Crise écologique et mission de l’église évangélique du camerounpar Clément Hervé KUATE DJILO KUATE DJILO Université Protestante d'Afrique centrale - master 2017 |
I.3- Fondement néotestamentaire de la mission.Dans la conception vétérotestamentaire de la mission, le peuple de Dieu avait pour objectif de révéler le vrai Dieu par sa seule présence, là où il était. En voyant vivre ce peuple, les autres peuples devaient voir à quel point cette nation était intelligente et avait des moeurs sages selon Dt 4 :6 « Quand les peuples entendront parler de tous ces décrets, ils s'écrieront: « Il n'y a pas un peuple sage et intelligent comme cette grande nation ». Cependant, Dieu n'a jamais demandé aux prophètes de l'Ancien Testament d'aller par le monde entier parler de Lui. Les Israélites ont toujours témoigné sur place, là où ils étaient, de l'existence et de la bonté du Dieu auquel ils croyaient. Mais quand Dieu est venu parmi nous à travers son fils Jésus Christ, quand Dieu lui-même s'est mis en « mode mission », Il nous a demandé de faire de même: d'aller dans le monde entier annoncer la Bonne Nouvelle du seul vrai Dieu. C'est ce qui apparait comme un « mandat missionnaire » que Jésus a confié à ses disciples et que nous retrouvons dans l'évangile de Mathieu, au chapitre 28, versets 18 à 20. Pendant le baptême de Jésus comme nous rapporte les évangiles, une voix venant du ciel a confirmé son statut de Fils de Dieu et lui a confié une mission. Parler aux peuples qui doivent l'écouter. (Mt 3 :13, Mc 1 :11). Pour Jean Paul GABUS, cette scène « éclaire déjà le tout début de la mission de Jésus. »30(*) Dans le Nouveau Testament, la mission est une entreprise au nom du Christ pour le salut de l'humanité. Elle se fait à la manière du Christ et sous la seule autorité de Jésus-Christ ressuscité et non en s'imposant à partir d'une position de supériorité politique, militaire, financière et technologique. La mission part du coeur de Dieu qui intègre les hommes dans son plan. Le mandat missionnaire universel est explicitement donné au peuple de la nouvelle alliance. C'est Jésus qui est au centre de la mission. Il a non seulement envoyé des missionnaires mais il a aussi laissé un modèle pour les missionnaires. Jésus s'est occupé de toutes ces dimensions. Il a enseigné, prêché. Mais il a aussi nourri les foules, guéri les malades, délivré les possédés. Il s'est occupé des besoins concrets des gens. Il est le modèle de la compassion pour les pauvres, les marginalisés et les opprimés. Il est modèle dans son incarnation dans l'humanité, notamment dans les réalités économiques et sociales (Jn 20 :21). Jésus nous donne un ordre d'aller. Le verbe `'aller'', ici employé, exprime le fait de nous mettre en mouvement de marche, de se diriger et d'avancer vers. Se mettre en mouvement pour notre propre recherche, notre propre rencontre avec le Seigneur Jésus-Christ, afin de découvrir notre identité en tant qu'être de corps et d'esprit, un mouvement d'appropriation de ce salut éternel pour soi-même, d'abord, et pour les autres, en allant à la rencontre de son prochain et en faire un disciple du Christ. L'ordre de mission est non seulement le dernier enseignement de Jésus-Christ avant son ascension, mais aussi la finalité des quatre évangiles et l'introduction des Actes. L'ordre de mission est aussi le résumé de la deuxième partie du concept de missio Dei, c'est-à-dire la mission de l'Église. Au jour de l'Ascension de Jésus, les apôtres ont reçu le mandat missionnaire, mais ils n'étaient pas capables de le mettre en pratique. Il a fallu le renouveau intérieur opéré par l'Esprit Saint le jour de la Pentecôte, pour que les disciples se sentent comme poussés hors du Cénacle. Pour que les apôtres et les disciples aient le courage de sortir dans les rues pour témoigner de Jésus Ressuscité, il a fallu le Souffle de Dieu qui venait de faire trembler les murs de la maison où ils étaient. Comme disciples du Christ, ils doivent continuellement être en mode mission. Prêcher et agir car « La parole vient guérir l'homme des illusions qui le perdent, tandis que le geste des mains généreuses dit la proximité du règne de Dieu. »31(*)Jésus ne cessait jamais de se déplacer pour porter la Bonne Nouvelle aux gens qui ne l'avaient jamais entendue. Quand les gens, après avoir fait connaissance avec Jésus, essayaient de le retenir pour qu'il puisse passer plus de temps avec eux, il leur répondait: « Aux autres villes aussi, il faut que j'annonce la Bonne Nouvelle du règne de Dieu, car c'est pour cela que j'ai été envoyé » (Lc 4, 43). C'est pourquoi, le Message et le comportement de Jésus représentaient, en effet, un défi aux attitudes et aux pratiques courantes qui excluaient des catégories de gens hors de la communauté juive. Le règne de Dieu était pour Jésus, le point de départ et le contexte de la mission. Ce règne qui s'est approché et qui s'attaque au mal sous toutes ses formes. Car si la détresse prend des