
Année universitaire 2018-2019
La gestion d'un club de
football français
Comment adapter la gestion et la stratégie
d'un club professionnel aux nouvelles exigences du football européen
?
Présenté par Guillaume ROMEYER
Sous la direction de Raoul STIOUI
Mémoire présenté le 05/07/2019
Mémoire de Master Programme Grande École à
KEDGE Business School
2
3
Résumé
Le football est un sport mouvant qui s'est
réinventé pour devenir une véritable industrie. Autrefois
local, le football est devenu global et ne s'arrête désormais plus
aux villes et aux frontières. Les acteurs ont évolué et
les clubs ne suivent plus les mêmes objectifs. Les nombreux changements
ont nécessité de profonds ajustements de la part des clubs et des
instances régulationnistes. Certains clubs n'ont pas réussi
à s'adapter tandis que d'autres ont su profiter de ces nouvelles
opportunités pour étendre leur domination et
générer de nouvelles sources de revenus.
Véritable phénomène social, le sport le
plus populaire au monde est le reflet de la société qui qui nous
entoure : une financiarisation toujours plus importante, des riches toujours
plus riches, des inégalités qui se creusent et une globalisation
accrue. La libéralisation économique et financière
constatée a permis au secteur d'engranger des gains toujours plus
importants, non sans creuser les déficits de nombreux clubs. L'absence
de réelle régulation ainsi que l'incitation à la
performance sportive n'ont pas aidé à assainir la gestion
financière des clubs.
Dans ce nouvel écosystème globalisé,
l'Olympique Lyonnais fait figure de précurseur à l'échelle
nationale. Le club dirigé par Jean-Michel Aulas a su saisir cette
aubaine pour développer un modèle économique profitable et
pérenne. Le développement de nouvelles sources de revenus,
décorrelés des aléas des résultats sportifs permet
au club rhodanien de sécuriser ses activités et sa situation
financière. L'audace des choix de la direction lyonnaise a
été motivée par la volonté d'exister à
l'échelle nationale puis européenne. Acteur majeur de sa
région, l'OL est devenu un acteur essentiel pour la France du football
grâce aux choix stratégiques mises en place depuis de nombreuses
années. L'étude du club et de ses choix représentent une
opportunité de mieux cerner les leviers et les enjeux
stratégiques qu'un club peut mettre en place afin d'améliorer ses
performances dans le nouveau contexte du football actuel.
4
Sommaire
RESUME 3
SOMMAIRE 4
GLOSSAIRE 5
INTRODUCTION 6
1. LE PASSAGE D'UNE ERE INDUSTRIELLE A UNE ERE
FINANCIARISEE DU FOOTBALL 7
1.1. LE PASSAGE A UN MODELE D'ECONOMIE DE
MARCHE 7
1.1.1. D'associations à sociétés
commerciales : l'évolution juridique des clubs français 7
1.1.2. Une financiarisation du football 12
1.2. LES CONSEQUENCES ECONOMIQUES DE LA FINANCIARISATION 30
1.2.1. De nouvelles sources de revenus pour les clubs :
le passage de la structure SSSL au modèle
MCMMG 30
1.1.1. Le modèle européen arrive-t-il à
ses limites ? 37
2. LA GESTION D'UN CLUB DE FOOTBALL FRANÇAIS
50
2.1. CARACTERISTIQUES DU FOOTBALL FRANÇAIS 50
2.1.1. Contrôle financier et audit annuel : une
meilleure gouvernance que ses voisins ? 50
2.1.2. Un retard sur ses voisins européens 53
2.1.3. Un système de formation reconnu : les
clubs français sont des exportateurs de talents à
l'international mais restent dépendants des ventes de
joueurs 58
2.2. LES ACTIVITES SPORTIVES 60
2.2.1. Le choix de la structure organisationnelle 60
2.2.2. Le recrutement de joueurs 62
2.2.3. Vision long-terme 64
3. LE CAS DE L'OLYMPIQUE LYONNAIS 68
3.1. PRESENTATION DE L'OL 68
3.1.1. Histoire de l'OL 68
3.2. ANALYSE DE L'ENVIRONNEMENT ET D'OL GROUPE 69
3.3. RESULTATS OBTENUS 79
3.3.1. Des revenus en hausse 80
3.3.2. Un bilan en progression 86
3.4. UN NOUVEAU MODELE ECONOMIQUE BASE SUR L'EXPLOITATION DE SES
INFRASTRUCTURES SPORTIVES 88
3.4.1. Développement des infrastructures autour du
stade 89
3.4.2. Le projet OL City 90
3.4.3. Une nouvelle stratégie digitale adaptée
91
CONCLUSION 93
ANNEXES 96
BIBLIOGRAPHIE 107
TABLE DES MATIERES 113
5
Glossaire
DNCG : Direction nationale du contrôle de gestion
ECA : European Club Association
EUSRL : Entreprise unipersonnelle sportive à
responsabilité limitée
FIFA : Fédération Internationale de Football
Association FPF : Fair-play Financier
LDC : Ligue des Champions
LFP : Ligue de Football Professionnel
OL : Olympique Lyonnais
SAOS : Société Anonyme à Objet Sportif
SASP : Société Anonyme Sportive
Professionnelle
UEFA : Union Européenne de Football Association
6
Introduction
Afin d'introduire ce sujet, il convient d'expliquer le choix
et la motivation qui m'a animé tout au long de l'année. D'abord
l'enthousiasme ; le football est un sujet qui me passionne depuis toujours et
l'étude de son modèle économique représentait pour
moi une formidable opportunité de recherche. Ensuite d'un point de vue
professionnel ; mon objectif à terme est de travailler dans l'industrie
du sport et spécifiquement dans le football, ce mémoire fait donc
office de première expérience sur la question.
Au-delà du football et des matches en eux-mêmes,
le véritable axe de recherche de ce mémoire se concentre sur le
côté business de cette industrie du divertissement et du
spectacle. Le football a connu de nombreuses mutations depuis la
création du premier club professionnel en Angleterre. Il est devenu une
véritable industrie générant des milliards d'euros chaque
saison. Les clubs sont devenus des entreprises voire même des
multinationales pour certains. Les modèles économiques ont
évolué, les acteurs aussi. La grande popularité de ce
sport à l'échelle internationale a provoqué
l'arrivée de nouvelles parties prenantes, entrainant de profonds
changements. Il a fallu aux clubs une grande adaptation pour répondre
aux nouveaux besoins de cette nouvelle industrie. C'est ce que nous allons
tenter de décrire dans ce mémoire en s'appuyant sur le cas de
l'Olympique Lyonnais, club symbolique de cette nouvelle ère par sa
gestion et l'audace de ses choix.
Nous nous attacherons donc à comprendre comment adapter
la gestion et la stratégie d'un club professionnel aux nouvelles
exigences du football européen.
Pour y répondre, nous analyserons dans un premier temps
l'évolution de l'industrie footballistique en Europe et plus
spécifiquement son passage d'une ère industrielle à une
ère financiarisée au travers de la revue de
littérature.
Ensuite, nous étudierons la gestion d'un club de
football français. Pour ce faire, il conviendra d'analyser les
spécificités du football français avant de se pencher sur
la gestion des activités sportives.
Enfin, nous nous concentrerons sur le cas de l'Olympique
Lyonnais, pour comprendre le modèle économique mis en place par
Jean-Michel Aulas et les résultats de celui-ci.
7
1. Le passage d'une ère industrielle à une
ère financiarisée du football
1.1. Le passage à un modèle
d'économie de marché
1.1.1. D'associations à sociétés
commerciales : l'évolution juridique des clubs français
Depuis la création en 1863 de la Football
Association à Londres qui a marqué l'unification du
règlement, le football a connu de nombreuses révolutions. Cette
rencontre entre les différents clubs londoniens scelle la
séparation entre le football et le rugby.
Avant de devenir le sport le plus populaire au monde, un des
premiers faits marquants fût la professionnalisation du football permise,
encore une fois par les anglais en 1885. Les premières intentions furent
motivées par la volonté des instances d'éviter les
scandales liés aux rémunérations illicites des joueurs
amateurs par les clubs. Avec le statut professionnel, les joueurs pouvaient
être rémunérés légalement par les clubs qui
avaient très tôt perçus les gains potentiels d'une
activité comme le football.
Dès lors, les Anglais tentent d'exporter ce sport
à travers le monde et c'est - paradoxalement lorsque l'on connait le
contexte depuis - aux États-Unis que sera créée en 1894 la
première ligue professionnelle hors des frontières britanniques.
Plusieurs problématiques institutionnelles et financières
viendront sceller le sort de la « American League of Professional Football
» dès la saison suivante.
Entre temps, des Britanniques travaillant au port du Havre
entament la création d'un club en France : le Havre Athletic Club
devient ainsi le premier club de football français en 1872. La
professionnalisation du football français a été
entérinée en 1932, après la vague qui a commencé
par toucher les pays de l'Est et du Sud de l'Europe ainsi que ceux
d'Amérique du Sud (« la Tchécoslovaquie en 1925, l'Autriche
en 1926, la Hongrie en 1926, l'Espagne en 1929, l'Argentine en 1931, le
Brésil en 1932, le Chili en 1933 et le Portugal en 1934
»1) Les pays du nord de l'Europe entameront ce processus
après la Seconde Guerre Mondiale (« les Pays-Bas en 1954,
l'Allemagne en 1963, la Belgique en 1974, le Danemark en 1985, la Finlande en
1990 et la Norvège en 1992 »).
1 Drut B., 2011, Économie du football
professionnel
8
Ce passage au professionnalisme n'a été suivi
que par très peu de clubs qui passèrent le cap, essentiellement
à cause des rémunérations que le statut induisait. Ainsi,
très peu de clubs connurent le professionnalisme avant la
création du Groupement des Clubs Autorisés, l'ancêtre de la
Ligue de Football Professionnel (LFP). Cet organisme avait notamment pour
mission de sélectionner les clubs qui auront droit au statut
professionnel. Cet autoritarisme sera levé en 1970 lorsque le seul
déterminant pour le passage du statut amateur à professionnel
sera le critère sportif.
Cette démocratisation du statut professionnel
donné aux clubs a entrainé des changements de cadre juridique.
Initialement, les clubs de football en France sont
juridiquement considérés comme des « associations à
but non lucratif ». De nombreuses évolutions juridiques ont
été menées durant les décennies 70 et 80, pour au
final permettre aux clubs de rester des associations à statuts
renforcés. Ces lois ont permis aux clubs d'adopter des statuts avec des
particularités juridiques qui ont pris fin en 1999, avec un texte qui
abrogea ces statuts. Ce changement de législation engendre une
transformation amorcée auparavant, qui voit les clubs adopter un
modèle qui se rapproche d'un fonctionnement capitaliste.
Depuis 1999, quasiment tous les clubs de Ligue 1 et Ligue 2
ont adopté le statut de Société Anonyme Sportive
Professionnelle (SASP). Ce statut d'exception a été
créé dans l'objectif de permettre aux clubs d'avoir plus de
flexibilité. En effet, les deux autres statuts autorisés pour les
clubs professionnels - à savoir l'entreprise unipersonnelle sportive
à responsabilité limitée (EUSRL) et la
société anonyme à objet sportif (SAOS) - ne leur
permettent « ni de verser des dividendes, ni de rémunérer
leurs dirigeants ». Ces deux facteurs apparaissent aujourd'hui
obsolètes au vu de l'évolution et de la professionnalisation du
secteur.
Le statut SASP est donc plébiscité par la grande
majorité des clubs professionnels français, qui se voient ainsi
donner plus de flexibilité, notamment en ce qui concerne l'accès
au capital, qui est libre. Cette forme juridique s'est progressivement
répandue afin d'apporter une réponse plus adaptée aux
nouveaux besoins de financement des clubs. Les investisseurs ont ainsi la
possibilité d'acheter des actions du club et obtenir les droits sociaux
en conséquence. Avant la création de ce statut, la recherche
d'investisseurs était difficile pour les clubs français car tous
les bénéfices découlant des activités d'un club
devaient obligatoirement « être affectés à la
constitution de réserves qui ne [pouvaient] donner lieu à aucune
distribution » 2. Les
2 Loi du 16 juillet 1984
9
investisseurs privés n'avaient donc pas ou très
peu d'arguments pour investir dans un club. De plus, la
rémunération des dirigeants a été rendue possible
avec cette évolution. En effet, auparavant, les dirigeants de chaque
club étaient considérés comme bénévoles.
Sachant que la gestion d'un club professionnel est un métier à
part entière, il était difficile pour ces dirigeants de
s'investir pleinement sans percevoir de rémunération. Cette
question a donc évolué avec l'objectif d'attirer des dirigeants
plus compétents et ainsi amener une gouvernance et une gestion plus
rationnelles. Ces transformations règlementaires ont été
menées dans l'objectif de permettre aux clubs de répondre plus
efficacement aux exigences nouvelles d'un football européen de plus en
plus concurrentiel. Il ne manquait alors qu'une étape pour faire
basculer le football français en pleine économie de marché
: la possibilité d'introduction en bourse des clubs. Ce fut chose faite
en janvier 2007 avec une loi permettant la cotation boursière des clubs
sportifs, sous quelques réserves « l'acquisition d'actifs
destinés àÌ renforcer leur stabilité et
leur pérennité, tels que la détention d'un droit
réel sur les équipements sportifs utilisés pour
l'organisation des manifestations ou compétitions sportives auxquelles
elles participent ».3 Les clubs qui veulent tenter l'aventure
doivent ainsi justifier une volonté d'acquérir des actifs
tangibles, notamment un complexe sportif, ce qu'a mis en pratique l'Olympique
Lyonnais par exemple.
Le statut juridique des clubs à travers l'Europe suit
des cadres législatifs très similaires aux sociétés
anonymes classiques, avec quelques spécificités
régionales. Un rapide tour d'horizon sur l'évolution des statuts
des quatre grands championnats européens permet de distinguer ces
subtilités.
En Italie, les clubs ont le statut équivalent de celui
de « Société Par Action » (« societa per
azioni »), à la nuance près qu'ils ont obligation de
réinvestir les bénéfices de l'exercice dans le
développement du sportif du club.
Ce même modèle (SPA) est suivi par les clubs
anglais dès le début du XXe siècle. La seule
différence avec le fonctionnement italien intervient dans la
redistribution des bénéfices sous forme de dividendes : les
organisations anglaises ont plafonné ces indemnités à 15%
de la hauteur des bénéfices.
Concernant l'Espagne, la structure actuelle de quasiment tous
les clubs professionnels (à l'exception de 4 clubs pour lesquels nous
reviendrons plus tard) est la conséquence d'une crise
3 Loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006
10
financière qui toucha les clubs espagnols au cours des
années 1980. Les déficits étaient tels qu'il a
été imposé aux clubs l'adoption d'un statut très
proche des SASP françaises en 1990 ; les « Sociedad anonima
deportiva ». Seuls quatre clubs ne bénéficient pas de
ce statut : le Real Madrid, le FC Barcelone, l'Athletic Bilbao et Osasuna. Ces
derniers ont la particularité d'avoir pu garder leur statut
précédent car ils étaient les seuls à ne pas
présenter de déficits entre 1985 et 1990. Ils sont
considérés comme des sociétés civiles sans but
lucratif. Il est donc impossible pour un investisseur d'en devenir
propriétaire en rachetant les parts ; le club appartient donc aux «
socios », des membres qui payent une adhésion annuelle. Cette
dernière permet aux à ces adhérents de jouir d'un pouvoir
de décision et élisent tous les deux ans et demi le
président du club.
Enfin, le modèle allemand s'apparente à une
sorte de variante édulcorée de ce qui est pratiqué par les
quatre clubs espagnols cités plus haut. Ainsi, les membres de
l'association gardent 50+1% des droits de vote ; un investisseur privé
ne peut donc pas détenir plus de la moitié du capital-actions du
club et en devenir le propriétaire. Seules exceptions en date : le Bayer
Leverkusen et VFL Wolfsburg qui ont respectivement été
fondés par les groupes Bayer et Volkswagen.
Il est dont aisé de constater qu'au fil des
époques, la volonté de chacun fut de faciliter le passage d'un
modèle associatif à un modèle libéral, où
l'économie de marché prédomine. Cela a eu pour effet de
professionnaliser la gestion et la gouvernance des clubs concernés, qui
sont devenus de vraies entreprises, au point de devenir pour certains de
véritables multinationales. Une autre conséquence de ces
mouvances se trouve dans la modification des structures actionnariales
constatée dès lors.
A l'origine de la professionnalisation du football, nombre de
clubs étaient implantés dans des bassins industriels. Ce
phénomène est présent aussi bien en Europe qu'en France
où l'on peut constater de grands clubs actuels basés dans des
villes industrielles (Manchester, Liverpool, Dortmund, Turin ...). Des clubs
très importants du paysage footballistique français prennent
également racine au sein de régions industrielles et
étaient liés étroitement à de grandes entreprises ;
le club de l'A.S Saint-Etienne a été fondé en 1933 par le
Groupe Casino, le F.C Sochaux-Montbéliard est le fruit de la
création du Groupe Peugeot, tout comme le RC Lens qui provient de la
compagnie des mines de Lens.
11
Ces entreprises n'avaient pas la possibilité
d'être les propriétaires de ces clubs officiellement.
Néanmoins, il était aisé pour ces dernières de
subventionner à souhait les clubs et donc en détenir le
contrôle implicitement. Ainsi, au fur et à mesure des
évolutions juridiques évoquées ci-dessus, les entreprises
ont pu devenir propriétaires de ces clubs, et nombre d'entre elles n'ont
pas hésité à entrer au capital des clubs. Les motivations
des compagnies en question sont souvent d'associer leur image à un sport
populaire.
Plus tardivement (années 1990), il y a eu une vague de
rapprochement entre clubs et chaines de télévision. En effet, ces
deux parties prenantes sont étroitement liées car le secteur de
l'audiovisuel a rapidement compris les potentiels revenus que pouvaient
générer les retransmissions des matches. Les diffuseurs ont tout
intérêt à ce que les clubs soient les plus attractifs
possibles : il est donc dans leur intérêt d'investir des sommes
importantes pour booster les revenus des clubs. Le football est devenu un
générateur d'intérêts puissant pour les diffuseurs,
qui considèrent alors les clubs comme les « producteurs de contenu
télévisé » diffusé sur ces chaines de
télévision. C'est pourquoi des diffuseurs ont même
été jusqu'à rentrer au capital de certains clubs ; cela a
été le cas pour Canal + qui a investi dans le PSG pour en devenir
le propriétaire de 1991 à 2006 et du groupe M6 qui a
racheté le club des Girondins de Bordeaux en 1999 avant de le
céder au fonds d'investissement General American Capital Partners. Par
ailleurs, le cas particulier du groupe BeIn Media Group est très
intéressant ; ce dernier est devenu l'un des diffuseurs importants des
compétitions européennes à travers l'Europe,
propriété de l'État Qatari dont le PDG n'est autre que
Nasser Al-Khelaïfi, président du PSG. Nous reviendrons dans la
section ii. Une financiarisation du football sur le
phénomène des droits TV.
Le développement et la professionnalisation du football
en Europe a pris ses racines durant l'âge industriel, pourtant les
évolutions marquées par une libéralisation de notre
économie à toutes les échelles marque s'inscrivent dans la
financiarisation. Tout ceci couplé aux récentes évolutions
juridiques concernant les statuts des clubs en France, qui a eu pour
conséquence une augmentation des capitaux dans les clubs. En effet, la
facilitation pour les investisseurs de s'immiscer dans les clubs a eu pour
effet une financiarisation des structures.
12
1.1.2. Une financiarisation du football
La libéralisation économique qui a touché
notre environnement quotidien a donc eu des impacts considérables sur
l'industrie du football. Les réformes de dérégulation
financière ont eu pour effet l'irruption de nouveaux acteurs qui
allaient changer le cours de ce sport et le faire entrer dans une nouvelle
ère. Ce mécanisme a donc été impulsé par les
politiques néolibérales mises en place pour répondre aux
difficultés économiques auxquelles les économies
interventionnistes n'ont pas su répondre et le secteur du football n'a
pas échappé à cette doctrine visant la liberté des
marchés. Elles ont donc conduit à l'émergence de trois
nouveaux acteurs économiquement développés : les
diffuseurs audiovisuels, des nouveaux investisseurs aux allures de
mécènes, et des entreprises multinationales par le biais des
activités de sponsoring. Nous verrons que les intérêts de
ces trois acteurs convergent, alimentant par la même occasion un
mécanisme qui les lient plus ou moins directement.
1.1.2.1. Les acteurs audiovisuels
Le sport en général a toujours passionné
les groupes de médias. Chronologiquement, la presse écrite fut la
première à s'intéresser aux exploits sportifs, au point de
participer à la genèse de certaines compétitions ; par
exemple, la Coupe des Clubs Champions Européens (devenue Ligue
des Champions) est le fruit du travail des journalistes de L'Equipe
qui voyaient le potentiel pour le quotidien de conter les exploits des
clubs de football. La radio s'est par la suite emparée du
phénomène football en commentant les matches en direct. Et
dernièrement, la télévision qui grâce aux nouvelles
technologies de l'époque, pouvait diffuser les images des matches, pour
plonger le téléspectateur au coeur de l'événement.
Football et télévision ont toujours entretenu des rapports
étroits : la diffusion du football à la télévision
lui apporte une manne financière importante via la vente de ses droits
de retransmission et lui offre une plus grande exposition, pendant qu'il permet
aux chaines d'effectuer leurs meilleures audiences et d'améliorer leur
image de marque.
Ernest Chamond, l'inventeur du téléviseur,
prédisait en 1927 que le football « deviendrait le plus grand
spectacle télévisé ». 92 ans plus tard, force est de
constater que la prophétie de ce patron d'entreprise s'est
réalisée. Ainsi, avec 35 caméras installées au coup
d'envoi de chaque match de la Coupe du Monde 2018 en Russie, tout est
réuni pour fournir aux téléspectateurs une vision
impeccable de ce spectacle télévisé. Aujourd'hui, la
relation qui lie la télévision et le football s'exprime par le
biais d'intérêts communs.
13
Pourtant, dans les années qui suivirent la fin de la
Seconde Guerre Mondiale, la diffusion des matches n'est pas vue positivement
par les clubs qui craignent alors une désertification des stades, se
traduisant par une baisse des recettes liées à la billetterie,
qui constituent à cette époque l'un des trois piliers du
modèle économique de l'économie du football (voir 1.2 Les
conséquences économiques de la financiarisation). Des mutations
structurelles du secteur audiovisuel marquent le tournant de ce système,
occasionnant simultanément de profondes transformations sur le football
européen. En France, la précédente présence d'un
monopole public empêchait le réel développement des droits
télévisuels pour les compétitions sportives. Cette
réglementation fût abolie le 29 juillet 1982 avec la fin du
monopole d'État et la création de la Haute Autorité, qui
autorisent dorénavant l'exploitation des chaines de
télévision.
Cette libéralisation du marché
télévisuel s'est accompagnée d'un développement des
technologies liés à la diffusion des images. Les méthodes
de diffusion par satellite et par câble entrainent l'arrivée de
nouveaux acteurs privés qui s'avéreront friands de ce nouveau
spectacle. Les moyens technologiques ainsi mis à disposition des chaines
leur permettent de se développer et d'atteindre plus de foyers.
L'accès au contenu des images des matches vont commencer à
devenir des enjeux stratégiques pour certaines chaines. Les coûts
de production n'étant pas tributaires du nombre de spectateurs, la
réalisation des matches de football n'engendre pas des coûts
très élevés pour les chaines. En revanche, l'obtention des
droits de retransmission s'avèrent déjà
élevés pour l'époque. Les chaines vont donc financer les
clubs par l'intermédiaire de l'achat des droits de retransmission des
compétitions. Les organisateurs des événements sportifs -
à savoir les ligues pour les compétitions nationales et les
instances regroupant les fédérations pour les compétitions
internationales - se retrouvent donc en situation de monopole contrarié
: ils sont les offreurs exclusifs de leur produit face à plusieurs
demandeurs, les diffuseurs. Cette situation s'est intensifiée avec la
multiplication des acteurs audiovisuels : le nombre de chaines
intéressées s'est accru au plus grand plaisir des ligues qui
voient dans ce développement une concurrence toujours plus forte.
Ainsi, les organisateurs des compétitions mettent en
vente à intervalle régulier les droits de diffusion de leur
« spectacle ». Des appels d'offre à périodicité
de 5 ans maximum sont donc lancés. Ce système d'enchère
instauré par les ligues et les fédérations a donc eu pour
effet immédiat une inflation des droits TV (voir 1.2 Les
conséquences économiques de la financiarisation) et une baisse du
pouvoir de négociation des demandeurs, autrement dit les diffuseurs.
14
Au vu des montants auxquels sont négociés ces
droits, les chaines payantes se sont rapidement imposées comme les
diffuseurs majoritaires des compétitions de football.
En ce qui concerne les chaines gratuites, la diffusion
d'événements sportifs se caractérise principalement par
des fins de communication et d'image de marque. En effet, ces dernières
ont conscience que ces retransmissions représentent un gouffre
financier.
Les diffusions des compétitions de football
représentent les plus grosses audiences à la
télévision (les matches de la Coupe du monde 2018
représentent les 9 plus fortes audiences de l'année en France).
On pourrait alors penser que les recettes issues de la publicité lors de
la diffusion de ces événements entraineraient un poste de revenus
assez élevé pour combler les montants des droits TV payés
par les chaines. Pourtant, il semble important d'avoir à l'esprit que le
marché publicitaire relatif à la télévision connait
une stagnation depuis une quinzaine d'années, hors inflation (se
rapporter à l'annexe 1).
Cette diminution des recettes publicitaires s'est
couplée d'une intensification des acteurs télévisuels,
avec l'introduction dans les années 2000 de nouvelles chaines (16
nouvelles chaines gratuites depuis 2005). La concurrence sur le marché
de la télévision gratuite s'est donc accrue, ayant pour effet le
morcellement des audiences pour les chaines historiques. Enfin,
l'arrivée de nouveaux acteurs sur Internet a entrainé un
déplacement des revenus publicitaires vers ces nouvelles plateformes.
Ainsi, les recettes publicitaires provenant de la télévision ne
représentaient plus que 24% de la valeur totale des médias contre
36% pour Internet4.
Dès lors, il est aisé de constater que pour les
chaines de télévision, la logique strictement financière
ne se veut pas appropriée : l'enjeu repose désormais sur la
volonté d'améliorer sa réputation et d'accroitre sa
notoriété et son image. Cet investissement difficilement
quantifiable, peut alors avoir des retombées positives sur le long terme
auprès des annonceurs.
Les chaines payantes sont donc devenues les diffuseurs
principaux des compétitions de football. Au contraire des chaines
gratuites, les chaines payantes peuvent compter sur une autre source de revenus
que les recettes publicitaires. Ainsi, au moment des appels d'offres ces
dernières disposent d'une enveloppe plus conséquente pour ces
activités. Le prix payé par les abonnés permet aux chaines
en question d'amortir le montant des droits TV. Toutefois, il est difficile
d'estimer la rentabilité de chaque droit acquis, et rares sont les
chaines payantes rentables. A titre d'exemple, Bein Sport, qui a
bouleversé le monde des chaines sportives avec son arrivée
4 IREP Le marché publicitaire par média
2017
15
en 2012, cumulait 1,2 milliard d'euros de pertes en 2017,
malgré 4 millions d'abonnés. Cette démultiplication des
chaines payantes a participé à l'explosion des droits TV depuis
une vingtaine d'années, avec pour effet une dépendance des clubs
français à cette source de revenus. Cette augmentation
spectaculaire des droits TV, qu'elle soit justifiée
économiquement ou aberrante pour d'autres, renforce la
détérioration de la situation financière de ces chaines.
Nous verrons par la suite qu'elle est également une source de
vulnérabilité pour les clubs mal gérés.
L'avènement du financement du football français
par les chaines payantes est symbolisé par l'arrivée de Canal +
en 1984. Le lancement de la chaine par Havas marque un tournant historique pour
le football français. La chaine cryptée devient alors le
financeur du football français de longues années durant. A ce
moment, les droits de retransmission des matches de Ligue 1
s'élèvent à 2 millions d'euros. Charles Bietry, le
directeur du service des sports de Canal + fait de la Ligue 1 le produit phare
de la chaine, qui devient un produit d'appel très efficace. A partir de
ce moment, le football et la Ligue 1 deviennent un véritable spectacle :
un « feuilleton » comme le décrivait Michel Denisot en
20035. Canal + et les autres médias diffusant du football
transforment progressivement le football en un marché de stars. Le
football et la télévision ont donc des intérêts
mutuels, et c'est ainsi que les chaines deviennent au fur et à mesure de
véritables promotrices du championnat.
Symbole de l'évolution et de l'intensification de la
concurrence, Canal + dit adieu à la Ligue 1 pour la période
2020-2024. Le montant total versé pour l'attribution de l'ensemble des
rencontres du championnat s'élève à 1.153 milliard
d'euros, un nouveau record qui place la France à la troisième
place européenne, devant la Liga espagnole et la Serie A italienne qui
vont à leur tour procéder à de nouveaux appels d'offres.
C'est un changement de cap majeur pour Canal + qui a refusé de suivre la
folle course en avant des montants des droits domestiques de la Ligue 1.
Diffuseur historique du championnat hexagonal, Canal + pourra toujours tenter
de racheter des matches ou des lots aux deux diffuseurs gagnants, à
savoir MediaPro et BeinSport. Il faut dire que les ligues sont mieux
organisées qu'auparavant ; elles délèguent à des
cabinets de conseils spécialisés et à des avocats
l'application de nouveaux dispositifs de répartition des lots de
façon à faire monter les enchères.
5
https://www.cairn.info/revue-geoeconomie-2010-3-page-91.html,
consulté le 23 janvier 2018

