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Les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts en Touraine entre 1789 et 1914


par Brice Langlois
Université François-Rabelais de Tours - Master II Histoire de l'art 2017
  

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C. La naissance et le développement des expositions artistiques et de la première la Société des Amis des Arts en Touraine (1835-1841)

Hormis la Société médicale du département d'Indre-et-Loire et la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres, la Touraine ne comprend aucune autre société savante avant 184081. De surcroît, seule la Société d'Agriculture porte de l'intérêt à la thématique artistique, en développant le goût des recherches scientifiques et les arts appliqués. Pourtant, la problématique liée à la question des Beaux-Arts occupe une place relativement modeste dans la société, ce qui semble pousser l'un de ses membres à formuler auprès du maire de Tours, Jean-Joseph Febvotte (1770-1853 ; 1832-1835), alors membre honoraire de la Société d'Agriculture, une demande d'organisation d'une exposition industrielle et artistique ainsi que la formation d'une société des Amis des Arts en début de l'année 1835.

a) À l'origine des expositions d'art et d'industrie tourangelles : l'intervention de Raoul de

CroØ

Propriétaire du château de la Guerche reçu en dot de son mariage avec Victorine d'Argenson (1804-1880) et membre associé de la Société d'Agriculture du département d'Indre-et-Loire, André-Rodolphe, dit Raoul de CroØ (1802-1879), qui a reçu une formation à la peinture dans les ateliers parisiens de Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819) et de Pierre-Auguste Vafflard (1777-1837)82 projette d'établir à Tours une exposition prenant à l'évidence

79 THIESSE, Anne-Marie, La création des identités nationales, Paris, Éditions du Seuil, 1999, p. 206.

80 BABONAUX, Yves, « L'industrialisation de Tours », Annales de Géographie, t. LVII, n°307, 1948, p. 248.

81 [ANONYME], Annuaire historique, statistique et commercial du département d'Indre et Loire, Tours, Ad. Mame et Cie, 1825 à 1840, Tours, A.D., IN16°1/22 à 37.

82 BELLIER DE LA CHAVIGNERIE, Émile, AUVRAY, Louis, Dictionnaire général des artistes de l'École française depuis l'origine des arts du dessin jusqu'à nos jours, t. Paris, Librairie Renouard, 1882-1885, p. 323.

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pour modèle celles « du Louvre ; et celles de l'industrie [qui] ont amené vingt mille étrangers à Paris et créé une circulation nouvelle de plus de soixante millions » (ann. 2.2.1.1)83.

Si le Salon se réunit annuellement au Louvre depuis la première moitié du XVIIIe siècle, il est au contraire un événement culturel parisien plus récent qui a pour but l'encouragement de l'économie nationale : l'exposition des produits de l'industrie française. La première édition de cette manifestation se tient au Champs de Mars en 1798, avant de s'ouvrir dans la Cour carrée du Louvre à partir de 1801, à la demande du ministre de l'Intérieur Jean-Antoine Chaptal (17561832)84. À travers l'organisation de cet événement, le gouvernement cherche manifestement à encourager l'industrie nationale et à lutter contre la concurrence étrangère, en offrant un panorama complet des productions des diverses branches de l'industrie française85. Quelques semaines seulement après la fermeture de cette exposition, qui propose notamment pour la section artistique la présentation des chefs-d'oeuvre ramenés d'Italie, est créée le 2 novembre 1801 (9 Brumaire An X) sous l'impulsion de Chaptal et la souscription de Napoléon Bonaparte (1769-1821) et du deuxième consul Jean-Jacques-Régis de Cambacérès (1753-1824), la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale, qui vise « à seconder les progrès des arts utiles et de propager l'instruction sur tous les objets qui les intéressent »86. Cette société qui réunit les élites intellectuelles et scientifiques participe à la coordination des expositions industrielles qui sont organisées à rythme quinquennal à partir de 180287.

