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Le personnel politique et diplomatique camerounais dans le fonctionnement et le processus de prise de décision à l'assemblée générale des nations-unies (1960-2017)


par Ezekiel ZANG NGBWA
Université de Yaoundé I - Master 2021
  

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2. Les critères politiques et stratégiques

Étroitement liés aux critères académiques et techniques évoqués plus haut, les critères politiques et stratégiques tiennent également compte d'un certain nombre de facteurs tant subjectifs qu'objectifs, de même que les aspects politiques et stratégiques dans la désignation des acteurs de la diplomatie onusienne du Cameroun se confondent parfois, pour ne pas dire très souvent, tant ils sont intimement liés.

De prime abord, on notera qu'à la veille comme aux toutes premières heures de l'accession du Cameroun à l'indépendance et à la souveraineté internationale, les critères de choix des acteurs de la diplomatie camerounaise en général et de la diplomatie onusienne du Cameroun en particulier furent essentiellement politiques, et donc, dans une certaine mesure, subjectifs. En effet, lorsqu'on examine minutieusement les profils des premiers diplomates camerounais, on se rend compte qu'ils furent, pour la plupart, et chacun à un certain degré, des proches, des amis du président camerounais d'alors, Ahmadou Ahidjo. Ainsi en est-il par exemple de Christian-Tobie Kuoh et Haman Dicko, Charles Okala et Jean François Bétayéné, futur ambassadeur pour le premier, et futurs ministres des Affaires étrangères pour les deux derniers. Il conviendrait de souligner que ces quatre personnalités furent d'une très grande aide et d'un très grand soutien dans l'ascension politique de l'ancien chef de l'Etat. Leur désignation apparaît donc ainsi comme une application de la règle selon laquelle « la politique est un jeu de donnant-donné `'. En d'autres termes, la désignation et la nomination de ces personnalités à des responsabilités politico-diplomatiques relève d'une récompense politique de la part du décideur. Néanmoins, il faudrait relever que certaines d'entre ces personnes avaient dans leur manche un certain nombre d'atouts, à l'instar d'Okala. Ancien sénateur à l'Union française, fervent défenseur des causes gouvernementales et coloniales à la tribune des Nations-Unies, il apparaît donc comme une personne assez rôdée pour défendre les intérêts du Cameroun et de son dirigeant sur la scène internationale, surtout dans ce contexte où une grande partie de la communauté internationale se montrait plutôt hostile au gouvernement camerounais en place.138(*)

De plus, en sa qualité d'ancien sénateur à l'Union française, Okala dispose également d'un autre atout : disposant potentiellement de nombreuses et solides relations nouées à Paris tout au long de son séjour au palais Bourbon, il se présente ainsi comme une courroie de transmission solide entre Paris et Yaoundé. Or, faudrait-il le rappeler, l'assistance française est très capitale au Cameroun en ce moment où le pays fait face à de très graves troubles internes et à une récession économique, conséquence de ces troubles.

Les bases de la diplomatie camerounaise ainsi jetées dès les premières heures de l'indépendance sont celles qui vont prévaloir à long terme, même si viendront s'ajouter par la suite les valeurs académiques et techniques mis en exergue plus haut. À l'analyse, parler de critères stratégiques dans le choix des acteurs à la fois de la politique étrangère et de la politique onusienne du Cameroun renvoie à trois éléments essentiels, certains rejoignant parfois ceux des premiers critères cités plus haut : l'expérience dans l'administration des affaires diplomatiques ou politiques, l'expérience dans la fonction publique internationale, et l'expérience académique.

Si la nomination à des fonctions de responsabilité dans les affaires diplomatiques commande, entre autres, un parcours atypique préalable pour les intéressés, cela implique la maîtrise et la connaissance par ces derniers, des rouages et des enjeux d'un domaine aussi crucial et délicat que la coopération entre le Cameroun et l'ONU. Ce facteur constitue également un tremplin pour l'accession à des hautes fonctions dans le système onusien. Dans le premier cas de figure, on peut citer, en guise d'illustration, les cas de Martin Belinga Eboutou et de Michel Tommo Monthé qui, fort de leur expérience aussi bien dans les services de la Présidence de la République qu'au Ministère des Affaires étrangères, se sont vu confier, respectivement la présidence du Conseil de sécurité et la vice-présidence de l'Assemblée générale. Le cas le plus illustrant est cependant celui de Martin Belinga Eboutou, car, faudrait-il le rappeler, la présidence du Conseil de sécurité lui a été confiée au moment où ladite instance devait se prononcer sur une question à la fois complexe et notoire, à savoir l'intervention américaine en Iraq.139(*) Ainsi, la considération par le décideur du facteur parcours entre également en droite ligne avec la politique et la stratégie camerounaise de placement des nationaux dans la fonction publique onusienne.

L'expérience dans la fonction publique internationale quant à elle, outre qu'elle implique également la maîtrise des rouages et des enjeux du monde diplomatique par les intéressés, les pare également d'un autre atout, à savoir celui de la reconnaissance internationale, laquelle implique à son tour la détention d'un « carnet d'adresses `' consistant pour les personnes concernées, facteur crucial pour d'éventuels jeux de lobbying. Ainsi en est-il de Ferdinand Oyono et de William Etéki Mboumoua. Le premier avait déjà commencé par établir sa notoriété sur le plan culturel, 140(*) avant de se rôder pendant plus de vingt années dans le système international, dont environ une quinzaine dans le système onusien. Cette notoriété internationale lui a valu d'occuper, entre autres, les fonctions de ministre des relations extérieures et d'être, jusqu'à sa mort, une éminence grise de la diplomatie camerounaise.141(*) Pour le second, sa qualité d'ancien secrétaire général de l'Organisation de l'Unité africaine n'aura certainement pas été étrangère à sa désignation, en 1984, au poste de ministre des Affaires étrangères.

