine de traitement de la délinquance.

115

L'élargissement de la notion de classement sans suite est nécessaire, car elle touche toute la chaine pénale. Chaque fois que la réponse pénale n'est pas appropriée après la commission d'une infraction, à cause de l'inaction de celui qui devrait la dénoncer, porter plainte auprès des autorités compétentes, autoriser les poursuites, mettre en accusation le présumé auteur, le poursuivre, le juger et exécuter la décision rendue, il s'agit sans l'ombre d'aucun doute d'un classement sans suite.

Le traitement en profondeur de cette question dans tous ses contours et à tous les niveaux de la chaine pénale contribuera à éjecter le ver qui ronge le fruit succulent de la justice, à lutter contre l'arbitraire, à réhabiliter l'image de l'appareil judiciaire et à éloigner la protection accordée à certains présumés auteurs d'infractions.

Le magistrat congolais, présenté souvent comme le plus corrompu de la société par le pouvoir politique ; le système judicaire, traité de malade sans perspective de guérison par le peuple, retrouveront leurs lettres de noblesse perdues en prenant des décisions de classement sans suite claires, impartiales et respectueuses des droits de la victime.

Finalement, la prise en compte de la recette proposée constitue la véritable matrice pour l'implémentation et la promotion d'un système répressif efficace, égalitaire, équitable, digne de confiance et répondant aux standards d'un Etat de droit.

116

BIBLIOGRAPHIE

I- TEXTES

A-Textes internationaux

-Déclaration internationale des droits de l'homme du 10 décembre 1948

-Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales

B-Textes nationaux

-Constitution du 25 octobre 2015

-Loi n°1-63 du 13 janvier 1963 portant code de procédure pénale

-Loi n°51-83 du 21 avril 1983 portant code de procédure civile, commerciale, administrative et financière

-Loi 15-99 du 1999-04-15 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°023-92 du 20 août 1992 portant statut de la magistrature

-Loi n°17-99 du 15 avril 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°025-92 du 20 août 1992 et de la loi n°30-94 du 18 octobre 1994 portant organisation et fonctionnement de la cour suprême

-Loi n°7-2003 du 6 février 2003 portant organisation et fonctionnement des collectivités locales

-Charte des droits et des libertés adoptée le 29 mai 1991 (Conférence souveraine). -Loi n°4-2010 du 14 juin portant protection de l'enfant en République Congo

-Loi n°19-99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire

-Décret n°99-87 du 19 mai 1999 portant attributions, organisation et fonctionnement de l'inspection générale des juridictions et des services judiciaires

-Décret n°99-88 du 19 mai 1999 portant attributions et organisation du ministère de la justice

117

II-OUVRAGES

-BAMBA (Saturnin Lovel), Le déroulement du procès pénal : Essai de droit comparé Congo/France, Paris, L'Harmattan, 2019, 267 pages

-BORRICAND (Jacques) et SIMON (Anne-Marie), Droit pénal procédure pénale, Paris, 6e édition, Dalloz, 2018, 460 pages

-BOULOC (Bernard), Procédure pénale, Paris, 23e édition, Dalloz, 2012, 1102 pages -BOULOC (Bernard) et MATSOPOULOU (Haritini), Droit pénal général et procédure pénale, Paris, 21e édition, Dalloz, 2018, 781 pages

-BRAAS (Le Chevalier), Précis de procédure pénale, Bruxelles, 3e édition, H. Vaillant-Carmanne, 1956, 474pages

-CHAPUS (Rene), Droit administratif général, Paris, 15e édition, Lgdj, 2001, 1440

pages

-CHAPUS (Rene), Droit du contentieux administratif, Paris, 13e édition, Lgdj, 2008, 1539 pages

-CORNU (Gerard) : Vocabulaire juridique, Paris, 12e édition, Puf, 2018, 1130 pages

-DECHEPY-TELLIER (Johan), La procédure pénale en schémas, Paris, 2e édition, Ellipses, 2017, 539 pages

-DELMAS-MARTY (Mireille), les chemins de la répression, Paris, PUF, 1980, 263 pages

-DESPORTES LAURENCE (Frederic) et LAZERGERS-COUSQUER, Traité de procédure pénale, Paris, 3e édition, Economica, 2013, 2311 pages

