La protection du droit de manifester dans l'espace publicpar Charles ODIKO LOKANGAKA Université de Kinshasa - Doctorat 2020 |
2. Perspectives pour la République Démocratique du CongoThème de prédilection des manuels de droit des libertés fondamentales, voire de droit constitutionnel général, la question des recours juridictionnels de garantie des droits fondamentaux est d'un grand classicisme. Son étude se révèle néanmoins indispensable car les voies de recours actuellement existantes en République Démocratique du Congo et ailleurs semblent, nonobstant des petites tares, on ne peut plus adaptées aux exigences des droits fondamentaux et, de ce fait, conduisent à douter de l'insuffisance du juge pour assurer l'effectivité des droits de la personne humaine. La République Démocratique du Congo s'est efforcée de tirer les enseignements des critiques régulièrement adressées par la doctrine à l'égard des lacunes affectant son système de justice administrative et, surtout, constitutionnelle, et, à l'issu de l'entrée en vigueur de la Constitution du 18 février 2006, a opéré des réformes de grande envergure dans le domaine judiciaire809(*). De sorte que, aujourd'hui, la RDC peut se prévaloir, à l'image d'autres pays, d'un système juridictionnel de garantie des droits et libertés relativement complet. En effet, il sied de noter que les procédures classiques de contrôle de la constitutionnalité des normes concourent de manière déterminante à la protection des droits fondamentaux. Ce contrôle constitue, à n'en point douter, un facteur de subordination de la loi au respect des droits constitutionnellement garantis. Le contrôle de constitutionnalité des lois, en tant qu'il permet de censurer toute disposition législative liberticide, se présente comme un instrument particulièrement adapté à la protection des droits fondamentaux810(*). Toute déclaration d'inconstitutionnalité prononcée dans le cadre d'un contrôle a priori ou a posteriori est normalement revêtue de l'autorité de chose jugée et conduit à l'annulation erga omnes de la disposition législative censurée. Ce faisant, on comprend aisément que les procédures de contrôle de la constitutionnalité des lois soient susceptibles de contribuer à la protection des droits constitutionnellement garantis contre l'action du législateur. Toutefois, « la pleine effectivité des droits et libertés ne se satisfait pas du contrôle de conformité de la loi à la Constitution »811(*). Encore faut-il que les autres autorités normatives soient soumises au respect des droits fondamentaux. Or, les procédures de contrôle de la constitutionnalité des normes instaurées RDC permettent également de satisfaire à une telle exigence. Le législateur n'est pas la seule autorité susceptible de méconnaître les droits fondamentaux, loin s'en faut. Les particuliers, le juge et, surtout, l'administration, de par ses prérogatives de puissance publique et son intervention quotidienne dans la vie des administrés, constituent autant de sources d'atteintes potentielles aux droits et libertés des individus. Par conséquent, la mise en place de mécanismes juridictionnels propres à sanctionner les violations de la Constitution par ces autorités normatives est tout aussi essentielle que l'institution d'un contrôle de la constitutionnalité des lois. C'est dans cette idée que le constituant congolais de 2006 érige le pouvoir judiciaire en général en garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens et que les lois de la République organisent des voies de recours à même de subordonner les actes de valeur infralégislative au respect des droits et libertés constitutionnellement garantis. Aux termes de l'article 162, alinéa 2 de la constitution, même les actes règlementaires sont soumis à la censure du juge constitutionnel. Le juge administratif est compétent pour censurer les actes de l'administration violant la loi. Quant au contrôle de la conformité des actes juridictionnels à la Constitution, la compétence n'en a pas été expressément reconnue à la Cour constitutionnelle dans la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant son organisation et son fonctionnement. Néanmoins, les articles 76 in fine et 83 alinéa 2 de la loi n° 023/2002 du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire812(*) prévoient que les recours pour violation des dispositions constitutionnelles par les juridictions militaires (y compris par la Haute Cour Militaire) sont portés devant la Cour Suprême de Justice agissant comme Cour Constitutionnelle. Ces dispositions, prises avant l'avènement du nouvel ordre constitutionnel en vigueur en RDC, risque de connaitre des difficultés d'application dans la mesure où la Cour constitutionnelle instituée par la Constitution du 18 février 2006 n'a pas été reconnue compétente, ni par la Constitution ni par la loi organique, pour connaitre la constitutionnalité des actes juridictionnels. Cette prise de position du constituant s'explique par le fait que la Cour de cassation, instituée aux termes de l'article 153 de la Constitution, connait de la cassation des actes juridictionnels qui violent les traités internationaux dûment ratifiés et les lois de la République. Il faut noter que dans la pratique judiciaire en matière de cassation, l'expression loi est utilisée à son sens large incluant aussi la Constitution. Cependant, les abus de plus en plus nombreux par les juridictions plaident en faveur d'un contrôle de constitutionnalité des décisions judiciaires, comme dans certains systèmes ou son exercice incombe, du moins en dernier ressort, à la Cour suprême de l'organisation judiciaire ou de l'ordre juridictionnel au sein duquel la décision de justice a été adoptée. * 809L'éclatement de la cour suprême de justice en trois juridictions autonomes et partant, l'institution de deux ordres de juridictions à côté de la Cour constitutionnelle, a été privilégié pour plus de célérité dans le traitement des dossiers. L'ouverture de la saisine de la cour constitutionnelle à toute personne (article 162, alinéa 2 de de la constitution), l'institution de la procédure de référé-liberté dans la loi organique sur les juridictions administratives, etc. participent de cet élan d'amélioration du climat judiciaire en RDC. * 810 TURPIN (D.), « La protection par le contrôle de constitutionnalité des lois », in Les droits de l'homme en question, La Doc. fr., Paris, 1989, p. 183. * 811 MODERNE (F.), Le juge constitutionnel face aux pouvoirs publics, Anuário português de direito constitucional, Coimbra Editora, 2001, vol. I, p. 67. * 812Journal Officiel - Numéro Spécial - 20 mars 2003. |
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