2.2.2. Revue empirique
Il s'agit ici de l'inventaire des travaux antérieurs
reliant la corruption et l'instabilité politique aux IDE.
· Sur la thèse orthodoxe
« La corruption est un symptôme de
dysfonctionnement de la relation entre l'État et la
population » (Amundsen, 1999).
La question des interrelations pouvant exister entre les
investissements directs étrangers et la corruption a été
abordée parLarrain et Tavares (2004)et par Habib et Zurawicki (2002)
à partir de 89 pays développés et en développement
en coupe transversale. Ces auteurs montrent que la corruption a un impact
négatif sur la coopération, quel que soit le sens des
investissements: que ce soit le pays donateur ou le
paysbénéficiaire. Ils soulignenttous que la corruption est la
base de l'inefficience desinvestissements. Dansune étude mettant en
exergue les effets pervers de la corruption,Fedeli etForte (2003) expliquent
qu'enabsence de corruption, les performances d'unrégime
centralisé et d'un régime décentralisé sont
identiques quant au cofinancementdeprojets privés. Cependant, en menant
la réflexion à partird'une analyse de concurrencemonopolistique
à la Chamberlain par l'introductionde la corruption dans le
modèle, lerégime centralisé affiche le plusimportant
dysfonctionnement, car il réunit les conditionsfavorables pourune
corruption généralisée. Les travaux de Sakar et Aynul
(2001)s'inscriventdans la même logique. Ils estiment que la corruption
est à l'origine des coûtsde transaction supplémentaires.
À ce titre, elle réduit à la fois le volume
desinvestissements et leur efficience et au-delà porte atteinte à
la croissance économique.Ils restent convaincus que moins de corruption
a pour corollaire des gains additionnels.
Anupam et Srinivasan (2002) ont analysé les
expériences de quelques pays de l'Afrique subsaharienne qui ont
réussi à attirer des IDE. Ils ont trouvé qu'un
environnement institutionnel transparent est très important dans la
décision de délocalisation. Ils ont trouvé, par exemple,
qu'en Botswana, le niveau de la corruption est important pour l'IDE. Parmi les
plus importants déterminants de l'IDE, on trouve dans la
troisième position « une bonne gouvernance et des niveaux faibles
de corruption ».
Mauro (1995) a étudié à travers une
étude en données de panel portant 18 pays africains durant la
période 1960-1985 l'impact de la corruption sur l'investissement, la
croissance économique et les dépenses publiques. L'auteur a
conclu que la corruption provoque un décroissement de l'investissement
et de la croissance économique, il remarque qu'une déviation de
2,38 points vers l'amélioration de l'indice du contrôle de
corruption a provoqué une augmentation de l'investissement de 5 points
de pourcentage et fait accroître le taux de croissance économique
par 0,5 point de pourcentage.
En outre, de nombreux auteurs à l'image de Celentani et
Ganuza (2002), Ali et Isse(2003) ou encore LaFree et Morris (2004) se sont
intéressés aux interrelations pouvantexister entre la corruption
et les investissements privés; d'autres ont mis en exergue les
effetsnéfastes de la corruption sur les investissements publics (Ades et
Tella, 1999). Nous savonsde Tanzi et Davoodi (1997) qu'il existe une
très forte corrélation entre la corruption etl'inefficience des
investissements publics dans la plupart des pays industrialisés et
émergents.Aussi, Wei (1997) à travers des données en coupe
transversale d'IDE bilatéraux, a montré que l'accroissement du
niveau de la corruption dans le pays hôte affecte négativement
l'entrée des flux d'IDE. L'auteur a conclu qu'à long terme, la
corruption réduit les flux d'IDE entrants validant ainsi
l'hypothèse du « Grapping hand ».