1998-2001 2001-2004 2004-2005 2005-2008 2008-2012
2012-2016 2016-2020 2020-2024
126
332
278
Montants droits TV
639
668
607
727
1153
16
Source : Auteur, d'après LFP
Il est intéressant de constater qu'un nouveau type
d'acteurs rentrent en jeu sur le sujet de la retransmission des rencontres
sportives : les plateformes en ligne d'Amazon ou Facebook par exemple. En
Angleterre, 20 matches de Premier League seront diffusés par saison
à compter de 2019 par le géant du e-commerce sur sa plateforme
média, qui dispose de moyens considérables. Tout comme Facebook,
qui a acquis les droits de diffusion de la Ligue des Champions
européenne en Amérique Latine dès cette saison. Ces deux
cas illustrent une fois de plus l'intensification de la concurrence du secteur
avec l'arrivée de nouveaux canaux de diffusion. De nouveaux projets sont
également à l'étude avec par exemple le lancement d'une
plateforme payante, OTRO, qui propose du contenu exclusif sur les plus grandes
vedettes du football ; un sujet qui intéresse de plus en plus les
amateurs du ballon rond, symbole de la starification engendrée par les
chaines de télévision.
Comme énoncé antérieurement, les revenus
liés aux droits TV n'ont cessé d'augmenter ces dernières
années. Il est à noter que les règles de
répartition des droits TV propres au football français
diffèrent légèrement de celles de ses voisins
européens. Depuis quelques années, il y a beaucoup
d'évolutions pour tenter d'harmoniser les règles de
répartition suivant les pays, qui suivent une répartition comme
ci-dessous :

Egalitaire 50% 50% 65% 50% 40%
Résultats 30% 25% 35% 25% 30%
-
Notoriété/Poté20% 25%
25% 30%
En %
|
|
|
|
Premier League
|
|
|
|
Liga
|
Serie A
|
|
Ligue 1
|
|
|
Bundesliga
|
|
|
|
|
|
|
|

40
60
50
30
20
10
0
56,7
51,7
48,7
44,
Droits TV saison 2017/2018 (en M€)
8,7
35,
1,1 29,7
26,5 24,7 24,2
21,5 20,4 20,2 19,6 19,2 18,8 17,9 16,1
15,7
17
Source : auteur d'après DNCG
1.1.2.2. Les investisseurs privés
o Les propriétaires de clubs
La libéralisation des capitaux à
l'échelle mondiale a entrainé de nombreux changements dans la
structure actionnariale des clubs de football européen. Disposant
dorénavant de statuts semblables à ceux des entreprises
classiques, plus rien n'empêchait les investisseurs privés de
prendre part au business du ballon rond. La médiatisation croissante et
les revenus qui vont avec suscitent l'appétence d'acteurs cherchant
à tirer profit de cette industrie à l'aube d'une grande
révolution économique. Ainsi, plusieurs types d'investisseurs
vont commencer à s'immiscer dans le paysage footballistique
européen, au sein duquel une intensification des flux nait. Une des
conséquences importantes de la vague de libéralisation
financière réside dans le mécanisme de
déréglementation financière qu'elle a entrainé. Ce
mécanisme se définit comme « le processus d'assouplissement
ou de suppression des réglementations nationales régissant, et
restreignant, la circulation des capitaux » 6. Les clubs
étant devenus de véritables sociétés, ils
n'échappent pas à l'accroissement des flux internationaux.
En ce qui concerne la France, nous avons pu évoquer
dans la section a. i. D'associations à
sociétés commerciales : l'évolution
juridique des clubs français, les entreprises propriétaires
des clubs étaient historiquement locales. Jusqu'au carrefour des
années 2000, nombre de
6
https://www.glossaire-international.com/pages/tous-les-termes/regle-des-3-d.html,
consulté le 24 janvier 2019
18
propriétaires de clubs avaient pour objectif de
satisfaire une passion ou de s'acheter une image nationale voire
internationale. Ces clubs n'étaient pas souvent gérés
comme des entreprises modernes et l'application d'un management paternaliste
était de mise. L'objectif poursuivi par ces derniers n'étaient
donc pas la création de valeur pour le club. C'est une des raisons de la
recrudescence des investissements dans le secteur : le potentiel de
maximisation de la valeur est très élevé. Le football est
alors vu comme un marché récent où la maturité et
la structuration ne sont qu'à ses prémices. Encore aujourd'hui,
le secteur du football français est vu comme un marché où
de nombreuses opportunités restent à saisir ; un
phénomène symbolisé par la vague d'investissements
étrangers en France depuis 2011, que l'on tâchera de
développer dans un second temps.
Il convient alors de tenter de comprendre les motivations de
ces nouveaux apporteurs de capitaux qui n'hésitent pas à investir
des sommes mirobolantes. Ainsi, l'arrivée progressive de riches
investisseurs dans le football précédemment constatée peut
suivre plusieurs stratégies. Communément, les
propriétaires de clubs sportifs tendent vers deux types de
stratégies qui ont des objectifs différents. La première
se traduit pour eux comme la recherche d'une rentabilité
financière que peut leur offrir la détention d'un club. La
seconde ambition nourrie par ces investisseurs réside dans l'apport
indirect qu'ils pourront tirer de ce club, à travers les aspects
communicationnels et d'image associés au football et à un club
prestigieux.
La recherche d'une rentabilité
financière
Intéressons-nous en premier lieu à l'objectif
pour un apporteur de capital de rentabiliser son investissement à
travers les activités du club. Jusqu'à encore récemment,
les clubs de football ne représentaient pas un business rentable, bien
que les évolutions de statuts permissent aux dirigeants de reverser des
dividendes. En effet, rares étaient les clubs qui ne présentaient
pas de déficits.
Les graphiques présents en annexe 2 tirés du
rapport financier annuel de l'UEFA7 illustrent parfaitement
l'évolution de la profitabilité de l'ensemble du secteur
footballistique européen (se rapporter à l'annexe 2). Le secteur
n'a jamais été aussi profitable qu'aujourd'hui ; il faut
toutefois prendre en considération le creusement des
inégalités qui masque une situation économique et
financière fragile pour de nombreux clubs. En effet, de nombreux clubs
souffrent
7 UEFA, Club
Licensing Benchmarking Report: Financial Year 2017
19
toujours de déficits récurrents et la
majorité des clubs ne sont pas nécessairement rentables. Dans son
ensemble, le football européen dégage des résultats
positifs mais les disparités demeurent très importantes et
l'équilibre économique du football européen reste
fragile.
En dépit de cette bonne santé financière
apparente, il est impossible de passer outre les freins historiques qu'implique
l'investissement dans un club de football. Les clubs représentent tout
de même un investissement risqué, et ce pour plusieurs raisons.
La dépendance des clubs aux revenus issus des droits TV
tendent à rendre ces derniers sujets aux fluctuations des diffuseurs. La
crainte d'une réduction de ces montants entrainerait
irrémédiablement une forte dégradation des recettes du
club. Une indexation des dépenses et des charges - salariales notamment
- sur ces revenus peut devenir dangereux pour la rentabilité et la
pérennité du projet. Les clubs sont dépendants des revenus
issus des groupes audiovisuels et peuvent sembler être « sous
perfusion ».
De la même manière, l'incertitude liée au
résultat sportif peut constituer une entrave pour les investisseurs
présentant une aversion au risque. En effet, une méforme de
l'équipe entrainant un écart par rapport aux prévisions
peut avoir des conséquences très importantes
économiquement. Prenons le cas d'une direction qui investit dans
l'optique de se qualifier en Ligue des Champions (LDC). Si son équipe ne
se qualifie pas à l'issue de la saison, le club aura donc engagé
des dépenses conséquentes sans récupérer le gain
financier qu'engendre une qualification en LDC : lors de la saison 2017/2018,
les dotations des clubs en LDC étaient comprises entre 16.819.000 €
pour le FK Qarabag (club ayant reçu le moins d'argent) et 88.654.000
€ pour le Real Madrid8, vainqueur de l'édition. Dans le
même temps, l'Olympique de Marseille, finaliste malheureux de
l'édition de la Ligue Europa (LE) et plus grand
bénéficiaire des dotations, en engrangé 22.966.178
€9, à peine plus que le FK Qarabag.
Une autre illustration de l'importance d'une qualification en
LDC pour les comptes d'un club est symbolisée par le club d'Arsenal.
Absent de la plus prestigieuse des compétitions européennes pour
la première fois depuis vingt ans, Arsenal a subi des pertes de l'ordre
de 50 millions d'euros et a perdu trois places au classement des clubs les plus
riches ; passant de la 6ème à la 9ème place, sa
pire position depuis la saison 2004/200510.
8 UEFA, LIGUE DES CHAMPIONS :
DISTRIBUTION AUX CLUBS 2017/18
9 UEFA, LIGUE EUROPA :
DISTRIBUTION AUX CLUBS 2017/18
10 Rapport Deloitte,
Annual Review of Football Finance, 2018

2014 2015 2016 2017 2018
359
Revenus Arsenal (en MC)
436
469
488
439
20
Source : Auteur, d'après les données du
rapport Deloitte, Annual Review of Football
Finance, 2018
De même, les autres ressources des clubs sont
étroitement liées à leurs prestations sportives. Toutes
les couches sont concernées : la fréquentation du stade sera
impactée en cas de mauvais résultats sportifs, entrainant une
détérioration des revenus issus de la billetterie ; les droits TV
auxquels le club a le droit dépend en partie de ses performances au
classement, et l'attractivité d'un club résulte également
de ses résultats. L'activité mono-produit des clubs de football
peut agir comme un repoussoir pour les investisseurs. C'est pourquoi les clubs
tendent à diversifier leurs activités, pour développer
leur capacité à produire des sources de revenus
déconnectées des performances sur le terrain (ce sera l'objet de
la section sur l'OL).
Dans le cas d'Arsenal, il est aisé de constater que les
mauvaises performances sportives de l'équipe ont influé
négativement sur ses recettes, à tous le postes : qu'ils
s'agissent des revenus issus de la billetterie (Matchday revenu), des droits TV
(Broadcast revenue) ou des revenus commerciaux (commercial revenue) comme le
souligne l'annexe n°3.
Par ailleurs, une autre particularité de la gestion
d'un club est le manque de visibilité sur les perspectives sportives
à plus d'un an. Ce court-termisme imposé par le format des
compétitions n'encourage pas l'optimisation des résultats
financiers sur le long-terme. En dépit de la mise en place d'une
politique financière saine et durable au sein d'un club, la
réalité des résultats sportifs aura très souvent
tendance à influencer l'avis des supporters, qui pourront mettre plus ou
moins la pression sur la direction pour réclamer du changement. Dans le
spectre libéral, la cotation en bourse d'une entreprise classique permet
de soumettre les dirigeants à une certaine discipline : celle des
marchés financiers. En cas de mauvaise gestion, les entreprises
cotées courent le risque d'une sanction des marchés financiers
qui se traduira par une détérioration de la valeur de
21
l'entreprise, voire par une prise de contrôle de
l'entreprise par d'autres acteurs. Il y a pourtant très peu de clubs de
football qui sont présents sur les marchés boursiers. Le cas
échéant, les performances sportives priment souvent sur les
performances financières.
Malgré ces obstacles historiques, la motivation des
acteurs investissant dans le football est de plus en plus
déterminée par une recherche de rentabilité directe. Les
recettes en constante augmentation du secteur et des clubs entrainent des gains
plus certains pour eux, garantissant un investissement moins risqué
qu'auparavant.
La recherche d'une rentabilité médiate avec
le club comme instrument
Le second objectif recherché par les investisseurs a
très peu à voir avec la recherche de rentabilité
financière directe. Dans ce cas, les propriétaires se servent du
club comme d'un intermédiaire pour suivre des objectifs moins
pécuniaires.
Comme vu précédemment, certains actionnaires
usent de leur prise de participation dans les clubs pour s'associer au
caractère iconique du football. En France, un rapide tour d'horizon
historique des présidents des clubs français témoigne de
ce processus. Ces investisseurs locaux ont des besoins de
notoriété : Jean-Michel Aulas à l'Olympique Lyonnais,
Gervais Martel à Lens, François Pinault à Rennes, Louis
Nicollin à Montpellier... Les exemples ne manquent pas, et la
notoriété qui découle de ces investissements est bien
réelle. Tous ces entrepreneurs ont acquis une notoriété
régionale voire nationale grâce à leur participation dans
leur club. En ce qui concerne les investisseurs internationaux, il y a
plusieurs stratégies qui résultent de leurs investissements, que
nous allons détailler par la suite.
Historique des investissements étrangers en
Ligue 1
Les championnats professionnels français (Ligue 1 et
Ligue 2) connaissent d'importants changements actionnariaux depuis le
début de la décennie 2010. Cette vague d'investissements
étrangers place la France à la seconde place européenne en
termes de nombre de propriétaires étrangers dans sa
première division avec six clubs11. L'annexe n°4
illustre cette tendance française.
Alors que les clubs français ne présentent pas
des résultats sportifs très flatteurs sur la scène
européenne (LDC et LE), il est intéressant de se pencher sur les
motifs de ces investissements. L'été 2011, marque un
véritable tournant pour le football français avec l'acquisition
de 70% des parts du PSG par le fonds souverain qatarien Qatar Investment
Authority (QIA), pour un
11 UEFA, Club
Licensing Benchmarking Report: Financial Year 2017
22
montant de 40 millions d'euros dans un premier temps
(aujourd'hui, QIA détient 100%). S'en est suivi le rachat de l'AS Monaco
(ASM) - alors en Ligue 2 - au courant de la même année pour un
montant qui reste opaque.
Dans un second temps, la provenance des investissements s'est
diversifiée avec l'arrivée d'investisseurs chinois et
américains. Des hommes d'affaires chinois ont pris le contrôle de
clubs historiques de Ligue 2 : le FC Sochaux-Montbéliard en 2015 par
Wing Sang Li et l'AJ Auxerre en 2016 par James Zhou.
L'année 2016 incarne le retour des investissements
américains dans le football français (plus aucun investisseur
américain n'était présent en France depuis le
départ de Colony Capital, fonds d'investissement anciennement
propriétaire du PSG) avec la vente de l'Olympique de Marseille à
Franck McCourt, pour une somme de 45 millions d'euros. A son tour, l'OGC Nice
passe sous pavillon étranger après l'annonce de la vente de 80%
du capital du club pour une somme avoisinant les 21 millions d'euros à
des investisseurs sino-américains, lesquels se nomment Chienn Lee, Alex
Zheng, Paul Conway et Elliot Hayes. Lors de la même année, le
groupe IDG Capital a investi 100 millions d'euros pour prendre le
contrôle de 20% de l'OL, valorisant ainsi le club présidé
par Jean-Michel Aulas à 500 millions d'euros. Les Girondins de Bordeaux
sont devenus le sixième club de Ligue 1 appartenant à des
étrangers : le fonds d'investissement GACP est devenu de cette
façon propriétaire du club pour quelques 70 millions d'euros.
Les raisons et les stratégies des
investissements étrangers en Ligue 1
Les nouveaux propriétaires des clubs de Ligue 1
poursuivent des objectifs différents. Certains ont des ambitions
financières alors que d'autres misent sur l'acquisition de ces clubs
pour développer des desseins moins directs.
Dans un premier temps, intéressons-nous aux
investisseurs qui voient en ces clubs de football un investissement
présentant un futur gain financier et qui suivent une logique
économique. Une raison évidente pour eux de se pencher sur la
Ligue 1 est la valeur économique des clubs français, qui reste
bien moins élevée que celle de ses voisins européens. De
telle manière que les montants de rachats des clubs français
n'ont jamais excédé les 100 millions d'euros. On est bien loin
des prix entrevus pour le rachat du Milan AC (plus de 700 millions d'euros) ou
de l'Inter Milan (270 millions d'euros), clubs aux situations
financières très délicates. Par conséquent, les
clubs de Ligue 1 représentent pour les investisseurs un coût
à l'entrée bien plus faible. Il est donc plus aisé pour un
potentiel acheteur de se pencher sur un club français.
23
Les observateurs sont très optimistes quant aux
perspectives de croissance en France. Ces dernières sont importantes
comme en témoigne l'évolution du chiffre d'affaires des clubs de
Ligue 1 depuis des années. Par ailleurs, ces revenus vont être
agrémentés par l'évolution des droits TV, avec le nouveau
contrat de plus de 1,153 milliard d'euros qui entrera en vigueur en 2020.
Taux de
|
|
|
TCAM
|
croissance
|
|
56%
|
6,58%
|

2000
1800
1600
1400
1200
1000
400
800
600
200
0
2011/12 12/13 13/14 14/15 15/16 16/17 17/18
1135,8
Revenus des clubs de Ligue en Millions
d'euros
1297,3
1497,7 1418,4
1390
1643,3
1774,8
Source : Auteur, d'après DNCG
Il y alors plusieurs stratégies qui sont entreprises.
Une de celles-ci repose sur la volonté de certains investisseurs de
prendre des participations dans un club qu'ils estiment sous-coté pour
ensuite le revendre une fois la valeur revenue dans un standard qui correspond
à leurs attentes. Ce n'est pas la recherche de rendements annuels sous
formes de dividendes qui est recherchée dans ce cas mais plutôt le
profit tiré de l'action d'achat-revente des parts du club.
Par exemple, McCourt n'a acheté l'OM « que »
45 millions d'euros (certes avec ses dettes) ; s'il parvient à redresser
le club, il pourrait espérer en retirer davantage en le revendant.
Actuellement, la valeur du club est estimée à 282 millions
d'euros selon Transfermarkt12. Cette stratégie est
également suivie par les nouveaux propriétaires bordelais ; le
patron de GAPC, Joseph DaGrosa, ne s'en est pas caché à la suite
du rachat des Girondins de Bordeaux : « Le foot est une industrie en
pleine croissance et cela devrait durer encore longtemps ». Bien qu'il
souhaite améliorer la qualité de l'équipe, il assume la
motivation court-termiste de son
12
https://www.transfermarkt.fr/ligue-1,
consulté le 29 janvier 2019
24
investissement : « Nous sommes là pour une
période relativement courte par rapport à l'existence du club :
cinq ou dix ans »13. Cette stratégie rejoint celle du
propriétaire de l'Olympique de Marseille, qui est ici d'assainir la
gestion du club, de profiter du capital marque du club et espérer tirer
un bénéfice lors de sa revente. Cette politique peut
s'accompagner d'effets directs sur les choix sportifs du club. Une des
convergences de ces clubs est de suivre le chemin de l'AS Monaco. Leur
politique suit la volonté d'augmenter les revenus et le capital du
groupe, en investissant sur des jeunes joueurs à fort potentiel pour
ensuite les revendre à prix d'or et générer des
plus-values importantes. C'est une tactique qui présente toutefois
certains risques, mais qui a montré son efficacité dans le cas de
l'AS Monaco. C'est donc un risque que prennent certains nouveaux investisseurs,
à condition de savoir s'entourer de spécialistes (Monaco est
allé chercher Luis Campos, célèbre dénicheur de
talents portugais spécialiste du sujet). Ainsi, depuis la prise de
contrôle des Russes, les plus-values réalisées par le club
(en millions d'euros) sont impressionnantes :

Prix de vente
Joueurs
Plus-value
649
Total
566
James Rodriguez 80 35
Kondogbia 40 20
Abdennour 25 10
Martial 50+30 55
Bernardo Silva 50 35
Bakayoko 45 32
Mendy 57 42
Saint-Maximin 10 5
Carrasco 25 25
Kurzawa 27 27
Mbappe 180 180
Lemar 60 56
Fabinho 50 44
Source : Auteur + CIES Football Observatory
Cette politique qui s'apparente à du trading de joueurs
est suivie par plusieurs clubs dorénavant qui n'ont pas les moyens
d'investir sur des joueurs confirmés et qui espèrent
réaliser des bénéfices à moindre coût. De
cette façon, le fonds d'investissement américain GACP a
lancé cette politique d'achat-revente en acquérant le jeune
espoir anglais Josh Maja (20 ans), le français du PSG Yacine Adli (18
ans) ou encore Raoul Bellanova (18 ans), international espoir
13
https://www.sofoot.com/dagrosa-nous-sommes-la-pour-cinq-ou-dix-ans-460370.html
, consulté le 29 janv. 19
25
italien du Milan AC. Le club de l'OGC Nice poursuit
également la même ambition sur le marché des transferts, au
point de provoquer le départ de Jean-Pierre Rivère,
président du club depuis 2011, en désaccord avec la politique de
ses nouveaux propriétaires14. Le président
Rivière était pourtant à l'origine de résultats
admirables, tant sur le plan sportif avec notamment une troisième place
en 2017 que sur le plan financier avec des ventes de joueurs épatantes
(Pléa 25 millions, Dalbert 20 millions, Seri 30 millions, Mendy 16
millions ...). Le changement de cap amorcé par ces propriétaires
s'inscrit dans la logique suivie par les clubs portugais qui excellaient dans
la revente de joueurs. Ce système fut notamment permis par la tierce
propriété dans le football (TPO)15, méthode
interdite depuis 2015 par la FIFA qui permettait à des clubs de pouvoir
acquérir les services d'un joueur pour lequel ils n'avaient pas les
moyens d'acheter 100% de ses droits économiques. Des clubs portugais ont
notamment fondé leur stratégie sur l'achat de joueurs à
fort potentiel en s'appuyant sur des recruteurs de grande qualité.
Dans le cas français, il est intéressant de
constater que les investisseurs ciblent des clubs disposant de centre de
formation de qualité. Ainsi, les cas de Lille (vendu en 2017 à
l'homme d'affaires luxembourgeois Gérard Lopez) et Monaco, illustrent
parfaitement cette orientation. Lille possède des structures et des
formateurs de grande qualité, comme en témoignent les nombreux
joueurs de qualité issus de leur centre : Hazard, Origi, Mirallas,
Cabaye, Debuchy... pour un total de vente estimé à près de
200 millions d'euros. La plus-value qu'il est possible de réaliser sur
des joueurs qui sortent du centre de formation représente un atout
important pour les clubs français, réputés comme
étant parmi les meilleurs au monde dans le domaine (atout qui peut
nourrir d'autres ambitions de la part des investisseurs étrangers en
Ligue 1, voir par ailleurs), caractéristique symbolisée par le
nombre de joueurs français expatriés en Europe (sans compter tous
les joueurs binationaux issus des centres de formation français non
inclus dans les statistiques). L'annexe n°5 illustre parfaitement ce
phénomène d'expatriation des footballeurs français : la
France est le deuxième pays (le premier européen) fournisseur de
joueurs expatriés. Ces derniers, au nombre de 727 ne sont
dépassés que par les 834 expatriés Brésiliens.
Toutefois, une trop grande importance accordée aux
résultats financiers de la part des propriétaires peut devenir
problématique et les supporters peuvent se sentir lésés,
comme en témoignent les frondes des supporters d'Arsenal ou Manchester
United contre la direction de
14
https://rmcsport.bfmtv.com/football/bouleversement-a-nice-rivere-et-fournier-quittent-le-club-1609546.html,
consulté le 29 janv. 19
15 « La TPO désigne la vente par un club d'une
partie des droits économiques d'un joueur à un tiers. Celui-ci
peut être une personne physique ou une personne morale, comme un fonds
d'investissement », L'Equipe
26
leurs clubs. Leurs dirigeants américains ont mis la
priorité sur la rentabilité financière et la valorisation
du club (Manchester United était le club le plus riche du monde lors de
la saison 2017/2018) en négligeant les besoins sportifs du club,
nourrissant un sentiment de rejet de la part des supporters face au manque
d'ambitions sportives.
Les nouveaux apporteurs de capitaux peuvent en outre
être motivés par des volontés géopolitiques. C'est
en tout le cas l'objectif du Qatar Investment Authority (QIA) avec sa branche
d'investissements sportifs Qatar Sport Investment (QSI) qui a racheté le
PSG. Cette stratégie s'inscrit dans une volonté de
l'Émirat d'user de la diplomatie du sport pour exercer le
développement d'un « sport power » 16. Conscient de la
dépendance de son économie à des réserves
épuisables (premier exportateur mondial de gaz naturel
liquéfié), l'État souhaite diversifier ses
activités et ambitionne de faire du tourisme une source de revenus
durables et importants. L'idée d'investir massivement dans le sport suit
donc cette logique, et l'objectif est double : il y a une dimension
prestigieuse apportée par ce que représente Paris à
l'échelle du monde. Cette recherche de prestige et de reconnaissance
à l'international est traitée avec la plus haute importance,
puisque c'est la famille royale qui est chargée des stratégies
d'investissement en relation avec le sport, par l'intermédiaire de
QSI17.
Indépendamment des objectifs financiers et
communicationnels, les investisseurs étrangers en Ligue 1 sont à
la recherche du savoir-faire des centres de formation français. En
attestent les volontés non dissimulées des Chinois de
développer des compétences dans ce secteur afin de devenir une
puissance reconnue et de former une équipe nationale de haut standing.
La qualité des infrastructures françaises ainsi que l'efficience
de la formation à la française ont fini de convaincre les
investisseurs de choisir des clubs réputés dans ce milieu :
Sochaux, Auxerre, Nice et l'Olympique Lyonnais sont tous sous pavillon Chinois
(hormis l'OL) et de nombreux partenariats ont été noué
avec d'autres clubs de Ligue 118 19 20 dans le cadre de la
formation. Le Qatar suit également cette stratégie dans l'optique
de la prochaine coupe du monde 2022 qui se
16
https://portail-ie.fr/analysis/1303/sport-power-la-strategie-dinfluence-du-qatar,
consulté le 24 janvier 2019
17 BASTIEN J. Le football professionnel
européen dans un système capitaliste financiarisé en crise
: une approche régulationniste des facteurs de changement
institutionnel, Thèse, 2017
18
https://www.ol.fr/fr-fr/contenus/articles/2018/10/31/ol-ifc-nouveau-partenariat-sur-la-formation-en-chine,
consulté le 28 janvier 2019
19
https://rmcsport.bfmtv.com/football/toulouse-fc-conclut-un-partenariat-avec-le-club-chinois-de-shenzhen-942951.html,
consulté le 28 janvier 2019
20
https://www.losc.fr/actualites-foot-lille/les-premi%C3%A8res-losc-all-soccer-schools-en-chine,
consulté le 28 janvier 2019
27
déroulera au sein de l'Émirat. Un autre symbole
du rapprochement entre Ligue 1 et Chine : la LFP et la FFF qui ont
inauguré en 2017 un bureau commun de développement et de
coopération en Chine21 dans une optique de déploiement
et développement à l'international.
o Les entreprises qui sponsorisent les clubs
En plus des investisseurs qui entrent au capital des clubs,
d'autres acteurs privés ont pris de l'ampleur dans le financement des
clubs de football. Des entreprises qui investissent des sommes d'argent
importantes pour être associées au club, sous la forme de
sponsoring en échange de versements financiers au club. Cette forme de
revenus s'est considérablement accrue du fait de l'exposition
médiatique croissante du football, permise par les acteurs audiovisuels
(vois section 1.1.2.1. les acteurs audiovisuels). Cet avènement
a été en parti la conséquence de la structure du secteur
de la publicité avant les années 1970 (la publicité
était interdite à la télévision avant 1970), qui a
contraint les annonceurs à innover pour parvenir à diffuser leurs
messages publicitaires. Ainsi, les annonceurs voyaient dans le football un
formidable outil de communication et d'engagement pour le spectateur. De
là s'est développé le sponsoring maillot. En effet, cette
stratégie était souvent payante à l'époque : quel
amateur de football n'a pas en tête les maillots Manufrance de l'AS
Saint-Etienne ou les maillots RTL du PSG ? Dès lors, le marché du
sponsoring n'a cessé de croître (des précisions seront
apportés ultérieurement). Une autre raison de cette
surenchère se trouve dans le fait que l'offre augmente très peu
voire pas du tout ; le nombre d'équipes par compétition est
limité (il y 20 clubs en Ligue 1), tandis que la demande pour obtenir
des contrats avec les clubs est croissante. C'est pourquoi un nombre
grandissant de sponsors fleurit sur les maillots des équipes.
Aujourd'hui, une équipe de Ligue 1 peut afficher autant de sponsor
qu'elle le souhaite sur son équipement (dans la limite d'une surface de
600 cm2) afin de maximiser le nombre de contrats conclus avec des
entreprises. Nous reviendrons plus en détail sur les revenus issus de
cette industrie dans la section suivante.
S'associer à un club de renommé contribue
à la réputation et au prestige de la marque. Cela rentre dans la
stratégie de marques comme Emirates (sponsor principal du Milan A.C, du
Real Madrid, du PSG, d'Arsenal, du Benfica Lisbonne ou encore de Hambourg) qui
cherche à sponsoriser un club emblématique dans chacun des
principaux championnats européens. Les entreprises sont
désireuses d'associer leur nom pour gagner en notoriété et
en popularité. Au
21
https://www.francefootball.fr/news/Un-bureau-commun-a-la-fff-et-a-la-lfp-ouvert-a-pekin/778340,
consulté le 24 janvier 2019
28
début, les marques étaient principalement
locales, puis avec la mondialisation du football, on enregistre une
internationalisation des contrats, qui sont de plus en plus diversifiés.
Pour les grands clubs européens et les clubs anglais, la présence
de sponsors asiatiques et du Moyen-Orient est grandissante. Ainsi, parmi les
clubs de Premier League, seuls trois d'entre eux possèdent un sponsor
principal anglais. Dans le même temps, douze clubs arborent des marques
asiatiques22. Même constat pour le championnat espagnol, au
sein duquel seules sept équipes ont pour sponsor principal une
entreprise domestique. En ce qui concerne les clubs français, hormis les
clubs jouant régulièrement les coupes d'Europe (le PSG avec
Emirates, l'Olympique Lyonnais avec Hyundai, Monaco avec Fedcom) les sponsors
restent majoritairement nationaux voire locaux (14 clubs ont un sponsor d'une
entreprise française).
On constate depuis peu une diversification des formes de
sponsoring. Dorénavant, les compétitions ou même les stades
sont sujets au sponsoring. Ils deviennent de véritables supports de
publicité ; le naming est arrivé en Europe. C'est une fois de
plus un concept originaire des États-Unis qui commencent à
prendre de l'ampleur en Europe et en France. Ainsi, quasiment toutes les
principales ligues nationales de football ont des contrats de naming : la
Barclays Premier League en Angleterre, la Liga BBVA en Espagne, la Serie A TIM
en Italie, la Ligue 1 Conforama en France, la Liga Nos au Portugal... Bien que
le phénomène soit beaucoup moins développé qu'aux
États-Unis, où 27 des 30 franchises NBA ont un contrat de naming
pour leur salle23, de nombreux clubs ont conclu des partenariats
avec des marques. Une entreprise comme l'assureur Allianz en a fait sa
stratégie marketing en associant son nom à huit stades,
présents sur quatre continents : l'Allianz Arena à Munich (Bayern
Munich), l'Allianz Riviera à Nice (OGC Nice), l'Allianz Stadium à
Turin (Juventus Turin), l'Allianz Stadium à Sydney (FC Sydney),
l'Allianz Park à Londres (Sarecens, club de rugby), l'Allianz Parque
à São Paulo (Palmeiras), l'Allianz Stadion à Vienne (Rapid
Vienne) et enfin l'Allianz Field à St. Paul aux États-Unis
(Minnesota United)24.
En France, le naming peine à vraiment prendre effet. Il
y a eu une certaine réticence à changer le nom d'un stade qui
peut être historique : comment les supporters réagiraient si le
Parc des Princes ou le stade Geoffroy-Guichard prenaient le nom d'une marque ?
C'est l'une des raisons pour lesquelles très peu de stades
français y ont recours, même si des efforts sont faits depuis
22 UEFA, Club Licensing Benchmarking Report:
Financial Year 2017
23
http://www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/sporteco14sporsoranaming.pdf,
consulté le 31 janvier 2019
24
https://www.allianz.com/en/about-us/sports-culture/stadiums.html#
, consulté le 31 janvier 2019
29
quelques années, avec quatre contrats signés sur
les six dernières années : ce sont les clubs qui
déménagent de stade (à l'exception du Vélodrome)
qui ont eu recours à cette technique de sponsoring.

