WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La MONUSCO dans le résolution des conflits: entre contestation locale et légitimation global


par Bernard POPO-E-POPO
Université Paris 8 Vincennes Saint Denis - Master 2 2020
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Introduction

Cette première partie se charge d'étudier la manière dont se construit la rhétorique contestataire autour de la présence de la Mission de l'Organisation des Nations Unies en pour la stabilisation du Congo. Je montrerai comment un tel discours conditionne les rapports entre la Monusco d'une part, et les acteurs étatiques et non étatiques (en l'occurrence les mouvements citoyens, les ONGs, la Société civile) d'autre part. Pour y parvenir, j'étudierai d'abord le concept de contestation dans son assertion politique en montrant d'une part le contexte d'émergence de la contestation locale face à la Monusco (A), et d'autre part comment la contestation constitue l'une des modalités de la gestion politique en République Démocratique du Congo (B).

A. CONTEXTE D'EMERGENCE DE LA CONTESTATION LOCALE

Comment s'est construit au fil du temps le discours contestataire et hostile à la mission des Nations Unies en République Démocratique du Congo ? Telle est la question à laquelle ce point tentera de répondre. Dans l'interprétation que propose Georges Lavau, il semble aller de soi que la contestation politique est un stade plus radical ou plus élémentaire que l'opposition politique, qu'elle n'obéit à aucune règle conventionnelle. On se serait alors tenté d'en déduire que la marge qui sépare la contestation de la révolte, de la rébellion, ou de l'insoumission est mince. Il est cependant peut-être prématuré d'aboutir à de telles conclusion car rien ne prouve a priori que les conséquences pratiques de toute opposition, même si elle reste canalisée dans des formes légales, soient moins graves pour le fonctionnement du système politique que celle de la contestation18. Deux formes de contestation contre la Monusco méritent d'être d'étudiées. Il y a tout d'abord la rhétorique contestataire développée par les autorités politiques et étatiques ; il y a ensuite les rhétoriques contestataires émergeant à travers les mouvements citoyens. Cette deuxième forme de discours est parfois marquée par la violence. Une fois ces

18 Georges Lavau, Op. Cit., La contestation politique, In Courrier hebdomadaire du CRISP, 1970/15 (N°480) pages 1 à 21.

15

discours étudiés, nous poserons la question de savoir si la Mission des Nations Unies en République Démocratique du Congo est-elle une réussite, un échec ou si elle relève d'une stratégie de domination.

1. Contestation de la Monusco par les autorités étatiques

La rhétorique contestataire à l'égard de la Mission des Nations Unies en République Démocratique du Congo est souvent développée pendant des moments de guerres, de débordement de violence y compris pendant la période électorale (il s'agit précisément de la période préélectorale, période électorale et poste électorale). Très souvent, l'on constate qu'une telle rhétorique est généralement utilisée par les acteurs politiques, en l'occurrence ceux qui sont au pouvoir. Comme je l'ai évoqué à l'introduction, l'an 2009 marque un moment important du discours contestataire par les autorités politico-étatiques du rôle de la Monusco sur ses engagements dans les opérations de maintien de la paix. Le président Joseph Kabila n'avait pas hésité de demander aux responsables de la Monuc (actuellement Monusco) le retrait progressif des troupes des Casques Bleus à échéance 2011. Cette demande du retrait de la Mission de l'ONU en République démocratique du Congo s'inscrivait dans un contexte préélectoral où le pouvoir de Kinshasa subissait de grandes critiques aussi bien sur la scène nationale qu'internationale. Au niveau la national, la population reprochait au pouvoir de Kinshasa de manquer à ses responsabilités d'assurer la sécurité de la population, notamment dans les régions de Kivus et en Ituri. Rongé par des mouvements insurrectionnels et les groupes armés, le pays était dans une forme d'instabilité pérenne, la même instabilité s'est intensifiée au cours des dernières années jusqu'à aujourd'hui. Dans le 31ème rapport de l'ONU du 30 mars 2010, rapport qui dresse le bilan des actions de la mission onusienne en République Démocratique du Congo, on peut lire ceci :