La proposition de Raoul de CroØ résulte à l'évidence d'un courant d'émulation national qui prend ses racines à Paris avant de se diffuser dans l'ensemble des régions françaises. En effet dans la majorité des chefs-lieux sont organisées des expositions d'art et d'industrie qui semblent s'inspirer du modèle parisien. Si « Lyon, Caen, Nantes ont leurs expositions » 88, plus proche de Tours « Angers suit leur exemple, et cette dernière ville va même ouvrir

83 CROÙ D'ARGENSON, Raoul de : Lettre adressée au maire de Tours au sujet de l'établissement d'une exposition de Beaux-Arts au printemps 1835 et la création d'une Société des Amis des Arts, 10 février 1835, f° 2, Tours, A.M., 2 F Boîte 14.

84 ANDIA, Béatrice de (éd.), Les expositions universelles à Paris de 1855 à 1937, Paris, Action artistique de la ville de Paris, 2005, p. 11.

85 ALCOUFFE, Daniel (éd.), DION-TENENBAUM, Anne (éd.), ENNéS, Pierre (éd.), Un âge d'or des arts décoratifs 1814-1848, cat. exp., Paris, Grand Palais, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1991, p. 116.

86 [ANONYME], « Avertissement », Bulletin de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, Paris, Imp. Huzard, 1802, p. 3.

87 BENOIT, Serge (éd.), EMPTOZ, Gérard (éd.), WORONOFF, Denis (éd.), Encourager l'innovation en France et en Europe. Autour du bicentenaire de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, Paris, CTHS, 2006.

88 [ANONYME], « Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 65, 23 avril 1835, p. 1.

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prochainement une exposition spéciale pour les tableaux »89. Dès 1825, la ville de Nantes organise par exemple une première exposition des produits de l'industrie de la Loire-Inférieure, dont une section est réservée aux Beaux-Arts90. De cette exposition, les édiles angevins semblent s'inspirer pour organiser leur exposition de 1835, qui se compose de quatre sections industrielles et une section de Beaux-Arts proposant à la fois des tableaux d'histoire, de genre, de paysage ainsi que des portraits91. Ces expositions régionales se tenant à proximité de Tours incitent probablement Raoul de CroØ à lancer l'initiative d'une exposition à Tours. Celui-ci démontre la fertilité du terreau tourangeau à recevoir une exposition annuelle des produits des arts et de l'industrie en insistant notamment sur la présence d'un musée et d'une bibliothèque ainsi que sur la situation géographique favorable de la ville.

Depuis longtemps, Lyon, Bordeaux, Lille, Valenciennes, Cambrai, Douai, offrent à des époques rapprochées des expositions de Beaux-Arts. Pourtant, aucune de ces cités n'est placée comme le chef-lieu de notre Touraine pour leur servir de sanctuaire. Ici, le centre de la France, ici un beau et pur ciel, des monuments historiques et à étudier, à conserver du moins par souvenir, elles sont quelques unes des raisons qui devront appeler à Tours, les oeuvres des artistes de la capitale, et exciter l'émulation de ceux du département92.

S'il démontre la richesse du patrimoine historique de Touraine, Raoul de CroØ justifie son projet également par la localisation géographique de Tours. Placé au centre de la France, la ville jouit effectivement d'une situation géographique qui lui permet de relier rapidement Paris et les autres régions françaises. Un service de diligences relie quotidiennement les deux villes à raison de deux trajets par jour au départ de Tours, tandis qu'au départ de Paris la liaison est assurée une fois tous les deux jours93. Aussi, dès les années 1830 Tours réfléchit à s'équiper d'une voie de chemin de fer qui relie Orléans, puis Paris. Néanmoins, il faut attendre 1845 pour que s'ouvre cette première ligne, ainsi que les voies à destination de Bordeaux et de Nantes. L'apport de ce nouveau moyen de locomotion est bénéfique, puisque le temps de déplacement

89 Ibidem.

90 BRUNNER, Marie-Ange, « Bibliographie des expositions de province 1815-1850 », in Gazette des Beaux-Arts, n°95, 1980, p. 201.

91 Compte-rendu de l'exposition de l'Industrie, ouverte à Angers à l'hôtel de la Préfecture, le 12 novembre 1835, suivi d'une revue générale de l'exposition de peinture ouverte à l'hôtel de ville le même jour, Angers, Launay-Gagnot, 1836, Paris, BnF, V38 137.