OL : GROUPAMA STADIUM (9 ANS)
3,5
Montant du contrat annuel (en millions
d'euros)
OM : ORANGE
VÉLODROME (10
ANS)
2,7
BORDEAUX :
MATMUT
ATLANTIQUE (10
ANS)
2 1,8
NICE : ALIIANZ RIVIERA (9 ANS)
LE MANS : MMA ARENA (10 ANS)
1
Source : Auteur
En somme, nous retrouvons chez les entreprises sponsors les
mêmes motivations que ceux qui investissent dans les clubs à des
fins communicationnelles et promotionnelles. Ce lien entre le football et les
entreprises a initié les clubs au marketing et à l'importance de
l'image à renvoyer auprès du public. Ainsi, le merchandising
développé par les clubs actuellement est né avec
l'arrivée de ces nouveaux acteurs dans une recherche de
développement de la visibilité.
Pour conclure cette partie, la convergence
d'intérêts qui lie ces différents acteurs (clubs, acteurs
audiovisuels, investisseurs et les sponsors) s'apparente à un
mécanisme autoentretenu qui profite pour l'heure à tout le monde,
alors que des observateurs plus sceptiques craignent la formation d'une bulle
spéculative, qui ne demanderait qu'à exploser. Il sera
intéressant de se pencher sur les stratégies des clubs pour se
prémunir d'une trop grande dépendance aux droits TV, sorte de
perfusion financière pour de nombreux clubs.
Enfin, toutes les évolutions traversées par le
monde du football et entamées notamment par le processus de
financiarisation de notre économie a eu de profondes
répercussions sur l'industrie footballistique. L'avènement de
l'industrialisation du football a conduit à une professionnalisation du
secteur, lequel n'a jamais généré autant de revenus. Nous
reviendrons par conséquent sur les conséquences de cette mutation
qui a vu l'émergence de ce qui est communément appelé le
« football business ».
30
1.2. Les conséquences économiques de la
financiarisation
1.2.1. De nouvelles sources de revenus pour les clubs : le
passage de la structure SSSL au modèle MCMMG
La pénétration de ces nouveaux acteurs au sein
de la sphère footballistique entraine avec elle une complexification du
secteur, laquelle va profondément modifier les comportements des
dirigeants. Ces transformations tendent à attirer de nouvelles parties
prenantes qui vont alors chercher la maximisation de leurs
intérêts et des profits. Les stratégies propres au monde de
l'entreprise vont peu à peu se transposer aux clubs de football, en qui
les investisseurs voient une nouvelle opportunité de
développement de leurs activités. Ainsi, les clubs vont suivre
des politiques managériales plus proches d'entreprises capitalistes
multinationales plutôt que celles de clubs sportifs. L'accroissement des
revenus et l'enrichissement du club deviennent primordiaux, parfois au
dépend du sportif. Même si certains aspects propres à la
gestion d'un club de football ne peuvent être remis en cause, il est
indéniable de constater les répercussions de ce changement de
paradigme.
Par conséquent, une des premières
conséquences qui découle de ces changements structurels se trouve
dans l'évolution du modèle économique des clubs. Ces
derniers sont passés d'un modèle « spectateurs, subventions,
sponsors, local » (SSSL) à un modèle «
Media-Corporations-Merchandising-Markets-Global » (MCMMG)25.
Dans le premier modèle, qui a perduré jusqu'aux débuts des
années 1990 en France, les revenus des clubs provenaient majoritairement
des recettes de billetterie (spectateurs), qui étaient
complétées par toute sorte de subventions26
et par l'apparition des premiers sponsors. Enfin, toutes ces
ressources étaient locales. Aujourd'hui, les revenus du
football professionnel en France ont beaucoup évolué et se sont
très largement globalisés. La structure SSSL ne permettait plus
aux clubs de faire face à l'inflation salariale constatée
alors27. Les nouveaux propriétaires des clubs ont donc
cherché de nouveaux débouchés financiers, plus lucratifs
que les postes de revenus historiques du modèle SSSL. Au courant des
années 1990, les clubs des plus grands championnats européens ont
progressivement modifié leurs sources de financement pour rendre plus
efficient leur business
25 Concepts popularisés par Wladimir ANDREFF
26 Subventions publiques + donateurs privés +
cotisations des membres
27 Les charges salariales représentaient 84%
des dépenses des clubs français en 1982/83 (ANDREFF W. et
STAUDOHAR P., 2000 & BASTIEN J. Le football professionnel
européen dans un système capitaliste financiarisé en crise
: une approche régulationniste des facteurs de changement
institutionnel, Thèse, 2017)
31
model. La dépendance liée aux recettes au
guichet (billetterie) a laissé place à la dépendance aux
droits TV, que nous tâcherons de décrire ci-après.
Répartition des sources de revenus
|
|
1970/71
|
2016/2017
|
Billeterie
|
81%
|
11,1%
|
Subventions
|
18%
|
0,0%
|
Sponsors
|
1%
|
20,9%
|
Droits TV
|
0%
|
50,2%
|
Merchandising et autres
|
0%
|
17,8%
|
Sources : Auteur, d'après Andreff W., Zoudji B., La
mondialisation économique du football, 2005 + DNCG, saison
2016-2017
Désormais, les droits TV constituent le principal poste
de revenus des clubs, c'est-à-dire que le produit dérivé
de l'activité d'un club (la télévision qui retransmet le
produit principal, à savoir l'organisation d'un match) a
supplanté le produit principal (la billetterie). L'évolution de
la structure de financement des clubs marque le risque d'une
télé-dépendance des clubs, qui indexent leurs charges et
leurs dépenses sur cette variable, fragilisant ainsi leur
pérennité. Par exemple, les revenus des clubs anglais de Premier
League proviennent pour 61% des droits TV (3,221 milliards d'euros lors de la
saison 2017/1728). En Ligue 1, la part de ces derniers est de plus
de 50%, en attendant l'entrée en jeu du nouveau contrat lors de la
saison 2020/2021 qui augmentera mécaniquement la part des recettes
octroyées à ces droits. L'annexe n°6 tiré du rapport
annuel de Deloitte permet de comparer l'importance des droits TV au sein des
cinq grands championnats.
Les clubs n'ont jamais été aussi riches et les
groupes audiovisuels n'y sont pas étrangers. Comme il en a
été mention précédemment, le montant des droits de
retransmission des matches n'a jamais été aussi
élevé. Ce qui est perçu comme une aubaine par certains,
est vu au contraire comme une limite sectorielle par d'autres : les clubs sont
devenus très (trop ?) dépendants des recettes liées
à ces droits TV. L'intérêt des chaines de
télévision s'est accru à mesure du renforcement des
équipes européennes. Disposant dès lors de moyens
considérables grâce notamment à ces groupes de
médias, les clubs ont pu investir plus massivement pour améliorer
qualitativement et quantitativement leurs effectifs, alimentant ainsi une
surenchère pour les
28 UEFA, Club
Licensing Benchmarking Report: Financial Year 2017
32
meilleurs talents internationaux. L'arrêt Bosman en
199529 a contribué à renforcer ce
phénomène, entrainant une plus grande mobilité pour les
joueurs et la possibilité pour les clubs de recruter des joueurs
européens sans limitation et sans restriction juridique. Les meilleures
équipes des principales ligues ont dont pu se renforcer en ayant la
possibilité de composer des effectifs plus importants (l'offre de
joueurs est devenue beaucoup plus importante). Ces équipes sont alors
devenues plus compétitives, ce qui a eu pour effet mécanique une
hausse du nombre de diffuseurs intéressés et donc de
l'intensité concurrentielle, provoquant une revalorisation de ces
droits. Les mauvais résultats d'un club peuvent avoir des
conséquences catastrophiques sur les revenus, et particulièrement
sur les revenus télévisuels : une relégation de Ligue 1 en
Ligue 2 entraine en moyenne une chute de 50% des revenus liés à
ces droits30.
Ce phénomène est entretenu par le système
de ligues ouvertes qui prévaut en Europe31 alors qu'un
système de ligue fermée privilégierait la
sécurisation des revenus des clubs. La précédente
dépendance des clubs aux revenus issus de la billetterie s'est
reportée à ceux issus des droits audiovisuels, symptôme
d'une industrie qui présente des imperfections et encore tributaire de
variables qu'elle ne maitrise pas. Justement, malgré la hausse des
tarifs, de la capacité des stades et donc de leur fréquentation,
la part des revenus de billetterie n'a eu de cesse de décroitre. Les
clubs mettent donc en place des stratégies pour attirer et
fidéliser les spectateurs : outils de CRM, marketing et communication,
package de matches, animations extra-sportives32... Ainsi, d'autres
catégories socio-professionnelles (CSP) sont ciblées : les
supporters historiques ne sont plus forcément le coeur de cible des
nouvelles stratégies. Il y a une volonté de diversification de la
population fréquentant le stade (femmes, CSP +, enfants). Il faut alors
que les clubs soient vigilants à ne pas se tromper de stratégie :
développer l'attachement reste le facteur le plus
important33. Les spectateurs ne sont pas que de simples
consommateurs, l'identité du club reste une donnée primordiale
pour développer l'attractivité autour du stade. Bien sûr,
les politiques d'amélioration du confort dans les stades ou la mise en
place d'infrastructures de plus grande qualité ne peuvent pas à
elles seules fidéliser les supporters, il faut accompagner ces
transformations en développant l'attachement et l'identité du
club, tout ceci en intégrant les supporters à cette
identité.
29 « Depuis cet arrêt, il est n'est plus possible
de limiter le nombre de joueurs étrangers ressortissants de l'Union
européenne dans un club »,
https://fr.wikipedia.org/wiki/Arr%C3%AAtBosman
30 Étude CSA, Sport et télévision
- Contributions croisées, 2017
31 Thème abordé dans la section
1.1.1.3. Vers la création d'une ligue fermée ?
32 Thème abordé dans l'étude de
cas sur l`OL
33
https://www.ecofoot.fr/taux-remplissage-football-francais-1895/,
consulté le 5 février 2019
33
L'influence des nouveaux propriétaires des clubs de
football a été détaillée dans la section
précédente. Il est simplement utile de rappeler leur importance
dans les transformations entamées dans le système de gouvernance
et de gestion des clubs, sans parler des fonds apportés.
L'arrivée de nouveaux acteurs à la tête
des clubs et les répercussions de la financiarisation du secteur du
football ont permis aux clubs de développer des activités
commerciales sans précédent. Aujourd'hui, les clubs
déploient de véritables stratégies commerciales et des
départements entiers sont dédiés à ces
opérations qui deviennent des sources de revenus importantes.
Grâce à leur image de marque, les clubs développent de
nouveaux concepts commerciaux. Le merchandising est ainsi devenu une ressource
clé pour certains clubs. Les grands clubs européens sont de
véritables marques internationales qui sont connues dans le monde
entier. Par exemple, le Real Madrid, le FC Barcelone et Manchester United - les
trois clubs les plus riches en 2018 - tirent chacun 47% de leurs revenus de
leurs activités commerciales (respectivement 356 M€, 322 M€ et
316 M€)34, là où le PSG engrange 58% (313,3
M€) de ses revenus des activités commerciales. Au-delà des
produits dérivés qui constituent un poste important de ses
revenus commerciaux, l'internationalisation des clubs en tant que marque influe
très positivement leurs revenus. Toutefois, il demeure difficile
d'estimer les données chiffrées des recettes de merchandising car
elles sont souvent confondues avec les revenus de sponsoring. Ainsi, dans la
plupart des cas, les revenus de sponsoring restent supérieurs aux
revenus issus de produits dérivés.
On note une très forte croissance de ce poste de
revenus depuis quelques années, phénomène qui s'est
renforcé depuis cinq ans, comme en témoigne le graphique
ci-dessous qui prend en compte les revenus commerciaux des cinq clubs les plus
riches du monde (Real Madrid, FC Barcelone, Manchester United, Bayern Munich,
Manchester City). Ces revenus ont crû de plus de 46% en l'espace de
quatre ans.
34 Les montants sont tirés de l'étude
Deloitte Football Money League 2019
Revenus commerciaux 2014-2018 des 5 clubs les
plus riches
(m€)

1610
1800
1505 1495
1600
1261
1400
1101
1200
1000
800
600
400
200
0
2014 2015 2016 2017 2018
34
Source : Auteur, d'après Deloitte Football Money
League 2019
Avec la globalisation et l'internationalisation des marques,
de plus en plus d'opportunités s'offrent aux clubs qui s'ouvrent
à une audience planétaire. Alors qu'autrefois leur
clientèle était essentiellement locale, voire nationale pour
certains, le développement de la popularité des clubs à
travers le monde influe sur leurs stratégies commerciales et marketing,
qui ne se fondent plus seulement sur le bassin régional. Les innovations
stratégiques liées à ces stratégies prennent
plusieurs formes et les clubs se transforment en industrie du divertissement,
comme l'attestent les propos du nouveau directeur exécutif des Girondins
de Bordeaux, Frédéric Longuépée « Je suis
convaincu qu'un club de football ne fait pas partie de l'industrie du sport
mais de celle du divertissement »35. De nombreux moyens sont
utilisés par les clubs pour développer leurs revenus commerciaux,
comme nous le verrons avec le cas de l'Olympique Lyonnais. Il est donc
intéressant de relever que les revenus de ces équipes sont de
plus en plus tirés par des facteurs extérieurs à leur
activité initiale. Comme stipulé dans la section 1.1.2.2. Les
investisseurs privés, les sponsors sont toujours une source de
revenus conséquente dans le financement des clubs (20,9% des revenus des
clubs de Ligue 1 en 201736). L'intensité concurrentielle
accrue des équipementiers sportifs renforce le montant des contrats
signés avec les clubs. En effet, alors que les indéboulonnables
Nike et Adidas restent leaders sur le marché, de nouveaux arrivants
(Under Armour, New Balance) ou des marques historiques (Le Coq Sportif) sont
venus redynamiser un secteur toujours plus lucratif. Les trois
équipementiers historiques (Nike, Adidas et Puma) ont changé de
stratégie afin de concentrer majoritairement leurs investissements sur
des grosses écuries européennes, provoquant un
35
https://www.ecofoot.fr/girondins-bordeaux-modele-autosuffisant-4487/,
consulté le 5 février 2019
36 DNCG, saison 2016-2017
35
éclatement des équipementiers des clubs plus
modestes. Ainsi, parmi les 20 clubs de Ligue 1, on dénombre 12
équipementiers différents (Nike ne sponsorise plus que le PSG,
Monaco et Montpellier tandis que Adidas ne sponsorise plus que l'Olympique
Lyonnais et Strasbourg). A l'échelle européenne, une étude
de PR Marketing valorise les contrats équipementiers des 98
équipes des cinq grands championnats européens à 861
millions d'euros pour la saison 2018/2019. Des records de montant sont
régulièrement battus, avec un club comme Manchester United qui a
signé un partenariat sur 10 ans avec Adidas à compter de 2015
pour un montant de 946 millions d'euros. On peut également citer
l'exemple du FC Barcelone qui a renouvelé son partenariat avec Nike, lui
assurant un paiement fixe de 60 millions d'euros par saison plus une part
variable sous forme de royalties en fonction du nombre de maillots vendus
(estimé à 45 millions d'euros annuels)37.
Lorsque Andreff évoque les
marchés, il fait référence
à deux nouveaux marchés qui se sont ouverts aux clubs. Tout
d'abord, l'évolution juridique des clubs leur a donné
l'opportunité de se financer sur les marchés financiers.
Toutefois, cette ouverture au marché du capital n'a pas répondu
aux attentes encourageantes. Alors que plus de 40 clubs étaient
côtés sur les marchés au début des années
2000, seulement 21 sont encore présents sur les marchés
européens. La stratégie des dirigeants introduisant leur club en
bourse est souvent motivée par la volonté de financement d'un
projet, comme ce fût le cas pour l'Olympique Lyonnais qui a pu construire
son stade en levant 100 millions d'euros sur le marché boursier.
Néanmoins, comme le révèle l'annexe n°7, les
résultats s'avèrent décevants, avec une dévaluation
du titre de plus de 88% depuis son introduction en bourse en 2007.
Un autre marché s'est développé en
parallèle depuis la professionnalisation du monde du football : celui du
marché des joueurs. L'évolution législative du travail en
Europe a eu d'énormes répercussions financières et
sportives. L'arrêt Bosman, en 1995, a permis la libre circulation des
joueurs au sein de l`Union Européenne, sans restriction du nombre de
joueurs étrangers (issus de pays membres de l'UE) par équipe.
Dès lors, la fréquence et le montant des transferts ont
explosé, phénomène qui a connu une forte
accélération au tournant des années 2010. Les clubs les
plus puissants et issus des ligues les plus riches ont alors pris un
ascendant
37
https://www.sportbuzzbusiness.fr/analyse-contrat-sponsoring-record-entre-fc-barcelone-nike.html,
consulté le 5 février 2019
36
sans précédent sur le marché des
transferts, et il est devenu difficile voire impossible de lutter pour des
clubs plus modestes.
Il y alors plusieurs stratégies qui ont
découlé de ce nouveau marché. Des clubs se sont mis
à spéculer sur des joueurs en ne les considérant que comme
des actifs. L'objectif recherché ici est de réaliser des
plus-values sur des joueurs à fort potentiel, achetés dans
l'optique de les développer footballistiquement et de les revendre plus
tard à un prix plus élevé, ou alors de développer
des structures de formation efficientes pour pouvoir vendre des joueurs qui
n'auront quasiment rien coûté au club. Ainsi, des ligues sont
devenues spécialisées dans la vente de joueurs ; pour les clubs
n'ayant pas les moyens de rivaliser financièrement avec le gratin
européen, la vente des joueurs devient une composante fondamentale pour
leur équilibre financier. Certains championnats sont donc
dépendants de ces activités de transferts et se sont
spécialisés dans la revente de joueurs qui s'apparentent
désormais à de véritables actifs financiers. Les clubs
français sont plutôt doués sur ces points, comme en
témoigne la surreprésentation de clubs dans les meilleurs bilans
financiers (balance des transferts) des ligues du top 5 constatée dans
l'annexe n°8.
Il y a donc une dichotomie qui s'est créée entre
certaines ligues qualifiées d'importatrices de talents (Premier
League, Liga, Bundesliga, Serie A, Süper Lig Turque, la
Première Ligue Russe notamment) et d'autres dites exportatrices de
talents (Eredevise aux Pays-Bas, Liga NOS au Portugal, ou
encore Jupiler League en Belgique ...). Hormis le PSG, la Ligue 1 se
situe plutôt dans la seconde catégorie ; les clubs français
disposent de centres de formation de qualité et bon nombre d'entre eux
privilégient l'achat de joueurs sous-évalués qu'ils vont
chercher à revendre pour des montants plus élevés par la
suite. Le manque de revenus et la difficulté pour les clubs de Ligue 1
à rivaliser avec les autres puissances financières du top 5 les
forcent à redoubler de créativité afin de cerner les
joueurs répondant le mieux à ces caractéristiques.
Transferts Ligue 1 hors PSG (en millions d'euros)