« Malgré les progrès importants réalisés en 2010 dans le cadre des efforts déployés pour tenir compte de la présence de groupes armés étrangers et congolais dans l'Est de la RDC, ceux-ci ont continué de constituer un danger pour la sécurité des civils et une source d'instabilité générale dans les Kivus et dans certaines parties de la province Orientales. Les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) ont continué de mener des attaques des représailles contre les civiles. De plus, certains éléments des organismes nationaux de sécurité ont continué de commettre des graves violations de droits de l'homme... »19.

19 Conseil de sécurité des Nations Unie, Trente et unième rapport du Secrétaire général sur la Mission de l'Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo. S/2010/164.

16

Ce qui l'on constate à première vue dans ce rapport, c'est qu'il revient sur le fait que l'insécurité dans le Kivus et en Ituri demeure persistante. Il s'agit d'une insécurité pérenne dans la mesure où plusieurs acteurs nationaux et étrangers sèment la terreur au sein des populations locales et que chaque jour l'on ne cesse de compter des morts. Parmi les acteurs qui continuent à mener des attaques sporadiques contre les civiles, le rapport de l'ONU cite les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) composés généralement des anciens génocidaires des Tutsis. Il y a également l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) qui est un groupe composé des rebelles ougandais qui persécutent les populations aussi bien en République Démocratique du Congo qu'on Ouganda. Il y a en outre les rebelles Maï-Maï généralement composés des congolais se réclamant un groupe d'auto-défense contre les milices étrangères. J'y reviendrai sur l'itinéraires de ces acteurs dans la deuxième partie. Dans ce contexte d'insécurité persistante, les responsables de l'ONU en République Démocratique Congo soulignent que le souhait pour les responsables politiques du pays de se débarrasser des Casques Bleus avait un caractère prématuré. Le représentant spécial de la Monusco encore Monuc en jusqu'en 2010, Ban Ki Moon mettait en avant le caractère irréaliste des attentes des autorités du Congo au regard de la situation stratégique à l'intérieur du pays. Pour lui, un retrait trop rapide des troupes onusiennes risquait de provoquer une résurgence de la violence, susceptible d'anéantir tous les efforts consentis jusque-là par la communauté internationale. Ces deux points de vue totalement aux antipodes mettaient les autorités congolaises et la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation du Congo dans une forme de tension. C'est dans ce cadre précis que va se développe la rhétorique contestataire des responsables politiques congolais à l'égard de la mission.

En effet, la rhétorique contestataire développée par les autorités congolaises à l'égard de la Monusco s'appuie sur le principe de la souveraineté et de la non-ingérence. En convoquant la Charte de l'ONU, le pouvoir de Kinshasa, extrêmement sensible à tout signe de tutelle extérieure et évoquant volontiers le principe de souveraineté, semble souvent sans appel. Cette contestation basée sur le principe de la souveraineté de non-ingérence est parfois accompagnée d'un appel au retrait de la Monusco à chaque fois que le pouvoir entre en tension avec la Mission. Le discours contestataire du président Kabila sur la présence des Casques Bleus en 2018 à l'Assemble générale de l'ONU montrant les résultats largement mitigés sur le plan opérationnel de la Monusco et réclamant le retrait de cette force multilatérale, est ici éloquent pour le signaler. Le fait de demander aux forces onusiennes de se retirer du territoire congolais permet de poser la question de savoir si la confiance de l'État congolais en sa capacité à gérer seul la situation sécuritaire sur base du principe de souveraineté n'est-il pas à nos jours

17

problématiques au regard de l'instabilité liée aux groupes armés et des milices insurrectionnelles. Il se pose dans le même coup la question de la stratégie mise en place pour mettre fin aux conflits et violences dans les Kivus et en Ituri. Le contenue de la demande de retrait de la Monusco est-il en adéquation aux particularités que présentent les multiples groupes armés qui prolifèrent au regard de la logique de la contre-insurrection ? Il s'agit ici de voir la nature de la réponse conjuguée de l'État congolais et de la Monusco aux problèmes posés par les différents groupes armés et les milices rebelles qui continuent à semer la terreur et à la distiller la haine entre les populations. Dans les paragraphes qui suivent, mon analyse se focalisera particulièrement sur l'aspect politique et sécuritaire. L'objectif étant de comprendre le contexte dans lequel émergent les contestations politiques qui alimentent les tensions entre la Monusco et l'État congolais.