92 CROÙ D'ARGENSON, Raoul de, op. cit..

93 [ANONYME], Annuaire historique, statistique et commercial du département d'Indre et Loire, op. cit., 1831, p. 199.

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entre Tours et Paris est largement réduit. Il passe en effet de plusieurs jours à une moyenne contenue entre 6h40 et 8 heures94.

La tenue d'une exposition des produits des Beaux-Arts et de l'industrie apporterait à n'en pas douter selon le comte de CroØ, une émulation dans la ville et dans l'ensemble du département, ainsi que dans les régions limitrophes. Le projet très concret de ce dernier témoigne de son investissement. Il propose l'établissement d'une exposition au printemps de l'année 1835 dans les salles du rez-de-chaussée et du second étage du musée - ouvert seulement sept ans auparavant 95 - et la création d'une société des Amis des Arts. Toutes deux permettraient de perfectionner l'éducation populaire, d'entretenir et développer les relations entre Paris et la province et d'enrichir par le biais d'une loterie le musée de Tours.

Ce peintre et écrivain dont le réseau est très développé à Paris, en raison des différents articles qu'il publie notamment dans les revues artistiques telle que L'Artiste, justifie ces propos en donnant des exemples précis des manifestations organisées auparavant dans toute la France et particulièrement dans les régions septentrionales. Il semble avoir réuni un nombre important de documents relatifs aux expositions annuelles de Cambrai, à l'instar des statuts et des arrêtés municipaux qu'il transmet au maire de Tours le 23 avril 1835 (ann. 2.2.1.4)96. Il n'est pas étonnant que le comte de CroØ insiste longuement sur les actions des sociétés du nord de la France. En effet, il est né à Amiens et entretient probablement des liens avec sa région natale, ce qui facilite sa correspondance avec les sociétés du nord de la France.

b) Entre enthousiasme et perplexité : la réception du projet de Raoul de CroØ

Le projet du comte de CroØ est présenté une première fois devant le Conseil municipal à la séance du 11 février 1835. L'examen de cette proposition est délégué à une commission composée de « MM. Blain, Julien, Meffre, Champoiseau, Tonnellé, Lange et Walwein » (ann. 2.7.1.1)97 à laquelle s'ajoute Raoul de CroØ (ann. 2.2.1.3)98. Cette commission formée de protagonistes de diverses professions - architecte, négociant, avocat, médecin - et faisant partie pour l'essentiel de la Société d'Agriculture, semble reconnaître l'intérêt de l'organisation d'une

94 LAURENCIN, Michel, « La Société d'Agriculture... », op. cit., 2010, p. 235.

95 BENÂTRE, Nathalie, op. cit., 1988, p. 45.

96 Préfecture d'Indre-et-Loire : Lettre au maire de Tours au sujet de l'organisation de l'exposition de l'industrie de 1835, 23 avril 1835, Tours, A.M., 2 F Boîte 14.

97 Registre des délibérations du Conseil municipal de la Ville de Tours. Séance du 11 février 1835, f6, Tours, A.M., 1D 53.

98 Registre des délibérations du Conseil municipal de la Ville de Tours. Séance du 1er avril 1835 au sujet de l'établissement dans la ville d'une exposition d'objets d'art et d'industrie, Tours, A.M., 1D 53.

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telle exposition et de la formation à Tours d'une société des Amis des Arts dans le rapport qu'elle présente le 1er avril 1835 (ann. 2.2.1.3)99. Le Conseil municipal paraît approuver la démarche, les efforts et l'intérêt du projet du comte de CroØ. Néanmoins, il lui est nécessaire de répondre avant toute prise de décision aux questions suivantes : « L'exposition est-elle possible ? Offre-t-elle quelques intérêts ? Enfin quels sont les moyens de l'établir ? »100 (ann. 2.2.1.3).

Comme le font remarquer les membres du Conseil municipal, Tours ne peut tenir la comparaison aux expositions parisiennes, ce qui semble-t-il, les fait douter des capacités de la ville à organiser une exposition qui ne « s'élèverait pas [en] Bazar à la cupidité de quelques étrangers, plutôt qu'en temple aux arts et à l'industrie »101 (ann. 2.2.1.3). En effet, les industries et les artistes sont moins nombreux dans le centre de la France, ce qui pousse le Conseil à se demander si les ressources matérielles nécessaires à la constitution d'une exposition sont assez importantes et dignes d'intérêt. Pour autant, le Conseil municipal semble confiant en envisageant à plus long terme un développement de l'économie et des richesses de Tours, en raison de la visibilité apportée par l'exposition. Il projette de surcroît l'ajout d'une section horticole aux futures expositions.

Si les vertus d'une exposition ne sont pas contestées, les « voies et moyens propres à la réalisation du projet » sont cependant fortement discutés. Le budget représente la problématique majeure dans l'organisation des futures expositions tourangelles. En effet entre les propositions de Raoul de CroØ et le projet de la municipalité apparaissent des différences importantes de budget, ce qui induit la commission à penser « que l'auteur de l'exposé s'est fait quelques illusions sur le chiffre des dépenses nécessaires à un pareil établissement. Ces dépenses portent sur l'appropriation d'un local, les frais de transport des objets d'art ou d'industrie, les récompenses, les achats »102 (ann. 2.2.1.3). Dans son rapport adressé à la commission d'étude du projet, Raoul de CroØ ne compte en effet aucune dépense pour la mise à disposition et la réfection du local du musée, tandis que la municipalité envisage des travaux qui représentent à l'évidence des dépenses pour la ville (Ill. 1). Aussi, le projet initial ne prévoit qu'une somme de 200 francs pour l'entretien et la conservation des tableaux, tandis que le Conseil municipal prévoit au minimum une dépense de 500 francs. Si les deux partis sont sensiblement d'accord

99 Ibidem.

100 Ibid, f 23.

101 Ibidem.

102 Ibid, f 24.

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sur la somme nécessaire à consacrer aux récompenses, ils divergent quant au coût du transport. En effet, Raoul de CroØ propose l'établissement d'un contrat avec une maison de roulage, telle que la firme Bricard qui oeuvre au transport des tableaux en provenance de Paris pour les expositions du nord de la France, qui s'élèverait à 800 francs (ann. 2.2.1.2). La municipalité quant à elle, refuse toute prise en charge du transport des oeuvres d'art et des produits industriels. Les achats pour le musée proposés sous la forme de loterie, représentent un coût de 2 000 francs dont les deux parties sont d'accord. Cependant la municipalité tourangelle n'envisage pas de prendre en charge la totalité des dépenses nécessaires à l'organisation de l'exposition et propose l'établissement d'une subvention commune avec le Conseil départemental. De fait Raoul de CroØ démontre que les bénéfices résultant de la vente des billets de loterie, des catalogues de l'exposition et de la cotisation des membres fondateurs de la future société des Amis des Arts, permettraient de réduire considérablement le coût de l'exposition (Ill. 2). Ainsi, outre le fait de participer aux choix des objets exposés, la société des Amis des Arts projetée par le comte de CroØ a aussi une fonction économique, dont le but est de réduire par la somme des adhésions le coût de l'exposition d'art et d'industrie.

Le Conseil municipal semble séduit par l'organisation d'une telle exposition à Tours et reconnaît son utilité. Il adopte de suite un projet d'organisation d'une exposition devant s'ouvrir la même année du 10 mai au 10 juin dans les salles vacantes du musée103 (ann. 2.2.1.3). Néanmoins cette entreprise quelque peu précipitée n'aboutit pas et le projet est discuté de nouveau le 25 mai 1835.

Certains membres du Conseil municipal paraissent pessimistes en supposant que « Paris doit toujours attirer de la province tout ce qu'il y a de beau, que les artistes et les industriels du département seront les premiers à déserter l'exposition de Tours » (ann. 2.7.1.2)104. De ces propos résulte une forme de dévalorisation issues des rapports difficiles entretenus entre Paris et la province. Un autre membre du Conseil municipal admettant le climat « parisiano-centré » des affaires culturelles de l'époque, montre à l'inverse que « les provinces doivent lutter contre cette tendance de la capitale à attirer tout à elle »105. Cela l'incite à se porter favorable à l'organisation d'une exposition à Tours.

103 Ibid, f 25.

104 Registre des délibérations du Conseil municipal de la Ville de Tours. Séance du 25 mai 1835 : Discussion autour de l'établissement d'une exposition des arts et de l'industrie, 1D53, f31, Tours, A.M., 1D 53.

105 Ibidem.

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c) L'aboutissement de la création de la première exposition artistique et de la première
Société des Amis des Arts à Tours.

La proposition du comte de CroØ semble recueillir l'adhésion de la population tourangelle, comme en témoigne les propos de ce rédacteur du Journal d'Indre-et-Loire qui se félicite « de voir [Tours] entrer dans cette voie du progrès et de l'émulation »106. Pour autant la réalisation de ce projet est retardée, en raison des avis contraires des membres du Conseil municipal et de l'élection du nouveau maire de Tours. Depuis le 20 juillet 1835, Jean-Joseph Febvotte a laissé à Auguste Walwein sa place de maire de la ville. Si Walwein figure dès le 11 février 1835 parmi les membres de la commission d'examen du projet d'organisation d'une exposition d'art et d'industrie et de création d'une société des Amis des Arts, il est probable qu'à l'heure de son investiture cette entreprise ne soit pas une priorité. Néanmoins, Auguste Walwein semble témoigner de l'intérêt à ce projet en récoltant un certain nombre de documents relatifs aux expositions provinciales, auprès de ses confrères dont les villes accueillent des manifestations artistiques organisées par des sociétés locales107. Ainsi, les statuts des sociétés savantes et les différents arrêtés municipaux pris au sujet des expositions départementales et fournis par les maires de Rouen et d'Amiens notamment, sont à l'évidence des sources d'inspiration pour la constitution des futures expositions des Beaux-Arts à Tours.

Si toutefois une exposition d'horticulture est ouverte dans la grande salle du musée du 22 au 25 juillet 1838, suite à la demande des jardiniers de la ville108, il semble au contraire qu'aucune exposition artistique ne voit jour avant 1841 à Tours, malgré les relances émises par la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire depuis 1837109. La Société d'Agriculture incite en effet le maire tourangeau à considérer très sérieusement la proposition du comte de CroØ présentée quatre ans auparavant. Ainsi la société insiste sur la nécessité de soutenir les manufactures locales - de soie en l'occurrence -, puisque

106 [ANONYME], « Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n 65, 23 avril 1835, p. 1.

107 Mairie d'Amiens : Lettre adressée au maire de Tours au sujet des sociétés des amis des arts de la ville d'Amiens et de l'Exposition des produits des arts libéraux et d'horticulture du département de la Somme, 17 mars 1836, Tours, A.M., 2 F boîte 14.

Mairie de Rouen : Lettre adressée au maire de Tours au sujet des expositions des produits des arts et de l'industrie organisées dans le département de la Seine-Inférieure, 16 décembre 1835, Tours, A.M., 2 F boîte 14.

108 Jardiniers de Tours : Lettre adressée au maire de Tours au sujet d'une demande d'exposition d'horticulture, 24 juin 1838, Tours, A.M., 2 F boîte 14.

Programme de l'exposition d'horticulture qui aura lieu à Tours, dans la grande salle du musée le 22 juillet 1838, Tours, A.M., 2 F boîte 14.

109 Registre des délibérations du Conseil municipal de la Ville de Tours. Séance du 28 août 1837 : Exposition des produits des arts et de l'industrie, projet d'établissement, f30. Tours, A.M., 1D 55.

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« nulle part le département d'Indre-et-Loire [n'est] cité comme pays manufacturier » 110 (ann. 2.2.3.3). Les arts appliqués sont une préoccupation récurrente pour la Société d'Agriculture tourangelle. De fait, elle est soutenue par la Chambre de commerce de Tours à partir de 1840 pour l'organisation d'une exposition industrielle (ann. 2.2.4.1)111. Le concours de cette instance publique semble apporter à l'initiative individuelle de la Société d'Agriculture en général et du comte de CroØ en particulier, une légitimité auprès de la ville. Dès lors, la Chambre de commerce, le Conseil municipal, le Conseil général et la Société d'Agriculture se regroupent officiellement à partir du 20 octobre 1840 pour former une commission spéciale chargée de l'organisation de l'exposition de mai 1841112(ann. 2.2.4.3).