2014/15
2016/17
2013/14
2015/16
200
124,5
74
129
Ventes de la la Ligue 1 à l'étranger
Achats de la Ligue 1 à l'étranger
198,5 368,1
17,5 138
-55
75,5
Balance des trasnferts
181 172
Source : calculs de l'auteur, d'après Transfermarkt
+ DNCG, saison 2016-2017
37
Enfin, le football est passé d'un modèle
local à un modèle global : il
représente l'industrie la plus vaste et la plus mondialisée du
marché des spectacles sportifs. La mondialisation du football existe par
le prisme de plusieurs vecteurs. Comme il en a été question
précédemment, le marché des joueurs s'est ouvert à
l'international et la composition des effectifs des clubs européens n'a
plus grand chose à voir avec leur pays d'affiliation38.
Globalisation également quand on se réfère aux droits TV
internationaux : le marché audiovisuel est mondialisé car les
ligues nationales vendent leurs droits de retransmission à
l'étranger. Pour finir, les équipementiers sportifs et les
sponsors qui financent les clubs sont mondiaux : des multinationales de tous
les continents sponsorisent le football européen. L'oligopole mondial
des équipementiers sportifs est au coeur de la mondialisation à
travers deux intermédiaires : les ventes des maillots et des articles de
sport des clubs de football s'internationalisent de plus en plus et la main
d'oeuvre nécessaire pour la fabrication de ces articles est
internationale. En somme, le football ne représente qu'un miroir
grossissant du monde qui nous entoure et de notre économie. Il n'est
donc pas étonnant d'observer les dérives d'un système qui
n'est assujetti qu'a très peu de limite et de régulation. Les
conséquences économiques de la financiarisation sur l'industrie
footballistique ont donc des incidences sur d'autres aspects de son
environnement sectoriel.
1.1.1. Le modèle européen arrive-t-il à ses
limites ?
1.1.1.1. Des revenus toujours plus élevés mais
toujours plus inégaux
Dans sa globalité, le monde du football européen
ne s'est jamais aussi bien porté financièrement. Pourtant, une
des caractéristiques fondamentales propre au plus populaire des sports
s'effrite. La « glorieuse incertitude du sport » chère aux
supporters se fait de plus en plus rare et les plus gros clubs squattent quasi
systématiquement les plus belles places en championnat et en LDC. Les
déséquilibres financiers entre les tops clubs européens
qui engrangent des profits démentiels et les clubs plus modestes qui
accumulent les déficits n'ont jamais été aussi importants.
La corrélation entre les revenus des clubs et leur résultat
s'avère très importante. Et lorsque l'on sait que les douze clubs
les plus importants captent un tiers des recettes totales du
football39, il ne fait guère d'illusions sur le sort des
compétitions. L'UEFA a
38 En 2005, l'équipe d'Arsenal a
présenté une équipe uniquement composée de joueurs
étrangers (incluant les remplaçants) : six Français, trois
Espagnols, deux Néerlandais, un Allemand, un Brésilien un
Camerounais, un Ivoirien, et un Suisse.
39
https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Football-leaks-quand-l-uefa-s-inquiete-des-inegalites-croissantes-dans-le-football-de-clubs/957181,
consulté le 19 févr. 19
38
beau s'être félicitée de l'assainissement
de la gestion du football européen depuis l'instauration du fair-play
financier (FPF), le creusement des inégalités économiques
l'inquiète, comme en attestent les divulgations faites par Mediapart
lors de l'éclatement des Football Leaks40. Ces
révélations font état d'un cartel des plus gros clubs
soumettant littéralement l'UEFA. Cette dernière s'inquiète
du manque d'intérêt que pourraient susciter des
compétitions toujours plus inégalitaires, où l'incertitude
n'aurait plus sa place. Le risque serait de voir les spectateurs se
détourner de ces compétitions. Comme le souligne Andreff,
l'intérêt des supporters est d'autant plus fort que l'issue des
matches est « incertaine et imprédictible ». Le système
de ligue ouverte présent en Europe incite les propriétaires
à investir massivement dans le sportif car le spectre de la
relégation est présent au contraire d'une ligue fermée.
Les clubs régulièrement en Coupe d'Europe profitent de gains
considérables par rapport à leurs concurrents au sein de leurs
ligues. La relation de réciprocité entre performance sportive et
revenus associés alimente un cercle vertueux ou vicieux, selon l'angle
de vue. Le graphique du cabinet A. Kearney présent en annexe n°9
ci-dessous reflète bien ce phénomène s'autoalimentant.
Ce que le président de l'UEFA - Aleksander
Èeferin - appelle la « magie du football » n'a jamais
été aussi menacée. En dépit des appels de
l'instance européenne pour « aider le football à
créer des mesures pour rendre le jeu plus juste et mieux
réglementé et ainsi améliorer son éthique et sa
solidarité »41, les clubs des meilleures ligues
européennes affirment toujours plus leur supériorité. La
dernière réforme en date concernant la reine des
compétitions européennes, la LDC, garantit la moitié des
places (quatre tickets pour chacun des pays) aux clubs des quatre grands
championnats (Espagne, Angleterre, Italie, Allemagne). Ce n'est pas la
première réforme allant dans le sens des clubs des grandes ligues
depuis que l'obsolète Coupe d'Europe des Clubs Champions est devenue la
LDC en 1992. L'objectif à peine dissimulé derrière toutes
ces évolutions est de réduire l'aléa sportif pour les
clubs au bénéfice de la logique économique42.
Karl-Heinz Rummenigge, alors président du conseil exécutif du
Bayern Munich se plaignait en 2016 que son club soit « dépendant du
sort ». Cette déclaration lourde de sens témoigne de la
volonté des super-clubs de sécuriser les investissements et de
former un groupe de super clubs qui ne doit pas être remis en cause par
l'hégémonie de nouveaux arrivants.
40
https://www.mediapart.fr/journal/international/081118/l-uefa-discreditee-le-football-en-peril,
consulté le 19 févr. 19
41Aleksander Èeferin devant le 13e
Congrès extraordinaire de l'UEFA, Genève 2017
42
http://latta.blog.lemonde.fr/2016/09/20/ligue-des-champions-luefa-privatise-son-carre-vip/,
consulté le 19 févr. 19
39
Pour comprendre la résultante de ces
inégalités, il est indispensable de se pencher sur le rôle
joué par le cartel des super clubs, qui usent de leur influence et de
leur poids pour peser sur les réformes prises par l'UEFA. Ces derniers
savent au combien ils sont importants pour l'UEFA, qui tire la majorité
de ses revenus grâce à leur présence au sein des
compétitions. Ainsi, il est intéressant de constater
l'évolution des fonctions de chacun et la prise de pouvoir progressive
des grands clubs au détriment de l'instance autrefois dirigée par
Michel Platini. Pour exercer cette pression, ces derniers n'ont pas
hésité à menacer l'UEFA de la création d'une
superleague, c'est-à-dire une ligue fermée concurrente des
compétitions que l'UEFA organise, et ce dès 1998. Les gros clubs
sont de moins en moins enclins à distribuer et en viennent parfois
à contester les mécanismes de solidarité mis en place pour
tenter d'endiguer ce phénomène inégalitaire. Au contraire,
les trois principaux clubs du championnat hollandais (Eredevise), à
savoir l'Ajax Amsterdam, le PSV Heindoven et le Feyenoord Rotterdam ont fait
une proposition officielle pour pallier le manque de
compétitivité que peut entrainer une redistribution trop
inégalitaire des revenus issus des compétitions
européennes. Ainsi, ils proposent de reverser une partie de ces revenus
aux autres clubs de la ligue pour les rendre plus compétitifs et rendre
le championnat plus attractif. C'est bien là que va se jouer le futur du
football européen : comment parvenir à rééquilibrer
les revenus des clubs les plus riches et ceux des plus modestes. Il y a donc un
réel risque systémique concernant la pérennité et
l'avenir des compétitions telles que nous les connaissons aujourd'hui.
De tels écarts de ressources ne peuvent conduire qu'à une
réforme profonde du système, auquel cas l'intérêt
des compétitions se retrouvera réduit au néant. Le constat
d'un rapport de corrélation élevé entre les revenus d'un
club et son classement final n'est pas nouveau et est illustré par ce
graphique issu d'une étude du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel
(CSA) présent en annexe n°10.
Ce phénomène se traduit déjà dans
les faits à l'échelle européenne, avec la LDC qui
cristallise ce creusement des inégalités, lesquelles
s'étendent sur deux niveaux. Le premier est l'accès pour un
nouveau club à la phase de poules de la LDC. D'une année sur
l'autre, 80% des clubs sont les mêmes, il y a une forte
corrélation entre les revenus tirés de la LDC et son impact sur
le classement final au sein de la ligue. Le second volet de
déséquilibre se situe au niveau des performances sportives au
sein de la compétition. Depuis 1993, toutes les réformes de la
LDC avaient pour effet d'amoindrir le poids des clubs des ligues mineures. Et
cela se ressent sur les résultats dans ces compétitions : en
dépit d'un nombre de clubs croissant dans la compétition depuis
cette date, les quatre principales ligues (Espagne, Angleterre, Italie,
Allemagne) se sont partagées 23 des 26 victoires finales. Plus marquant
encore, sur les dix dernières saisons, 39
40
équipes demi-finalistes sur 40 étaient issues de
ces quatre ligues. A titre de comparaison, lors des dix éditions de 1985
à 1996, 24 des 40 demi-finalistes provenaient d'autres
championnats43. Ce constat est le même pour la présence
en quarts de finales des clubs :

COUPE DES CLUBS CHAMPIONS (1970-92)
LIGUE DES CHAMPIONS (1993/2015
Présence en quarts de finale
Nombre de championnats Nombre de clubs
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90
18
25
51
78
Source : Auteur, d'après Les Cahiers du
Football
Cette compétition est désormais une
compétition quasi fermée, où les mêmes grands clubs
des mêmes grandes ligues monopolisent les meilleurs résultats. La
présence dans le dernier carré des mêmes clubs est une
constante depuis quelques années. Cette domination est illustrée
par les clubs espagnols, qui ont remporté neuf des dix titres
européens depuis 2014, avec en tête le Real Madrid qui vient de
remporter les trois dernières éditions de la LDC. Ce n'est pas
une surprise de constater que le club madrilène est le club le plus
riche au monde, illustrant une fois de plus la corrélation entre les
ressources d'un club et ses performances sur le terrain. En définitive,
le règne de l'argent dans le beautiful game serait-il en train
de dénaturer les attraits qui ont contribué à le rendre si
populaire ou permet-il aux clubs de se renforcer et d'offrir de meilleures
conditions aux joueurs et aux managers pour un meilleur rendement ? Toujours
est-il que le creusement des inégalités a entrainé une
intensification des transactions (achats et ventes de joueurs) et une
surenchère des salaires des joueurs, permettant aux plus grands clubs de
pouvoir constituer des sureffectifs, et ne laissant que les miettes aux clubs
plus modestes.
43
http://latta.blog.lemonde.fr/2016/09/20/ligue-des-champions-luefa-privatise-son-carre-vip/,
consulté le 19 févr. 19
41
1.1.1.2. Une inflation salariale et un accroissement de la
mobilité des joueurs
La financiarisation du football a contraint les clubs à
repenser leur façon de procéder sur la question des transferts.
On parle de transfert lorsque le club acheteur acquière les
années de contrat restantes au joueur du club vendeur : ce premier doit
alors verser des indemnités de mutation à ce dernier. Plusieurs
facteurs viennent expliquer ces évolutions. Le cadre de notre
étude commence au lendemain de l'arrêt Bosman en 1995. Cette
décision de justice acte « l'obligation faite à un club de
verser une indemnité libératoire au club quitté par un
joueur en fin de contrat, ainsi que le principe de quotas de joueurs
étrangers jouant dans chaque club, tous deux considérés
comme non conformes au principe de libre circulation des travailleurs
»44. Les conséquences de cette résolution rendue
par la Cour de justice des Communautés Européennes
couplées à l'accroissement des inégalités entre
clubs ont contribué à redessiner le marché des transferts
européens. L'arrêt Bosman agira donc en faveur de
l'intensification de l'internationalisation des transactions de joueurs en
Europe. Désormais, les joueurs sont devenus plus mobiles et leur pouvoir
de négociation s'est retrouvé démultiplié.
Les grands clubs européens ont dès lors eu la
possibilité de confectionner des effectifs en empilant des stars
européennes, s'appuyant sur la course à l'armement
engendrée par ces évolutions juridiques. Les meilleurs joueurs
étaient donc plus demandés qu'auparavant, ce qui a eu pour effet
une surenchère de leur salaire.
Les clubs n'avaient pas forcément les ressources
nécessaires pour répondre à cette dérive
inflationniste. De ce fait, les clubs ont fait évoluer leur besoin de
financement pour répondre à cette tendance. Par la suite, les
salaires ont suivi la tendance haussière des ressources du secteur du
football. En Europe, les revenus des clubs ont été
démultiplié par 504% (408% en France) en l'espace de vingt ans.
Les salaires, dans le même temps, ont connu une hausse de 607% (471% en
France) comme le révèle le tableau créé par
Jérémie Bastien et présent en annexe n°11.
Les salaires ont augmenté plus rapidement que les
recettes des clubs ; derrière ce constat se cachent des
inégalités profondes. En effet, les salaires des joueurs les plus
talentueux ont augmenté bien plus rapidement que les autres. Au
même titre que les inégalités de rémunération
qu'il est possible d'observer dans l'économie réelle, les
rétributions financières des plus riches
44 Jean-François Brocard - Marché des
transferts et agents sportifs : le dessous des cartes,
Géoéconomie 2010 n°54
42
captent une part de plus en plus importante des revenus totaux
distribués. Ainsi, la part des 10% des footballeurs les mieux
payés a crû de huit points de pourcentage en sept ans45
(passant de 40,5 % à 48 %). Un des meilleurs exemples de ce
phénomène se trouve dans l'évolution des dépenses
salariales du FC Barcelone. L'été 2017 s'est avéré
charnière pour le club blaugrana, avec de nombreux joueurs
importants proches de leur fin de contrat. Dès lors, pour éviter
de perdre ces joueurs gratuitement, il y a eu une vague de renouvellement de
contrat pour ces cadres, accompagnée de l'arrivée de nouvelles
recrues phares (le Brésilien Coutinho est arrivé en provenance de
Liverpool pour un montant avoisinant les 160 millions d'euros, et le champion
du monde français Ousmane Dembélé venu de Dortmund pour
130 millions d'euros). Ces nouveaux contrats ont contraint le club à
allouer des sommes colossales aux salaires des joueurs. Près de 81% des
revenus du club sont désormais octroyés aux
rémunérations des joueurs et du staff contre 62% lors de la
saison précédente (voir annexe n°12).
Cette gestion, qui peut paraitre disproportionnée voire
calamiteuse, doit prendre en compte la dimension de l'importance de superstars
au sein d'une équipe. Pour comprendre cette importance, il convient de
compter sur l'effet superstar théorisé par Sherwin
Rosen. Il tente d'expliquer « Pourquoi un nombre réduit de
personnes domine-t-il un champ économique en gagnant
énormément d'argent ? ». Selon les conclusions de
l'économiste, des petites différences dans un domaine très
concurrentiel amènent de grandes différences de revenus. On peut
également parler de rémunération marginale : comme dans
tous les secteurs, les meilleurs éléments permettent de capter de
la valeur pour l'employeur (le club en l'occurrence), qui le
rémunérera en conséquence. Pour un club, une qualification
en LDC peut être tellement rémunératrice qu'il sera plus
rentable in fine d'investir sur un avant-centre plus cher pour
augmenter ses chances de se qualifier. Les superstars représentent un
facteur rare pour les clubs dans la mesure où ces derniers sont en
excès de demande pour ces profils. C'est ce qui explique le salaire
mirobolant de Lionel Messi qui percevrait plus de 100 millions d'euros par an
de la part du club catalan46. Il n'est pas étonnant que ce
type de joueurs, qui cumulent les trois valeurs du joueur captent une partie
importante des produits d'un club.
Car oui, désormais, le talent footballistique seul peut
ne pas être la seule explication de rémunération. Ainsi,
certains joueurs seront rémunérés très grassement
pour répondre à des fins
45 Jérémie Bastien, « Le
football professionnel en Europe est-il en crise ? Une réponse
régulationniste », Revue de la régulation [Online], 21
46
https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Les-chiffres-vertigineux-du-contrat-de-lionel-messi-paye-plus-de-100-m-euro-par-an-au-fc-barcelone/866154,
consulté le 25 févr.-19
43
pas nécessairement sportives. On parle alors de triple
valeur du joueur : la valeur sportive, la valeur marketing et la valeur
comptable. Un joueur peut être recruté par un club européen
pour s'ouvrir à un nouveau marché. Par exemple, lorsque le Real
Madrid a recruté James Rodriguez pour 80 millions d'euros à
l'issue de sa Coupe du Monde 2014 très réussie, le sportif n'est
pas le seul argument. En effet, le club merengue souhaitait s'attacher les
services d'une superstar Sud-Américaine ; chose faite avec
l'arrivée d'un des joueurs les plus populaires du monde auprès
d'une audience plus globale que les seuls amateurs de football. De telle sorte
que le prodige Colombien s'est classé numéro 1 des sportifs les
plus recherchés sur Google en 2014. Même constat pour l'achat d'un
joueur asiatique pour un club européen. Cette transaction peut
être motivée par la volonté de développer la
notoriété du club sur ce marché très dynamique.
Lorsque Cristiano Ronaldo quitte le Real Madrid pour la Juventus de Turin, la
motivation sportive n'est pas la seule explication de la transaction : le club
piémontais engage par la même occasion toute l'attractivité
et la notoriété autour du quintuple ballon d'or. Preuve en est,
entre la date des premières rumeurs de son transferts en juin 2018
jusqu'au début de saison trois mois plus tard la côte des actions
boursières de la Vieille Dame a bondi de 170%.
L'évolution de notre société fait que les
jeunes générations sont de moins attachées à une
équipe et sont plus versatiles quant à quel club suivre.
L'engagement des fans évolue ; la starification des acteurs du sport en
est une des causes. Le prisme des récompenses individuelles et
l'avènement des statistiques conduisent à individualiser de plus
en plus ce sport collectif. Le fan moderne supporte un joueur, un entraineur,
plus nécessairement une équipe. L'attachement aux «
athlètes stars dépasse désormais l'attachement que les
fans pourraient ressentir pour une équipe »47. Le
rôle des individualités dans le fonctionnement des clubs et des
ressources (recettes, engagement des communautés, visibilité...)
qui en découlent progresse. C'est pourquoi il devient incontournable
pour les grands clubs d'avoir des joueurs « bankables » au sein de
leur effectif. A mille lieux des valeurs de la mouvance ultra, cette nouvelle
génération de fans ne voit pas d'inconvénient à
changer de club, voire même de sport48. Pour ce nouveau fan,
le sport s'assimile à un divertissement de plus avec des joueurs
adversaires mais dépendants l'un de l'autre. Le paroxysme de cette
tendance est la « rivalité » Messi-Ronaldo, exacerbée
par les médias et les annonceurs. En définitive,
l'évolution de ce rapport de force entre joueurs et
47
https://www.letemps.ch/sport/fan-moderne-revolutionnaire,
consulté le 25 février 2019
48 Il est intéressant de se pencher sur le
rôle joué par les sponsors et les joueurs dans ce
phénomène avec la multiplication de rencontres entre sportifs
issus de disciplines différentes. Ainsi, un joueur comme Griezmann
multiplie les apparitions sur les terrains NBA, pouvant provoquer
l'émergence de nouvelles passions chez ses fans.
44
institutions pose la question de savoir si les superstars ne
sont pas devenues plus influentes et plus importantes que les clubs ? Des
joueurs ayant acquis des statuts immuables au sein d'institutions fortes ont
partiellement répondu à la question en dictant des choix à
leur direction.
Les indemnités de transferts ont suivi la même
tendance inflationniste qu'ont connue les salaires. Au sein des cinq ligues
majeures, la décennie 2010 a marqué un tournant en ce qui
concerne les montants investis. En l'espace de huit saisons, le montant des
investissements en matière de transferts a suivi une augmentation de
près de 278%, passant d'un total de 1,541 milliard d'euros
dépensés en 2010 à plus de 5,820 milliards d'euros en 2018
(voir annexe n°13).
En s'y penchant de plus près, il est intéressant
de constater que ces montants astronomiques sont principalement portés
par les clubs les plus puissants. Les dépenses des clubs des cinq
principaux championnats ont représenté 77,5% du montant total des
dépenses de transferts mondiales. Comme vu précédemment,
des clubs sont devenus des experts dans la formation de jeunes joueurs en vue
de les vendre ou les revendre à des clubs plus puissants.
Cette inflation est également le fruit d'une plus
grande mobilité des joueurs, qui négocient dorénavant plus
de contrats au cours de leur carrière. Cette mobilité a
été encouragée par les nouveaux acteurs
précédemment décrits ; les groupes audiovisuels ont vite
remarqué les bénéfices potentiels qu'ils pouvaient tirer
d'effectifs cosmopolites remplis de stars et les nouveaux propriétaires
ont accueilli la jurisprudence Bosman comme une aubaine.
Selon une étude du CIES Football Observatory
49 au sein des 31 ligues professionnelles européennes, de 2010
à 2017, le pourcentage de nouvelles recrues dans les effectifs a
augmenté de manière importante en passant de 36,7% à
44,9%. Les effectifs sont donc de plus en plus instables, et la part de joueurs
étrangers au sein des équipes progresse chaque année. La
Premier League est le symbole de cette évolution, avec des
équipes constituées de profils très
hétéroclites. Toutefois, ce concentré de superstars peut
avoir des effets négatifs sur la compétitivité de
l'équipe nationale et du championnat à terme, avec une place
accordée aux jeunes joueurs formés localement qui s'amoindrit.
Encore une fois, l'Angleterre est l'exemple parfait de ces transformations avec
un nombre de transactions réalisés avec l'étranger
toujours plus élevé (voir le nombre de transactions en annexe
n°14).
49 Rapport mensuel de l'Observatoire du football CIES
n°34 - Avril 2018
45
En somme, la course à l'armement initiée
après l'arrêt Bosman ainsi que la progression du pouvoir de
négociation des joueurs les plus talentueux expliqueraient en partie
l'inflation salariale dans le football. Ce phénomène est à
la fois une conséquence et une cause de la financiarisation du football
européen.
1.1.1.3. Vers la création d'une ligue fermée
?
La question qui se pose est de savoir si le football
européen est soutenable dans sa forme actuelle. L'hyperconcentration des
richesses remet en cause l'intérêt des compétitions et
réduit l'incertitude sportive. La contrainte budgétaire molle
ainsi que le format de ligues ouvertes qui prévalent n'incitent pas
à la bonne gestion des clubs.
Le fonctionnement des ligues ouvertes se rapproche d'un
modèle libéral avec une dérégulation croissante.
Dans le même temps, le modèle des ligues fermées suivi aux
États-Unis est paradoxalement un modèle quasi-socialiste dans le
sens où une forte régulation est de rigueur et une meilleure
répartition des revenus s'opère.
Un des problèmes que l'on retrouve au sein des ligues
ouvertes est le fait que tous les clubs européens soient en concurrence
pour les meilleurs joueurs et suivent un objectif de maximisation des
victoires. Cela a entrainé une explosion des masses salariales et un
endettement massif de la part des clubs qui ont compris l'absence de
régulation et de sanctions à leur égard. Avant la mise en
place du FPF, il y avait une incitation tacite à l'endettement qui se
justifiait ex ante par la hausse de productivité proportionnelle et
in fine une hausse des revenus. Les clubs les plus puissants ont vu le
déséquilibre compétitif comme une aubaine. Et c'est dans
ce sens que certains dirigeants des clubs les plus influents du continent ont
émis l'idée dès 1998 de la mise en place d'une ligue
fermée. La fuite de millions de documents confidentiels
révélés au grand public lors des Football Leaks en 2016
puis en 2018 ont révélé les rêves de certains des
clubs européens les plus prestigieux de concentrer encore davantage les
revenus en créant une super ligue privée50. Ces
discussions initiées par l'Association européenne des clubs (ECA)
ont été démenties par les clubs concernés, mais
leur ont permis d'influencer la décision de l'UEFA sur la nouvelle
réforme de la LDC afin d'étendre leur domination (16 clubs sur 32
sont maintenant issus des quatre championnats majeurs).
50
http://www.leparisien.fr/sports/football/football-leaks-quand-certains-clubs-europeens-veulent-une-competition-fermee-03-11-2018-7934487.php,
consulté le 26 févr. 19
46
Avant d'analyser la faisabilité de la mise en place
d'un système de ligue fermée, il est essentiel de comprendre les
différences organisationnelles entre ces deux formats.
Les principales caractéristiques que l'on retrouve en
ligue fermée peuvent paraitre surprenantes lorsque que l'on pense au
fait qu'elles sont nées et sont utilisées principalement aux
États-Unis. Andreff parle même de « fonctionnement
d'économie centralement planifiée » dans le sens où
est exercé une restriction du nombre de « franchises », si
bien qu'il est mention d'excès de la demande voire «
d'économie de la pénurie » selon Kornaï. Les ligues
américaines présentent donc des attributs se
référant à la pensée socialiste, et ce sur
plusieurs points. Parmi lesquels le partage des revenus issus des droits TV,
mais également l'entrée dans une ligue qui est donc
contrôlée en amont par une organisation qui émet des
barrières à l'entrée. Cette institution est en situation
de monopole et elle décide quels nouveaux acteurs pourront prendre la
place d'autres acteurs. De plus, les rémunérations des joueurs
sont déterminées par négociation collective, avec un
nombre très important de joueurs syndiqués. Une des
différences fondamentales avec le système de ligue ouverte
réside dans la divergence des modes de rééquilibrage des
forces sportives. Dans le système nord-américain, un
système de draft51 couplé à la mise en
place d'un salary cap52 existe afin d'éviter la
concentration de talent au sein d'une seule équipe. Ainsi, les
équipes les moins bien classées de la saison
régulière auront les premiers choix concernant les nouveaux
joueurs. Le salary cap quant à lui permet de réguler la
masse salariale des franchises pour réduire les inégalités
entre elles. L'objectif des franchises est la maximisation de leur valeur et du
profit.
Le système de ligue ouverte prévalant en Europe
tend à créer un déséquilibre compétitif
profond dans sa forme actuelle. Ce déséquilibre est
alimenté par des disparités financières énormes
entre les clubs. L'absence de régulations financières et
salariales joue un rôle fondamental dans cette
détérioration de l'équilibre compétitif. Le
rééquilibrage compétitif s'opère avec le
système de rétrogradation des équipes les plus faibles et
de promotion pour les meilleures équipes des divisions
inférieures. L'instauration du FPF en 2013 est une première
étape dans la nécessité d'instituer une plus forte
régulation au sein du football européen. Dorénavant, les
clubs ne
51 Selon Wikipedia, la draft « est un
événement annuel majeur dans la ligue de basket-ball
nord-américaine. Elle est comparable à une bourse de joueurs qui
vont débuter dans la ligue : lors d'une soirée où sont
réunis le commissaire de la NBA et les dirigeants des 30 équipes,
chaque équipe va sélectionner à tour de rôle un
joueur issu de l'université, du lycée, ou de l'étranger.
La draft est le point d'entrée principal pour la majorité des
joueurs évoluant en NBA. »
52 Plafonnement de la masse salariale des
franchises
47
peuvent plus dépenser plus que les recettes qu'ils
perçoivent. Ils doivent parvenir à se financer sans avoir recours
à des apports de fonds privés (banques ou actionnaires).
L'objectif est donc d'inciter les clubs à tenir une gestion plus saine
de leurs comptes ; car de par sa nature, la ligue fermée incite les
clubs à surinvestir en talent. Néanmoins, la mise en place du FPF
n'a pas eu tous les effets positifs recherchés. Plusieurs facteurs
d'explication à cela ; pour commencer seuls les clubs qualifiés
en Coupe d'Europe sont assujettis aux sanctions du FPF. Il y a donc une
majorité de clubs européens qui ne sont pas concernés.
Ensuite, il est question de son manque de rétroactivité. Les
grands clubs historiques européens (Real Madrid, FC Barcelone,
Manchester United, ...) sont aujourd'hui les clubs les plus riches et
puissants, ils ont des revenus très élevés qui leur
permettent de pouvoir dépenser des montants faramineux sans être
inquiétés par le FPF. Toutefois, cette croissance de leur chiffre
d'affaires a été rendue possible par des niveaux d'endettement
très élevés il y a quelques années. Les nouveaux
arrivants, soutenus souvent par de forts apports en capitaux de la part
d'investisseurs étrangers n'ont donc pas la possibilité d'adopter
des modèles similaires. Ils sont aujourd'hui contraints par les
règles du FPF. En effet, les revenus pris en considération dans
les calculs du FPF ne prennent pas en compte les apports de
capitaux53. Le FPF agit quasiment comme une barrière à
l'entrée pour des clubs plus récents qui souhaitent rejoindre
l'élite du football mondial, en limitant leurs capacités
d'investissements. Enfin, le manque d'indépendance de l'UEFA pose
question sur ses réelles motivations. L'institution européenne
assure les rôles d'organisateur des compétions dont elle tire la
majorité de ses revenus et donc de sanctionnateur vis-à-vis des
clubs qui jouent ces compétitions. Les revenus commerciaux qu'elle tire
de ces compétitions ne sont que plus importants lorsque les grands clubs
y participent ; comment alors sanctionner des clubs qui lui permettent
d'optimiser ses revenus. De plus, l'importance croissante des grands clubs qui
n'hésitent pas à faire planer le doute sur
l'éventualité de la création d'une super ligue
privée hors des filets de l'UEFA ne jouent pas en la faveur d'une
réelle indépendance de l'instance.
Dans ces conditions, les questions qui se posent sont les
suivantes : la création d'une super ligue est-elle inévitable ?
Si non, quels seraient les mécanismes qui permettraient de
rétablir un équilibre compétitif viable à terme ?
Les réponses semblent être nuancées, mais de nombreux
observateurs s'accordent à dire que la LDC est déjà en soi
une ligue semi fermée, dans le sens où les mêmes grands
clubs se qualifient chaque année. Ces mêmes grands clubs se
qualifient
53 Sont pris en compte les revenus des droits TV,
de la billetterie, des ventes de joueurs, de merchandising et de sponsoring.
48
pour les phases finales sans réelles difficultés
; avec des écarts de plus en plus importants. Le rapport mensuel de
l'Observatoire du football CIES n°42 du mois de février 2019
intitulé « Évolution de l'équilibre compétitif
en Ligue des Champions »54 vise à conclure que
l'épreuve reine tend vers « moins d'équilibre et plus de
prévisibilité ».
L'actuel président de l'UEFA, Aleksander Ceferin, se
retrouve face à plusieurs impasses quant à cette
problématique. Le déséquilibre compétitif qui
règne en Europe inquiète les dirigeants des institutions, qui
voit là une potentielle perte d'intérêt des spectateurs.
Pour répondre à cette tendance, Ceferin a annoncé la
création d'une troisième Coupe d'Europe dès 2021 pour les
clubs plus modestes. Néanmoins, pour agir sur le fond du
problème, il est à se demander si l'organisation basée
à Nyon a réellement un pouvoir de décision, sans se
heurter au cartel des gros clubs. Une des solutions envisagées pour
rééquilibrer les compétitions serait d'allouer une
meilleure répartition des recettes entre la LDC et l'Europa League, avec
la mise en place d'un mécanisme de solidarité plus opérant
que celui actuellement établi. Une des hypothèses du rapport du
CIES concerne la formation des joueurs. Selon eux, une part des revenus
gagnerait à être versée aux clubs formateurs des joueurs
participant à la LDC. Un dispositif de la sorte viendrait
récompenser les clubs qui exercent un travail de qualité sur la
formation, travail qui bénéficie in fine aux plus grands
clubs.
Finalement, il est à se demander si la création
d'une super ligue est réellement souhaitée par les membres de
l'ECA ou si elle sert d'argument de menace pour assujettir l'UEFA. La
domination des puissants est le fruit d'un énorme
déséquilibre financier, phénomène qu'il est
difficilement envisageable de se voir contrarié. Les arguments ne
manquent pas pour les clubs concernés : une super ligue leur permettrait
d'engranger encore plus de revenus et de capter des financements croissants de
la part des investisseurs. Ces revenus seraient alors départagés
entre les quelques équipes en question, la distribution serait donc
moins étalée. Financièrement, cette approche apparait
comme une opportunité alléchante pour le cartel. Et comme
l'évolution de l'objectif de certains clubs a déjà pris un
tournant priorisant la maximisation du profit au détriment du sportif,
il n'est pas étonnant de voir cette idée ressurgir. Un club comme
Manchester United, sous l'impulsion de ses propriétaires - la famille
Glazer - a clairement réorienté sa stratégie vers une
logique marketing et financière. Les résultats sportifs se
détériorent d'année en année malgré des
revenus historiquement élevés. Au regard des récentes
54
http://www.football-observatory.com/IMG/sites/mr/mr42/fr/,
consulté le 28 févr. 19
49
déclarations des présidents de l'ECA et
l'UEFA55 et des réels bénéfices potentiels pour
les clubs, il n'est pas impossible de voir la super ligue comme un moyen de
pression exploitée par l'oligopole européen pour gagner en
influence auprès de l'UEFA. Il sera intéressant d'observer
l'influence et le rôle des principaux financeurs du football
européen dans ce projet. En effet, les groupes audiovisuels ainsi que
les sponsors verraient d'un bon oeil l'intensification des rencontres entre
gros clubs. Une ligue fermée serait pour eux une occasion en or de
pouvoir offrir des chocs sportifs à intervalle régulier. Somme
toute, ces acteurs constitueraient les instigateurs privilégiés
d'une telle réforme institutionnelle du football européen.
Toutefois, la transposition du modèle nord-américain semble
difficile au vu des différences culturelles avec l'Europe. L'attachement
territorial reste un marqueur très fort en Europe. Un club n'est pas
transposable dans n'importe quelle ville au contraire d'une franchise NBA par
exemple. L'histoire du football européen est ancrée sur cette
culture d'ouverture au plus méritant sportivement. Et ce ne sont pas les
déclarations d'Aleksander Ceferin qui contrediront ces
spécificités : "En respectant la pyramide du football, en
respectant le principe de compétitions ouvertes à tous, en
respectant le système de promotion/relégation qui est au coeur de
notre culture sportive, en respectant les résultats obtenus sur le
terrain qui diffèrent parfois de ceux des livres de comptes, en
respectant les supporters (...) vous êtes restés de grands clubs
aux yeux du monde. Les plus grands clubs de l'histoire. Pour
l'éternité. Merci de l'avoir compris et, croyez-moi, vous ne le
regretterez pas"56.
55 Agnelli et Ceferin ont assuré qu'il n'y
aurait pas de projet de super ligue tant qu'ils présideront leurs
instances respectives
https://www.lesechos.fr/sport/football/afp-00667979-uefa-pas-de-super-ligue-tant-que-ceferin-et-agnelli-sont-la-2242907.php,
consulté le 28 févr. 19
56
https://www.lesechos.fr/sport/football/afp-00667979-uefa-pas-de-super-ligue-tant-que-ceferin-et-agnelli-sont-la-2242907.php,
consulté le 28 févr. 19
50
2. La gestion d'un club de football français
Le football français, de par certaines
spécificités structurelles, se différencie de ses voisins
européens. Cette partie tentera de répondre aux enjeux sur
lesquels les clubs français doivent se pencher dans un futur proche au
vu des caractéristiques intrinsèques de l'environnement
français. Les différences législatives, fiscales,
historiques et même culturelles engendrent des visions
hétérogènes entre les pays européens quant à
la gestion d'un club de football. Il conviendra de revenir sur les
caractéristiques propres au football français, avant de
s'intéresser à la gestion des activités sportives des
clubs.
2.1. Caractéristiques du football
français
Le football français reste une anomalie à
l'échelle européenne. Très souvent
considérée comme la cinquième nation européenne au
niveau des clubs, la France n'en reste pas moins un nain sur l'échiquier
européen. Avec seulement deux Coupes d'Europe - dont une n'existant
même plus (la Coupe des Coupes remportée par le PSG en 1996) -
à son palmarès et seulement six finales de la plus prestigieuse
des compétitions la LDC (Reims en 1956 et 1959, Saint-Etienne en 1976,
l'OM en 1991 et 1993 et Monaco en 2004), la France fait pâle figure. De
nombreuses nations, très fortement affaiblies depuis l'arrêt
Bosman, la supplantent au palmarès. Selon la LFP, cette absence de
résultat serait la contrepartie d'un manque de moyens financiers et
d'une concurrence fiscale biaisée par rapport à ses voisins. Il
est donc intéressant de se pencher sur les caractéristiques qui
font le football français.
2.1.1. Contrôle financier et audit annuel : une meilleure
gouvernance que ses voisins ?
Le football français a connu diverses crises depuis sa
professionnalisation en 1932. L'une d'elles a pris ses racines au début
des années 1980 avec plusieurs sombres histoires qui affectèrent
des clubs historiques du championnat de France : Saint-Etienne en 1982,
Bordeaux en 1990 ou encore l'Olympique de Marseille en 1993. Ces scandales
liés à des détournements de fonds, des fausses
transactions, l'existence de caisse noire ou encore sur des matches
arrangés ont révélé des dysfonctionnements graves
au sein de la gouvernance des clubs. Pour remédier à ces
problèmes, les autorités françaises ont
décrété la création d'un organe de
contrôle
51
financier chargé de superviser la gestion des clubs. La
Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG) est ainsi
créée en 1984 avec comme mission la responsabilité
d'auditer et de surveiller les résultats comptables des clubs
professionnels français. Cette instance indépendante,
chapeautée par le LFP a été créée dans
l'objectif de promouvoir une meilleure gouvernance au sein des clubs
professionnels français. Elle dispose d'importants pouvoir auprès
des clubs. Ainsi, après avoir analyser les comptes et vérifier
« notamment que les investissements sportifs n'excèdent pas les
capacités financières »57 des clubs
professionnels, elle donne des directives et des instructions aux clubs en
déficit pour les aider à mieux gérer leurs
dépenses. Selon la DNCG elle-même, son objectif est de «
s'assurer qu'un club qui démarre une saison sportive aura les moyens
financiers suffisants pour la terminer et participer ainsi à un
championnat régulier, en toute équité avec les autres
clubs »58. Ensuite, si les déficits continuent, la masse
salariale des clubs en question sera expertisée plus amplement pour
comprendre la provenance des déficits persistants.
Si les comptes des clubs présentent des
déficits, le gendarme du football français a alors un pouvoir de
sanctions envers les clubs. Parmi celles-ci, les clubs en déficit
peuvent se voir interdits de recruter pour une période donnée. La
DNCG a même un pouvoir de sanctions sportives : elle peut décider
de l'interdiction d'un club de participer à un championnat ou même
rétrograder administrativement un club dans des divisions
inférieures. Les exemples ne manquent pas. Ainsi, rien qu'au cours de la
saison 2017/2018, l'organisme a procédé à «
l'interdiction de recrutement » couplée à une «
rétrogradation à titre conservatoire » contre Lille et
Sochaux, à « l'encadrement de la masse salariale » de huit
clubs de Ligue 2, à la rétrogradation en National du SC
Bastia.
Toutefois, en dépit de ces mesures visant à
améliorer la gouvernance des clubs français, le dernier rapport
en date de la DNCG montre un déficit de 176 millions d'euros pour la
saison 2017/2018. Ces chiffres illustrent une anticipation de la hausse des
droits TV français à compter de la saison 2020 qui augmenteront
significativement les recettes des clubs. En attendant l'effet
de cette hausse, les clubs n'ont pas hésité
à investir pour renforcer leurs fonds propres. Les
chiffres fournis
par le rapport montrent que les fonds propres des clubs de Ligue 1 ont
augmenté de 42% pour s'élever à 1.332 millions d'euros,
dont 732 millions d'euros de capitaux propres (111 % d'augmentation). Attention
néanmoins à ne pas omettre
l'hétérogénéité des clubs dans
57
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/07/17/la-dncg-le-gendarme-meconnu-du-football-
francais44590304355770.html, consulté le 12 mars
2019
58 RAPPORT FINANCIER DU FOOTBALL PROFESSIONNEL
FRANÇAIS Saison 2017/2018
52
ce domaine : le PSG et l'OL comptent 85% des 732 millions
d'euros de capitaux propres. Dans le même temps, les charges ont elles
aussi largement augmenté (+22%). C'est précisément sur
cette variable que la DNCG intervient en influant sur la masse salariale d'un
club ou sur les dotations aux amortissements des indemnités de mutation
(transferts).
L'objectif de cet organe est d'éviter les
énormes dettes des clubs européens (espagnols et italiens
principalement). Beaucoup d'observateurs vantent la méthodologie et les
contrôles effectués de la DNCG ; elle est censée apporter
rigueur et discipline financière aux clubs. En effet, une des
principales difficultés pour un club est de s'engager sur des
dépenses (salaires ou indemnités de transferts) en connaissant
les répercussions seulement en fin de saison. C'est là
qu'intervient la DNCG ; elle doit intervenir pour apporter de la
rationalité dans la gouvernance des clubs. Est-ce que pour autant les
clubs français sont mieux gérés que leurs acolytes
européens ? Pas si sûr au regard des résultats
déficitaires des récentes saisons, qui touchent le point
culminant lors du dernier exercice enregistré, et ce en dépit
d'un chiffre d'affaires record de 2,8 milliards d'euros. Toutefois, une des
composantes de ce chiffre d'affaires provient d'un record des montants des
plus-values réalisées sur les ventes de joueurs (929 millions),
qui est le couvert de fluctuations, sur lesquelles les clubs ne peuvent se
permettent de s'appuyer durablement.
La volonté affichée par la LFP d'appliquer une
meilleure gouvernance est vantée par de nombreux autres pays
européens. C'est dans ce sens que l'UEFA a instauré le FPF ;
apporter une meilleure gestion financière au sein des clubs. Apporter
une contrainte financière crédible au football européen
devient indispensable. La DNCG a donc été précurseuse sur
la question, même si les deux organismes ne s'attaquent pas à la
même question : le FPF de l'UEFA se penche sur la rentabilité
financière tandis que la DNCG s'intéresse à la
solvabilité des clubs. Ainsi, un club comme le PSG n'a pas
été inquiété par la DNCG lors de la saison
2013/2014 alors que dans le même temps, il se voyait infliger une amende
de 60 millions d'euros pour non-respect des règles du FPF. Et c'est sur
ce point que la DNCG ne prépare pas les clubs français au
règlement européen ; son objectif est de s'assurer de la
solvabilité des clubs, et ce même si ces derniers font appel
à des apports en capitaux. Pendant que l'UEFA, par
l'intermédiaire du FPF, encourage le principe selon lequel les clubs
doivent financer leurs propres activités opérationnelles à
partir de leurs propres ressources, les actionnaires n'étant
autorisés à contribuer qu'au financement des investissements
à long terme des clubs (construction d'infrastructures sportives ...).
Ainsi, le champ d'action du gendarme financier
53
du football français ne se penche que sur le
court-terme ; les clubs ne sont pas encouragés à opérer
des investissements de long-terme. Des travaux menés par Nadine
Dermit-Richard, Nicolas Scelles et Stephen Morrow montrent que les clubs
français font des pertes que les actionnaires couvrent pour respecter
les contraintes imposées par la DNCG. Par conséquent, les
contributions des actionnaires servent principalement à financer les
indemnités de transfert plutôt que les investissements à
long terme (infrastructures sportives notamment). D'une manière
générale, les résultats de leurs travaux tendent à
démontrer que les clubs français ne se conforment pas vraiment
aux principes du FPF. À ce titre, les exigences de la DNCG en
matière de rôle des actionnaires ne sont pas suffisamment
contraignantes pour inciter les clubs français à adopter un
modèle viable et ainsi se conformer au FFP.
En somme, il serait intéressant de se pencher sur cette
double « contrainte » imposée aux clubs français
engagés en Coupe d'Europe. Ne vaudrait-il pas mieux abandonner les
principes de la DNCG pour s'adapter à ceux de l'UEFA ? Quid de la
pertinence des critères de la DNCG ? Pourquoi ne pas harmoniser les
règles du FPF à l'ensemble des clubs professionnels
européens plutôt que se contenter de ceux jouant la Coupe d'Europe
afin de leur apporter une contrainte financière plus dure ? Il y a de
nombreux questionnements qui découlent quant à la pertinence de
ces deux organismes de contrôle. Pour en revenir au football
français, une extension du FPF à l'ensemble des clubs pourrait
permettre d'assainir une gestion parfois archaïque que la DNCG n'a pu que
partiellement corriger (preuve en est, la DNCG n'a pas pu empêcher des
clubs de faire faillite et les déficits restent récurrents). Pour
finir, le contrôle financier annuel imposé aux clubs
français les contraint à un objectif de solvabilité et les
encourage à tenir des comptes positifs sous peine de sanctions,
encourageant une meilleure gouvernance en théorie. Les faits illustrent
cependant des défaillances dans la gestion financière de nombreux
clubs, les clubs français ne faisant pas exception à
l'échelle européenne.
2.1.2. Un retard sur ses voisins européens
Le football français n'a jamais, au cours de
l'histoire, approché le niveau de ses voisins européens (Italie,
Espagne, Allemagne, Royaume-Uni). D'un point de vue financier ou sportif, la
France s'est toujours trouvée à la traine. Comment expliquer ce
retard, au-delà du fait que l'Hexagone n'a jamais été un
véritable pays de football, du moins au sens culturel du terme. Ainsi,
avant les premiers succès de l'équipe de France lors de l'Euro
1984 puis surtout lors de
54
la Coupe du monde à domicile en 1998, le football
n'intéressait guère la population. Toutefois, malgré le
palmarès très flatteur de la nation tricolore depuis 1998 (2
coupes du monde et une finale perdue, un Euro et une finale perdue), le
football de club n'a jamais été à la hauteur. La France
fait figure de nain à l'échelle européenne, et ce pour
plusieurs raisons. L'une d'elles renvoit au retard financier des clubs
français qui ne pourraient pas rivaliser avec leurs homologues
européens.
2.1.2.1. Un retard financier sur ses voisins
européens
Le manque de vision stratégique long-terme et
l'incompétence des dirigeants des clubs français leur a
coûté un retard important sur le plan financier. Mais,
au-delà de ces agissements, certaines raisons exogènes à
la direction des clubs expliquent une partie de ce constat.
2.1.2.1.1. Des billets à prix réduits et de faibles
affluences
Pour commencer, un des premiers éléments
d'explication concerne la taille du marché français.
Paradoxalement, la France est le deuxième pays européen en termes
de population, néanmoins, les grandes agglomérations ne sont pas
légions (seulement trois villes qui dépassent le million
d'habitants) et nombre de clubs professionnels prennent place dans des villes
moyennes. A l'étranger, les grandes métropoles abritent au moins
deux clubs professionnels. Les exemples ne manquent pas : Barcelone, Madrid,
Séville, Londres, Manchester, Liverpool, Turin, Milan, Rome, Berlin,
Hambourg, Lisbonne, Istanbul... La France fait figure d'exception, même
si le Paris FC et le Red Star font office de représentant francilien en
Ligue 2 depuis peu. Le manque d'engouement pour le football de clubs en France
(peu de clubs parviennent déjà à remplir leur stade) et le
manque de grands bassins urbains entravent cette survenance. Les
spécificités françaises ont toujours limité
l'émergence de deux clubs dans la même ville. Le chercheur
Loïc Ravenel tente d'apporter une réponse en mettant en exergue
l'organisation même du sport français, « qui s'est de plus en
plus municipalisé depuis les années 1960. Les mairies
préfèrent privilégier un seul club de football ou bien se
diversifier avec plusieurs sports différents, au lieu de se disperser
dans plusieurs clubs de football. »59 Les municipalités
restent majoritairement propriétaires des infrastructures sportives et
sont responsables de l'entretien de celles-ci, un poids important pour ces
dernières. Dans ce contexte, il est alors difficile d'encourager
59
https://www.lemonde.fr/sport/article/2013/08/09/une-ville-un-club-de-foot-pro-l-autre-exception-francaise34594893242.html,
consulté le 28 mars 2019
55
l'émergence de plusieurs clubs considérant les
coûts structurels que cela engendre. Un modèle où
l'importance des villes n'est pas si importante est plus prompt au
développement de plusieurs clubs au sein d'une même
agglomération.
La taille des agglomérations accueillant les clubs
professionnels fait également figure d'exception européenne.
C'est ainsi que nous retrouvons de nombreux clubs professionnels
français dans des villes très faiblement peuplées :
Guingamp (6 900), Auxerre (34 583), Lens (30 413), Sochaux (3 978), Monaco (38
695) ... Ce constat alimente les faibles affluences dans les stades en France.
Néanmoins, sur ce dernier point, l'affluence (même si elle reste
très inférieure par rapport à l'Allemagne par exemple) est
en hausse quasi constante depuis quelques années. La rénovation
des stades pour l'Euro 2016 a certainement joué dans cette tendance.
L'amélioration de la capacité des stades couplée à
des meilleures prestations au sein de ceux-ci est sans aucun doute une des
sources de cette hausse de l'affluence.
Affluence moyenne Ligue 1
30000
25000
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
21155
|
22362
|
20894 21208
|
22544
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
18869 19261
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
20000
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
15000 10000 5000 0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
2011/12 2012/13 2013/14 2014/15 2015/16 2016/17
2017/18
Source : Auteur, d'après LFP
Malgré cette hausse, les taux de remplissage des stades
restent très inférieurs à ceux constatés en
Angleterre ou en Allemagne (68% contre plus de 90% en Allemagne). Pourtant, les
prix des billets et des abonnements sont nettement moins élevés
qu'en Premier League. Les revenus commerciaux provenant de l'exploitation des
stades sont en hausse mais sont à des années lumières de
ce qui est pratiqué en Premier League et même en Espagne. En
dépit de cela, les clubs de Ligue 1 n'attirent pas les foules ;
symptomatique d'un manque d'engouement (les spectateurs sont moins enclins
à payer un prix élevé pour un match de football) et d'un
possible
56
manque de spectacle et d'intérêt des matches.
Enfin, les décisions ubuesques prises par les autorités
préfectorales concernant les interdictions de déplacement et les
sanctions disproportionnées prises à l'encontre des supporters
par les instances dirigeantes nuisent clairement aux affluences et au spectacle
en tribunes, autre facteur qui améliore l'expérience au stade. La
quasi systématique utilisation de sanctions collectives (huit clos
partiel ou total, interdictions de déplacement...) ne pousse pas
l'affluence à la hausse. La France accuse un retard colossal sur
d'autres pays quant à la gestion de ses supporters. Le dialogue semble
rompu entre des instances dirigeantes toujours plus répressives et des
groupes de supporters revendiquant le droit d'exister dans la vie du club.
Cette répression n'a pas porté ses fruits et il est dommageable
de voir les instances continuer dans cette voie en restreignant toujours plus
les libertés des supporters, parfois jugés comme des «
sous-citoyens » (avec notamment l'interdiction administrative de stade
promulguée en 2006 qui permet aux préfets de
décréter des interdictions de stades à l'encontre de
supporters sans passer par la voie judiciaire). Une justice préventive
et arbitraire testée sur les supporters, cette catégorie de
citoyens dont il peut sembler normal qu'ils disposent de moins de droits. Il
n'est bien entendu pas question de remettre en cause les sanctions face
à des comportements violents. Néanmoins, les moyens actuels
permettraient d'individualiser ces sanctions sans nuire au spectacle en
tribunes. L'expérience répressive contribue à la baisse du
spectacle et influe négativement sur l'affluence.
Les revenus commerciaux tirés de l'exploitation des
stades restent ainsi en France un talon d'Achille que seuls le PSG et l'OL
parviennent à réellement tirer profit, grâce à des
stratégies différentes.
2.1.2.1.2. Peu de clubs sont propriétaires de leur
stade
L'exploitation des stades en France nuit clairement à
la compétitivité des clubs. L'absence de clubs
propriétaires de leurs stades (hormis Lyon) contribue aux très
faibles immobilisations corporelles des clubs français comparé
à leurs voisins. Le stade représente l'outil de production du
club ; être propriétaire de son stade dilue le risque financier et
permet de décorréler ses résultats commerciaux à
ses performances sportives. Le club propriétaire est également
maitre dans l'adaptation de son enceinte à ses stratégies
marketing et commerciales. Plusieurs raisons expliquent cette absence
d'investissements en infrastructure sportive : la faiblesse des capitaux
propres des clubs français en est une. En dépit d'une
amélioration de la structure financière des
57
clubs, marqué par une hausse des fonds propres de 24%
en 2017 (919 millions d'euros de fonds propres pour les clubs de Ligue 1 lors
de la saison 2016/17) et des capitaux propres (346 millions d'euros), les
écarts abyssaux suivant les clubs ne doivent pas masquer cette faiblesse
structurelle (78% de l'ensemble des fonds propres des clubs professionnels
français sont le fruit de quatre clubs : PSG, OL, OM, Monaco). Ce manque
de capitaux propres limite les capacités d'endettement des clubs
(auprès d'établissements de crédit) pour développer
des immobilisations corporelles, au contraire de l'OL qui a su profiter de ses
bons résultats sportifs, de sa régularité, d'un centre de
formation efficient lui assurant des revenus importants et d'une gestion
rigoureuse pour pouvoir construire son nouveau complexe sportif. L'Allemagne a
grandement bénéficié de l'organisation de la Coupe du
Monde 2006 pour moderniser son parc des stades. Elle n'a pas
hésité à mettre les clubs au milieu des discussions pour
éviter les « surdimensionnements d'investissement
»60 afin d'accroitre la compréhension des enjeux
d'exploitation. Avec l'organisation de l'Euro 2016, les clubs français
ont pu bénéficier d'infrastructures rénovées,
parfois neuves (Nice, Bordeaux, OL, Lille). Cette évolution des
infrastructures ne s'est malheureusement pas accompagnée d'une meilleure
collaboration entre les acteurs publics et les clubs au niveau des enjeux
d'exploitation. Les clubs sous-estiment encore trop souvent les
compétences potentiellement déployables au sein des enceintes
sportives : tout ce qui concerne les processus de gestion de la billetterie, le
merchandising, la relation client ... La faible implication des clubs
français sur ces problématiques leur vaut un retard important sur
ces voisins européens, qui dégagent des revenus beaucoup plus
importants en exploitant à 100% leurs enceintes. Le fait de
posséder son complexe sportif oblige le club à en
professionnaliser son exploitation et à axer davantage ses pratiques sur
ces sources de revenus.
Les taux bancaires très bas et la revalorisation des
droits TV à venir pour les clubs sont d'autant plus de raisons pour les
clubs de se pencher sur la question d'investir dans une nouvelle enceinte ou
dans le rachat de leur enceinte existante. En effet, la vision court-termiste
de nombre de directions de clubs les a plusieurs fois empêchés
d'orienter leurs investissements sur des véritables stratégies de
croissance viable. Une réorientation des objectifs structurels
permettrait de se pencher sur la question. Néanmoins, le manque
d'historique sur ce type d'opérations ne permet pas d'estimer le prix
d'un stade, qui s'avère extrêmement onéreux. Le club de
Jean-
60 Rapport Pour un modèle durable du
football français remis au Ministère des Sports, de la
Jeunesse, de l'Éducation populaire et de la Vie associative le Mercredi
29 janvier 2014 par Jean GLAVANY
58
Michel Aulas constitue donc une singularité au sein du
football français ; la réussite économique du stade, trois
ans seulement après son ouverture pourrait donner des idées
à d'autres clubs...
2.1.3. Un système de formation reconnu : les clubs
français sont des exportateurs de talents à l'international mais
restent dépendants des ventes de joueurs
La jeunesse française du football a la côte en
Europe depuis quelques années. L'été 2018 a marqué
l'avènement de cette formation florissante avec le couronnement en
Russie d'une sélection relativement jeune : 15 des 23 joueurs
sélectionnés lors du mondial avaient 25 ans ou moins (plus jeune
sélection du Mondial). Selon les données de Transfermarkt,
l'effectif des Bleus était le plus cher au monde (1,08 milliard d'euros
de valorisation). Il n'est plus à démontrer la qualité de
la formation française depuis la mise en place en 1973 de la charte
du football professionnel. Cette dernière constitue le point de
basculement de la formation française vers une plus grande
technicité. Cette convention collective a servi de socle à
l'instauration des centres de formation pour les clubs professionnels. La
formation des joueurs a subi un changement radical pour suivre un modèle
ordonné et méthodique. La formation est dès lors au coeur
de la politique stratégique de la FFF. Par la suite, s'ajoutent les
pôles espoirs, en charge de préparer les jeunes joueurs (U14/U15)
aux exigences des centres de formation. L'importance accordée aux
centres de formation se matérialise par le nombre de joueurs
professionnels expatriés. La France se situe à la deuxième
place sur cet indicateur derrière le Brésil, comme vu
précédemment (se référer à l'annexe
n°15).
Plusieurs facteurs existent pour tenter d'expliquer ce
phénomène. Tout d'abord, la richesse du bassin parisien qui n'est
pas loin d'être le premier bassin de recrutement mondial. La
densité de talent unique de la région a permis aux clubs
français de recruter des jeunes joueurs pour leurs centres de formation.
Ces jeunes joueurs, issus souvent de quartiers populaires n'hésitent pas
à tenter leur chance loin de leur foyer pour bénéficier
d'une formation de qualité et ainsi avoir une chance de signer un jour
un contrat professionnel. La mixité sociale et culturelle des jeunes
joueurs couplée à la spécificité du système
de formation français forment un bon ensemble permettant
l'éclosion de talents. De plus, l'ancienneté du système
comprend lui aussi ses avantages : les effets d'apprentissage et
l'expérience accumulés sont d'autant plus de facteurs de
performance. Par ailleurs, les clubs ont obligation de consacrer un budget
à la
59
formation. Il est fondamental pour un club de disposer
d'installations de qualité pour accueillir les jeunes dans les
meilleures conditions.
Victimes de leurs succès, les clubs français se
voient « pillés » de leurs meilleurs joueurs. Pour combler les
nombreux départs à l'étranger, les clubs professionnels
français se voient dans l'obligation de faire confiance aux jeunes issus
du centre de formation. En effet, ne bénéficiant pas des moyens
des clubs de Premier League, les clubs sont parfois dans
l'incapacité financière de recruter de nouveaux joueurs. Ils ont
alors recours à la formation et ont la nécessité de lancer
des jeunes issus de leur centre pour compenser cette impossibilité
financière. Les jeunes joueurs français ont donc plus de chance
d'avoir du temps de jeu en Ligue 1 et en Ligue 2 que des jeunes issus de
centres de formation anglais ou italien par exemple. Hubert Fournier, le
Directeur Technique National explique les bons résultats des centres de
formation par cette faculté des clubs à lancer tôt les
jeunes dans le grand bain : « les dirigeants ont compris que la
pérennité de leur projet sportif et financier passait par la
formation. Du PSG jusqu'à la Ligue 2. La Ligue 1 donne vite la
possibilité aux jeunes de prendre de l'expérience. C'est une
spécificité française d'accélérer le
développement »61.
Pourtant, les meilleurs joueurs du championnat partent
fréquemment à l'étranger pour donner une autre ampleur
à leur carrière. Le prestige et le niveau des autres championnats
les poussent à s'exporter pour gagner en visibilité, en salaire
voire en trophée. Cette réputation peut s'avérer
problématique pour le bon développement du championnat de France.
Aujourd'hui, ce dernier est parfois perçu comme un championnat de «
passerelle » au sein duquel les joueurs ne perçoivent qu'un moyen
d'exposition pour attirer l'oeil de recruteurs étrangers.
Les clubs ont bien compris l'attractivité de la marque
« Ligue 1 » auprès des clubs étrangers, et ils
n'hésitent pas à miser sur ce modèle pour dégager
des sommes importantes en transferts de joueurs. Attention toutefois à
ne pas se rendre tributaire à cette source de financement, qui reste
aléatoire. Le rapport financier du football professionnel
français de la saison 2017/1862 nous apprend que les
plus-values successives aux opérations de cession de joueurs ont atteint
un montant record de 929 millions d'euros contre 302 millions d'euros lors de
la saison précédente. La dangerosité se situe dès
lors dans la faculté des clubs à « déconnecter »
leurs dépenses au maximum de cette source de revenus.
61
http://www.leparisien.fr/sports/football/formation-des-footballeurs-aujourd-hui-on-ne-raterait-plus-griezmann-07-08-2018-7846230.php,
consulté le 3 avr. 19
62 RAPPORT FINANCIER DU FOOTBALL PROFESSIONNEL
FRANÇAIS Saison 2017/2018, DNCG
60
Même s'il impossible de savoir si cette dynamique
ralentira dans les années à venir, la dépendance de
certains clubs à ce poste de revenus peut s'avérer
problématique. Le modèle économique de ces derniers est
dorénavant trop sensible aux transferts de leurs joueurs. Il
conviendrait pour ces clubs de profiter de cette richesse pour renforcer leurs
fonds propres et améliorer leur structure financière. Ce
réajustement permettrait de réduire le risque économique
que fait peser le modèle actuel.
2.2. Les activités sportives
Les activités sportives représentent le propre
de l'activité d'un club de football. Toutes les fonctions relatives
à l'activité sportive sont très importantes dans la
gestion d'un club : du choix de la structure organisationnelle à la
relation entre le top management et les joueurs, toutes les décisions
impactent les performances sportives. Les activités propres au terrain
doivent être interconnectées avec les activités
orientées business et avec les relations avec les parties prenantes, des
supporters aux autres communautés.
2.2.1. Le choix de la structure organisationnelle
Fondamentalement, l'objectif de tous clubs est de gagner le
plus de matches possibles à la fin de la saison en fonction de ses
ressources et des ambitions de son équipe. Le rôle de
l'équipe dirigeante est de parvenir à répondre de la
meilleure des façons aux besoins de son groupe, exprimés par un
entraineur (souvent accompagné d'un directeur sportif sur cet aspect) ou
par un manager général. Il y a une grande différence
culturelle sur la structure à adopter entre les pays anglo-saxons et les
pays plus latins. Dans le cas de figure britannique, la fonction de «
manager » revêt d'une finalité plus orientée moyen
terme, avec une mission plus générale qu'un entraineur
classique.
2.2.1.1. Rôle de l'entraineur
Dans la structure la plus classique des clubs, l'entraineur de
l'équipe première a la responsabilité
opérationnelle la plus importante au sens où il est en charge de
la plus belle vitrine du club : l'équipe professionnelle. L'entraineur
est en charge de la préparation des
61
joueurs au travers des entrainements hebdomadaires, de la mise
en place tactique durant les matches, du choix des joueurs alignés, de
la gestion des émotions d'un groupe, du bien-être des joueurs, de
la préparation psychologique des joueurs, de l'assurance qu'ils croient
en son discours, de gérer les égos ... Il a bien entendu un
rôle crucial et souvent ingrat au quotidien ; il doit pouvoir s'adapter
à de nombreux aléas (blessures, méformes, enchainement de
matches ...) et supporter une pression parfois étouffante. Il
représente son équipe lors des conférences de presse et
doit donc vivre avec une pression médiatique parfois oppressante lors de
séries de mauvais résultats. Pour être sûr de pouvoir
répondre à tout cela, les entraineurs des clubs professionnels
doivent être en possession de diplômes nationaux, voire
transnationaux pour avoir le droit d'exercer. En France, de nombreux
diplômes existent pour répondre aux besoins des différentes
divisions et catégories. L'entraineur doit être titulaire du
Brevet d'entraîneur professionnel de football (BEPF), condition sine qua
none pour entrainer une équipe professionnelle française.
2.2.1.2. Rôle d'un « General Manager
»
Le rôle de manager général à la
britannique est en voie de disparation au profit de structures avec un
entraineur principal, assister d'un directeur sportif ou directeur du football.
En effet, les rotations d'effectif et d'entraineurs sont de plus en plus
nombreuses. Les cas de managers emblématiques comme Sir Alex Ferguson ou
Arsène Wenger se raréfient. Ces deux légendes du football
anglais incarnent parfaitement le rôle du Manager au sein d'un club.
Contrairement à l'entraineur « classique », le manager prend
plus de hauteur et supporte une fonction moins opérationnelle.
Arsène Wenger ne préparait pas les entrainements de son
équipe d'Arsenal, il donnait les consignes à son staff qui
exécutait. Son rôle s'apparentait plus à de la supervision,
emmagasinant de l'information sur ses joueurs, ses adversaires... Il est moins
esseulé, et son objectif est d'amener son équipe au match dans
les meilleures conditions. L'intelligence émotionnelle et la
communication sont des qualités indispensables pour ce rôle. A la
différence d'un entraineur, le manager a une vision plus orientée
moyen/long terme, dans le sens où il doit apporter une cohésion
et une cohérence au club. Il doit identifier les secteurs à
renforcer et a la responsabilité du recrutement des joueurs. Son
rôle est plus libre que celui d'un simple entraineur.
Finalement, Mauricio Pochettino (entraineur de Tottenham)
résume très bien la différence entre deux rôles
qu'il a endossé : « If you are the manager, you decide many
things about the club.
62
But if you are a head coach, your responsibility is to
play better, try to improve the players and to get positive results. At
Southampton, I was a manager. My responsibility was not only to coach the team.
With Tottenham, I am a head coach. A head coach is head of your department. My
department is to train the team. »63
Le choix du fonctionnement organisationnel de l'équipe
première est donc un premier facteur de décision de la part des
dirigeants d'un club.
2.2.2. Le recrutement de joueurs
Afin de répondre à leurs objectifs, les clubs
doivent recruter des joueurs avec cohérence en prenant en
considération plusieurs facteurs. Ainsi, le plus compliqué pour
un club est d'avoir du succès et de maintenir ce niveau de performance
sur le long terme. Parvenir à cerner les réels besoins de son
équipe et garder les joueurs importants relève d'une gestion fine
et d'une connaissance du secteur très pointue. Aiguiller les choix du
club suivant ses contraintes (financières et/ou légales) demande
une organisation interne très développée capable de
prendre en considération de nombreuses informations pour limiter les
degrés d'erreurs. Une bonne communication entre les instances en
question est également primordiale.
Le schéma suivant met en exergue les différentes
parties prenantes impliquées lors du recrutement des joueurs.
63
https://www.ibtimes.co.uk/mauricio-pochettino-i-am-head-coach-tottenham-not-manager-1477305,
consulté le 23 avr. 19

