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La police de la grève en droit administratif camerounais


par Gaetan Gildas Yamkam Fankam
Université de Yaoundé Il  - Master 2 droit public 2018
  

Disponible en mode multipage

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INTRODUCTION GENERALE.

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« Il n'est guère de période de l'histoire où les hommes du moins, les plus conscients d'entre eux_ n'aient essayé d'affirmer leur liberté à l'encontre du pouvoir. »1.Cette affirmation de Georges Burdeau rend véritablement compte de la situation de quête perpétuelle qui caractérise les libertés publiques dans leurs rapports avec l'État. Cette quête est davantage accrue en ce qui concerne les libertés considérées comme hostiles voire nuisibles2 et susceptibles de compromettre «le régime et ses dignitaires ».3En effet, il s'agit ici des mouvements collectifs prenant généralement la forme d'une revendication ou d'une contestation exprimées à l'occasion des manifestations exercées à l'endroit du pouvoir politique. En raison de leur nature instrumentale et généralement politique, lesdites manifestations constituent des canaux d'extériorisation au premier chef de la liberté d'opinion et d'expression, mais au second plan d'autres droits fondamentaux tels que les droits politiques et les libertés syndicales4. C'est donc à dire de manière générale que les manifestations sont en réalité des vecteurs5 à travers lesquels s'expriment d'autres libertés à l'exemple du droit de grève sur lequel nous nous appesantirons.

Il existe donc inextricablement une corrélation entre le droit de grève et les manifestations publiques6, que la doctrine rassemble généralement sous le vocable de « pouvoir de la rue »7. C'est au regard de l'ampleur et de l'influence sans cesse grandissante du phénomène dans le monde en générale et au Cameroun en particulier, que nous étudierons la question de la police de grève en droit administratif camerounais. Pour ce faire il conviendra au préalable de situer l'étude dans un cadre particulier (section I) tout en spécifiant son objet et sa méthode (section II).

1 BURDEAU (G), Les libertés publiques, Paris librairie de droit et de jurisprudence, Pichon (R). et Durand-Auzias (R) 1966 ; P.12

2 METOU (B-M), « vingt ans de contentieux des libertés publiques au Cameroun », RASJP, vol 8, n°1, 2011, P.275

3 ALCARAZ (H), LECUCQ (O), La liberté de manifestation dans, AURELIE DUFFY-MEUNER et PERROUD (T), l'espace public en Espagne in La liberté de manifester et ses limites : perspective de droit comparé P.9 4Ibid. P.8

5 Idem

6 CORNU (G) définit justement la manifestation comme « l'action d'extérioriser un sentiment, une idée, une volonté, plus spécialement une affirmation publique, sous forme d'un rassemblement, d'une opinion, de convictions ou de revendications (...) et qui n'est pas en soi une atteinte à la tranquillité publique. » voir CORNU (G), vocabulaire juridique, PUF, 8e éd., 2007, p.636.

7 DUFFY-MEUNER (A) et PERROUD (T) introduction, La liberté de manifester et ses limites : Perspective de droit comparé. P.4

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SECTION I : CADRE DE L'ETUDE

Définir le cadre de l'étude reviendra pour nous à déterminer le cadre contextuel et le cadre conceptuel de la présente étude.

I- CADRE CONTEXTUEL

« L'état du droit dans un pays et à un moment déterminé ne peut se dissocier de phénomènes plus larges ni être isolé des sources de son contexte »8 c'est donc en suivant cette logique qu'il sera question ici de présenter le cadre géographique avant de délimiter le cadre temporel.

A-Identification du cadre géographique de l'étude

La question du droit de grève connait aujourd'hui une forte actualité, et ce dans le monde entier. En effet la tendance est celle de la montée en puissance des mouvements revendicatifs, réclamant soit une meilleure protection des libertés soit le respect de celles-ci9. Cependant, dans le cadre de notre étude, nous focaliserons notre attention sur le Cameroun, dont l'actualité est depuis quelques années marquée par un contexte de fortes tensions au lendemain des élections présidentielles, auxquelles il faut ajouter les crises anglophones et le climat d'insécurité qui balaye le pays depuis plusieurs années.

Si l'on s'accorde sur cette formule selon laquelle « il est peu de savoir. L'essentiel est de comprendre »,10conviendra-t-on également que « pour comprendre il faut comparer, opposer. »11 C'est ainsi que Pour enrichir notre compréhension relative à cette étude, nous nous intéresserons accessoirement à certains systèmes étrangers soit en raison de ce qu'ils peuvent être considérés comme des référents en matière de système de protection des droits fondamentaux soit qu'ils partagent avec le Cameroun un certain attachement historique, ou culturel soit encore en raison d'une certaine proximité géographique ou territoriale. D'autres pays non cités pourraient également être évoqués à titre de comparaison.

8 BERGEL (J.-L), Théorie générale du droit, Paris Dalloz, 1985, p.3, cité par ATEBA EYONG (R.)

« L'évolution du fondement idéologique du droit administratif camerounais », in ONDOA (M.) et E. ABANE ENGOLO (P.) Les fondements du droit administratif camerounais. Yaoundé, l'Harmattan CERCAF p. 273

9 DIARRA (A), La protection constitutionnelle des droits et libertés en Afrique noire francophone, cas du Benin et du Mali.

10BARTHELEMY (J.) Et DUEZ (P.) Traité élémentaire de droit constitutionnel Paris Dalloz 1926 ; cité par KAMTO (K.), Pouvoir et État en Afrique noire, essai sur les fondements du constitutionnalisme dans les États d'Afrique noire francophone. RDJ Paris 1987.P.47

11 Idem.

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Il s'agit notamment de la France dont l'histoire est marquée par de nombreuses périodes de crises sociales et de mouvements révolutionnaires. Récemment encore, l'actualité était celle de l'occupation des rues lors des mouvements contestataires tels que la « grève des gilets jaunes, les manifestations anti « féminicides »12 » ou encore la grève contre la réforme des retraites entre autres. C'est donc à dire qu'en matière de gestion des crises sociales, la France connait une certaine avancée qui devrait inspirer le droit camerounais.

Également nous pourrions nous intéresser au Bénin en raison de ce qu'il constitue une référence en matière de constitutionnalisme en Afrique13 et éventuellement au Gabon et au Tchad compte tenu d'un certain nombre de rapprochements tant géographique que systémique. Siéra-t-il à présent de délimiter le cadre temporel de l'étude.

B- Délimitation du cadre temporel de l'étude.

Les années 1990 sont marquées par un renouveau du constitutionnalisme en Afrique noire francophone14. Le Cameroun n'a pas été épargné par ce vent de changements. En effet, la période du renouveau constitutionnel en Afrique subsaharienne s'est matérialisée par la consécration de diverses libertés publiques15. Comme le relève le professeur Brusil Metou, « ces textes qui témoignaient de l'adhésion définitive du Cameroun aux principes de l'État de droit, donnaient plus de libertés aux citoyens et imposaient à l'administration de desserrer l'étau des contraintes qui pesaient sur l'exercice et la jouissance des droits et libertés. »16. Cette « révolution juridique »17 a donné naissance le 19 décembre 1990 à une série de textes juridiques à l'instar de la loi n°90/53, portant liberté d'association, la loi n°90/54 relative au maintien de l'ordre et la loi n°90/55 portant régime des réunions et manifestations publiques entre autres. C'est ainsi que furent jetées par le législateur camerounais, les bases d'un nouvel ordre juridique « résolu à se montrer protecteur des libertés. »18.

12 Il s'agit ici de mouvements de contestations contre les violences faites aux femmes En France et dans plusieurs pays d'Europe.

13 Il est le premier pays qui organisera sur le continent africain une conférence nationale souveraine du 19 au 28 février 1990. Lire à ce propos DIARRA (A.), La protection constitutionnelle des droits et libertés en Afrique noire francophone, cas du Benin et du Mali.

14 DIARRA (A), La protection constitutionnelle des droits et libertés en Afrique noire francophone, cas du Benin et du Mali P.2

15METOU (B-M) « vingt ans de contentieux des libertés publiques au Cameroun »p.267

16 Ibid.

17 Ibid. P.268

18 OLINGA (A-D), «vers la garantie constitutionnelle crédible des droits fondamentaux », fondation Friedrich Ebert au Cameroun. P.333, cité par METOU (B-M) op. Cit. p.268

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Cependant, depuis près d'une décennie, le Cameroun traverse une période caractérisée par de nombreuses attaques perpétrées à la fois dans le Nord et dans l'Est du pays. À cela il convient d'ajouter les crises internes qui se font de plus en plus ressentir dans l'ensemble du territoire. C'est fort de cela que le législateur camerounais va en 2014 prendre un certain nombre de mesures notamment la loi n°2014/028 portant répression du terrorisme, en vue de contrer la montée en puissance de la vague d'insécurité et d'instabilité qui prévaut dans le pays. Dans cette perspective, les libertés publiques seront davantage encadrées pour certaines, réduites voire interdites pour d'autres. À tel point que l'exercice de certaines libertés publiques se confronte de plus en plus à l'exigence de sauvegarde de l'ordre ou de la sécurité publique. Dans un tel contexte, l'on serait tenté de s'interroger s'il s'agit du triomphe de la préoccupation de sécurité sur l'exigence de protection des libertés19.

Voilà en clair la situation qui prévaut au Cameroun en matière de libertés publiques en général. Ainsi focaliserons nous notre étude sur la période allant des années 1990 : période du renouveau du constitutionnalisme africain ; jusqu'en 2019. Définissons à présent le cadre conceptuel de notre étude.

II- CADRE CONCEPTUEL.

Le cadre conceptuel ne peut être abordé qu'à travers une délimitation du cadre d'étude afin de mieux définir les concepts.

A-DELIMITATION DU SUJET : LA TRANSVERSALITE DES LIBERTES

PUBLIQUES.

L'analyse du sujet sur les libertés publiques en générale et le droit de grève en particulier requiert l'intervention d`éléments relevant de diverses branches du droit.

1-La dimension relative au droit public.

L'étude des libertés publiques passe forcément par le droit public tant au niveau interne qu'au niveau international.

19 LE BOT (O), « La liberté de manifestation en France : un droit fondamental sur la sellette ? » in, DUFFY-MEUNER (A) et PERROUD (T) La liberté de manifester et ses limites : Perspective de droit comparé, p.33

a- 6

Le volet relatif au droit international public.

« Les principales libertés publiques sont consacrées par divers textes internationaux »20, relevait le professeur Metou Brusil pour signifier le rôle important que joue le droit international public dans la consécration des droits et libertés des citoyens. À titre illustratif, la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dans son article 10 dispose : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. ».Également, dans le même ordre d'idée, la charte africaine des droits de l'homme et des peuples précise que « toute personne a le droit d'exprimer ses opinions dans le cadre des lois et règlements.» Plus loin encore, la même charte dispose que « toute personne a le droit de se réunir avec d'autres(...) »21(cf. infra)

Ces différents textes consacrés sur la scène internationale seront réceptionnés en droit interne par le mécanisme de la ratification.

b- Le volet relatif au droit public interne.

L'étude des libertés publiques en général, des manifestations voire du droit de grève en particulier, se situe « à la lisière du droit administratif et du droit constitutionnel». En effet le droit de grève tel qu'il sera envisagé dans notre étude, fait nécessairement intervenir les notions d'ordre, de sécurité publique ou même de puissance publique. On les là au coeur même du droit administratif plus précisément dans le domaine de la police administrative22 (cf. Infra). Toutefois les manifestations à travers l'occupation de l'espace publique, les descentes dans les rues en général, constituent le plus souvent de véritables « moteurs de changement constitutionnel »23. Cela dit, le «pouvoir de la rue court-circuite le mécanisme de démocratie représentative. »24 Il parait donc évident que notre étude nous plongera également dans les méandres du droit constitutionnel.

Au-delà du droit public, la discipline que constituent le droit des libertés publiques fait également intervenir des éléments qui en réalité ressortissent du droit privé.

20 METOU (B-M) « vingt ans de contentieux des libertés publiques au Cameroun »op. cit P.269

21 Confère infra

22 DUFFY-MEUNER (A.) et PERROUD (T.) La liberté de manifester et ses limites : Perspective de droit comparé; op.cit. ; p.4

23 Ibid.

24 Idem.

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2- L'intervention des éléments de droit privé.

Il s'agira ici concrètement de l'office du juge judiciaire soit en tant que protecteur des droits et libertés, soit en tant que sanctionnateur des infractions.

a- Le juge judiciaire dans les libertés publiques.

Les circonstances historiques de la naissance des juridictions administratives, notamment les souvenirs de l'époque relative à la justice retenue ou aux ministres juges, expliquent « que l'esprit libéral ait considéré celles-ci avec suspicion»25 ; affirmait Charles Debbasch dans le cadre de la compétence du juge judiciaire en droit administratif. Également, rajoutait-il, « trop lié à l'administration, on ne leur fait pas confiance pour défendre les droits fondamentaux des individus dans le système libéral. ».26

C'est sur la base de ces a priori que le juge judiciaire est naturellement considéré comme le meilleur garant des droits et libertés fondamentaux27. Mais en réalité, ces considérations peuvent être relativisées. En effet, le juge administratif, plus habitué que le juge judiciaire en ce qui concerne le contrôle de l'administration, est mieux outillé pour défendre les citoyens face à la puissance publique.28

En tout état de cause, l'on peut retenir ici que l'office de protecteur des libertés reconnu au juge judiciaire, justifie son rôle capital dans la protection des libertés publiques. Qu'en est-il en matière répressive ?

b- Le droit et la procédure pénale dans les libertés publiques.

Le droit pénal peut être défini ici comme l'ensemble des règles ayant pour objet la définition des infractions ainsi que des sanctions qui leurs sont applicables29. En effet, des infractions peuvent résulter de l'irrespect par les administrés des règles et conditions relatives à l'exercice de telle ou telle autre liberté, voire pendant l'exercice même d'une liberté. À titre illustratif, lors des manifestations publiques, des actes répréhensibles peuvent être commis soit par les manifestants, soit par les autorités en charges du maintien de l'ordre. De telles infractions ressortissent de la compétence du juge de droit commun en matière répressive.

25 DEBBASCH (C.), RICCI (J.-C.), Contentieux administratif 6e édition, précis Dalloz, 1994, p.69.

26 Ibid.

27 Une des spécificités du droit camerounais est la dévolution de La compétence en matière de contentieux des manifestations publiques au juge judiciaire. Voir infra

28 Ibid.

29 Lexique des termes juridiques, 25e éd., Dalloz, Paris, 2017-2018

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La procédure pénale quant à elle s'appréhende comme l'ensemble des règles qui définissent la manière de procéder pour la constatation des infractions, l'instrument préparatoire, les poursuites et le jugement des délinquants.30 Le respect des règles de procédure pénale constitue une garantie dans l'exercice des libertés publiques. En effet, elle met les citoyens à l'abri des poursuites, des arrestations, voire des condamnations abusives. C'est donc à dire comme l'explique le professeur D. Dechenaud, que le droit pénal et le droit des libertés entretiennent des rapports particuliers31 et ce à plusieurs titres. D'une part, le droit pénal peut être analysé comme le protecteur des libertés ; d'autre part il peut être vu comme un conciliateur des différentes libertés32. Mais, on le verra plus loin dans notre réflexion, le droit pénal peut également avoir une influence négative sur les libertés.

En clair, la transversalité des libertés publiques33 et par ricochet de notre sujet d'étude s'apprécie à travers le caractère épars des éléments qui ressortissent de diverses disciplines du droit. Reste-il à définir les concepts afin d'avoir une meilleure compréhension de notre sujet d'étude.

B- DEFINITION DES CONCEPTS : LA POLICE DE LA GREVE EN DROIT

ADMINISTRATIF CAMEROUNAIS.

La compréhension de notre sujet nécessite que les concepts ou notions clés soient clairement définis. C'est dans cette perspective que nous aborderons notionnellement d'une part la police de la grève (1) et d'autre part le droit administratif camerounais.

2- Le concept police de la grève.

Définir la police de la grève reviendra d'une part à examiner la notion de police avant de s'appesantir sur celle la grève d'autre part. C'est ainsi que l'on pourra mieux comprendre ce groupe de nom.

a- La notion de police.

Dérivé du latin politia, qui signifie « régime politique, citoyenneté administration », le mot police désigne généralement une prérogative de l'État qui consiste en la règlementation d'un secteur de la vie en société. Cela dit, l'État détient en principe une exclusivité voire un

30 Idem.

31 DECHENAUD (D) (http// www.revuedlf.com/auteurs/dechenaud-david/), « la pénalisation de l'exercice des libertés » RDLF 2018 chron. n°3

32 Pour d'amples développements à ce sujet lire DECHENAUD (D) op.cit.

33 METOU (B-M) « vingt ans de contentieux des libertés publiques » op.cit. ; p. 269.

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monopole en la matière, d'autant plus qu'il s'agit là d'une de ses compétences régalienne. Dans le vocabulaire juridique, le terme police renvoie principalement à deux entités à savoir police judiciaire d'un côté et police administrative de l'autre.34

Dans le cadre de notre étude nous analyserons la notion sous l'angle de la police administrative. En effet celle-ci se confond très souvent en pratique avec la notion de police judiciaire. Un travail de distinction s'impose afin de mieux circonscrire notre champ de réflexion.

Si d'un point de vue théorique, la distinction entre police administrative et police judiciaire semble aisée, celle-ci s'avère relativement complexe en pratique. En effet, il convient d'emblée de préciser que la police administrative incombe au pouvoir exécutif et son contentieux relève de la juridiction administrative35. En revanche la police judiciaire quant à elle relève du pouvoir judiciaire et son contentieux ressortit des juridictions judiciaires.36 Plus techniquement, relève J.Rivero, «c'est par leur but qu'elles se distinguent : préventive, la police administrative tend à éviter qu'un trouble se produise ou s'aggrave. La police judiciaire, essentiellement orientée vers la répression, intervient lorsqu'une infraction a été commise(...) ».37

Cette tentative de distinction ne règle pas de manière péremptoire la confusion qui existe entre ces deux notions.

En effet, la police administrative, au-delà de la prévention qui constitue son champ d'action principiel, peut se retrouver dans l'action répressive en vue de rétablir l'ordre troublé. De la même manière, la police judiciaire « n'a pas une mission répressive38 ; elle prépare la répression pénale. »39*. Il est un véritable enchevêtrement qui rend difficile la distinction entre police judiciaire et police administrative. Indépendamment de la complexité qui caractérise cette notion, il conviendra de définir la police administrative comme « une fonction, une activité(...) qui tend à assurer le maintien de l'ordre public dans les différents secteurs de la vie

34 RIVERO (J), Droit administratif, 3e Édition, Dalloz 1965 p.369

35 Idem.

36 Idem.

37 Ibid.

38 Ibid.

39 Ibid.

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sociale et cela, autant que possible en prévenant les troubles qui pourraient l'atteindre sinon en y mettant fin »40. Intéressons-nous à présent à la notion de grève.

a- La notion de grève.

« Phénomène social, la grève n'a pas le même caractère et la même signification à toutes les époques et dans tous les pays »41 ; affirmait Jean Savatier pour rendre compte de la nature évolutive voire dynamique de la grève depuis ses premières manifestations jusqu'aux sociétés contemporaines. Aussi, relevait-il, la permanence ou l'identité des mots ne doit pas cacher les modifications dans les réalités sociales qu'ils recouvrent. »42. Cela dit, la grève dans la société contemporaine ne peut être appréciée comme dans celle du siècle dernier.43

En effet, la grève au sens classique du terme, depuis le XIXème siècle, faisait référence « à une révolte contre l'autorité patronale, de la part des travailleurs acculés à la révolte »44.Il s'agissait alors d'une opposition de classe entre bourgeoisie et prolétariat. Les revendications étaient limitées uniquement au cadre professionnel et portaient sur des questions relatives au salaire, à la négociation des conditions de travail entre autres.

Dès le début du XXème siècle, la notion va progressivement évoluer et cessera d'être l'apanage des ouvriers pour s'étendre à d'autres catégories sociales. Longtemps interdite parce que mettant en cause le principe de continuité du service publique, l'on assistera finalement à l'ouverture de la grève à la catégorie des fonctionnaires. L'arrêt Dehaene marquera la consécration jurisprudentielle du droit de grève des agents de l'État45. Mais jusque-là ce droit restait encore fortement limité.

Au fur et à mesure, le droit de grève va s'étendre aux professions non salariées, (grève des avocats, des agriculteurs, des transporteurs...etc.) et plus tard aux activités non professionnelles (grève des étudiants). À tel point que peu à peu le phénomène a échappé au cadre syndical. J.Savatier écrira à cet effet : « chaque fois qu'une catégorie sociale prend conscience de la possibilité pour eux de manifester(...) on recourt aujourd'hui à la grève. »46* ;

40 CHAPUS (R) ; Droit administratif général, cité par GUESSELE ISSEME L.; l'apport de la cour suprême au droit administratif camerounais, thèse présentée en vue de l'obtention du grade de docteur. Université de Yaoundé II p. 496

41 SAVATIER (J), « la grève dans la société contemporaine », source Gallica.bnf.fr/ bibliothèque nationale de France. P.308

42 Idem, p.309.

43 Ibid.

44 Ibid, p.310.

45 CE, Ass., 7 juillet 1950, Dehaene, JCP1950, n° 5681.

46 SAVATIER (J) « la grève dans la société contemporaine », op.cit. p.311

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cela dit, force est de constater que les syndicats et autres associations corporatives n'exercent plus le monopole en matière de contestation sociale, d'autant plus que la liberté de manifestation publique et par ricochet le droit de grève sont « par essence d'abord d'exercice individuel (et peuvent) se muer selon (leurs) initiateurs dans l'exercice collectif.»47

S'il est vrai que beaucoup de grèves ont gardé leur caractère traditionnel de revendication professionnelle adressée au patronat, dans le cadre d'un syndicat ; l'on constate néanmoins que le phénomène de grève a subit une véritable évolution et constitue désormais un instrument privilégié des citoyens orienté contre les pouvoirs publics dont ils contestent la politique48. C'est sous cet angle que nous aborderons le droit de grève au cours de notre réflexion.

En tout état de cause, la définition combinée des notions de police et de grève, nous amène à retenir la police de grève comme une activité de l'administration qui tend à encadrer les mouvements de contestation ou de revendication exercés contre les pouvoirs publics ; en vue de préserver l'ordre public ou de restaurer l'ordre troublé. Sied-t-il à présent de définir le droit administratif camerounais.

2-Le concept droit administratif camerounais.

Le droit administratif tel que appliqué au Cameroun est d'inspiration française (a); toutefois il ne s'agit pas d'une copie conforme car un certain nombre de spécificités font de lui un droit original (b).

a- Définition du droit administratif général.

Le droit administratif est une discipline dont la création est le fruit d'un long processus historique. Ses origines remontent à partir du XVII e siècle avec l'élaboration d'une série de textes juridiques révolutionnaires notamment l'édit de saint germain en Laye de 1679, suivi de la loi de 16-24 aout 1790 et du décret 16 fructidor an III, dont la lecture combinée faisait interdiction au juge judiciaire du contrôle de l'administration49. C'est ainsi que furent fixées les bases textuelles d'une naissance du droit administratif. Une consécration jurisprudentielle sera apportée le 8 février 1873 par le tribunal des conflits français dans l'arrêt Blanco.

47 DDC 18-117 du 22 mai 2018 rendu par la cour constitutionnelle béninoise.

48ABA'A OYONO (J-C), Cours polycopié de droit administratif général licence 2, année 2014-2015. 49Idem.

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En effet, le juge du tribunal des conflits viendra consacrer l'autonomie du droit administratif et son caractère dérogatoire au droit commun.50 Cette autonomie comportera un double aspect : un aspect négatif, « l'inapplicabilité du code civil à l'action administrative (...)» Et un aspect positif, « celui de l'originalité des règles auxquelles cette action est soumise.» toutefois, le droit administratif était toujours à la recherche d'une définition. C'est dans cette perspective que plusieurs tentatives seront apportées à cette fin, à travers plusieurs critères notamment celui du service public, défendu par Léon Duguit51 et celui de la puissance publique soutenu par Maurice Hauriou.52

Seulement, conviendra-t-on avec Jean Rivero lorsqu'il affirme que «la définition du droit administratif « exige (...) la poursuite des efforts pour l'organiser de façon systématique (...) il n'est nullement nécessaire de procéder à cette systématisation à partir d'une notion unique »53 aussi, «c'est autour de plusieurs idées maitresse et non une seule que le droit civil, le droit commercial et le droit du travail sont parvenus au haut degré d'organisation scientifique qui est le leur »54.

La définition du droit administratif devra donc sans se limiter uniquement au fait qu'il s'agit d'un corps de règles spéciales, identifier les domaines concernés. Ainsi retiendra-t-on alors, qu'il n'y a d'administration qu'à partir de son droit, et il n'y a de droit administratif sans administration.55 C'est donc tenant compte de cette consubstantialité56 que l'on pourrait envisager le droit administratif comme « l'ensemble de règles qui organisent l'administration, régissent son fonctionnement et encadrent ses relations avec les différents sujets de droit. »57 C'est donc ainsi qu'à la faveur de la « colonisation »58, ou du moins de la présence française en Afrique noire francophone que le droit administratif sera transposé au Cameroun.

50 RIVERO (J), Droit administratif ; 3e Édition, Dalloz 1965, p. p.17.

51 Ibid. P.29

52 HAURIOU (M.) Précis de droit administratif et de droit public. Préface 1ère ed. Dalloz, Paris, 2002, cité par ABANE ENGOLO (P), « existe-t-il un droit administratif camerounais ? » ; op.cit. P. 15

53 RIVERO (J), Droit administratif, op.cit., P.32

54 Ibid. PP.32, 33

55 ABANE ENGOLO (P) « existe-il un droit administratif camerounais ?» in ONDOA (M) et ABANE ENGOLO (P), Les fondements du droit administratif camerounais, Yaoundé, l'Harmattan CERCAF., p.14

56 Ibid.

57 Ibid.

58 Le Cameroun n'a jamais stricto sensu été une colonie du moins au sens juridique du terme. Il est d'abord passé d'un statut de protectorat allemand (1884), à celui d'État sous mandat de la S.D.N(1919) ensuite, et enfin à celui d'État sous tutelle de la France et de la Grande-Bretagne(1945).

13

b- La définition du droit administratif camerounais.

Le droit administratif tel qu'élaboré en France et transposé au Cameroun, a subit un certain nombre d'aménagements tenant compte des spécificités contextuelles. La question qui s'est longtemps posée était celle de savoir s'il existe un droit administratif camerounais. Plusieurs thèses s'opposent à cet effet.

Les premières postulent de l'inexistence du droit administratif typiquement africain, et que ce dernier ne constituerait que « la polycopie du droit français »59. C'est la thèse du mimétisme des droits africains, soutenu notamment par le professeur Bipoun Woun, qui estime que le législateur et le juge africain ne font que reproduire un droit français existant et que ceux si sont peu enclin d'innovation60.

Par la suite une seconde thèse viendra s'opposer à celle du mimétisme du droit africain.

Il s'agit alors de la thèse développementaliste. En effet des auteurs, a l`instar du professeur Maurice Kamto ou du juge Keba Mbaye, estimeront que les droits africains et par contre coup le droit camerounais , se sont appropriés le droit administratif en l'adaptant au contexte africain qui était alors marqué par la recherche du développement et de l'unité nationale61. Dans le même ordre d'idée, le professeur Magloire Ondoa fera ressortir l'originalité des droits africains à travers l'attitude des juges qui, partageant la même idée relative au développement, éviteront d'opter pour des décisions de nature à porter atteinte aux deniers publics, très souvent au grand dam des libertés individuelles62.

Tels étaient les éléments d'ordre conjoncturel qui ont servi pour façonner un droit administratif africain et par la même occasion, un droit camerounais original. Outre mesure, faut-il le rappeler, à la différence du droit administratif français qui est essentiellement jurisprudentiel63, le droit administratif camerounais « démontre à suffisance l'impérialisme des textes »64, constituant ainsi un droit fondamentalement d'origine textuelle65.

59 ABANE ENGOLO (P), « existe-t-il un droit administratif camerounais ? » op.cit. ; p. 16.

60 Idem.

61 Idem.

62 ONDOA (M), le droit de la responsabilité publique dans les États en développement : contribution à l'étude de l'originalité des droits africain, thèse de doctorat d'État en droit public, 3tomes, Université de Yaoundé II- SOA, FSJP, 1997.

63 RIVERO (J) Droit administratif, op.cit. p.27.

64 ABANE ENGOLO (P), op.cit. P.23.

65 ONDOA (M), ABANE ENGOLO (P), les fondements du droit administratif camerounais, préface, p.10.

14

En dernière analyse, la naissance du droit administratif camerounais est postérieure au droit administratif français ; l'on pourrait même dire que « le second a accouché du premier ».66Seulement, le droit administratif camerounais va véritablement se démarquer de son « géniteur », en raison d'abord de facteurs juridiques notamment de l'indépendance et par ce fait même de la souveraineté de l'État du Cameroun : cela dit chaque État a par principe son ordre juridique67. En raison ensuite d'éléments d'ordre philosophique, culturel68, voire idéologique69. en effet écrira le professeur Abane E. dans ce sens, « le droit administratif français est un droit (libéral) protecteur des droits, celui camerounais est naturellement autoritaire »70.

SECTION II : OBJET ET METHODE.

Le présent thème d'étude comporte un objet spécifique (I) qui ne pourra être abordé qu'à l'aide d'une méthode bien déterminée. (II)

I- OBJET DE L'ETUDE

Il siéra ici d'identifier tout d'abord la problématique, l'intérêt ensuite, et l'hypothèse

enfin.

A- Problématique.

La grève telle que définie dans le cadre de notre étude est au centre de l'épineuse question du rapport entre l'État et les libertés. En effet, l'exercice du droit de grève à travers les manifestations sur la voie publique, constitue « une arme potentiellement déstabilisante » à l'égard du pouvoir en place. C'est ce qui justifie la méfiance naturelle des pouvoirs publics, au regard des souvenirs encore récents relatifs aux mouvements contestataires vécus dans le pays71. C'est à cet effet que partant de notre analyse sur la police de grève en droit administratif camerounais, nous nous proposerons d'étendre nos perspectives et de faire un rapprochement sur ses répercussions vis-à-vis des libertés publiques. En d'autres termes, si nous validons la formule de Burdeau selon laquelle : « la liberté est une puissance négative à l'égard de l'État,

66 ONDOA (M), « les fondements juridiques du droit administratif au Cameroun (la question de

l'applicabilité) »in ONDOA (M) et ABANE ENGOLO (P) Les fondements du droit administratif camerounais. Yaoundé, l'Harmattan CERCAF p.35.

67ABANE E. ENGOLO (P) « existe-t-il un droit administratif camerounais ? » op.cit. p.16

68 Idem.

69 ATEBA EYONG (R), « L'évolution du fondement idéologique du droit administratif camerounais » op.cit. p.274

70 ABANE E. ENGOLO (P), « existe-t-il un droit administratif camerounais ? » op.cit. p.24

71 Il s'agit notamment des mouvements des années 1990 qualifiés de villes mortes et des mouvements de grève de février 2008 au Cameroun.

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elle limite son action, borne ses prétentions bref le contraint au libéralisme »72 ; alors, force est de reconnaitre que la vocation revendicative du droit de grève, la force exigeante qu'il constitue fait de lui également un instrument permettant d'empêcher que l'État par des interventions mais également par des abstentions malencontreuses ne vienne en paralyser l'exercice. En clair, c'est donc à dire que la conquête des libertés publiques vise en fin de compte à limiter l'État, c'est à dire à garantir les droits et libertés fondamentaux contre l'arbitraire des gouvernants73. Or faut-il le préciser, la liberté c'est aussi la dissidence.74 C'est dans cette perspective que nous étudierons la question de la police de grève sous le prisme de l'encadrement des libertés publiques de manière générale au Cameroun. Cela nous amène alors à nous interroger sur les mesures d'encadrement que l'État prévoit en la matière ; ou plus encore de l'influence de la police de grève sur les libertés publiques au Cameroun. Ainsi, la police administrative de la grève remet-elle en cause les libertés publiques au Cameroun ? Le souci ici est de savoir si la police administrative en matière de grève a une influence consolidante ou déstabilisatrice vis-à-vis des libertés publiques. Une première tentative de réponse sera apportée à cette interrogation, à partir de la formulation de l'hypothèse.

B- L'hypothèse.

La police administrative, en l'état actuel du droit au Cameroun démontre une forte tendance à la limitation voire à la répression des libertés publiques. Au grand malheur des citoyens qui face à l'omnipotence de la puissance publique administrative75, voient leurs droits et libertés aller de« restrictions en restrictions». Dans cette perspective, dira-t-on alors que la police administrative camerounaise est un instrument de domination visant à affirmer l'autorité de l'État envers et contre tous. Ce postulat se justifie davantage en matière de grève et démontre à suffisance le caractère autoritariste, et même impérialiste de l'administration dans la gestion des libertés publiques au Cameroun. On est donc là en présence d'un régime relativement « liberticide» lorsqu'il s'agit de l'encadrement des mouvements protestataires dans l'ordre juridique camerounais. L'importance de la question des libertés publiques et l'actualité de celles-ci explique tout l'intérêt de conduire une recherche spécifique sur ce droit voire cette

72 BURDEAU (G); Les libertés publiques ; op.cit. p.11.

73 Idem. P.59.

74 Idem. P.25.

75 ABA'A OYONO (J-C), «les fondements constitutionnels du droit administratif : de sa vertueuse origine française à sa graduelle transposition vicieuse dans des États stables et instables de l'Afrique francophone Revue CAMES/SJP, n°001/ 2017 p.15.

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liberté que constitue la grève dont l'étude doctrinale du moins en droit camerounais ne semble pas encore suffisamment étendue.

C- Intérêt.

Le sujet présente un double intérêt à la fois théorique et pratique.

D'un point de vue purement théorique, l'étude de la police administrative en matière de grève, est d'une importance certaine. En effet, l'importance du droit de grève est tant politique que juridique en ce qu'elle offre à tout citoyen de s'opposer, y compris physiquement, aux détenteurs du pouvoir par le biais des manifestations et des cortèges de protestation et de participer ainsi à la résolution de certains problèmes et aux choix politiques.76 Ce qui participe ainsi de la formation d'une véritable démocratie. Or comme le relève J. Guiquel, une véritable démocratie s'épanouit dans l'adversité tout en respectant la légalité77. C'est alors selon que l'État concède certaines latitudes aux forces sociales spontanées, que l'on saura opérer la distinction entre démocratie formelle et démocratie réelle78.

D'un point de vue pratique, traiter de la police de grève en droit administratif camerounais, comporte le mérite de rendre compte de l'état des lieux ou alors de la situation des droits et libertés au Cameroun. En effet, l'étude que nous aborderons permettra dans une certaine mesure de mieux renseigner sur les jeux et enjeux qui caractérisent l'exercice de ce que la doctrine a coutume de qualifier de « pouvoir de la rue ». En tout état de cause, cette étude permettra d'apprécier l'État de droit à partir de l'état du droit des libertés publiques79 au Cameroun. C'est donc par le truchement d'une méthode appropriée que nous mènerons cette étude.

II- METHODE DE L'ETUDE.