· Sur la thèse
hétérodoxe
Contrairement aux études précédentes,
Eger et Winner (2005) à leur tour, constatent un effet positif de la
corruption sur l'IDE à partir d'une étude de 73 pays
développés et moins développés pendant la
période 1995-1999 recevant 90 % des flux d'IDE mondiaux. Ces auteurs
utilisent un modèle de régression multiple et arrivent à
la conclusion selon laquelle, à court terme, la corruption a un impact
positif sur l'entrée des flux d'IDE. Cette relation positive entre IDE
et corruption montre que les fonctionnaires du gouvernement utilisent les
contrôles administratifs afin de tirer parti des profits des IDE.
L'étude d'Alam et al (2005) effectuée au
Bangladesh, contrairement à ce que prédit la théorie,
constate que la lutte contre la corruption dans ce pays n'a pas attiré
les IDE. Ceci montre implicitement que la corruption n'explique pas toujours le
choix de localisation des IDE, et qu'en réalité
l'attractivité des IDE dans les PED dépend aussi d'autres
facteurs susceptibles de permettre à ces investisseurs étrangers
de maximiser leurs bénéfices, à savoir la présence
d'un marché important, d'une main-d'oeuvre qualifiée et moins
chère, l'ouverture commerciale, la croissance économique, la
stabilité politique et économique et une bonne dotation de
matières premières.Ainsi, selon Rodrik et al (2004), la
croissance desrevenus dans une économie est liée à la
manière dont le gouvernement réussit à établir un
État de droit, à diminuer la corruption, à instaurer un
environnement stable. Chan et Gemayel (2004) quant à eux, ont
montré dans leur étude que le risque et l'instabilité
politique d'un pays restent les premiers déterminants de la faiblesse
des IDE. C'est pour cette raison que les gouvernements des pays en
développement, pour encourager les investisseurs étrangers, sont
obligés de mettre en place de bonnes politiques macroéconomiques
et surtout améliorer leur système de gouvernance.
Abotsi (2016) de son côté met en exergue le
niveau de la qualité institutionnelle comme déterminant
fondamental de l'attractivité des IDE. À partir d'un
modèle théorique, il montre que dans un pays ayant un niveau
élevé de qualité institutionnelle, la corruption impacte
positivement sur le flux entrant des IDE alors que le contraire est
observé dans un contexte de faible niveau de qualité
institutionnelle. De ce fait, il identifie un seuil tolérable de
corruption susceptible d'attirer les investisseurs étrangers dans un
pays à niveau élevé de qualité institutionnelle
appelé « Corruption TolerableLevel of Investment (CTLI) ».
Ravi (2015) quant à lui, a fait une étude
comparative de l'effet de la corruption sur leflux entrant des IDE en Chine et
en Inde. Les résultats de cette étude ont montré que
lacorruption exerçait un effet positif sur le flux entrant des IDE en
Chine, et un effetcontraire dans le cas de l'Inde. Poussant l'analyse plus
loin, il a découvert un facteurdéterminant le comportement des
IDE vis-à-vis de la corruption. Ce facteur est le niveaud'arbitraire
existant dans chacun des pays. En effet, en Chine la corruption n'est
pasassociée à l'arbitraire, alors qu'ellel'est en Indeoù
les investisseurs n'ont aucune garantied'obtenir ce qu'ils recherchent
même après avoir payé des pots-de-vin. Ainsi affirme-t-il,
c'est la nature de la corruption et non son importance ou son niveau qui
influence le flux entrant des IDE dans un pays.
La conclusion que l'on peut tirer de la lecture de la
littérature empirique sur l'attractivité des IDEest donc un
manque de robustesse des résultats empiriques. Face à ce constat,
il est nécessaire d'approfondir les analyses en variant les composantes
des études ; par exemple en intégrant différents facteurs
pouvant influencer l'attractivité des IDE(facteurs géographiques,
l'ouverture économique...), et en modifiant l'échantillon de
pays. Ainsi la lutte contre la corruption doit prendre en comptecertaines
disponibilités économiques, institutionnelles, infrastructurelles
et politiques.
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