B. Les
révisions de la Constitution de 1967
Au total, la Constitution du 24 juin 1967 a connu 17
révisions dont les principales demeurent celles introduites par la loi
du 23 septembre 1970. Elle consacra l'institutionnalisation du MPR, par la loi
du 15 août 1974 consacrant le mobutisme comme doctrine du MPR et la
plénitude de l'exercice du pouvoir par le Président de la
République ; par la loi du 15 février 1978
libéralisant l'exercice du pouvoir au sein du MPR en rendant tout organe
de l'État responsable par l'abandon de la plénitude de l'exercice
du pouvoir par le Président du MPR, Président de la
République.
B.1. La Loi n° 70/001
du 23 décembre 1970
Cette loi porte l'institutionnalisation du MPR et la
consécration de son rôle dirigeant. Elle avait placé sous
la dépendance du parti tous les autres organes de l'État. En
général, cette révision constitutionnelle a
consisté en une série de réformes : l'article 4 al 2
de la Constitution est supprimé au profit d'une formule qui ne retient
que le MPR comme l'unique parti et l'unique institution de l'État. C'est
le MPR parti unique. Il en est de même de l'article 19 aux termes duquel
les institutions de la République étaient fixées.
A ce stade, disons que, en dépit de
l'institutionnalisation de MPR et de la consécration de son rôle
dirigeant, il y avait encore possibilité de séparer le MPR de
l'État. Paradoxalement, le processus d'encadrement et d'envoutement des
institutions de l'État par le parti avait été ainsi
déclenché, il connaitra son paroxysme, le sommet culminant ou
le couronnement lors de la révision de 1974.
B.2. La Loi n° 74/020 du 15 août
1974
Tout est parti du congrès extraordinaire du MPR qui a
tiré un certain nombre de considérations sur
l'institutionnalisation du MPR déclenchée lors de la
révision de 1970. Plusieurs décisions y ont été
prises notamment l'impérieuse nécessité de réviser
la Constitution pour l'adapter aux réalités du moment. En effet,
en 1974, le MPR proclamé comme seule institution du pays devait exercer
son influence sur le plan idéologique par une doctrine appelée
« le Mobutisme ». Celui-ci est défini comme cet
ensemble d'actes, pensée et idées du Président Mobutu.
Quatre idées paraissent fondamentales dans la
Constitution du 15 août 1974 :
- le MPR est conçu comme une famille agrandie aux
dimensions de la nation zaïroise devient la nation zaïroise
organisée politiquement ;
- le Chef qui incarne cette famille, exerce la
plénitude du pouvoir ;
- une place spéciale est réservée au
Président fondateur du MPR ;
Le peuple élit le Président du MPR qui est en
même temps et de droit et par voie de conséquence,
Président de la République.
Tout cela pousse à la conviction selon laquelle et
à la confirmation que la loi du 15 août 1974 n'est pas une simple
révision de la Constitution comme tente de le soutenir la version du
pouvoir, mais plutôt une nouvelle Constitution pour le Zaïre.
Menacé d'asphyxie et de paralysie, après les
discours du Président du MPR, Président de la République
du 1er juillet 1977 et du 25 novembre 1977, le nouveau régime
a été contraint à la libéralisation
consacrée par la révision du 15 février 1978.
B.3. La Loi n° 78-010 du 15 février
1978
Cette loi de révision constitutionnelle vient consacrer
une sorte de libéralisation au sein des organes du MPR. Il faut
reconnaître, par ailleurs, que plusieurs facteurs extérieurs ont
concouru ensemble avec la menace de paralysie du MPR, à
l'avènement de cette libéralisation. On peut citer les deux
guerres du Shaba qui ont mis le régime en face d'une opposition
armée.
L'organisation des pouvoirs publics, laisse observer un
certain partage dans l'exercice du pouvoir. Désormais, investis des
responsabilités, les autres organes du parti devenaient des acteurs sur
la scène politique et non des simples spectateurs comme ils
étaient en 1974.
Concernant le Président du MPR, Président de la
République, les innovations suivantes ont été
introduites :
- malgré le partage du pouvoir avec les autres organes,
il conserve l'initiative des lois et de la révision constitutionnelle
concurremment avec le Conseil législatif, il légifère,
dans ce contexte, par voie d'ordonnance-loi en dehors des sessions du Conseil
législatif et cela sans une quelconque habilitation ;
- malgré l'institution du Premier commissaire
d'État, il demeure selon la forme présidentialiste de
gouvernement, le Chef de l'exécutif ;
- le mandat du Président du MPR, Président de la
République est fixé à sept ans, cette fois-ci,
indéfiniment renouvelable.
- Il cesse d'être le Président de tous les
organes, ces derniers disposent de leurs propres présidents.
A propos du Bureau politique, ses membres ne sont plus
uniquement nommés par le Président de la République :
sur les trente membres que compte cet organe, dix-huit doivent être
élus et le Président du MPR se réserve le droit de nommer
les douze autres membres dont leur Président.
Le Conseil législatif récupère sa
fonction législative et l'exerce pleinement. Il lui est reconnu en plus,
le pouvoir de contrôle sur les activités du Conseil
exécutif du Conseil judiciaire et des services publics de
l'État.
Le Conseil Exécutif n'a pas connu des changements
notables, seulement il a été institué un poste de Premier
commissaire d'État chargé d'assurer la coordination du Conseil
exécutif. Sa mission est exclusivement de veiller au respect et à
l'application par tous les Commissaires d'État des directives
présidentielles. A ce titre, il doit tenir le Président du MPR,
Président de la République pleinement informé de la
conduite des affaires de l'État.
Le Conseil judiciaire a subi une réforme importante du
fait de la création, à sa tête, d'un Président
permanent qui est un haut magistrat. Il est reconnu au Président du
Conseil judiciaire le contrôle des décisions des cours et
tribunaux, la possibilité d'en suspendre l'exécution et de les
faire reformer par la Cour Suprême de Justice, le parti au procès
entendus.
En définitive, avec cet effort de libéralisation
à l'intérieur du système en place, la loi du 15
février 1978 a institué un régime de séparation des
pouvoirs au sein du MPR. Il appert clairement que toutes ces révisions
sont provoquées dans le sens d'un durcissement du régime
plutôt que vers une démocratisation. Le contexte socio-politique a
été caractérisé par une réduction croissante
des libertés des citoyens et une répression brutale de toute voix
discordante. Toute manifestation réalisée ne l'était que
dans le cadre du soutien au régime et jamais dans le but d'exprimer une
quelconque revendication.
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