1.1.La défiance permanente de l'État congolais

Pour comprendre le cadre d'émergence de la rhétorique contestataire sur la présence de l'ONU en République Démocratique du Congo, il parait important de revenir sur l'histoire politique du pays. En effet, plusieurs études sur la République Démocratique du Congo associent la faiblesse de l'État à son histoire politique. Ilinca Mathieu considère l'État congolais comme étant « une institution structurellement défaillante, dont la faiblesse est à la fois cause et conséquence des défis qu'elle doit affronter »20. Ceci étant, les aspirations de l'autonomie, de l'autodétermination et les appétits de la sécession des provinces qui ont pris aujourd'hui la forme de la balkanisation sont ici remarquables pour le signaler. Comme on peut le voir dans le même ordre d'idées, quelques jours après l'indépendant du Congo, la province du Katanga proclamait déjà son indépendance, suivi de la province du Kasaï. Ce qui marque les premiers coups de boutoir à l'unité et à l'instabilité du Congo. Cette première forme d'incertitude rendra nécessaire le déploiement de la première opération de maintien de la paix de l'ONU au Congo appelée ONUC21. Cependant, cette mission onusienne ne règlera le problème que de façon précaire, car les « deux guerres du Shaba » qui est l'actuel Katanga de 1977 et 1978 obligeront le président Joseph-Désiré Mobutu à se tourner vers la France et le Maroc pour contrer l'intervention des ex-gendarmes katangais venus d'Angola puis de la Zambie. Bien au-delà de ces tentatives de sécession appuyées par des forces étrangères, le Congo, écrit Ilinca Mathieu,

20 Cfr. Ilinca Mathieu, La contre-insurrection en République démocratique du Congo : Le défi des « forces négatives », ESKA / « Sécurité globale », 2010/4 N°14/ pages 97 à 110.

21 Ibid.

18

« est également un État politiquement fragilisé de l'intérieur »22, notamment avec l'instauration du parti unique de Mobutu qui contraint l'opposition à la clandestinité, ce qui occasionnera le recours des opposants aux armes. Dépassé par les événements, l'impossibilité de Kinshasa à asseoir son autorité sur les provinces les plus éloignées de la capitale a permis aux différentes milices insurgées de tirer un revenu substantiel, prolongeant par voie de conséquence leur résistance. Les richesses de ces provinces font également état de convoitise et sont la cible d'attaques étrangères directes, en l'occurrence l'illustre trafic des minerais organisé par le Rwanda et l'Ouganda dans les provinces du Kivu. Ces richesses ont également largement motivé (bien au-delà des enjeux politiques et sécuritaires), l'engagement militaire de ces derniers dans les deux grandes guerres du Congo entre 1996 et 1997 puis entre 1998-2002, (je reviendrai de façon explicite à cet aspect dans la deuxième partie en abordant le Rwanda et l'Ouganda comme acteurs essentiels dans le conflits congolais). Cette forme de prédation économique va prendre enfin de compte une forme indirecte par le biais des contrats léonins imposés à l'État congolais par des compagnie liées aux élites du Zimbabwe, de la Namibie ou de l'Angola, en échange de leur soutien politique et militaire23. On peut donc comprendre par ici comment l'ingérence étrangère devient un facteur aggravant de l'affaissement de l'État congolais. Cette ingérence étrangère est devenue une donnée permanente dans l'histoire politique de la République démocratique du Congo.

En 1990, le contexte politique étant radicalement modifié avec la venue du multipartisme, notamment face au poids grandissant de l'opposition qui, jadis vivait dans la clandestinité et l'ampleur des troubles sécuritaires causés par différentes milices, a permis la tenue d'une Conférence nationale souveraine. Conférence qui sera convoquée précisément en 1991 dans le but de jeter les bases d'une transition démocratique. Celle-ci aura cependant du mal à se mettre en place car le présidente Mobutu entravera le processus en retardant les élections, tirant ainsi profit du contexte trouble du génocide des Tutsi qui va générer des flux migratoires dans les provinces du Kivu. Avec l'arrivée de Laurent-Désiré Kabila, soutenu par l'Ouganda et le Rwanda, l'Alliance des Force démocratique pour la libération (AFDL) accélérera la chute du président Mobutu en mai 1997 au terme de la première guerre du Congo. Cette deuxième forme d'instabilité permettra également aux Nations Unies d'avoir un regard attentif à la situation politique en République démocratique du Congo. Voilà pourquoi une nouvelle opération pour le maintien de la paix sera mise en place par l'ONU en république démocratique du Congo.

22 Ibid.

23 Ibid., p. 99.

19

1.2. L'ONU face à l'instabilité en RD Congo

Il me parait important dans ce sous point de rappeler le contexte dans lequel l'ONU intervient en République démocratique du Congo. En effet, après les événements du génocide au Rwanda en 1944, près de 1,2 million de Hutus dont certains avaient pris part aux massacres, ont fui vers le Nord-Kivu et le Sud-Kivu qui sont les deux provinces limitrophes situées à l'Est de la République démocratique du Congo et peuplées par d'autres ethnies, en l'occurrence des Tutsis24 que l'on appelle plutôt les populations rwandophones. Deux ans plus tard après le génocide rwandais, une insurrection dans la région du Kivu a conduit en 1996 à des affrontements entre les forces dirigées par Laurent-Désiré Kabila et l'armée du Zaïre du président Mobutu Sese Seko. Dans ce contexte de tension persistante, les forces de Laurent-Désiré Kabila, soutenues par le Rwanda et l'Ouganda se sont donc emparées de la capitale Kinshasa en 1997. Du coup, le pays sera rebaptisé République démocratique du Congo.

Une année après la prise de pouvoir par Laurent-Désiré Kabila, un soulèvement contre le gouvernement va éclater dans les Kivus en 1998. Du coup, les rebelles occuperont une importante partie du pays. Tandis que l'Angola, la Namibie, le Tchad et le Zimbabwe proposent un soutien militaire au président Kabila, le rebelles conservèrent leur emprise sur les provinces Orientales. Le Rwanda et l'Ouganda soutiendront quant à eux le mouvement rebelle, à savoir le Rassemblement congolais pour la démocratie25. C'est dans cette perspective que le Conseil de sécurité va demander un cessez-le-feu tout en exigeant le retrait des forces étrangères et exhortant les États à ne pas intervenir dans les affaires intérieures qui concernent la République démocratique du Congo. Cette intervention onusienne sera couronnée par la signature de l'accord de Lusaka en juillet 1999.

En effet, après l'accord de cessez-le-feu de Lusaka entre la République démocratique du Congo et les cinq pays qui en avaient pris part à cette guerre que je viens d'énumérer précédemment, le Conseil de sécurité de l'ONU créa, par la Résolution 1279 du 30 nombre 199926, la Mission de l'Organisation de Nations Unies en République Démocratique du Congo (Monuc). Cette Résolution, tout en réaffirmant d'abord la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance politique de la République démocratique du Congo et tous les États de la région ; elle réaffirme également que l'accord de cessez-le-feu de Lusaka (S/1999/815) représente la base la plus visible pour la résolution du conflit en République démocratique du

24 Cfr. Nations Unies, Paix, dignité et égalité sur une planète saine.

https://www.un.org/fr/peacekeeping/missions/monusco/background.shtml, consulté le 26 avril 2021.

