3.2 La personnalisation des soins
Cette connaissance approfondie du patient, permet aux
infirmières de personnaliser les soins en fonction des habitudes de vie
du patient. Anna et Justine parlent par exemple de réaliser des soins de
bouche au café, pour un patient intubé, et Chloé
évoque un patient artiste à qui ils avaient donné la
possibilité de réaliser des aquarelles. Ceci fait écho aux
quatorze besoins de Virginia Anderson, et notamment à celui de « se
recréer », à travers des activités ou des soins,
porteurs de résilience pour le patient. M. Manciaux écrit que
concevoir la résilience d'un patient, induit chez le soignant un
élargissement de son regard sur les aspects de la vie de ce celui-ci.
Considérer les habitudes de vie du patient, ses peurs, ses angoisses,
ses passions, ses joies, participe selon M. Manciaux, à une vision
empathique du soignant. Et cette posture du soignant, serait en elle-même
une ressource pour le patient, car le patient est aidé,
épaulé à travers toutes les facettes de sa
personnalité. En somme, cette considération globale du patient
par l'infirmière, permet une personnalisation des soins
bénéfique. T. Psiuk soutient que la relation
soignant/soigné fait partie intégrante de la pratique des soins.
La qualité de la relation que le soignant instaure avec son patient, est
une ressource pour mieux le prendre en soin. En cela T. Psiuk intimait que
c'était la relation de soin, qui faisait évoluer la posture
soignante. En connaissant son patient, le soignant peut l'aider en lui
redonnant ses propres capacités d'actions, de confiance et d'estime de
soi. Ce rôle clé du soignant était défini par T.
Psiuk
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comme « tuteur de résilience ». En
ce sens, Justine dit que l'humanisation des soins est aussi un moyen de ramener
du plaisir, notamment lors des soins d'hygiène et du repas, et que cela
motive et stimule les patients : « C'est-à-dire que si ton
interlocuteur te comprend, bah il est en capacité de t'aider à
aller au-delà de tes limites », et ceci grâce à
la personnalisation des soins, et à la mesure des objectifs aux
capacités du patient.
3.3 La relation miroir
Dans cette personnalisation des soins grâce à un
regard empathique, les infirmières ont énoncés des
exemples qui m'ont fait penser au concept de relation miroir. Selon Anna, Clara
et Justine, l'empathie du soignant peut influencer la résilience du
patient car le patient ressent quand ce dernier n'est pas dans l'empathie avec
lui. Dans ce cas, il a plus de chance de se « braquer »,
disent-elles. En sommes, si le soignant n'alimente pas la relation de soin avec
un regard empathique, le patient va s'en détourner également, en
miroir de ce que lui propose le soignant. Comme l'explique Justine et Anna,
ceci va dans les deux sens. Si le patient, souffrant d'un delirium tremens par
exemple, refuse les soins, l'infirmière a plus de mal à
s'investir et à être dans l'empathie avec son patient. En effet,
selon E. Nitschelm, une confiance mutuelle se créée quand le
patient est capable de s'identifier au soignant. Et cette identification du
patient est favorisée par une posture empathique du soignant. Pour
Justine, il est important que les patients voient la motivation des soignants
à les soigner. En effet, selon M. Manciaux, ce regard valorisant du
soignant amène le patient à porter ce même regard positif
sur lui-même : il calque l'attitude du soignant envers lui. Ceci nous
ramène au concept de l'alliance thérapeutique qui prend forme
dans cette relation miroir. Et chaque infirmière dispose de son
approche. Chloé vise la mise en place d'une confiance mutuelle
grâce à l'établissement de « contrat »
avec son patient ; Justine est dans l'encouragement et le soutien, en prenant
en compte leurs capacités, pour « booster les patients
» ; et Clara ne jure que par la transparence,
l'honnêteté et la communication éclairée avec ses
patients. Dans toutes ces méthodes, si le patient ne coopère pas
ou se montre peu réceptif, le soignant est plus limité dans la
mobilisation de ses ressources.
Il s'agit, comme l'écrit M. Manciaux, pour le soignant
et le patient, de « construire ensemble ». Ainsi
après réflexion, les infirmières pensent que l'empathie du
soignant a un impact sur la résilience du patient, car cette posture
empathique créée une relation miroir, un échange
permettant l'établissement d'une alliance thérapeutique
bénéfique pour mobiliser les ressources du patient, et du
soignant à lui venir en aide. N'est-ce pas là l'objectif de
l'humanisation des soins ?
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