Les états défaillants et débiles en Afrique cas de Soudan du sud et de la Somaliepar Mohamed El Moctar Khatry Universite de Alcala - Master Universitaire en Protection Internationale de droits de l'Homme 2018 |
II. Analyse général de la situation de défaillance de la somalieII.1 La défaillance au niveau sécuritaireLa Somalie est un maillon de l'arc de crise qui s'étend de Nouakchott à Mogadiscio. Plus de vingt années de guerre civile et l'absence de structures étatiques y ont créé une situation propice au développement du terrorisme international incarné par le groupe Al-Shabaab, affilié à Al-Qaida. 38 La situation s'est, malgré tout, améliorée ces dernières années, grâce à l'engagement de la communauté internationale aux côtés de l'Union africaine. L'Union africaine déploie depuis 2007 une mission militaire en Somalie (AMISOM), autorisée par le Conseil de sécurité, pour lutter contre Al-Shabaab. Elle compte aujourd'hui environ 22000 hommes composée de contingents africains «Ethiopie, Djibouti, Kenya, Ouganda et Burundi». Le terrorisme continue de menacer la paix et la stabilité dans le pays et chez ses voisins. Les réformes de la sécurité n'ont pas progressé aussi rapidement que prévu ; la menace de piraterie persiste et freinera l'investissement tant direct étranger que de la diaspora en 2018. La situation de sécurité s'est dégradée au premier semestre 2016, avec l'intensification des attaques menées par le Mouvement des Chabab. Le nombre d'assassinats a augmenté à Mogadiscio, et des tirs de mortier ont frappé d'importants bâtiments de l'État, notamment le palais présidentiel, «la Villa Somalie». L'État islamique d'Iraq et du Levant «EIIL» a par ailleurs revendiqué sa première attaque sur le sol somalien menée lors d'une embuscade contre un convoi de la Mission d'observation militaire de l'Union africaine en Somalie «AMISOM» en avril 2016. Dans le même temps, l'AMISOM a lancé la troisième phase de l'opération Couloir de Djouba, dont le principal objectif est de détruire les bastions du mouvement des Chabab dans le centre de la Somalie et de couper ses voies d'approvisionnement. Dans le cadre de cette opération, l'AMISOM a libéré les villes d'Adan Yabal dans la région du Shabelle Dhexe et de Galcad dans la région du Galguduud au cours du mois où est survenue l'attaque de l'EIIL. En dépit de ces grandes difficultés, la communauté internationale croit de plus en plus en la stabilité de la Somalie. Le Royaume-Uni a été le premier pays de l'Union européenne à rouvrir son ambassade à Mogadiscio en mai 2013. La Turquie y a également établi une ambassade. II.2 Le niveau économiqueL'économie somalienne, largement informelle, dépend étroitement de l'aide internationale, principalement humanitaire. Le pays bénéficie également des transferts de la diaspora somalienne évalués à 1Md$ par an. L'activité économique repose essentiellement sur le secteur agricole et les services. Des travaux de reconstruction des infrastructures, détruites pendant la guerre civile, sont en cours principalement dans la capitale Mogadiscio. La conjoncture reste marquée par une forte inflation, le budget est presque exclusivement financé par l'aide internationale versée au gouvernement et par les quelques recettes prélevées au port du Mogadiscio. L'agriculture contribue à environ soixante pour cent du PIB de la Somalie. Sous-secteur agricole le plus important, les animaux d'élevage représentent environ quarante pour cent du PIB. La production est principalement limitée à des activités à petite 39 échelle, et fait peu appel aux techniques agricoles modernes. Les services financiers et les télécommunications sont les principaux types de services qui enregistrent actuellement une croissance et possèdent un potentiel notable de croissance dans l'avenir. Pendant longtemps, le secteur financier se composait plutôt essentiellement de sociétés d'envois de fonds et d'institutions informelles de transfert de fonds, telles que les opérateurs utilisant le système hawala. L'amélioration progressive de la sécurité a toutefois attiré un nombre croissant d'institutions financières formelles, désireuses de participer au flux considérable d'envois de fonds à destination du pays. Plus de 1 milliard de dollars de fonds sont