CHAPITRE 2 : DEFIS
MISSIONNAIRES DE LA SAUVEGARDE DE LA NATURE.
L'objet de ce chapitre est
centré sur l'examen des défis sur le triple plan : spirituel,
politico-économique et éthique.
II.1- Défis missionnaire sur le plan
spirituel.
Aux yeux de certains écologistes, l'homme est
classé dans l'écosystème naturel en tant qu'égal
aux autres animaux. La présence de la chaine alimentaire en est une
illustration. Une telle approche s'oppose à l'approche anthropocentrique
judéo-chrétienne. Elle s'explique soit par un rejet de Dieu et de
la perspective de la déification de l'homme, soit par une mauvaise
interprétation du commandement donné à l'homme de dominer
le monde qui peut conduire à une exploitation destructrice des
ressources naturelles.
Il nous semble important, dans la théologie
chrétienne, de distinguer les êtres humains du reste de la
création, afin de reconnaître la place et la responsabilité
unique qu'a reçues l'homme au sein de la création par rapport au
Créateur.
Nous touchons ici le défi de la spiritualité
chrétienne qui devrait distinguer notre attitude chrétienne face
à la crise environnementale. La différence ne réside pas
tant dans le degré de désir de préservation et de
protection des ressources naturelles du monde, qui devrait être la
priorité de tous les hommes, qu'ils soient des chefs politiques ou de
simples citoyens. Le défi chrétien réside dans notre
conception du monde, et non dans le but recherché dans cette
démarche. La croyance en l'homme comme
« économe » et « prêtre »
de la création est marquée par un sens profond de justice et de
modération. Nous sommes donc appelés à préserver la
création en servant son Créateur. De là découlent
d'autres défis spirituels que nous lance, aujourd'hui, la crise
environnementale à savoir la surexploitation des ressources naturelles,
le consumérisme, le gaspillage et la pollution.
L'environnement naturel ne doit jamais être
considéré de manière étroite, mais dans une
perspective beaucoup plus large. Une vision spirituelle du monde
matériel l'envisage toujours en relation avec le Créateur, ce qui
n'est pas sans conséquences pour notre appréciation
chrétienne de problèmes environnementaux tels que la menace de la
surpêche océanique, la désertification ou la destruction de
la faune et de la flore comme nous l'avons vus plus haut. Cette vision
spirituelle du monde nous dicte le respect de la création de Dieu,
puisque notre rapport aux choses matérielles reflète
nécessairement notre rapport à Dieu. Notre sensibilité
spirituelle vis-à-vis de la création matérielle
reflète clairement la sacralité que nous réservons aux
choses célestes.
Une telle approche nous permet d'envisager le monde et la vie
comme quelque chose de mystérieux ou de sacramentel, puisque le
mystère réside précisément dans la rencontre de
l'humanité et de la création avec le Dieu Créateur. Si la
Terre est sacrée, alors notre relation avec l'environnement naturel doit
être mystique, c'est-à-dire reconnaissant en lui la semence et la
trace de Dieu. Nous ne devons pas l'utiliser de manière
égoïste en abusant des ressources naturelles. Nous pourrions
considérer que le « péché d'Adam » a
consisté à refuser l'environnement naturel en tant que don de
communion entre Dieu et ses créatures, et à n'y voir qu'un objet
d'exploitation pour la satisfaction de désirs non
maîtrisés.
L'air que l'on respire, tout comme la mer et les océans
qui nous entourent, sont pour nous la source de vie biologique. S'ils sont
souillés ou pollués, notre existence est menacée. Par
conséquent la dégradation et la destruction de l'environnement
sont une forme de suicide de l'humanité. Il apparaît que nous
sommes inexorablement pris au piège de modes de vie et de
systèmes qui ne cessent d'ignorer les contraintes de la nature que nous
ne pouvons aucunement nier ni sous-estimer. Il ne faudrait pas que nous
attendions d'être arrivés à un point de non-retour pour
prendre conscience des capacités restreintes de notre
planète. En tant que don de Dieu à l'humanité, la
création devient notre compagne donnée pour vivre en harmonie et
en communion avec elle et les autres. Il nous faut puiser ses ressources avec
modération et frugalité, les cultiver avec amour et
humilité, et les protéger en accord avec le commandement
scripturaire de « servir et préserver » Gn
2 : 15. Au sein d'un environnement naturel irréprochable,
l'humanité découvre une paix profonde et un repos spirituel. Et
au sein d'une humanité cultivée spirituellement par la
grâce paisible de Dieu, la nature reconnaît sa place harmonieuse et
légitime. Afin de remédier à la surexploitation des
ressources naturelles qui mine notre planète et engendre sa pollution,
la vision sacramentale de la création invite l'homme à revenir
à un mode de vie ascétique, ce qui veut dire être
reconnaissant, rendre grâce à Dieu pour le don de la
création en étant un intendant respectueux et responsable de la
création.
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