Le droit est animé par des méthodes spécifiques qui le particularisent au sein de l'ensemble des activités sociales.80 La méthode, étant entendue comme « l'ensemble des

76 ROUDIER (K), « La liberté de manifestation aujourd'hui en Italie. Quels problèmes, quelles perspectives ? » DUFFY-MEUNER (A), PERROUD (T) ; (dir.) la liberté de manifester et ses limites p.57.

77 GUIQUEL (J), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, éd. Montchrestien, 19e éd., 2003, p.563 cité par MEERPOËL (M)., « conflictualité interne et action publique de crise » dans champs de mars 200/1 (N° 20) pages 73-90.

78 Ibid.

79 RIVERO (J), « État de Droit et état du Droit » in : mélange à l'honneur de BRAIBANT GUY, cité par ATEBA EYONG (R) « L'évolution du fondement idéologique du droit administratif camerounais » ; op.cit. P.278.

80 BARRAUD (B), « la méthode juridique », in la recherche juridique (les branches de la recherche juridique), l'Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2016, p.2.

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opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à atteindre des vérités qu'elle poursuit, démontre, vérifie»81 ; S'avère donc être un élément incontournable dans la recherche scientifique. Vu de la sorte, traiter de la police de la grève en droit administratif camerounais, nécessite une démarche méthodologique rigoureuse ; d'autant plus que celle-ci « conditionne le travail scientifique(...), éclaire les hypothèses et détermine les conclusions.»82. C'est dans cet ordre d'idée que nous mènerons notre étude à partir de la méthode juridique, principalement (A) et des méthodes additives, accessoirement (B).

A- Méthode juridique.

Il sera question pour nous ici de procéder d'une part à une interprétation non seulement des textes juridiques, mais également des décisions de justice. En effet, l'on ne peut étudier le domaine des libertés publiques de manière générale au Cameroun sans véritablement et préalablement opérer un travail d'analyse du droit applicable. Cela à travers notamment l'explication de l'esprit et de la lettre des textes internationaux, constitutionnels et infra constitutionnels. C'est en cela que consiste la méthode exégétique83. D'autre part, nous aurons recours au commentaire, à l'interprétation des décisions de justice, étant donné que la jurisprudence constitue également une source formelle du droit. C'est ce qu'on appelle la casuistique ou plus prosaïquement l'étude des cas. Seulement, une approche uniquement analytique basée sur l'exégèse des textes juridiques et de la jurisprudence ne suffirait pas à prétendre de manière satisfaisante à une étude de la question de la police de la grève en droit camerounais. Pour reprendre le professeur J.D.N. Atemengue, « ce phénomène ne peut avoir d'explication purement juridique. »84 Au vu de cela, une démarche syncrétique85 s'impose pour davantage cerner la police de la grève telle qu'elle se présente dans l'ordre juridique camerounais.

B) méthodes additives.

L'une des critiques pouvant être formulée au sujet de la méthode juridique positiviste est relative à sa nature « trop descriptive et statique, non dynamique et souvent coupée de la réalité sociale ».86 C'est la raison pour laquelle il conviendra de rajouter à la méthode juridique

81 GRAWITZ (M), méthodes des sciences sociales, 11e éd., Dalloz, Paris, 2001, p.351.

82 KAMTO (M), Pouvoir et droit en Afrique noire, op.cit. P.47

83 Il s'agit de la méthode propre aux positivistes normativistes pour qui il n'est de droit en dehors du droit positif.

84 ATEMENNGUE (JDN) ; la police administrative au Cameroun, recherches sur le maintien de l'ordre public. Thèse pour le doctorat en droit, Lyon juillet 1995, p.35.

85 Idem.

86 KAMTO (M), Pouvoir et droit en Afrique noire, op.cit., P.52

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d'autres méthodes dites complémentaires. Les méthodes additives, faut-il le préciser, constituent ici un supplément qui de manière accessoire permettront de dépasser une lecture mécanique du droit87 afin de mieux enrichir notre raisonnement. Les méthodes additives utilisées dans le cadre de ce travail seraient d'une part la méthode historique et d'autre part la méthode comparative.

La méthode historique se justifie ici par le fait que les éléments du passé permettent d'avoir une meilleure connaissance de la réalité actuelle. En effet, la grève n'est pas un phénomène nouveau au Cameroun, ses origines remontent bien avant les indépendances88. C'est donc à relever que le champ d'observation est véritablement large. Mais dans un souci d'ordre méthodologique, nous limiterons nos recherches à partir de la période des années 199089 jusqu' à l'année 2019. Car en fin de compte ne dit-on pas « qui trop embrasse mal étreint. »90 En somme, le bienfondé de la méthode historique dans cette étude réside en ce qu'il nous permettra de « comprendre le Cameroun d'aujourd'hui à partir du Cameroun d'hier. »91

La méthode comparative quant à elle pourra également s'avérer d'une grande utilité. Bien que le cadre de la recherche se limite au niveau du territoire camerounais, cette méthode aura le mérite de mieux jauger, voire apprécier l'état des libertés publiques au Cameroun à l'aune des expériences étrangères.

C'est donc en suivant ces différentes démarches méthodologiques que nous pourrons démontrer notre hypothèse. En effet la police administrative de la grève au Cameroun remet véritablement en cause les libertés publiques. Cela se justifie au regard de la règlementation restrictive des libertés publiques (première partie) d'une part et de l'inflation des pouvoirs discrétionnaires des autorités de police administratives d'autre part. (deuxième partie).

87 Idem

88 Les premières manifestations contestataires dans les rues remontent en 1922. Elles étaient consécutives à la vague de protestations contre l'expulsion de LOTIN SAME de la « United native Church » lire à ce propos MANGA (J-M) et MBASSI (A.R), « de la fin des manifestations à la faim de manifester : revendications publiques, rémanence autoritaire et procès de la démocratie au Cameroun » in politique africaine 2017/2, (n°146), p.73 à 97.

89Période dite du renouveau constitutionnel en Afrique noire francophone. Cf. CHAPITRE I de la première partie.

90 KAMTO (M), Pouvoir et droit en Afrique noire ; op.cit., p.47.

91 NGONGO (L-P), histoire des institutions et des faits sociaux du Cameroun, Paris, Berger-Levrault, tome 1, 1987, p.1.

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PREMIERE PARTIE : LA REGLEMENTATION RESTRICTIVE DES LIBERTES

PUBLIQUES.

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De manière générale, il faut entendre par réglementation l'ensemble de lois, de prescriptions ou de règles juridiques régissant une activité sociale. Vu de la sorte La réglementation ainsi définie pourrait consister ici à édicter certaines conditions à l'exercice de certaines libertés publiques.92. C'est dans cet ordre de pensée que Georges Burdeau soulignera que la règlementation est une activité visant « à définir des cadres à l'intérieurs desquels l'homme utilise (ou exerce) sa liberté »93.

La réglementation de l'exercice des libertés publiques de manière générale au Cameroun, doit-on le rappeler est au coeur des débats, en cette période de tension sociale qui prévaut sur le territoire. En ce sens, l'idée la mieux partagée par les pouvoirs publics est que les libertés publiques et plus encore les manifestations publiques, notamment celles exercées dans le cadre de la grève représentent un « risque »94. Il est donc davantage question de les contenir que de les encadrer. Un tel postulat se justifie à l'image d'une réglementation restrictive, qui part d'une constitutionnalisation lacunaire des libertés publiques, (chapitre I) et se concrétise à travers les vicissitudes dans l'aménagement de l'exercice desdites libertés (chapitre II).

92KERKATLY (Y); Le juge administratif et les libertés publiques en droits libanais et français. Thèse pour obtenir le grade de docteur de l'université de Grenoble. 5 novembre 2013. P.239

93 BURDEAU (G); op.cit. p.32

94 LE BOT (O), « la liberté de manifester en France : un droit fondamental sur la sellette ? » in DUFFY-MEUNER (A), PERROUD (T) (dir.) la liberté de manifester et ses limites p.35

CHAPITRE I : LA CONSTITUTIONNALISATION LACUNAIRE DES LIBERTES PUBLIQUES.

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Le renouveau du constitutionnalisme amorcé dans les années 1990 en Afrique subsaharienne francophone a été à l'origine d'un retour en force dans la garantie des droits fondamentaux. C'est dans cette mouvance que sera adoptée le 18 janvier 1996 la loi n°96/06 portant révision de la constitution du 02 juin 1972 au Cameroun. Ainsi, assistera-t-on à travers la nouvelle constitution, à une dynamique en faveur du renforcement de la protection des libertés publiques95. Le nouveau constitutionnalisme se présentait alors au sens de Louis Favoreu, c'est-à-dire comme un impératif politique de fixer les règles « les plus importantes par écrit, de déterminer les obligations et les droits des gouvernants et des citoyens, donc de proclamer les droits de l'homme et du citoyen»96. Seulement, cette entreprise ne s'est pas faite sans quelques vicissitudes qui ont contribué à fragiliser l'expansion des libertés publiques et par la même occasion du constitutionnalisme africain. Les constitutions elles-mêmes, souligne le professeur Joseph Owona, se prêtant à leur dévalorisation constante.97 Si d'emblée le constituant camerounais consacre les libertés publiques d'une part, (section I) paradoxalement, il insère dans le même texte constitutionnel, des dispositions ou des clauses attentatoires aux mêmes libertés publiques d'autre part. (Section II).

SECTION I : LA PROCLAMATION CONSTITUTIONELLE DES LIBERTES

PUBLIQUES.

La proclamation constitutionnelle doit être entendue ici comme une reconnaissance publique et solennelle des libertés publiques par le constituant camerounais. Les techniques de garantie varient d'une constitution à l'autre dans les États africains. Si dans certains États à

95ABA'A OYONO (J-C) « les fondements constitutionnel du droit administratif (...) » op.cit. p.15

96 FAVOREU (L) et alii., Droit constitutionnel, 18ème éd., Dalloz, Coll. « Précis », Paris, 2016, p. 92.

97 OWONA (J) ; Droit constitutionnel et régimes politiques africains ; op.cit.226

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l'instar du Benin98 du Tchad99 ou du Gabon,100 le constituant a voulu consacrer tout un titre aux droits et libertés fondamentaux,101à l'opposé dans d'autres États tels que le Cameroun, l'on a plutôt opté pour la technique de la définition des droits et libertés fondamentaux dans le préambule. Pourtant, la problématique des déclarations des droits et libertés en revanche reste immuable dans tout le continent102. C'est suivant ce sillage que le Cameroun adoptera la consécration des libertés publiques par le truchement de la déclaration des libertés dans le préambule (paragraphe 1) et la confirmation de celles-ci par la constitutionnalisation du préambule (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : l'affirmation des libertés par le préambule.

Depuis l'accession du Cameroun à l'indépendance notamment avec la constitution du 04 mars 1960, il est une tradition constitutionnelle constante103 : celle de la référence aux grands textes internationaux dans le préambule. (A) Le constituant de 1996 n'a pas dérogé à la règle. Partant de cela, ce dernier va enrichir le texte constitutionnel en consacrant de nouvelles libertés publiques à l'instar du droit de grève qui fait l'objet de notre étude. (B)

A-La réception constitutionnelle des grands textes internationaux.

La définition voire la consécration de la garantie des droits fondamentaux dans les constitutions africaines s'est fortement inspirée des textes soit de droit international soit de droit étranger104. Le Cameroun ne sera pas en reste dans ce sillage. C'est donc fort de cela que le constituant camerounais de 1996 n'hésitera pas à proclamer son adhésion non seulement aux textes à caractère universels (1) mais également aux textes à portée régionale. (2)

98 Loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant constitution de la république du Benin, qui consacre dans le titre II du texte constitutionnel, l'énoncé « des droits et devoirs de la personne humaine ».

99 Constitution tchadienne du 04 mai 2018 dont le titre II est intitulé « des libertés, des droits fondamentaux et des devoirs. »

100 Loi n°3/91 du 26 mars 1991 (modifiée) portant constitution de la république gabonaise consacre dans un titre préliminaire « des principes et droits fondamentaux»

101 KEUDJEU DE KEUDJE (J. R), « l'effectivité de la protection des droits fondamentaux en Afrique subsaharienne francophone »op.cit. 106.

102 OWONA (J), Droit constitutionnel et régimes politiques africains, op.cit. p.225

103 Idem.

104 Exemple des constitutions gabonaise et sénégalaise qui reprennent le constituant français notamment celui de 1958.

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1- L'adhésion aux conventions à caractère universel : la charte des nations unies et la déclaration des droits de l'homme.

L'internationalisation de la protection des droits de l'homme constitue l'un des plus grands enjeux du droit international contemporain.105 C'est ainsi que selon le professeur Joseph Owona, il est une référence rituelle aux grands textes internationaux dans les constitutions africaines106 ; de manière à porter le droit public des nations à un niveau de règles fondamentales communes. C'est donc dans cet esprit que la constitution camerounaise du 18 janvier 1996 dispose dans son préambule « le peuple camerounais (...) affirme son attachement aux libertés fondamentales inscrites dans la déclaration universelle des droits de l'homme et la charte des nations unies. » comme pour souligner l'adhésion de l'État du Cameroun aux grandes conventions internationales relatives aux droits et libertés fondamentaux reconnues dans un État de droit.

En effet, la charte des nations unies constitue au sens du juge Keba Mbaye « l'instrument essentiel qui a posé les fondements du droit international dans le domaine des droits de l'homme »107.Au moment de sa rédaction, les États étaient fortement marqués encore par les souvenirs d'une longue période de guerre et de ses lourdes conséquences108. C'est ainsi que les différents acteurs de la scène internationale se sont engagés dans la consécration de la protection des droits de l'homme et se sont résolus d'oeuvrer afin d'atteindre cet objectif109.

C'est ce qui a justifié l'importance de la déclaration universelle des droits de l'homme notamment celle du 10 décembre 1948 qui comme son nom l'indique était à la base une simple déclaration solennelle de principes destinée à être complétée par d'autres textes110. Au fil du temps, elle a acquis une force morale incontestable et est quittée d'un simple acte formellement déclaratoire, à un acte obligatoire qui s'impose aux États à la fois au plan national qu'au niveau international.

105 Lire pour d'amples développements, DONFACK SOKENG (J), «le Cameroun et les conventions internationales.»

106 OWONA (J), Droit constitutionnel et régimes politiques africains op.cit.p.225

107 MBAYE (K), les droits de l'homme en AFRIQUE, Paris éd. A. Pedone, 1992, P.78

108 SUDRE (F), « la dimension internationale et européenne des libertés et droits fondamentaux », p.29, in CABRILLAC (R) et alii. (dir.) libertés et droits fondamentaux, 9e éd., Paris, Dalloz, 2003.

109 Idem.

110 Ce texte n'est à la base qu'une simple proclamation de droits sans véritable portée ni valeur juridique. Cela dit, comme le relève M. PENKOV celle-ci n'est ni un traité ni une convention. En conséquence, elle ne saurait être considérée comme « une source d'obligation juridique à l'image des accords internationaux » tout au moins poursuit-il, en tant que acte international, elle revêt « une portée aussi bien morale, idéologique, politique que juridique. » lire PENKOV SAVA, « nature juridique et portée de la déclaration universelle des droits de l'homme », publié en ligne par Cambridge University Press : 19 Avril 2010.

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C'est donc ainsi que le constituant de 1996 a consacré en faisant référence aux grands textes internationaux un large éventail de droits et libertés au Cameroun. Par ailleurs, la réforme constitutionnelle de 1996 comme sa devancière de 1972 marque également au plan régional un fort attachement à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples.

2- L'adhésion constitutionnelle à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples.

Encore appelée charte de Banjul,111 la charte africaine des droits de l'homme et des peuples a été adoptée en 1981 à Nairobi par la conférence des chefs d'États de l'ancienne organisation de l'unité africaine (O.U.A) qui aujourd'hui est devenue l'U.A, c'est-à-dire l'union africaine. Elle entrera effectivement en vigueur le 28 octobre 1986 c'est-à-dire 5 années après son adoption112.

En effet, la charte a été adoptée plus de vingt-ans après les indépendances de la plus part des pays africains dans un moment où le continent était le théâtre de graves violations des droits de l'homme. Seulement, écrira le professeur Alioune Badara Fall, peu de places furent consacrées aux droits de l'homme dans ladite charte.113 L'idée était celle de privilégier les États en « insistant sur la lutte contre le colonialisme et la politique à mener pour la libération des peuples africains »114 en d'autres termes il s'agissait davantage d'affermir la souveraineté nationale et de renforcer le principe de non-ingérence auxquels les gouvernants semblaient alors attachés. Toutefois convient-il de dire de manière générale que quelques dispositions dans la charte sont consacrées aux droits et libertés fondamentaux.

D'emblée, une lecture combinée des articles 2 et 6 de la charte des droits de l'homme et des peuples révèle que toute personne sans distinction aucune, dispose de droits et libertés consacrées dont l'exercice voire la jouissance ne doivent pas être remis en cause. La garantie des libertés publiques quant à elles de manière générale et des manifestations publiques plus spécifiquement, est perceptible au regard tout d'abord de l'article 8 de la charte qui dispose : « la liberté de conscience (...) la pratique libre de la religion sont garanties, (...) nul ne peut être l'objet de mesures de contraintes visant à restreindre la manifestation de ces libertés ».Également,

111 FALL (A.B), « La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme» dans Pouvoirs2009/2 (n° 129), pp. 77-100

112Idem.

113 Période postcoloniale fortement marquée par des régimes autoritaires impulsés par l'idéologie de construction nationale cf. infra.

114 FALL (A.B), « La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme» op.cit. pp. 77-100.

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l'on peut lire par la suite dans l'article 11 du même texte : « toute personne peut se réunir librement avec d'autres(...) ».

Voilà de manière schématique présentées les libertés publiques et plus précisément la liberté de manifester dans la charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Ainsi formulée cette charte parait au sens de François Gonidec comme « un espoir pour l'homme et le peuple africain. »115. Cet espoir voué à la charte semble remis en cause du fait de l'indétermination du contenu même à donner au concept de « peuple » qui n'est pas véritablement définit dans la charte. L'ambiguïté de la notion de peuple qui tantôt renvoie à l'idée de « peuple État »116, tantôt à celle de peuple dominé entre autre117 ; justifie l'inquiétude du professeur Paul Gérard Pougoué quant à la portée d'un tel concept dans l'affirmation des droits de l'homme en Afrique.118 En tout état de cause la charte africaine des droits de l'homme et des peuples est un texte novateur au plan régional dans la protection des droits et libertés fondamentaux de l'homme et du peuple africain.119 C'est ainsi qu'elle sera réceptionnée dans les constitutions des États africains parmi lesquels le Cameroun, qui dans son préambule proclame son attachement à ladite charte africaine des droits de l'homme et des peuples. C'est partant de ces textes internationaux que l'on évoluera dans l'ordre juridique camerounais vers une consécration explicite du droit de grève.

B- L'évolution vers la consécration explicite du droit de grève.

La consécration du droit de grève au Cameroun n'est que très récente. Elle interviendra après une longue période d'inexistence du moins au plan textuel. Ainsi évoluera-t-on de la période relative à l'inexistence d'un droit de grève consacré (1) pour converger vers la récente consécration de ce droit au Cameroun. (2)

1- L'inexistence antérieure d'un droit de grève consacré.

Au lendemain de l'indépendance, la protection des libertés des citoyens ne semble pas être une priorité face aux exigences de maintien de l'ordre. En effet, au plan interne, les premiers

115 GONIDEC (F) cité par FALL (A.B), « La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme» ; op.cit. P.09

116 Idem. p

117 Idem.

118 POUGOUE (G) cité par FALL (A.B), « La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme» op.cit. pp.77-100.

119 FALL (A.B),) « La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme» ; op.cit. pp. 77-100.

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dirigeants africains étaient confrontés au lendemain des indépendances à des risques relatifs à leur viabilité, mais aussi à leur stabilité et donc à leur durabilité.120 Il se posait la nécessité d'affermir l'autorité de l'État,121 l'unité, l'intégration nationale, ainsi que le développement économique122. Dans ce vaste chantier relatif à la construction de l'unité nationale, qui à cette époque ne constituait pas encore une réalité acquise mais un idéal recherché auquel les États africains aspiraient, le « chef de l'État » se présentait alors comme un artisan du destin collectif 123 ; c'est-à-dire à la fois « comme le maitre d'oeuvre et le catalyseur de l'action d'unification et du développement de la nation »124

C'est fort de cela que l'administration camerounaise nouvellement établie décidera de s'inscrire dans une logique de construction de l'unité nationale. Un tel contexte était alors difficilement favorable à l'expansion des libertés publiques. En effet, l'unité nationale s'est traduite au plan institutionnel par la mise en oeuvre d'une administration autoritaire, d'une puissance publique renforcée aux privilèges exorbitants. Ainsi, comme le relevait le doyen Ondoa, sous le règne de l'idéologie de construction nationale, « les structures d'autorité se renforcent, le pouvoir règlementaire de l'autorité centrale s'hypertrophie, les structures de dialogue disparaissent, les normes de liberté s'effritent, le principe d'égalité n'a de valeur qu'incantatoire, le contentieux s'épuise, la référence à la liberté devient formelle. »125 Force est donc de constater dans cette perspective que les libertés étaient alors perçues comme un luxe dont les États ne pouvaient se permettre.

L'exercice des libertés de nature contestataires, revendicatives à l'instar des manifestations publiques ou plus exactement des grèves, n'était alors à cette époque ni consacré par le constituant ni règlementé par le législateur. D'ailleurs celles-ci étaient considérées comme des éléments potentiellement subversifs, et lorsque le droit s'en saisissait, ce n'était pas pour les encadrer ; c'était surtout pour leur appliquer un régime sanctionnateur. Cela dit, les mouvements de grève évoluaient alors non pas en dehors du droit, mais sous un système hautement répressif.

120 Lire BEYEGUE BOULOUMEGUE (E.G) « la persistance de l'idéologie de construction de l'unité nationale en matière de police administrative. » in ONDOA (M) et ABANE ENGOLO (P) ; Les fondements du droit administratif camerounais. Yaoundé, l'Harmattan CERCAF, p.298

121 GUESSELE ISSEME (L) l'apport de la cour suprême au droit administratif camerounais ; op.cit. p.499.

122 KAMTO (M), Pouvoir et droit en Afrique noire ; op.cit. pp.325-326.

123 KONTCHOU KOUOMEGNI (A) « le droit public camerounais, instrument de construction de l'unité nationale », RJPIC, n°4, oct.-déc., 1979, p.416

124 KAMTO (M), Pouvoir et droit en Afrique noire ; op.cit. p.330.

125 ONDOA (M), le droit de la responsabilité publique dans les États en développement. Cité par BEYEGUE BOULOUMEGUE (E.G) ; op.cit. p.302.

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En tout état de cause, les mouvements contestataires ont pendant plusieurs décennies animé la crainte des pouvoirs publics qui voyaient alors en eux un facteur de trouble susceptible de compromettre la construction de l'unité nationale. À cet effet, aucun texte ne traitait expressément des questions relatives aux notions de grève ou de manifestation publique. Et lorsque c'était le cas, l'objectif visé était de réprimer de sanctionner voire d'éradiquer. Cette frilosité des pouvoirs publics aura plutôt favorisé pendant longtemps l'éclosion d'une légalité d'exception et la permanence de l'état de crise.126 Une évolution notable sera perceptible à partir des réformes consécutives à la loi constitutionnelle de 1996.

2- La consécration récente du droit de grève au Cameroun.

Les années 1990 marquent en Afrique en général et au Cameroun en particulier, un tournant décisif dans la protection des libertés publiques. Cette période de l'histoire du constitutionnalisme africain correspond au passage d'un « ordre juridique globalement liberticide à un ordre juridique résolu à se montrer protecteur des libertés. »127 C'est ainsi que l'on assistera à ce que le professeur Brusil Metou qualifie de révolution juridique128, avec l'adoption le 19 décembre 1990 d'un ensemble de textes législatifs régissant les libertés publiques. S'en est suivi dans cette mouvance de démocratisation au Cameroun, la réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 qui permettra une avancée notable en matière de libertés publiques.

En effet cette nouvelle réforme constitutionnelle introduira dans l'ordre juridique camerounais selon le professeur Aba'a Oyono une « gamme variée des droits et libertés du citoyen (...) très enrichie par rapport à la dynamique constitutionnelle antérieure »129. Si dans les constitutions antérieures, le droit de grève ne faisait l'objet d'aucune consécration textuelle, le constituant du 18 janvier 1996 s'est illustré remarquablement en introduisant dans son préambule un droit de grève désormais garanti dans les conditions prévues par la loi. Même si le constituant ne définit pas ce qu'il faut entendre par droit de grève, il démontre clairement l'adhésion du Cameroun aux principes de l'État de droit.

En clair, la constitution du 18 janvier 1996 marque faut-il le rappeler, un tournant majeur dans la protection des libertés publiques au Cameroun. Si le droit de s'opposer, de contester voire de revendiquer figure désormais parmi les droits fondamentaux reconnus et consacrés dans le

126 GUESSELE ISSEME (L) l'apport de la cour suprême au droit administratif camerounais ; op.cit. p.499.

127 METOU (B-M) ; « vingt ans de contentieux des libertés publiques au Cameroun »; op.cit., p.268

128 Idem

129 ABA'A OYONO (J-C), « les fondements constitutionnels du droit administratif : de sa vertueuse origine française à sa graduelle transposition dans les Etats stables et instables de l'Afrique francophone »; op.cit., p.15.

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préambule constitutionnel, Reste-t-il à se demander en reprenant les propos du professeur Joseph Owona, si les constitutions, et partant celle du Cameroun de 1996, « se prétendant loi suprêmes de leurs États respectifs, (...) peuvent se prévaloir d'être des chartes libertés publiques dont l'intangibilité est garantie par des techniques appropriées130». Une garantie effective du droit de grève nouvellement consacré passera alors nécessairement par la technique de constitutionnalisation du préambule.

Paragraphe 2 : la confirmation des libertés par la constitutionnalisation du préambule.

La constitutionnalisation du préambule a vocation à confirmer ses dispositions en leur conférant une valeur juridique. Cette opération ne s'est pas faite au Cameroun de manière linéaire ; en effet l'on partit d'une controverse originelle sur la valeur juridique du préambule (A) avant d'aboutir finalement à la constitutionnalisation de celui-ci (B)

A-controverse originelle sur la valeur juridique du préambule.

Deux thèses s'opposaient sur la question de la juridicité du préambule constitutionnel. D'une part celle qui défendait l'idée d'une juridicité du préambule, (1) et d'autre part celle qui était plutôt sceptique à cette idée. (2)

1-Thèse de de la juridicité contestable du préambule.

Une partie de la doctrine publiciste camerounaise a au cours d'une certaine période défendu la thèse de l'incertitude du préambule de la constitution, alors que le constituant notamment celui du 2 juin 1972 n'en précisait la valeur dans aucune de ses dispositions. En effet, c'est dans un tel contexte marqué par l'incertitude quant à la valeur juridique du préambule constitutionnel que certains éminents auteurs camerounais à l'instar des professeurs Maurice Kamto, Gérard Pougoué ou Alain Didier Olinga estimeront que la valeur du préambule n'est pas « juridiquement avérée » et de ce fait, qu'elle serait « légitimement contestable »131.

Toutefois il n'était pas question pour cette partie de la doctrine camerounaise de prétendre à la négation pure et simple de toute valeur juridique au préambule constitutionnel, car selon ceux-ci sa valeur ne saurait être nulle du point de vue juridique. C'est ainsi que pour essayer d'affecter une valeur juridique au préambule constitutionnel, le professeur Maurice

130 OWONA (J) ; Droit constitutionnel et régimes politiques africains ; op. cit. p.223

131 ZBIEGNIEW DIME LI NLEP (P) ; la garantie des droits fondamentaux au Cameroun ; DEA en droit international des droits de l'homme, université d'Abomey-Calavi, Bénin, 2004. http// mémoireonline.com.

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Kamto affirmera à travers un raisonnement aléthique132qu' « on peut poser le principe que les préambules ont une valeur constitutionnelle mais seulement de lege feranda ou par simple déduction logique. »133 Cela dit, la valeur juridique du préambule, selon l'auteur repose sur une simple déduction logique et non sur une assise juridique contraignante.

Or l'on imaginerait difficilement un système efficace de protection des droits et libertés fondamentaux lorsque les dispositions inscrites dans le préambule ne sont guère investies d'une quelconque force contraignante. C'est partant de cette observation qu'une autre partie de la doctrine camerounaise prenant à contre-pied la première proposera la thèse de la juridicité du préambule constitutionnel de 1972.

2-Thèse de la juridicité affirmée du préambule.

La thèse en faveur de la juridicité du préambule constitutionnel, soutenue par des illustres juristes à l'instar du professeur E. Boehler, ou du magistrat F.X. Mbouyom; visera à reconnaitre au préambule constitutionnel une force juridique contraignante, dont les dispositions seraient opposables aux autorités publiques. En effet, ces auteurs de la doctrine camerounaise, verront à l'analyse d'un certain nombre de décisions rendues respectivement par la cour suprême du Cameroun oriental et plus tard par la cours fédérale de justice une reconnaissance juridictionnelle de la juridicité du préambule.

Il s'agira tout d'abord du magistrat François Xavier Mbouyom qui, à la faveur des arrêts n°41 du 14 janvier 1964 sur la reconnaissance de l'enfant et n°67 du 11 juin 1963 rendus par la cour suprême du Cameroun oriental, aboutira à la conclusion selon laquelle « les dispositions du préambule sont (...) considérées comme des règles de droit positif »134.

Par la suite, le professeur E. Boehler fera respectivement à partir des arrêts Eitel Mouelle Koula135 et Daniel Nana Tchana136 contre république fédérale du Cameroun ; certaines observations en faveur de la reconnaissance d'une valeur juridique au préambule. Dans les deux espèces présentées devant le juge de la cours fédérale, les requérants soulevaient la question de la violation par l'État de la liberté d'association et de la liberté religieuse. Libertés

132 Lire. OWONA NGUINI (M. E), « droit de l'État et l'état de droit au Cameroun. », polis/RCSP/CPSR, Vol. n° 2, 1998

133 ZBIEGNIEW DIME LI NLEP (P) ; la garantie des droits fondamentaux au Cameroun ; op.cit.

134 MBOUYOM (F-X), « les mécanismes juridiques de protection des droits de la personne au Cameroun », R.J.P.I.C. tome 36, n°1, février 1982, p.60.

135 CFJ/CAY, jugement n°178 du 29 mars 1972, EITEL MOUELLE KOULA c/ État du Cameroun,

136 CFJ-CAY, arrêt n° 194 du 25 mai 1972 NANA TCHANA DANIEL ROGER c/ république fédérale du Cameroun.

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Consacrées alors par la déclaration universelle des droits de l'homme et l'article 1er de la constitution de 1961 qui seront introduits plus tard dans le préambule de 1972.137 Le professeur BOEHLER estimera que le juge dans ces deux espèces a affirmé que les droits et libertés inscrits dans les textes internationaux auxquels la république du Cameroun proclame son attachement ont force de droit positif 138

Voilà en substance comment sera défendue la thèse doctrinale relative à la juridicité du préambule. Cette controverse faut-il le préciser, naquit du fait de l'imprécision du constituant d'alors qui n'intégrait pas explicitement le préambule dans le texte constitutionnel. Il disposait tout au plus : « l'État garantie (...) les droits et libertés énumérés au préambule de la constitution »139. Or le constituant Tchadien de 1962 précisait déjà clairement dans son dispositif que le préambule fait « partie intégrante de la constitution.»140 il se posait inexorablement la question de la juridicité et partant de la justiciabilité des droits et libertés contenus dans le préambule. Dans ce sens, La concrétisation du préambule apparaissait comme la condition d'effectivité des droits et libertés fondamentaux.

B-Évolution vers la concrétisation de la constitutionnalité du préambule.

La concrétisation de la constitutionnalité du préambule au Cameroun est le fruit d'un long processus. L'on est parti de la controverse jurisprudentielle sur la constitutionnalité du préambule. (1) pour aboutir à la validation textuelle de la constitutionnalité du préambule. (2)

1-la controverse jurisprudentielle sur la constitutionnalité du préambule.

Certes si la question relative à la juridicité du préambule semble ne plus se posser ici, il reste encore de sérieux doutes qui demeurent quant au fait de savoir si les dispositions contenues dans le préambule doivent être considérées comme des règles de valeur constitutionnelle ou plutôt si elles doivent être relégués au rang de norme à valeur législative. La question posée a véritablement fait l'objet d'une controverse jurisprudentielle.

D'emblée, l'on peut considérer la position de la cour fédérale de justice qui se refuse à reconnaitre au préambule une valeur constitutionnelle. Cela dit, comme le fait remarquer le professeur Guessele Isseme L., « la cour de justice marque son désengagement dans le contrôle

137 ZBIEGNIEW DIME LI NLEP (P) ; la garantie des droits fondamentaux au Cameroun ; op.cit.

138 BOEHLER (E) cité par OLINGA (A.D), « l'aménagement des droits et libertés dans la constitution camerounaise révisée », Revue universelle des droits de l'homme, 1996, vol 8, 4-7 , p.118

139 OWONA (J) Droit constitutionnel et régimes politiques africains op.cit. p.225

140 Idem.

(...) »143

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de la violation du préambule en refusant d'y voir une règle constitutionnelle ».141 L'affaire Société des grands travaux de l'Est c/ État du Cameroun142 constitue une illustration majeure de cette posture de la cour fédérale de justice. En effet, le juge dans l'espèce va nier la constitutionnalité du préambule en prétendant que « les principes contenus dans le préambule de la constitution, (...) ont valeur de principes généraux de droit, c'est-à-dire non pas supérieure mais égale à celle de la loi ordinaire

C'est incontestablement avec la cour suprême que l'on assistera à une reconsidération de la valeur du préambule de la constitution.

En effet, la reconnaissance jurisprudentielle de la valeur constitutionnelle du préambule pourrait être retenue à l'analyse notamment de l'affaire dame Ndongo, née Mbonzi Ngombo c/ État du Cameroun rendu en 1994.144 Dans l'affaire en question, dame Mbonzi Ngombo est de nationalité zaïroise et est autorisée par l'ambassade de son pays à concourir à l'examen d'entrée à l'ENAM, avec le titre d'étrangère. Avant sa sortie, elle épouse sieur Ndongo et acquiert ainsi la nationalité camerounaise par les liens du mariage. Mais alors que tous les camerounais au sortir de la formation à l'ENAM sont intégrés dans la fonction publique camerounaise, la désormais dame Ndongo est recalée au motif qu'en accédant à l'ENAM, elle était de nationalité zaïroise. Relativement à cette décision de refus de la part de l'autorité administrative, dame Ndongo va donc saisir le juge administratif en annulation de ladite décision.

Le juge saisit à l'occasion va estimer qu'il y'a dans cette affaire, violation de la constitution, notamment du principe d'égalité alors formulé dans le préambule de la constitution du 02 juin 1972. C'est ainsi que sera formulé par le juge administratif le principe d'égalité d'accès aux emplois publics.145

En tout état de cause, le raisonnement mis en avant par le juge administratif témoigne clairement d'une reconnaissance jurisprudentielle du préambule de la constitution. En effet, le juge n'y opère pas une distinction entre le préambule et la constitution en elle-même. Bien au contraire ce dernier assimile le préambule à la constitution. C'est dans cette logique que le

141 GUESSELE ISSEME (L) l'apport de la cour suprême au droit administratif camerounais ; op.cit. p.7

142 CFJ/CAY, arrêt n° 68 du 30 septembre 1969, Sté des Grands Travaux de l'Est c/ État du Cameroun oriental.

143 Lire les considérants du juge dans l'affaire Grands Travaux de l'Est c/ État du Cameroun oriental ; op.cit.

144 CS/CA, jugement n°07/94-95 du 27 octobre 1994, dame Ndongo née Mbonzi Ngombo c/ État du Cameroun (P.R)

145 GUESSELE ISSEME (L) ; les apports de la cour suprême au droit administratif camerounais ; op.cit. p.78.

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constituant de janvier 1996 viendra entériner la position de la cour suprême par le truchement de la validation textuelle de la constitutionnalité du préambule.