Au même titre que le facteur du parcours, le facteur de l'expérience académique implique la connaissance par le « candidat `' au poste de ministre des Relations extérieures ou de représentant permanent du Cameroun à l'ONU la connaissance des enjeux et rouages du système diplomatique, lorsqu'on considère par ailleurs qu'une carrière universitaire peut aussi ouvrir la voie à une carrière de consultant dans diverses instances internationales. De ce qui précède, on pourrait donc déduire que c'est sans doute dans cet ordre d'idée que les Professeurs Moukoko Mbonjo et Augustin Kontchou Kuomegni, éminences grises des sciences politiques et des relations internationales, ont été nommés aux fonctions de ministre des relations extérieures, respectivement les 09 avril 1997 et 09 décembre 2011.

Enfin, à travers le cas de Ferdinand Oyono, on apprend également que la notoriété personnelle, indépendamment de l'expérience politico-diplomatique des postulants, peut également constituer un atout stratégique majeur dans le choix des acteurs de la diplomatie onusienne du Cameroun. En effet, il demeure certain que la notoriété acquise par Oyono grâce à ses trois oeuvres littéraires que nous avons déjà eu à citer, n'a pas échappé au président Ahidjo lorsqu'il décidait de faire de lui, à l'aube de l'indépendance, le représentant permanent du Cameroun aux Nations-Unies.

Le régime de tutelle, naquit à la suite de la dissolution de la SDN au profit de l'Organisation des Nations-Unies. Il revêtait un enjeu global (la libération des peuples dominés), et des enjeux spécifiques pour le Cameroun (maintien du futur Etat indépendant dans le giron des anciennes puissances coloniales, et l'avenir des politiciens autochtones dans le jeu politique dudit Etat). C'est fort de ce vent de liberté général et des aléas de la politique intérieure que les nationalistes camerounais exportèrent leurs velléités dans les tribunes onusiennes.

Toutefois, leurs revendications étaient loin d'être convergentes. Si les uns militaient pour une indépendance immédiate précédée par une réunification des deux Cameroun, les autres militaient en faveur d'une indépendance progressive, remettant la question de la réunification à plus tard. Les thèses des seconds l'emportèrent, conduisant de ce fait à l'accession de ces derniers à la tête du nouvel Etat.

Du fait que le nationalisme camerounais ait été confisqué par des «pseudo-nationalistes», cette indépendance fut taxée de «fantoche» par une bonne partie de l'opinion nationale et internationale. La fin de la période de tutelle ne mettra cependant pas fin aux relations Cameroun-ONU., et ceci pour bon nombre de raisons.

Au lendemain de son accession à l'indépendance, le Cameroun fait face à de graves troubles internes matérialisés par la guérilla upéciste, et à une récession économique subséquente. Bien que ces troubles aient pris fin à 1971 avec l'exécution d'Ernest Ouandié, dernier chef notoire de cette guérilla, et bien que le Cameroun ait connu, à partir de cette décennie 1970, une prospérité particulièrement remarquable, il ne demeurera cependant pas un ilot de paix, de sécurité et de prospérité. En effet, depuis la fin des années 1980, le pays fait face à de nombreuses difficultés : troubles internes avec ce qu'on a appelé «les années de braise»,142(*) récession économique, et depuis une période très récente attentats terroristes dans la partie septentrionale et anglophone du pays. Il ne faudrait pas perdre de vue que le pays appartient à l'ensemble appelé régulièrement «le Tiers-Monde », c'est-à-dire au groupe de ceux que Bertrand Badié appelle «les humiliés des relations internationales».

Tout cet ensemble de faits justifie la présence du Cameroun dans des instances internationales comme l'Assemblée générale des Nations-Unies, instance qui constitue une occasion d'utiles rencontres. Les acteurs les plus actifs dans ce volet de la diplomatie camerounaise sont, outre le Président de la République qui assure les fonctions d'élaborateur et d'ordonnateur, le ministre des Relations extérieures et le représentant camerounais à l'ONU, lesquels jouent les rôles respectifs de coordonnateur et de porte-étendard. Ces derniers sont généralement choisis en fonction de leurs compétences académiques et/ou de leur expérience professionnelle, parfois aussi en fonction de leur proximité avec le chef de l'Etat, chef suprême de la diplomatie camerounaise. Au rang de leurs nombreuses missions, on a la défense des intérêts et de l'image de leur pays

* 138 Il s'agit surtout de la frange acquise au bloc communiste, soit en très grande partie les pays de la communauté dite des `' non-alignés `'. Ceux-ci, non seulement apportaient ouvertement leur soutien politique, diplomatique et même logistique pour certains, mais n'hésitaient pas à parier sur la stabilité et la longévité du nouveau chef de l'Etat camerounais.

* 139 Archives u Ministère des Relations Extérieures, Dossier Cameroun-ONU : Intervention de l'Ambassadeur Martin Belinga Eboutou au Conseil de Sécurité des Nations-Unies, No 2424.

* 140 Ferdinand Oyono a publié trois oeuvres littéraires qui ont eu un très grand écho dans les milieux scolaires et littéraires africains et même internationaux, à savoir : Le vieux nègre et la médaille, Une vie de boy, et Chemin d'Europe.

* 141 Etoa Oyono, «Ferdinand Oyono''...

* 142 F. Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya, Paris, Karthala, 2011, p. 46.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci