Crise écologique et mission de l’église évangélique du camerounpar Clément Hervé KUATE DJILO KUATE DJILO Université Protestante d'Afrique centrale - master 2017 |
III.2- Pour une catéchèse environnementale.A cause de la profonde solidarité qu'il y a entre l'homme et le monde créé, théologie et catéchèse de la création sont désormais essentielles à toute proposition de la foi chrétienne. Une catéchèse de la création doit expliquer sur la base de l'anthropologie biblique la responsabilité spécifique de l'homme par rapport au reste de la création et montrer en quoi cette vision du rôle profond de l'homme est conforme au projet de Dieu. Elle devra nécessairement intégrer la notion d'écologie humaine, alliée à celle de développement intégral, montrer l'incohérence, voire la contradiction qu'il y a à « exiger des nouvelles générations le respect du milieu naturel »121(*). Cette catéchèse est nécessaire pour sensibiliser les chrétiens aux fondements de leur engagement pour le respect de la création et leur conversion à de nouveaux modes de vie. Elle pourra naître si se développe une recherche théologique qui saura démontrer le caractère unique et indivisible, qu'il s'agisse de l'environnement comme de la vie, de la sexualité, du mariage, de la famille, des relations sociales, en un mot du développement humain intégral. Pour remédier véritablement à la crise environnementale qui prend de plus en plus d'importance dans nos sociétés, il faut penser une transformation radicale de la conception de l'humain et de la nature. C'est donc au niveau de la connaissance que se situe la solution. L'humain doit retrouver la conception sacrée de la nature qui était présente dans toutes les autres civilisations avant l'avènement de la modernité. Cependant, il ne s'agit pas d'inventer une sacralité de la nature, pouvoir que l'humain ne possède pas, mais bien de retrouver ce qui a été délaissé. Pour retrouver le sacré, il suffit de mettre sur pied une formation à l'environnement durable et dynamique. Cette catéchèse doit insister sur l'anthropocentrisme de l'humanisme qui en fait serait le théocentrisme qui place le principe divin au centre de toute chose plutôt que l'humain. De plus, une approche basée uniquement sur la sentimentalité ou une éthique n'est pas suffisante et doit être intégrée à une véritable connaissance objective de la nature par la métaphysique. Il s'agit donc de savoir ce qu'est objectivement la nature et non de simplement réclamer une certaine valeur à la nature qui aurait sa source uniquement dans la subjectivité humaine. Dans cette catéchèse environnementale, il faut réaffirmer la hiérarchie des savoirs par l'intégration des sciences dans une perspective métaphysique, ce qui permettrait de limiter les prétentions totalitaires de la science moderne dans les limites de ses propres hypothèses philosophiques. Le problème ne réside pas dans la science moderne en tant que telle qui possède une légitimité lorsqu'elle ne déborde pas de son cadre, mais plutôt dans l'attitude scientiste qui consiste à réduire toute réalité au niveau physique. Comme nous l'avons vu plus haut, la Technique a pris la place laissée vacante par l'éviction de Dieu. Si nous ne voulons pas qu'elle prenne toute la place, et réduise à néant les efforts des hommes pour la maîtriser, il devient plus urgent que jamais de la penser plus globalement qu'il n'a été fait jusqu'à maintenant. Laissée aux seuls soins des spécialistes, l'écologie n'a aucune chance de renverser les tendances lourdes d'un monde de plus en plus technicien et replié sur lui-même. Sur ce terrain, pour les chrétiens, l'heure n'est plus au mutisme ni à l'enfouissement. Avec l'espérance chrétienne dont nous sommes porteurs, nous croyons en l'avenir de l'homme et du monde. Avec tous les humains, nous sommes invités à travailler dès maintenant à assurer cet avenir dans une alliance renouvelée entre l'humain et le reste de la création. Pour réfléchir et intervenir de manière pertinente sur les questions environnementales, l'Eglise a le devoir de se donner les moyens d'une information fiable, approfondie et plurielle. Elle peut aussi disposer des compétences de divers groupes d'expertises. De même nous encourageons l'EEC, à l'image de ce qu'a déjà entrepris certains mouvements écologiques, la formation de groupes de chrétiens pour réfléchir aux questions liées au respect de la création, échanger des expériences, rédiger et diffuser des documents de sensibilisation, proposer des initiatives et des campagnes qui mobilisent largement. Cette catéchèse peut revêtir un caractère pratique car l'Eglise doit avoir conscience qu'elle n'est ni la première ni la seule à intervenir sur le terrain de l'environnement. D'où l'importance pour elle de bien repérer ceux qui sont des acteurs décisifs du futur et de bien situer sa propre parole car, « la communauté écologique que les humains et les autres créatures forment ne saurait raconter ou refléter la gloire de Dieu, que si ses composantes sont traitées et abordées par l'homme comme des aides dont la dignité et la valeur intrinsèque sont prises en considération. »122(*) Une parole d'Eglise sur les sujets environnementaux ne peut être une prise de position scientifique. Elle n'a pas compétence pour cela. Mais si elle veut que sa parole soit une parole d'alerte et d'espérance, entendue par un grand nombre, il est essentiel qu'elle soit en dialogue avec les principaux acteurs de la société : chercheurs, politiques, philosophes, économistes, techniciens. Dans certains cas, l'Eglise, en raison de son implantation locale, pourra offrir aux agriculteurs un espace d'écoute et de dialogue, non pas seulement sur les aspects techniques de la profession, mais sur le fond et le sens. L'Eglise dans sa catéchèse doit aussi favoriser des ponts et des solidarités entre les producteurs et les consommateurs, et promouvoir la prise de conscience de responsabilités écologiques partagées. Les espaces de rencontre, d'écoute et de dialogue entre des acteurs ayant des points de vue différents sont utiles et féconds, s'ils sont des lieux d'échange fraternels et respectueux de la parole de l'autre. La finalité de telles initiatives c'est d'aider les chrétiens à une meilleure prise de conscience des enjeux et des exigences qui s'imposent à chacun face à ces nouvelles questions de la vie en société. * 121 Encyclique Benoît XVI, Caritas in veritate, 51. * 122Jean Samuel ZOE-OBIANGA, Op. Cit., P. 115. |
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