formes diverses, Jésus affirme que le pouvoir de Dieu en fait tout autant. Jésus sera finalement crucifié à cause de ce qui fut interprété comme des proclamations politiques. C'est ainsi que qu'apparait dans l'impératif missionnaire de Mt. 28, 18-20 une clef permettant de comprendre tout son évangile et d'interpréter la mission et le ministère de Jésus. C'est à la fois un programme théologique et un sommaire. Il ne faut pas oublier que Matthieu est un juif qui s'adresse à une communauté juive qui se perçoit elle-même comme un mouvement de réveil à l'intérieur du judaïsme. L'expression "toutes les nations" (Mt. 28, 18) désigne aussi les juifs, mais Jésus n'est pas envoyé seulement à Israël, il est le sauveur de toute l'humanité. L'Evangile de Luc et le livre des Actes semblent eux aussi préoccupés par les origines juives de la foi chrétienne. Luc est peut-être le seul auteur non-juif du Nouveau Testament, et il s'adresse entre autres à des chrétiens d'origine non-juive. Ainsi comme le pense Etienne ATGER « La mort de Jésus sur la croix et sa résurrection inaugurent cette nouvelle ère de l'Eglise, une ère missionnaire puisque par cette oeuvre, Christ réconcilie toutes choses avec lui et permet aux peuples de la terre d'avoir accès auprès de leur Créateur. »32(*) Lc 4 : 16-30 se présente comme un discours programme de la mission de Jésus, qui a pris pour beaucoup d'exégètes contemporains la place de l'impératif missionnaire de Matthieu. Chez l'Apôtre Paul, ce qui est central pour la compréhension de la notion de mission, c'est l'événement de sa conversion et de sa vocation. Une expérience primordiale qu'il comprend lui-même de façon normative. Au moment précis où il se convertit, il se voit chargé de proclamer l'Évangile auprès des non-juifs. Son ministère se déroulera dans une tension créatrice entre sa loyauté envers les Apôtres de Jérusalem et son sentiment d'avoir reçu une vocation unique. Avec Paul, la mission nécessite une sensibilité au monde qui nous entoure et une adaptation appliquée avec discernement. Ainsi dans le Nouveau Testament, la mission, c'est faire reconnaître la seigneurie de Jésus-Christ dans le monde. Somme toute, dans le Nouveau testament, la Mission implique appel et envoi, à commencer par le Christ lui-même qui, « sorti de Dieu » (Jn 8, 42), plante sa tente au milieu de nous (Jn 1, 14), et s'approprie à juste titre les paroles du Serviteur de Dieu : « Le Seigneur a envoyé son Esprit sur moi. Il m'a choisi pour apporter le message de joie aux pauvres » (Lc 4, 18). A son tour, le Christ, l'Envoyé du Père (Jn 6, 43; 8, 42), choisit et envoie les douze pour sa propre Mission : il en choisit douze pour les avoir avec lui et pour les envoyer prêcher. Le Christ, en effet, a confié le Mandat qu'Il avait reçu, aux douze qui deviennent ainsi ses « Apôtres », c'est-à-dire ses missionnaires : « Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20, 21). En vertu de ce mandat, les apôtres ont la charge de répandre l'amour salvifique et sacramentel de Jésus, de porter témoignage de la foi qu'ils ont en Lui et d'annoncer son Évangile à tous les hommes. La mission des douze se présente ainsi comme une participation, ou encore comme le prolongement et la continuation de la mission même du Christ. Et, des Apôtres, cette même mission passe à l'Eglise, avec les mêmes caractéristiques d'universalité (Jn 15, 16). En vertu de ce mandat, les apôtres partirent donc pour faire partager l'espérance qui avait totalement transformé leur vie. Ces derniers devaient inscrire leur mission dans celle de Jésus que Jean Paul GABUS résume en trois point à savoir, se faire proche du peuple, guérir les malades et chasser les esprits impurs, et enfin annoncer le pardon de Dieu à tous.33(*)« Cette pratique de Jésus fonde aussi toute une doctrine et une pratique de la mission chrétienne. »34(*) Nous voyons que ces recommandations viennent aussi confirmer l'universalité de la mission. D'ailleurs Daniel MARGUERAT le dit si clairement en parlant de l'épitre aux Galates que « la mission universelle qui en découle et les églises qui en sont nées sont reconnues sans conditions et au même titre que la mission de Pierre dans la diaspora Juive. »35(*) S'il est vrai que les missions sont reconnues sans tenir compte de certaines considérations tribales, que pouvons-nous dire au sujet de l'aspect vocationnel, et des réalisations des missions chrétiennes sans oublier les défis à relever par les missionnaires? * 30 Jean Paul GABUS, La nouveauté de Jésus Christ témoin de Dieu pour le monde, Les bergers et les Mages, Paris, 1996, P. 38. * 31 P. PILLY et al. ; De Geste et de Parole (20 ans de ministère diaconal dans les Eglises Réformées de la Suisse Romande), Labor et Fides, Genève, 1987, P.58. * 32 Etienne ATGER, Op. Cit., P41. * 33 Jean Paul GABUS, Op. Cit., P53. * 34 Jean Paul GABUS, Op. Cit., P71. * 35 Daniel MARGUERAT, Op. Cit., P134 |
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