2- la validation textuelle de la constitutionnalité du préambule.

C'est finalement à la faveur de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 2 juin 1972, que l'on assistera au Cameroun à la validation expresse du préambule par le texte constitutionnel. Faisant référence à la protection des droits fondamentaux à travers le préambule dans les constitutions africaines, M. John R. Keudjeu De Keudjeu écrira dans ce sens qu' « introduite par un préambule qui précède le dispositif, les constitutions (des) États en ont fait de par la valeur constitutionnelle qui lui est reconnue, plus qu'un simple réceptacle de principes philosophiques et idéologiques, le support d'un ensemble de droits fondamentaux et de principes généraux des droits.146 »

En effet le texte constitutionnel en son article 65 dispose : « le préambule fait partie intégrante de la constitution.» Cette disposition constitutionnelle implique naturellement que tous les droits et libertés contenus dans le préambule acquièrent de facto valeur constitutionnelle. Cela dit, il est désormais reconnu incontestablement un caractère de règle constitutionnelle solennelle et intangible aux droits énumérés dans le préambule et aux déclarations dont il fait référence.147 Le professeur Alain D. Olinga soulignera à cet effet que « les dispositions du préambule sont purement et simplement des normes constitutionnelles, et toute méconnaissance de ces normes constitue une violation de la loi fondamentale susceptible de donner lieu à un contentieux »148

Les libertés publiques qui jusque-là étaient encore de manière générale soumises à une constante remise en cause, du moins du point de vue de leur juridicité, trouvaient désormais une assise juridique concrète dans le préambule constitutionnalisé. La constitutionnalisation, relèvera justement le professeur A. DIARRA à cet effet est une garantie fondamentale des droits et libertés car ils deviennent des normes juridiques149, et de surcroit des normes constitutionnelles.

146 KEUDJEU DE KEUDJEU (J. R), « l'effectivité de la protection des droits fondamentaux en Afrique subsaharienne francophone » revue CAMES/SJP n°001/2017, P.105

147 OWONA (J) Droit constitutionnel et régimes politiques africains op.cit p.225.

148 OLINGA (AD) ; cité par ZBIGNIEW DIME LI NLEP (P), la garantie des droits fondamentaux au Cameroun, DEA en droit international des droits de l'homme 2004, Université Abomey-Calavi, Bénin consulter le site mémoire online.com.

149 DIARRA (A), « La protection constitutionnelle des droits et libertés en Afrique noire francophone, cas du Benin et du Mali. », op.cit P.12

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En définitive, le constituant camerounais de 1996 a le mérite d'avoir franchi un nouveau palier dans la garantie des libertés publiques à travers d'une part la définition d'un large éventail de droits parmi lesquels le droit de grève nouvellement consacré occupe une place incontournable. Également, d'autre part à travers la déclaration expresse de la valeur constitutionnelle du préambule. Vu sous cet angle, conviendra-t-on avec le professeur Aba'a Oyono que la constitution dessine le visage d'un État camerounais légitimé150 respectueux des valeurs démocratiques. Seulement, un certain nombre de paradoxes dans l'écriture de la norme constitutionnelle entravent l'enracinement du constitutionnalisme camerounais151. L'on assiste alors à une dévalorisation constante de la constitution qui prévoit l'exercice des libertés publiques dans sa lettre tout en y insérant elle-même des restrictions voire des atteintes auxdites libertés.152

SECTION II: LA CONSECRATION CONSTITUTIONNELLE DES ATTEINTES AUX LIBERTES PUBLIQUES.

Les expressions « intérêt supérieur de l'État » et « sous réserve des prescriptions légales relatives à l'ordre, à la sécurité et à la tranquillité publics constituent au sens du professeur Aba'a Oyono J.-C. : « de véritables butoirs liberticides voulus par le constituant. »153 En effet, La liberté, l'ordre voire l'intérêt de l'État sont très souvent considérés comme des notions antinomiques154. De par sa fonction, l'ordre contient en lui-même les germes d'adversité155 vis-à-vis des libertés, en raison de son caractère permissif156. De la même manière, l'intérêt de l'État rime difficilement sinon très rarement avec les libertés publiques. Ainsi, on assiste au Cameroun et par le fait du constituant à la limitation des libertés à la fois par les notions d'ordre public (P1) et d'intérêt supérieur de l'État. (P2)

150 ABA'A OYONO (J.-C), « les fondements constitutionnels du droit administratif : de sa vertueuse origine française à sa graduelle transposition vicieuse dans des États stables et instables de l'Afrique » op.cit. p.16

151 BIKORO (J. M), les paradoxes constitutionnels en droit positif camerounais op.cit., du résumé du mémoire, p.iv

152 OWONA (J) Droit constitutionnel et régimes politiques africains, op.cit., p.226.

153 ABA'A OYONO (J.-C) « les fondements constitutionnels du droit administratif (...) », op.cit., p.16.

154 SORO PAMATHIN (S-G), L'exigence de conciliation de la liberté d'opinion avec l'ordre public sécuritaire en Afrique subsaharienne francophone (Bénin-Côte d'Ivoire-Sénégal) à la lumière des grandes démocraties contemporaines ; op.cit. p.19.

155 Idem.

156 Idem.

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Paragraphe 1 : la limitation des libertés par l'ordre public

Du fait de l'ordre public, écrira M. Jean Louis Messing, les libertés publiques connaissent soit des restrictions, soit un amoindrissement, soit des assouplissements. »157 Cela est dû notamment à l'imprécision de la notion d'ordre public, (A) et se concrétise davantage au vu de l'interprétation extensive dont l'ordre public fait l'objet. (B)

A- L'imprécision de la notion d'ordre public.

La définition de l'ordre public constitue une tâche épineuse158. La majeure partie de la doctrine s'accorde sur le caractère complexe159 voire insaisissable de la notion d'ordre public. En effet, cette notion ici étudiée ne fait l'objet d'aucune définition légale, c'est à dire d'aucun énoncé positif tant au niveau constitutionnel qu'infra constitutionnel. C'est dans cette même logique que le constituant camerounais Du 18 janvier 1996 fait référence à la notion d'ordre public sans toutefois en préciser le contenu. Un tel postulat rend davantage difficultueuse l'appréhension notionnelle de l'ordre public. D'autant plus en raison de sa nature protéiforme et même circonstancielle. Cependant, une définition de l'ordre public passe forcément par la considération de ses éléments matériels, (1) à laquelle il est désormais impératif de rajouter la prise en compte d'une évolution vers la moralisation de la notion. (2)

1- L'acception matérielle de l'ordre public.

D'un point de vue matériel, la définition de l'ordre public correspond à l'absence de trouble au sein de la collectivité160. Dans l'autre sens, il s'agit positivement selon P. Bernard de l'établissement « dans la collectivité des conditions qui assurent le plein épanouissement de l'individu »161. Concrètement, la définition de l'ordre public au sens matériel fait nécessairement apparaitre à titre principal des éléments tels que la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques. Ces éléments constituent la trilogie traditionnelle162 à partir de laquelle l'on définit généralement la notion d'ordre public.

157 MESSING (J.L), la problématique de du maintien de l'ordre dans les États d'Afrique noire francophone : le cas du Cameroun (1960-1992), thèse de doctorat de 3e cycle en droit public, 1994, p.256.

158 GERVIER (P), la limitation des droits fondamentaux constitutionn,,,,els par l'ordre public, op.cit. p.19

159 BERNARD (P), La notion d'ordre public en droit administratif, L.G.D.J., Paris, 1962, p. 219 ; PLANTEY (A), « Définition et principes de l'ordre public », in POLIN (R) ( ss. la dir. de), L'ordre public, Actes du colloque des 22-23 mars 1995 à Paris, P.U.F., Coll. « Politique d'aujourd'hui », Paris, 1996, spéc. p. 27

160 BERNARD (P), la notion d'ordre public en droit administratif, cité par GERVIER (P), o

161 Ibid. p.22.

162 CHAPUS (R) Droit administratif général, tome 1, Montchrestien p. 1313 cité par BIKORO (J M), op.cit. p.91.

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La sécurité publique, considérée comme la composante la plus naturelle de l'ordre public,163 renvoie essentiellement à la prévention des risques, dommages, susceptibles d'être portés à l'endroit des personnes et des biens. Il est donc question pour l'administration à travers cette finalité d'ordre sécuritaire, de veiller à la protection de la sureté des personnes et des biens.

La tranquillité publique quant à elle vise essentiellement à garantir une situation de calme au sein de la collectivité. Il est question pour les autorités de prendre les mesures nécessaires en vue de prévenir les troubles, les nuisances qui peuvent résulter de l'exercice d'une liberté.

La salubrité publique enfin intervient tant dans la prévention des risques classiques d'hygiène, que dans la protection des citoyens contre les dangers liés aux contaminations et épidémies de diverses natures.

En raison du contenu évolutif qui caractérise la notion d'ordre public, sa définition va connaitre une évolution notable à partir du XXème siècle164 du fait de la jurisprudence. À tel point que les éléments de la trilogie traditionnelle ne satisfont plus à eux seuls, à rendre compte de manière intégrale de la définition de ladite notion. L'on assistera alors à une évolution vers la moralisation de la notion d'ordre public.

2- L'évolution vers la moralisation de l'ordre public.

Au-delà de la trilogie ou du triptyque traditionnel à partir desquels l'on définit généralement l'ordre public dans son acception matérielle, à savoir la sécurité : la tranquillité et la salubrité publique, la notion d'ordre public connaitra une évolution au début du XXème siècle. En effet la jurisprudence française va alors élargir voire étendre le champ notionnel de l'ordre public à des éléments nouveaux et relativement originaux, voire novateurs. L'on assiste ainsi à ce que la doctrine qualifie de moralisation de la notion d'ordre public.

En effet, sont apparus à partir d'une certaine période de l'ère moderne, des activités qui, n'entrant pas forcément dans la logique relative à la trilogie ou alors aux critères traditionnels, mais qui de par leur nature étaient susceptibles de mettre en cause l'ordre public. C'est fort de cela que la jurisprudence notamment par le truchement du conseil d'État français va devoir

163 ROUSSEAU (N), « historique de l'ordre public », LEGAVOX.fr, fiche pratique publiée le 13/01/2015.

164 Idem.

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progressivement recourir à des éléments tels que la moralité publique165, le respect de la dignité humaine166 et plus récemment la protection des individus contre eux même167.

En tout état de cause, la nature à la fois insaisissable et variable de la notion d'ordre public amènera certains auteurs à l'instar de G. LEBRETON à relever que l'ordre public en fin de compte renvoie à «l'ensemble des règles que les autorités estiment indispensables pour sauvegarder la stabilité et les valeurs de la société »168. C'est donc suivant cet ordre de pensée que les autorités en matière de police administrative au Cameroun, n'hésiteront pas à recourir, à tort et à travers, parfois maladroitement à des interprétations extensives de l'ordre public, très souvent au détriment de certaines libertés. S. Roland écrira dans ce sens que « le contenu de l'ordre public est déterminé par les autorités étatiques ».169 C'est donc à dire en définitive que l'ordre public est en réalité l'ordre de l'État.170 C'est fort de cela que l'on constate dans l'ordre juridique camerounais, une tendance à l'interprétation extensive de l'ordre public.

B- L'interprétation extensive de l'ordre public.

L'interprétation extensive de l'ordre public au Cameroun se traduit au regard du renforcement de l'ordre public sécuritaire, (1) dans un contexte relatif à la politisation de l'ordre public. (2)

1- Le renforcement de l'ordre public sécuritaire.

Le renforcement de l'ordre public sécuritaire s'observe comme la volonté affichée des pouvoirs politiques d'instaurer un climat peu propice à l'expression des libertés publiques et des oppositions de toutes sortes.171En ce sens garantir la sécurité au sein de l'État consiste pour l'administration, à assurer au-delà de la protection des biens et des personnes, la préservation même de la sureté de l'État.

En droit camerounais, l'administration en matière de police est de plus en plus encline à des préoccupations d'ordre sécuritaire, notamment au regard de la conjoncture socio-politique de crise qui fait l'actualité. Considérée par la doctrine comme une des principales composantes

165 Cf. le fameux arrête de la section du Conseil d'État en date du 18 décembre 1959 ; société « Les films Lutétia »

166 Cf. le célèbre arrêt du Conseil d'État français rendu le 27 octobre 1995, commune Morsang-sur-Orge ; encore appelé l'affaire « du lancer des nains »

167 CE, 27/07/2001, Ville d'Etampes.

168 LEBRETON (G), « ordre public », in TSIMBA ZOVINA (J.A), GAUDIN (H), MARGENAUD (J-P), RIALS (S), SURDE (F) (dir.), Dictionnaire des droits de l'homme, P.U.F., Quadrige, Paris, 2008, pp. 717-719.

169 GERVIER (P), la limitation des droits fondamentaux constitutionnels par l'ordre public, op.cit. p.26

170 ROLAND (S), « l'ordre public et l'État. Brèves réflexion sur la nature duale de l'ordre public », DUBREUIL (C-A) (dir.), l'ordre public, édition Cujas, coll. Actes et études, Paris, 2013, pp. 9-20, spé. P.17

171 ATEMENGUE (J.D.N), la police administrative au Cameroun ; op.cit., p.219.

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de la notion d'ordre public,172 la sécurité publique sera l'occasion pour les autorités de police administrative de renforcer le contrôle de l'exercice de certaines libertés, très souvent au péril des principes fondamentaux qui gouvernent dans un État de droit.

Bien que d'un point de vue juridique, la situation au Cameroun ne relève pas de l'état d'urgence,173 notamment en l'absence d'un décret instituant l'état d'urgence174, force est d'admettre qu'en pratique, l'état des libertés publiques, principalement celles considérées par les autorités comme « susceptibles à entretenir voire à animer les troubles », laisse penser à une réglementation de crise. Les pouvoirs publics s'orientent alors relativement au contexte social assez tendu, vers la garantie de la sécurité des institutions, quitte à ignorer, et quelques fois bafouer certaines libertés. L'ordre public prenant des allures autoritaire devient de ce fait davantage « un ordre de limitation des libertés qu'un ordre de protection de ces libertés »175

C'est donc à dire que le volet sécuritaire de l'ordre public constitue un motif en vertu duquel les droits et libertés sont violés. On note ainsi une certaine hostilité des autorités à l'égard des manifestations publiques ou des mouvements contestataires sous le prétexte d'une garantie de la sécurité dans l'État. Cette attitude des pouvoirs publique se justifie davantage en raison de la coloration politique que les autorités n'hésitent pas à donner à la notion d'ordre public.

2-La politisation de la notion d'ordre public.

Comme le souligne le professeur Atemengue Jean De Noël, « dans tous les pays du monde qu'ils soient démocratiques ou non, l'ordre public comporte toujours une dimension politique. »176 Le Cameroun ne déroge pas à la règle. En effet, dans l'ordre juridique camerounais, l'expression consacrée par le constituant de 1996 dans le préambule, à savoir :«(...) sous réserve des prescriptions légales relative à l'ordre, à la sécurité et à la tranquillité publics» ; prête le flanc à diverses manipulations de la part des autorités administratives. En effet la relative imprécision qui caractérise une telle énonciation de l'ordre public dans la constitution camerounaise, constitue ce que le professeur Aba 'a Oyono qualifie de « butoirs liberticides » face aux libertés publiques177. L'insertion dans la constitution d'une

172 SORO PAMATHIN (S-G), op.cit. p.33.

173 L'article premier de loi n°90/047 du 19 décembre 1990 relative à l'état d'urgence dispose : « l'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire national : Soit en cas d'évènement présentant par leur nature et leur gravité le caractère de calamité publique ; soit en cas de troubles portant gravement atteinte à l'ordre public ou à la sureté de l'État ; soit en cas d'agression venant de l'extérieure. »

174 Article 2 de loi n°90/047 du 19 décembre 1990, op.cit.

175 BEYEGUE BOULOUMEGUE (E G), « la persistance de l'idéologie de la construction nationale en matière de police administrative » op.cit. p. 308

176 ATEMENGUE (JDN) ; la police administrative au Cameroun. Op. cit.p.69

177 ABA'A OYONO (J-C), « les fondements constitutionnels du droit administratif (...) » op.cit. p.16.

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telle notion aux contours flous178 voire fuyants179, offre selon l'auteur, «la latitude de moduler (à souhait) l'exercice de la liberté, selon les préoccupations qui sont les leurs. »

Cela dit, loin de sa vocation première qui est la préservation d'un certain ordre social180, l'État tend de plus en plus à donner un contenu circonstanciel à la notion d'ordre public qui varie continuellement selon les orientations ou les considérations d'ordre politique. Vu de la sorte, l'ordre public devient une notion à contenu variable181, qui évolue écrira pierre Laurent Frier « en fonction des situations et des conceptions sociales. »182

Une telle relativisation du contenu du trouble à l'ordre public, orchestrée par la défaillance définitionnelle imputable au constituant camerounais, conduira le professeur Aba'a Oyono à affirmer que « l'utilisation de la notion d'ordre public par les autorités administratives, aboutit (...) à des dérapages, dès lors qu'elle obéit davantage à des considérations d'ordre politique que juridique. »183

Convient-il de retenir ici que les manipulations qui résultent de l'interprétation extensive, voire extensible de l'ordre public ; constituent très souvent un motif de violation insidieux des libertés publiques. Que dire alors de la restriction des libertés publiques par « l'intérêt supérieur de l'État » ?

Paragraphe 2 : la restriction des libertés par l'intérêt supérieur de l'État.

Comme le relève le professeur Abane Engolo, « au Cameroun, dans tous les discours officiels on évoque l'intérêt supérieur de l'État »184 cette formulation au combien flou, pose un certain nombre d'interrogations relativement à l'identification de l'État titulaire de l'intérêt en question, (A)de sa signification et même de sa capacité à véritablement remettre en cause des libertés publiques (B).

178 BIKORO (J.M), les paradoxes constitutionnels en droit positif camerounais ; op.cit. p.92

179 JACQUINOT (N), Ordre public et Constitution, cité par S.-G. SORO PAMATHIN ; op.cit. p.30.

180 SORO PAMATHIN (S-G), L'exigence de conciliation de la liberté d'opinion avec l'ordre public sécuritaire en Afrique subsaharienne francophone à la lumière des grandes démocraties contemporaines ; op.cit. p.29.

181 ROLAND (S), « L'ordre public et l'État. Brèves réflexions sur la nature duale de l'ordre public», op.cit. spé. p.13

182 FRIER (P-L) et PETIT (J), Précis de droit administratif, 6ème éd., Montchrestien-lextenso éditions, Coll. « Domat droit public », Paris, 2010, p. 257.

183 ABA'A OYONO (J.-C) ; « les fondements constitutionnels du droit administratif (...) » ; op.cit. p.17.

184 ABANE ENGOLO (P) « existe-il un droit administratif camerounais ? » ; op.cit. p. 18.

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A- L'indétermination dans l'identification de l'État.

La question relative à la détermination de l'État oppose deux parties de la doctrine, d'une part, nous avons celle qui postule de la conception institutionnelle de l'État (1), et d'autre part celle qui défend l'idée de l'incarnation de l'État par le président de la république. (2)

1-La conception institutionnelle de l'État.

Selon la thèse relative à la conception institutionnelle de l'État, il existe une distinction entre l'État et les gouvernants. En effet, l'État se distingue des individus qui gouvernent dans la mesure où il constitue une institution au sens de Maurice Hauriou185 ; et par ce fait même est doté d'une certaine stabilité dans le temps. Georges Burdeau écrira également que les gouvernants doivent être considérés comme des « agents d'un pouvoir qui les dépasse »186 ; en d'autres termes ce sont des « instruments » au service de l'État. Cela dit, l'institutionnalisation de l'État se résume dans la célèbre expression française selon laquelle « la couronne ne meurt pas en France. »187. En effet, écrivait Georges Burdeau, les hommes ont inventé l'État pour servir de siège à un pouvoir dont les gouvernants ne seraient pas les propriétaires mais les agents d'exercice188.

En clair, relativement à cette considération institutionnelle de l'Etat, le concept « intérêt supérieur de l'État » retenu dans le texte constitutionnel du 18 janvier 1996 dans le préambule, apparait alors comme une donnée abstraite, une idée dont le contenu n'est pas facile à percevoir ou du moins n'est clairement mentionné. Certainement, conviendra-t-il alors de donner à cette notion un contenu plus concret, de nature à rendre compte une fois pour toute de la signification à donner à ce « bouclier juridique »189 dont l'administration fait régulièrement recours pour bafouer les libertés publiques. Une tentative de solution sera apportée à cet effet par une autre approche doctrinale qui présentera plutôt la thèse de l'incarnation de l'État dans la personne du président de la république, thèse défendue notamment par le professeur Maurice Kamto.

2- L'incarnation de l'État par le président de la république

Au-delà d'une conception institutionnelle de l'État qui postule de la distinction entre les gouvernants et l'État, il est plutôt question ici dans cette approche, de la confusion voire de

185 MILLARD ERIC, « HAURIOU et la théorie de l'institution » in Droit et société, n°30-31, 1995. L'environnement et le droit, pp.381-412.

186 G. BURDEAU, « l'État entre le consensus et le conflit. », pouvoir 5, 1978, p.66

187 Idem.

188 Idem. p.73.

189 Idem, P.16

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l'identité entre l'État et le gouvernant ou plus précisément entre l'État et le président de la république. En effet, le professeur Maurice Kamto a démontré dans un raisonnement syllogistique, l'incarnation dans les États d'Afrique noire francophone, dans la personne du président de la république.

Dans une première proposition, l'auteur affirme que le chef de l'État incarne la nation190. En effet, explique-t-il, en Afrique subsaharienne francophone, où l'idée de nation, entendue sous sa dimension sentimentale,191 affective, était encore loin de constituer un acquis, la nation se présentait comme un projet, un mythe à réaliser. Dans un tel contexte alors, le président se présentait alors comme « la synthèse des particularismes (...) dans une nation à bâtir »192.

Dans une seconde proposition, le professeur fera un rapprochement entre la nation et l'État. S'inspirant de la doctrine constitutionnelle française, à l'exemple des écrits des auteurs tels que Carré de Malberg pour qui « l'État est la personnification de la nation »193ou J. Chevallier qui définit l'État comme la projection de la nation dont il incarne l'unité et la permanence194 ; le professeur Maurice Kamto aboutira à la formule selon laquelle l'État n'est pas une entité juridique distincte de la nation195. C'est donc partant de ces deux propositions que l'auteur conclura : « si le chef de l'État incarne la nation qui elle-même se confond à l'État, (alors) le chef de l'État incarne l'État. »196 D'ailleurs la constitution camerounaise dispose précisément dans son article 5 que « le président de la république (...) chef de l'État (...) incarne l'unité nationale, il définit la politique de la nation ». Il ressort de la lecture de cet article que c'est le chef de l'État qui définit et oriente les objectifs de la nation.197

Cette démonstration a le mérite de permettre de mieux saisir les contours de la notion d'État, titulaire au Cameroun d'un « intérêt supérieur ». En effet au terme de ce raisonnement syllogistique, force est de constater que en réalité, le concept intérêt supérieur de l'État renvoie à l'intérêt supérieur du président de la république considéré ici comme principal responsable de

190 KAMTO (M), pouvoir et droit en Afrique noire ; op.cit. p. 431

191 Idem.

192 Idem. P.432.

193 CARRE DE MALBERG (R), Contribution à la théorie générale de l'État, tome 1, Paris, Sirey, 1920-1922, CNRS. 1972 ; p.19.

194 CHEVALLIER (J) ; cité par KAMTO (M), Pouvoir et droit en Afrique noire ; op.cit. p.432

195 KAMTO (M), pouvoir et droit en Afrique noire ; op.cit. p. 432.

196 Idem. P.434

197 ABANE ENGOLO (P), existe-t-il un droit administratif camerounais ? » ; op.cit. p.20

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l'activité de police administrative198. Une telle considération ne saurait être sans conséquences graves sur les libertés publiques.

B- la compromission des libertés face à l'intérêt supérieur de l'État

Deux conséquences logiques découlent de l'insertion de la clause relative à l'intérêt supérieur de l'État dans la constitution. Il s'agit d'une part de la transcendance du pouvoir politique sur les libertés (1) et d'autre part, de la subsidiarité des libertés face à l'intérêt supérieur de l'État.(2)

1-la transcendance du politique sur les libertés.

L'écriture constitutionnelle dans les pays d'Afrique noire francophone se caractérise par la relation « dialectique » qui existe entre le pouvoir et le droit.199 Dans ce rapport, expliquera le professeur Maurice Kamto, « le pouvoir transcende le droit et le réduit à un rôle instrumental. »200 Il en résulte une forte relativisation de la norme constitutionnelle, à la faveur du pouvoir, dont le but politique et social prime sur le droit.201Cette suprématie du pouvoir politique sur la norme juridique est d'ailleurs perceptible dans les textes constitutionnels africains. Une illustration de cette transcendance du pouvoir politique sur le droit est inscrite dans la constitution camerounaise du 18 janvier 1996 plus précisément dans le préambule qui dispose : « les droits et libertés sont garantis aux citoyens dans le respect (...) de l'intérêt supérieur de l'État. »

Une telle énonciation des droits et libertés selon le professeur Aba'a Oyono offre « aux autorités administratives étatiques la latitude de moduler l'exercice de la liberté en fonction des préoccupations qui sont les leurs »202. Vu de la sorte, le droit ne serait en réalité que la volonté affirmée du pouvoir politique. Ainsi, l'administration camerounaise ou plus exactement les autorités de police administrative sont sous l'emprise du président de la république. Il faut éviter à cet effet de compromettre le supérieur hiérarchique au risque perdre son poste.203 Cela étant,

198 ATEMENGUE (JDN) : « les pouvoirs de police administrative du président de la république au Cameroun », verfassung und Recht in Übersee / law and politics in Africa, Asia, and Latin America, vol. 35, n°1, (1. Quartal 2002), p.106

199 KAMTO (M) ; pouvoir et droit en Afrique noire, op.cit. P.436-447.

200 Idem.

201 Idem.

202 ABA'A OYONO (J.-C) « les fondements constitutionnels du droit administratif (...) » ; op.cit. p.17.

203 ABANE ENGOLO (P) « existe-t-il un droit administratif camerounais ? » op.cit. p.20

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les agents (de l'État) sont tenus de respecter scrupuleusement voire religieusement « les consignes données par leur chef »204

En tout état de cause, l'énoncé des libertés dans le texte constitutionnel par le truchement des notions fluctuantes permet selon le professeur Aba'a Oyono de mettre en exergue l'influence négative que le constituant exerce sur la protection des libertés205. Intéressons-nous à la subsidiarité des libertés face à l'intérêt supérieur de l'État.

2- La subsidiarité des libertés face au pouvoir politique.

L'utilisation dans la constitution de l'expression intérêt supérieure de l'État démontre également de manière claire et précise la place réservée aux libertés publiques en droit camerounais. En effet, les libertés publiques sont reléguées au second rang, face à l'intérêt supérieur qui est très souvent plus politique que juridique. Vu sous cet angle, telle ou telle autre liberté peut être ignorée ou piétinée lorsqu'elle n'entre pas en droite ligne des préoccupations et attentes des gouvernants.

Il se pose ainsi le problème relatif au contenu, voire à la signification à donner au concept intérêt supérieur de l'État. Le texte constitutionnel ne répond pas à la question. Pourtant, une telle expression comporte un contenu véritablement abstrait et potentiellement attentatoire aux libertés, dans la mesure où « tout fait anodin »206 relevant de l'exercice d'une liberté est susceptible d'être sanctionné en raison de ce qu'il constituerait une atteinte à l'intérêt supérieur de l'État. Pour reprendre la formule du professeur Maurice Kamto qui relativement à l'insertion dans la constitution des notions floues et fuyantes et de leurs influence restrictive sur les libertés, l'on pourrait dire que le constituant camerounais a introduit le loup dans la bergerie207. C'est donc à dire en fin de compte que le concept relatif à l'intérêt supérieur de l'État a pour conséquence directe « l'instauration d'un droit administratif dans lequel la raison de l'État (et partant de l'administration) est au-dessus de toute autre finalité comme l'intérêt général »208

À l'analyse de la proclamation constitutionnelles des libertés publiques, l'on peut retenir que la réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996, aux premiers abords semblait sonner

204 Idem.

205 ABA'A OYONO (J-C), «Les fondements constitutionnels du droit administratif : de sa vertueuse origine française a sa graduelle transposition vicieuse dans des états stable et instable de l'Afrique francophone» op.cit. p.17.

206 BIKORO (J.M), les paradoxes constitutionnels en droit positif camerounais, op.cit., p.94.

207 KAMTO (M), cité par ABA'A OYONO (J.-C), les fondements constitutionnels du droit administratif (...) » ; op.cit. p.17.

208 ABANE ENGOLO (P) « existe-t-il un droit administratif camerounais ? », op.cit., p.19.

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le tocsin d'une protection renforcée des droits fondamentaux209; mais en réalité étant encore fortement marquée par les relents de l'autoritarisme210 voire de l'hégémonie de l'administration, étatique, n'a pu contribuer qu'à faire des libertés publiques une simple enseigne décorative.211 Offrant ainsi au législateur la voie royale vers un aménagement davantage vicieux des libertés.

209 ABA'A OYONO (J-C), « les fondements constitutionnels du droit administratif (...) » op.cit. p.15.

210 BEYEGUE BOULOUMEGUE (E G) ; « la persistance de l'idéologie de la construction nationale en matière de police administrative. » P.30.

211 Idem. P.303.

CHAPITRE II : LES VICISSITUDES DANS L'AMENAGEMENT DE L'EXERCICE

DES LIBERTES.

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L'organisation au Cameroun des rassemblements ou plus exactement des manifestations publiques nécessite l'accomplissement d'un certain nombre d'obligations légales prescrites par le législateur. C'est ainsi que la loi n°90/055 du 19 décembre 1990 portant régime des réunions et manifestations publiques pose l'exigence d'une déclaration préalable qui doit avoir lieu sept jours francs au moins avant la date de la manifestation.212 En contrepartie, l'autorité administrative qui reçoit la déclaration213 doit immédiatement délivrer un récépissé.214 En effet, faut-il le préciser, la satisfaction de cette formalité dont la vocation première est d'informer l'autorité sur la tenue de la manifestation, oblige ladite autorité à délivrer le récépissé. Ce dernier ne dispose d'aucun pouvoir discrétionnaire en la matière. Cela dit, le récépissé n'équivaut pas à une autorisation ; tout au plus, il ne s'agit là que d'un accusé de réception attestant que l'autorité a effectivement reçu la déclaration.

Cependant s'il est théoriquement reconnu depuis les lois de 1990, une avancée considérable dans le domaine des libertés publiques de manière générale et des manifestations publiques précisément, leur exercice semble encore fortement incertain. Force est de reconnaitre que le texte fait très souvent l'objet d'interprétations voire d'applications restrictives à l'égard des libertés. Cela se justifie notamment à travers la relative obscurité de l'encadrement légal des libertés (de manifestation en l'occurrence) (Section I) et davantage encore au regard de la posture sanctionnatrice du législateur vis-à-vis desdites libertés (section II).

SECTION I : LA RELATIVE OBSCURITE DE L'ENCADREMENT LEGAL DES

LIBERTES PUBLIQUES.

« L'obscurité des lois rend le droit imprévisible, en fait un instrument de l'arbitraire, indulgent envers les plus habiles et les plus puissants, impitoyable envers les faibles et les

212 Article 7 de la loi n°90/055 du 19 décembre 1990.

213« Le chef de district ou le sous-préfet » selon les termes de l'article 7(1) et 8(1) 214 Article 8 alinéa 2 de la loi n°90/055 du 19 décembre 1990.

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maladroits. »215 Ce propos cher à Philippe Malaurie s'illustre parfaitement dans la règlementation en matière de libertés publiques au Cameroun. En effet, l'inintelligibilité des lois semble véritablement porter atteinte à la qualité de celles-ci216 en ce sens où elle les rend malléables à souhait,217 faisant d'elles un instrument taillé à la mesure de l'administration. En ce qui concerne la règlementation des manifestations publiques au Cameroun, elle soulève quelques incompréhensions relatives justement au contenu de certaines dispositions qui, on l'a vu ne sont pas toujours claires, simples, limpides, voire transparentes218. Ainsi sans dire en quoi consiste la notion de trouble (grave à l'ordre), le législateur offre aux pouvoirs publics un fort potentiel restrictif à l'égard des libertés. La difficulté d'une telle disposition est perceptible à travers l'indétermination de la notion de trouble grave à l'ordre public, (P1) dont une interprétation dévoyée donne forcement lieu à une propension restrictive dans les moyens de préventions desdits troubles. (P2)

Paragraphe 1 : l'indétermination de la notion de trouble grave à l'ordre public.

Le trouble grave à l'ordre public au Cameroun fournit le parfait exemple d'un concept à la fois incertain et imprévisible (A) ; offrant ainsi le soin aux autorités administratives d'en apprécier le contenu. (B)

A- L'incertitude dans la détermination légale du trouble grave à l'ordre public.

La définition du trouble grave à l'ordre public suppose non seulement l'existence d'une menace à l'ordre public (1) mais également que celui-ci soit d'une gravité notable (2).

1-L'existence d'une menace à l'ordre public.

Il est un principe consacré dans la jurisprudence française, notamment à la faveur de l'arrêt Benjamin219, selon lequel la liberté est la règle et la restriction l'exception. Ce postulat fixe une orientation de la police administrative dans l'encadrement des libertés. En effet, les libertés doivent s'exercer sans entrave des pouvoirs publics, sauf hypothèse relevant de l'ordre public.

215 MALAURIE (P) ; « l'intelligibilité des lois » in pouvoir 2005/3n°114 p.131

216 BILOUNGA (S.T); « la crise de la loi en droit public camerounais. » ; les annales du droit, 11/ 2017, p.23

217 Ibid.

218 PHILIPPE MALAURIE ; « l'intelligibilité des lois » op.cit. p.131

219 CE, 19 mai 1933, Benjamin, Rec. Leb. p. 541, GDJDA, p. 333). Dans cette affaire, le Conseil d'État a estimé qu'une interdiction préventive ne pouvait être licite que si la menace à l'ordre public était d'une exceptionnelle gravité et que le maire ne pouvait disposer des forces de police nécessaires au maintien de l'ordre.

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Ainsi, les restrictions en matière de libertés publiques, nécessitent la justification par l'autorité, de l'existence d'une menace susceptible d'occasionner l'atteinte ou l'altération de l'ordre public. Les nécessités d'ordre public visent d'une part à éviter que l'exercice des libertés ne compromette l'intégrité des personnes et des biens, mais également qu'il ne porte atteinte à d'autre droits et libertés à valeur constitutionnelle. Tout compte fait, cela revient à dire prosaïquement que l'exercice des libertés des uns ne doit pas nuire à la jouissance des libertés des autres. Le principe a été tant bien que mal réceptionné en droit Camerounais.