63
Rôle du directeur sportif
Dans le cas des clubs français, le rôle du
directeur sportif est essentiel : il est le garant d'une vision
stratégique moyen voire long terme se complétant avec le travail
plus court-termiste de l'entraineur principal (qui « prend les matches les
uns après les autres » comme ils adorent le rappeler en zone
mixte). La fonction du directeur sportif est très large ; la partie la
plus visible et la plus tangible de son travail est la formation de l'effectif
de l'équipe première pour la saison à venir. Pour ce
faire, il doit travailler en collaboration avec toutes les parties prenantes du
club. Il doit évaluer les forces et les faiblesses de l'effectif
présent, en anticipant les futurs départs ou les méformes
à venir. Aussi, il doit prendre en compte et savoir si l'entraineur
pourra compter sur les jeunes joueurs de l'équipe réserve et du
centre de formation. Une fois les besoins identifiés, il travaille en
étroite collaboration avec les équipes de recruteurs qui auront
collecté des données sur des joueurs correspondant aux
caractéristiques données. Le directeur sportif tient
également une place importante dans la négociation des contrats
avec les nouveaux joueurs, arbitrant entre les montants investis et les besoins
du club : il étudie la faisabilité de la
64
signature avec son Président. L'intégration des
joueurs est une étape dont il peut s'occuper tout comme créer une
atmosphère positive entre les joueurs et autour du club.
Il a également un rôle d'intermédiaire
entre le conseil d'administration et le département football en
assistant aux réunions du conseil d'administration. Il doit insuffler la
philosophie du club sur des échéances long-terme et construire
des réseaux avec les parties prenantes concernées (autres clubs,
agents de joueurs influents...).
2.2.3. Vision long-terme
2.2.3.1. Philosophie du club
Pour un club comme pour une entreprise, avoir une vision de
long terme est indispensable : elle détermine où le club va. Elle
définit réellement la spécificité d'un club. Elle
doit s'accompagner d'un respect des valeurs et des traditions du club. Un club
comme l'AS Saint-Etienne attire encore des joueurs en s'appuyant sur ses
traditions en mettant en avant l'historique du club et de la ville. Chaque
joueur se voit remettre une lampe de mineur à son arrivée et la
direction a fait le choix de construire le premier musée de club de
France, au sein de l'emblématique stade Geoffroy-Guichard64.
La culture club est à développer « pour valoriser son
histoire et promouvoir ses valeurs » selon Roland Romeyer,
Président du directoire de l'AS Saint-Étienne.
Le football est de nature à avoir des cycles courts -
une saison - qui vont déterminer de nombreuses choses dont une grande
partie des revenus. Disposer d'une vision à long terme permet de passer
outre certains aléas qui peuvent arriver au cours d'une saison. Cela
nécessite de l'adaptation malgré tout, mais pas à
n'importe quel prix. Le club ne doit pas transgresser ses valeurs et doit
s'appuyer sur de la continuité. Cette continuité passe
également par le développement de l'académie de jeunes.
Ces deux piliers sont des investissements de long terme. L'exemple le plus
frappant est le cas de l'Ajax Amsterdam lors de la saison 2018/2019. Le club
hollandais, lourd de traditions, s'est recentré sur ce qu'il faisait de
mieux : la pratique d'un football total, offensif et imposant joué par
des jeunes du centre de formation. Le succès triomphant de cette
équipe au budget de 85 millions (équivalent à celui de
Bordeaux ou Saint-Etienne) au milieu de mastodontes européens rappelle
qu'une grande cohérence au sein d'un club couplée à une
patience du board peuvent porter leur fruit. Ainsi, dans le cas du club
Amsterdamois, la direction s'est entourée de personnalités
importantes de l'histoire du club
64
http://www.museedesverts.fr,
consulté le 24 avr. 19
65
avec Marc Overmars en qualité de directeur du football
ou Edwin van der Sar en tant que directeur exécutif. Ils se sont
assurés de fournir à l'entraineur des joueurs
complémentaires avec l'effectif déjà présent en
prenant en compte non seulement leurs qualités de footballeur mais aussi
d'Homme. Des tests de personnalité sont régulièrement
soumis aux futurs joueurs de certains clubs pour cerner qui ils sont, afin
d'améliorer leur intégration. La patience du board et
l'implication sans faille de toutes les parties prenantes d'un club sont des
facteurs sine qua none lorsque ces types de philosophies sont mises en place,
comme le souligne le Président de l'Athletic Bilbao, Josu Urrutia
Tellerìa dans le livre ECA Club Management Guide : « It is
possible to be successful by way of focusing on the academy ; however, this
success is not going to be achieved quickly and may be different from the short
term success of winning titles on a regular basis. It requires a lot of thought
and analysis on the part of club management, ang a high degree of implication
and acceptance by the club's stakeholders to maintain such a model, even though
times of difficulty. »
Le succès en football est
éphémère, un club ne gagne pas souvent de titres, mais la
philosophie reste. Cette dernière va permettre de savoir comment le club
souhaite gagner ses matches. La philosophie d'un club peut évoluer avec
le temps, mais il doit le faire de façon cohérente. De
même, le football est une industrie qui se joue à réaction
plutôt qu'à prédiction. Les décisions sont largement
influencées par les émotions plutôt que par des faits. La
culture d'un club permet de réduire ce facteur émotionnel et de
gagner en expérience pour s'affranchir des facteurs
extérieurs.
2.2.3.2. Gestion des effectifs
L'élaboration de l'effectif d'un club est une des
missions les plus importantes pour les directions des clubs. Les joueurs qui
composent l'équipe vont être responsables des résultats.
Par ailleurs, de nombreux clubs tirent une source de revenus très
importante des cessions de joueurs. Les périodes de mercato sont donc
primordiales pour les clubs, et l'anticipation est le maitre mot.
Avant d'engager des dépenses sur des joueurs sans
cohérence, il convient pour les clubs de prendre plusieurs facteurs en
compte, lesquels sont détaillés dans le tableau ci-dessous :
Sportif Finance Culture
Qualité footballistique
|
Coût d'acquisition
|
Joueur national ou étranger
|
Expérience
|
Salaire
|
Formé au club ou non
|
Potentiel
|
Potentiel de revente
|
Age
|
66
Style de jeu et adéquation avec celui de
l'équipe
|
Coût de remplacement
|
Acceptation des supporters (ex club rival ...)
|
Affinité avec l'équipe
|
Potentiel marketing et
commercial
|
Historique de carrière
|
2.2.3.3. Développement du centre de formation
Importance d'un centre de formation
compétent
Le développement d'une académie performante est
un investissement sur le long terme, qui prendra du temps à avoir ses
effets. Le retour sur investissement peut prendre des années. Toutefois,
une réelle implication de toutes les parties prenantes pour s'assurer de
former des jeunes de qualité porte souvent ses fruits. L'Olympique
Lyonnais a par exemple choisi de se spécialiser dans la formation au
début des années 2000 en y investissant quantitativement et
qualitativement. Cela leur a permis de compter sur de nombreux joueurs du
centre de formation pour composer l'équipe lors de la construction du
nouveau stade. En effet, Jean-Michel Aulas, anticipant la pénurie
d'investissement sur le sportif durant les années où le stade
serait construit, s'est appuyé sur des joueurs formés localement
pour tenir les rangs sans avoir besoin d'investir sur le mercato.
Tout serait donc une question de volonté ? Si l'on en
croit les chiffres de l'ECA65, en 2011, le coût
consacré à l'académie de l'Ajax Amsterdam était de
plus de six millions d'euros par an contre trois millions pour le Bayern Munich
ou Arsenal par exemple. Lorsque nous prenons en compte le gouffre financier qui
sépare le cas hollandais de ces homologues allemands ou anglais, il est
intéressant de constater que la formation ne requière pas la
même importance dans la stratégie du club. Il y a plusieurs
facteurs à prendre en compte, et ce même rapport suggère
cinq facteurs clés de succès :
- Vision du conseil d'administration concernant la transition des
joueurs de l'académie ; - La qualité et l'expérience des
formateurs ;
- La communication entre l'Académie et l'équipe
professionnelle ;
- La mise en oeuvre d'une politique cohérente de
développement footballistique ; - L'efficience du recrutement des jeunes
talents.
65 ECA Report on Youth Academies, 2012
67
L'accent doit être mis sur une approche holistique du
développement du joueur, prenant en considération le
développement de l'homme aussi bien que du footballeur.
Le lancement des jeunes joueurs
Toutefois, posséder une académie performante
n'est pas suffisant. Il faut parvenir à réussir l'étape la
plus difficile : la transition vers l'équipe professionnelle. Certains
clubs disposent d'académies de très bonne qualité mais ne
font pas suffisamment confiance à leurs jeunes joueurs. Les clubs
anglais sont particulièrement concernés par ce
phénomène avec trop peu d'exemple de joueurs formés dans
les clubs localement qui s'installent en équipe première. Le
meilleur exemple est Chelsea, qui possède une des toutes meilleures
académies d'Europe66 mais qui ne parvient que trop rarement
à lancer des jeunes jouant un rôle important pour l'équipe
première. Les sommes dépensées sur le marché des
transferts et l'empilement de joueurs dans certains clubs ne permettent pas
cette transition censée aboutir le travail de formation. D'autres clubs,
à l'inverse, sont des spécialistes pour lancer leurs jeunes du
centre de formation. Tout est une question de timing, de volonté et de
confiance (parfois de nécessité) : le fait de lancer un jeune
trop tôt alors qu'il n'est pas prêt pour le haut niveau peut
s'avérer destructeur pour ce dernier.
Les activités sportives sont donc le coeur
opérationnel du fonctionnement d'un club et doivent être
envisagées comme un élément concomitant des
activités « business » que nous tâcherons de
détailler sous le sillage de l'exemple de l'OL.
66 « Le club remporte l'UEFA Youth League -- la Ligue des
champions pour jeunes -- en 2015 et 2016 et reste sur cinq victoires
consécutives en FA Youth Cup (2014, 2015, 2016, 2017, 2018) sur sept
finales de rang (2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018). »
68
3. Le cas de l'Olympique Lyonnais
Cette partie tentera de répondre aux
problématiques nouvelles de l'économie du football
constatées par la direction de l'Olympique Lyonnais, les sources de
revenus et les choix stratégiques qui en découlent. Comme vu
précédemment, l'économie de ce sport a grandement
évolué au fil des décennies, et nous ne reviendrons pas
sur les caractéristiques qui la constituent aujourd'hui (hausse des
droits TV, hausse des transferts et des salaires ...). Il sera question dans
cette partie de comprendre quels sont les leviers d'action propres que l'OL a
su mettre en oeuvre afin d'optimiser ses activités commerciales et in
fine ses revenus.
3.1. Présentation de l'OL 3.1.1. Histoire
de l'OL
L'Olympique Lyonnais a été fondée en
1950. Au cours de cette première décennie d'existence, le club
est promu en première division et se stabilise au sein de l'élite
des clubs de football français. La décennie suivante marque les
premiers succès lyonnais avec la victoire lors de la finale de Coupe de
France 1964 face à Bordeaux. Ils remettent le couvert trois ans plus
tard, en 1967, en ajoutant à leur palmarès une nouvelle Coupe de
France. C'est également au cours de cette décennie que Lyon
participe aux premières compétitions européennes de son
histoire avec une participation à la défunte Coupe des Coupes.
Ensuite, une longue période de disette s'installe dans le Rhône
jusqu'à l'arrivée de Jean-Michel Aulas. Ce jeune entrepreneur
lyonnais - fondateur de la CEGID - prend les rênes du club en 1987 et se
lance dans un projet très ambitieux : faire de Lyon non seulement un
grand club français, mais aussi une véritable puissance du
football européen. Les débuts sont compliqués, et l'OL ne
parvient pas à maintenir des résultats constants pour
espérer remplir son objectif. Toutefois, cela ne décourage pas
l'homme d'affaires qui continue d'investir. La suite lui donnera raison : l'OL
devient champion de France pour la première fois de son histoire en 2002
à l'ultime journée. S'en suit une domination totale sur le plan
hexagonal avec sept titres de champion de France consécutifs (une
première en France). Cette décennie contribue également
à la réputation du club à l'échelle
européenne avec des performances remarquées contre de grandes
écuries européennes.
Dès 2007, Jean-Michel Aulas entrevoit la
possibilité pour son club de construire son propre stade. C'est dans
cette optique que l'OL Groupe fait son introduction en bourse la même
année. La signature du permis de construire a lieu en 2012,
officialisant ce projet destiné à faire rentrer
69
le club dans une nouvelle ère. Un an plus tard, les
travaux ont pu démarrer pour s'achever en 2016. Cette année
marque l'entrée dans le nouveau stade de l'OL, quelques mois avant le
début de l'Euro 2016, organisé en France.
Structure de l'actionnariat
Après la prise de participation à hauteur de 100
millions d'euros du fonds d'investissement chinois IDG Capital au début
d'année 2017, la répartition du capital se présente ainsi
:

