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La MONUSCO dans le résolution des conflits: entre contestation locale et légitimation global


par Bernard POPO-E-POPO
Université Paris 8 Vincennes Saint Denis - Master 2 2020
  

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B. LES ACTEURS DES CONFLITS DANS LES KIVUS

Pour comprendre les conflits dans les Kivu, il paraît nécessaire d'étudier les acteurs de ces conflits aussi bien du point de vue national et régional. Il s'agit de mettre en avant l'itinéraire de chaque acteur, le rôle que chacun de ces acteurs joue dans ces conflits, leur degré d'intervention et/ou d'ingérence (notamment pour les acteurs étrangers comme le Rwanda, l'Ouganda et les groupes armés étrangère en l'occurrence les FDLR, ADF). En étudiant également les rapports de force entre ces acteurs, je montrerai en outre le degré d'influence de chaque acteur, du moins ceux sous examen.

La compréhension de conflits à l'Est de la République Démocratique du Congo nécessite le voyage dans le temps long de l'histoire politique du pays. La situation de conflits n'est pas identique dans tout l'Est de la RDC. Les conflits dans le Nord-Kivu qui est aujourd'hui l'épicentre de violences, à la différence des provinces du Sud-Kivu et de l'Ituri également affecté par l'insécurité, remonte dans les années 1960. Ces conflits présentent une double dimension. Il y a à la fois la dimension inter-ethnique et intra ethnique. Déjà en 1963, les conflits avaient pris de l'ampleur avec le déclenchement de la « guerre kinyarwanda » qui opposait durant plus de deux ans les Banyarwandas aux Nande, Hunde et Nyanga, suite au mouvement d'autonomistes ayant abouti à la création de 21 provinces dans l'ancien Congo Belge jusqu'à l'arrivée au pouvoir du président Mobutu qui optera pour 11 provinces en 1965.

1. Les acteurs étatiques et non étatiques

Ce sous point s'attèle exclusivement sur les acteurs locaux ou nationaux. Son objectif consiste à montrer les différents points d'achoppement entre les nationaux et la Monusco. Parmi ces acteurs locaux, nous avons l'État congolais, les milices insurrectionnelles et contestataires.

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1 1. L'État au coeur des conflits et violences

Les conflits et violences qui empoisonnent la vie sociale dans les Kivus et en Ituri relèvent de l'incapacité de l'État ou de ses limites du point de responsable à régler les antagonismes entre groupes sociaux. L'État dans ses prérogatives régaliennes est l'acteur principal des conflits dans les Kivu. Nous partons ainsi de l'idée que « l'État est le siège et l'instrument du pouvoir politique »140. Entant que siège du pouvoir, l'État désigne les hommes et les assemblées qui décident de l'intérêt public et des lois. Comme instrument du pouvoir, l'État désigne pour ainsi dire les institutions chargées d'appliquer les lois (gouvernement), de maintenir de l'ordre et de garantir la sécurité (police, armée), de rendre la justice (tribunaux). Dans cette perspective, l'État s'oppose à la société civile, où règne les intérêts privés comme la famille et l'économie prennent le dessus. C'est donc à l'État que revient le « monopole de la violence légitime » pour reprendre les termes de Max Weber. On entend ici par la violence légitime, les moyens de garantir les droits de peuples et non pas la justification de la violence envers le peuple. Dans le même ordre d'idées, il convient de souligner que les conflits locaux à l'Est de la République Démocratique du Congo et leurs caractères originels sont à comprendre dans une logique interne d'incompréhension et du déni de l'autre. En effet, les principaux groupes sociaux qui composent et peuplent le Nord-Kivu qui est aujourd'hui, je l'ai montré précédemment, l'épicentre des conflits et violences sont les Nande, les Banyarwandas (qui sont des populations d'origine rwandaise issues de plusieurs vaques d'immigration), les Nyanga, les Hunde et le Tembo. Cette diversité des populations est généralement repartie en deux catégories, à savoir les autochtones d'une part, et les allochtones (c'est-à-dire les groupes sociales issue des grandes vaques d'immigration et les réfugiés des événements de 1959 au Rwanda) d'autre part. Ce qu'il convient encore de préciser, c'est le fait que ces différents groupes sociaux, les Banyarwandas sont les seuls à se trouver à la fois dans les deux catégories tandis que les autres groupes sociaux se trouvent uniquement dans la première catégorie. L'État entant qu'organisateur de la société et du vivre ensemble harmonieux devrait en réalité régler ces antagonismes sociaux de manière efficace. Force est de constater que la situation est telle qu'il n'est pas étonnant de remarquer l'absence de solutions efficaces qui seraient l'émanation de l'État.

