La situation de la femme marocaine en général et le travail de terrain des associations féminines dans la région du nord du Marocpar Fadma Ouaiaou ULB / BRUXELLES - Master 2011 |
IV.5.PARTICIPATION LIMITEE DANS LA GESTION LOCALELa conquête forcée des femmes de l'espace publique à travers une activité professionnelle et un investissement colossal de l'espace associatif n'a pas empêché leur exclusion perpétuée de la sphère publique. Mais, il importe d'appuyer l'idée qui considère que la participation des femmes à la gestion locale permet d'opérer les changements dans le statut de celles-ci. C'est pourquoi, leurs interventions actives dans les décisions politiques sont de plus en plus présentes. C'est bien souvent grâce aux associations féministes locales qui ont un rôle primordial dans cette participation que les 169 Ibidem p 184 170 Les observations personnelles recueillies lors des ateliers de formation que nous avons animée durant la période du travail. 53 femmes peuvent élever leurs voix171. Et pourtant, nous avons pu constater à travers nos recherches et notre terrain d'étude que la participation politique des femmes dans la gestion des collectivités locales dans le Nord du Maroc est encore très limitée et même quasi inexistante. Cette triste réalité peut notamment s'expliquer par l'enjeu de l'époque qui présente un prétexte pour les autorités mais aussi et surtout pour les partis politiques. Ainsi dans la pensée politique marocaine, il y'a un double temps, « le temps politique et l'époque des femmes »172. Le changement du statut des femmes n'est donc pas une urgence. En effet, la participation politique réelle des femmes ne tient qu'à une succession de projets et de décisions peu importantes et sans grande influence. Il existe tout de même un partenariat entre les politiques et les associations, plus particulièrement avec les associations féministes locales. Une bonne gestion locale prend en considération trois principes : le genre, l'associatif local et politique publique. L'entrée des femmes dans une citoyenneté à part entière se joue alors en premier lieu, dans une dimension locale dans la mesure où « l'inclusion par le bas à travers la participation locale met en lumière, l'importance de cet espace où les femmes sortent effectivement de la sphère domestique pour se frayer un passage entre la sphère productive, la sphère reproductive et les associations volontaires de la société civile » 173 . Ce que nous pouvons ajouter est que les associations féministes marocaines (universalistes et islamistes) dans le nord sont confrontées au constat d'une trop grande absence de femmes au sein de la vie politique et de la gestion des collectivités locales de la région. En effet, les études et les enquêtes menées auprès des femmes174 ont montré que les rapports de genre et les inégalités dans la sphère privée ne laissent pas place à l'inclusion de femmes au sein de la vie politique et dans la gestion des communes. Voilà, encore, une contradiction de la référence entre les universalistes et les particularistes (islamistes). Cette contradiction agit sur le déséquilibre des rapports de genre dans la vie politique. Toutefois, le slogan « le privé est politique » a pour but une démocratisation dans la sphère privée pour atteindre une démocratisation dans la sphère 171 MARQUES-PEREIRA, B. & P, MEIER, sous le direction de (2005), Genre et gestion locale du changement : quelle méthode comparative ? in Genre et politique en Belgique et en francophonie, Louvain-la-Neuve : ACADAMIA BRUYLANT p 102. 172 ALAMI M'CHICHI, H. (2002), P 88. 173 MARQUES-PEREIRA, B. (2003), La citoyenneté politique des femmes, Paris : AEMANS COLIIN, p 138 174 À titre d'exemple : recherche -action menée
par : L'Institut International de Recherche et de Formation des Nations Unies
pour 54 publique. Ainsi, l'inégalité entre les époux au sein de la famille ou du couple renvoie l'image d'une inégalité entre les sexes au sein de la société marocaine. Effectivement, le déséquilibre vient de ce double sens d'un même discours destiné à la femme. Par exemple, beaucoup d'islamistes dissocient la sphère publique de la sphère privée et considèrent que la famille doit se baser sur le principe de complémentarité et non sur celui de l'égalité. Tandis que les universalistes sont partagés entre deux opinions, l'une qui met en avant que le moment actuel n'est pas le moment propice pour la participation des femmes puisque les élections sont encore truquées. Ils seraient donc plus sensibles à un boycott des élections. Ensuite, la seconde opinion qui suit plutôt la voie du Silence sur la religion, silence sur les orientations en matière de genre175. Entre le silence des universalistes et le discours religieux des islamistes, les résultats des élections communales révèlent encore une faible représentation de femmes aux collectivités locales. De plus, selon une publication de l'association ADFM176, les partis politiques n'ont pas respecté leurs engagements tant au niveau des campagnes électorales qu'au niveau des candidatures « le scrutin du 12 septembre 2003 à a été marqué par le caractère masculin de la démocratie marocaine »177. Aussi, la forte présence des mouvements islamistes au Nord et la culture patriarcale répandue écarte la participation féminine à la vie politique. Celle-ci reste encore loin des priorités. En effet, les inégalités sociales et économiques et plus particulièrement la féminisation de la pauvreté fait encore de la sensibilisation aux droits humains de la femme un défi majeur. De plus, la mentalité patriarcale ne va pas céder facilement à une participation féminine dans la gestion des collectivités locales. Ils refusent que la femme puisse avoir une responsabilité sur la gestion locale car ce droit donnera l'occasion aux femmes d'aménager une sphère publique moins agressive et moins violente envers elles178. En conclusion, le combat n'est pas encore gagné car la société marocaine est encore ancrée de pratiques et de mentalités machistes, pour ne pas dire archaïques. Après l'analyse des différentes formes de violences et de marginalisations que subissent les femmes dans le Nord du Maroc, notre recherche approchera dans le chapitre suivant, les actions collectives des mouvements féministes modernistes et les mobilisations féminines. Nous y présentons également, les enjeux d'une réelle intégration des femmes au Nord du Maroc. Toutes fois 175 ALAMI M'CHICHI, H, Le féminisme d'Etat au Maroc, ( 2010). 176 Dans ce scrutin les candidatures féminines n'ont pas dépassé 5% du nombre total des candidatures. 177 ADFM, (2004), Elections du 12 septembre 2003 problématique de la représentation féminine : les espoirs avortés, 2004 publication de l'Association Démocratique des Femmes du Maroc. 178 OUAIAOU, F. (2005), la société civile marocaine : entre la vision de développement et les droits humains, ttpp:// www.tanmia.ma/article.php3?id_article. 55 cette analyse va conduire l'étude à approcher l'existence d'un féminisme d'Etat, certes mais aussi d'un féminisme islamiste. Le dernier chapitre tentera alors, d'approcher l'hypothèse de la recherche en répondant aux questions suivantes : Comment se construisent les rapports d'alliance ou d'opposition entre le féminisme d'Etat et le féminisme islamiste, au point qu'on puisse affirmer l'existence d'un féminisme islamiste d'Etat ? Est ce que le féminisme universaliste est pris au piège lorsqu'il revendique les droits de la femme à partir du champ religieux au point qu'il risque de s'éloigner de son référentiel qui a été la base de son émergence et de sa lutte ? Et enfin, comment le pouvoir politico-religieux oriente les rapports d'alliance entre les trois composants du féminisme marocain ? 56 |
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