-Dictionnaire français, Le Robert Dixel Mobile, application disponible sur google Play store

-Dictionnaire français, Wiktionnaire, application disponible sur google Play store

-GANZINO-NGOUNGA (Cyprien), L'audience pénale, Porto-Novo, 1e édition, Protic, 2021, 281 pages

-GANZINO-NGOUNGA (C), Guide des inculpations, Porto-Novo, 2e édition, 668 pages

-GUILLERMET (Camille-Julia), La motivation des décisions de justice. La vertu pédagogique de la justice, Paris, L'Harmatan, 2006, 120 pages

118

-GUINCHARD (Serge), Procédure pénale, Paris, Litec, 2000, 864 pages

-GUINCHARD (Serge) et DEBARD (Thierry) : Lexique des termes juridiques, Paris, 19e édition, Dalloz, 2012, 918 pages

-GUINCHARD (Serge) et BOUISSON (Jacques), Procédure pénale, Paris, 9e édition, LexisNexis, 1633 pages

-HELIE (Faustin), Traité de l'instruction criminelle ou théorie du code d'instruction criminelle, Bruxelles, tome II, Bruylant-Christophe, 1867, p776

-LE ROY (Jacques), procédure pénale, Paris, Lextenso, 2013, 525 pages

-LEVASSEUR (Georges), BOULOC (Bernard), STEFANI (Gaston), Procédure pénale, Paris, 18e édition, Dalloz, 2000, 1004 pages

-LUZOLO BAMBI LESSA (Emmanuel) et BAYONA BA MEYA (Nicolas Abel), Manuel de procédure pénale, Kinshasa, PUC,783 pages

-MERLE (Roger) et VITU (André), Traité de droit criminel, procédure pénale, Paris, 3e édition, Tome II, Cujas, 1979, 1002 pages

-PRADEL (Jean), procédure pénale, Paris, 17e édition revue et augmentée à jour au 15 juillet 2013, Cujas, 2013, 975 pages

-PRADEL (Jean), Droit pénal comparé, Paris, 4e édition, Dalloz, 2016, p.1116 -PUIGELIER (Catherine), Dictionnaire juridique, Bruxelles, 2e édition, Larcier, 2015

-RUBBENS (Antoine), Le droit judicaire congolais : L'instruction criminelle et la procédure pénale, Bruxelles, 1e édition, Tomme III, Larcier,1965, 467 pages

-VERNY (Edouard), Procédure pénale, Paris, 6e édition, Dalloz 2018, 379 pages

III- THESES ET MEMOIRES

-BATONON (Crépine) : « Etude critique de l'opportunité des poursuites dans les législations béninoise et française », Thèse, 2017

-CHAUBET (S), La déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental au stade de l'instruction, Thèse Montpellier, 2012

119

-KABASELE MUAMBA (Fred), Le ministère public congolais ; organe fortement hiérarchisé nécessitant sa réforme, Mémoire pour l'obtention du diplôme de Licence, Université de Kinshasa, 2010

-MARIAT (Kevin), L'équilibre des pouvoirs dans la phase préparatoire du procès pénal : Réflexions françaises à la lumière des droits allemand et italien, Université Jean Moulin Lyon 3, 2019

-MIANSONI (Camille), Les modes de poursuite devant les juridictions pénales, Thèse, Université Panthéon-Sorbonne-Paris I, 2018

-MILANDOU (Aser), La lenteur née des rapports ministère public-juridiction d'instruction, Mémoire pour l'obtention du diplôme du cycle secondaire, filière Magistrature de l'ENAM, 1991

-NICOLAS (Jeanne), Juridictionnalisation de la répression pénale et institution du ministère public : étude comparative France-Angleterre, Université Panthéon-Sorbonne - Paris I, 2015

-ORANE (Dornier), Juges et membres du ministère public dans l'avant-procès, l'exemple de l'Allemagne et de la France, Thèse, Université Panthéon-Sorbonne - Paris I, 2019

-OSSOMBO (Arian Karel), Le classement sans suite et les droits de la victime au Congo, Mémoire pour l'obtention du diplôme de Master, Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature (ENAM), 2013

-SEGAUD (Julie), ESSAI SUR L'ACTION PUBLI, Thèse, UNIVERSITE DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE UFR Droit et Sciences Politiques, 2010

