2. L'ingérence des acteurs étrangers
Si au point précédent j'ai voulu traiter des
acteurs nationaux, ce deuxième sous point aborde plutôt la
question de l'ingérence les acteurs étrangers dans les conflits
congolais. En effet, l'ingérence des pays de la région des Grands
dans l'Est de la République Démocratique du Congo s'est accrue de
nouveau ces dernières années, plus précisément dans
des zones qu'on appelle aujourd'hui `'zones sensibles». Parmi ces zones,
nous avons le Nord-Kivu et les Hauts-Plateaux du Sud-Kivu. Dans les Hauts
plateaux, « le Burundi et le Rwanda continuent de mener par procuration
certaines de leurs luttes de le pouvoir tant à l'intérieur de
chaque pays qu'entre eux »160
2.1. L'ingérence du Rwanda dans les conflits
à l'Est de la RDC
La proximité du Nord-Kivu avec le Rwanda fait qu'il
parait impossible d'aborder la problématique des conflits et violence
dans les Kivu sans convoquer l'ingérence du Rwanda entant qu'acteur non
négligeable de ces conflits. En fait, la situation limitrophe du
Nord-Kivu avec le Rwanda a eu triple effet. Il y a tout d'abord des courants
migratoires à différentes époques que j'ai indiqué
plus haut, puis une radicalisation du clivage entre le Banyarwanda dont les uns
étaient Hutu et les autres Tutsis, c'est dans ce sens qu'on assistera
à un troisième effet qui est l'exportation du conflit interne
rwandais au République Démocratique du Congo.
Depuis l'arrivée au pouvoir du président Felix
Tshisekedi en janvier 2019, le Rwanda est intervenu plusieurs fois dans le
Nord-Kivu avec plus de force pour cibler les rebelles rwandais qui sont en
même temps les anciens génocidaires Interahmwes. Ces nouvelles
ingérences s'inscrivent dans le prolongement d'un projet politique qui
avait un objectif double. Comme le montre bien Gérard
Prunier161, le premier objectif de l'ingérence du Rwanda
à l'Est de la République Démocratique du Congo
était non seulement de détruire la réorganisation
militaire des génocidaires hutus installés en République
démocratique du Congo mais également le renversement du pouvoir
du président Mobutu. Une fois engagé dans cette guerre, dans le
deuxième objectif, le Rwanda a commencé à construire une
économie de guerre en exploitant les ressources minières de la
République démocratique du Congo pour financer sa
160 Groupe d'étude sur le Congo, La cartographie de
groupes armés dans l'Est du Congo, Op., Cit., p. 8.
161 Cfr. Gérard Prunier, Africa's World War: Congo,
the Rwandan Genocide, and the making of a continental catastrophe, Oxford:
Oxford University Presse, 2009.
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présence sur place et la politique dans son propre
pays. Gérard Prunier parle même d'intervention rwandaise en RDC en
termes des paradoxes. Les paradoxes étaient massifs, surtout si l'on se
souvient à l'idée que c'était pour « sauver »
les Banyamulenge » qui étaient menacés du génocide
que l'armée rwandaise était d'abord entrée au Congo.
Cependant, cette même armée rwandaise attaquait les mêmes
Banyamulenges avec des hélicoptères de combat162. Ce
qui devient aujourd'hui un argument incontestable, du moins sur le plan de la
recherche, c'est le fait d'affirmer que la cause fondamentale de l'action
rwando-ougandaise en République Démocratique du Congo alors
Zaïre à l'époque, précisément à partir
de septembre 1996 tient bien évidement au problème des
réfugiés rwandais au Kivu, « réfugiés
armés qui menaçaient la stabilité du régime FPR et
qui cherchaient à reprendre par la force le pouvoir de Kigali
»163 Remarquons qu'aujourd'hui, ces interventions
régionales, notamment celles du Rwanda est un facteur aggravant des
conflits qui génère de la violence, notamment les conflits
fonciers et les conflits liés aux ressources locales ainsi que la lutte
pour le pouvoir politique et coutumier. On pourrait dire que le projet
politique du Rwanda dans les conflits à l'Est de la République
démocratique du Congo n'est pas du tout d'assister à
l'émancipation d'un nouveau Congo, « mais plutôt la
conception d'un « Congo vache à lait » qu'irait traire les
cadets Tutsis d'une APR en surnombre à la recherche d'emplois pour ses
jeunes officiers et d'un Kivu satellite ouvert à une quasi-colonisation
rwandaise »164. Même si depuis le régime de
Laurent-Désiré Kabila, le Congo en tant qu'État ne pouvait
pas tolérer cette conception humiliante du Rwanda sur la
République Démocratique du Congo, cette perception revient
régulièrement dans le discours des congolais à chaque fois
que la présence de militaires rwandais est observée sur le
territoire congolais, notamment les régions du Kivu où
règne l'instabilité. C'est d'ailleurs dans ce contexte que s'est
développé non seulement la rhétorique contestataire contre
la présence des militaires rwandais sur le territoire congolais, mais
également s'est réactivé le discours anti-tutsi. Celui-ci
étant devenu le potentiel ennemi du Congo. Cependant tout porte à
croire que le Rwanda n'est pas le seul pays de la région à
s'ingérence dans les conflits à l'Est du Congo. Un autre acteur
régional parmi tant d'autres qui mérite d'être
convoqué, c'est l'Ouganda.
162 Ibid., p. 283.
163 Gérard Prunier, « L'Ouganda et les guerres
congolaises », In Politique africaine, 1999/3 N°75, pages 34
à 59, p. 47.
164 Ibid., p. 51.
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