B. DE LA MISSION D'OBSERVATION À LA MISSION
D'INTERVENTION ET DE COOPÉRATION
Les violations régulières des droits de l'Homme
documentées par le BCNUDH et les autres organisations transnationales
comme Amnisty international et Human Right Wach sont à l'est du Congo.
Violations qui sont les fruits de l'instabilité et de
l'insécurité liées à la permanence des groupes
armés sont un facteur de légitimation des interventions
militaires de la Monusco. D'une mission d'observation à une mission
d'intervention, la mission des Nations Unies en République
Démocratique du Congo est toujours en quête de
légitimité à travers des négociations
renouvelées. Dans ce point, je cherche ainsi à montrer comment se
matérialise cette quête de légitimité.
Avec la résolution 2409 (20218)200
renouvelant le mandat de la Monusco, malgré l'ampleur des contestations
initiées par les différents mouvements citoyens, hostiles
à la présence des Casques Bleus à l'Est de la
République Démocratique du Congo, l'ampleur de
l'insécurité et les tueries de populations villageoises, ont
permis à la Monusco de rejouer les cartes de la coopération
militaro-civile. Dans son compte-rendu de l'actualité des Nations unies
en République Démocratique du Congo du 28 octobre 2020, l'ONU
recense un total de 3702 activités opérationnelles impliquant les
patrouilles de jours comme de nuits, les escortes et les reconnaissances
aériennes. Dans ce compte-rendu, on peut lire que « l'objectif
prioritaires de ces opérations étant de renforcer la protection
de la population »201. À travers le concept de
coopération, la Monusco mène ses activités
militaro-civiles avec les acteurs nationaux, internationaux et transnationaux.
Ajoutant à cela, de la génie civile (construction et
réhabilitation de routes et d'écoles) et du renforcement des
capacités des acteurs locaux, la
200 Nations Unies, S/RES/2409 (2018).
201 ONU, Compte-rendu de l'actualité des Nations unies
en RD à la date du 28 octobre 2020.
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Force d'intervention intensifie les activités de
sensibilisation et de prévention contre la violence au profit des
populations dans tous les secteurs.
Toujours dans la même dynamique de coopération,
pour renforcer la discipline et la bonne conduite de troupes, la Force
d'intervention organise des formations de ces points focaux contre la
prévention des abus sexuels dans tous les secteurs.
1. Coopération FARDC-MONUSCO : Brigade
intervention militaire
L'adoption à l'unanimité de la résolution
2463 (2019) par les membres du Conseil de sécurité sur le mandat
de la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en
République Démocratique Congo, a radicalement modifié les
rapports entre la Monusco à travers sa Brigade d'intervention et les
Forces Armées de la République Démocratique du Congo. Ce
nouveau prolongement à « titre exceptionnel » de la brigade
d'intervention, obtenu dans un contexte où la contestation à
l'égard de la Mission avait atteint son point
d'irréversibilité, permet de réinterroger les rapports de
force entre « le centre et la périphérie »202 pour
reprendre les termes d'Immanuel Wallerstein.
Présentée sous le label de la coopération
entre le local et le global, la stratégie de légitimation de la
Mission apparait rassurante et permet de redorer l'image d'une Monusco
contestée localement. Pour montrer que l'ONU n'a pas pour vocation de
rester de façon permanente en République Démocratique du
Congo, le Conseil de sécurité joue le jeu de la
sérénité dans l'optique de postuler une séparation
en douceur en proposant de réduire le délai des interventions
conjointes MONUSCO-FARDC : « Ce délai minimum de neuf mois sera
également mis à profit pour préparer `'dans le
sérénité» le dialogue stratégique et la
stratégie de sortie en douceur et sans heurts de la MONUSCO
»203. Comme pour les autres résolutions, le texte de la
résolution 2463 (2019) rappelle les deux priorités
stratégiques de la Monusco qui sont la protection des civils et la
stabilisation de la République Démocratique du Congo. De ces deux
priorités, s'ajoute la question de renforcement des institutions de
l'État. Mais la question de la volonté de l'ONU à mettre
fin de façon totale aux groupes armées qui sèment la
terreur à l'Est de la RDC mérite d'être posée.
Tout porte à croire à tort ou à raison
que l'ONU n'a pas pour vocation d'aider de façon sincère la RDC
à éradiquer les groupes armés. Lorsqu'on lit le texte des
différentes résolutions,
202 Immanuel Wallerstein, Comprendre le
monde. Introduction à l'analyse des systèmes-monde, Paris,
La Découverte, 2009.
203 Mission de l'Organisation des Nations
Unies pour ls stabilisation en RDC, Échos de la Monusco, Vol. X
- N°87, Mars 2019, p. 4.
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l'on constate que, très souvent, le Conseil de
sécurité s'évertue à condamner les groupes
armés opérant dans l'Est de la République
Démocratique du Congo plutôt que d'accompagner efficacement les
FARDC à l'éradication totale de ceux-ci. Le Conseil demande
généralement au gouvernement congolais dans ses
résolutions, de mener des nouvelles opérations militaires dans le
respect du droit international mais aussi de promouvoir les approches non
militarisées. D'où toute la question est de savoir comment
peut-on imaginer que la Monusco au travers de sa brigade d'intervention puisse
éradiquer des groupes armés et en même promouvoir une
approche non militaire face à ceux qui sèment la terreur en
faisant de la violence une règle de vie ? L'appui politique dans
l'idée du renforcement démocratique peut-il objectivement
porté ses fruits dans le contexte où les recours à la
violence armée sont permanents ?
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