envoyés chaque année en Somalie, représentant près d'un quart du revenu des ménages. Un autre domaine où l'économie somalienne se modernise est celui des télécommunications. Ce secteur est parvenu à prospérer malgré des années d'instabilité. Il est même devenu l'un des secteurs des télécommunications les plus compétitifs et les plus en pointe en Afrique. La Somalie affiche l'un des tarifs les plus bas du continent pour les appels internationaux, et en date de mars 2013, on y dénombrait onze opérateurs agréés dont les réseaux couvraient l'ensemble du pays. Les relations extérieures des autorités de Mogadiscio s'inscrivent principalement dans le cadre de l'appui de la communauté internationale à la reconstruction de la Somalie. Le gouvernement fédéral et la communauté internationale ont pris des engagements mutuels dans un document appelé «compact for Somalia» dans le cadre du partenariat du «New Deal » à Bruxelles en septembre 2013. Il fixe les orientations pour la reconstruction du pays et annonce des engagements financiers à hauteur de 1,8Md d'euros. Le suivi de ces engagements a fait l'objet d'une conférence à Copenhague en novembre 2014 et à Istanbul en février 2016. La troisième conférence internationale sur la Somalie qui se tiendra à Londres le 11 mai 2017 a pour objectif de convenir d'un nouveau partenariat fondé sur la notion de «redevabilité mutuelle». Elle doit être l'occasion pour la communauté internationale de définir une stratégie explicite et réaliste de son engagement en Somalie. 40 Graphique 9 : Somalie - Taux de croissance annuel du P11B Source : tradingeconomics.com Nous constatons que la croissance du P11B annuelle est très faible, elle varie entre 2.6 pour cent et 3.7 pour cent. Cette faiblesse est liée à l'état de l'économie. Au cours des quatre dernières années, la croissance du P11B réel a été modérée, en moyenne à environ 3,4 pour cent. Elle devrait descendre à 2,4 pour cent en 2017, principalement en raison de la sécheresse persistante, et revenir à 3,5 pour cent en 2018 et 2019. En 2017, ses principaux moteurs ont été la construction, les télécommunications et les services financiers. En 2018 et 2019, la remontée de la croissance devrait être stimulée par la reprise du secteur agricole, l'augmentation des investissements du secteur privé et l'amélioration de la sécurité. Contenue par la dollarisation et la forte baisse des prix pétroliers, l'inflation devrait rester proche de 2,7 pour cent en 2018 et 2019. La petite taille de l'économie formelle et la collecte fiscale limitée par l'insécurité généralisée et des contraintes institutionnelles empêchent l'État de générer des recettes suffisantes et de stabiliser l'environnement macroéconomique. L'État continue de dépendre de l'aide publique au développement, qui représentait 21 pour cent du P11B en 2016 et devrait légèrement diminuer jusqu'en 2018. En continuant d'accumuler des arriérés, la dette extérieure restreint l'accès à l'emprunt extérieur, en particulier concessionnel. Depuis avril 2016, le shilling somalien est resté relativement stable par rapport au dollar EU. La Banque centrale de Somalie n'a émis aucun billet depuis 1991 ; elle n'a aucun contrôle sur le taux de change ni sur l'émission du shilling, qui est imprimé par des acteurs privés36. Les principales réalisations économiques comprennent l'élaboration du premier Plan National de Développement (PND) 2017-2019, énonçant les priorités pour la reconstruction et le 36 Perspectives économiques en Somalie, https://www.afdb.org/fr/countries/east-africa/somalia/somalia-economic-outlook/ 41 développement économiques. Le secteur privé a affiché une résilience impressionnante dans les télécommunications, les services financiers et la construction. La diaspora a joué un rôle majeur en investissant des fonds étrangers et en revenant avec des compétences essentielles. La stabilité politique, la mise en oeuvre du PND et l'intérêt de la diaspora pour les secteurs clés de croissance devraient stimuler la croissance en 2018. Des programmes sont en cours pour relancer l'éducation, avec pour premiers résultats la scolarisation d'un plus grand nombre d'enfants dans l'enseignement primaire formel. |
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