-SIMMAT-DURAND (Laurence), Orientation et sélection des affaires pénales : une approche quantitative de l'action du parquet, Thèse, Université de PARIS-I, 1994

-SMEETS (Romain), Le classement sans suite : entre garanties et tempéraments itinéraire d'une procédure impartiale et déterminante, Mémoire pour l'obtention du diplôme de Master, Université catholique de Louvain, 2015

120

IV-ARTCLES ET RAPPORTS

-DE NAUW (Alain), La décision de poursuivre - Instruments et mesures, Rev. dr. Pén et de criminologie, Bruxelles., 1976-1977, pp. 449-475

-LE GALL (Elise), L'opportunité des poursuites du Procureur international : Du pouvoir arbitraire au contrôle insuffisant, Revue internationale de droit pénal, 2013/3 vol.84/pp. 495-514

-GIRAUD (Pierre), Le pouvoir discrétionnaire du Procureur de la Cour pénale internationale, rapport de recherche dirigé par Mme Pascale Martini BIDOU pour l'obtention du certificat de recherche approfondie, février 2012

-JANSSEN (Christiane), La politique de classement sans suite du ministère public en Belgique, 1836-1982, Histoire & Mesure , Année 1991 6-3-4 pp. 313-347

-PEREZ-DIAZ (C), L'indulgence, pratique discrétionnaire et arrangement administratif, Déviance et société Année 1994 18-4 pp. 397-430

-SAUVEL (Tony), Histoire du jugement motivé, RDP 1955, pp. 5-53, spé.p.5

-SOLOVIEFF (Martine), NILLES (Ernest) et OSWALD (Georges), Avis commun du parquet général et des parquets près les tribunaux d'arrondissement de Luxembourg et de Diekirch (26.6.2020) pp.23-26

-WANDA (Master) : Essai sur la motivation des décisions de justice. Pour une lecture simplifiée des décisions des cours constitutionnelles, Annuaire international de justice constitutionnelle/Année 2000/15-1999/pp.35-63

-Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, Rôle du ministère public dans le système de justice pénale, Recommandation adoptée le 6 octobre 2000

-Commission de réforme du droit du Canada, Document de travail 62 Poursuites pénales : les pouvoirs du Procureur Général et des Procureurs de la couronne, 1990

-Commission royale sur la procédure pénale, Rapport, Londres, HMSO, 1981 (Cmnd 8092), pp. 144-145

-Conférence des procureurs généraux d'Europe 5e session organisée par le conseil de l'Europe en coopération avec le procureur général de Celle, Basse-Saxe sur : Les pouvoirs d'appréciation du ministère public : le principe d'opportunité ou de légalité, avantages et inconvénients

121

V-WEBOGRAPHIE

-ALONSO (Christophe), La motivation didactique des décisions juridictionnelles du Conseil d'Etat, disponible sur http:/ www.ut-capitole.fr

-Extrait de l'allocution du Président de la République Denis SASSOU NGUESSO prononcée le 27 mars 2023 lors de la réunion du conseil supérieur de la Magistrature disponible sur https/www. Rfi.fr

-GASNOT (Anouck), Le classement sans suite et l'après, disponible sur les pénalistes en herbe-1.mht

-GAUTIER (Julien), Quelles sont les raisons d'un classement sans suite ? disponible sur www. Qualiplainte.fr

-HAENEL (Hubert), Les infractions suites ou la délinquance mal traitée, disponible sur https://www.senat.fr

-HAMON (François), L'Etat de droit et le principe de l'opportunité des poursuites, disponible sur Cairn.info

-KAPINGA NKASHAMA (Symphorien), Privilège de juridiction et lutte contre l'impunité en République Démocratique du Congo, disponible sur www. Creeda-rdc.org

-Le discours du Président de la République Denis SASSOU NGUESSO prononcé le 17 janvier 2024 à l'occasion de l'audience solennelle de rentrée judiciaire de la cour suprême disponible sur https://gouvernement.cg

-MAKOSSO (Anatole Collinet), Les nouvelles figures de la délinquance mal saisies par le droit pénal des mineurs, disponible sur www.annalesumng.org

-PETIT (Emmanuel), La motivation des décisions judicaires et l'autorité du juge, disponible sur Cainrn. Info