En effet, l'ordre public retenu en droit camerounais comme un motif insidieux utilisé par l'administration pour fortement remettre en cause les libertés publiques se distingue de celui appliqué en France220. L'ordre public, on l'a vu n'est pas véritablement défini dans la législation camerounaise, d'autant plus qu'il s'agit d'une notion à contenu variable qui fluctue au gré des intérêts de l'État. C'est sans doute à l'aune de cette logique de préservation de l'intérêt de l'État que l'administration met en oeuvre son pouvoir de restriction pour mettre à mal l'exercice de certaines libertés, sans que le caractère attentatoire à l'ordre public ne soit démontré. Et même lorsque c'est le cas, les motivations de l'administration se caractérisent par un laconisme flagrant 221. Pourtant, le juge administratif camerounais depuis l'affaire Mbarga Raphael avait posé en principe l'obligation de motivation de l'acte administratif en ces termes : « Attendu (...) que doivent être motivées les décisions à portée individuelle qui infligent une sanction, retirent ou abrogent une décision créatrice de droit »222 cette décision du juge se justifie en droit administratif en matière de police administrative dans la mesure où en l'absence d'obligation de motivation des mesures restrictives, tout fait est susceptible de contrarier l'ordre public et ainsi justifier la mesure de restriction au détriment de la liberté.223

La loi n°90/055 du 19 décembre 1990 viendra outre mesure, en matière de liberté de manifestation, préciser que certes la limitation de l'exercice des manifestations doit être fondée sur l'existence d'un trouble, mais celui-ci doit être considéré comme suffisamment grave pour justifier la mesure de restriction.224

2- La relative gravité du trouble à l'ordre public.

Aux termes de l'article 8 alinéa 1 de la loi de 90/055 susmentionnée, il en ressort en substance que la simple possibilité relative à l'existence d'un trouble susceptible d'être porté à

220 ABANE ENGOLO (P) « existe-t-il un droit administratif camerounais ? » ; op.cit., pp. 13-30.

221 Lire METOU (B-M) « vingt ans de contentieux des libertés publiques au Cameroun » op.cit. ; P.277

222 CS/CA, jugement n°73 du 29 juin 1989, Mbarga Raphaël C/ État du Cameroun.

223 Lire dans ce sens BIKORO (J. M), les paradoxes constitutionnels en doit positif au Cameroun ; op.cit. p.94 224Article 8 de la loi n°90/055 du 19 décembre 1990 portant régime des réunions et manifestations publiques.

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l'ordre public ne constitue pas un motif suffisant pour la restriction des manifestations. En effet, le législateur souligne que la manifestation projetée doit être de nature à troubler gravement l'ordre public pour justifier les mesures de restriction. Autrement dit, la menace ou le trouble doivent être tels que l'abstention de l'administration soit susceptible d'entrainer des conséquences graves et/ou irréversibles. Outre ces cas de figure, la liberté de manifester ne doit ou ne devrait en principe souffrir d'aucune restriction de la part des autorités administratives.

Par ailleurs, comment apprécier la gravité de la menace ou du trouble à l'ordre ? Évidemment, aucun texte n'en dit mot ; ni le constituant, ni le législateur ne définissent clairement les critères à partir desquels il serait possible de déterminer si une liberté publique de manière générale est ou non susceptible de troubler (gravement) l'ordre public. C'est en pratique, c'est-à-dire à l'aune des circonstances que la gravité du trouble pourrait s'apprécier notamment, à partir de données factuelles225, ou contextuelles devant orienter le jugement de l'autorité.

Or le contexte camerounais est depuis toujours marqué par la prégnance d'un régime de consolidation du pouvoir administratif226 et d'autoritarisation de la police administrative. Vu de la sorte, toute liberté remettant en cause cette autorité n'est pas forcément vu d'un bon oeil ; cela dit leur exercice serait d'ores et déjà en lui-même susceptible de constituer un trouble qui plus est, un « trouble grave à l'ordre ». Un tel état des choses rend véritablement difficile l'exercice des libertés au Cameroun dans la mesure où la limite entre l'exercice normal des libertés et le trouble grave à l'ordre public devient de plus en plus incertaine. Cela étant, toute contestation ou revendication pourrait facilement être considérée comme un trouble grave à l'ordre public. D'autant plus qu'en fin de compte, le pouvoir d'appréciation en matière d'ordre public est laissé à la seule discrétion des autorités de police administrative.

B- L'appréciation discrétionnaire par les autorités de police administrative.

De prime à bord, l'idée de pouvoir discrétionnaire et l'État de droit semblent être deux notions inconciliables.227Le professeur G. Nlep soulignera à ce propos que La limite entre le pouvoir discrétionnaire et l'arbitraire administratif est mal définie,228et donc incertaine. En effet par opposition à la compétence liée,229 le pouvoir discrétionnaire se définie lato sensu comme

225 ATEMENGUE (.JD.N.) ; la police administrative au Cameroun ; op.cit. p.

226 ONDOA (M), ABANE E. ENGOLO (P), les fondements du droit administratif camerounais préface op.cit. p.11

227 SORO_PAMATCHIN (S-G) L'exigence de conciliation de la liberté d'opinion avec l'ordre public sécuritaire en Afrique subsaharienne francophone (Bénin-Côte d'Ivoire-Sénégal) à la lumière des grandes démocraties contemporaines (Allemagne-France) ; Droit. Université de Bordeaux, 2016 P.284

228. NLEP (R. G) cité par ATEMENGUE (JDN) ; la police administrative au Cameroun ; op.cit P.180

229 Idem.

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« cette marge d'appréciation laissée à l'administration », 230« cette habilitation dont jouit l'administration à prendre (...) un ensemble de mesures jugées utiles et opportunes au regard des situations de fait »231. Cependant convient-il de préciser, le pouvoir discrétionnaire s'avère être nécessaire à la survie de l'État232 ; compte tenu du fait que le législateur ne peut tout prévoir. Dans ce sens il serait difficile de concevoir un État, qui plus est, un État de droit, sans l'idée d'un pouvoir discrétionnaire. Une telle hypothèse serait susceptible d'entrainer « l'immobilisme »233, la paralysie de l'action étatique. D'où la nécessité, pour une efficacité des pouvoirs publics, d'une flexibilité dans l'application de la règle de droit.

C'est donc à dire au final que ces deux notions ne sont pas en réalité antinomiques. Ainsi pour revenir à notre sujet de réflexion, le législateur fixe les grandes lignes qui encadrent l'exercice des libertés, et c'est à l'aune du respect de l'ordre public que les autorités administratives organisent l'exercice desdites libertés ; et au besoin les restreint en cas d'atteinte (grave) à l'ordre public. C'est dans ce sillage que Jean Rivero soulignera que « c'est la loi qui énumère un ensemble de conditions et qui de façon résiduelle donne mission à l'autorité de police administrative de décider dans un certain sens en prenant toute mesure utile qui relève de l'appréciation de l'opportunité. »234C'est fort de cela que le législateur camerounais reconnait en matière de manifestations publiques un pouvoir discrétionnaire aux autorités de police, lorsqu'il dispose que si l'autorité « estime que la manifestation projetée est de nature à troubler gravement l'ordre public, il (ou elle) peut (...) »235 prendre les mesures nécessaires afin d'assurer le maintien de l'ordre lors desdites manifestation.236. De telles prérogatives sont de nature à susciter légitimement des inquiétudes quant à leur utilisation. C'est ainsi que Charles Eisenmann écrira à ce propos que « le pouvoir discrétionnaire aurait quelque chose de singulier, de mystérieux ; ce serait un phénomène assez troublant, assez inquiétant. »237

Cette inquiétude parait davantage justifiée au regard de la capacité de nuisance que les prérogatives discrétionnaires de la police administrative pourraient avoir sur les libertés

230 HAURIOU (M) cité par SORO PAMATCHIN (S-G) ; L'exigence de conciliation de la liberté d'opinion avec l'ordre public sécuritaire en Afrique subsaharienne francophone à la lumière des grandes démocraties contemporaines ; op.cit. p.284

231 SORO PAMATCHIN (S-G), op.cit. p.284

232 Idem.

233 Ibid.

234 RIVERO (J) ; Droit administratif ; cité par SORO PAMATCHIN, L'exigence de conciliation de la liberté d'opinion avec l'ordre public sécuritaire en Afrique subsaharienne francophone à la lumière des grandes démocraties contemporaines op.cit. p.828

235 Article 8 alinéa 1 de la loi n°90/055 précitée.

236 Ibid.

237 EISENMANN (C), Cours de droit administratif, Tome II, L.G.D.J.- lextenso éditions, Coll. « Anthologie du droit », Issy-les-Moulineaux, 2014, p. 289.

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publiques. Cela étant dit, intéressons-nous à présent à la portée restrictive des moyens de préventions des troubles vis-à-vis des libertés.

Paragraphe 2 : la portée restrictive des moyens de prévention des troubles.

La prévention des troubles à l'ordre public au Cameroun se caractérise par sa portée véritablement restrictive vis-à-vis des libertés publiques. Si le principe est celui de l'aménagement favorable à l'exercice des manifestations, (A) l'on assiste au Cameroun à une systématisation des interdictions de manifester. (B)

A- De l'aménagement dans l'exercice des manifestations.

Il est désormais de notoriété incontestable au sein de la jurisprudence française depuis l'arrêt Baldy jusqu'à l'arrêt benjamin, qu'il est un principe selon lequel les limitations apportées aux libertés par l'autorité de police ne sont légales que si le maintien de l'ordre public les rend nécessaires238. C'est donc à dire que la restriction des libertés, notamment lors des rassemblements publics ne constitue pas au premier chef l'activité des autorités de police administrative. Bien au contraire, même lorsque l'ordre est susceptible d'être menacé, les autorités de police doivent mettre en oeuvre des mesures ou des moyens alternatifs239 permettant le déroulement pacifique des manifestations licites240 ; et quand bien même elles ne sont pas licites c'est-à-dire non déclarées, les manifestations doivent être tolérées par les autorités de police.241 La doctrine française retiendra dans ce sens que plusieurs mesures sont possibles dans l'encadrement des libertés. L'administration doit choisir parmi elles celles qui affectent le moins la liberté de l'individu.242 Il est ainsi consacré une protection optimale de la liberté de manifester.

Georges Burdeau écrira à cet effet : « le rôle de l'État est de procurer à la dialectique de l'ordre et du mouvement (contestataire) les cadres juridiques qui lui permettent de se dérouler sans heurts trop violents. »243 Également, dans la même perspective, Olivier Le Bot, soulignera que l'autorité informée de la tenue d'une manifestation par le truchement de la déclaration préalable, se doit « de prendre la mesure de la réunion ou de la manifestation

238 CHAPUS (R), Droit administratif général, tome 1, Montchrestien, Domat droit public, Paris, 15e édition, 2001, pp. 699.

239 LE BOT (O) ; La liberté de manifestation en France : un droit fondamental sur la sellette ? » p.39

240 DENIZEAU (C) « la liberté de manifestation en droit européen » in la liberté de manifester et ses limites ; op.cit. P.31

241 Idem.

242 BURDEAU (G), les libertés publiques ; op.cit. p.43

243 BURDEAU (G), « L'État, entre conflit et consensus » ; P.69

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projetée et de prévoir tout en les adaptant, les mesures nécessaires à son bon déroulement. ».244C'est donc à dire en réalité que les autorités de police administrative jouent ici un rôle de facilitateurs dans l'exercice des libertés publiques de manière générale. À cet effet, elles disposent de plusieurs mesures alternatives245 dans l'aménagement de l'organisation des manifestations en vue de garantir dans la mesure du possible246, un déroulement respectueux de l'ordre public. Dans cette perspective, les autorités de police peuvent entre autre modifier la date, le lieu ou l'itinéraire des manifestations publiques lorsque les circonstances l'exigent. Outre mesure, elles sont tenues de mettre à disposition un nombre raisonnable de forces de police,247 non pas pour réprimer mais davantage pour garantir le bon déroulement de la manifestation en contenant les débordements mais également en assurant la sécurité des manifestants. Cela dit, la simple abstention de l'État ne suffit donc pas à la garantie de l'exercice des manifestations publiques.

L'ordre juridique camerounais est partit sur la base de ce postulat dans la réglementation des manifestations publiques. Seulement, le législateur camerounais notamment dans la loi n°90/055, définit limitativement les options alternatives de la police administrative dans l'aménagement des manifestations publiques. L'article 8 alinéa 2 de la loi de cette loi prévoit que lorsqu'une manifestation est susceptible de troubler gravement l'ordre public, l'autorité administrative dans le but de prévenir le trouble peut «lui assigner un autre lieu ou un autre itinéraire » ; dans le cas contraire, c'est l'interdiction pure et simple de la manifestation. Or on l'a vu, l'obligation d'action positive qui incombe à l'État dans la garantie des manifestations implique que les autorités de police prennent toutes les mesures nécessaires en vue de permettre à la manifestation de se dérouler sans entraves. Il va sans dire que le texte législatif ne met pas suffisamment en lumière l'office de facilitateur de la police administrative dans la protection effective de la liberté de manifestation. Celle-ci est davantage soucieuse de la préservation de l'ordre que de l'exercice des libertés.

En définitive, si sous d'autres cieux, ce n'est que lorsque les risques susceptibles d'être générés par les manifestations ne peuvent être contenus par d'autres mesures alternatives moins attentatoires ; que les autorités de police administratives prennent des mesures restrictives extrêmes telles que les interdictions. Toujours est-il que la police camerounaise, pour peu qu'une manifestation présente un risque de trouble, priorise presque toujours les interdictions.

244 LE BOT (O), « La liberté de manifestation en France : un droit fondamental sur la sellette ? », op.cit. p.12

245 Ces mesures sont alternatives doivent être les moins attentatoires possibles aux libertés publiques

246 Il s'agit d'une obligation de moyens, qui pèse sur l'autorité administrative et non une obligation de résultat.

247 LE BOT (O) ; « La liberté de manifestation en France : un droit fondamental sur la sellette ? », op.cit. p.41.

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Or, on le sait très bien toute manifestation est potentiellement facteur de trouble248 ; et c'est à travers l'obligation d'encadrement qui pèse sur l'État que les manifestations peuvent effectivement être garanties. Auquel cas l'on pourrait assister à la multiplication voire à la systématisation des interdictions à chaque fois qu'une manifestation serait déclarée au motif de sa potentielle menace pour l'ordre public.

B- A la systématisation des interdictions de manifester.

L'interdiction des manifestations publiques peut être considérée comme une solution extrême qui en tant que telle, ne doit être envisagée que lorsque les mesures préventives s'avèrent inefficaces ou inadaptées pour la sauvegarde de l'ordre public. Ainsi, la mesure d'interdiction doit être motivée par l'existence de causes sérieuses suffisamment graves et attentatoires à l'ordre public. Autrement dit, c'est à l'aune de la gravité de la menace ou de la dimension du trouble que l'on apprécie la mesure d'interdiction. Également, faut-il le préciser, la décision d'interdiction des manifestations, représente une telle restriction pour les libertés publiques qu'elle soulève presque toujours la question de sa nécessité et même de sa proportionnalité au regard des libertés sacrifiées. C'est alors relativement à cet ordre de pensée que la jurisprudence française, 249a retenu que le simple soupçon de la menace ou de la survenance d'un trouble dans une manifestation ne peut constituer un motif raisonnable d'interdiction. Aussi dans la même logique, les interdictions générales et absolues sont interdites. Georges Burdeau écrira à cet effet, la préoccupation première des autorités administratives ne doit pas être « comment vais-je maintenir l'ordre ? » mais : « comment vais-je permettre l'usage de la liberté sans compromettre l'ordre ? (...) la solution de facilité qu'est l'interdiction est (donc) en principe illégale. »250

Le Cameroun une fois de plus s'illustre par un système rigoureux dans l'encadrement des libertés publiques. En effet, les mouvements contestataires tels que manifestés lors des descentes dans les rues se voient généralement, presque systématiquement opposer des interdictions par les autorités administratives. C'est ce qui entraine une multiplication des mouvements spontanés. La tendance à l'interdiction est tant et plus accentuée lors des périodes dites de tensions sociales à l'instar des mouvements sociaux des années, 1990 des émeutes de 2008 et plus récemment encore depuis la période post-électorale de 2018. En effet, les autorités

248 Ibid.

249 C.E., 23 mars 1935, D.H. 1935.367 ; C.E. 12 novembre 1997 ; lire à ce propos GUILLUY (T), « liberté de manifestation, un droit introuvable » RFDA, 2015 P.499.

250 G. BURDEAU ; Libertés publiques op. cit. P.45

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en ces périodes dites de fortes contestations sociales n'hésitent pas à procéder à des interdictions générales251 de nature à étouffer voire à supprimer le recours à la rue comme moyens d'expression ou de revendication. Le recours aux interdictions est devenu un réflexe252 de l'administration à l'égard des manifestations publiques ; à tel point que la mesure d'interdiction est devenue la règle et l'exercice des libertés l'exception. Ainsi, Manifester au Cameroun du moins dans la légalité est devenue une exception. La règlementation en matière de manifestation y contribue fortement en ce qu'elle offre la latitude aux autorités d'exercer à travers leur pouvoir prohibitif, ce que M. Bouloumegue253 qualifie « d'action hégémonique » de la police administrative camerounaise. Or, sous d'autres cieux, écrira le professeur Abane E. Engolo, l'on oblige l'administration à n'interdire les manifestations que lorsqu'elle ne peut les encadrer.254

Il est donc à préciser dans ce contexte que l'administration repose et a toujours été fortement attachée à des fondements impérialistes, c'est-à-dire dominateurs, hégémonique.255C'est justement relativement à ce rapport fragile entre État et libertés publiques, que Charles Debbasch et Jacques Bourdon soulignerons que « La souveraineté étatique se méfie toujours des puissances rivales qu'elle n'encadre pas. Tout groupe organisé est un concurrent pour l'État : la tentation des gouvernants est de l'interdire, d'en limiter l'efficacité, de le contrôler ».256 Cette attitude hostile de l'administration se matérialise et se concrétise à travers la multiplication de dispositions répressives en matière de rassemblements publics. Ainsi remarquerons-nous l'instauration ou la fixation d'un régime sanctionnateur des libertés publiques au Cameroun.

251 Cf. l'arrêté préfectoral n°125/AP/C19/SP du 14 janvier 1991 interdisant les manifestations sur la voie publique dans le département du Wouri ; ou l'arrêté préfectoral de 2008 interdisant les manifestations dans la même localité au cours de la période des mouvements sociaux de 2008 ;

252 ABANE E. ENGOLO op.cit. P. 29

253 B. BOULOUMEGUE EMMANUEL GHILSLAIN op.cit. P.303

254 ABANE ENGOLO (P) « existe-t-il un droit administratif camerounis op.cit. P.29

255 Ibid.

256 DEBBASCH (C) et BOURDON (J): « Introduction », Presses Universitaires de France « Les associations ». 2006. p. 3. Cité par MOKNI (H B), L'exercice des libertés publiques en période de transition démocratique : le cas de la Tunisie P.180

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SECTION II : LA FIXATION D'UN REGIME SANCTIONNATEUR DES LIBERTES

L'exercice des rassemblements publics au Cameroun est soumis à un certain nombre de règles dont la violation équivaut à des sanctions diverses. Ce régime de sanctions se déploie au niveau de l'exercice des manifestations licites (P1) et se veut plus répressif en ce qui concerne les manifestations illicites. (P2)

Paragraphe 1 : la répression dans le déroulement des rassemblements licites.

L'exercice des manifestations publiques au Cameroun est presque systématiquement opposé à un réflexe de la police administrative, visant soit la protection de l'autorité de l'État à travers la répression insidieuse de la subversion, (A) soit encore la répression des atteintes ou troubles au service public. (B)

A- La protection de l'autorité de l'État : la répression insidieuse de la subversion.

La protection de l'autorité publique se veut véritablement renforcée en droit administratif camerounais. Le décret du 04 juin 1970 relatif à la sureté de l'État la dispose précisément que la sureté intérieure de l'État comporte toutes les mesures visant à prévenir et à réprimer : « les troubles constitués par les menaces ou des atteintes graves et répétés à la tranquillité et à la sécurité publique ; la subversion contre l'autorité publique (...) »257. C'est dans ce cadre que les textes visent ; quitte à quelques fois sacrifier les libertés publiques, à protéger l'État contre toute entreprise « de nature à porter atteinte au respect dû aux autorités publiques ou à inciter la haine contre le gouvernement de la république ».258

En effet, même dans le cadre de l'exercice régulier des manifestations publiques c'est-à-dire celles organisées dans le respect des obligations légales fixées par le législateur ; l'administration camerounaise reste malgré tout portées vers sa politique de « mise à l'abri du pouvoir »259. Il n'est pas question que l'exercice des libertés ne vienne mettre en cause l'autorité de l'État. Cet état des choses est perceptible au regard de la prégnance de la législation anti-subversive et l'interdiction des faits constitutifs de sédition au Cameroun.

257 Article 1er du décret n°70/DF/264 du 04 juin 1970 relatif à la sureté de l'État

258 ATEMENGUE (JDN) ; la police administrative au Cameroun ; op.cit. P.85

259 Idem.

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Alors que l'on croyait enfin révolue la période de la législation anti-subversive260, caractérisée par la diabolisation de la contestation politique ; et qu'on présageait alors un passage définitif d'un ordre juridique autoritaire vers un ordre libéral, protecteur des libertés publiques261 ; force est de constater au bout du compte que le contexte reste inchangé depuis lors. En effet, cela peut s'expliquer à travers le jeu de dupes, le véritable tour de passe-passe imputable au législateur camerounais d'alors, qui n'a fait que transférer les dispositions controversées de l'ordonnance n°62-OF-18 de 1962 dans le code pénal par le truchement de la loi n°90/061 du 19 décembre 1990 portant modification de quelques dispositions du code pénal.262 L'exemple est d'autant plus probant à l'analyse du code pénal dans sa version la plus récente. En effet la loi n°2016/007 du 12 juillet 2016 portant code pénal, semble ne pas faire référence à la subversion dans ses dispositions. Pourtant le législateur sans en modifier la substance, a insidieusement maintenu les mêmes dispositions anti-subversives : il n'a fait que disparaitre le terme subversion pour le remplacer par une notion non moins similaire, notamment, la rébellion263. Si le texte fait expressément référence à l'abrogation264 du caractère politique de la rébellion, cela ne doit occulter en rien l'influence négative du législateur sur l'épanouissement des libertés publiques au Cameroun.

De plus, l'action répressive du législateur en matière de libertés publiques se concrétise davantage vers la protection de l'autorité étatique à travers l'article 235 de la loi portant code pénal qui incrimine les comportements tels que les cris et chants séditieux proférés dans des espaces ouverts au public. Ainsi une manifestation contestataire même déclarée n'est pas à l'abri du pouvoir répressif de l'administration publique en ce sens où le contenu à donner à la notion de cris ou champs séditieux est véritablement contingent. Cela dit, même lorsque les garanties textuelles sont prévues et consacrées en matière de manifestations publiques, l'administration garde néanmoins une « capacité juridique de nuisance qui mine (de manière générale) l'exercice des libertés publiques. »265

En dernière analyse, le régime des manifestations publiques au Cameroun reste et demeure fortement remis en cause en raison du caractère autoritaire de l'ordre public qui

260 Cette période allait de l'adoption de l'ordonnance n°62-OF-18 du 12 mars 1962 jusqu'à son abrogation avec la loi n°90/061 du 19 décembre 1990.

261 OLINGA (A.D.), « vers une garantie constitutionnelle crédible des droits fondamentaux », cité par METOU (BM) ; « vingt ans de contentieux ..... » OP. cit. p.268.

262 Lire à ce sujet OJONG (T); l'infraction politique en droit pénal camerounais. D.E.A. de droit privé fondamental 2005 université de Douala. 2005.

263 Article 157 et suivants de la loi n°2016/007 portant code pénal.

264 Contrairement au décret n°70/DF/264 relatif à l'unité nationale dont les op.cit

265 ABA'A OYONO (J-C) « fondements constitutionnels du droit administratif camerounais(...) », op.cit. p.16.

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prévaut même dans l'hypothèse de l'exercice licite des manifestations. Garantissant ainsi à travers la répression des libertés, la préservation de l'autorité de l'État mais également une protection renforcée du service public.

B- La répression des atteintes au fonctionnement du service public.

Le service publique peut être appréhendé tant au sens matériel qu'au sens formel. Dans son sens matériel, il désigne toute activité destinée à satisfaire à un besoin d'intérêt général.266 Au sens formel le terme renvoie à un l'ensemble organisé de moyens matériels et humains mis en oeuvre par l'État ou une collectivité publique en vue de l'exécution de ses tâches.267 Outre mesure, les services Publics dont il est question ici sont généralement considérés par la doctrine comme la base de l'État et sa raison d'être268. Vu de la sorte, l'exercice des libertés publiques ne devrait en aucune façon nuire au fonctionnement des services publics. Cela dit, la protection du service public implique également la préservation des moyens dont il dispose dans la réalisation de ses missions.269

C'est sur la base de telles considérations que s'expliquerait alors la tendance de la police administrative à favoriser la prééminence de la continuité des services publics par rapport aux libertés publiques ; et le fort déploiement des forces de police lors des mouvements de grève, non pas pour la sécurité des personnes, mais davantage pour la sauvegarde du service public contre les atteintes susceptibles de le compromettre.270 Cette réalité correspond alors à l'axiome selon lequel « le service public justifie toute extension de l'État et toute restriction des libertés ».271

En droit camerounais, du moins au plan textuel, cette protection du service public contre toute atteinte est mise en oeuvre dans le code pénal qui incrimine les troubles dans le service272 et prévoit à cet effet une peine d'emprisonnement de six jours à un mois ou d'une amende de

266 Lexique des termes juridiques, 25e éd., Dalloz, Paris, 2017-2018.

267 Idem

268 KERKATLY (Y) ; Le juge administratif et les libertés publiques en droits libanais et français. Thèse pour obtenir le grade de docteur de l'université de Grenoble. 5 novembre 2013. P.281

269 Il s'agit notamment des infrastructures et ouvrages publics qui sont souvent en proie à des actes de dégradation lors des mouvements de grève

270 KERKATLY (Y) ; idem. p.280

271 DELVOLVE (P), « Service public et libertés publiques », RFDA1985, cité par BOYER-CAPELLE (C), le service public et la garantie des libertés ; thèse en vue de l'obtention du grade de docteur à l'université de Limoges ; P.11.

272 Article 185 de la loi n°2016/007 portant code pénal

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mille à cinquante mille francs pour celui qui trouble le fonctionnement d'un service auquel il est étranger.

Également, dans la même perspective, le législateur prévoit que les actes de dégradation de destruction ou de vandalisme, notamment qui pourraient survenir lors des manifestations constituent des infractions réprimées dans l'article 187 du code pénal qui dispose : « est puni d'un emprisonnement de un(01) mois à deux (02) ans et d'une peine d'amende de vingt mille (120 000) francs celui qui détruit ou dégrade soit un monument, statue ou autre bien destiné à l'utilité public ou à la décoration publique et élevé par l'autorité publique ou avec son autorisation soit un immeuble, objet mobilier, monument naturel, ou site inscrit ou classé. » tout bien considéré, il ressort à la lecture de cette disposition que le législateur se pose ici en défenseur des intérêts de l'État et en protecteur du bien public.

Une telle attitude du législateur se conforte davantage au regard de l'article 116(a) du code pénal qui démontre une fois de trop la posture sanctionnatrice du législateur vis-à-vis des libertés. En effet aux termes de cette disposition, l'on relève que les peines encourues en matière de destruction ou de dégradation peuvent être aggravées273 lorsque les infractions en question sont considérées comme relevant de l'insurrection274.

Il parait donc clair que l'exercice des manifestations, mêmes celles organisées licitement, doivent se dérouler dans un cadre restreint, minimal qui ne soit pas de nature à porter atteinte à l'ordre, encore moins au fonctionnement du service public. C'est donc à retenir en fin de compte que la règlementation au Cameroun en matière de rassemblements publics du moins ceux organisés licitement ; est véritablement stricte et fortement restrictive. Que dire alors des manifestations illicites ? C'est-à-dire organisées dans l'irrespect de la règlementation en vigueur.

Paragraphe 2 : la répression des rassemblements illicites.

La répression des rassemblements illicites au Cameroun se caractérise par un éventail de sanctions diverses visant à réprimer l'organisation illicites des manifestations publiques. (A) Dans cette logique sanctionnatrice, le législateur offre aux autorités la possibilité d'étendre la répression des rassemblements illicites à des infractions relativement graves et dont le régime se veut davantage coercitif. (B)

273 Les peines encourues sont de 10 à 20 ans d'emprisonnement. Article 116 de la loi n°2016/007, op.cit.

274 Article 116 de la loi n°2016/007 op.cit.

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A- les sanctions relatives à l'exercice illégal des manifestations publiques.

La liberté de manifester en droit public camerounais représente au sens du professeur Brusil Metou, « une liberté strictement encadrée et contrôlée ».275 Cet encadrement se révèle d'autant plus rigoureux au regard des sanctions relatives à l'inobservation des obligations légales qui conditionnent le déroulement des manifestations publiques. À cet effet, de manière générale dans l'ordre juridique camerounais, les textes organisant les libertés publiques comportent dans certains cas et ce systématiquement,276 des dispositions réservées aux sanctions ou à la répression des infractions commises en violation desdits textes. Dans d'autres cas, « lorsqu'ils n'organisent pas eux-mêmes leur système de répression, ils établissent une cloison avec le code pénal. »277C'est ainsi qu'en matière de répression des manifestations spontanées, c'est-à-dire organisées sans le dépôt préalable d'une déclaration ou alors en dépit d'une notification expresse d'interdiction ; le législateur prévoit notamment dans la loi n°90/055 du 19 décembre 1990, un chapitre intitulé « des dispositions pénales et diverses ». En effet, ce chapitre traite de la sanction des manifestations organisées illicitement en reprenant presque littéralement les dispositions du code pénal.278

D'entrée de jeux l'article 9 de la loi régissant les réunions et manifestations publiques reprendra à son compte l'article 281 alinéa 1 du code pénal qui dispose : « est puni d'un emprisonnement de quinze (15) jours à six (6) mois et d'une amende de cinq mille (5000) à cent mille (100.000) celui qui :

a) participe à l'organisation d`une réunion publique qui n'a pas été préalablement déclarée ;

b) fait une déclaration de nature à tromper les autorités publiques sur les conditions ou l'objet de la réunion ;

c) avant le dépôt de la déclaration préalable ou après interdiction légale d'une manifestation, adresse par quelques moyens que ce soit, une convocation à y prendre part ;

d) fait une déclaration incomplète ou inexacte de nature à tromper sur les conditions de la manifestation projetée. »

En substance au terme de la lecture de cette disposition, il en ressort que l'État camerounais par l'entremise du législateur, entend véritablement condamner non seulement les

275 BRUSIL METOU « vingt années de contentieux des libertés publiques au Cameroun. » ; op.cit. P.275

276 Ibid.

277 Ibid.

278 Article 231 de la loi n°2016/007 portant code pénal, op.cit.

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irrégularités dans l'effectuation de la déclaration en amont ; mais également, la participation à des manifestations non déclarées ou formellement interdites en avale. Toujours dans ce sens, l'alinéa 2279 du même article dispose que les organisateurs des manifestations non déclarées ou interdites sont passibles des mêmes peines susmentionnées dans l'alinéa 1.

L'article 231-1 du code pénal va plus loin encore dans la répression en sanctionnant les manifestations à caractère politique exercées dans l'enceinte des établissements publiques ainsi que dans les milieux éducatifs à l'instar des établissements scolaires et universitaires. C'est donc à dire en fin de compte que le régime des manifestations publiques au Cameroun est in extenso rigoureux. Cela dit, s'il n'est plus possible de douter plus d'un siècle après Clémenceau de l'existence de la réalité d'un droit de manifester, l'on pourrait cependant s'interroger au Cameroun en ce qui concerne la « tolérance de manifestation » ;280 surtout lorsqu'il s'agit des manifestations à caractère revendicatifs ou contestataires,281 face auxquelles les autorités n'hésitent pas à étendre la propension répressive de la législation camerounaise vis-à-vis des libertés publiques.

B- L'extension dans la répression des rassemblements illicites.

Les mouvements contestataires, dans les régimes autoritaires sont très généralement assimilés à tort ou à raison à des bandes armées, (1) des mouvements insurrectionnels, ou des attroupements et de ce fait sont soumis à des sanctions lourdes. (2) cela notamment du fait du législateur qui en offre les moyens aux autorités étatiques.

1- la répression des bandes armées.

L'article 115 du code pénal282 camerounais dispose : « est puni d'un emprisonnement de 10 à 20ans (toute personne) ayant seulement participé à la réunion des bandes armées. » À l'analyse de cette disposition, le problème qui se pose aux premiers abords est celui de la définition même de la notion de bande armée. À cet effet le texte prévoit que « constitue une bande armée (...) tout rassemblement d'au moins cinq personnes dont l'une au moins est porteuse d'une arme apparente ou cachée.» A ce niveau encore la frontière parait très mince

279 Article 281alinéa 2 du code pénal repris par l'article 10 de la loi n°90/055 du 19 décembre 1990 portant régime des réunions et manifestations publiques.

280 En effet CLEMENCEAU (G), s'interrogeait en 1907 sur l'existence d'un droit de manifester en ces termes « je ne suis pas bien sûr qu'il existe un droit de manifestation, mais je suis d'avis cependant qu'il peut et doit y avoir une tolérance de manifestation. » ; lire à ce propos GUILLUY (T), « la liberté de manifestation, un droit introuvable ? » op.cit. ; p.499

281 Cf. infra (la partie concernant la rupture d'égalité dans l'activité de police administrative)

282 Loi n°2016/007 du 12 juillet 2016 portant code pénal ; op.cit.

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entre les bandes armées et les mouvements de grèves et manifestations publiques. Ceci dans la mesure où une manifestation peut rassembler un grand nombre de participants, mobiliser un nombre important de protestataires d'origines différentes ; et il suffirait ainsi qu'un seul individu, participant ou non pour peu qu'il soit à titre personnel porteur d'une arme, suffise à changer le régime ou le statut de manifestation à celui de bande armée. Pourtant, les articles 237 et 238 du même code pénal répriment déjà à titre individuel la détention illégale d'arme. C'est donc pour ainsi dire que lorsque l'on est en présence des cas isolés de port illégal d'arme, il conviendrait de sanctionner le contrevenant sans que la liberté de manifestation n'en pâtisse.

Si aucune contestation ne se pose en ce qui concerne la condamnation relative au port illégal des armes à feux et des armes blanches, là où le bât blesse283 véritablement c'est au niveau de la définition que le législateur de manière générale prévoit dans le code pénal. En effet l'article 117 dispose : « (...) sont considérés comme armes tous les objets portés avec l'intention de causer des dommages corporels ou matériels » le danger d'une telle disposition est qu'elle consacre à l'égard de l'autorité de police un pouvoir d'appréciation et de décision trop important, et même à la limite exorbitant. En effet il lui revient lors d'une manifestation de déterminer si tel ou tel objet peut être considéré comme arme susceptible de « causer des dommage corporels ou matériels ». À l'aune de quoi mesure t'on l'intention de nuire sinon lorsque le dommage a déjà été causé ? Vu de la sorte, tout objet pourrait potentiellement être assimilé à une arme lorsque l'autorité estime que son porteur manifeste l'intention de s'en servir dans le but de commettre une infraction. En tout état de cause, au regard de cette « structure permissive du droit »284 occasionnée à travers la définition ambiguë, incertaine des notions ou infractions contenues dans le code pénal, Les mouvements de grèves ou manifestations contestataires ne sont pas à l'abri de la riposte répressive de l'autorité administrative. Que dire alors de la répression des attroupements et des mouvements insurrectionnels ?