Actionnaires
Autres 38046
Auto-détention 347250
Holnest (famille Aula 16208087
Pathé 11341388
IDG 11627153
Public 18612310
Nombre actions
% capital
27,86% 32,02%
31,99% 26,08%
19,50% 27,04%
19,99% 14,76%
0,07% 0,10%
0,60% NA
% droits de vote
Source : Auteur, d'après
OL.fr
3.2. Analyse de l'environnement et d'OL
Groupe
Afin d'analyser l'environnement et les forces et faiblesses dont
dispose l'OL pour y répondre, une analyse SWOT67 parait
optimale.
Strenghts
L'OL possède des atouts et des forces indéniables
qui lui confèrent un avantage concurrentiel sur nombre de concurrents.
Le modèle que l'OL a pu développer sur la diversification de ses
revenus fait partie des grandes réussites économiques à
mettre au profit de Jean-Michel Aulas.
67 Selon Wikipédia, une matrice SWOT «
est un outil de stratégie d'entreprise permettant de déterminer
les options offertes dans un domaine d'activité stratégique. Il
vise à préciser les objectifs de l'entreprise ou du projet et
à identifier les facteurs internes et externes favorables et
défavorables à la réalisation de ces objectifs [...] Le
nom est un acronyme pour les quatre paramètres examinés par la
technique :
- Strengths (Force) : caractéristiques de l'entreprise
ou du projet qui lui donnent un avantage sur les
autres.
- Weaknesses (Faiblesses) : caractéristiques de
l'entreprise qui désavantagent l'entreprise ou le projet
par rapport
aux autres.
- Opportunities (Opportunités) :
éléments de l'environnement que l'entreprise ou le projet
pourrait
exploiter à son avantage.
- Threats (Menaces) : éléments de
l'environnement qui pourraient causer des problèmes à
l'entreprise
ou au projet. »
70
Au fil des années, le club rhodanien a su
étendre son champ d'activités pour ne plus le limiter à la
production de matches de football. Les différentes activités
proposées par l'OL seront plus amplement détaillées dans
une section utlérieure. Cette diversification est une force qui a permis
au club de garantir des revenus en se détachant de l'aléa
sportif. Pouvoir compter sur des revenus décorrelés des
résultats sportifs permet de pérenniser le modèle
économique du groupe.
Au-delà de ce point, la dotation d'une enceinte
privée ultra moderne confère à l'OL un atout
évident. La captation des données rendue possible par ce nouvel
outil ainsi que l'amélioration de l'expérience utilisateur au
stade permettent une plus grande capacité d'innovation et plus
globalement d'initiatives tournées vers le consommateur.
Une autre force du club est l'incroyable
régularité des résultats de son équipe
première. L'OL est sur une série de 23 participations
d'affilé à une Coupe d'Europe (LDC ou Europa League) Nous avons
constaté une mutation de la concentration financière du football
européen avec un accroissement des inégalités toujours
plus important, d'un côté une oligarchie de clubs jouant
régulièrement la LDC et de l'autre de nombreux clubs qui se
partagent le reste. L'OL semble avoir emboité le pas pour appartenir au
premier groupe. Son plan stratégique à 5 ans, que nous
détaillerons dans une section dédiée ne fait que
corroborer cette volonté et cette tendance. La culture de la performance
et l'ambition font partie de l'ADN récent du club.
Si l'équipe masculine obtient des résultats
plutôt positifs, il est impossible de passer sous silence ceux de
l'équipe féminine. Cette dernière, très tôt
mise en avant par le président Lyonnais, est le symbole de
l'avant-gardisme du club sur ces questions. Le club est une réelle
vitrine européenne pour le football féminin avec des
investissements notables et la grande importance qui lui est consacrée.
Nous détaillerons la stratégie mise en place par le groupe OL
autour de sa section féminine dans la catégorie
Opportunities.
De plus, le club lyonnais peut compter sur un bassin dynamique
et large : la ville de Lyon est une agglomération importante qui fait
partie des plus attractives de France68. Sa situation
géographique ainsi que son accessibilité via les réseaux
de communication en font une place
68
https://www.challenges.fr/immobilier/attractivite-economique-des-villes-en-france-palmares-2018623255,
consulté le 20 mai 2019
71
forte de la France provinciale. Elle se classe au
deuxième rang national (derrière Paris) en termes de PIB de son
agglomération et représente un pôle de développement
important en Europe. L'OL dispose d'une quasi exclusivité territoriale
de la ville de Lyon ; pouvoir compter sur l'appui et l'accès au
marché d'une métropole de l'envergure de Lyon représente
une force indéniable.
La bonne santé financière du club lyonnais et
les marges élevées de son activité par rapport à
ses concurrents constituent une force sur laquelle peut s'appuyer pour
continuer son développement. L'OL n'est pas visé par des
enquêtes juridiques liées au FPF ou par la DNCG. Le solide
modèle économique et financier bâti par Jean-Michel Aulas a
permis de concilier rentabilité et résultats. Ce dernier a
publiquement reçu les félicitations de nombreux dirigeants du
football européen, à commencer par Karl-Heinz Rummenigge,
président du Bayern Munich - un club modèle dans la captation de
nouveaux revenus - et anciennement président de l'ECA (de 2008 à
2017) qui s'est réjoui du modèle initié par l'OL avec
l'acquisition d'une enceinte 100% privée.
Le football est le sport préféré des
Français, aussi bien en termes de nombre de
licenciés69 qu'en termes d'audience et
d'affluence70. Cette suprématie populaire du football en
France présente deux avantages pour le club : le nombre de jeunes
joueurs potentiellement repérés par l'OL pour leur
académie et la probabilité d'une affluence élevée.
Concernant le premier point, le bassin lyonnais représente un territoire
d'excellence. De nombreux joueurs, aujourd'hui internationaux, sont originaires
de la région et voient en l'OL un environnement optimal pour
développer sainement leurs aptitudes.
Justement, une autre de leurs forces est l'excellence dans la
formation des joueurs. L'OL est devenue une référence en la
matière, ce qui lui assure des revenus de cession de joueurs importants
et des joueurs de qualité disponibles pour l'équipe
première fréquemment. Les effets d'apprentissage et les
méthodes développés au fil des saisons par les
équipes du centre de formation lui assurent un effet
d'attractivité pour les jeunes talents de la France entière.
Ainsi, le centre de formation de l'OL occupe la première place
française en la matière depuis plus de
69 « La FFF compte aujourd'hui près de 2,2
millions de licenciés dont 400 000 bénévoles et
près de 165 000 féminines »,
https://www.fff.fr/la-fff/organisation/chiffres-cles-fff
consulté le 29 mai 2019
70 La Ligue 1 a accueilli 8 544 052 spectateurs
lors de la saison 2017-18. Le rugby, arrive deuxième du classement avec
« seulement » 2 434 970 spectateurs. Source Wikipédia
72
six ans consécutivement et est aujourd'hui à la
deuxième place européenne au classement des centres de
formations71. L'investissement dans la formation entamé
très tôt depuis la prise de fonction de Jean-Michel Aulas porte
ses fruits. Le dirigeant lyonnais est conscient de l'importance de cette
activité, comme en témoignent les efforts fournis, notamment
financiers. « En termes de formation, on est le club qui investit - et de
très loin - le plus en France ; plus de 10 millions d'euros par an, et
de plus en plus » se targue le président lyonnais72.
Enfin, la valorisation de l'effectif professionnel de l'OL est
à ce jour très importante. La valeur totale de l'effectif
professionnel du club est estimée à 420,4 M€73 si
l'on en croit les calculs de Transfermarkt, source utilisée par l'OL
dans son document de référence. L'OL bénéficie donc
d'un effectif qualitatif, hautement valorisé.
Weaknesses
En dépit de ces nombreux atouts, le groupe OL
présente quelques faiblesses que nous allons tâcher de
décrire. Une des premières tient en l'appartenance même du
club au secteur du divertissement sportif. Même si l'OL a un nouveau
stade, cette industrie présente un risque lié à des
mauvais résultats sportifs qui pourraient avoir de terribles
conséquences financières. Une non qualification européenne
entrainerait une perte de revenus considérable. L'attractivité -
au sens des joueurs - de l'OL s'en trouverait lourdement affectée.
L'industrie footballistique reste tributaire de l'aléa sportif et il
n'est pas impossible de voir les résultats sportifs dégringoler.
Des risques sont présents, ils peuvent affecter les bonnes performances
sportives de l'équipe première : des facteurs exogènes
(bons résultats des concurrents, disqualification ...) ou
endogènes (méforme de joueurs importants, blessures, conflits
avec l'entraineur ...) existent. Pour se prémunir de ces risques, le
club a mis en place des moyens de diversification des revenus et des primes
élevées destinées aux joueurs en fonction des
résultats sportifs.
La construction du nouveau stade a eu pour effet un
endettement conséquent pour le groupe. Le niveau d'endettement de l'OL
reste très élevé et s'établit à 222 M€
au 30 juin 2018 (hors créances et dettes joueurs). Si l'on se
réfère au document de référence de la saison
2017/18, les dettes financières se répartissent de la
façon suivante :
71 CIES Football Observatory, 2018
72
https://www.estrepublicain.fr/sport/2019/02/18/football-la-strategie-payante-de-lyon,
consulté le 22 mai 2019
73
https://www.transfermarkt.fr/olympique-lyon/startseite/verein/1041,
consulté le 20 mai 2019
73
- « Emprunt obligataire : 49,8 M€ ;
- Emprunt Long Terme pour le stade : 117 ,4 M€ ;
- Emprunt contrat de location-financement : 10,3 M€ dont
7,7 M€ pour le Groupama Stadium, 2,1 M€ en autres dettes
financières non courantes et 0,5 M€ en autres dettes
financières courantes ;
- Emprunt construction Groupama OL Academy et OL Training
Center 8,6 M€, dont 7,4 M€ en autres dettes financières non
courantes et 1,2 M€ en autres dettes financières courantes ;
- Emprunt BPI 1,6 M€ dont 1 M€ en autres dettes
financières non courantes et 0,6 M€ en autres dettes
financières courantes. »74
L'endettement de l'OL reste justifié au vu des
investissements réalisés et des retombées potentielles.
Néanmoins, cet indicateur doit appeler à de la vigilance pour ne
pas voir son niveau d'endettement devenir problématique.
Malgré le deuxième budget de France depuis de
nombreuses années, les résultats sportifs ne sont pas si
resplendissants et ont tendance à stagner. Certains analystes et
supporters déplorent le manque d'ambition sportive par rapport aux
moyens dont disposent l'OL. Les résultats sont loin d'être
catastrophiques et sont réguliers, mais le manque de concurrence que le
club offre au PSG sur la scène nationale symbolise cette tendance.
Depuis que le club parisien est sous pavillon qatari, Montpellier et Monaco ont
réussi l'exploit d'être sacrés champions de France. Dans le
même temps, l'OM a atteint une finale de coupe d'Europe. L'OL n'a
remporté aucun trophée depuis sa Coupe de France en 2012 et la
direction semble se contenter des récents résultats.
L'arrivée de Jean-Michel Aulas en 1987 marque un
tournant historique pour le club rhodanien. Le célèbre dirigeant
lyonnais est une figure emblématique du sport français et a
très largement contribué aux succès
répétés de son club. Toutefois, la vampirisation de la
fonction présidentielle peut s'avérer une faiblesse, à
l'heure où le Président ne semble plus aussi inspiré sur
les questions liées au sportif. Les entraineurs et la direction sportive
se heurtent à un pouvoir institutionnel éminemment important :
cette omniprésence à tous les étages de la part du
74 Document disponible sur le lien
https://investisseur.olympiquelyonnais.com/informations-financieres/rapports-annuels.html
74
fondateur de CEGID75 peut présenter
certaines limites. Malgré une réputation continentale et des
performances européennes qui ont marqué les esprits dans les
années 2000, Jean-Michel Aulas s'est toujours refusé de
collaborer avec des entraineurs internationaux expérimentés pour
privilégier des entraineurs français prometteurs (Puel, Fournier,
Le Guen, Santini...) ou alors des promotions internes (Garde ou plus
récemment Genesio). La peur de perdre du pouvoir et le besoin d'occuper
toute l'attention médiatique sont des facteurs d'explication
potentiels.
Enfin, pour rebondir sur ce dernier point, la difficile
lecture de l'organigramme de l'OL s'avère ennuyeux sur certains points.
En effet, le manque de clarté sur la direction sportive et le rôle
ambigu de plusieurs personnes influentes sont symptomatiques de
problèmes de gouvernance identifiés. La présence depuis de
nombreuses années de Bernard Lacombe dans un rôle pas vraiment
officiel (Conseiller spécial du président) et de Gérard
Houllier (Conseiller extérieur) n'aident pas à y voir plus clair.
L'opacité et l'influence de leurs rôles laissent planer le doute
quant à leur véritable poids sur les décisions concernant
le domaine sportif.
Opportunities
Les perspectives de l'OL dans le futur s'annoncent
prometteuses. Au-delà de l'amélioration continue de sa
santé financière et de la pérennité de son Business
Model, le club a su développer des stratégies lui permettant
d'étendre son influence auprès de partenaires internationaux. En
premier lieu de cette stratégie : l'équipe féminine de
l'OL qui s'accapare tous les trophées nationaux et européens
depuis des années sur une base impressionnante ; treize fois championnes
de France (série en cours) et six fois championnes d'Europe. La
réputation de Lyon en Europe passe aussi par le maintien de cette grande
compétitivité.
Outre ces résultats, la stratégie de Jean-Michel
Aulas repose sur l'internationalisation de l'effectif de la section
féminine pour donner en visibilité à son club. Pas moins
de 9 nationalités sont représentées par des joueuses
toutes internationales dans leur pays respectif. Le plus gros coup du club a
été réalisé lors de l'intersaison 2016 avec la
signature de l'américaine Alex Morgan, plus grande star du football
féminin. Le transfert, en plus de présenter un grand renfort
sportif, est venu alimenter une démarche marketing et communicationnelle
finement pensée en amont. Ainsi, l'ambition du club a été
de s'ouvrir au juteux marché américain du soccer et
75 Jean-Michel Aulas a fondé le groupe CEDIG
en 1983, société spécialisée dans l'édition
de logiciels de gestion et de systèmes d'information pour les
entreprises
75
gagner en reconnaissance internationale. En suivant ce
même objectif, le club rhodanien a conclu de nombreux partenariats avec
des clubs à travers le monde (au Japon, au Liban, en Tunisie, au
Sénégal et en Corée du Sud). Plus récemment, avec
l'ouverture du capital de l'OL au chinois IDG (voir ci-dessous), de nombreux
partenariats ont été noués avec des académies
chinoises sur un service d'échange de savoir-faire. Cette
stratégie a déjà amené le club à nouer des
partenariats avec des firmes multinationales avec par exemple le sponsor
principal, Hyundai constructeur automobile sud-coréen, depuis 2012.
Toujours dans cette volonté d'intensification du
développement de la marque OL à l'étranger, le fonds
chinois IDG Capital a racheté 20% du capital du groupe pour un montant
avoisinant les 100 M€. Au-delà du partenariat financier, l'objectif
est double : aider la Chine à développer son football et
promouvoir l'image de l'OL au travers de l'empire du milieu. Pour ce faire, le
fonds et l'OL Groupe ont procédé à la création
d'une joint-venture (45% détenue par l'OL et 55% par IDG) : Beijing OL
FC. Cette dernière aura comme objectif le transfert du savoir-faire du
club français relativement à la formation de jeunes joueurs
(création d'académie de football, formation d'entraineurs locaux)
ou encore la promotion du football féminin.
Pour appuyer cette nouvelle notoriété,
l'équipe première participe chaque été à des
tournois de préparation avec des équipes internationales aux
quatre coins du monde.
La hausse à venir des droits TV en France est
également une très bonne nouvelle pour l'OL qui va pouvoir
bénéficier de revenus en hausse sur cette activité. Les
investissements pourront être plus conséquents grâce
à la manne financière apportée par MediaPro (1,153
milliard d'euros investis pour la période 2020-2024). Cette augmentation
de près de 60% permettra aux clubs qualifiés en Coupe d'Europe de
mieux rivaliser avec les équipes des autres championnats
européens. Attention toutefois à bien utiliser cet argent frais
sans tomber dans une spirale salariale inflationniste (nous y reviendrons dans
la section Threats). Les revenus globaux dans le football sont en forte
augmentation. Comme évoqué dans les sections
précédentes, le football européen génère des
revenus en forte hausse, et l'OL n'échappe pas à cette
tendance.
Les opportunités de développement autour du
Groupama Stadium sont nombreuses et devraient assurer à l'OL une offre
très diversifiée de services regroupés dans
l'activité Events. Le projet de la création d'une salle de
concert fermée pouvant se transformer en salle pouvant accueillir des
matches de Basketball a été évoqué. Le
rapprochement entre Jean-Michel Aulas et la star du basket français Tony
Parker va dans ce sens. En effet, ce dernier est également
président du
76
club de basketball de l'ASVEL (Villeurbanne, en banlieue
lyonnaise) et le rapprochement entre ces deux entités est sur le point
de se finaliser. L'OL est en discussion exclusive avec le club villeurbannais
concernant une prise de participation. Ce rapprochement entre l'entrepreneur de
70 ans et le joueur NBA prend également la forme d'un projet plus
important. Ainsi, Jean-Michel Aulas a demandé au quadruple champion NBA
de lui apporter son image et son dynamisme outre-Atlantique pour créer
une franchise de football féminin aux États-Unis.
Concernant la formation, l'OL a pris de l'avance sur de
nombreux concurrents. Le nombre important de joueurs internationaux dans leur
catégorie d'âge illustre les bonnes perspectives de la formation.
Les ventes récentes de Samuel Umtiti à Barcelone et d'Alexandre
Lacazette à Arsenal ont amené un nouveau coup de projecteur sur
l'académie lyonnaise, qui commence à avoir très bonne
réputation aux yeux des recruteurs européens. De bonne augure
pour dans les années à venir.
Threats
Les menaces qui concernent l'OL sont de plusieurs ressorts.
Tout d'abord, la croissance des revenus doit s'accompagner d'une gestion saine.
En ce sens, limiter l'inflation salariale visible dans le football
européen depuis quelques années apparait primordial. Il ne faut
pas tomber dans la spirale inflationniste. En effet, le nouveau modèle
économique du football professionnel incite les directions des clubs
à mettre des moyens considérables dans l'achat de nouveaux
joueurs. Cette course à l'armement exerce indéniablement une
pression à la hausse des rémunérations des joueurs. Une
mauvaise gestion dans les dépenses salariales peut s'avérer
très dommageable pour un club, et l'OL, en dépit de ses revenus
très importants n'échappe pas à cette règle. Le cas
de Yohan Gourcuff témoigne des difficultés que peut entrainer un
transfert onéreux mal géré : son contrat de cinq
années a coûté plus de 11,5 M€ par saison à
l'OL (comprenant les salaires, les charges associées et l'amortissement
de l'indemnité de transfert) pour un rendement sportif très
insuffisant. Il est donc important de comprendre et d'anticiper les risques que
peuvent entrainer ce genre d'erreurs si elles se répètent.
L'industrie des loisirs est en constante évolution.
Aujourd'hui, les jeunes générations éprouvent de nouvelles
envies concernant leurs loisirs. Le développement spectaculaire de
l'e-sport fait partie de cette nouvelle industrie76. Les chiffres de
ce nouveau secteur ont de quoi
76 L'e-sport se définit comme « a pratique
de jeux vidéo où le joueur affronte d'autres joueurs en
réseau »
77
impressionner ; depuis 2014, la croissance de l'e-sport dans
le monde est de l'ordre de 445% avec des prévisions de chiffre
d'affaires avoisinant les 3 milliards de dollars pour l'industrie. L'annexe
n°16 met en exergue cette tendance haussière par poste de
revenu.
Les perspectives et les investissements réalisés
dans l'e-sport témoignent de la solidité de ce
phénomène. Au détriment du football ? Pour l'heure,
l'industrie du sport n'est pas menacée à proprement parlé
mais certains sponsors commencent à privilégier des ligues
d'e-sport plutôt que des équipes de football. Par exemple, pendant
que McDonald's abandonnait son partenariat avec la fédération
allemande de football en 2018, elle privilégiait la concentration de ses
efforts financiers sur de nouvelles opportunités dans le e-sport. Autre
exemple marquant, l'équipementier sportif Nike qui vient de s'engager
dans un partenariat de cinq ans avec LPL (League of Legends Pro League, la
ligue chinoise du jeu en question) pour un montant de 144 M€. Ce transfert
des investissements de la part des sponsors peut constituer une menace comme
une opportunité pour les clubs de football. Les audiences suivent
également une progression exponentielle, la dernière finale de la
coupe du monde de League of Legends en 2018 a été suivie par
près de 99,6 millions de spectateurs. Des audiences qui pourraient
pousser les acteurs audiovisuels historiques à détourner leurs
investissements dans le futur. Le football et un club comme l'OL doivent
s'adapter à ces mutations pour ne pas perdre des fans potentiels. Il
faut parvenir à convaincre la communauté e-sport pour ne pas se
laisser cannibaliser ses parts de marché. C'est pourquoi certains clubs
ont saisi l'opportunité d'investir dans des équipes de e-sport.
C'est le cas de l'OL qui a décidé de créer sa propre
équipe de e-sport en janvier 2017. Dans son communiqué officiel,
le club rhodanien déclarait : « la création de cette
équipe e-sports s'insère dans un projet plus large de l'Olympique
Lyonnais d'ouverture vers de nouveaux territoires et la volonté de se
rapprocher encore de la communauté OL en partageant des
expériences online à travers le monde »77. La
menace que constitue cette nouvelle industrie peut donc s'avérer
être une opportunité pour l'OL si les investissements sont faits
intelligemment. En effet, cette équipe aura pour objectif de
développer la popularité de l'OL à travers le monde en
s'adressant à de nouvelles communautés.
Il est également important de prendre en compte la
montée en puissance et l'ambition des ligues asiatiques et notamment
chinoise. L'AFC Champions League gagne de l'ampleur et le
77
https://www.ol.fr/fr-fr/contenus/articles/2017/01/30/communique-lolympique-lyonnais-se-lance-dans-
lesports-29529, consulté le 28 mai 2019
78
championnat chinois commence à attirer de nombreux
joueurs européens en pleine forme de l'âge. Aujourd'hui, les
efforts impressionnants amorcés par les autorités et les
politiques volontaristes d'investissement mises en place par le gouvernement
chinois pour faire de la Chine une puissance majeure du football mondial d'ici
2050 peuvent être considérés comme une menace pour les
clubs européens et donc l'OL.
La compétitivité du championnat de France de
Ligue 1 peut être considérée comme une menace à
moyen/long terme pour l'OL. En effet, la faible médiatisation du
championnat hexagonal par rapport à ses voisins et le manque de
changements en perspective sur la hiérarchie européenne tendent
difficilement à croire à l'optimisme quant à sa
compétitivité future. Et ce déficit de
notoriété se traduit dans les chiffres ; les droits TV à
l'étranger de la Ligue 1 paraissent bien dérisoires quand on
pense aux sommes déboursées pour le championnat anglais par
exemple. Ainsi, la Ligue 1 engrange 80 M€ chaque année pour le
montant intégral de ses droits internationaux. A titre de comparaison,
le championnat anglais encaisse 1,3 milliard d'euros, le championnat espagnol
650 M€, le championnat italien 370 M€ et le championnat allemand 250
M€. La Ligue 1 a un retard considérable sur la question, ce qui
pourrait altérer le développement économique d'un club
comme l'OL.
Le projet de compétition semi-fermée de l'UEFA
et l'ECA pourrait s'avérer être une grande menace pour l'OL si ce
dernier ne fait pas partie intégrante des clubs impliqués. Si la
réforme en question se concrétisait, les championnats nationaux
se trouveraient très affaiblis financièrement. Les clubs les plus
puissants concentreraient encore plus les revenus du football européen
et les inégalités ne cesseraient de se creuser. Jean-Michel Aulas
- par son influence au sein du football européen notamment - s'est
déclaré en faveur d'une réforme de la LDC en croyant que
l'OL était en position de faire partie de cette « élite
». Néanmoins, une telle réforme constitue une réelle
menace à termes pour tous les clubs.
Aucun autre dirigeant n'aura autant marqué le football
français que Jean-Michel Aulas. Il aura su amener l'OL à un
niveau alors inespéré à sa prise de fonction en 1987 et le
football français aura du mal à trouver un dirigeant aussi
investi et visionnaire. En prenant en compte cette importance, il est
aisé de comprendre la lourde tâche qu'aura son successeur à
la tête de l'OL. L'OL c'est Jean-Michel Aulas. Jamais un président
n'a eu autant d'influence et d'emprise sur son club en France. La question de
son remplacement va s'avérer être un moment charnière pour
le club. La période de transition qui s'en suivra sera marquée
par de nombreuses
79
incertitudes. Parvenir à se détacher d'une
personnalité aussi forte et aussi influente n'est jamais chose
aisée, et il faudra un gros travail de préparation en amont pour
amorcer cette transition en douceur. Le président âgé de 70
ans ne continuera pas éternellement et son départ laissera son
lot d'incertitudes.
Enfin, une menace qui pourrait avoir un impact indirect sur
l'OL est le Brexit. En effet, si celui-ci s'opère enfin, la question des
joueurs extra-communautaires va se poser. L'adhésion du Royaume-Uni
à l'espace commun permettait un nombre illimité de joueurs
européens dans les écuries de Premier League. Dorénavant,
la menace de la sortie de cet espace laisse un flou quant au sort
réservé aux joueurs européens dans ce championnat. En
connaissant les sommes dépensées par les clubs anglais sur le
marché des transferts et notamment auprès des clubs
français (Lacazette vendu à Arsenal pour 53 M€, Essien
à Chelsea pour 38 M€, Malouda à Chelsea pour 21,5 M€
...), il est important de suivre l'évolution de cette question qui reste
pour lors sans réponse.
3.3. Résultats obtenus
L'Olympique Lyonnais (OL) a axé son modèle
économique sur l'exploitation de sa nouvelle enceinte sportive : le
Groupama Stadium. Après des années compliquées sur le plan
financier pour parvenir à financer ce stade 100% privé (une
première en France), cet investissement sur le long terme commence
à porter ses fruits. Les résultats financiers des
dernières saisons corroborent cette stratégie visant à
positionner l'OL dans le cercle des grands clubs européens. Le document
de référence de la saison 2017-1878 ainsi que le
rapport financier semestriel de la saison 2018-1979 nous
éclairent sur les bonnes performances financières du club
présidé par Jean-Michel Aulas. En effet, depuis la livraison du
nouveau stade lors de la saison 2015/16, l'OL n'a eu que des résultats
positifs.
78 Document disponible sur le lien
https://investisseur.olympiquelyonnais.com/informations-financieres/rapports-annuels.html
79 Document disponible sur le lien
https://investisseur.olympiquelyonnais.com/informations-financieres/rapports-semestriels.html

80
Ce bilan positif est à mettre en perspective avec
plusieurs facteurs (notamment les plus-values réalisées par le
club sur les cessions de joueurs) que nous détaillerons
ultérieurement.
3.3.1. Des revenus en hausse
3.3.1.1. Produits des activités
La bonne santé comptable de l'OL est illustrée par
une croissance des produits issus de son
activité. Si l'on se réfère au document de
référence de la saison 2017/18, « l'activité du
Groupe
s'organise autour de 6 produits d'activités
complémentaires :
- Billetterie ;
- Partenariats et publicité ;
- Droits marketing et TV ;
- Events ;
- Produits de la marques (produits dérivés, OL
Images...) ;
- Trading de joueurs. »
Les produits des activités de l'OL sur la
première partie de la saison 2018/19 atteignent un montant record de
168,4 millions d'euros (20,8 millions d'euros de plus que lors de la saison
précédente, qui s'établissaient à 147,6 millions
d'euros).

81
Source : auteur, d'après rapport financier
semestriel de la saison 2018-19
Cette hausse de plus de 14% met en exergue l'importance d'une
qualification en LDC dans les revenus d'un club. Sur une demi-saison, les
revenus issus des droits TV de l'UEFA et de billetterie ont engendré une
hausse des recettes estimée à plus de 48 millions d'euros.
Un rapide éclairage sur le détail des produits
des activités permet de comprendre les leviers d'action sur lesquels
l'OL s'appuie pour améliorer ses performances.
o Billetterie : 21,2 M€ (+24% soit +4,2M€)
Les revenus tirés de la billetterie ont augmenté
de 4,2% sur la même période par rapport à la saison
précédente. Nous distinguerons les recettes en Ligue 1 et les
recettes en LDC. Les recettes de billetterie de la Ligue 1 sont globalement en
hausse depuis l'entrée dans le nouveau stade. Les facteurs d'explication
se concentrent principalement sur l'accroissement de l'affluence au stade.
Cette dernière est passée de 40.600 spectateurs de moyenne en
décembre 2016 à 49.600 cette saison, soit une hausse de
près de 22% en deux ans. L'amélioration continue des
infrastructures80 ainsi qu'une meilleure récolte des
données sur leurs supporters81 ont
80 Les infrastructures ne sont pas encore
terminées, voir le projet OL City dans la section 3.5.3 Le projet OL
City
81 Voir section 1.2.2 Une nouvelle
stratégie digitale adaptée
82
permis à l'OL d'accroitre l'affluence malgré un
climat sportif plus tendu que lors de l'année précédente.
De plus, l'instauration d'une stratégie tarifaire plus modulable en
octobre 2017 a permis un meilleur taux de remplissage. Outre l'effet volume
(hausse de l'affluence moyenne), l'OL a pu compter sur une amélioration
sensible de l'effet prix grâce à une meilleure gestion et un
meilleur traitement des datas sur les supporters. Ainsi, le panier moyen d'un
spectateur au Groupama Stadium (billetterie, merchandising, parking, buvette
...) a augmenté, rapportant la recette moyenne par place à
35€ contre 28€ l'an dernier. Une meilleure connaissance de sa cible
couplée à des infrastructures modernes et qualitatives semblent
être la formule gagnante pour l'OL.
Le club rhodanien a également pu
bénéficier de l'effet LDC sur ses revenus de billetterie, et ce
malgré un match à huit clos82. La venue du champion
d'Angleterre en titre, Manchester City a permis d'engranger quelques 5,4
M€. Il est ainsi aisé de comprendre qu'une qualification en LDC
impacte fortement les revenus d'un club, au-delà même des droits
TV et des donations de l'UEFA qui découlent de cette
compétition.
o Partenariats et publicité : 15,3M€ (+9% soit
+1,3M€)
Les revenus issus des partenariats et des contrats de
publicité sont également en hausse. Le contrat de naming en
vigueur avec Groupama en 2017 pour une durée de trois saisons
renouvelables rapporte 5,5M€ chaque année83. A ce prix,
l'assureur appose son nom au stade (Groupama Stadium), au centre d'entrainement
(Groupama OL Training Center) et au centre de formation (Groupama OL Academy).
L'OL mise également sur son développement en Asie avec un contrat
de partenariat sur la zone Asie.
o Droits TV : 82,1 M€ (+122% soit +45,2M€)
L'impact de la plus prestigieuse des compétitions
européennes se ressent fortement sur les produits issus des droits TV.
Comme évoqué lors de la section 1.1.2.1. Les acteurs
audiovisuels, l'UEFA dote les clubs qui y participent de droits TV
faramineux : le montant accordé à l'OL pour cette
compétition avoisine les 57,4M€ contre 11M€ la saison
dernière au même moment
82
https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Ligue-des-champions-le-huis-clos-coutera-5-millions-d-euros-a-l-ol/945638,
consulté le 12 mai 19
83
http://www.leparisien.fr/sports/football/olympique-lyonnais-groupama-stadium-les-coulisses-de-l-accord-25-08-2017-7212162.php,
consulté le 12 mai 19
83
lorsqu'il était qualifié en Europa League. On
comprend donc mieux la nécessité pour des clubs avec des
ambitions pareilles d'une qualification pour la LDC. Les droits TV nationaux
(de la LFP pour la Ligue 1 et la Coupe de la Ligue et de la FFF pour la Coupe
de France) sont ajustés en conséquence au classement et des
performances sportives : l'OL a enregistré sa 22ème
saison d'affilée en Coupe d'Europe à l'issue de la saison 2017/18
(synonyme de top 5). La régularité de l'OL lui permet donc de
s'assurer des droits TV nationaux élevés. Ainsi, la hausse
programmée des droits TV pour la saison 2020 (le groupe Mediapro a
racheté l'intégralité des droits TV de la Ligue 1 pour la
période 2020-2024 pour un montant de 1.153 milliard d'euros) profitera
de manière considérable à l'OL.
o Events : 3,2 M€ (-47%, soit -2,9 M€)
La propriété entière et l'exploitation
exclusive de l'enceinte du Groupama Stadium s'avère être un atout
indéniable pour la création de nouveaux revenus. Les
événements hébergés par le stade sont nombreux et
peuvent prendre plusieurs formes.
D'un côté, les événements
destinés aux entreprises (séminaires, salons, show-rooms...) et
les visites sont en constante progression (plus de 400 événements
B2B en 201884). Le stade a été pensé pour
offrir des prestations d'ampleur avec de nombreuses services :
- Mise à disposition d'espaces réceptifs
adaptables aux besoins (loge, salon, auditorium...) ;
- Restauration : prestations adaptables aux divers
événements (cocktails, gala, Brasserie Bocuse...) ;
- Parkings gratuits et privés ;
- Animations : visite du stade, escape-game et autres
activités.
Ce type d'évènements destinés
principalement aux professionnels enregistre une forte croissance (+68% de
recettes) et devient très populaire dans la région ; l'OL
souhaitant devenir un acteur majeur de la région lyonnaise dans le
tourisme d'affaires.
De l'autre côté, les événements
d'ampleur organisés au Groupama Stadium. La direction a pour ambition de
devenir un acteur majeur en termes d'organisation d'évènements.
Pour l'année 2019, trois concerts d'Ed Sheeran, un concert Stars 80
ainsi qu'un de Phil Collins devraient
84
https://olentreprises.com/seminaires/379/seminaires-groupama-stadium?a=0,
consulté le 12 mai 19
84
assurer des revenus décorrelés des performances
sportives au groupe de Jean-Michel Aulas. L'enceinte accueillera
également les demi-finales et la finale de la Coupe du Monde
féminine en juillet 2019.
Ainsi, la diminution des revenus lors du premier semestre de
la saison 2018/19 n'est qu'une conséquence de l'absence
d'événements majeurs sur la période (au contraire de la
saison précédente qui a vu accueillir un concert, un match
international de rugby et un match de préparation à la Coupe du
Monde de l'Équipe de France entre autres). Les revenus devraient donc
repartir à la hausse lors de ce second trimestre avec les
événements cités ci-dessus.
o Produits de la marque : 8,5M€ (-4%, soit -0,3M€)
Les revenus issus des produits de la marque sont en hausse
sur les dernières années grâce notamment à un
travail important qui a été entrepris sur le merchandising. Les
ventes issues d'internet sont aujourd'hui le canal numéro un des revenus
de merchandising. L'arrivée dans le nouveau stade a été
bien gérée par les équipes merchandising de l'OL, qui ont
su profiter d'un nombre de spectateurs en progression. Une boutique officielle
plus grande que la précédente à Gerland a
été implantée sur le parvis du stade où les
spectateurs sont plus susceptibles de passer devant. Indépendamment des
jours de matches et des revenus issus de la boutique, l'organisation des «
events » permet au club de vendre des produits dérivés
(événements professionnels notamment). Le développement en
outre d'une application Groupama Stadium permet aux fans de commander ce qu'ils
désirent depuis leur emplacement dans le stade. L'OL a
considérablement augmenté ses efforts sur le développement
d'infrastructures digitales et notamment mobiles afin d'améliorer ses
taux de conversion85. Les résultats du merchandising
présents dans le document de référence de l'OL et en
annexe n'°18 mettent en exergue les bienfaits de cette stratégie.
Ainsi, la Vente à Distance (VAD) est devenue lors de la saison 2017/18
le premier canal de vente du club. Le virage pris par l'OL sur ce nouveau
créneau s'avère payant et avant-gardiste.
o Cession de joueurs : 38,1 M€ (-41%, soit 26,6 M€)
85
https://www.ecofoot.fr/interview-david-banget-olympique-lyonnais-croissance-ecommerce-2347/,
Consulté le 13 mai 2019
85
L'OL peut s'appuyer sur un centre de formation d'excellence
pour lui permettre de développer des joueurs de qualité
destinés à jouer au plus haut niveau. Au-delà de la
possibilité de pouvoir s'appuyer sur ces joueurs pour l'effectif
professionnel, le club utilise ce vivier comme une source de revenus. De
nombreux joueurs passés par l'académie de l'OL jouent à
l'international et le club a su valoriser ce savoir-faire pour en faire une
vitrine à l'échelle européenne.
Ce tableau récapitulatif des plus grosses cessions de
la part de l'OL sur les 15 dernières années met en exergue les
qualités de l'OL dans les opérations de cessions de joueurs.
Cette activité est d'autant plus rentable dans le sens où bon
nombre de ces transferts concernent des joueurs formés au club.
Joueurs
|
Montant (en M€)
|
Mendy
|
53
|
Lacazette
|
53
|
Tolisso
|
41,5
|
Essien
|
38
|
Benzema
|
35
|
Diarra
|
26
|
Umtiti
|
25
|
Mariano
|
22,3
|
Malouda
|
21,5
|
Geubbels
|
20
|
Marlet
|
17,6
|
Abidal
|
16
|
Mammana
|
16
|
Diakhaby
|
15
|
Njie
|
14,5
|
|
Source : auteur
*Les joueurs en orange ont été
formés à l'OL
86
3.3.2. Un bilan en progression

Source : Rapport financier semestriel 2018-2019
o Actif
Le bilan s'établit à 667,2 M€ à la
fin de l'année 2018. Un rapide aperçu de la répartition
des actifs permet de se rendre compte de l'importance du nouveau stade dans la
structure financière de l'OL. La livraison du nouveau stade a grandement
fait progresser le montant total du bilan depuis 2014.

87
La part des immobilisations corporelles s'est
considérablement accrue dans le bilan. Le projet « OL City »
qui a pour vocation l'ouverture tous les jours de l'année des
activités développées autour du stade va encore confirmer
cette tendance. Les détails de ce projet seront retracés par la
suite. Afin de réaliser ces investissements, l'OL a dû se forger
une structure financière robuste et durable au fils des années.
Cela a eu pour effet la possibilité du financement d'un projet à
plus de 500 M€.
Tous les voyants sont au vert financièrement : les
soldes intermédiaires de gestion s'améliorent au fil des saisons.
L'excédent brut d'exploitation (EBE), qui met en valeur la
viabilité et la rentabilité financière d'une entreprise
est de 53,9 M€ au 31 décembre 2018, représentant 32% de
produit des activités.
o Passif
La structure financière de l'OL est assez
inédite en France. Pour financer la construction et l'acquisition de son
stade, le club a eu recours à des mécanismes d'endettement
financier. Ainsi, la dette financière est bien plus élevée
que celle des autres clubs du championnat de France. A l'issue de l'exercice
2015/16, la dette financière totale du groupe a atteint son pic en
s'établissant à plus de 300 M€. L'arrivée du groupe
chinois IDG Capital au capital d'OL Groupe en 2017 a permis d'apporter une
amélioration de sa situation financière. Les 100 M€
d'augmentation de capital permises par IDG ont automatiquement eu l'effet de
diminuer le taux
88
d'endettement du club. De plus, cet apport d'argent a permis
de renégocier les conditions de la dette ; la maturité de la
dette a augmenté et les charges financières (principalement les
taux d'intérêt) qui y sont liées sont passées de
6,5% à 4,3%86.
Pour ainsi dire, la situation financière de l'OL est
assez singulière dans le paysage footballistique français. Ce
caractère unique est le fruit d'un choix de modèle
économique mûrement réfléchi en amont.