-RIBEYRE (Cédric), Procédure pénale, disponible sur Cairn.info

-VAN DE KERCHOVE (Michel), Fondement et limites du pouvoir discrétionnaire du

ministère public : aux confins de la légalité, disponible sur
https://doi.org/10.7202/001384ar

-YAYA (A), La victime au regard des mutations contemporaines du procès pénal, disponible sur www.annalesumng.org

122

TABLE DES MATIERES

DEDICACE I

REMERCIEMENTS II

ABREVIATIONS III

SOMMAIRE IV

INTRODUCTION 1

PREMIERE PARTIE : LES LACUNES DU REGIME JURIDIQUE

DU CLASSEMENT SANS SUITE 12

CHAPITRE I : L'ABSENCE D'ENCADREMENT DU POUVOIR DE CLASSEMENT

SANS SUITE DU PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE 14

Section 1 : Le classement sans suite : une décision relevant du pouvoir

discrétionnaire du Procureur de la République 15

Paragraphe 1 : L'analyse du pouvoir discrétionnaire du Procureur de la

République 15

A- La notion du pouvoir discrétionnaire du Procureur de la République 15

B- La portée du pouvoir discrétionnaire du Procureur de la République 18

Paragraphe 2 : Les limites du pouvoir discrétionnaire du Procureur de la

République 22

A- L'empêchement de classement d'une plainte dirigée contre une personne jouissant

des privilèges de juridiction 22

B- L'empêchement de classement sans suite après la mise en mouvement

de l'action publique 25

Section 2 : Les implications pratiques du pouvoir discrétionnaire du Procureur de la

République lié au classement sans suite 28

Paragraphe 1 : La liberté de choix du motif de classement sans suite 28

A- La liberté de choix dicté par les éléments du dossier 28

B- La liberté de choix dicté par d'autres facteurs 30
Paragraphe 2 :
La liberté de choix du mode et du délai

de classement sans suite 34

A- Le choix de la forme du classement sans suite 34

123

B- Le choix du délai du classement sans suite 36

CHPITRE II : LE MANQUE DE LISIBILITE DES OBLIGATIONS DE L'AUTEUR DU CLASSEMENT SANS SUITE ET DES DROITS DU PLAIGNANT 40

Section 1 : Le non-assujettissement du classement sans suite à l'obligation de

motivation et de notification 40

Paragraphe 1 : L'absence de l'obligation de motivation

du classement sans suite 40

A- La pratique liée à l'absence de motivation dans la décision

de classement sans suite 40

B- La nécessité de la motivation dans la décision de classement sans suite 43
Paragraphe 2 :
L'obligation de notification de la décision

de classement sans suite 46

A- L'observation facultative de l'obligation de notification en matière

de classement sans suite 46

B- L'intérêt d'observation de l'obligation de notification en matière

de classement sans suite 48

Section 2 : L'inexistence du droit de recours pour le plaignant

du classement sans suite 50
Paragraphe 1 :
Le fondement de l'inexistence du droit de recours contre

le classement sans suite 50

A- Le classement sans suite : une décision administrative 50

B- Le classement sans suite : une décision provisoire 52

Paragraphe 2 : La méconnaissance discutable du droit de recours contre le

classement sans suite 55

A- Un possible recours en vertu de la nature administrative

de la décision de classement 55

B- L'admission de voie de recours en vertu des effets

de la décision de classement 57

124

DEUXIEME PARTIE : LES PERSPECTIVES D'AMELIORATION DU REGIME

JURIDIQUE DU CLASSEMENT SANS SUITE 61

CHAPITRE I : LA REDEFINITION DE L'AUTORITE INCARNANT LE POUVOIR

D'OPPORTUNITE DES POURSUITES 63

Section 1 : L'instauration d'un juge d'opportunité des poursuites 63

Paragraphe 1 : Les pouvoirs du juge d'opportunité des poursuites 63

A- Le pouvoir d'appréciation de la légalité des poursuites 64

B- Le pouvoir d'appréciation de l'opportunité des poursuites 66
Paragraphe 2 :
Les obligations du juge d'opportunité des poursuites et les droits

des parties 69

A- Les obligations du juge d'opportunité des poursuites 69

B- Les droits des parties à la procédure 72

Section 2 : La relégation du Procureur de la République à la fonction de poursuite 73