2- la répression des attroupements et des mouvements insurrectionnels.

Du latin « insurrectus » qui veut dire s'est soulevé, l'insurrection désigne de manière générale un soulèvement, une rébellion de la masse populaire contre l'État le régime ou le pouvoir politique établi285. Initialement considérée comme « un droit naturel et

283 Expression utilisée par le professeur ABA'A OYONO (J-C) dans « les fondements constitutionnels du droit administratif (...) » p.16

284 FUNK (A) ; « Police militarisée » : une notion ambiguë. In: Déviance et société. 1992 - Vol. 16 - N°4 p.394

285 La notion d'insurrection est inconnue du lexique des termes juridique. Lire MBAHEA JOSEPH MARCEL II le régime juridique de l'insurrection : une étude des cas libyens et syrien.

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imprescriptible »286, et bien plus encore comme « le plus indispensable des devoirs »287, lorsque le gouvernement viole des droits du peuple ; cette notion sera au fil du temps retirée des textes internationaux et de ce fait cessera d'être considéré comme un droit de l'homme en raison de ce qu'elle de plus en plus était considérée comme un facteur d'instabilité et de désordre susceptible de fragiliser l'intégrité de l'État et de ses institutions. Ce qui naguère était considéré comme un droit de l'homme se présente aujourd'hui comme une atteinte à l'ordre constitutionnel, une infraction qualifiée d'hostilité contre l'État.

En droit camerounais, le législateur ne définit pas expressément le terme insurrection288 ; c'est donc en ayant recours au droit comparé, notamment celui appliqué en France que l'on pourra définir un mouvement insurrectionnel comme « toute violence collective de nature à mettre en péril les institutions de la république ou porter atteinte à l'intégrité territoriale (...)»289 l'absence ou du moins le floue qui caractérise la notion et dans une certaine mesure L'incrimination de l'insurrection en droit camerounais fait d'elle une arme aux mains du pouvoir politique, un motif ou un instrument de nature à justifier voire légitimer le durcissement des pratiques policières et du dispositif répressif à l'égard des mouvements contestataires exercés contre l'autorité étatique. L'un des exemples les plus récents est justement l'arrestation des partisans du M.R.C et de leurs leaders à la suite de manifestations qualifiées de « marches blanches" organisées le 26 janvier 2019, à la faveur de la crise postélectorale d'octobre 2018.290 Parmi les chefs d'accusations qui étaient retenus contre ces derniers figuraient entre autres l'acte d'insurrection et l'incitation à l'insurrection. Partant de cela, le constat est clair : la frontière entre l'exercice ou l'expression collective des libertés, et les mouvements insurrectionnels est incertaine, compte tenu du reflexe291 des autorités administratives caractérisé par la mise à l'écart des voix dissidentes. Ce constat s'étend également dans la répression des attroupements.

En effet, en ce qui concerne la répression des attroupements, convient-il au préalable que nous définissions la notion d'attroupement. Celle-ci en réalité peut être définie au sens de G. Burdeau comme toute réunion de personnes en rébellion délibérée contre l'autorité.292 Le

286 Article 2 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789

287 Confère la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1793

288 L'article 116 de la loi n°2016/007 du 12 juillet 2016 portant code pénal au Cameroun est porte sur l'insurrection. Seulement le législateur de définit point la notion ; il se contente tout au plus à réprimer un certain nombre d'infractions spécifiques commis dans le cadre d'un mouvement insurrectionnel.

289 Article 412-3 du code pénal français.

290 Camerountribune.com publié le 20 mars 2019.

291 ABANE ENGOLO (P); « existe-t-il un droit administratif camerounais ? » op.cit. p.29.

292 BURDEAU (G); Les libertés publiques op.cit. p.308.

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code pénal camerounais quant à lui définit l'attroupement comme « toute réunion sur la voie publique d'au moins cinq personnes de nature à troubler la paix publique. »293 À ce niveau généralement, il n'est pas rare qu'en pratique les notions d'attroupement et de manifestations publiques se confondent. M. Thibault Guilluy ira même jusqu'à définir une manifestation comme « une forme d'attroupement sur la voie publique »294. C'est donc à dire que la différence ici est mince entre ces deux notions ; et c'est généralement écrira G. Burdeau, à l'aune de « l'élément délictuel »295 que l'attroupement se détermine. Il y'a par exemple attroupement en cas de refus d'obéir de la part des manifestants à la première injonction de dispersion de l'autorité de police296. L'infraction est d'autant plus aggravée lorsque les manifestants demeurent dans l'attroupement jusqu'à la dispersion par la force297 ou encore lorsque les attroupements ont un caractère armé.298

En tout état de cause, au regard de la batterie de textes à caractère répressif qui encadrent de manière générale l'exercice des libertés publiques au Cameroun, le constat est clair : « il est au (Cameroun) plus un ordre de limitation des libertés qu'un ordre de protection de ces libertés »299

293 Article 232 de la loi n°2016/007 portant code pénal au Cameroun op.cit.

294 GUILLUY (T) ; «« la liberté de manifestation, un droit introuvable ? » op. cit.p.499

295 BURDEAU (G) ; Les libertés publiques op.cit. p.213.

296 Article 232 alinéa 2 du code pénal ; op.cit

297 Article 232 alinéa 3 du code pénal ; op.cit

298 Article 233 du code pénal ; op.cit

299 BEYEGUE BOULOUMEGUE (E). « La persistance de l'idéologie de construction nationale en matière de police administrative » op.cit. p.308

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE.

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L'analyse des réformes relatives aux libertés publiques au Cameroun témoigne de son adhésion (du moins de la volonté d'y adhérer) ; aux principes de l'État de droit depuis la mouvance de démocratisation des années 1990 observée dans les pays d'Afrique noire francophone. Cela s'est traduit par une avancée dans la concrétisation et même la garantie des libertés publiques. Seulement, cette démarche ne s'est pas faite sans un certain nombre de vicissitudes qui rendent encore difficile l'exercice de certaines libertés au Cameroun. Cela dit, la règlementation des libertés publiques de manière générale reste encore véritablement restrictive.

En effet, si les textes aux premiers abords donnent l'impression de garantir la jouissance et même l'exercice des libertés publiques au Cameroun, paradoxalement, ceux-ci érigent des butoirs liberticides,300 tels que l'ordre public ou l'intérêt supérieur de l'État ; grâce auxquels l'administration bafoue un certain nombre de libertés. À titre d'illustration, si d'un côté l'exercice de la grève semble jouir d'une garantie constitutionnelle, à l'inverse d'un autre côté la mise en oeuvre de celle-ci se heurte en pratique et ce systématiquement à un système restrictif voire coercitif. Les libertés publiques se trouvant ainsi malmenés dans un mouvement paradoxal particulièrement déstabilisant.301

Une telle réalité rend véritablement imprévisible le droit des libertés publiques au Cameroun. Or, comme le souligne si bien P. Malaurie, un droit imprévisible devient alors l'instrument de l'arbitraire.302 Vu de la sorte, l'on aboutit alors inévitablement à une inflation des pouvoirs discrétionnaires des autorités en matière de police administrative, au grand dam des libertés publiques.

300 ABA'A OYONO (J-C), « les fondements constitutionnels du droit administratif (...) » ; op.cit. p.16.

301 ROUDIER (K), « La liberté de manifestation aujourd'hui en Italie. Quels problèmes, quelles perspectives « op.cit., P.58.

302 MALAURIE (P) « l'intelligibilité des lois » ; op.cit., p.131.

DEUXIEME PARTIE: L'INFLATION DES POUVOIRS DISCRETIONNAIRES DES AUTORITES DE POLICE ADMINISTRATIVE.

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Les différentes zones d'ombres de la législation camerounaises en matière de gestion administrative des tensions sociales, doublée de la recherche obsessionnelle de la sauvegarde de l'intérêt de l'État vont contribuer à renforcer de manière significative le champ d'action des autorités de police en matière de maintien de l'ordre ; et surtout, comme on le verra plus loin face à la résurgence des questions sécuritaires.

À cet égard, comme le relève le professeur L. Guessele Isseme l'on aboutit alors forcément à une situation dans laquelle « les pouvoirs qui sont reconnus (...) aux autorités en matière de police, leur donne la latitude d'assurer le maintien de l'ordre public sans aucune limite303 ». « En d'autres termes les compétences de police administrative deviennent illimitées et ne connaissent plus l'obstacle des droits et libertés des citoyens.»304 Or, du pouvoir discrétionnaire à l'arbitraire, il n'y'a qu'un pas étant donné que ce dernier s'appréhende comme le « pouvoir absolu dont les décisions ne sont soumises qu'aux caprices de ses détenteurs », « qui n'est pas le résultat de l'application d'une règle existante mais le produit d'une volonté libre »305, souvent à « caractère injuste. »306 C'est fort de cette situation que l'inflation des compétences de police administrative se manifeste dès lors par l'instrumentalisation des pouvoirs de police (chapitre I) en face desquels les organes de contrôle semblent manifestement inopérants (chapitre II).

303 GUESSELE ISSEME (L) l'apport de la cour suprême au droit administratif camerounais, op.cit., p.503.

304 Idem.

305 CHAUVET CLEMENT, « Arbitraire et discrétionnaire en droit administratif », dans : Gilles J. GUGLIELMI éd., La faveur et le droit. Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, « Hors collection », 2009, p. 335-355.

306 Idem.

CHAPITRE I: L'INSTRUMENTALISATION DES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE.

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En vertu du pouvoir général qui leur appartient d'assurer le bon ordre, les autorités de police peuvent intervenir dans le domaine d'une liberté quelconque sans avoir à y être autorisés307 ; ni sans que cela ne requiert le consentement des administrés destinataires des décisions. Quoiqu'il en soit, les pouvoirs des autorités de police administrative doivent s'exercer dans le cadre du respect de la légalité et de l'intérêt général.

Dans l'ordre juridique camerounais, l'étendue des pouvoirs de police administrative semble en proie à des manipulations et instrumentalisation diverses. Ce postulat s'observe non seulement à l'analyse du détournement des pouvoirs de police administrative par les pouvoirs publics. (Section I) mais également au regard des préoccupations sécuritaires, qui de manière insidieuse justifieront l'orientation sécuritaire de la police administrative. (Section II)

SECTION I: LE DETOURNEMENT DES POUVOIRS DE POLICE

ADMINISTRATIVE.

Les pouvoirs sont attribués à l'administration dans un but bien déterminé. Le détournement de pouvoir existe ainsi lorsqu'une autorité administrative use de ses pouvoirs à des fins autres que celles pour lesquelles ils lui ont été conférés.308Ainsi, si en matière de police administrative, les pouvoirs reconnus aux autorités sont en principe destinés au maintien, de l'ordre public ; force est de constater un usage de plus en plus dévoyé de l'ordre public, qui au-delà des considérations juridiques aboutit à une politisation de la notion d'ordre public. Or si l'ordre public est la raison d'être, le motif nécessaire et obligatoire de la police administrative,309 et si comme le relève le professeur J. D.N. Atemengue, la politisation de la notion d'ordre public débouche sur la politisation du droit lui-même,310 alors aboutit-on forcément à une politisation de la police administrative.

307 BURDEAU (G), Les libertés publiques ; op.cit. p.41

308 DEBBASCH (C) et RICCI (J-C) Contentieux administratif ; op.cit. p. 602

309 MOREAU (J), Polices administratives : Théorie générale, juris-classeur administratif (JCA) Fasc.200, 11. 1985, p. 9-10. Cité par ATEMENGUE (JDN) « le pouvoir de police du président de la république » op.cit. p.83 ;

310 ATEMENGUE (J.D.N); la police administrative au Cameroun ; op.cit. p.91

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C'est suivant cette logique que l'on assiste dans l'ordre juridique camerounais à une extension voire un détournement du champ d'action des pouvoirs de police administrative, tantôt en dehors du cadre tel que défini (P1) par les prescriptions légales tantôt au-delà même de la règlementation en vigueur. (P2)

Paragraphe 1 : l'utilisation des pouvoirs de police en dehors des prescriptions légales.

La fonction instrumentale de la police administrative au Cameroun se situe en dehors même de toutes considérations juridiques. Cela s'illustre véritablement au regard de son utilisation dans la préservation du pouvoir politique (A) d'une part, et au regard de son déploiement dans l'annihilation de la protestation politique d'autre part (B).

A-La police administrative : instrument de préservation du pouvoir politique.

Le constitutionnalisme africain est orienté vers un impératif de pérennisation et d'intangibilité des détenteurs du pouvoir311. Cette logique de pérennisation du « chef de l'État » est liée à la nature profonde du présidentialisme africain en général et camerounais en particulier. C'est ce que le professeur Maurice Kamto qualifie de monocentrisme présidentiel312. En effet suivant cette perspective, les pouvoirs publics auront naturellement tendance à « ne supporter d'être sous la menace d'une révocation alors même qu'une grande partie de leur puissance vient de leur intangibilité.»313 La police administrative apparait ainsi aux mains du pouvoir politique comme un instrument indispensable voire capital.

En effet, au Cameroun le président de la république définit la politique de la nation,314 oriente Les objectifs de l'administration dont la plupart des agents tiennent leurs fonctions de lui. Cette posture de « chef de l'administration »315 du président de la république crée à l'égard de l'administration de manière générale, un devoir de loyalisme politique316. Cela se justifie notamment au regard de l'article 8 de la constitution selon lequel le président de la république détient à leur égard un pouvoir discrétionnaire de nomination317 et a fortiori de révocation. Au vu de Cela l'on en vient à constater une fois de plus que l'action administrative notamment en matière de police est inéluctablement conditionnée par l'intérêt supérieur de l'État ou pour

311 KAMTO (M) pouvoir et droit en Afrique noire ; op.cit. p.456

312 Ibid.

313 Idem.

314 Article 11 de la constitution camerounaise de 1996.

315 Pour amples développement, lire ABANE ENGOLO (P) ; « existe-t-il un droit administratif camerounais ? » ; op.cit. p.20

316 GOHIN (O), SORBARA (J-G) ; Institutions administratives op. cit. p.33

317 Article 8 alinéa 10 de la constitution de 1996

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être plus exacte, du président de la république. C'est donc fort de ce loyalisme politique caractérisé entre autres par une obligation de conformité vis-à-vis du supérieur hiérarchique que l'administration est instrumentalisée de manière à assurer un renforcement ou une pérennisation du pouvoir auquel il est idéologiquement subjugué. Pourtant, comme le soulignait le grand sociologue Max Weber, « le véritable fonctionnaire ne doit pas faire de politique il doit administrer avant tout de façon non partisane. Il doit s'acquitter de sa tache sans ressentiment et sans partis pris. »318

Dans un tel contexte, la garantie des libertés publiques ne se présente pas forcement comme un objectif prioritaire ; ce qui est recherché, écrira le professeur Gérard Conac « c'est la continuité et non l'alternance, la plénitude et non l'équilibre. »319 C'est dans cette perspective de pérennisation du pouvoir politique que la police administrative sera naturellement instrumentalisée dans l'annihilation des protestations politiques.

B- La police administrative : instrument d'annihilation des protestations politiques.

Bien des penseurs de la doctrine publiciste postulent que La consolidation du pouvoir politique en Afrique trouve son fondement dans une posture essentialiste320, voire apathique321 des administrés relativement à la revendication de leurs droits322. En effet, suivant ce raisonnement, les africains et par contre coup les camerounais, à l'opposé des populations occidentales et françaises notamment, n'ont pas véritablement intégré la pratique contestataire ou revendicative dans leurs mentalités ou dans leur culture. Le professeur Abane E. écrira justement que les « africain(s) et partant le(s) camerounais (...) se contente(nt) du strict minimum, (...) ils ne vont pas revendiquer ce que les autres estiment qu'ils devraient avoir. »

En réalité, cette conception peut être relativisée lorsque l'on s'intéresse in concreto au-delà des considérations d'ordre psychologiques et culturelles, à l'environnement politique qui favorise cette abstention des populations dans l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux. L'une des explications les plus saillantes se trouve notamment dans cette

318 WEBER (M) cité par GOHIN administratives op.cit. p.34

319 CONAC (G) cité par KAMTO (M) Pouvoir et droit en Afrique noire ; op.cit. p

320 ABANE ENGOLO (P) « existe-t-il un droit administratif camerounais ? » op. cit.p.22.

321 KAMTO (P) ; Pouvoir et droit en Afrique noire ; op.cit. p.443

322 Idem.

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logique observée chez les leaders africains à ne tolérer sur aucun point la contestation, la critique,323 au risque que leur autorité n'en pâtisse.

En effet, Malgré les mutations idéologiques et le renouveau démocratique entamés depuis les années 1990 dans le constitutionnalisme africain, les États ont conservé des relents autoritaires marqués par une certaine hostilité vis-à-vis des libertés publiques. Le Cameroun s'inscrit fortement dans ce sillage. Ainsi, depuis toujours et c'est toujours le cas à l'heure actuelle324, le pouvoir politique entend user de tous les moyens dont il dispose y compris la machine administrative en vue de comprimer les velléités contestataires et faire ainsi taire la dissidence. À cet effet l'activité de police administrative devient une occasion pour les pouvoirs publics de réduire au silence la contestation politique à travers des opérations de maintien de l'ordre qui se transforment en démonstration de force notamment lors des manifestations publiques. En effet, les mouvements protestataires exercés à l'endroit du pouvoir en place se heurtent de manière systématique à une riposte violente et démesurée des forces de l'ordre325.

Vu de la sorte, quand bien même les libertés publiques sont consacrées, celles-ci sont constamment remises en cause lorsqu'elles se confrontent à une organisation administrative dissuasive dont le caractère autoritaire n'est plus à démontrer. Cet autoritarisme va d'ailleurs grandissant lorsque les pouvoirs de police sont mis en oeuvre au-delà des cadres et proportions légaux.

Paragraphe 2 : l'extension des pouvoirs de police au-delà des prescriptions légales.

La préoccupation première de la police administrative face aux libertés est selon G. Burdeau326 de s'assurer de l'exercice ou de l'usage desdites libertés sans que celles-ci ne compromettent l'ordre public. En droit camerounais de telles considérations n'entrent pas forcément dans la logique des autorités de police administrative. En effet, s'il est des règles qui régissent l'exercice des libertés publiques au Cameroun, force est de s'apercevoir dans la pratique une attitude récalcitrante de certaines autorités de police qui, passant outre le cadre

323 Idem p.456

324 C'est justement l'une des illustrations de la résurgence de l'idéologie de la construction nationale démontrée par BEYEGUE BOULOUMEGUE M. dans l'article intitulé « la persistance de l'idéologie de construction de l'unité nationale en matière de police administrative. »

325 BEYEGUE BOULOUMEGUE M. parle à cet effet d'une hypertrophie des instruments de puissance publique dans l'armature institutionnelle chargée d'assurer le maintien de l'ordre. Lire à ce propos « la persistance de l'idéologie de construction de l'unité nationale en matière de police administrative. » in ONDOA (M) et ABANE ENGOLO (P) ; de du droit administratif camerounais. Yaoundé, l'Harmattan CERCAF.

326 BURDEAU (G), Les libertés publiques op.cit. p.30

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réglementaire persistent à limiter l'exercice desdites libertés. C'est ainsi que l'on observe chez les pouvoirs publics une tendance générale qui se caractérise par l'instauration de facto d'un régime de police (A) et la rupture d'égalité dans l'activité de police administrative(B).

A- L'instauration de facto d'un régime de police.

Comme le relevait Georges Burdeau, « en face des libertés publiques, l'État peut adopter deux attitudes : la répression ou la prévention. »327 C'est donc à dire en d'autres termes qu'il existe en principe deux régimes relatifs à la règlementation des libertés publiques. Il s'agit du régime répressif d'une part que l'on assimile généralement au régime de droit ; et d'autre part du régime préventif très souvent qualifié de régime de police.

En effet, il y'a régime répressif lorsque « l'État laisse le citoyen libre d'agir selon sa propre détermination quitte à l'obliger à subir les conséquences de ses actes s'ils sont contraires au droit. »328 dans cette hypothèse, précisera G. Burdeau, « l'individu aura été libre d'agir, mais l'usage maladroit ou malfaisant qu'il aura fait de sa liberté l'exposera à des sanctions et à l'obligation de réparer le dommage qu'il aura causé. »329

Par ailleurs, il y'a régime préventif lorsque l'autorité vise à empêcher préventivement les abus dans l'exercice des libertés publiques. C'est un régime qui organise l'exercice des libertés autour de deux modalités, à savoir l'autorisation et l'interdiction330. Cela dit, ce régime est par nature contraire à l'idée même de liberté, puisqu'on est libre seulement si on est autorisé à l'être.331 Autrement dit, cela signifie que les libertés ne s'exercent en principe qu'après la permission de l'autorité, de manière à déconsidérer l'axiome selon lequel « ce qui n'est interdit est permis. » il va de soi que des deux régimes sus présentés c'est le premier qui est le plus favorable à la jouissance des libertés publiques ; dans la mesure où il « laisse libre champs » à l'individu dans l'exercice de ses libertés en engageant pleinement sa responsabilité. C'est donc selon qu'il s'agit de l'un ou de l'autre régime que les manifestations publiques sont organisées autour des modalités que sont la déclaration préalable et l'autorisation.

Dans l'ordre juridique camerounais, du moins au plan textuel depuis les réformes des années 1990, c'est le régime répressif qui est observé dans l'exercice des libertés. Seulement,

327Ibid. p.45.

328 Idem. P.30

329 Ibid.

330 METOU (B-M) ; « vingt ans de contentieux des libertés publiques au Cameroun »,op cit. p.272

331 ALCARAZ (H) ; « La liberté de manifestation dans l'espace public en Espagne »op.cit. p.10

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à bien observer, il se trouve que dans la pratique, il est un usage dévoyé des pouvoirs de police administrative au Cameroun à tel point que l'exercice des libertés à l'instar des manifestations est presque toujours subordonnée à l'intervention permissive des autorités publiques. Cela dit, si la déclaration est dans son principe un avis, une simple communication préalable à l'autorité administrative compétente de l'intention de manifester332, elle s'avère être en pratique assimilée à une « demande d'autorisation ». Il se crée alors un véritable amalgame relatif à l'exercice des libertés. Certaines autorités se prêtent au jeu lorsqu'elles utilisent souvent et ce à contresens des formules tels que « manifestations non autorisées » ou « sans autorisation ». Cette confusion volontaire pour certains333 ou involontaire pour d'autres334 rend davantage complexe l'exercice des libertés publiques au Cameroun. L'on est bien forcé de convenir avec Jean Rivero et Hugues Moutouh lorsqu'ils soulignent que « si le régime répressif est en général considéré comme le plus favorable aux libertés, les modalités selon lesquels il est susceptible d'être aménagé peuvent faire varier ou même faire disparaitre sa valeur libérale. »335 Ce constat se veut plus frappant lorsque l'activité de police administrative devient partisane.

B- La rupture d'égalité dans l'activité de police administrative.

Il est incontestablement reconnu tant en droit international à travers l'adoption des grands textes internationaux, qu'en droit interne notamment dans les constitutions des États336 que la garantie des droits et libertés fondamentaux doit être assurée conjointement avec le principe d'égalité. En d'autres termes les citoyens placés dans les mêmes situations doivent bénéficier des mêmes droits et être soumis aux mêmes obligations sans considérations de leurs origines ou de leurs croyances.337 Dans ces conditions, en analysant ce postulat sous l'angle des manifestations publiques, il en résulte que toute discrimination en fonction du contenu ou du message que les promoteurs desdites manifestations entendent transmettre est de ce fait illégale. Un tel énoncé normatif ne peut que laisser entrevoir un cadre idéal relatif à l'épanouissement des libertés.

332Idem. P.12

333 Ce qui constitue alors une violation ostensible et délibérée de la loi par les autorités de manière à porter gravement atteinte aux libertés des citoyens

334 Cela s'explique par une insuffisance ou un manque de culture juridique au sein des populations mais également de certaines autorités.

335 RIVERO (J) et MOUTOUH (H) : Les libertés publiques ; cité par MOKNI (H.B); op.cit. p.190

336 Lire le préambule de la constitution camerounaise de 1996.

337 Lexique des termes juridiques op.cit.

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Pourtant, la réalité semble toute autre. Lorsque l'on analyse l'aménagement de l'exercice des libertés publiques dans l'ordre juridique camerounais l'on est bien tenté de reprendre ces propos du professeur Aba'a Oyono qui illustrent parfaitement l'attitude de l'administration face à certaines libertés à l'instar des manifestations publiques. Cela dit, « comment comprendre et expliquer qu'en dépit d'une pareille batterie constitutionnelle, (...) (persiste) ce réflexe des autorités administratives visant à autoriser les manifestations en faveur du régime en place et à l'opposé à interdire toutes celles qui tendent à exprimer le ras-le-bol citoyen contre le management des autorités centrales de l'État ? »338 C'est donc à dire en effet qu'il y'a un encadrement « deux poids deux mesures » de l'exercice des libertés au Cameroun. L'on constate ainsi d'une part une tendance à la tolérance administrative pour les manifestations considérées comme quasi-inoffensives339 voire partisanes à l'égard du pouvoir;340 et d'autres part, une forte propension à la répression, à la restriction voire à la suppression lorsqu'il s'agit des rassemblements dont le contenu est jugé nuisible341 pour les pouvoirs publics.

En fin de compte, comme l'explique le professeur Karine Roudier il s'agit ici d'une intrusion étatique dans le « pourquoi » de la manifestation, c'est-à-dire le message qu'elle porte, de manière à entrer en collision avec la règlementation en vigueur qui ne conçoit une limitation qu'en fonction du « comment », c'est-à-dire les troubles potentiels à l'ordre public342. Un tel état des choses témoigne assurément de la dérive autoritaire de la police administrative au Cameroun. Cela est d'autant plus perceptible et plus accru en raison de l'orientation sécuritaire qui dans son essence renforce la vocation liberticide de la police administrative

SECTION II : L'ORIENTATION SECURITAIRE DE LA POLICE ADMINISTRATIVE.

La sécurité est « un concept ambigu», c'est une notion dont l'étude mérite un certain nombre de précisions. En effet, l'absence de guerre, la poursuite des intérêts nationaux, la protection de valeurs fondamentales, l'amélioration des conditions de vie entre autres sont

338 ABA'A OYONO (J-C), « les fondements constitutionnels du droit administratif (...) » ; op.cit. p.16

339 METOU (B M) ; « vingt ans de contentieux des libertés publiques au Cameroun », op.cit. p.273

340 Manifestation en soutien au président de la république contre les ingérences françaises organisée devant l'ambassade de France au Cameroun. Consulter à ce propos http:cameroun// www.journalducameroun.com, publié le 24/02/2020 par DJIMADEU (C).

341 METOU (B M) ; « vingt ans de contentieux des libertés publiques au Cameroun », op.cit. p.273

342 ROUDIER (K) ; « La liberté de manifestation aujourd'hui en Italie. Quels problèmes, quelles perspectives ? » Op.cit. P.60.

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autant de variantes du concept de sécurité.343 Nous retiendrons ici la sécurité comme une Situation, un état dans lequel on n'est pas exposé à un danger. Vue de la sorte, elle relève en principe de la compétence régalienne de l'État.

L'ordre, l'autorité et la sécurité sont des concepts qui, depuis l'accession du Cameroun à l'indépendance, ont jalonné l'histoire de cet État. Ils ne cessent d'être convoqués, voire magnifiés344. Depuis quelques années la question sécuritaire est évoquée dans tous les discours officiels, en raison notamment du contexte de menace terroriste et autres crises sécuritaires qui prévalent dans le pays en générales et dans certaines régions en particulier.345C'est donc à dire que la question sécuritaire est au coeur des préoccupations des pouvoirs publics qui plus que jamais se disent soucieux de garantir la protection des citoyens. Cependant au-delà de sa réalité ou de sa vocation première, notamment la protection des populations, le concept de sécurité, écrira M. Olivier Shramek, peut servir d'alibi d'étouffement des libertés.346 En effet, très souvent la question sécuritaire fait l'objet de récupérations politiques visant la restriction légitimée des libertés. Ce postulat peut se justifier au regard de la criminalisation des libertés publiques (P1) et de la militarisation de la répression des manifestations publiques. (P2)

Paragraphe 1 : la criminalisation des libertés publiques.

La crise socio-politique ouverte au Cameroun dans une ambiance de paix civile incertaine et tendue vient renforcer l'hostilité des pouvoirs publics à l'égard des libertés.347C'est fort de cela que l'on assiste à un durcissement de la police administrative dans l'encadrement des libertés publiques de manière générale, (A) et davantage encore en ce qui concerne les rassemblements publiques ; de manière à converger vers une neutralisation tous azimuts des libertés.(B)

A- Le durcissement dans l'encadrement des libertés publiques.

La question sécuritaire depuis 2014 occupe une place majeure dans les préoccupations des pouvoirs publics348 eu égards de la recrudescence des ennemis à la fois exogènes

343 BELOMO ESSONO (P.C) L'ordre et la sécurité publics dans la construction de l'État au Cameroun. Op.cit. p.15

344 Idem. P.13

345 Il s'agit notamment du grand nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest généralement appelées régions anglophones et de la région de l'Est.

346 SHRAMEK (O): « Sécurité et libertés », in RFDA 2011, P.1093

347 ATEMENGUE (JDN) ; la police administrative au Cameroun ; op.cit. ; p.98.

348 BELOMO ESSONO (P.C) L'ordre et la sécurité publics dans la construction de l'État au Cameroun. Op.cit. p.12

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qu'endogènes mettant à mal la tranquillité de l'État et de ses institutions. Dans un tel contexte alors marqué par le paradigme de l'ennemi avec pour fil conducteur une logique d'éradication de la dissidence, les libertés publiques de manière générale se verront dès lors considérablement compromises. En effet, face à ces menaces de nature particulière les pouvoirs publics ont opté pour une riposte caractérisée selon M. F. Bikié Roland par la mise entre parenthèse de la mission de l'État de droit pour l'instauration d'un instrument voire une machine destructrice des droits de l'homme349. S'inscrivant dans cette perspective, le législateur camerounais adoptera la loi n°2014/028 portant répression du terrorisme.

L'analyse de la loi de 2014 portant répression du terrorisme soulève un certain nombre d'inquiétudes du point de vue de son impact sur les libertés publiques. En effet l'un des aspects les plus controversés de ce texte de loi porte notamment sur la définition ou plus exactement sur la technique d'incrimination de l'acte de terrorisme. À cet égard comme le relève M. F. Bikié Roland, le législateur camerounais a opté pour « une incrimination fourre-tout »350 de l'infraction terroriste induisant ainsi une véritable incertitude quant à l'étendu même de la notion de terrorisme.

Le texte dispose précisément en son article 2 : « est punit de la peine de mort, celui qui à titre personnel, en complicité ou en co-action, commet tout acte ou menace d'acte susceptible de causer la mort, de mettre en danger l'intégrité physique, d'occasionner des dommages corporels ou matériels, des dommages des ressources naturelles, à l'environnement ou au patrimoine culturel dans l'intention:

a) d'intimider la population, de provoquer une situation de terreur ou de contraindre la victime, le gouvernement et/ou une organisation, nationale ou internationale à accomplir un acte quelconque, à adopter ou à renoncer à une position particulière ou à agir selon certains principes ;

b) de perturber le fonctionnement normal des services publics, la prestation de services essentiels aux populations ou de causer une situation de crise au sein de la population ;

c) de créer une insurrection générale dans le pays. »

D'emblée la lecture de cette disposition pose l'épineux problème de l'équilibre entre droits et libertés fondamentaux, et sécurité. Autrement dit, comment exercer sa liberté sans

349 BIKIE ROLAND (F) « le droit pénal à l'aune du paradigme de l'ennemi », la revue des droits de l'homme en ligne, 2017 http// journals.opedition.org/redh/2789 p.3

350 Idem P.7

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être taxé de terroriste? La question semble trouver tout son sens notamment en ce qui concerne l'exercice des manifestations publiques contestataires. En effet, les manifestations publiques voire les mouvements de grèves sont par essence des droits qui consistent à exercer une pression sur l'élite dirigeante en vue d'obtenir de ces derniers un résultat ou une solution bien déterminée. Ce faisant, leur exercice entraine forcément quelques perturbations des services publiques. À titre illustratif, les grèves récemment observées en France contre la réforme des retraites ont paralysé pendant plusieurs semaines des « services essentiels » voire des secteurs entiers de l'économie française notamment les transports, le tourisme entre autres351. De telles manifestations en droit camerounais pourraient être considérés comme des infractions terroristes au regard de l'article 2 de la loi anti-terroriste de 2014 susmentionnée. Également dans la même perspective, l'exercice des mouvements de grèves peut occasionner quelques fois des débordements entrainant au passage quelques dommages de natures diverses. Or faut-il le préciser, ces infractions relevant de l'exercice abusif des grèves et manifestations publiques sont déjà prévues notamment dans le code pénal et même dans la loi n°90/054 du 19 décembre 1990 relative au maintien de l'ordre.

En dernière analyse, à la lecture de la législation antiterroriste au Cameroun, force est de constater que la frontière entre l'exercice des libertés et l'acte de terrorisme semble relativement incertaine. Ceci non seulement du fait de l'incrimination à la fois trop vague352 et trop englobante de l'acte terroriste mais également en raison des dangers liés à l'instrumentalisation politique de la menace terroriste. Cela démontre une fois de plus comme l'explique M. STEVE THIERY BILOUNGA, l'atmosphère d'instabilité autour de laquelle vit quotidiennement le citoyen dans ses rapports avec la loi353. Dans ces conditions l'exercice de certaines libertés devient alors périlleux compte tenu du climat d'insécurité juridique suscité par l'adoption et l'application de la loi antiterroriste de 2014. Convergeons nous alors inévitablement vers une neutralisation des libertés publiques au Cameroun.

B- L'évolution vers la neutralisation des libertés.

La recrudescence de la menace terroriste permettra de renforcer l'hostilité des autorités étatiques à l'égard des libertés publiques. La législation antiterroriste sera dans cette perspective aux mains de l'État une arme insidieuse mais redoutable pour comprimer voire

351 France 24.com, publié le 24/12/2019

352 BIKIE ROLAND (F); « le droit pénal à l'aune du paradigme de l'ennemi », op.cit. p.6

353 BILOUNGA (S. T) ; « la crise de la loi en droit public camerounais.» op.cit. p.56.

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réduire au silence « les ennemis de la nation »354. La police administrative se posera dès lors comme un pourfendeur des libertés publiques.

En effet les autorités administratives dans la lutte contre la menace terroriste ont très souvent recours à une politisation du contexte servant ainsi « d'alibi à l'étouffement des libertés. »355 ce faisant, cela entraine nécessairement « des dérives juridiques dont elle(s) ne tire(nt) pas nécessairement un bénéfice direct ; dès lors que les réformes pénales se sont étendues au-delà de ce que la réponse à la question terroriste attend d'eux »356. Cela dit, si la loi de 2014 du moins dans sa lettre a été élaborée dans l'optique d'apporter une riposte juridique au terrorisme, celle-ci s'est avéré dans les fait un outil qui a davantage favorisé l'effritement des libertés publiques. Offrant ainsi aux pouvoirs publics à travers un certain nombre d'imprécisions, le loisir d'étendre à souhait l'incrimination de l'acte de terrorisme. Désormais toute grève, manifestation entre autres est susceptible être assimilée à un acte de terrorisme dès lors qu'elle représente un danger pour l'administration étatique.

Il se crée alors un véritable sentiment d'insécurité juridique des administrés face à des dispositions dont le contenu ne présente pas toujours les qualités d'une règle de droit telle que définie au sens de P. Malaurie.357

Les mesures sécuritaires mises en oeuvre par les autorités étatiques du moins celles qui étaient censées garantir de manière nécessaires et efficaces la protection des citoyens ont plutôt favorisé au regard des circonstances l'instauration d'un système coercitif et manifestement dissuasif à l'égard des citoyens désireux de manifester leur mécontentement sur la place publique. En effet, ces derniers font presque systématiquement l'objet d'une riposte disproportionnée dont les mesures vont des peines privatives de libertés et s'étendent jusqu'au risque d'élimination physique358.

Reprenant à notre compte les termes de M. C. Davenport force est de reconnaitre que la dérive observée tant dans la législation antiterroriste que dans l'activité de police administrative illustre parfaitement « le comportement appliqué par les gouvernants dans le but d'obtenir la tranquillité politique et faciliter la continuité du régime à travers des formes

354 Selon GONIDEC (F) les opposants politiques en Afrique sont considérés comme ennemis étrangers à la nation et alliés à l'étranger. Lire à ce propos Les systèmes politiques africains L.G.D.J, B.A.M ; T. L Paris, 1974, P.164.

355 MOKNI (H.B) L'exercice des libertés publiques en période de transition démocratique... Op.cit. p.419.

356 Idem. P.425.

357.MALAURIE (P) « l'intelligibilité de la loi », op.cit. p.136.

358 L'article 2 de la loi de la loi 2014 sus évoquée réprimant le terrorisme qui prévoit la peine de mort contre les actes de terrorisme. Lire également BIKIE (R.F) « le droit pénal à l'aune du paradigme de l'ennemi » op.cit. p.12.

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de restriction ou de violation des libertés publiques et civiles. Ce qui englobe les comportements violents (usage disproportionné de la force lors des manifestations) et non violents (arrestations de masse, détention, intimidation) ».359 Cette considération est davantage corroborée par la militarisation de la répression des manifestations publiques.

Paragraphe 2 : la militarisation de la répression des libertés publiques.

De manière générale, la militarisation peut s'entendre comme l'action de donner un caractère militaire à quelque chose. Concrètement, la militarisation consiste ici à appliquer un régime, ou des méthodes militaires face à une situation qui d'ordinaire relève du droit commun. C'est fort de cela que l'on pourrait parler au Cameroun d'une militarisation dans la répression des libertés publiques lorsque l'on y observe alors non seulement l'enchevêtrement des forces publiques dans le maintien de l'ordre (A) mais également l'extension de la compétence des tribunaux militaires dans la répression des civils (B).

A- l'enchevêtrement des forces publiques dans le maintien de l'ordre.

D'emblée, les opérations de maintien de l'ordre font généralement intervenir les forces de police et quelques fois les éléments de la gendarmerie,360 dans le but de la préservation ou du rétablissement de l'ordre public.361 Cela dit, ces derniers ont pour mission principale de concourir à l'activité de la police administrative. L'armée, quant à elle qui représente par définition la plus grande force matérielle organisée dans un État, est destinée à la défense du territoire contre les attaques extérieures et à la protection de l'intégrité nationale. Toutefois la législation camerounaise prévoit qu'à titre exceptionnel, et ce sur réquisition de l'autorité administrative ; les militaires peuvent intervenir lors des opérations de maintien de l'ordre.362

Or, le contexte socio politique assez tendu qui prévaut dans certaines régions du Cameroun et dont les stigmates se font de plus en plus ressentir dans l'ensemble du territoire rend complexes voire délicats les opérations de maintien de l'ordre. Au vu de cela, les forces armées qui étaient déjà fortement « intégrées dans le jeu politique »,363 se font de plus en plus

359DAVENPORT (C) (dir.) 2000: «Paths to state repression, Human rights violations and contentious politics», Boulder New York Rowman and Littlefield, page 6.

360 L'article 5 du décret n° 70/DF/264 du dispose que « les brigades et postes de gendarmerie ainsi que les commissariats de sécurité sont considérés sous réquisition permanente (...)» c'est-à-dire sont principiellement assimilés aux opérations de maintien de l'ordre.

361 Article 15 de la loi n°90/054 du 19 décembre 1990 relative au maintien de l'ordre.

362 Article 5 du décret n°70/DF/264 du 04 juin 1970 relatif à la sureté de l'État, op.cit.

363 ATEMENGUE (JDN) ; la police administrative au Cameroun... op.cit. p.198.

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remarquer sur le quotidien du maintien de l'ordre.364À tel point que si les forces armées ne devaient intervenir dans le maintien de l'ordre que de manière circonstancielle et sur réquisition de l'autorité compétente, force est de constater que cette intervention « exceptionnelle dans son principe » est devenue habituelle dans les faits. Conviendra-t-on alors avec Fabien Jobard lorsqu'il affirme qu'il s'agit ici d'e la « suspension de l'ordinaire et de la permanence de l'exception. »365 Dans ces conditions, assiste-t-on alors à une radicalisation dans le maintien de l'ordre au Cameroun.

Par ailleurs une grande partie de la doctrine publiciste camerounaise366 s'accorde à parler d'une militarisation de la fonction policière en raison des mécanismes coercitifs déployés dans la gestion des foules protestataires. Il nait ainsi une confusion dans les opérations de maintien de l'ordre ; « la police se militarise » l'armée fait de la police, « les forces armées se retrouvent vers l'intérieur, les frontières s'évanouissent, tout est dans tout rien n'est à sa place »367. Cet enchevêtrement des forces publiques que sont la police, la gendarmerie et l'armée induit nécessairement un resserrement des espaces de libertés accordés aux citoyens.368 C'est ainsi que l'on observe l'extension de la compétence du tribunal militaire dans la répression des civils.

B- L'extension de la compétence des tribunaux militaires dans la répression des civils.

Il est un certain nombre de garanties reconnues aux justiciables dans la protection de ses droits devant les juridictions. Au rang de celles-ci, figure le droit à un procès équitable. En effet, considéré comme un élément central et essentiel de l'État de droit,369 le droit à un procès équitable a été consacré au plan international dans la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948370, dans le pacte international relatif aux droits de l'homme de 1966, entré en vigueur en 1976371 ; et au niveau régional dans la charte africaine des droits de l'homme et

364 MESSING (J.L), la problématique de du maintien de l'ordre dans les États d'Afrique noire francophone : le cas du Cameroun. p.165.

365 JOBARD (F), « peurs entretenues ; quand la police fait l'armée, l'armée fait la police. » 2005/1 n° » p.60.

366 EMINI (Z) « la police au Cameroun : de l'autoritarisme à la gouvernance sécuritaire » in revue de droit et de science politique 16e année de parution 2005, n° 63 P.64

367 JOBARD (F), « peurs entretenues ; quand la police fait l'armée, l'armée fait la police. » op.cit. p.60.

368 ATEBA EYONG (R) « l'évolution du fondement idéologique du droit administratif camerounais » op.cit. p. 275.

369 Lire NGUELE ABADA (M). « la réception des règles du procès équitable dans le contentieux du droit public » in revue de droit et de science politique 16e année de parution 2005, n° 63 p.19 ; lire également NGONO (S), « l'application des règles internationales du procès équitable du juge judiciaire » de la même parution p.34

370 Article 10 et 11.

371 Article 14.

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des peuples372. Le Cameroun à son tour a ratifié ces conventions qu'il a d'ailleurs réaffirmées dans le texte constitutionnel de 1996.373

Cela dit, la réalisation voire la concrétisation du droit à un procès équitable se traduit nécessairement par l'exigence d'une juridiction indépendante et impartiale. Si ces deux exigences se confondent en pratique et semblent redondantes374, la réalité est qu'elles se distinguent intrinsèquement et même substantiellement. En effet, la première exigence, notamment celle relative à l'indépendance, constitue une précondition de la seconde c'est à dire de l'impartialité. Ainsi un juge doit être libre de toute influence extérieure susceptible de vicier son jugement. Par ailleurs, soulignera le professeur Nguélé Abada un juge indépendant et a fortiori impartial est un juge sans préjugés.375

De telles conditions ne s'intègrent pas toujours dans l'ordre juridique camerounais, lorsque l'on observe la répression de certaines libertés publiques devant la juridiction militaire. En effet, instituée pour connaitre des infractions purement militaires, les juridictions militaires se caractérisent par un régime juridique spécial376 et fortement coercitif. À l'analyse de la loi n°2008/015 du 29 décembre 2008 portant organisation et fixant des règles de procédure applicable devant les tribunaux militaires, il en ressort que les juridictions militaires n'ont en principe pas à juger des civils exceptés dans des cas particuliers prévus par la loi.377

Seulement, très souvent, les questions de sureté nationale et d'intégrité territoriale servent de prétexte justifiant l'extension de la compétence des tribunaux militaires au-delà des infractions militaires, prenant au passage de fortes propensions politiques. Ainsi, des notions telles que l'insurrection, la rébellion ou le terrorisme entre autres ; aux contenues vagues et imprécis concourent à élargir le champ d'action des juridictions militaires sur les civils et par voie de conséquence à renforcer de manière significative la répression des libertés publiques au Cameroun.

372 Article 7 et 26.

373 Article 37.

374 NGUELE ABADA (M) « la réception des règles du procès équitable dans le contentieux du droit public » op.cit. p.23

375 Idem. P.23.

376 L'article 2 de loi de 2008 portant organisation et fixant des règles de procédure applicable devant les tribunaux militaires, dispose justement que « les tribunaux militaires sont des juridictions à compétence spéciale. » 377Article 8 de la loi de 2008 susmentionnée.

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C'est fort de cela que la reconnaissance de la compétence des tribunaux militaires pose un véritable problème du point de vue des garanties liées au procès équitable et davantage relativement à la construction d'un État de droit.

D'emblée, les juges militaires se caractérisent par leur soumission au pouvoir central représenté à l'occasion par le ministre délégué à la présidence en charge de la défense, dont dépend leur carrière. Au vu de cela, que retenir des « juges militaires » ? Sont-ce des juges ou alors des militaires ?378 Cette interrogation aux allures d'oxymore relève d'autant plus de la bizarrerie juridique dans la mesure où, « l'essence du juge est son indépendance alors que (celle) du militaire est l'obéissance c'est-à-dire le contraire »379. Par ailleurs, lorsque l'on observe la composition ou la formation de l'instance décisionnelle telle que décrite dans l'article 6 de la loi de 2008 en question, celle-ci soulève de sérieux doutes au regard de la connotation martiale et par conséquent partiale des juges militaires face au justiciable qui d'emblée est considéré comme un ennemi. Assiste-t-on alors à ce que M. Fabrice Bikié qualifie de « droit pénal de l'ennemi par opposition à un droit pénal du citoyen. »380 Comment donc dans un tel contexte garantir les libertés publiques contre les abus de l'administration étatique ? Cette question pose inexorablement le problème du contrôle des autorités administratives investies du pouvoir de police.

378 GARRETON (R), « La compétence des Tribunaux Militaires et d'Exception ; rapport de synthèse » in juridictions militaires et tribunaux d'exception en mutation : perspectives comparées et internationale ; UMR de droit comparé de Paris, Mai 2007. P.15

379 Idem.

380 BIKIE (F.R) ; « le droit pénal à l'aune du paradigme de l'ennemi » ; op.cit. P.

CHAPITRE II: L'INCONSISTANCE DU CONTROLE RELATIF AUX POUVOIRS

DES AUTORITES DE POLICE ADMINISTRATIVE.

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Poser la liberté n'est rien s'il s'agit seulement d'une affirmation verbale.381 Ce qui importe c'est de lui faire sa place dans un ordre social viable.382 Une telle initiative met nécessairement en jeu les mécanismes de protection, d'effectivité voire de contrôle des libertés dans un ordre juridique bien déterminé.

En effet, le contrôle s'appréhende ici au sens de OST F. comme « le droit ou le pouvoir dont dispose une personne ou une institution, à effet de s'assurer du respect d'un ensemble de règles »383 ou d'objectifs384. L'objectif visé ici est donc la garantie des libertés publiques contre les dérives d'un pouvoir autoritaire.

La réalité étant celle de l'existence en Afrique et partant au Cameroun d'un exécutif fort,385 et d'une administration véritablement puissante. Cet état des choses ne rend pas évidente l'émergence des contres pouvoirs chargés d'assurer la garantie des libertés face aux abus de l'administration étatique.

Ainsi, si dans une démocratie effective, le pouvoir est censé contrôler voire arrêter le pouvoir, force est de relever que le contrôle de l'exécutif se présente comme une tache hargneuse, dont l'effectivité reste encore purement fictive386. C'est donc à dire en clair que la garanties des libertés publiques face à l'arbitraire administratif se caractérise généralement par L'insatisfaction relative au contrôle juridictionnel (Section I); et par l'inconsistance du contrôle non juridictionnel. (Section II)

381 G. BURDEAU, Les libertés publiques, op.cit., p. 23.

382 Idem.

383 OST (F.), « Juge pacificateur, juge arbitre, juge entraîneur : trois modèles de justice », in fonction de juger et pouvoir judiciaire, Publications des facultés universitaires de Saint-Louis, 1983, p. 1et s

384 KHADIM (T), Le contrôle de l'exécutif dans la création de l'État de droit en Afrique francophone. Droit. Université de Bordeaux, 2018. Français. P.19.

385 AIVO (F.J), Le Président de la République en Afrique noire francophone, genèse, mutation et avenir de la fonction, Paris, l'Harmattan, 2006

386 KHADIM (T), Le contrôle de l'exécutif dans la création de l'État de droit en Afrique francophone op.cit., p.21.

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SECTION I : L'INSATISFACTION RELATIVE AU CONTRÔLE JURIDICTIONNEL DES AUTORITES DE POLICE ADMINISTRATIVES.

La garantie juridictionnelle des libertés publiques contre l'exécutif présente un certain nombre de lacunes imputables à l'organisation de la justice au Cameroun, qui rendent insatisfaisante voire insignifiante la mission de contre-pouvoir institutionnalisé qui incombes aux organes juridictionnels. Un tel état des choses se concrétise d'une part, par la difficile mise en oeuvre du contrôle par le conseil constitutionnel (P1) ; et d'autre part, par l'insuffisance du contrôle par les juridictions ordinaires. (P2)

Paragraphe 1 : la difficile mise en oeuvre du contrôle par le conseil constitutionnel.

La mise en oeuvre du contrôle de l'administration étatique par la juridiction constitutionnelle au Cameroun en l'occurrence le conseil constitutionnel, se heurte à un certain nombre de contraintes à la fois statutaires (A) et fonctionnelles voire procédurales. (B)

A- les contraintes statutaires dans l'activité du juge constitutionnel.

L'exercice de la fonction de juge, de surcroît constitutionnel, nécessite un ensemble de garanties à la fois personnelles et organiques387. Ce sont selon le professeur Nguélé Abada « les garanties statutaires organisant l'indépendance et la dignité dans l'exercice des fonctions au sein de la juridiction constitutionnelle. »388 Cela dit, dans ses rapports avec le pouvoir politique, le juge fait face à un certain nombre de contraintes389 qui ne rendent pas toujours évidente son office de contrepouvoir d'une part et de défenseur des libertés d'autres part.

En effet , soulignera le professeur Aba'a Oyono dans ce sens, « la fonction de protection contre les abus du pouvoir administratif n'est pas exercée dans des conditions de

387 NGUELE ABADA (M) ; « l'indépendance des juridictions constitutionnelles dans le constitutionnalisme des États francophones post guerre froide : l'exemple du conseil constitutionnel camerounais. » p.3

388 AVRIL (P) et GUIQUEL (J), Le conseil constitutionnel » cité par NGUELE ABADA (M) ; op.cit. p.3

389 DIALLO (I) ; « à la recherche d'un modèle africain de justice constitutionnelle. » in annuaire international de justice constitutionnelle 20-2004, 2005. P.105.

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sérénité institutionnelle, ce qui matériellement en mine l'essence. »390 Ce postulat démontre notamment la fragilité du juge constitutionnel à plusieurs égards.

En première analyse, l'article 51(2) de la constitution camerounaise de 1996 dispose « (...) les membres du conseil constitutionnel sont nommés par le président de la république. » et désignés par lui-même et quelques autorités de la république.391 Si d'emblée selon le professeur Jean-Louis Atangana Amougou, un effort est perceptible relativement la démocratisation dans la désignation des conseillers392, il n'en reste pas moins vrai que la pratique institutionnelle met clairement en relief une image de « transactions douteuses de nature à subodorer une certaine collaboration de fait393» au profit de l'exécutif. Ce qui induit naturellement une forte implication, une prégnance du chef de l'État dans la désignation et dans la nomination des conseillers.

Quoi qu'il en soit, ou plus exactement quels que soient les modalités de désignation ou de nomination des membres du conseil constitutionnel, cela ne saurait justifier la passivité des juges dans le contrôle de l'État. D'ailleurs R. Badinter ne préconisait-il pas un devoir « d'ingratitude » des juges du conseil à l'égard des autorités les ayant nommés ? C'est donc à dire que la véritable contrainte qui entrave la fonction des juges constitutionnelles c'est davantage l'influence des pouvoirs politique sur la durée du mandat des juges constitutionnels que les modalités de leur désignation.

En effet, le constituant camerounais lors de la création du conseil constitutionnel avait comme son homologue français fixé le mandat des juges constitutionnel à neuf ans non renouvelable.394 Mais les modifications du texte observées à la faveur de l'adoption de la loi n°2008/001 du 14 avril 2008395, ont fortement fragilisé le statut du juge constitutionnel au Cameroun. Le mandat des juges constitutionnels est passé de neuf ans non renouvelable à « six ans éventuellement renouvelable. »396 Au-delà de la durée du mandat, qui elle-même n'est pas une curiosité en Afrique,397 la disposition en question pose un véritable problème du

390 ABA'A OYONO (J-C) ; « les fondements constitutionnels du droit administratif (...) » op.cit. P.18

391 Il s'agit du président de l'assemblée nationale qui désigne trois membres sur les onze ; du président du sénat qui en désigne trois et du conseil supérieur de la magistrature qui lui désigne deux membres.

392 ATANGANA AMOUGOU (J.-L) « la constitutionnalisation du droit en Afrique : l'exemple de la création du conseil constitutionnel camerounais. » in Annuaire international de de justice constitutionnelle, 19-2003, 2004. P.52

393 Idem.

394 Article 56 de la constitution française du 04 octobre 1958.

395 Ce texte de loi sera d'ailleurs une des raisons des protestations sociales observées dans la même année dans plusieurs régions du pays.

396 Article 52(1) de la constitution camerounaise de 1996 modifiée en 2008.

397 La durée du mandat des conseillers est de six ans au Sénégal, en Côte d'ivoire ; de cinq ans au Bénin, au Gabon.

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point de vue de l'État de droit, en ce qu'elle renforce une fois de plus les possibilités de

pression du pouvoir politique sur les juges à travers le caractère
« éventuellement »398renouvelable si ce n'est révocable399 du mandat des conseillers.400 Dans ces conditions, le juge ne peut qu'être prudent car il se sait vulnérable.401

Dans ce contexte juridico-politique incertain où l'indépendance des juges ne tient qu'au bout d'un fil, comment véritablement assurer la protection des libertés face à un pouvoir exerçant une mainmise dans le fonctionnement des institutions de la république402? Cette réflexion conduit inexorablement à se pencher sur la question des contraintes procédurales mettant à mal la protection des libertés publiques par le juge constitutionnel.

B- Les contraintes procédurales dans la garantie des libertés publiques.

S'il est très souvent reproché à la cour constitutionnelle béninoise de trop en faire403 dans la protection des droits et libertés fondamentaux, l'observation ne saurait être la même dans l'ordre juridique camerounais. Bien au contraire, le juge camerounais n'en fait pas assez dans la protection des libertés face à l'arbitraire administratif. Cela dit on y observe une quasi-vacuité du contentieux404 en la matière. Plusieurs raisons matérielles peuvent justifier cette inaptitude du juge constitutionnel à garantir les libertés publique au Cameroun.

Cette défaillance du système de protection constitutionnelle des libertés publiques face à l'arbitraire administratif s'explique tout d'abord au regard de l'inaccessibilité du citoyen lésé devant le juge constitutionnel.405 La saisine du conseil étant limitée à une certaine catégorie de personnalités politiques bien déterminées. Il s'agit justement aux termes de

398 Le constituant camerounais utilise des adverbes qui très souvent rendent véritablement imprécis et incertain le contenu de certaines dispositions constitutionnelles.

399 À l'exemple du cas Tandja du Niger où le parlement et la cours constitutionnelle, respectivement consultés dans le cadre d'une procédure de révision constitutionnelle, avaient formulés des avis signifiant au président Tandja qu'il ne pouvait réviser la constitution même pas par voie de référendum. Celui-ci passant outre ces avis décida tout simplement de dissoudre le parlement et de suspendre la cour et de convoquer un référendum constitutionnel. Mettant ainsi fin de façon arbitraire à la fonction des parlementaires et des membres de la juridiction constitutionnelle de manière à supprimer les obstacles institutionnels à la manipulation dudit texte constitutionnel. Lire MOUHAMADOU NDIAYE « la stabilité constitutionnelle, nouveau défi pour le juge africain » annuaire international de droit constitutionnel XXXIII-2017. pp.668-688

400 DIALLO (I); « à la recherche d'un modèle africain de justice constitutionnelle. » ;op.cit. p.105

401 CONAC (G), « le juge constitutionnel en Afrique, censeur ou pédagogue ? in les cours suprêmes en Afrique, Paris, Economica 1989. Cité par DIALLO (I); « à la recherche d'un modèle africain de justice constitutionnelle. » ; op.cit. p.107

402 Idem p.106.

403 Dans ce sens lire GNAMOU (D), « la cour constitutionnelle du Bénin en fait-elle trop ? » in JOEL AIVO (dir.), la constitution béninoise du 11 décembre 1990.

404 ABA'A OYONO (J-C) « les fondements constitutionnels du droit administratif : de sa vertueuse origine française à sa graduelle transposition vicieuse dans des États stables et instables de l'Afrique » ; op.cit. 17.

405 Idem 18

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l'article 47 (2) de la constitution camerounaise de 1996 : « du président de la république, du président de l'assemblée nationale, du président du sénat, (d') un tiers des députés, (d') un tiers des sénateurs » également, les chefs des exécutifs régionaux peuvent saisir le conseil constitutionnel lorsque leur intérêt est mis en cause.406 Un tel état de choses limite déjà significativement le droit de se faire rendre justice407 des citoyens qui notamment dans leurs rapport avec la machine administrative se sont vu lésés dans leurs droits.

Pourtant le constituant béninois dispose en son article 122 « tout citoyen peut saisir la cour constitutionnelle sur la constitutionnalité des lois soit directement soit par la procédure d'exception d'inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui le concerne devant une juridiction. » également, l'article 120 du même texte institue une plainte en violation des droits fondamentaux. Ceci dit, tout citoyen peut saisir la cour constitutionnelle béninoise d'une atteinte aux droits de la personne humaine et aux libertés publiques.408

Par-delà même les modalités de saisine du conseil constitutionnel, qui faut-il le préciser sont assez restrictifs ; le système de protection des libertés publiques contre les violations du pouvoir étatique en Afrique noire francophone de manière générale et au Cameroun en particulier ne laisse pas véritablement ou du moins pas suffisamment de marge de manoeuvre au juge constitutionnel dont l'action se retrouve limitée voire phagocytée.409

Le Cameroun, ayant opté pour un système de contrôle inspiré du modèle européen de justice constitutionnelle dont il convient ici de rappeler quelques traits caractéristiques. Il s'agit ici d'un contrôle concentré,410 a priori,411 et abstrait.412 Force est de constater que ces mécanismes classiques ne sont pas toujours efficaces dans la protection des droits et libertés fondamentaux contre l'arbitraire administratif. C'est sans doute en raison de cela que le constitutionnalisme béninois s'est illustré par un certain nombre originalités qui d'ailleurs lui

406 Article 47 de la constitution camerounaise de 1996.

407 Lire le préambule de la constitution camerounaise op.cit.

408 DEGBOE (D), « les vicissitudes de la protection des libertés par la cour constitutionnelle du Bénin », les annales du droit (en ligne) 10/2016 mis en ligne le 18 janvier 2018, consulté le 23 avril 2019. p.124

409 DIALLO (I) ; « à la recherche d'un modèle africain de justice constitutionnelle. » ; op.cit. p.107

410 C'est un contrôle aux mains d'une juridiction spéciale exerce le monopole en matière constitutionnelle. Confère article 46 de la constitution camerounaise de 1996.

411 Contrôle intervenant avant que la norme en question ne soit entrée en vigueur. On parle également de contrôle préventif. Article 47 alinéa 3 de la constitution camerounaise.

412 IL s'agit ici de contrôler la conformité de la norme inférieure à la norme suprême : c'est un contrôle dit de norme à norme. Ainsi dans le cas où la loi viole une liberté consacrée par la constitution, le conseil constitutionnel peut la neutraliser.

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ont valu le fait d'être considéré comme « avant-garde du constitutionnalisme africain. »413 En effet le contentieux constitutionnel béninois se décline en deux modalités : un contrôle a priori obligatoire et un contrôle a posteriori facultatiø14 par ailleurs, les compétences du juge constitutionnel béninois s'étendent au-delà même du contrôle des lois stricto sensu. En effet, celui-ci connait « aussi bien des comportements, des actes législatifs ou administratifs415 etc. susceptibles de méconnaitre un droit ou une liberté constitutionnels»416 à titre illustratif, la cours constitutionnelle béninoise dans la décision DDC 18-117 du 22 mai 2018 a déclaré contraire à la constitution un texte règlementaire interdisant les manifestations publiques à caractère revendicatif.

En tout état de cause, il semble évident de reconnaitre que le contentieux constitutionnel en matière de protection des libertés publiques au Cameroun semble avoir du mal à décoller. Certains doctrinaires n'hésitent pas à parler d'une paralysie417 voire d'un tarissement du contentieux constitutionnel418 en la matière. C'est ainsi que la difficile mise en oeuvre du contentieux des libertés publiques se répercute au niveau des juridictions ordinaires.

Paragraphe 2 :l'insuffisance du contrôle par les juridictions ordinaires.

La protection des libertés publiques au Cameroun par les juridictions ordinaires reste encore fortement limitée en raison notamment de l'inefficacité du contrôle par le juge administratif (A) et de La faiblesse du contentieux des manifestations devant le juge judiciaire. (B)

A- l'inefficacité du contrôle par le juge administratif.

L'inefficacité du juge administratif dans la protection juridictionnelle des libertés contre la police administrative relève d'un certain nombre de verrous, d'obstacles qui contribuent à enrayer le processus relatif à l'exercice du droit à la justice devant le juge administratif camerounais.419

413 Lire FALL (A.B), « le juge constitutionnel béninois, avant-garde du constitutionnalisme africain ? » dans AIVO (J) ; (dir.) La constitution béninoise du 11 décembre 1990 : un modèle pour l'Afrique ? Mélanges en l'honneur de Ahanhanzo-Glélé (M). Paris : l'Harmattan, 2014, 798p.

414 DEGBOE (D), « les vicissitudes de la protection des libertés par la cour constitutionnelle du Bénin » op.cit. p.123

415 DDC 18-117 du 22 mai 2018 décision dans laquelle le juge annule une décision interdisant une manifestation publique.

416 Idem. P.132 consulter également l'article 117 de la constitution béninoise de 1990.

417 ABA'A OYONO (J-C) « les fondements constitutionnels du droit administratif (...) » ; op.cit. p.18

418 GOUNELLE (M), « la cour suprême dans le système politique sénégalais » cité par IBRAHIMA DIALLO op.cit. p.107

419 ABANE ENGOLO (P)., «existe-t-il un droit administratif camerounais ? » op.cit. p.30

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En effet, l'accès au juge administratif au Cameroun est caractérisé par une extrême technicité420 à laquelle il convient d'ajouter la longueur observée dans les procédures. À ce propos écrira justement le professeur Maurice Kamto, l'accès au prétoire du juge administratif au Cameroun relève d'un véritable « casse-tête chinois. »421 Cet état de choses rend nécessairement difficultueuse la protection des libertés publiques devant le juge administratif. Cela est davantage perceptible en matière de contentieux des manifestations publiques.

Le législateur camerounais a toujours exigé que toute procédure contentieuse devant le prétoire du juge administratif requiert l'accomplissement par le justiciable ou le recourant, d'un recours gracieux préalable.422 Si certaines doctrinaires trouvent dans le recours gracieux préalable un moyen encourageant la résolution à l'amiable des différents entre l'administration et ses administrés.423 D'autres par contre sans le remettre en cause ne voient pas toujours cela d'un très bon oeil. C'est justement le cas du professeur Aba'a Oyono qui voit le recours gracieux préalable comme un véritable grain de sable qui concourt à enrayer l'exercice du recours au juge administratif camerounais. 424

C'est donc à dire en fin de compte que « le recours au juge administratif nécessite une grande patience, la procédure contentieuse étant habituellement longue, les intéressés perdent espoir et l'objet de leur requête s'estompe avant que le juge ne se soit prononcé »425. Or, la procédure contentieuse en matière de manifestations publique implique une certaine promptitude.426 Cela dit, même si la procédure contentieuse aboutit à une invalidation de la mesure d'interdiction, elle n'aura pas empêché à la mesure illégale de produire ses effets (le non déroulement de la manifestation). En effet, la décision du juge administratif n'intervenant généralement que de manière a posteriori voire tardive, souvent plusieurs années après les faits (la violation de la liberté).427

420 METOU (B-M) ; « vingt ans de contentieux des libertés publiques au Cameroun » op.cit. p.278

421 KAMTO (M), Droit processuel du litige : que faire en cas de litige contre l'administration ; cité par ABANE ENGOLO P. op.cit. p.30.

422 Article 17 de la n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs au Cameroun.

423 HOLO (T) le contrôle de la légalité et la protection des administrés au Bénin RBSJA, n°5, juin 1985, pp.23-28 ; cité par ABANE ENGOLO P. op.cit. p.30

424Lire à cet effet ABA'A OYONO J-C « chronique du grain de sable dans la fluidité jurisprudentielle de la chambre administrative au Cameroun » RASJ vol.5 n°1, 2008 p.51-75.

425 METOU (B-M) ; « vingt ans de contentieux des libertés publiques au Cameroun »op.cit. p.278

426 Idem.

427 Sur ce thème lire GUILLUY (T), « la liberté de manifestation, un droit introuvable ? » op.cit.

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Et même lorsqu'il s'agit du contentieux de l'urgence, le législateur exige sous peine d'irrecevabilité428 l'introduction préalable d'un recours gracieux devant l'autorité auteur de l'acte litigieux.429 Encore faut-il que la requête ne porte sur un acte n'intéressant « ni l'ordre public, ni la sécurité ou la tranquillité publique. »430 Au vu de cela l'on est bien forcé de convenir avec le professeur Abane Engolo lorsqu'il relève que « le contentieux de l'urgence (au Cameroun) n'est pas toujours un contentieux urgent. »431

Pourtant, le droit français avait déjà réglé la question à travers l'introduction du référé liberté depuis janvier 2001.432 L'article L.251-2 du code de justice administrative dispose en effet : « saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté ; dans l'exercice de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. » C'est donc à dire que dès lors que les droits libertés fondamentaux se trouvent remis en cause, et que les conditions d'urgence sont réunis, le justiciable lésé peut désormais saisir le juge des référés afin que celui-ci fasse cesser l'atteinte desdits droits dans les plus brefs délais.433

Force est de constater là encore que le juge administratif camerounais ne s'inscrit pas nécessairement dans cette logique. C'est fort de cela que le législateur fera intervenir le juge judiciaire dans la protection des libertés publiques au Cameroun notamment en matière de contentieux des manifestations publiques.

428 CS/CA, Ordonnance n° 01 du 23 janvier 2009 SDF c./État du Cameroun. Dans cette affaire, le juge a rejeté l'hypothèse de saisine directe du juge de l'urgence lorsqu'il affirmait : « le sursis à exécution peut-être demandé dès l'introduction du recours gracieux (...) » ; cité par BIPELE KEMFOUEDIO, (J) et FANDJIP (O), « le nouveau procès administratif au Cameroun : réflexion sur le recours gracieux en matière d'urgence », in revue internationale de droit comparé. Vol 64 N°4, 2012 p.991

429 Article 30 de la loi de 2006/022 op.cit.

430 Idem. Voir aussi ordonnance n°04/OSE/PCA/CS/ 93-94, union des populations du Cameroun (UPC) c/ État du Cameroun. Dans l'affaire, le juge pose le principe selon lequel les mesures de police ne peuvent faire l'objet de sursis à exécution. Lire également ESSOMBA NTSAMA (J), la répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire en matière de libertés publiques au Cameroun. Mémoire de DEA en droit public, université de Yaoundé II. P.48.

431 ABANE ENGOLO (P) ; « existe-t-il un droit administratif camerounais ? » ; op.cit. p.31.

432 Date d'entrée en vigueur de la réforme du 30 juin 2000 sur la nouvelle procédure des référés libertés.

433 Lire GUILLUY (T), « la liberté de manifestation, un droit introuvable ? » op.cit.

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B- La faiblesse du contentieux des manifestations devant le juge judiciaire.

Les réformes législatives relatives aux libertés publiques mises en oeuvre au cours des années 1990, ont pu instituer l'intervention du juge judiciaire dans la garantie des libertés publiques. Ainsi en dehors des cas de voie de fait et de ceux relevant de l'emprise, le législateur prévoit des cas où le juge judiciaire, puisse connaitre des agissements de l'administration. C'est ainsi qu'il lui sera d'ailleurs attribué une compétence exclusive en matière de contentieux des restrictions de l'exercice des manifestations publiques par les autorités administratives434. La loi n° 90/055 du 19 décembre 1990 fixant le régime des réunions et manifestations publiques dispose à cet effet en son article 8 alinéa 3 : qu'« en cas d'interdiction de manifestation, l'organisateur peut par simple requête saisir le président du tribunal de grande instance compétent qui statue par ordonnance dans un délai de huit jours de sa saisine (...) »

Quelques signes d'avancée positive sont perceptibles depuis l'instauration de l'intervention du juge judiciaire au coeur de la protection des libertés contre les abus de l'administration. En effet, l'on assiste à une simplification de la procédure contentieuse à travers notamment la suspension du recours gracieux préalable et la reprécisions du délai relatif au prononcé des décisions par le juge qui désormais est fixé à huit jours. Seulement, force est d'admettre que des améliorations restent encore à fournir dans la mise en oeuvre des garanties de l'indépendance des juridictions judiciaires qui jusque-là sont encore selon le professeur Aba'a Oyono, « manifestement à la recherche de (leur) autonomie fonctionnelle. »435

En effet, lorsque la constitution dispose que « le pouvoir judiciaire est exercé par la cour suprême, les cours d'appel et les tribunaux (...)»,436 et que celui-ci est indépendant des pouvoirs exécutifs et législatifs437 ; il va sans dire que le constituant semble s'inscrire véritablement dans une logique de proclamation des grands principes de l'État de droit (tel que la séparation des pouvoirs).