Du point de vue administratif, le Nord-Kivu qui est aujourd'hui en « état de siège » est divisé en cinq subdivisions territoriales plus la ville de Goma qui est le chef-lieu de la province. Parmi ces territoires, nous avons Beni, Lubero, Masisi, Rutshuru et Walikale. Cependant,

140 Hervé Boillot (dir), Le petit Larousse de la philosophie, Piolitello, Rotolito Lombard, 2018, p. 709.

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lorsqu'il s'agit de tenir compte de répartition ethnique et des deux catégories de population que je viens d'évoquer précédemment, la province de Nord-Kivu s'organise autour de trois pôles. Il y a en premier lieu la zone de Beni et Lubero qui sont exclusivement peuplé par le peuple Nande ; il y a en deuxième lieu la zone de Rutshuru qui est majoritairement occupée par les Banyarwandas ; la troisième zone qui est celle de Goma-Masisi-Walikalé quant à elle, bien au-delà de son caractère hétérogène du point de vue ethnique (parce qu'on y trouve aussi bien les Hunde, Tembo et les Banyarwanda dans le Masisi, et les Nyanga à Walikalé), présente un caractère commun. C'est d'ailleurs dans cette région que sont majoritairement concentrés les Banyarwandas immigrés ou « transplantés »141 pour reprendre l'expression d'Étienne Rusamira et les réfugiés de 1959. Je précise aussi que c'est dans cette troisième zone qu'il se pose le problème de conflits fonciers que j'ai fait allusion précédemment, notamment dans le territoire de Misisi et de Walikale.

Outre le caractère géographique, deux autres paramètres alimentent les conflits entre groupes sociaux, à savoir les aspects démographiques et politico-économique142. Du point de vue démographique, le peuple Nanda et les Banyarwandas sont les deux groupes sociaux majoritaires. De ce point de vue, ils se disputent toujours le leadership économique et politique de cette riche province.

Pendant des années auparavant, le conflit opposait les Banyarwandas composés des Hutus et des Tutsis du Masisi d'un côté, et de l'autre côté les Nande, le Hunde et le Nyanga. De par sa puissance, l'État en utilisant ses pouvoirs régaliens avait réussi non seulement à supprimer les petites provinces qui composaient le Kivu, mais également à dissoudre les forces de police et à muter les autorités politico-administratives qui étaient impliquées dans ce conflit. Cependant, toute ces mesures avaient mis fin à ce conflit, sans pour autant réparer durablement les liens brisés dans les relations entre les groupes sociaux opposés, qui ne le resteront toutefois pas jusqu'à aujourd'hui.

Dans le contexte actuel, d'autres paramètres entrent en jeu, rendant ainsi la situation encore beaucoup plus complexe à l'État. L'arrivée en masse de réfugiés rwandais au moment des événement du génocide, l'exil de Tutsi au Rwanda à partir de 1995, la première guerre du Congo en 1996 et la deuxième guerre en 1998 ont ainsi modifié de façon considérable les éléments sur lesquels reposait la dynamique des conflits et violences à l'Est de la République

141 Étienne Rusamira, « La dynamique des conflits ethniques u Nord-Kivu : une réflexion prospective », In Afrique contemporaine, 2003/3 (N°207), pages 147 à 163.

142 Étienne Rusamira, « La dynamique des conflits ethniques au Nord-Kivu : une réflexion prospective », Op. Cit., p. 148.

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Démocratique du Congo, notamment dans le Nord-Kivu. Ce changement de paradigme a comme effet majeur l'émergence des milices rebelles et contestataires à l'Est de la République Démocratique du Congo.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon