3.3 La résilience, le concept
J'ai été amenée à m'interroger sur
le concept d'empathie pour étudier comment il impactait la posture
soignante, mais aussi et surtout pour étudier les effets qu'une telle
posture a dans la relation de soin et sur la résilience des patients.
Avant d'en arriver là cependant, je vais faire comme pour l'empathie, un
état des lieux sur le concept de résilience, non moins
foisonnant. Le médecin et professeur Michel Manciaux, dans son article :
La résilience, un regard qui fait vivre, explore les
définitions et les intérêts de ce concept pour comprendre
une autre condition de la vie humaine : après la
vulnérabilité, la résistance. C'est effectivement la
signification première de son étymologie. Les anglo-saxons ont
appliqué ce terme aux sciences
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humaines au XXe siècle. Ainsi, M. Manciaux écrit
que «la résilience résulte de l'interaction entre
l'individu lui-même et son entourage, entre les empreintes de sa vie
antérieure et le contexte du moment en matière politique,
économique, sociale, humaine. Elle résulte aussi de l'interaction
entre facteurs de risque et facteurs de protection.». Si je
résume, la résilience désigne tout ce qui gravite autour
du patient et qui va définir sa capacité à résister
aux épreuves de la vie. La résilience implique de ne pas
considérer l'individu seul, mais bien comment il s'inscrit dans un
milieu social, familial, sociétal. Dans Si c'est un homme, Primo
Levi définit la résilience tel «un précieux
travail d'adaptation, en partie passif et inconscient, en partie
actif». M. Manciaux appui ce point en soulignant le caractère
mouvant et évolutif de la résilience, puis la résilience
«n'est jamais absolue, totale, acquise une fois pour toutes. Il s'agit
d'une capacité qui résulte d'un processus dynamique,
évolutif, au cours duquel l'importance d'un traumatisme peut
dépasser les ressources du sujet». Il ajoute de plus que la
résilience «est variable selon les circonstances, la nature des
traumatismes, les contextes et les étapes de la vie. Elle peut
s'exprimer de façons très variées, selon les
différentes cultures».
Après ces éclairages, nous comprenons l'enjeu
principal pour les soignants d'élever la résilience chez nos
patients : créer et mobiliser des ressources qui leur appartiennes.
3.3.1 La résilience des patients
Dans ce dernier temps, je vais donc m'atteler à
explorer la résilience des patients à travers les
possibilités soignantes. J'expliciterai le point de vu de Michel
Manciaux, qui écrit : «La résilience nous convie, en
effet, à changer notre regard sur ceux qui sont confiés à
nos soins, dont nous avons à prendre soin ; à élargir
notre réflexion et notre action à leur environnement social et
matériel, à leur cycle de vie, à leurs conditions et modes
de vie, et ceci dans une démarche où le respect, l'empathie
doivent se conjuguer avec de sérieuses connaissances sur les ressources
-- trop souvent méconnues, inexploitées -- des êtres
humains confrontés aux dures réalités de
l'existence.». Ainsi, cette recherche de ressources inhérentes
au patient ne passe pas par autre chose qu'une considération holistique
de l'humain derrière le patient. C'est donc la considération des
composantes des ressources du patient qui nous conduit à envisager sa
résilience. Cette considération du patient comme un être
complexe, constitué des différentes couches familiales, sociales
ou culturelles conduit M. Manciaux à valoriser le «regard
empathique». Ce regard serait «valorisant», et
aiderait la personne «à croire en elle, à renforcer son
estime de soi, à porter sur elle-même un regard plus
positif». Thérèse Psiuk va effectivement dans ce sens,
dans son article intitulé : La résilience, un atout pour la
qualité des
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soins. Elle écrit notamment que la
considération de la résilience «nous conduit à
positiver notre regard sur autrui et comme le démontre M. Manciaux
à modifier nos pratiques en commençant par mieux observer,
identifier, utiliser les ressources propres de ceux dont nous avons à
prendre soin.». Ceci passe notamment par une compréhension de
la souffrance psychique du patient. L'auteure souligne que ce dernier, se
sentant «respecté dans son expression et compris dans sa
souffrance psychique pose également un autre regard sur le soignant ; un
lien de confiance s'établit et nous savons que cette relation est
indispensable pour pouvoir construire ensemble». Pour T. Psiuk, la
résilience est un processus en deux temps : la stratégie
d'adaptation et la reconstruction. Elle met notamment l'accent sur l'importance
de recueillir les habitudes de vie du patient afin de l'accompagner au mieux
durant la phase d'adaptation puisque le déroulé de celle-ci
définira sa phase de reconstruction. Ainsi, cette considération
empathique de la résilience enrichit la relation entre le soignant et le
soigné et semble au coeur de l'humanisation des soins.
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