Une commission spéciale des Beaux-Arts a été formée au sein de la commission générale chargée d'organiser l'exposition qui doit s'ouvrir à Tours le 10 mai prochain. Cette commission a reconnu que la création d'une Société des Amis des Arts seconderait puissamment ses efforts, et permettrait de conserver à Tours quelques-uns des ouvrages exposés. Une première liste des souscriptions a déjà réuni de nombreuses signatures; chacun s'empressera sans doute de s'associer à cette pensée113.

Ce n'est que quelques semaines seulement avant l'ouverture de l'exposition qu'est formée la première Société des Amis des Arts tourangelle dont le président est sans surprise Raoul de CroØ. Le secrétariat de la société est assuré par le peintre et professeur de dessin Jacques Victor Jacquinet qui expose à trois reprises au Salon entre 1833 et 1838. Le bureau est complété par la présence du notaire Emmanuel Chambert, du colonel d'artillerie à la retraite Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, de l'ancien maire de Tours Jean-Joseph Febvotte, de l'architecte Charles Jacquemin, de l'imprimeur et homme politique Ernest Mame (1805-1883), du maire Auguste Walwein et de M. Navarre dont la profession est aujourd'hui inconnue114. En grande majorité, ces artistes et amateurs sont également membres de la Société d'Agriculture, mais aussi collectionneurs d'art vivant, à l'instar de La Combe qui s'intéresse particulièrement à l'oeuvre lithographique de Nicolas-Toussaint Charlet (1792-1845) et qui entretient de

110 S.A.S.A.B.L. : Lettre au maire de Tours au sujet de l'organisation d'une exposition, 31 juillet 1839, Tours, A.M., 2 F boîte 14.

111 S.A.S.A.B.L : Lettre au maire de Tours au sujet de l'organisation d'une exposition d'arts et d'industries, 11 avril 1840, Tours, A.M., 2 F boîte 14.

112 Président de la chambre de commerce de Tours : Lettre au maire de Tours au sujet de la mise en place d'une commission spéciale entre la société d'agriculture, la chambre de commerce et le conseil municipal, 20 octobre 1840, Tours, A.M., 2 F boîte 14.

113 [ANONYME], « Société des Amis des Arts à Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 50, 9 avril 1841, p. 1.

114 Ibidem.

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nombreux liens avec les artistes parisiens115. Si les relations avec les artistes apportent à La Combe une légitimité particulière en tant qu'amateur à l'instar du peintre Raoul de CroØ, qui expose une première fois au Salon en 1824116, tous ont à l'évidence un réseau de sociabilité important à Tours, leur permettant de recueillir aisément des souscriptions pour la Société des Amis des Arts. Cette association a pour but de favoriser le développement artistique en Touraine, en procédant notamment à l'achat d'oeuvres d'art.

L'action de cette société est attestée par la presse en 1841117. Cependant, hormis la mention d'une Société des Amis des Arts à Tours en 1846 dans une liste publiée dans L'Artiste118, le dépouillement des journaux des années suivantes ne permet pas de retracer à plus long terme l'existence de cette société, d'autant qu'elle ne semble pas soumise à des statuts juridiques particuliers, en raison de son affiliation à la commission en charge de l'organisation de l'exposition. Aussi, il faut remarquer que cette dernière n'est à aucun moment mentionnée dans les annuaires du département. En somme, les origines de la première exposition artistique et de la première Société des Amis des Arts de Tours sont indissociablement liées. La formation de ces deux entités est une première étape dans la popularisation et l'encouragement de l'art dans le département d'Indre-et-Loire.

II) De 1840 au début du XXe siècle : la fondation et la renaissance des sociétés les plus actives pour le développement des arts dans le département d'Indre-et-Loire

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld