II.3 « Le marimisage» ou « Imprudence
»
Du swahili lushois « marimi » qui veut dire «
non avisé », « imprudent »,
« ignorant », « non méfiant
». C'est une action par laquelle le
délinquant motivé profite de
l'imprudence, de manque de souplesse ou de
manque de méfiance de sa cible pour passer à
l'acte. Le marimisage est beaucoup pratique
pendant que la personne (future victime) donne son téléphone au
convoiteur tout en lui communiquant même son PIN.
Cette forme de criminalité est fréquente surtout
lors des retraits de fonds auprès des agents par les clients qui
n'ont pas assez d'expériences dans les
manipulations téléphoniques (technologiques). Voici les
représentations sociales que maman Kolwezi, cliente
dans le mobile money, retient de son vendeur des
services, monsieur Tshopo.
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« Mutoto, aba bantu bakuleta makuta
kupitia ma téléphone ni ba mwiji sana. Shi
unaona shiye bamama yenu bya ma téléphone hatujuwi kabisa ku
bifanya. Shiku moya minaenda kwa wa cabine ili ni bebemo
makuta ; ananyuliza kusema muko ngapi ? minamonesha kusema shijuwe,
mutoto yangu anawekakatu. Njoo namupa
téléphone ya kwangu, anavinyavinya ananilomba
kama passe kama nini (mot de passe) ile yakufungula nayo. Ule
alinifunguliaka aliwekaka mwaka wa dipanda ya Congo (1960) juu
nishisabwe. kisha ananipa makuta natoka
naenda.
Shiku ingine tena naenda anavinya ananipa makuta na shiku
ingine tena. Sasa shiku moya minaenda tena asema
nibebe, mukubwa yako ule ananitumiaka arinyambiaka kusema
ananitumia 50.000 FC. Sasa minafikako
anavinya tena ananipa paka 30.000 FC,
minamwambia kusema mu téléphone muko
50.000 FC anibebee yote ; ananyambia kusema murikuya paka
35.000 FC njoo anabeba 30.000 FC na ma frais
à retrait. Minamwita mukubwa yako ule minamwambia
anashirika anamulombesha na ku téléphone anamufokea sana kiisha
ananyambia asema nishanje kwendako tena juu arinibaka. Ni
mwiji ».
Ceci pour dire :
« Mon fils, tu vois ces gens
auprès de qui nous avons l habitude de récupérer l argent
à travers le téléphone, sont des grands
voleurs. Comme tu le sais, nous vos mamans n
avons pas une connaissance approfondie dans la manipulation des
téléphones. Un jour, j
étais allée auprès d un cabinier pour retirer de l
argent. Le cabinier me demande combien il y avait comme
solde, je lui dis que je ne savais pas, mes
enfants envoient seulement. Je lui donne le
téléphone puis me demande le mot de passe parce que celui qui
avait ouvert pour moi le compte mobile money avait mis comme mot de passe la
date de l indépendance de notre pays (1960) pour que je m en souvienne
chaque fois.
Un autre jour, je suis encore
partie, il me donne et un autre jour encore.
Maintenant, arrivé un autre jour,
je suis allée pour retirer. Avant,
ton grand frère qui m avait envoyé l argent m avait
déjà dit qu il avait envoyé 50.000
FC. J y arrive, comme il était
déjà habitué à mon téléphone,
me donne 30.000 FC. Je lui dis que dans le
téléphone, il y a 50.000 FC et que j avais
besoin de retirer toute la somme. Avec insistance,
il me dit qu il n y avait que 35.000 FC et qu il y
avait possibilité de retirer au moins 30.000 FC sans
oublier les frais de retrait. Puis
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j'appelle ton grand frère qui
avait envoyé l'argent pour lui dire ce qui était
passé, il me demanda de le lui passer au
téléphone, il lui gronda sérieusement par
la suite me dit de ne plus y aller car le monsieur m'avait
volé. C'est un voleur
».
Monsieur Lubumbashi, à son tour,
relate le phénomène de cette
manière :
« Vous savez avec ces histoires là de monnaie
numérique, la plus meilleure sécurité
c'est le mot de passe du compte mobile ; eeh I Ce code
là qui vous permet d'accéder au compte.
Alors un jour j'avais fait cette imprudence là
j'étais en déplacement à
Kinshasa. Comme je ne me sentais pas du tout bien et que
j'étais dans le besoin d'argent ;
j'appelle un neveu là je lui donne le
téléphone ainsi que le mot de passe pour qu'il
récupère un peu d'argent et pour lui
c'était une opportunité de me
voler.
Pour moi, le neveu ne pouvait rien faire
ce qui fait que je n'avais même pas
vérifié le solde quand il était rentré.
Mais à ma grande surprise ; deux jours après quand je
voulais maintenant acheter la marchandise, je me rends compte
que le solde n'était pas exact. Au
total, dans le compte il y avait
1.800.000 FC. Pour
moi, après avoir retiré 200.000
FC ; normalement il fallait qu'il reste dans le compte au
moins 1.500.000 FC et plus si on doit y
ajouter les frais de retrait. Ce n'est
qu'après deux jours que je
m'étais rendu qu'il y avait un
manquant de 500.000 FC et plus. Cette
situation là m'avait tellement
affecté.
Voilà au moins le mauvais souvenir que je retiens
du mobile money parce qu'à un certain moment,
je m'étais dis si par exemple
j'avais avec moi l'argent en espèces
peut être que cela ne pouvait pas m'arriver
».
Le marimisage est aussi possible dans le cas des vendeurs
imprudents qui se contentent seulement du message entrant
(dépôt, retrait ou paiement de services) sans
prendre le temps de vérifier le solde. Tel est le cas
de monsieur Lualaba qui relate ce qu'il vit au quotidien en
cette matière :
« Nawaza kusema inaweza kuya paka possible.
Njo pale unaona mina insister sana pa confiance na souplesse de
soi. Supposons que wakutuma naye ana souple ; mutu anaweza
avant a retirer anasema par exemple que eko besoin ya ku
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retirer 20.000 FC mais pa ku
retirer, ashi retirer tena 20.000 FC mais ana
retirer 15.000 FC. Ma cas ya ivi ndisha ku i
rencontra ka pa ma cabine ya mingi sana.
Alors, ba clients ba mingi banaletaka ma
raison ya kusema que ile 20.000 FC njo ile arikuya nayo mu
compte oubliant que kunekalaka ma frais de retrait. Bon ! ile
ni ma raisons atutakatala mais s'il arrive que agent ashi ku
tenir compte ya ku vérifier message mu téléphone yake et
que anabebatu makuta juu barimutaiya 20.000 FC et que anatosha
20.000 FC anamupatia na kama uyu client arikuya
déjà na akiri ya bwizi mais ataenda na ile makuta et par
conséquent, agent atapoteza. Ii ma cas
ni ya byakweri. Kuko ba clients bengine beeko nakuya kutwiba
vile».
La traduction française peut se faire en ces termes
:
« Je pense que cela est toujours possible.
C'est pourquoi tu vas constater que
j'insiste sur la confiance et la souplesse de soi.
Supposons que le vendeur aussi ne soit pas souple, le
client peut avant de retirer vous parler par exemple d'un
montant donné (20.000 FC par exemple) mais lors du
retrait, il ne retire plus la somme dictée mais
plutôt une autre inférieure à celle dictée
(15.000 FC). Ce genre des cas sont
fréquents.
La plupart des clients quand ils se retrouvent dans ce
genre des cas, ont l'habitude de dire que le
montant dicté est celui qui était dans le compte et
qu'oubliant il fallait aussi les frais de retrait,
c'est pourquoi il y a eu cela. Au
fait, tout ça ne sont que des raisons on ne refuse pas
mais ce qui est inquiétant est que si le vendeur n'est
pas prudent,
c'est-à-dire
sans vérifier le message et qu'il donne seulement la
somme dictée au lieu de la somme retirée véritablement
là il perd non ? Ce sont des cas vrais, il y a des
clients qui viennent aussi nous voler comme
ça».
A la question de savoir comment certains clients arrivent
à communiquer leur PIN à d'autres
personnes, monsieur Tshwapa, vendeur du
service mobile money rejette la responsabilité aux victimes
:
« Cher étudiant, même
toi-là comment tu peux arriver à donner ton mot
de passe à quelqu'un.
C'est quand même grave. Tel
que tu me vois là, j'ai beaucoup de
mots de passe des gens. Surtout les mamans,
tu vas voir elle arrive puis te donne
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et le téléphone et le mot de passe,
tu retire pour elle. Si
j'étais voleur par exemple, tu ne vois
pas que j'ai la possibilité de gagner de
l'argent comme ça. Pour te prouver que
ce que je dis là est vrai, je te communique aussi le
mot de passe d'une de mes clientes : « 1070 » et
comme tu le connais pas, tu ne feras rien mais moi il suffit
que j'ai son téléphone dans mes mains et
directement j'ai l'argent
s'il y en a bien sûr ».
Comme nous le démontrent les propos de nos
enquêtés et tel que nous l'avons
défini, le dribblage est la résultante
d'une confiance inconsciente que la personne manifeste
à l'endroit des tiers. Cela par
mauvaise compréhension ou quasiment par manque des connaissances du
système financier moderne qu'elle
utilise.
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