Seulement, et ce curieusement, lorsque l'on observe un peu plus loin dans l'alinéa 3 de l'article 37, une disposition selon laquelle « le président de la république est garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Il nomme les magistrats. Il est assisté dans cette mission

434 METOU (B-M) « vingt ans de contentieux des libertés publiques au Cameroun », op.cit. p.280.

435 ABA'A OYONO ; « les fondements constitutionnels du droit administratif (...) ». Op.cit. p.19.

436 Article 37 (2) de la constitution camerounaise de 1996 op.cit. ??

437 Idem.

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par le conseil supérieur de la magistrature qui lui donne son avis sur les propositions de nomination et sur les sanctions disciplinaires concernant les magistrats de siège. » Vu la prégnance du président de la république sur le conseil supérieur de la magistrature438, cela revient à dire en fin de compte qu'il dispose d'un pouvoir de nomination, de sanction voire de révocation à l'égard des magistrats. Dans ces conditions, l'on est bien amené à reconnaitre que la protection juridictionnelle des droits et libertés fondamentaux contre l'arbitraire administratif reste encore fortement compromise. Cela justifie ainsi la réticence, le manque de confiance des justiciables vis-à-vis des instances juridictionnelles. Ceux-ci préférant généralement laisser à Dieu le soin de rendre justice439. D'où la nécessité d'aménager des modalités de garantie non juridictionnelle des libertés devant faire face à la machine étatique.

SECTION II : l'INCONSISTANCE DU CONTRÔLE NON JURIDICTIONNEL DES AUTORITES DE POLICE ADMINISTRATIVES.

Face à l'incapacité des organes juridictionnels à assurer la protection des droits et libertés fondamentaux, Les mécanismes non juridictionnels se présentaient alors comme une arme de choix dans la protection renforcée des administrés contre l'arbitraire administratif. En clair, la mise en oeuvre d'une garantie effective des droits et libertés fondamentaux à travers les institutions non juridictionnelles était censée combler les lacunes relatives au contrôle juridictionnel.

Mais cet espoir voué au contrôle non juridictionnel notamment celui d'une protection renforcée des libertés ; s'est amenuisé et n'a pas été à la hauteur des attentes escomptées. Au lieu de cela le contrôle non juridictionnel de l'administration étatique s'est plutôt illustré par l'illusion d'un contrôle législatif (P1) et l'insignifiance des organismes non institués dans le contrôle de l'administration étatique. (P2)

Paragraphe 1 : L'inanité d'un contrôle législatif de l'administration étatique.

Le contrôle parlementaire du gouvernement constitue un des procédés classiques du régime parlementaire. Cela dit, le Parlement dispose de moyens de contrôle sur l'action du gouvernement et sur les politiques publiques, notamment celles relatives aux droits et libertés

438 BIKORO (J. M) ; les paradoxes constitutionnels en droit positif camerounais ; op.cit. p.61

439 ABANE ENGOLO (P) ; « existe-t-il un droit administratif camerounais ? » ; op.cit. p.22.

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fondamentaux. Il peut également engager la responsabilité du gouvernement lorsqu'il ne partage pas sa politique. Seulement, ces mécanismes demeurent purement théoriques. Deux éléments contribuent à annihiler l'influence du parlement sur l'exécutif : il s'agit non seulement de L'inféodation du parlement au pouvoir exécutif (A) ; mais également La modicité des mécanismes de contrôle parlementaire de l'administration étatique. (B)

A- L'inféodation du parlement au pouvoir exécutif.

Le contrôle politique de l'exécutif dévolu au parlement constitue l'une des fonctions essentielle de ce dernier.440 C'est véritablement une des conditions nécessaires à la réalisation de l'État de droit. Cela dit, un tel résultat n'est possible que dans l'hypothèse où, « par la disposition des choses, le pouvoir législatif puisse arrêter et/ou sanctionner l'exécutif.»441 Toutefois, l'ordre juridique camerounais malgré cette volonté de démocratisation des régimes442 observée depuis les années 1990 en Afrique subsaharienne francophone ; semble avoir maintenu cette inclination ferme443 en faveur de la mainmise de l'administration d'État444 sur toutes les institutions, le parlement y compris.

Le parlement camerounais en effet se caractérise par une véritable soumission à l'égard de l'exécutif présidentiel.445 Cette considération trouve son fondement à l'analyse des dispositions de la constitution de janvier 1996. Si de prime abord le constituant semble consacrer le principe de la séparation des pouvoirs, donnant ainsi l'impression de l'existence de rapports horizontaux446 entre les pouvoirs exécutif et législatif447 ; le même texte en revanche prête le flanc à de nombreuses critiques lorsqu'il consacre de manière plus ou moins explicite la prépondérance de l'exécutif présidentiel sur le parlement. Cette situation se traduit au regard de la capacité d'influence offerte au président de la république sur le mandat des parlementaires. En effet, celui-ci dispose de la prérogative selon le cas448 d'abroger ou de

440 KHADIM (T) ; le contrôle de l'exécutif dans la création de l'État de droit en Afrique francophone. Op.cit. p.193

441 Idem. P.195

442 CONAC (G.) « les processus de démocratisation en Afrique », in GERARD CONAC (dir.), l'Afrique en transition vers le pluralisme politique, Economica 1993, PP 11-41. Cité par KHADIM (T) ; op.cit. p.194.

443 ATEBA EYONG (R), « l'évolution du fondement idéologique du droit administratif camerounais » ; op.cit. p. 278

444 ABANE ENGOLO (P) ; « existe-t-il un droit administratif camerounais ? » op.cit. p.25.

445 BIKORO (J. M) les paradoxes constitutionnels en droit positif camerounais ; op.cit. p.48

446 Idem.

447 Article 4 de la constitution camerounaise de janvier 1996 op.cit.

448 Le texte constitutionnel camerounais de 1996 dispose justement que ces prérogatives sont possibles « en cas de crise ou lorsque les circonstances l'exigent. » or comme le relève le professeur FRANCOIS XAVIER MBOME, de telles expressions ne font généralement pas l'objet d'une définition textuelle. Laissant ainsi le soin au président de la république d'en déterminer le contenu. Lire à ce propos MBOME (F.X), « les rapports entre l'exécutif et le parlement », lex lata n° 023/024 p.27 ; cité par BIKORO (J. M) ; op.cit. p.49.

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proroger le mandat des parlementaires. Aussi, dispose-t-il d'un pouvoir de dissolution à l'égard de l'assemblée nationale449.

Au-delà même des dispositions constitutionnelles consacrant la domination de l'exécutif présidentiel sur le parlement, la pratique institutionnelle illustre davantage cet état des choses dans l'ordre juridique camerounais.

Dans le parlementarisme camerounais, la majorité sinon la quasi-totalité des lois adoptées par les assemblées sont d'origine gouvernementale. Cela dit, les propositions de lois sont rarissimes tandis que les projets de lois constituent les seules sources des textes législatifs au Cameroun.450 Ceci justement en raison de la majorité écrasante du parti au pouvoir au sein des assemblées parlementaires. Au vu de cela, force est donc de constater en fin de compte que « la nature du régime politique en cause fait que la loi en réalité est un acte de l'exécutif et plus précisément de son chef ».451 Or, si le chef de l'État, autorité de police administrative par excellence452 dispose d'une telle emprise sur le pouvoir législatif, il ne saurait véritablement exister un contrôle sur l'action gouvernementale de manière générale et sur les actes de police dont au final lui-même définit la politique.

Comment donc les parlementaires pourraient garantir les libertés publiques face à la prédominance de l'exécutif présidentiel sur les autres institutions étatiques ? Cette interrogation nous conduit forcément vers l'étude des mécanismes ou modalités de contrôle parlementaire de l'exécutifs, qui d'emblée semblent limités.

B- La modicité des mécanismes de contrôle parlementaire de l'administration étatique.

La majorité incarnée par le parti au pouvoir depuis plusieurs décennies est devenue l'instrument à travers lequel le président de la république, chef de l'État assoit son hégémonie au sein des institutions de l'État453. Le parlement illustre parfaitement ce rapport déséquilibré existant entre majorité et opposition454 dans la vie politique et même institutionnelle au Cameroun. Cela dit, la majorité impose des règles du jeu politique qui lui sont particulièrement

449 Article 8 alinéa 12 texte constitutionnel camerounais de 1996 op.cit

450 KAMTO (M) ; Pouvoir et droit en Afrique noire ; op.cit. p.445

451 Idem. P.444

452 Lire ATEMENGUE (JDN) ; « le pouvoir de police administrative du président de la république au Cameroun » ; op.cit. pp. 81-107.

453 TCHACFACK (D) ; « rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) radioscopie et trajectoire d'un parti présidentiel » DGRIS, 21 octobre 2016 NOTE n°25 ; P.22

454 DONFACK SOKENG (L) ; « l'institutionnalisation de l'opposition : Une réalité objective en quête de consistance» ; pp.44-95.

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favorables et censure les initiatives de l'opposition visant à contrecarrer ses desseins hégémoniques.455

Pourtant, il est évident qu'il existe une multitude de mécanismes juridiques permettant aux parlementaires de contrôler l'action du gouvernement. Mais il va sans dire que ceux-ci sont difficilement sinon insuffisamment mis en oeuvre au sein des assemblées parlementaires.

En effet le constituant camerounais reconnait aux parlementaires la possibilité de saisir le conseil constitutionnel. Pour cela ils doivent se constituer en au moins « un tiers des députés ou un tiers des sénateurs » pour voire leur requête recevable devant le juge constitutionnel.456 Or on le voit très bien la configuration des chambres ne permet pas à l'opposition parlementaire de prétendre au quota requis pour accéder au prétoire du juge constitutionnel. Sous d'autres cieux par contre, notamment dans l'ordre juridique béninois, le constituant prévoit que « tout membre de l'assemblée nationale457 » peut saisir la cour constitutionnelle sur la constitutionnalité d'une loi avant sa promulgation.458

Également, les parlementaires peuvent recourir à des moyens traditionnels en matière d'information et d'investigation sur l'action gouvernementale459. Il s'agit notamment des questions écrites et orales, ou les commissions d'enquêtes460. Pourvu que ces informations ne concernent pas des impératifs tels que la défense, la sécurité de l'État ou le secret de l'information judiciaire.

En ce qui concerne les mécanismes de contrôle consistant en la mise en jeu de la responsabilité gouvernementale, la constitution camerounaise prévoit et organise les procédures relatives à la question de confiance461 ou à la motion de censure462. Si la mise en jeu de la responsabilité, à l'initiative du gouvernement ou de l'assemblée nationale est un procédé classique du régime parlementaire, le phénomène majoritaire a rendu généralement

455 Idem. P. 74

456 Article 47 de la constitution camerounaise de 1996 op.cit.

457 Le parlement béninois est monocaméral.

458 Article 121 de la constitution béninoise op.cit.

459 Il s'agit là d'un contrôle n'ayant pas pour finalité la mise en jeu de la responsabilité gouvernementale. 460Articles 35 alinéa 1 de la constitution camerounaise.

461 Procédure permettant au premier ministre d'engager la responsabilité du gouvernement sur son programme ou une déclaration de politique générale. La confiance est refusée à la majorité absolue des membres de l'assemblée nationale. Le cas échéant le premier ministre la lettre de démission du gouvernement au président de la république. Article 34 alinéa 2 de la constitution camerounaise

462 Procédure mise en oeuvre à l'initiative des députés, à raison d'au moins un tiers des membres de l'assemblée ; à l'issu de laquelle si la motion de censure est adoptée à la majorité des deux tiers des députés ; le gouvernement devra démissionner. Article 34 alinéa 3 de la constitution camerounaise.

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inutiles ces mécanismes463. C'est dans un tel contexte que s'applique la fameuse réplique de Laignel qui s'adressant à l'opposition affirmait : « vous avez juridiquement tort car vous êtes politiquement minoritaires.»464 C'est donc au vu de ces considérations qu'il conviendra d'envisager un contrôle de l'administration au-delà des mécanismes institutionnalisés.

Paragraphe 2 : L'insignifiance des organismes non institués dans le contrôle de l'administration.

La protection plus efficace des libertés publiques contre les pouvoirs publics nécessite la contribution plus accentuée d'organismes non institués qui viendront renforcer les moyens de contrôle traditionnels de l'action étatique. Ces organismes peuvent être des personnes morales de droit public comme de droit privé. Au rang des premières figure les autorités administratives indépendantes notamment la commission nationale des droits de l'homme et libertés ; et parmi les secondes, figurent les ONG, les associations entre autres qui constituent ce que la doctrine désigne généralement sous le vocable de société civile. Qu'il s'agisse des autorités administratives indépendantes ou des associations de la société civile agissant dans le cadre de la protection des libertés publiques, elles sont confrontées dans la pratique au Cameroun à la précarisation (A) pour les unes voire à la marginalisation pour les autres. (B)

A- la précarisation de l'autorité administrative indépendante. (La CNDHL)

La dynamique de renforcement de la protection des administrés contre toutes formes d'excès d'autoritarisme ou d'arbitraire des pouvoirs publics465 nécessitait la mise en oeuvre des mécanismes nouveaux visant à assurer avec plus d'efficacité la garantie des droits et libertés des citoyens.

En effet comme le soulignait Jean Chevallier466, la mise en évidence des limites et insuffisances des voies juridictionnelles et bien entendu des autres mécanismes classiques, imposait de recourir à des dispositifs de protection plus souples et mieux adaptés. Évitant ainsi le formalisme, les lourdeurs et la lenteur des procédures conventionnelles. Les autorités administratives indépendantes apparaissaient alors comme l'instrument nécessaire pour une meilleure garantie des libertés.

463 CHAGNILLAUD (D), Droit constitutionnel contemporain tome2 4e éd. Armand Colin. P.320.

464 Assemblée nationale française, 13 octobre 1981.

465 KHADIM (T) ; Le contrôle de l'exécutif dans la création de l'État de droit en Afrique francophone op.cit. p.258.

466 CHEVALLIER (J), « autorités administrative et État de droit » p.146.

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C'est donc dans cette perspective que les États africains depuis les années 1990 se sont tour à tour inscrit dans la logique de démocratisation des régimes à travers notamment l'institutionnalisation des organismes indépendants principalement orientés vers la garantie des principes fondamentaux467de la démocratie, avec en toile de fond le renforcement des libertés publiques. Il s'en suivait alors la création et même l'institutionnalisation d'organismes publics dont la dénomination variait selon les États ; il s'agissait tantôt des commissions des droits de l'homme tantôt des institutions de médiation publiques.

Relativement à cet ancrage institutionnel des autorités administratives indépendantes certains, pays africains sont allés jusqu'à la consécration constitutionnelle d'organismes publics indépendants situés en dehors de l'administration étatique, et chargés d'en assurer le contrôle. Tel était le cas notamment de la République centre africaine qui dans sa constitution consacrait tout un titre portant sur la commission de médiation pacifique et permanente468.

Le Cameroun n'était pas en reste face à cette nouvelle donne. C'est à cet effet que l'on eut à faire en 1990 à la création du comité des droits de l'homme à la suite d'un décret469 signé par le président de la république. En effet la comité avait pour but d'assurer la promotion et la protection des droits de l'homme. Pourtant, quatorze ans plus tard, celui sera dissout puis remplacé par l'actuelle commission nationale des droits de l'homme et des libertés (en abrégé C.N.D.H.L.) à la faveur de la loi n°2004/016 du 22 juillet 2004. Il était en effet reproché à l'ex comité son incapacité à assurer une réelle protection des droits et libertés des citoyens.470

La commission nouvellement créée présentera visiblement un certain nombre de garanties qui laisseront alors présager les attributs d'une institution véritablement indépendante à l'abri de toutes formes de pressions des pouvoirs extérieurs. En première analyse, si le texte portant création de l'ex comité était un acte réglementaire, l'actuelle commission désormais trouve son assise juridique dans la loi de 2004 : signe d'une avancée marquante vers l'institutionnalisation de cet organisme qui jusque-là semblait encore incertaine. Également observe-t-on une évolution dans le procédé de désignation et de nominations471 des membres de la commission qui désormais associe plusieurs autorités472. L'un des apports les plus marquants de la nouvelle législation constitue la budgétisation et

467 Idem.

468 Titre XI de la constitution de la R.C.A.

469 Décret n°90/154 du 8 novembre 1990

470 ZBIEGNIEW DIME LI NLEP (P) ; la garantie des droits fondamentaux au Cameroun. Op.cit.

471 Compétence qui était alors l'apanage du président de la république. Lire ZBIEGNIEW DIME LI NLEP (P) ; la garantie des droits fondamentaux au Cameroun. Op.cit.

472 Article 6 alinéa 2 de la loi de 2004/016 op.cit.

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l'élargissement des sources de financement de la commission473 qui à l'opposé de l'ex comité ne dépend plus des dotations étatiques.

Toutefois, s'il est des avancées depuis la mise en oeuvre de la nouvelle commission, toujours est-il que cette dernière reste encore limitée de manière significative dans sa mission de promotion et de protection des droits de l'homme et des libertés telle que le prévoit l'article 2 de la loi n° 2004/016. De sérieuses questions restent encore posées relativement à l'efficacité de la commission tant dans ses missions de promotion que dans celle de protection des droits et libertés fondamentaux notamment face à l'arbitraire des pouvoirs publics.

Relativement à la question de la promotion des droits et libertés fondamentaux, la réalité est que les moyens matériels dont dispose la commission sont encore considérablement insignifiants. Force est de constater que l'efficacité dans la réalisation de ses missions se retrouve ainsi véritablement remise en cause. Cela s'illustre concrètement par la relative discrétion voire la timidité qui caractérise la commission depuis sa création. Autrement dit, les activités et même l'existence de la commission ne sont pas ou du moins restent et demeurent très peu connus du grand public. En effet on observe en pratique non seulement un faible déploiement de cette institution à l'échelon local c'est-à-dire auprès des populations, mais également des insuffisances dans la vulgarisation et la diffusion de ses travaux.

Par ailleurs, au sujet de la protection des droits et libertés fondamentaux, ce que l'on retient c'est que si dans ses attributions, la commission peut recevoir toutes dénonciations sur les cas de violations des droits de l'homme et des libertés,474 ou peut selon les cas procéder à des convocations pour auditions des parties ou des témoins475 ; la vérité est qu'elle ne dispose pas d'un pouvoir de contrainte.

En fin de compte, Si à l'origine dans leur fondement, l'instauration des autorités administratives indépendantes visaient à limiter l'exercice du pouvoir et de garantir les libertés face aux dérives de l'exécutif476 ; force est de constater que dans l'ordre juridique camerounais, malgré des améliorations observés dans la construction d'une institution autonome dotée de moyens propres nécessaires à une protection plus souple et mieux adaptée des libertés depuis la création de la commission nationale des droits de l'homme et des libertés ; toujours est-il que la mission de promotion et de protection des droits et libertés qui

473 Article 20 de la loi précitée. 474Article 2 de la loi précitée

475 Idem article 3 cette attribution s'accompagne d'une sanction en cas de refus de déférer auxdites convocations.

476 CHEVALLIER (J), « autorités administrative et État de droit » ; op.cit. p.145.

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lui incombe reste encore fortement limité. Cela dit, la commission ne dispose pas suffisamment de ressources tant juridiques que matérielles pour assumer la posture de garant non juridictionnel des libertés. Tel semble être le cas également des associations de la société civile dont la situation marginale ne laisse guère entrevoir des lendemains meilleurs pour les libertés au Cameroun.

B- La marginalisation des organisations de la société civile.

Le terme société civile est par définition un concept assez contingent, polysémique, voire477labile.478 Ceci dit, comme le souligne Réné Gallissot, « la complexité de la notion, la nature souvent floue et vague de ses composantes sémantiques la rendent rebelle à toute conceptualisation »479. Quoiqu'il en soit, la notion de société civile fait généralement référence à un rapport société-État dans lequel des acteurs individuels ou collectifs exercent leur pression dans un ensemble social.480

Si la société civile est un phénomène récent en Afrique noire francophone, du moins par rapport aux sociétés occidentales, force est de reconnaitre que l'enjeu fondamental reste le même partout, puisqu'il s'agit de l'affirmation et de l'institutionnalisation de nouveaux contre-pouvoirs481.

C'est véritablement dans les années 1990 que la société civile connaitra son plein essor dans les pays d'Afrique noire francophone, notamment à la faveur des mouvances démocratiques qui ont caractérisés cette période. Cela s'est concrétisé au Cameroun au plan législatif par l'adoption de la loi n°90/053 du 19 décembre 1990 relative à la liberté d'association ; et plus tard par la loi n°99/014 du 22 décembre 1999 régissant les organisations non gouvernementales. En clair l'on aboutira à une véritable révolution dans la législation relative à la liberté d'association. Plus concrètement, assistera-t-on alors à la consécration de nouveaux groupes de pression capables de s'organiser pour peser sur les décideurs politiques482 afin de mieux défendre des intérêts collectifs.

477 GHILS (P), « le concept et les notions de société civile » ; in : équivalences, 24e année-n°2, 1994. p. 128.

478 Idem.

479 GALLISSOT (R), abus de société civile : « étatisation de la société ou socialisation de l'État », in l'homme et la société, N.102, 1991. État et société civile. P.3.

480 Idem.

481 AYEE (J), et alii. les sociétés civiles du Sud, un état des lieux de trois pays de la ZSP, Cameroun, Ghana, Maroc, centre d'études d'Afrique noire, institut d'études politiques de Bordeaux, Ministère des affaires étrangères 2004.

482 FARDEAU (J.M), « le rôle de la société civile », CERAS 2016/5 n° 71.

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Si la liberté d'association semble désormais constituer une réalité dans l'ordre juridique camerounais, notamment au regard du foisonnement d'associations diverses, reste-t-il à savoir si l'environnement juridique est véritablement propice à l'épanouissement des associations de la société civile tel que recommandé par les grands textes internationaux.483

De manière générale le régime des associations au Cameroun est celui de la déclaration484. Autrement dit, l'existence d'une association et par contrecoup l'acquisition de sa personnalité juridique n'intervient qu'après une déclaration faite à la préfecture du département où elle a son siège.485 Par ailleurs le silence gardé pendant deux mois après le dépôt du dossier de déclaration, vaut acceptation et emporte acquisition de la personnalité juridique.486 Si théoriquement la légalisation d'une association semble simple, en pratique les choses se présentent autrement.487 En effet la procédure de déclaration en pratique mobilise un certain nombre d'opérations de vérifications qui au final demandent des délais considérables.488 Résultat des courses plusieurs associations évoluent dans l'illégalité.

Relativement à l'environnement juridique qui caractérise le fonctionnement des associations de manière générale, le fait est que ces dernières sont sans cesse confrontées à la volonté gouvernementale de maîtrise du phénomène associatif au Cameroun.489 Ce faisant, les pouvoirs publics disposent et n'hésitent d'ailleurs pas à déployer toutes les armes à la fois juridiques qu'extra-juridiques pour minimiser l'action des associations de la société civile. Le législateur camerounais fournit là encore un exemple on ne peut plus clair d'un ordre autoritaire caractérisé par la recherche de la protection de l'État au détriment des libertés.

C'est ainsi que le MINATD peut sur proposition du préfet suspendre par arrêté, pour un délai maximum de trois mois l'activité de toute association pour trouble à l'ordre public.490 Dans la même perspective, la même autorité peut également dissoudre toute association qui s'écarte de son objet et dont les activités portent gravement atteinte à l'ordre public et à la sécurité de l'État.491

483 Lire à ce propos le guide pratique pour la société civile, le champ d'action de la société civile et le système des droits de l'homme des nations unies

484 Exception faite de des associations étrangères et religieuses qui elles obéissent au régime de l'autorisation ; article 5 (2) de la loi n°90/053 relative à la liberté d'association.

485 Article 7 (1) de la loi n°90/053 relative à la liberté d'association.

486 Article 7 (3) de la loi précitée.

487 ATEMENGUE (JDN) ; la police administrative au Cameroun. Op.cit. p.238.

488 Idem.

489 Idem, p.242.

490 Article 13 alinéa 1 de la loi n° 90/053 op.cit.

491 Article 13 alinéa 2 de la même loi.

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Comment déterminer dans ces conditions l'atteinte à l'ordre public ? Évidemment, le législateur reste silencieux sur la question. Laissant à la discrétion ou au bon vouloir de l'administration le soin d'apprécier le caractère attentatoire à l'ordre public des activités associatives. Et ce généralement suivant des considérations qui ne relèvent pas toujours du droit. L'on assiste alors à une instrumentalisation de l'ordre public492 par les pouvoirs publics.

La jurisprudence viendra à travers l'affaire Comité d'action populaire pour la liberté et la démocratie (CAP-liberté) c/ État du Cameroun (MINAT),493 confirmer la posture sanctionnatrice voire la sévérité494 des pouvoirs publics à l'égard des libertés.

En espèce, le MINAT, se fondant sur l'article 13 de la loi n°90/053 susmentionnée, a dissout l'association Comité d'action populaire pour la liberté et la démocratie (CAP-liberté), ONG exerçant alors dans le domaine des droits de l'homme ; motif pris de ce que l'association se serait écarté de son objet initial à savoir LA défense des droits de l'homme pour s'associer aux activités de la « coordination des partis politiques d'opposition et association »,495 dont les mots d'ordre portaient sur les slogans de « ville morte » et de « désobéissance civique» dont l'évocation même selon le juge était de nature à porter atteinte à l'ordre public voire à la sécurité de l'État.

En clair, il était reproché à l'association CAP-liberté de s'être détournée de la défense des droits de l'homme, son but initial, pour se constituer en adversaire à l'égard de l'État ; mettant en cause la sécurité de celui-ci à travers la participation à des mouvements populaires contre le pouvoir en place.

Le juge dans cette affaire s'est érigé en véritable défenseur de la sécurité de l'État. Sacrifiant au passage la liberté d'association à l'autel d'un intérêt supérieur de l'État. Car en effet, à bien observer, la participation des associations dites de défense des droits de l'homme à des manifestations de la contestation populaires, ne les détourne pas nécessairement de leur objectif initial. Cela dans la mesure où, le droit de contestation en lui-même est un droit fondamental consacré. Bien au contraire, les acteurs des associations de la société civile, engagés dans la défense des droits de l'homme en de telles circonstances n'ont-ils pas vocation à structurer, encadrer les mouvements contestataires de manière justement à limiter les

492 GUESSELE ISSEME (L) ; l'apport de la cour suprême au droit administratif camerounais op.cit. p.527.

493 Ordonnance n°21/O/PCA/CS du 6 janvier 1992, Comité d'action populaire pour la liberté et la démocratie (CAP-liberté) c/ État du Cameroun (MINAT).

494 ATEMENGUE (JDN), la police administrative au Cameroun ; op.cit. p.239.

495 Qui est une association à caractère politique par essence.

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heurts ? Quoiqu'il en soit, force est de constater en fin de compte que les associations de la société civile au Cameroun sont par définition marginales496 par rapport aux institutions de l'État. Tolérées lorsqu'elles ne remettent pas en cause les pouvoirs publics, celles-ci sont vivement réprimées lorsqu'elles se posent en contre-pouvoir vis-à-vis de l'élite dirigeante.

496 GRAFF (A), « qu'en est-il de la société civile ? Politique de l'antipolitique » éd Kimé « tumultes », 2009/1 n° 32-33 p.260

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE.

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La police administrative au Cameroun dispose de pouvoirs discrétionnaires exorbitants dans l'accomplissement des activités de maintien de l'ordre public. Si comme le relèvent Olivier Gohin et J.-G. Sorbara, l'ordre public dans sa finalité permet ou du moins devrait permettre la satisfaction de l'intérêt général,497 force est de constater que ce postulat ne s'applique pas au sein de la police administrative camerounaise.

En effet, l'ordre public dans le contexte camerounais, s'inscrit dans une politique de mise à l'abri du pouvoir en place. Cela étant, la police y vise prioritairement à conforter une administration forte et autoritaire. Un tel état de choses sera davantage perceptible eu égard au contexte socio politique tendu auquel il faudra ajouter la rémanence des questions voire du discours sécuritaire.

C'est donc ainsi que les libertés publiques se verront de plus en plus appliquer un régime allant de coercitions en coercitions, de manière à dissuader toutes velléités susceptibles de remettre en cause l'autorité étatique. En présence d'une telle réalité, l'on ne peut que constater la carence des « contre-pouvoirs » à garantir la protection des libertés publiques. Ceux-ci se retrouvant généralement confinés selon le cas à un rôle d'observateurs silencieux ou de spectateurs impuissants. Or, d'un point de vue relatif à la réalisation de l'État de droit, une administration, quelle qu'elle soit, si elle est exercée sans le contrepoids et le frein salutaire des institutions, il « en résulte les maux les plus frappants et les plus désastreux. »498

497 GOHIN (O); SORBARA (J-G), Institutions administratives, 6e éd., LGDJ, lextenso éd. p.23.

498 DEMEERSEMAN (A), « au berceau des premières réformes démocratiques en Tunisie », IBLA 1er trimestre 1957, note 9.

CONCLUSION GENERALE.

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Les années 1990 marquent au Cameroun la fin de la règlementation antisubversive. Ainsi a-t-on assisté à la consécration et à la règlementation plus libérale des libertés publiques au rang desquels figurait désormais le droit de grève. La police administrative qui jusque-là était encore fortement ancrée dans l'idéologie et mêmes les travers de la construction nationale, devait alors se dévêtir des oripeaux autoritaristes pour se retourner vers le libéralisme qu'imposaient alors la nouvelle ère de changements constitutionnel. Seulement les différentes réformes instituées au plan textuel à la faveur de la révolution juridique499 des années 1990 au Cameroun, n'ont pas entrainé l'essor des libertés publiques tel qu'escompté. Au lieu de cela, l'on a plutôt aboutit dans le fond à une répulsion, voire une récalcitrance ouverte500 des pouvoirs publics face au libéralisme.501 Cela dit, les manifestations publiques contestataires ou plus exactement les mouvements de grève restent encore des libertés qui dérangent.

En effet, Les principes d'apparence libérale proclamés par la loi suprême, demeurent artificiels et la démocratie formelle.502 En tant que revendications populaires légitimes, les libertés collectives sont officiellement consacrées, mais l'aménagement de leur exercice en raison de leur imprévisibilité leur fait perdre toute effectivité sur le plan pratique.503 Le recours à des notions fluctuantes504 par le constituant et même par le législateur laisse aux autorités administratives d'exorbitants pouvoirs discrétionnaires qu'ils n'hésitent pas à instrumentaliser en dehors du cadre juridique. C'est cela que nous avons qualifié d'inflation des pouvoirs discrétionnaires des autorités de police administrative.

Ainsi, la police administrative sera instrumentalisée dans l'optique de davantage asseoir l'hégémonie étatique en dehors de toute critique. Pour ce faire, la répression semble la méthode la mieux adaptée. C'est fort de cela que l'on va assister à un durcissement de la police administrative dans l'encadrement des libertés publiques de manière générale, et davantage encore en ce qui concerne les rassemblements publiques, jugés « potentiellement dangereux ».

499 METOU (B-M), « vingt ans de contentieux des libertés publiques au Cameroun » op.cit., p.267.

500 LOCHAK (L). « Le droit administratif, rempart contre l'arbitraire ? ». Pouvoirs - Revue française d'études constitutionnelles et politiques, Le Seuil, 1988, Droit administratif. Bilan critique, pp.43-55. http://www.revue-pouvoirs.fr/Le-droit-administratif-rempart.htmlff. hal-01684036

501 ATEBA EYONG (R), « l'évolution du fondement idéologique du droit administratif camerounais » op.cit., p.273.

502 MOKNI (H.B), L'exercice des libertés publiques en période de transition démocratique ...op.cit., p.

503 Idem. op.cit., p.

504 BIKORO (J.M), les paradoxes constitutionnels en droit positif du Cameroun, op.cit., p.90.

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Le contexte se voudra encore plus nocif pour les libertés publiques avec la rémanence du phénomène sécuritaire. En effet la question sécuritaire contribuera à davantage renforcer la Puissance et l'autorité étatique. À tel point que certaines libertés publiques remettant en cause cette autorité étatique seront criminalisés et leur répression sera militarisée. Dans cette logique, comme le relève Mme. P. Belomo Essono, force est de constater que « La gestion de l'insécurité constitue une stratégie politique pour le pouvoir »505, « celle consistant à Contenir(...), à gérer l'insécurité afin de sécuriser le politique »506 au grand dam des libertés. Dans un tel contexte, les institutions chargée de contrôler les pouvoirs publics brillent par leur incapacité à assurer l'effectivité de la protection des droits et libertés fondamentaux.

Il s'agit tout d'abord des organes juridictionnels qui peinent à se constituer en contrepouvoir dans un régime qui les place sous sa domination en les privant de garanties statutaires nécessaires à l'indépendance de la justice.507 La mission de protection juridictionnelle des libertés publiques contre l'arbitraire administratif qui leur incombe devient alors utopique vu leur dépendance manifeste à l'exécutif présidentiel.

Il s'agit ensuite de l'institution parlementaire qui face à la prédominance de l'exécutif incarnée par le Président de la République ne peut véritablement pas contrôler l'action du gouvernement. Le phénomène majoritaire rendant inopérant les différents mécanismes institutionnels de mise en oeuvre de la responsabilité du gouvernement devant l'assemblée nationale.

En fin, au regard de l'incapacité des pouvoirs judiciaire et législatif à contenir les "assauts répétés de l'exécutif" sur les libertés publiques, malgré les velléités de démocratisation et de création de l'État de droit, il se posait alors la nécessité de la mise en oeuvre de mécanismes nouveau de garantie non juridictionnelle des droits et libertés fondamentaux contre l'arbitraire de l'administration. Cependant, Les instances représentatives et administratives non institutionnelles ou du moins non constituées qui étaient alors chargées d'assurer ce rôle entre le pouvoir et les citoyens sont elles-mêmes soit précarisées soit marginalisées dans un contexte de fermeture de la sphère publique.508

505 BELOMO ESSONO (P.C), L'ordre et la sécurité publics dans la construction de l'État au Cameroun, op.cit., p.429.

506 Idem.

507 MOKNI (H.B), L'exercice des libertés publiques en période de transition démocratique ..., op.cit., p.137.

508 Idem., p.137

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Il apparait dès lors justifié d'affirmer que les libertés publiques subissent actuellement au Cameroun une forte altération. La police administrative y contribue considérablement dans un contexte où les mouvements protestataires sont considérés comme une atteinte grave à l'ordre public et donc à l'autorité de l'élite dirigeante. Or Si comme ont pu relever Charles Debbasch et Jean-Marie pontier, « le compromis est la règle nécessaire de fonctionnement des démocraties, sans être l'abandon de ses idées pour se conformer à une hypothétique volonté générale, parce qu'il repose sur la reconnaissance de la vertu du dialogue pour régler les conflits »509 ; force est de constater que la protestation voire le droit d'opposition reste encore considéré au Cameroun comme un sujet qui fâche. Le professeur M. Ondoa écrira justement à ce propos que « les mécanismes de l'État de droit restent et demeurent largement théoriques et prennent de ce fait valeur de simples enseignes décoratives»;510 et le droit, soulignera le professeur J.D.N. Atemengue, dans les pays en développement, n'est qu'un « paravent qui masque la réalité de la vie institutionnelle. »511

Ce ne serait donc que par antiphrase que l'on pourrait parler des libertés publiques au Cameroun surtout lorsqu'il s'agit de celles à caractère protestataire comme le droit de grève.