Paragraphe 1 : La soumission du ministère public à l'obligation de poursuite 74

A- Les conditions d'exécution de l'obligation de poursuite. 74

B- La mise oeuvre de l'obligation de poursuite 76
Paragraphe 2 :
La portée de la soumission du ministère public

à l'obligation de poursuite 78

A- La protection de l'indépendance du Procureur de la République 79

B- La protection de la victime contre les immunités du Procureur de la République 82

CHAPITRE II : LE RENFORCEMENT D'EFFICACITE DES PROCEDURES

ALTERNATIVES AU CLASSEMENT SANS SUITE 86

Section 1 : L'aperçu des procédures alternatives au classement sans suite 86

Paragraphe 1 : Les procédures garantissant le droit d'accès au juge pénal 87

A- Le droit d'accès au juge en dépit de la décision de classement sans suite 87

B- Le droit d'accès au juge : un chemin incertain pour le succès

de l'action de la victime 90

Paragraphe 2 : Les procédures alternatives au classement sans suite: un contrepoids

au pouvoir de classement du juge d'opportunité des poursuites 93

A- 125

Les procédures alternatives au classement sans suite: une limite au pouvoir de

classement du juge d'opportunité des poursuites 93

B- L'autonomie des procédures alternatives au classement sans suite

à l'égard du classement sans suite décidé par le parquet 96

Section 2 : Les aspects à prendre en compte pour l'efficacité des procédures alternatives au classement sans

suite 98

Paragraphe 1 : Le renforcement de l'indépendance des procédures alternatives au

classement sans suite 99

A- Le renforcement de l'indépendance des procédures alternatives au classement sans suite en raison des dysfonctionnements observés dans la

pratique 99

B- Le renforcement de l'indépendance des procédures alternatives au classement

sans suite en redéfinissant les interventions du ministère public 102

Paragraphe 2 : La refonte des procédures alternatives au classement sans suite 104

A- La refonte de la procédure de constitution de partie civile

devant le juge d'instruction 104

B- La refonte de la procédure de citation directe 108

CONCLUSION 111

BIBLIOGRAPHIE 116

TABLE DES MATIERES 122

RESUME

En vertu du pouvoir discrétionnaire dont il dispose en matière de poursuites, le Procureur de la République n'est pas tenu d'agir lorsqu'il a connaissance d'une infraction. Traduit par un classement sans suite, le refus du procureur de la République d'intenter les poursuites se fait selon son opinion personnelle, sans être obligé de motiver ou de notifier sa décision, laquelle échappe à toute forme de recours, au détriment des droits du plaignant. La garantie des droits du plaignant contre un classement sans suite arbitraire et capricieux nécessite la création d'un juge indépendant, disposant du pouvoir discrétionnaire quant aux poursuites à engager. Cet acteur judiciaire serait chargé de traiter les plaintes transmises par le procureur de la République, et déciderait de la suite à donner, en rendant, dans un délai relativement court, une ordonnance soit de poursuite, soit de conciliation ou de classement sans suite motivée, notifiable et susceptible de contestation. Une victime insatisfaite d'une décision de classement sans suite pourrait alors recourir à des procédures alternatives, lesquelles doivent être simplifiées et soustraites du pouvoir du ministère public, afin de faciliter leur accès par les victimes et leur dénouement heureux.

Mots clés : classement sans suite, procédure alternative, procureur de la République

ABSTRACT

By virtue of the discretionary power he has in matters of prosecution, the Public Prosecutor is not required to act when he becomes aware of an offense. Translated by a dismissal, the refusal of the public prosecutor to initiate proceedings is done according to his personal opinion, without being obliged to motivate or notify his decision, which escapes any form of appeal, to the detriment of the rights of the complainant. Guaranteeing the rights of the complainant against arbitrary and capricious dismissal requires the creation of an independent judge, with discretionary power regarding the proceedings to be initiated. This judicial actor would be responsible for processing complaints transmitted by the Public Prosecutor, and would decide on the action to be taken, by issuing, within a relatively short period of time, an order either for prosecution, conciliation or dismissal without reasoned action, notifiable and open to challenge. A victim dissatisfied with a decision to dismiss the case could then resort to alternative procedures, which must be simplified and removed from the power of the public prosecutor, in order to facilitate their access by the victims and their happy outcome.

Keywords :dismissal of the case, alternative procedure, public prosecutor






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