3.4. Un nouveau modèle économique
basé sur l'exploitation de ses infrastructures sportives
Le modèle économique suivi par l'OL Groupe lui
permet de se fixer des objectifs ambitieux sur le plan financier comme
l'indique le rapport semestriel du 31 décembre. Les objectifs
fixés à horizon cinq ans témoignent de la transformation
du business model pour faire du club un véritable acteur « full
entertainment ». Ainsi, le groupe ambitionne de générer 400
M€ de chiffre d'affaires chaque saison d'ici 2024, et faire partie des
vingt clubs générant le plus de revenus en Europe. Pour ce faire,
l'OL a dévoilé les contours de son « concept full
entertainment ». Nous allons tâcher de détailler les
objectifs de cette planification stratégique et les moyens mis en oeuvre
pour l'atteindre.
86
https://www.ecofoot.fr/olympique-lyonnais-modele-financier-singulier-3268/,
consulté le 29 mai 2019
89
3.4.1. Développement des infrastructures autour du
stade
Avant toute chose, il semble important d'établir une
liste des avantages liés à la possession de
son enceinte sportive :
- Récupérer l'intégralité des
recettes liés à la billetterie ;
- Récupérer l'intégralité des
recettes de merchandising liés à l'exploitation du stade ;
- Ne plus payer de loyer au propriétaire du stade ;
- Choisir le contenu des événements hors matches
et récupérer les revenus liés à cette
exploitation ;
- Choisir ses partenaires en fonction de ses besoins ;
- Développer une offre commerciale et marketing à
l'extérieur et l'intérieur du stade.
Les gains générés par le Groupama
Stadium sont d'abord liés à l'exploitation du stade durant les
matches de l'équipe professionnelle. Ainsi, les revenus de billetterie
ont progressé de façon spectaculaire avec l'entrée dans le
nouveau stade comme en témoigne le graphique en annexe n°22.
Pour développer cette activité, l'OL met en
place des abonnements B2C et B2B. L'instauration de nombreux espaces VIP et de
loges (au nombre de 105) à destination d'entreprises permet au club de
générer de plus gros revenus les jours de matches. La mise en
place d'une stratégie suivant le yield management87 pour
optimiser le remplissage du stade commence à porter ses fruits. Des
initiatives portant sur la gestion des données sont également
entreprises depuis plus d'un an au sein de l'équipe digitale.
Afin de rentabiliser le lourd investissement qu'implique la
construction de son stade, l'OL tend à faire de son stade un espace
ouvert au public sept jours sur sept. En effet, la possession de son enceinte
implique de lourds coûts opérationnels de gestion et de
maintenance.
L'organisation d'événements au sein de
l'enceinte est également en pleine progression, avec des
résultats visibles très rapidement et mis en exergue en annexe
n°22. Outre les événements déjà
programmés (Coupe du Monde féminine, concerts à venir
...), de nouveaux objectifs
87 « Le Yield Management consiste à moduler les
tarifs en fonction de la demande »,
https://mabilletteriesport.wordpress.com/outils-de-developpement/yield-management/
, consulté le 2 juin 2019
90
émergent en interne. Les projets
sélectionnés devraient permettre à l'OL de
générer de nouveaux revenus. Ainsi, le club cherche à
signer des accords avec des tourneurs professionnels pour l'organisation de
concerts au sein du stade. Cela augmenterait la fréquence des spectacles
et en faciliterait la logistique. La création d'un festival annuel de
musique est également en projet au sein du club pour dynamiser
l'activité autour du stade. De plus, la possibilité d'un tournoi
composé des meilleures équipes féminines mondiales est en
discussion. Outre cela, le conseil d'administration a témoigné
son envie d'étendre son réceptif « Grand séminaire
» de plus de 2.000 m2 pour répondre aux besoins de ses
partenaires B2B.
3.4.2. Le projet OL City
Au-delà de l'activité liée au stade en
lui-même, le véritable axe de croissance rendu possible avec la
construction du Groupama Stadium est le projet « OL City ».
L'objectif annoncé de ce projet est de faire du complexe autour du stade
un « lieu de vie 365 jours par an ». Les premières
étapes de ce projet ont déjà vu le jour en 2018 avec
l'ouverture du musée du club en mai et de l'hôtel Kopster en
octobre. Les nouveaux aménagements prévus d'ici 2021 comprennent
de nombreuses infrastructures permettant de faire du stade un lieu
incontournable. Ainsi, un pôle médical devrait voir le jour
courant 2019 suivi d'un immeuble de bureaux intitulé « Les loges
» et d'un centre de loisirs à horizon 2020. Le centre
médical est également pourvu d'un laboratoire d'analyses
médicales et de quinze spécialités. Quant au centre de
loisirs, de nombreuses activités sont prévues : laser game,
bowling, escape game, centre de sport, escalade
...
Toutes ces activités, déconnectées du
business model originel de l'OL, viennent entériner la nouvelle
stratégie de Jean-Michel Aulas. Le projet OL City porte pour ambition la
venue de plus de trois millions de visiteurs par an (contre 1,4 million lors de
la saison 2017/18). Fort de son potentiel immobilier, l'OL envisage même
la construction d'une salle événementielle afin de
compléter son offre actuelle. La construction d'une salle pouvant
accueillir jusqu'à 15.000 spectateurs est évoquée pour
permettre au club d'organiser des activités de spectacles et de
divertissement durant toutes les saisons. Au-delà des concerts, des
matches de basket de l'ASVEL pourraient y prendre place tout comme des
séminaires d'une plus grande ampleur. Le club rhodanien a
également comme projet l'extension du terrain foncier autour du stade
pour envisager une augmentation de son potentiel commercial exploitable.
91
3.4.3. Une nouvelle stratégie digitale adaptée
La clé du nouveau modèle économique de
l'OL est donc clairement le concept « full entertainment ». Outre les
aménagements prévus et les possibilités d'extension des
infrastructures, le club espère intensifier les revenus liés
à son développement « médias ». En plus des
droits TV dont il a déjà été question, le
développement médiatique de l'OL passe inévitablement par
une stratégie numérique adéquate. C'est en ce sens que
l'équipe digitale s'est renforcée ces dernières
années. En effet, la multiplication des activités du club et de
la marque globale ainsi que la complexification de la clientèle ont
entrainé une réorganisation en interne pour mieux répondre
aux différents besoins. 30 personnes sont aujourd'hui employées
à temps plein pour répondre aux besoins digitaux autour de
pôles d'expertise : Community, Fan Experience et Marketing.
Le Groupama Stadium est par la même occasion devenu le
premier smart stadium de France. Par smart stadium, il faut comprendre les
outils numériques mis à disposition du spectateur pour en
améliorer son expérience. Les objectifs d'un stade
connecté sont l'amélioration de l'expérience des
utilisateurs qui se rendent au stade mais également la
monétisation de leur temps passé au stade.
Mais alors, en quoi le Groupama Stadium est-il un stade
connecté ? Tout d'abord, l'installation de plus de 800 bornes Wi-Fi
permet à quelques 25.000 spectateurs de se connecter
simultanément88. Deux applications gratuites ont vu le jour -
« MyOL » et l'application du stade « Groupama Stadium » -
pour permettre notamment aux spectateurs de commander boissons et nourritures
directement via leur smartphone. Le stade est totalement « cashless
», seuls les paiements par le biais de l'application et en carte bancaire
sont acceptés. Outre cela, les applications proposent des services pour
faciliter la venue au stade (parkings, transports en commun, plan
d'accès, billet électronique ...), pour avoir accès
à des informations sur le match et même des images exclusives ou
encore pour pouvoir acheter des produits du club directement.
88
https://www.rtl.fr/actu/futur/le-parc-olympique-lyonnais-premier-stade-connecte-de-france-7781214509,
consulté le 5 juin 2019
92
Les données engrangées à travers ces
applications et les différents outils proposés par l'OL
améliorent le ciblage de ses spectateurs, et ce, permettant la
personnalisation des services proposés. La gestion des données
des utilisateurs devient un véritable enjeu pour les clubs. Il est
question de fidéliser les jeunes générations qui ont
grandi avec le digital. L'expérience au stade ne se limite
désormais plus au seul match de football en lui-même. Pour le
club, son développement passe par la diversification de ses services, et
notamment ceux offerts lors des rencontres au stade. Accroitre l'affluence et
la monétisation semble être l'objectif du club qui fait figure de
pionner sur la question de l'expérience spectateur et des services
proposés.
En définitive, l'OL fait figure de précurseurs
français sur les questions relatives au développement commercial
et financier. La direction a très tôt su cerner les
évolutions du secteur de l'industrie du football pour s'inspirer de
techniques empruntées au sport américain.
93
Conclusion
Le football européen a évolué au rythme
des transformations qui ont affecté la société
occidentale, devenue majoritairement libérale et capitaliste. Le
processus de financiarisation qui s'est démocratisé a
influé sur le fonctionnement même des clubs de football, au
même titre que les évolutions juridiques qui ont
généralement profité aux clubs les plus puissants. De
cette financiarisation, les points à retenir sont la diversification des
sources de financement des clubs qui est apparue au courant des années
1990 et l'influence grandissante des financeurs du football européen qui
ont désormais des motivations diverses. Toutefois, il est
indéniable de constater l'inopérante régulation du secteur
footballistique au niveau européen, qui a favorisé la
concentration des revenus et des forces sportives au sein d'un cartel de clubs.
Ce manque de contrainte budgétaire historique a fragilisé
l'équilibre compétitif des compétitions nationales et
supranationales. Tout compte fait, on observe un effet de mimétisme du
football sur la société civile. Le football n'est que le miroir
grossissant de ce que nous observons depuis le tournant financier pris par nos
sociétés occidentales : financiarisation de l'industrie, hausse
des inégalités et concentration des richesses chez les
très puissants. L'évolution de l'influence croissante des grands
clubs dans les décisions institutionnelles sera décisive pour
comprendre le futur visage du football européen. Pour l'heure, la
convergence d'intérêts entre les financeurs (groupes audiovisuels
et sponsors) et les grands clubs amène à penser que l'importance
de ces derniers ne va cesser de croitre, amenuisant une incertitude du
résultat déjà très affectée.
La financiarisation de l'industrie footballistique entraine
mécaniquement des fluctuations : le bien-fondé même d'un
club étant la maximisation de ses résultats, son activité
mène à un surendettement. Le système de ligue ouverte
présent en Europe couplé à la capacité de
négociation des joueurs poussent les clubs à des charges
élevées. Les grands clubs ne sont pas réellement
inquiétés par ces dépenses, à la différence
des clubs intermédiaires et inférieurs. Ces premiers sont
soutenus par d'importants financeurs et bénéficient de droits TV
(notamment grâce à la très lucrative LDC) très
élevés. L'absence de réglementation limitant cet
écart croissant de revenus fragilise l'équilibre
économique du football européen au profit de clubs ultra
puissants, accroissant le risque d'une crise financière du secteur.
Les nouvelles exigences de l'industrie footballistique
européenne obligent les clubs à s'adapter pour pouvoir être
compétitif. L'OL, fort de ses succès au début des
années 2000, a su saisir le
94
virage capitalistique du secteur en parvenant à
modifier son business model pour en tirer profit. Ainsi, la construction d'un
nouveau stade 100% privé a fait changer de dimension le club rhodanien.
Le nouveau modèle économique du club, au prix d'investissements
importants, lui permet de se fixer comme objectif de devenir l'un des vingt
clubs qui génèrent le plus de revenus d'ici cinq ans.
La volonté de l'OL d'axer son offre sur un concept de
« full entertainment » est le coeur de sa nouvelle politique. Cette
dernière s'inscrit dans une conception plus globale du groupe ; l'OL
n'est plus un simple club de football mais une véritable industrie du
divertissement. Au-delà de la progression quasi instantanée des
revenus, cela permet au club de déconnecter ses revenus de ses
résultats sportifs et d'en sécuriser une partie. Les nombreuses
concessions accordées aux entreprises permettent au club d'attirer une
clientèle B2B friande de nouveaux concepts. La modernisation de l'offre
du club en fait un véritable précurseur en la matière.
Elle lui permet de fidéliser de nombreux spectateurs tout en en attirant
de nouvelles catégories.
La direction a bien saisi les nouveaux enjeux relatifs
à la gestion d'un club de football d'envergure européenne et
apparait comme un acteur important de son secteur.
95
96
Annexes
Annexe n°1

Annexe n°2


97
Source : UEFA, Club Licensing Benchmarking Report: Financial
Year 2017
Annexe n°3

Source : Rapport Deloitte, Annual Review of Football
Finance, 2018
Annexe n°4


98
Source : UEFA, Club Licensing Benchmarking Report:
Financial Year 2017
Annexe n°5
Source : CIES Football Observatory
Annexe n°6

99
Source : UEFA, Club Licensing Benchmarking Report:
Financial Year 2017
Annexe n°7

Source : Boursorama
Annexe n°8

100
Source : CIES Football Observatory
Annexe n°9

Source : A.T Kearney
Annexe n°10

101
Annexe n°11

Source : Jérémie Bastien, « Le football
professionnel en Europe est-il en crise ? Une réponse
régulationniste », Revue de la régulation, 21
Annexe n°12

102
Annexe n°13

Source : CIES Football Observatory
Annexe n°14

103
Source : GLOBAL TRANSFER MARKET REPORT 2018, FIFA
Annexe n°15

Source : CIES Observatoire du football
Annexe n°16

Source :
newzoo.com
Annexe n°17

Source :
Ecofoot.fr
Annexe n°18

Source :
OL.fr
104
Annexe n°19

105
Source : Rapport financier semestriel 2018-2019
Annexe n°20

Annexe n°21

106
Annexe n°22

107
Bibliographie
Ouvrages :
Bourg J.F, Bouguet J.J., 2005, Économie du
sport
Danglade J-P., Maltese L, 2014, Marketing du sport et
évènementiel sportif
Drut B., 2011, Économie du football
professionnel
Jarosz O., Kornakov K., Söderman S., ECA Club
Management Guide
Kuper & Szymanski, 2014, Soccernomics: Why England
Loses, Why Spain, Germany, and Brazil Win, and Why the U.S., Japan,
Australia--and Even Iraq--Are Destined to Become the Kings of the World's Most
Popular Sport
Articles :
Aglietta M., Andreff W., Drut B., Bourse et football,
Revue d'Économie Politique, n° 2-2008 Andreff W., Staudohar
P., 2012, The Evolving European Model of Professional Sports Finance
Andreff W., Zoubidi B., 2016, La mondialisation économique du
football
Andreff W., 2011, Équilibre compétitif et
contrainte budgétaire dans une ligue de sport professionnel - Vers une
meilleure gouvernance du football français
Bastien J., Le football professionnel en Europe est-il en
crise ? Une réponse régulationniste, Revue de la
régulation
Bourg, J., 2008, Les très hauts revenus des
Superstars du sport. Un état des approches théoriques et
empiriques, Revue d'économie politique, vol. 118(3)
Brocard J.F., Marché des transferts et agents
sportifs : le dessous des cartes, Géoéconomie
n°54-2010
Cavagnac, M. & Gouguet, J.,2008, Droits de
retransmission, équilibre compétitif et profits des clubs,
Revue d'économie politique, vol. 118(2)
Dermit-Richard N., Scelles N., 2017, French DNCG
Management Control versus European UEFA Financial Fair Play: A Divergent
Conception of Financial Regulation Objectives
Dermit-Richard N., 2007, Régulation
financière et sport professionnel : les conditions de
l'indépendance du régulateur
108
Dermit-Richard, N., 2013, L'évolution juridique des
clubs de football : de l'association à la société
commerciale, RIMHE : Revue Interdisciplinaire Management, Homme &
Entreprise, 6(2)
Durand, E., Melero, V., Vallée, L. & Wehrli, Y.,
Football et télévision, l'amour à tout prix ?,
Géoéconomie, n°54-2010
Montchaud, S., Millereux, V., Cicut, N. & Dantin, P.,
2014, De l'intérêt de l'approche de l'économie
industrielle pour le management stratégiques : une application originale
aux clubs européens de football de l'élite, Vie &
sciences de l'entreprise, 197(1)
Paché, G. & N'Goala, G., 2011, Les
stratégies de création et d'appropriation de la valeur dans un
contexte d'incertitude majeure : le cas du football professionnel,
Management & Avenir, 46(6)
Riolo, D., 2010, Football et médias : un heureux
mariage de raison, Géoéconomie, 54(3)
Thiriez, F., 2014, Le football est-il une entreprise
comme les autres ?, Revue internationale et stratégique, 94(2)
Études, rapports :
Besson E., 2008, Accroître la
compétitivité des clubs de football professionnel
français
Braillard T., Buffet M.G., Deguilhem P., Huet G., 2013,
Rapport d'information déposé en application de l'article 145
du Règlement par la Commission des affaires culturelles et de
l'éducation sur le fair-play financier européen et son
application au modèle économique des clubs de football
professionnel français
CSA, 2017, Sport et télévision - Contributions
croisées ECA, 2012, Report on Youth Academies Deloitte,
2018, Annual Review of Football Finance Deloitte, 2019, Football
Money League DNCG, 2017/2018, Rapport financier du football
français DNCG, 2016/2017, Rapport financier du football
français FIFA, 2018, Global Market Report FIFA, 2018,
Transfer Window Analysis
109
Glavany J., 2014, Pour un modèle durable du football
français remis au Ministère des Sports, de la Jeunesse, de
l'Éducation populaire et de la Vie associative
IREP, 2017, Le marché publicitaire par
média
Observatoire du football CIES, Avril 2018, Rapport mensuel
n°34
Observatoire du football CIES, Février 2019, Rapport
mensuel n°42
OL Groupe, Document de référence de la saison
2017/2018
OL Groupe, Document de référence de la saison
2016/2017
OL Groupe, Rapport financier semestriel 2018/2019
UEFA, 2017, Club Licensing Benchmarking Report: Financial
Year
UEFA, 2017/18, Ligue des Champions : Distribution aux
clubs
UEFA, 2017/18, Ligue Europa : Distribution aux clubs
Terra Nova, 2011, Changer ou disparaitre : quel avenir pour
le football français ?
Xerfi, 2018, Les clubs de football professionnel
Sites web :
https://www.glossaire-international.com/pages/tous-les-termes/regle-des-3-d.html,
consulté le 24 janvier 2019
https://www.transfermarkt.fr/ligue-1,
consulté le 29 janvier 2019
https://fr.wikipedia.org/wiki/Arr%C3%AAtBosman,
consulté le 30 janvier 2019
https://www.sofoot.com/dagrosa-nous-sommes-la-pour-cinq-ou-dix-ans-460370.html
consulté le 29 janvier 19
https://rmcsport.bfmtv.com/football/bouleversement-a-nice-rivere-et-fournier-quittent-le-club-1609546.html,
consulté le 29 janvier 19
https://portail-ie.fr/analysis/1303/sport-power-la-strategie-dinfluence-du-qatar,
consulté le 24 janvier 2019
https://www.ol.fr/fr-fr/contenus/articles/2018/10/31/ol-ifc-nouveau-partenariat-sur-la-formation-en-chine,
consulté le 28 janvier 2019
110
https://rmcsport.bfmtv.com/football/toulouse-fc-conclut-un-partenariat-avec-le-club-chinois-de-shenzhen-942951.html,
consulté le 28 janvier 2019
https://www.losc.fr/actualites-foot-lille/les-premi%C3%A8res-losc-all-soccer-schools-en-chine,
consulté le 28 janvier 2019
https://www.francefootball.fr/news/Un-bureau-commun-a-la-fff-et-a-la-lfp-ouvert-a-pekin/778340,
consulté le 24 janvier 2019
http://www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/sporteco14sporsoranaming.pdf,
consulté le 31 janvier 2019
https://www.allianz.com/en/about-us/sports-culture/stadiums.html,
consulté le 31 janvier 2019
https://www.ecofoot.fr/taux-remplissage-football-francais-1895/,
consulté le 5 février 2019
https://www.ecofoot.fr/girondins-bordeaux-modele-autosuffisant-4487/,
consulté le 5 février 2019
https://www.sportbuzzbusiness.fr/analyse-contrat-sponsoring-record-entre-fc-barcelone-nike.html,
consulté le 5 février 2019
https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Football-leaks-quand-l-uefa-s-inquiete-des-inegalites-croissantes-dans-le-football-de-clubs/957181,
consulté le 19 février 2019
https://www.mediapart.fr/journal/international/081118/l-uefa-discreditee-le-football-en-peril,
consulté le 19 février 2019
http://latta.blog.lemonde.fr/2016/09/20/ligue-des-champions-luefa-privatise-son-carre-vip/,
consulté le 19 février 2019
https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Les-chiffres-vertigineux-du-contrat-de-lionel-messi-paye-plus-de-100-m-euro-par-an-au-fc-barcelone/866154,
consulté le 25 février 2019
https://www.letemps.ch/sport/fan-moderne-revolutionnaire,
consulté le 25 février 2019
http://www.leparisien.fr/sports/football/football-leaks-quand-certains-clubs-europeens-veulent-une-competition-fermee-03-11-2018-7934487.php,
consulté le 26 février 2019
https://www.lesechos.fr/sport/football/afp-00667979-uefa-pas-de-super-ligue-tant-que-ceferin-et-agnelli-sont-la-2242907.php,
consulté le 28 février 2019
https://www.lesechos.fr/sport/football/afp-00667979-uefa-pas-de-super-ligue-tant-que-ceferin-et-agnelli-sont-la-2242907.php,
consulté le 28 février 2019
111
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/07/17/la-dncg-le-gendarme-meconnu-du-football-francais44590304355770.html,
consulté le 12 mars 2019
https://www.lemonde.fr/sport/article/2013/08/09/une-ville-un-club-de-foot-pro-l-autre-exception-francaise34594893242.html,
consulté le 28 mars 2019
http://www.leparisien.fr/sports/football/formation-des-footballeurs-aujourd-hui-on-ne-raterait-plus-griezmann-07-08-2018-7846230.php,
consulté le 3 avril 19
https://www.ibtimes.co.uk/mauricio-pochettino-i-am-head-coach-tottenham-not-manager-1477305,
consulté le 23 avril 19
http://www.museedesverts.fr,
consulté le 24 avril 19
https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Ligue-des-champions-le-huis-clos-coutera-5-millions-d-euros-a-l-ol/945638,
consulté le 12 mai 19
http://www.leparisien.fr/sports/football/olympique-lyonnais-groupama-stadium-les-coulisses-de-l-accord-25-08-2017-7212162.php,
consulté le 12 mai 19
https://olentreprises.com/seminaires/379/seminaires-groupama-stadium?a=0,
consulté le 12 mai 19
https://www.ecofoot.fr/interview-david-banget-olympique-lyonnais-croissance-ecommerce-2347/,
consulté le 13 mai 2019
https://www.forbes.fr/management/strategie-numerique-de-lolympique-lyonnais-interview-de-david-banget-directeur-du-digital/?cn-reloaded=1,
consulté le 13 mai 2019
https://www.challenges.fr/immobilier/attractivite-economique-des-villes-en-france-palmares-2018623255,
consulté le 20 mai 2019
https://www.estrepublicain.fr/sport/2019/02/18/football-la-strategie-payante-de-lyon,
consulté le 22 mai 2019
https://www.transfermarkt.fr/olympique-lyon/startseite/verein/1041,
consulté le 20 mai 2019
https://newzoo.com,
consulté le 20 mai 2019
https://www.ol.fr/fr-fr/contenus/articles/2017/01/30/communique-lolympique-lyonnais-se-lance-dans-lesports-29529,
consulté le 28 mai 2019
https://www.ecofoot.fr/olympique-lyonnais-modele-financier-singulier-3268/,
consulté le 29 mai 2019
112
https://www.groupama-stadium.com/club-structure-financiere-et-ol-city/,
consulté le 30 mai 2019
https://www.sportbuzzbusiness.fr/olympique-lyonnais-vise-les-400me-de-chiffre-daffaires-dici-5-ans-avec-un-concept-de-full-entertainment.html,
consulté le 30 mai 2019
https://www.rtl.fr/actu/futur/le-parc-olympique-lyonnais-premier-stade-connecte-de-france-7781214509,
consulté le 5 juin 2019
Thèses :
J-F. Bourg, Thèse, 2012, Contribution à une
analyse économique des marchés du sport professionnel : Une mise
en perspective théorique et empirique
J. Bastien, Thèse, 2017, Le football professionnel
européen dans un système capitaliste financiarisé en crise
: une approche régulationniste des facteurs de changement
institutionnel
Lois :
Loi n°84-610 du 16 juillet 1984 relative à
l'organisation et à la promotion des activités physiques et
sportives
Loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le
développement de la participation et de l'actionnariat salarié et
portant diverses dispositions d'ordre économique et social
113
Table des matières
RESUME 3
SOMMAIRE 4
GLOSSAIRE 6
INTRODUCTION 7
1. LE PASSAGE D'UNE ERE INDUSTRIELLE A UNE ERE
FINANCIARISEE DU FOOTBALL 8
1.1. LE PASSAGE A UN MODELE D'ECONOMIE DE MARCHE 8
1.1.1. D'associations à sociétés
commerciales : l'évolution juridique des clubs français 8
1.1.2. Une financiarisation du football 12
1.1.2.1. Les acteurs audiovisuels 13
1.1.2.2. Les investisseurs privés 18
o Les propriétaires de clubs 18
o Les entreprises qui sponsorisent les clubs 27
1.2. LES CONSEQUENCES ECONOMIQUES DE LA FINANCIARISATION
30
1.2.1. De nouvelles sources de revenus pour les clubs : le passage de
la structure SSSL au modèle MCMMG 30
1.1.1. Le modèle européen arrive-t-il à
ses limites ? 38
1.1.1.1. Des revenus toujours plus élevés mais
toujours plus inégaux 38
1.1.1.2. Une inflation salariale et un accroissement de la
mobilité des joueurs 41
1.1.1.3. Vers la création d'une ligue fermée ?
46
2. LA GESTION D'UN CLUB DE FOOTBALL FRANÇAIS
51
2.1. CARACTERISTIQUES DU FOOTBALL FRANÇAIS 51
2.1.1. Contrôle financier et audit annuel : une
meilleure gouvernance que ses voisins ? 51
2.1.2. Un retard sur ses voisins européens 54
2.1.2.1. Un retard financier sur ses voisins européens
55
2.1.2.1.1. Billets à prix réduits + affluence
faible 55
2.1.2.1.2. Peu de clubs sont propriétaires de leur stade
57
2.1.3. Un système de formation reconnu : les clubs
français sont des exportateurs de talents à
l'international mais restent dépendants des ventes de
joueurs 58
2.2. LES ACTIVITES SPORTIVES 60
2.2.1. Le choix de la structure organisationnelle 61
2.2.1.1. Rôle de l'entraineur 61
2.2.1.2. Rôle d'un « General Manager » 61
2.2.2. Le recrutement de joueurs 62
2.2.3. Vision long-terme 64
2.2.3.1. Philosophie du club 64
2.2.3.2. Gestion des effectifs 65
2.2.3.3. Développement du centre de formation 66
3. LE CAS DE L'OLYMPIQUE LYONNAIS 68
3.1. PRESENTATION DE L'OL 68
3.1.1. Histoire de l'OL 68
3.2. ANALYSE DE L'ENVIRONNEMENT ET D'OL GROUPE 69
3.3. RESULTATS OBTENUS 79
3.3.1. Des revenus en hausse 80
3.3.1.1. Produits des activités 80
3.3.2. Un bilan en progression 85
o Actif 85
o Passif 86
3.4. UN NOUVEAU MODELE ECONOMIQUE BASE SUR L'EXPLOITATION DE SES
INFRASTRUCTURES SPORTIVES 87
3.4.1. Développement des infrastructures autour du
stade 88
3.4.2. Le projet OL City 89
114