M. Ban ki-monn s'offusquant de l'influence négative des gouvernants sur les libertés publiques affirmait alors : « si les dirigeants n'écoutent pas leurs peuples, ils les entendront dans les rues, sur les place, ou comme nous le voyons trop souvent, sur les champs de bataille. Il existe un meilleur moyen. Davantage de participation. Davantage de démocratie, davantage de contacts et d'ouverture.»512 Une telle observation confrontée à l'analyse de la police de la grève sur laquelle portait notre étude appelle donc à une reconsidération des libertés publiques et un meilleur encadrement de leur exercice en droit administratif camerounais. Car ne dit-on pas au final que la démocratie est le régime qui repose sur les convergences du consensus social et du consensus politique513

509 DEBBASCH (C) et PONTIER (J.-M), Introduction à la politique , Dalloz 4e éd., 1994, page 105.

510 ONDOA (M), « le droit public des États africains sous ajustement structurel : le cas du Cameroun », p. 420, in BEKOLO EBE (B.), TOUNA MAMA, FOUDA (S.M.) (dir.), mondialisation, exclusion et développement africain : stratégie des acteurs publics et privés, T.2, Paris, Maisonneur et Larose, 2006.

511 ATEMENGUE (J.D.N), la police administrative au Cameroun., op.cit., p.314.

512 M. BAN KI-MOON, ancien secrétaire des nations unies, 23 septembre 2013.

513 BURDEAU (G), l'État entre le consensus et le conflit op.cit. p.71.

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· BOYER-CAPELLE (CAROLINE)., le service public et la garantie des droits et libertés. thèse présentée en vue de l'obtention du grade de docteur. Université de Limoges, juillet 2009. 732P.

· GERVIER (PAULINE), la limitation des droits fondamentaux constitutionnels par l'ordre public, thèse de doctorat en droit, université de Montesquieu - Bordeaux IV, septembre 2013. 663P.

· GUESSELE ISSEME (LIONEL PIERRE); l'apport de la cour suprême au droit administratif camerounais, thèse présentée en vue de l'obtention du grade de docteur. Université de Yaoundé II, Septembre 2010, 584p.

· KHADIM (THIAM), Le contrôle de l'exécutif dans la création de l'État de droit en Afrique francophone, thèse de doctorat en droit. Université de Bordeaux, 2018. Français 405p.

·

111

MESSING (JEAN LOUIS), la problématique de maintien de l'ordre dans les Etat d'Afrique noire francophone : le cas du Cameroun (1960-1992). Thèse de doctorat de 3e cycle en droit public. Université de Yaoundé II, 1994, 256p.

· PAMATCHIN SORO (SYLVIA-GHISLAINE), L'exigence de conciliation de la liberté d'opinion avec l'ordre public sécuritaire en Afrique subsaharienne francophone (Bénin-Côte d'Ivoire-Sénégal) à la lumière des grandes démocraties contemporaines (Allemagne-France). Droit. Université de Bordeaux, 2016. Français. 535P.

· KERKATLY (YEHIA) ; Le juge administratif et les libertés publiques en droits libanais et français. Thèse pour obtenir le grade de docteur de l'université de Grenoble Alpes. 5 novembre 2013. 360 P.

B- MEMOIRES.

· BIKORO (JEAN MERMOZ), les paradoxes constitutionnels en droit positif du Cameroun. mémoire de DEA en droit public, université de Yaoundé II. 2010-2011, 158p.

· ZBIGNIEW DIME LI NLEP (PAUL), la garantie des droits fondamentaux au Cameroun. DEA en droit international des droits de l'homme, université d'Abomey-Calavi, Bénin, 2004. http// mémoireonline.com.

· OJONG (THOMAS), l'infraction politique en droit pénal camerounais. DEA en droit privé fondamental, université de Douala, 2005. http// mémoireonline.com.

· ESSOMBA NTSAMA (JEAN), la répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire en matière de libertés publiques au Cameroun. mémoire de DEA en droit public, université de Yaoundé II. 2005-2006, 109p.

III- COURS POLYCOPIES.

· ABA'A OYONO (JEAN-CALVIN), Droit administratif, 2e année de licence. 20142015, université de Yaoundé II.

· ABANE ENGOLO (PATRICK), Contentieux administratif, 3e année de licence. 20152016, université de Yaoundé II.

IV- DICTIONNAIRES.

· Lexique des termes juridiques, 25e éd., Dalloz, Paris, 2017-2018.

· CABRILLAC (REMI), Lexique du vocabulaire, Lites, 1ère éd. 2002.

· 112

ELLIS WILD (SUSAN), Webster's New World® Law Dictionary, Wiley publishing, Inc., 2006.

V- TEXTES DE LOI CITES.

A- TEXTES INTERNATIONAUX.

· déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

· déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1793.

· déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948.

· Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981, entrée en vigueur le 28 octobre 1986.

B- TEXTES NATIONAUX.

· loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 2 juin 1972.

· Loi n°2008 du 14 avril 2008 modifiant certaines dispositions de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 2 juin 1972.

· Loi n°90/055 du 19 décembre 1990 portant régime des réunions et manifestations publiques.

· loi n°90/047 du 19 décembre 1990 relative à l'état d'urgence.

· Loi n°90/054 du 19 décembre 1990 relative au maintien de l'ordre.

· Loi n°90/053 du 19 décembre 1990 relative à la liberté d'association.

· Loi n°90/061 du 19 décembre 1990 portant modification de quelques dispositions du code pénal.

· Loi n°99/014 du 22 décembre 1999 régissant les organisations non gouvernementales.

· Loi n° 2004/016 du 22 juillet 2004 portant création, organisation et fonctionnement de la commission nationale des droits de l'homme et des libertés.

· Loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs.

· la loi n°2008/015 du 29 décembre 2008 portant organisation et fixant des règles de procédure applicable devant les tribunaux militaires.

· loi n°2014/028 portant répression du terrorisme.

· loi n°2016/007 du 12 juillet 2016 portant code pénal.

·

113

le décret n°68/df/361 du 4 septembre 1968 fixant certaines modalités de la loi n°68/lf/4 du 11 juin 1968 portant organisation du régime des réquisitions.

· décret n° 70/DF/264 du 04 juin 1970 relatif à la sureté de l'Etat.

· Décret n°90/154 du 8 novembre 1990. Portant création, organisation et fonctionnement du comité national des droits de l'homme et des libertés.

C- TEXTES ETRANGERS.

· Constitution française du 4 octobre 1958.

· Loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant constitution de la république du Benin.

· Loi n°3/91 du 26 mars 1991 (modifiée) portant constitution de la république gabonaise.

· Constitution tchadienne du 04 mai 2018.

· Constitution de la république Centre Africaine du 30 mars 2016.

·

QUELQUES CAS DE
JURISPRUDENCE NATIONALE CITES.

Comité d'action populaire pour la liberté et la démocratie (CAP- liberté) c/ État du Cameroun (MINAT), ordonnance n°21/O/PCA/CS du 6 janvier 1992.

· Dame NDONGO née MBONZI NGOMBO c/ État du Cameroun (P.R.), jugement n°07/94-95 du 27 octobre 1994.

· EITEL MOUELLE KOULA c/ État du Cameroun, CFJ/CAY, jugement n°178 du 28 mars 1972.

· MBARGA RAPHAEL C/ État du Cameroun, CS/CA, jugement n°73 du 29 juin 1989

· NANA TCHANA DANIEL c/ république fédérale du Cameroun ; CFJ-CAY arrêt n°194 du 25 mai 1970.

· Social democratic front (SDF) c./État du Cameroun, CS/CA, Ordonnance n° 01 du 23 janvier 2009.

· Sté des Grands Travaux de l'Est c/ État du Cameroun oriental, Arrêt n°68/CFJ/CAY du 30 septembre 1969.

· Union des populations du Cameroun (UPC) c/État du Cameroun, Ordonnance n° 04/OSE/PCA/CS, 93-94.

ANNEXES.

114

115

Loi n° 90-54 du 19 décembre 1990 Relative au maintien de l'ordre.

L'Assemblée Nationale a délibéré et adopté,

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit:

CHAPITRE I

DES DISPOSITIONS GENERALES

ARTICLE 1er.- La présente loi relative au maintien de l'ordre public fixe les principes d'action à observer, en temps normal, par les autorités administratives et les éléments de maintien de l'ordre en vue de préserver l'ordre public ou de le rétablir quand il a été troublé.

CHAPITRE Il

DES POUVOIRS DES AUTORITES ADMINISTRATIVES

ARTICLE 2.- Les autorités administratives peuvent, en tout temps et selon le cas, dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre public, prendre les mesures ci-après:

- Soumettre la circulation des personnes et des biens à des contrôles;

- Requérir les personnes et les biens dans les formes légales;

- Requérir les forces de police et de gendarmerie pour préserver ou rétablir l'ordre;

- Prendre des mesures de garde à vue d'une durée de quinze (15) jours renouvelables dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme.

CHAPITRE III

DE L'USAGE DES ARMES

ARTICLE 3.- (1) - L'usage des armes est interdit dans les opérations courantes de maintien de l'ordre public.

2) - L'emploi du tir à blanc ou du tir en l'air est interdit.

3) - Toutefois, les grenades lacrymogènes, les bâtons et autres instruments similaires peuvent être employés en cas de nécessité, au rétablissement de l'ordre public.

ARTICLE 4.- 1) - Nonobstant les dispositions de l'article 3 alinéa 1 ci-dessus, l'usage des armes peut intervenir sur réquisition expresse de l'autorité administrative dans les cas suivants:

a)

116

lorsque les violences et voies de fait graves et généralisées sont exercées contre les éléments de maintien de l'ordre;

b) en cas d'usage d'arme à feu contre les forces de maintien de l'ordre.

2) - Dans les deux cas, l'usage d'armes n'est admis que si les forces de maintien de l'ordre ne peuvent se défendre autrement, et n'intervient qu'après plusieurs sommations faites par haut-parleur ou par tout autre moyen.

ARTICLE 5.- L'usage des armes contre les éléments du grand banditisme ou des bandes rebelles armées peut intervenir sans réquisition.

CHAPITRE IV

DES DISPOSITIONS PENALES ET DIVERSES

ARTICLE 6.- Les infractions aux dispositions de l'article 3 alinéa 1 et 4 ci-dessus sont punies des peines prévues par l'article 275 du Code Pénal.

ARTICLE 7.- La présente loi abroge toutes dispositions antérieures contraires, notamment la loi n059-33 du 27 mai 1959 sur le maintien de l'ordre public.

ARTICLE 8.- La présente loi sera enregistrée, publiée selon la procédure d'urgence, puis insérée au Journal Officiel en français et en anglais.

Yaoundé, le 19 décembre 1990

LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE,

(é)PAUL BIYA

117

Loi n°90-055 du 19 décembre 1990 portant régime des réunions et des manifestations publiques

L'Assemblée Nationale a délibéré et adopté,

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

CHAPITRE I

DISPOSITIONS GENERALES

ARTICLE 1er.- Le régime des réunions et des manifestations publiques est fixé par les dispositions de la présente loi.

CHAPITRE II

DES REUNIONS PUBLIQUES.

ARTICLE 2.- A un caractère public, toute réunion se tient dans un lieu public ou ouvert au public.

ARTICLE 3.- 1) Les réunions publiques, quel qu'en soit l'objet, sont libres.

2) Toutefois, elles doivent faire l'objet d'une déclaration préalable.

3) Sauf autorisation spéciale, les réunions sur voie publique sont interdites.

ARTICLE 4.- 1) La déclaration visée à l'article 3 al 2 ci-dessus est faite auprès du chef de district ou du Sous-préfet sur le territoire duquel la réunion est prévue, trois (3) jours francs au moins avant sa tenue.

2) Elle indique les noms, prénoms et domicile des organisateurs, le but de la réunion, le lieu, la date et l'heure de sa tenue, et doit être signée par l'un d'eux.

3) L'autorité qui reçoit la déclaration délivre immédiatement le récépissé.

ARTICLE 5.- 1) Toute réunion publique doit avoir un Bureau composé d'au moins trois (3) personnes chargées de maintenir l'ordre, d'empêcher toute infraction aux lois, d'interdire tout discours contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs, ou de nature à inciter à la commission d'actes qualifiés crime ou délit.

2) L'autorité administrative peut déléguer un représentant pour assister à la réunion.

118

3) Seul le Bureau peut suspendre ou arrêter la réunion. Toutefois, en cas de débordement, le représentant de l'autorité administrative, s'il est expressément requis par le Bureau, peut y mettre fin.

CHAPITRE III

DES MANIFESTATIONS PUBLIQUES.

ARTICLE 6.- 1) Sont soumis à l'obligation de déclaration préalable tous les cortèges, défilés, marches et rassemblements de personnes et, d'une manière générale, toutes les manifestations sur la voie publique.

2) Dérogent à l'obligation visée à l'alinéa 1er les sorties sur la voie publique conformes aux traditions et usages locaux ou religieux.

ARTICLE 7.- 1) La déclaration prévue à l'article 6 ci-dessus est faite au district ou à la sous-préfecture où la manifestation doit avoir lieu, sept jours francs au moins avant la date de ladite manifestation.

2) Elle indique les noms, prénoms, et domicile des organisateurs, le but de la manifestation, le lieu, la date et l'heure du rassemblement et, s'il y a lieu, l'itinéraire choisi, et est signée par l'un d'eux faisant élection de domicile au chef-lieu ou de l'arrondissement ou de district. :

ARTICLE 8.- 1) Le chef de district ou le Sous-préfet qui reçoit la déclaration en délivre immédiatement récépissé.

2) Toutefois, s'il estime que la manifestation projetée est de nature à troubler gravement l'ordre public, il peut, le cas échéant :

- lui assigner un autre lieu ou un autre itinéraire ;

- interdire par arrêté qu'il notifie immédiatement au signataire de la déclaration au domicile élu.

3) En cas d'interdiction de la manifestation, l'organisateur peut, par simple requête, saisir le président du Tribunal de Grande Instance compétent qui statue par ordonnance dans un délai de 8 jours de sa saisine, les parties entendues en Chambre du Conseil.

4) Cette ordonnance est susceptible de recours dans les conditions de droit commun.

119

CHAPITRE IV

DES DISPOSITIONS PENALES ET DIVERSES.

ARTICLE 9.- 1) Sans préjudice, le cas échéant, les poursuites pour crimes et délits, est puni des peines prévues à l'article 231 du Code Pénal quiconque :

a) participe à l'organisation d'une réunion publique qui n'a pas été préalablement déclarée ;

b) fait une déclaration de nature à tromper les autorités sur les conditions ou l'objet de la réunion.

2) Est puni des mêmes peines quiconque :

a) avant le dépôt de la déclaration ou après l'interdiction légale d'une manifestation, adresse, par quelque moyen que ce soit, une convocation pour y prendre part ;

b) fait une déclaration incomplète ou inexacte de nature à tromper sur les conditions de la manifestation projetée.

ARTICLE 10.- Sont punis des peines prévues à l'article précédent, les organisateurs de toute manifestation publique sans déclaration requise ou après notification de l'interdiction légale.

ARTICLE 11.- Le régime des réunions publiques pendant les campagnes électorales est fixé par la loi électorale.

ARTICLE 12.-La présente loi abroge toutes dispositions antérieures.

ARTICLE 13.- La présente loi sera enregistrée, publiée selon la procédure d'urgence, puis insérée au Journal officiel en français et en anglais.-

Yaoundé, le 19 décembre 1990

LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE,

(é) PAUL BIYA

120

Loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 relative à la liberté d'association L'Assemblée Nationale a délibéré et adopté

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

TITRE

DISPOSITIONS GENERALES

ARTICLE 1er

.- 1) La liberté d'association proclamée par le préambule de la Constitution est régie par les dispositions de la présente loi.

2) Elle est la faculté de créer une association, d'y adhérer ou de ne pas y adhérer.

3) Elle est reconnue à toute personne physique ou morale sur l'ensemble du territoire national.

ARTICLE2.- L'association est la convention par laquelle des personnes mettent en commun leurs connaissances ou leurs activités dans un but autre que de partager des bénéfices.

ARTICLE3.- Tout membre d'une association peut s'en retirer à tout moment après paiement des cotisations échues de l'année en cours.

ARTICLE 4.- Les associations fondées sur une cause ou en vue d'un objet contraires à la constitution, aux lois et aux bonnes moeurs, ainsi que celles qui auraient pour but de porter atteinte notamment à la sécurité, à l'intégrité territoriale, à l'unité nationale, à l'intégration nationale et à la forme républicaine de l'État sont nulles et de nul effet.

ARTICLE 5.- 1) Les associations obéissent à deux régimes :

- le régime de la déclaration ; - le régime de l'autorisation.

2) Relèvent du régime de l'autorisation, les associations étrangères et les associations religieuses.

3) toutes les autres formes d'associations sont soumises au régime de la déclaration. Toutefois, les régimes prévus à l'alinéa premier ci-dessus ne s'appliquent pas aux associations de fait d'intérêt économique ou socio culturel.

121

4) les parties politiques et les syndicats sont régis par des textes particuliers.

TITRE II

DU REGIME DES ASSOCIATIONS DECLAREES

CHAPITRE I

DE LA CREATION

ARTICLE 6.- sous réserve des cas de nullité prévus à l'article 4 ci-dessus, les associations se créent librement. Toutefois, elles n'acquièrent de personnalités juridiques que si elles ont fait l'objet d'une déclaration accompagnée de deux exemplaires de leur statut.

ARTICLE 7.- 1)- La déclaration prévue à l'article précédent est faite par les fondateurs de l'association à la préfecture du département où celle-ci a son siège. Un récépissé leur est délivré des que le dossier est complet si l'association n'est pas frappée de nullité.

2)- La déclaration indique le titre, l'objet, le siège de l'association ainsi que les noms, professions et domiciles de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration ou de sa direction. Toute modification ou changement dans ces éléments doit être porté dans les deux mois à la connaissance du Préfet.

3)- Le silence du Préfet gardé pendant deux mois après le dépôt du dossier de déclaration vaut acceptation et emporte acquisition de la personnalité juridique.

ARTICLE 8.- Toute personne a le droit de prendre connaissance sur place à la préfecture, des déclarations et statuts ainsi que des changements intervenus dans l'administration d'une association. Elle peut s'en faire délivrer, à ses frais, copies et extraits.

CHAPITRE II

DU FONCTIONNEMENT

ARTICLE 9.- Les associations s'administrent librement dans le respect de leurs statuts et de la législation en vigueur.

ARTICLE 10.-1) Toute association déclarée dans les conditions prévues par la présente loi peut librement ester en justice ; gérer et disposer des sommes provenant des cotisations ; acquérir à titre onéreux et posséder :

a) le local destiné à son administration et aux réunions de ses membres ;

b) les immeubles nécessaires à l'accomplissement du but qu'elle poursuit.

2) 122

Les valeurs mobilières de toute association doivent être placées en titres nominatifs.

ARTICLE 11.- Hormis les associations reconnues d'utilité publique, aucune association déclarée ne peut recevoir ni subventions des personnes publiques, ni dons et legs des personnes privées.

CHAPITRE III

DE LA DISSOLUTION

ARTICLE 12.- Les associations peuvent être dissoutes :

- par la volonté de leurs membres conformément aux statuts,

- par décision judiciaire à la diligence du Ministère Public ou à la requête de tout intéressé en cas de nullité prévue à l'article 4 ci-dessus. Le jugement ordonnant la fermeture des locaux et/ou l'interdiction de toute réunion des membres de l'association est exécutoire nonobstant toute voie de recours.

ARTICLE 13.- 1)- Le Ministre chargé de l'administration Territoriale peut, sur proposition motivée du Préfet, suspendre par arrêté, pour un délai maximum de trois (3) mois, l'activité de toute association pour troubles à l'ordre public.

2)- Le Ministre chargé de l'administration Territoriale peut également, par arrêté, dissoudre toute association qui s'écarte de son objet et dont les activités portent gravement atteinte à l'ordre public et à la sécurité de l'État.

3) Par dérogation à l'article 12 de l'ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême, les actes prévus aux alinéas 1 et 2 ci-dessus sont susceptible de recours, sur simple requête, devant le président de la juridiction administrative.

Ce recours doit intervenir dans un délai de (10) jours à compter de la date de notification à personne ou à domicile. Le président statue par ordonnance dans un délai de dix (10) jours.

4)-L'exercice des voies de recours n'a pas d'effet suspensif.

ARTICLE 14.- La dissolution d'une association ne fait pas obstacle aux poursuites judiciaires qui peuvent éventuellement être engagées contre les responsables de cette association.

123

TITRE III

DU REGIME DES ASSOCIATIONS AUTORISEES

CHAPITRE IV

DES ASSOCIATIONS ETRANGERES

ARTICLE.- 15.- 1) Sont réputés associations étrangères, quelle que soit la forme sous laquelle ils peuvent se présenter, les groupements possédant les caractéristiques d'une association, qui ont leur siège à l'étranger ou qui, ayant leur siège au Cameroun, sont dirigés en fait par des étrangers ou dont plus de la moitié des membres sont des étrangers.

2) Les valeurs mobilières de toute association doivent être placées en titres nominatifs.

ARTICLE 16.- 1) Les associations étrangères ne peuvent exercer aucune activité sur le territoire sans autorisation préalable du Ministre chargé de l'administration Territoriale après avis conforme du Ministre chargé des Relations Extérieures.

2) La demande d'autorisation d'exercer qui est introduite au ministère chargé des Relations

Extérieures par les fondateurs ou les mandataires d'une association étrangère doit spécifier les activités à mener, les lieux d'implication au Cameroun, les noms, profession et domicile de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de la direction de ces activités.

3) Les associations étrangères ne peuvent avoir des établissements au Cameroun qu'en vertu d'une autorisation distincte pour chacun de ces établissements.

La demande d'autorisation pour tout nouvel établissement est adressée au Ministre chargé des relations Extérieures qui, après avis, la transmet au Ministre chargé de l'administration Territoriale.

ARTICLE 17.- 1) L'autorisation peut être accordée à titre temporaire ou soumise à un renouvellement périodique.

2) Elle peut être subordonnée à certaines conditions

3) Elle peut être retirée à tout moment.

4) Les associations étrangères auxquelles l'autorisation est refusée ou retirée doivent cesser immédiatement leurs activités et procéder à la liquidation de leurs biens dans le délai de trois (3) mois à compter de la date de notification de la décision.

5) En aucun cas, le retrait d'une autorisation ne peut donner lieu à dommages intérêts.

124

ARTICLE 18.- Les Préfets peuvent, à tout moment, inviter les dirigeants de tout groupement ou de tout établissement fonctionnant dans leur département à fournir par écrit, dans le délai de quinze jours, tous renseignements de nature à déterminer le siège auquel ils se rattachent, leur objet, la nationalité de leurs membres, de leurs administrateurs ou de leurs dirigeants effectifs.

ARTICLE 19.- Les associations étrangères, quelle que soit la forme sous laquelle elles se présentent, qui ne demandent pas l'autorisation dans les conditions fixées ci- dessus, sont nulles de plein droit.

ARTICLE 20.-1) sont punis d'un emprisonnement de quinze jours à six mois et d'une amende de 100.000 à 1.000.000 de F ou de lune de ces deux peines seulement ceux qui, à un titre quelconque, assument ou continent d'assumer l'administration d'associations étrangères ou d'établissements fonctionnant sans autorisation.

2) Sont punis d'un emprisonnement de dix jours à trois mois et d'une amende de 50.000 à 500.000 F ou de l'une de ces deux peines seulement les autres personnes qui participent au fonctionnement de ces associations ou de leurs établissements.

3) Les peines de l'alinéa 2 ci-dessus sont applicables aux dirigeants, administrateurs et participants à l'activité d'associations ou d'établissements qui fonctionnent sans observer les conditions imposées par l'arrêté d'autorisation au-delà de la durée fixée par ce dernier.

ARTICLE 21.- Les associations étrangères peuvent être reconnues d'utilité publique.

CHAPITRE V

DES ASSOCIATIONS RELIGIEUSES

ARTICLE 22.- Est considérée comme association religieuse : tout groupement de personnes physique ou morales ayant pour vocation de rendre hommage à une divinité; tout groupement de personnes vivant en communauté conformément à une doctrine religieuse.

ARTICLE 23.- Toute association religieuse doit être autorisée. Il en est de même de tout établissement congréganiste.

ARTICLE 24.- L'autorisation d'une association religieuse ou d'un établissement congrégationiste est prononcée par décret du Président de la République, après avis motivé du Ministre chargé de l'administration Territoriale.

ARTICLE 25.- 1) Les associations religieuses ne peuvent recevoir de subventions publiques ou de dons et legs immobiliers.

125

(2) Toutefois, elles peuvent recevoir les dons et legs immobiliers nécessaires à l'exercice de leurs activités.

ARTICLE 26.- Les associations religieuses tiennent un état de leurs recettes et dépenses et dressent chaque année, le compte financier de l'année écoulée et l'état d'inventaire de leurs biens meubles et immeubles.

ARTICLE 27.- Les responsables des associations religieuses sont tenus de présenter sur réquisition du Ministre chargé de l'administration Territoriale ou de son délégué, les comptes et états visés à l'article précédent ainsi que les listes complètes de leurs membres dirigeants.

ARTICLE 28.- 1) Sont nuls tous actes de donations entre vifs ou testamentaires, à titre onéreux ou gratuit, accomplis soit directement, soit par personne interposée ou par toute voie indirecte ayant pour objet de permettre aux associations religieuses légalement ou illégalement fondées de se soustraire aux obligations de l'article 27 ci-dessus.

2) Cette nullité sera constatée soit à la diligence du Ministère Public sur dénonciation du

Ministre chargé de l'administration Territoriale ou de son délégué, soit à la requête de tout intéressé.

ARTICLE 29.- Sont punis des peines prévues aux articles 314 et 129 du Code pénal les représentants ou directeurs d'une association religieuse qui ont fait des fausses communications ou refusé d'obtempérer aux réquisitions du ministre chargé de l'administration Territoriale ou de son délégué dans le cadre des dispositions de l'article 27 ci-dessus.

ARTICLE 30.-Toute association religieuse peut être suspendue par arrêté du Ministre chargé de l'administration Territoriale pour trouble à l'ordre public. Cette suspension obéit aux dispositions de l'article 13 ci-dessus.

ARTICLE 31.- Toute association religieuse dûment autorisée dont l'objet initial est par la suite dévié peut être dissoute après préavis de deux mois resté sans effet par décret du Président de la République.

TITRE IV

DISPOSITIONS DIVERSES TRANSITOIRES ET FINALES

ARTICLE 32.- 1) Toute association dont la contribution effective est déterminante dans la réalisation des objectifs prioritaires du gouvernement peut, sur demande, être reconnue d'utilité

126

publique par décret du Président de la République, après avis motivé du ministre chargé de l'administration Territoriale.

2) Elle peut dans ces conditions : accomplir tous les actes de la vie civile non interdits par ses statuts, sans pouvoir posséder ou acquérir d'autres immeubles que ceux nécessaires au but qu'elle poursuit ; recevoir des dons et legs de toute nature sous réserve de l'autorisation du Ministre chargé de l'administration Territoriale pour les dons et les legs immobiliers ; recevoir des subventions de l'État et des Collectivités Décentralisées ; dans ce cas, l'État doit s'assurer de la bonne utilisation de ces subventions.

ARTICLE 33.- 1) Sont punis d'une amende de 100.000 à 1.000.000 de F, d'un emprisonnement de trois mois à un an, ou de l'une de ces deux peines seulement, les fondateurs ou administrateurs de l'association qui serait maintenue ou reconstituée illégalement après jugement ou décision de dissolution.

2) Lorsque la décision de dissolution a été motivée par des manifestations armées, une atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de l'État, le maximum des peines prévues à l'alinéa précédent est doublée.

3) Sont punies des mêmes peines, les personnes qui ont favorisé la réunion des membres de l'association dissoute en leur conservant l'usage d'un local dont elles disposent.

ARTICLE 34.- Les associations qui justifient de la possession d'actes de déclaration, de reconnaissance ou d'autorisation délivrée conformément à la législation en vigueur lors de la présente loi sont tenues d'en faire la preuve dans le délai de douze mois par la production d'une copie au Ministre chargé de l'administration Territoriale.

ARTICLE 35.- La loi n°67/LF/19 du 12 juin 1967 sur la liberté d'association est abrogée et remplacée par les dispositions de la présente loi.

ARTICLE 36.- La présente loi sera enregistrée, publiée selon la procédure d'urgence, puis insérée au Journal officiel en français et en anglais.

Yaoundé, le 19 décembre 1990

LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE,

(é) PAUL BIYA

127

128

129

130

131

132

133

TABLE DES MATIERES.

134

135

AVERTISSEMENT .i

DEDICACE ..ii

REMERCIEMENTS . iii

RESUME .iv

ABSTRACT ..v

SIGLES ET ABREVIATIONS vi

SOMMAIRE vii

INTRODUCTION GENERALE 1

PREMIERE PARTIE : LA REGLEMENTATION RESTRICTIVE DES LIBERTES

PUBLIQUES

19

CHAPITRE I : LA CONSTITUTIONNALISATION LACUNAIRE

DES

LIBERTES

..21

Section 1 : La proclamation constitutionnelle des libertés publiques

21

Paragraphe 1 : l'affirmation des libertés par le préambule

22

A- La réception constitutionnelle des grands textes internationaux

22

1- L'adhésion aux conventions à caractère universel : la charte des nations unies

et la déclaration des droits de l'homme ..23

2- Adhésion constitutionnelle à la charte africaine des droits de l'homme et des

peuples

24

B- L'évolution vers la consécration explicite du droit de grève

25

1- L'inexistence antérieure d'un droit de grève consacré

.....25

2- La consécration récente du droit de grève au Cameroun

.27

 

Paragraphe 2 : la confirmation des libertés par la constitutionnalisation du

préambule

28

 

A- Controverse originelle sur la valeur juridique du préambule

28

1- Thèse de de la juridicité contestable du préambule

....28

2- Thèse de la juridicité affirmée du préambule

29

 

B- Évolution vers la concrétisation de la constitutionnalité du préambule

30

1- la controverse jurisprudentielle sur la constitutionnalité du préambule

30

2- la validation textuelle de la constitutionnalité du préambule

32

 

136

Section 2 : La consécration constitutionnelle des atteintes aux libertés publiques Paragraphe 1 : la limitation des libertés par l'ordre public.

 

33

34

A- L'imprécision de la notion d'ordre public

34

1-l'acception matérielle de l'ordre public

34

2-évolution vers la moralisation de l'ordre public

35

B- L'interprétation extensive de l'ordre public

36

1- Le renforcement de l'ordre public sécuritaire

36

2- La politisation de la notion d'ordre public

.....37

 

Paragraphe 2 : la restriction des libertés par l'intérêt supérieur de l'État

38

A- L'indétermination dans l'identification de l'État

39

1- La conception institutionnelle de l'État

..39

2- L'incarnation de l'État par le président de la république.

39

 

B- la compromission des libertés face à l'intérêt supérieur de l'État

41

1- La transcendance du politique sur les libertés

41

2- La subsidiarité des libertés face au pouvoir politique

42

CHAPITRE II : LES VICISSITUDES DANS L'AMENAGEMENT DE L'EXERCICE

DES LIBERTES

.44

Section 1 : la relative obscurité de l'encadrement légal des libertés

44

Paragraphe 1 : l'indétermination de la notion de trouble grave à l'ordre public

..45

A- L'incertitude dans la détermination légale du trouble grave à l'ordre public.......45

1- L'existence d'une menace à l'ordre public

.45

2- La relative gravité du trouble à l'ordre public

46

B- L'appréciation discrétionnaire par les autorités de police administrative.

47

Paragraphe 2 : la portée restrictive des moyens de prévention des troubles

.49

A- De l'aménagement dans l'exercice des manifestations

49

B- A La systématisation des interdictions de manifester

51

 

Section 2 : la fixation d'un régime sanctionnateur des libertés

53

137

Paragraphe 1 : la répression dans le déroulement des rassemblements licites....53

A- La protection de l'autorité de l'État : la répression insidieuse de la subversion.....53

B- La répression des atteintes au fonctionnement du service public. 55

Paragraphe 2 : la répression des rassemblements illicites 56

A- Les sanctions relatives à l'exercice illégal des manifestations publiques 57

B- L'extension dans la répression des rassemblements illicites 58

1- la répression des bandes armées 58

2- la répression des attroupements et des mouvements insurrectionnels 59

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 62

DEUXIEME PARTIE : L'INFLATION DES POUVOIRS DISCRETIONNAIRES DES

AUTORITES DE POLICE ADMINISTRATIVE...63

CHAPITRE I: L'INSTRUMENTALISATION DES POUVOIRS DE POLICE

ADMINISTRATIVE...65 Section 1: le détournement des pouvoirs de police administrative....65 Paragraphe 1 : l'utilisation des pouvoirs de police en dehors des prescriptions légales...66

A- La police administrative : instrument de préservation du pouvoir politique...66

B- La police administrative : instrument d'annihilation des protestations politiques......67 Paragraphe 2 : l'extension des pouvoirs de police au-delà des prescriptions légales...68

A- L'instauration de facto d'un régime de police...69

B- La rupture d'égalité dans l'activité de police administrative...70 Section 2 : L'orientation sécuritaire de la police administrative....71

Paragraphe 1 : la criminalisation des libertés publiques 72

A- Le durcissement dans l'encadrement des libertés publiques 72

B- L'évolution vers la neutralisation des libertés 74

Paragraphe 2 : la militarisation de la répression des libertés publiques 76

A-

138

l'enchevêtrement des forces publiques dans le maintien de l'ordre 76

B- L'extension de la compétence des tribunaux militaires dans la répression des

civils .77

CHAPITRE II : L'INCONSISTANCE DU CONTROLE RELATIF AUX POUVOIRS

DES AUTORITES DE POLICE ADMINISTRATIVE .

80

Section 1 : L'insatisfaction relative au contrôle juridictionnel

81

Paragraphe 1 : la difficile mise en oeuvre du contrôle par le conseil constitutionnel

81

A- les contraintes statutaires dans l'activité du juge constitutionnel

81

B- Les contraintes procédurales dans la garantie des libertés publiques

.83

 

Paragraphe 2 :l'insuffisance du contrôle par les juridictions ordinaires

85

A- l'inefficacité du contrôle par le juge administratif

85

B- La faiblesse du contentieux des manifestations devant le juge judiciaire

88

 

Section 2 : l'inconsistance du contrôle non juridictionnel

89

Paragraphe 1 : L'inanité d'un contrôle législatif

89

A- L'inféodation du parlement au pouvoir exécutif

90

B- La modicité des mécanismes de contrôle parlementaire de l'administration

étatique ..91

Paragraphe 2 : l'insignifiance des organismes non institués dans le contrôle de

l'administration 93

A- La précarisation de l'autorité administrative indépendante (la CNDHL) ..93

B- La marginalisation des organisations de la société civile 96

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE .100

CONCLUSION GENERALE .101

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 105

ANNEXES .114

TABLE DES MATIERES 135






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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld