V. ANALYSE DES RÉSULTATS
Considérant les résultats de l'enquête
à la lumière de mon cadre référent, je vais
maintenant faire émerger les correspondances, les différences,
ainsi que les concepts encore non évoqués apparus au fil de
l'enquête. Je ne reprendrai que très peu les exemples
déjà cités dans les résultats afin d'éviter
les redondances, mais citerai à titre de rappel, les infirmières
ayant tenu les propos.
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1. L'humanisation des soins
1.1 Une relation de soin investie
Les quatre infirmières relatent avoir été
attirées par les spécificités de la réanimation
déjà évoquées, notamment par le fait que celles-ci
potentialisent la relation de soin. Cela même si le paradoxe de la
productivité évoqué par L. R. Talbot apparait comme un
obstacle au prendre en soin : Clara confie s'être déjà
excusée auprès de ses patients pour son manque de temps, et
Chloé a quitté le service à la suite des
conséquences de la crise covid.
La formation à l'humanisation des soins, les a
invitées à se mettre dans la peau du patient pour mieux saisir ce
qu'il peut vivre. Cela leur a permis, notamment par l'approche
expérientielle dont parle Chloé, de conscientiser et
préciser la portée de leurs gestes, de leur écoute, de
leur communication, de leur pratique en sommes, sur le patient. Cela a enrichi
leur pratique de soin, en explorant et approfondissant d'avantage la relation
de soin, à travers une considération du patient plus
complète. À mon sens, c'est se rapprocher de l'art de prendre en
soin de L. R. Talbot, qui se compose de comportements et d'états
d'être, remis en lumière par la formation. Nous en verrons par la
suite le lien avec l'empathie. Justine présente l'humanisation des soins
en mettant en avant la collaboration interdisciplinaire, et la
simplicité de sa pratique, qui semble finalement se rapporter au bon
sens. Cités par Anna, Justine et Clara, ces détails dans les
gestes et la conscientisation de leurs conséquences, fait échos
à la théorie de T. Denise. Celui-ci nous dit que les gestes et
les attentions des soignants vont avoir le pouvoir de remettre de l'humain dans
le soin. Et ceci ne se réalise pas sans l'implication de
l'infirmière.
1.2 L'alliance thérapeutique
Ainsi, grâce à cette formation, Chloé dit
avoir été sensibilisée au bien-être du patient.
Alors que pour Justine, l'humanisation des soins n'est pas seulement du
bien-être, c'est avant tout de remettre l'humain au coeur du soin : faire
des soins `avec' l'humain, et non pas `sur' l'humain. Ce point de vue fait
émerger le concept d'alliance thérapeutique, puisque
l'humanisation des soins intègre une collaboration entre le patient et
le soignant. Lors de l'élaboration de cette relation, il y a, comme le
mentionne Justine, un effort d'aller vers le patient, en interrogeant, en
s'informant, en proposant dans le but de mieux le connaître, ses
capacités, ses préférences, ses peurs. Et cela
nécessite que ce dernier coopère, ainsi que le souligne Anna et
Justine. Un article de S. Lescure, L. Soyer et N. Tanda souligne qu'«
Une
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alliance thérapeutique réussie est une
alliance au sein de laquelle le patient a le sentiment d'avoir « une
certaine prise » sur son [soignant] [...] et où le praticien a,
réciproquement, le sentiment de ne pas prêcher dans le
désert et de pouvoir préserver ou gagner la confiance de son
patient. ». Les infirmières cherchent cette accroche sur leur
patient, en faisant avec les contraintes de la maladie. En effet, la recherche
d'une collaboration est conditionnée par la considération de la
souffrance des patients. Justine indique que l'alliance thérapeutique
est nécessaire pour alimenter la relation de soin. Nous verrons par la
suite comment l'alliance thérapeutique découle d'une relation
miroir patient/infirmière, source de ressources pour le soignant, et de
résilience pour le patient.
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