25 Ibid.

26 Nations Unies, S/RES/1279 (1999), 30 novembre 1999.

20

Congo et note que le rôle de l'Organisation des Nations Unies est appelé à jouer pour le respect de cessez-le-feu. Au paragraphe 2 de cette résolution 1279 (1999), le Conseil de sécurité souligne « qu'une véritable réconciliation nationale doit constituer un processus suivi, encourage tous les Congolais à participer au dialogue national qui doit être organisé en coopération avec l'Organisation de l'unité africaine (OUA) et demande à toutes les parties congolaises et l'OUA de se mettre d'accord sur le médiateur du dialogue national »27.

Avec l'intervention des Nations-Unies, la République démocratique du Congo va vivre ses premières élections libres le 30 juillet 2006. À l'occasion de ses élections historiques organisées dans le pays en 46 ans, le peuple congolais sur l'ensemble du territoire choisit les 500 représentants (députés) de l'Assemblée nationale. Ces élections, notamment l'élection présidentielle, seront marquées par des contestations. À l'issue du deuxième tour de l'élection présidentielle tenue le 29 octobre 2006, et du règlement de la contestation électorale, Joseph Kabila est proclamé président de la République démocratique du Congo. D'ailleurs les experts de l'ONU estiment que de toutes les élections que les Nations Unies ont organisées, celles de 2006 en République démocratique du Congo ont été parmi les plus complexes28. Voilà pourquoi, après les élections et conformément aux résolutions du Conseil de sécurité, la Mission est restée sur le terrain pour continuer à s'acquitter de multiples tâches d'ordre purement politique, militaire, ou relatives à l'état de droit et au renforcement des capacités, notamment le règlement des conflits en cours dans un certain nombre de provinces de la République Démocratique du Congo.

Par la résolution 1925 (2010), le Conseil de sécurité rebaptise la Monuc Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (Monusco) pour tenir compte de la l'entrée du pays dans une nouvelle phase. À travers cette résolution, le Conseil décide que la Monusco comprendrait, en sus des composantes civile, judiciaire et pénitentiaire appropriées, un effectif maximal de 19 815 soldats, 760 observateurs militaires, 391 fonctionnaires de polices et 1 050 membres d'unités de police constituées29. Cette résolution reconnait l'importance de soutenir les efforts de consolidation de la paix pour raffermir et faire avancer la stabilisation du pays et insiste sur la nécessité d'un appui international continue pour assurer le lancement des activités de relèvement rapide et poser les bases d'un développement. Dans ce texte, le Conseil souligne le fait qu'il existe une connexion entre l'exploitation et les commerces illicites des ressources naturelles et que la prolifération et

27 S/RES/1279 (1999).

28 Nations Unies, Paix, dignité et égalité sur une planète saine, Op. Cit.

29 S/RES/1925 (2010), paragraphe 2.

21

le trafic des armes est l'un des principaux facteurs qui alimentent et exacerbent les conflits dans la région des Grands Lacs30. Au regard de l'instabilité toujours grandissante, le Conseil, en agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte de Nations Unies 31, décide au premier point de ladite résolution de proroger jusqu'au 30 juin 2010 le mandat de la Mission de l'Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (Monuc) et dans le même coup, il décide également, puisque la République démocratique du Congo est entrée dans ce qu'on appelle « nouvelle phase politique », que la Mission s'appellera à partir du 1er juillet 2010 « Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo » ou « Monusco »32. Il s'agit donc de cette mission qui sera soumise à l'épreuve de la critique et de la contestation. Dans le mandat de la Monusco tel que défini au paragraphe 12 de la résolution 1925 (2010), le Conseil insiste sur deux ordres de priorité, à savoir la protection des civiles d'une part, et d'autre part la stabilisation et la consolidation de la paix.

Par la protection des civiles, il s'agit bien évidement d'assurer la protection des civiles, y compris le personnel humanitaire et le personnel chargé de défendre le droit de l'homme, se trouvant sous la menace imminente de violences physiques, en particulier de violences qui seraient le fait de l'une de quelconque des parties au conflits33. La protection des civiles passe également par le fait d'assurer la protection du personnel et des locaux, des installations et du matériel de Nations Unies. La protection des civils se comprend aussi dans le sens de soutenir l'action que mène le Gouvernement de la République Démocratique du Congo pour protéger les civils contre les violentions du droit international humanitaire et des droits de l'homme, y compris toute les formes de violence sexuelle et sexiste, pour ainsi promouvoir et protéger le droit de l'homme et pour lutter contre l'impunité, y compris en appliquant sa politique de « tolérance zéro » en ce qui concerne les manquements à la discipline et les violations des droits de l'homme et du droit humanitaire commis par des éléments des forces de sécurité, en particulier qui y sont nouvellement intégrés34.

En parlant de stabilisation et consolidation de la paix, il s'agit d'abord de soutenir en étroit coopération avec les autres acteurs internationaux, l'action que mène les autorités

30 Cfr. Nations-Unies, S/RES/1925 (2010).

31 Chartes de l'ONU, Fait à San Francisco le vingt-six juin mil neuf cent quarante-cinq. Le Chapitre VII dit à l'article 39 que « Le conseil de Sécurité statue l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prise conformément aux Articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationale.

32 S/RES/1925 (2010).

33 Ibid.

34 Cfr. S/RES/1925 (2010).

22

congolaises pour renforcer et réformer les institutions de sécurité et l'appareil judiciaire. Ensuite, et conformément à la législation pertinente sur la réforme des Forces Armées de la République démocratique du Congo et au plan de réforme de l'armée présenté en janvier 2010, aider le gouvernement congolais, de concert avec les partenaires internationaux et bilatéraux, à renforcer ses capacités militaires, y compris la justice militaire et la police militaire, notamment en harmonisant les activités menées et en facilitant l'échange d'information et de données d'expérience, et si le gouvernement congolais en fait la demande, aider à former les bataillons de FARDC et de la police militaire, soutenir les institutions de justice militaire et mobiliser les donateurs afin qu'ils fournissent le matériel et les autres ressources nécessaires35. Un autre aspect important qu'il faut souligner dans le mandat de stabilisation et de consolidation de la paix consiste à appuyer la réforme engagée par le Gouvernement de la République Démocratique du Congo, notamment en disposant une formation au bataillon de la Police nationale congolaise et en mobilisant les donateurs afin qu'ils apportent des fournitures de base, en rappelant que les autorités congolaises doivent d'urgence adopter un cadre juridique approprié. Comme on peut voir dans cette résolution, compte tenu de la nécessité pressante de la lutte contre l'exploitation et le commerce illicites des ressources naturelles, le conseil donne à la Monusco la responsabilité d'appuyer l'action que mène le gouvernement congolais et de renforcer ses capacités, de concert avec les partenaires internationaux et les pays voisins, pour empêcher qu'un appui ne soit apporté aux groupes armés, en particulier grâce au produit d'activités économiques illicites et du commerce illicite des ressources naturelles, et renforcer et évaluer avec le Gouvernement congolais le projet expérimental de création dans le Nord-Kivu et Sud-Kivu de cinq comptoirs regroupant tous les services d'État concernés en vue d'améliorer la traçabilité de mirerais. Je reviendrai sur cet aspect dans la troisième partie lorsque j'aborderai le concept de « minerais du sang » qui devient une nouvelle théorie politique.

Dans la dynamique de cette intervention, le Conseil décide que la Monusco comprendrait, en sus des composantes civile, judiciaire et pénitentiaire appropriées, un effectif maximal de 19 815 soldats, 760 observateurs militaires, 391 fonctionnaires de police et 1 050 membres d'unité de police constituée36. Ces chiffres n'étant pas définitifs, les reconfigurations de la Monusco sont souvent en fonction de l'évolution de la situation sur le terrain, en particulier de l'achèvement des opérations militaires en cours dans le Kivu et dans la province Orientale, de l'amélioration des moyens dont dispose le gouvernement congolais pour protéger efficacement la population, et du renforcement de l'autorité de l'État sur l'ensemble du

35 Ibid.

36 Cfr Nations Unies, Paix, dignité et égalité sur une planète saine. Op. Cit.

23

territoire national. Aujourd'hui, face aux mouvements contestataires exigeant le retrait de cette Mission au motif de son inefficacité à protéger les civils, le plafond des effectifs en uniforme de la Monusco est de 14 000 membres du personnel militaire, 660 observateurs et officiers d'état-major, 591 policiers, et 1 050 membres des unités de police constituées. Un déploiement temporaire d'un maximum de 360 membres d'unité de police constituées est également autorisé à condition qu'ils soient déployés en remplacement du personnel militaire37.

Malgré les efforts réalisés par les Nations Unies que je viens d'évoquer dans les lignes précédentes depuis qu'une opération de maintien de la paix a été établie et que la situation semble être dans plusieurs régions du pays stable, l'Est de la République Démocratique du Congo est depuis plus de deux décennies en proie à des vagues de conflits récurrentes, à des crises humanitaires chroniques et à des violations graves des droits de l'homme. Le cycle de violence est, à nos jours, entretenu par la présence persistance de groupes armées aussi bien congolais qu'étrangers profitant du vide sécuritaire qui caractérise l'Est du pays, l'exploitation illégale des ressources, l'ingérence des pays voisins, que j'évoquerai dans la deuxième partie, l'impunité généralisée, des affrontements intercommunautaires, l'incapacité de l'armée et de la police nationale de protéger de manière efficace les civils et le territoire, y compris le maintien de l'ordre. On se poserait ainsi la question de savoir quel rôle joue la Monusco face à la récurrence des violences ?

En effet, dans le souci de s'atteler aux causes profondes du conflits et de garantir le maintien de la paix dans le pays et dans l'ensemble de la région des Grands Lacs, un accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo a été signé par les représentants de 11 pays de la région, les Présidents de l'Union africaine, la Conférence internationales sur la régions des Grands Lacs, la Communauté de développement de l'Afrique australe et le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, le 24 février 2013 à Addis-Abeba. D'ailleurs le paragraphe 2 de cet accord montre que « l'Est de la République démocratique du Congo continue de subie des cycles de conflits récurrents et des violences persistantes de la part des groupes armés tant nationaux qu'internationaux »38. Et le texte poursuit au paragraphe 3 que les conséquences de cette violence ont été plus que dévastatrice. Des actes des violence sexuelle et de graves violations des droits de l'homme sont utilisés régulièrement et quotidiennement comme des armes de guerre. Le nombre de personnes déplacées figure parmi les plus au monde et tourne de façon persistante autour de 2 millions de

37 ONU Info, RDC : le mandat de la MONUSCO prorogé d'un an. 19 décembre 2020. https://news.un.org/fr/story/2020/12/1084982, Consulté le 27 avril 2021.

38 Nations Unies, S/2013/131.

24

personnes. La mise en oeuvre du programme national de reconstruction, de réforme du secteur de la sécurité et d'éradication de la pauvreté est constamment interrompue39. L'accord termine par un paragraphe qui fait de la Monusco une partie de la solution dans le problème du Congo : « ... la Monusco fera partie de la solution, et continuera à travailler en étroite collaboration avec le Gouvernement de la République démocratique du Congo »40. Si nous partons du fait que la Monusco est l'une de partie fondamentale de la résolution des conflits en République démocratique du Congo, il parait donc logique que la population lui demande des actions efficaces pour l'éradication des conflits et violences dans le pays. C'est dans cette perspective que la brigade d'intervention de la Monusco mérite tout son sens.

En effet, le Conseil de sécurité adopta le 28 mars 2013 la résolution 2098 dans l'optique de soutenir l'Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et dans la toute la région des grands Lacs. Cette résolution est une réponse à l'appel lancé par les Gouvernements des grands Lacs. Il y a lieu de remarquer ici que la résolution 2098 prorogeait jusqu'au 31 mars 2014 le mandat de la Monusco tout en créant une brigade d'intervention pour renforcer les opérations de maintien de la paix. Cette résolution s'inscrit dans le cadre des recommandations contenue dans le rapport spécial du 27 février 2013. Ce rapport spécial du Secrétaire général de l'ONU41 présenté au Conseil de sécurité, expose la situation d'ensemble et les conséquences régionales de la crise survenue dans l'Est de la République démocratique du Congo. Il contient également des recommandations pour une action régionale collective et intégrée visant à enrayer le cycle de la violence. Le Secrétaire général propose dans ce rapport un ensemble de mesure à prendre au niveau national et régional et formule des recommandations sur l'appui de la communauté internationale, tout en préconisant notamment l'intensification de l'action politique de Nations Unies et le renforcement de la Monusco. Au chapitre IV dudit rapport, il est proposé qu'une brigade d'intervention spéciale relevant de la Monusco soit établie pour une période initiale d'un an. Opérant sous le commandement opérationnel direct du commandant de la Monusco et aux côtés d'autres brigades dans l'Est de la République démocratique du Congo, la brigade d'intervention, parallèlement a réalisé des programmes de désarmement, démobilisation et réintégration et de désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement. Elle a exercé des fonctions d'imposition de la paix consistant à empêcher l'expansion des groupes armés, les

39 Ibid.

40 Ibid.

41 Nations Unies, Rapport spécial du Secrétaire général sur la République démocratique du Congo et la région des Grands Lacs, 27 février 2013. S/2013/19.

25

neutraliser et les désarmer42. Du coup, on pourrait dire que les interventions de cette brigade viseraient à créer des conditions propices à la restauration de l'autorité de l'État et à l'établissement d'une stabilité durable.

Cependant, au regard l'insécurité grandissante à l'Est du pays et compte tenu du rapport du Secrétaire général de l'ONU, le Conseil de sécurité, par sa résolution 2147 du 28 mars 2014 prorogeât jusqu'au 31 mars 2015 le mandat de la Monusco et de sa brigade d'intervention à titre exception et sans créer de précédent ni sans préjudice des principes de maintien de la paix. Cette résolution 2147 (2014) note qu'une stratégie de retrait clairement défini s'impose, y compris pour la Bridage d'intervention, et décide que les reconfigurations futures de la Monusco et de son mandat seront en fonction de l'évolution de la situation sur le terrain et, dans le contexte de la mise en oeuvre par le gouvernement de la République démocratique du Congo et tous les signataire de l'accord-cadre des progrès vers la réalisation des objectifs suivants, conformément aux trois priorités énoncées dans le concept stratégique, à savoir la protection des civiles, la stabilisation et l'appuis à la mise en oeuvre de l'accord-cadre. Le conseil autorise la Monusco, en vue d'atteindre les objectifs énoncés au paragraphe 3, à prendre les mesures nécessaires pour s'acquitter des taches que sont la protection de civils, la neutralisation des groupes armés par la Brigade d'intervention, la surveillance de la mise en oeuvre de l'embargo sur les armes, l'appui aux procédures judiciaires nationales et internationales43. Cependant, ce que l'on constate aujourd'hui, c'est que malgré les stratégies mises en place par le Conseil de sécurité pour la protection des civils, la situation sécuritaire demeure précaire et problématique à l'Est du pays et en Ituri. Ce sentiment de l'inefficacité de la Monusco a fait augmenter ces dernières années les constatations au sein des populations à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Ces mouvements contestataires, parfois accompagnés de violence et réclamant le retrait des Casques bleus, s'intensifient aux jours les jours. Je propose ainsi de montrer dans les lignes qui suivent les formes de contestation à l'égard de la Mission par les mouvements de la société civiles.

42 S/2013/119*.

43 Cfr. S/RES/2147 (2014).

26

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote