Les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts en Touraine entre 1789 et 1914par Brice Langlois Université François-Rabelais de Tours - Master II Histoire de l'art 2017 |
B. Les salons sociétaux de Touraine des avatars du marché de l'art national ?Les cimaises de toutes des expositions de Beaux-Arts organisées en Touraine, n'accueillent pas à chaque fois les oeuvres des artistes étrangers. Pourtant lorsque leurs oeuvres 395 AUBRY, Louis : Lettre adressé au secrétaire général de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, Auguste Chauvigné, au sujet de l'acquisition d'oeuvres d'artistes tourangeaux présentées au cours des expositions annuelles, 3 juillet 1906, Tours, A.M., 48Z 21. 396 S.A.S.A.B.L, « Séance du 13 juillet 1906 », Annales, t. LXXXVI, Tours, Imp. Deslis, 1906, p. 97. 397 S.A.A., « 18 juillet 1920 », Procès-verbaux de la commission administrative 1914-1946, op. cit., f 34. 114 sont acceptées, il peut sembler que la Touraine devient le temps des expositions, un espace où convergent les intentions mercantiles des artistes français. En ce qui concerne les ventes des oeuvres d'art, les salons de province sont effectivement à ne pas envisager comme des lieux en marge des Salons parisiens, bien qu'à l'évidence leur prestige ne soit pas aussi important que celui des expositions de la capitale398. Les expositions ouvertes à tous les artistes français se tenant en province en général et en Touraine en particulier, participent à la décentralisation du marché de l'art et à son désengorgement. Dès lors, il faut les appréhender comme des événements « complémentaires et providentiels »399 à la fois pour les artistes et les marchands, mais également pour les collectionneurs. Il convient ici de démontrer en quoi ces expositions tourangelles sont à envisager comme des jalons intéressants de la décentralisation du commerce de l'art français à cette époque et comment elles peuvent s'appréhender comme des éléments constituants un second marché de l'art pour les artistes de province et particulièrement pour les artistes de Paris. a) Les expositions de Touraine, des espaces d'attraction pour les artistes français Les expositions régionales sont des soutiens privilégiés pour les artistes français du XIXe siècle, soumis à une vive concurrence ou qui ne disposent que de peu d'infrastructures commerciales pour la vente de leurs oeuvres. De fait en 1839, Étienne Huard rédacteur du Journal des Artistes mais également peintre à ses heures400, contacte le maire de Tours au sujet de l'organisation d'une exposition de Beaux-Arts devant s'ouvrir durant l'année (ann. 2.2.3.2). Il tente d'obtenir des informations, puisque « plusieurs artistes [sont] venus demander des renseignements [qu'il n'a] pas pu leur donner »401 depuis la publication dans son journal de l'ouverture prochaine d'une exposition à Tours, suivant l'exemple des villes de Nantes et d'Angers402. Il est fort probable que ce soit la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire qui prévient Étienne Huard de sa volonté d'organiser à Tours une exposition des Beaux-Arts. En effet, la Société invite le 10 mai 1839 le maire de Tours à participer à sa séance générale pour discuter de l'organisation d'une exposition dont elle « a 398 BUCHANIEC, Nicolas, Salons de province, op. cit., 2010, p. 25. 399 Ibid., p. 118. 400 ROBERTVAL, Hector de, « Les journaux d'art à Paris », La Renaissance chronique des Beaux-Arts et de la littérature et revue archéologique de la Belgique, Vol. 8, 1846-1847, p. 1. 401 HUARD, Étienne : Lettre au maire de Tours au sujet de l'organisation de l'exposition d'arts et d'industries, demande de renseignements, 10 juillet 1839, Tours, A.M, 2F boîte 14. 402 [ANONYME], « Nouvelles des arts », Journal des Artistes, n° 21, 26 mai 1839, p. 336. 115 exprimé depuis longtemps le désir de voir se former »403 (2.2.3.1). Si finalement cette exhibition artistique ne voit pas le jour comme le démontre le dépouillement de la presse locale de 1839404, l'intention de son organisation suscite de l'intérêt chez ce rédacteur, mais plus largement chez son lectorat composé essentiellement d'artistes. Les expositions provinciales sont effectivement de formidables occasions pour les artistes français d'exposer, mais également de vendre leurs oeuvres en dehors des strictes frontières de leur localité. Durant tout le XIXe siècle se dessine un réseau entre les différentes provinces, dans le but d'encourager l'émulation artistique. Cette articulation est organisée par les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts et soutenue par les municipalités. Ainsi en mai 1838, le maire d'Angers signale à son homologue tourangeau, l'ouverture en juin d'une exposition de Beaux-Arts organisée par la Société Industrielle de sa ville et le prie d'inviter les artistes de Tours à prendre part à cette manifestation (ann. 2.2.2.2)405. Si cette exposition est réservée aux artistes des neuf départements voisins du Maine-et-Loire, elle favorise immanquablement le commerce des oeuvres des artistes de la région. Tel est le cas également en 1841, lorsque la municipalité de Tours organise sous les hospices de la Société des Amis des Arts son exposition des produits des arts et de l'industrie accueillant strictement les travaux des artistes du Centre et de l'Ouest de la France. Si pour les jeunes artistes les expositions provinciales sont des manifestations propices pour se faire connaître des amateurs, pour les artistes ayant déjà une reconnaissance officielle, celles-ci s'appréhendent strictement comme des lieux de commerce et non de consécration artistique, en raison de la réputation à construire de ces manifestations et de la centralisation des institutions officielles à Paris. Il semble que la commission d'organisation de l'exposition de 1841 en a bien conscience. En effet elle n'attribue pas de récompense honorifique à Étienne Suc (1807-1855) pour sa Petite mendiante (fig. 33). Présentée au Salon en 1838406, cette sculpture en marbre profite d'une bonne réception critique dans la presse artistique parisienne407. Suivant la bonne appréciation de son oeuvre, Étienne Suc se voit 403 S.A.S.A.B.L : Lettre adressée au maire de Tours au sujet de l'organisation d'une exposition, le 10 mai 1839, Tours, A.M., 2F boîte 14. 404 Journal d'Indre-et-Loire, 1839, Tours, A.M., 121 C 25. 405 Jury de l'exposition des beaux-arts d'Angers : Lettre adressée au maire de Tours l'invitant à faire connaître l'exposition des beaux-arts d'Angers aux artistes de la ville, 10 mai 1838, Tours, A.M., 2F boîte 14. 406 [ANONYME], Explication des ouvrages de peinture, sculpture, architecture, gravure et lithographie des artistes vivans, exposés au musée royal, le 1er mars 1838, Paris, Vinchon, 1838, [en ligne], ], Musée d'Orsay, Base Salons : http://salons.musee-orsay.fr/index/exposant/76607?offset=9 Consulté le 19/05/2017. 407 [ANONYME], « Salon de 1838 », L'Artiste, (t. XV, première série, Paris, 1838), Genève, Slatkine Reprints, 1972, p. 173. 116 attribuer sa première médaille d'or par le jury du Salon408. Il est donc fort probable que l'envoi de cette oeuvre à Tours résulte a fortiori d'un espoir de vente, plutôt que de reconnaissance des mérites artistiques de son auteur, d'autant que les frais d'expédition d'une sculpture sont évidemment plus onéreux que ceux d'un tableau, ce explique par ailleurs la présence toujours plus restreinte des statues en comparaison des tableaux ou des oeuvres sur papier dans les expositions sociétales. La sculpture d'Étienne Suc n'est pas achetée à l'exposition tourangelle de 1841, mais est acquise finalement par un amateur nantais à son retour à l'atelier409. Quand l'ensemble des artistes français est convié à participer aux salons tourangeaux l'opportunité mercantile les conduit à envoyer en Touraine des oeuvres de leurs ateliers. Durant l'exposition de 1882 organisée par la Société des Amis des Arts, des oeuvres d'artistes provenant de toute la France sont présentées. Sur les près de 275 artistes participant à l'exposition, 80% sont des artistes étrangers au département d'Indre-et-Loire. La plupart des artistes sont parisiens. Ils représentent un peu plus de 60% de l'effectif total des artistes de l'exposition, tandis les artistes tourangeaux et les artistes des autres départements représentent chacun 20%. La participation importante des artistes parisiens s'explique principalement par la vive concurrence du marché de l'art à Paris. Les artistes en quête de vente envoient leurs oeuvres en province, à l'instar de Gustave Moreau (1826-1898), qui en 1853 participe à l'exposition de la Société des Amis des Arts de Touraine, en présentant notamment Darius après la bataille d'Arbelles (fig. 34). Refusé au Salon en 1852, accepté en 1853410, le tableau reste invendu. À l'issue du Salon la toile est envoyée par Gustave Moreau à Tours. En cette ville, malgré une critique relativement bonne411, l'oeuvre ne trouve pas plus d'amateurs. Ainsi Darius après la bataille d'Arbelles est présenté à la fin de l'année 1853 à l'exposition de la Société des Amis des Arts de Lyon, avant de revenir à l'atelier parisien, où Moreau prévoit de l'améliorer en rehaussant le dessin en noir412. Il est possible que l'artiste envisage de nouveau d'expédier son 408 CROÙ D'ARGENSON, Raoul de, « Rapport de la section des Beaux-Arts », Exposition des produits de l'industrie et des arts à Tours (Mai 1841). Rapports des diverses commissions, Tours, Mame, 1841, p. 47. 409 DUREAU, Jean-Baptiste, Une visite à l'atelier de E.-E. Suc, statuaire-sculpteur à Nantes, Nantes, Imp. W. Busseuil, 1846, p. 8. 410 [ANONYME], Explication des ouvrages de peinture, sculpture, gravure et architecture des artistes vivants exposés aux Menus-Plaisirs le 15 mai 1853, Paris Vinchon, 1853, [en ligne], ], Musée d'Orsay, Base Salons : http://salons.musee-orsay.fr/index/notice/60864, Consulté le 19/05/2017. 411 [ANONYME], « Exposition de Tableaux aux Minimes. Premier article. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 220, 17 septembre 1853, p. 1. 412 LACAMBRE, Geneviève, « À la recherche d'amateurs : l'exemple de la participation du peintre parisien Gustave Moreau aux expositions de province », in HOUSSAIS, Laurent (éd.), LAGRANGE, Marion (éd.), MOULIN, Raymonde (éd.) et alii, op. cit., 2010, p. 102. 117 tableau à l'exposition de la Société des Amis des Arts de Bordeaux de 1855. À l'évidence la présence des oeuvres des artistes parisiens dans les salons de province résulte d'une combinaison de facteurs économiques. La concurrence au Salon induit inévitablement les artistes à trouver de nouveaux mécènes en dehors de Paris. Dès lors Gustave Moreau n'est pas isolé et semble suivre en réalité l'exemple de ses amis Théodore Chassériau (1818-1856) et Eugène Fromentin (1820-1876), qui avant lui avaient compris l'intérêt financier des salons de province413. Il est fort probable que le nombre limité de ventes d'oeuvres d'art à l'exposition de 1853 ainsi que sa réception en demi-teinte conduisent à l'arrêt de l'organisation d'expositions d'art vivant à Tours jusqu'en 1882. L'admissibilité des oeuvres de l'ensemble des artistes français à la première exposition de la Société des Amis des Arts de la Touraine conduit également les marchands à envoyer depuis Paris des oeuvres des artistes qu'ils représentent. Il faut noter néanmoins que les marchands ne sont pas mentionnés explicitement par la Société des Amis des Arts dans le catalogue de l'exposition, compte tenu de leurs intérêts exclusivement mercantiles, qui vont a priori à l'encontre des principes pédagogiques et philanthropiques que se sont fixés les membres de la société. Toutefois les mentions récurrentes de certaines adresses sont révélatrices de leur présence. Ainsi en 1882, au moins deux galeristes parisiens s'occupent de la diffusion des oeuvres de leurs artistes en Touraine : Paul Durand-Ruel et Claude Éliot, installés respectivement au 1, rue de la Paix et au 16, avenue Trudaine à Paris. Pour autant, il semble que l'adresse indiquée de Paul Durand-Ruel corresponde à l'adresse de son ancienne galerie. Depuis le 1er juillet 1869, il est installé effectivement rue Laffitte414, place majeure du marché de l'art à partir de la seconde moitié du XIXe siècle415. À eux-seuls les deux marchands fournissent plus de 8% des oeuvres et représentent 10% des artistes invités à l'exposition de la Société des Amis des Arts. L'implication de ces marchands dans les expositions de province semble régulière. Claude Eliot exporte fréquemment les oeuvres des artistes qu'il défend vers les expositions des sociétés des Amis des Arts dont celle de Nancy en 1874416 et de Bourg-en- 413 Ibidem. 414 PATRY, Sylvie, op. cit., 2014, p. 195. 415 GREEN, Nicholas, « Circuits of Production, Circuits of Consumption: The Case of Mid-Nineteenth-Century French Art Dealing », Art Journal, vol. 48, n° 1, 1989, p. 29. 416 SOCIÉTÉ LORRAINE DES AMIS DES ARTS, Catalogue des ouvrages de peinture, sculpture, gravure, Nancy, Imp. Berger-Levrault, 1874. 118 Bresse en 1878417. Les artistes qu'il représente sont des petits maîtres de l'école française ou de jeunes artistes en début de carrière, à l'exemple de son fils Maurice Éliot (1864-1945), âgé de 18 ans et encore élève d'Émile Bin (1825-1897). Quant à Paul Durand-Ruel, l'envoi de ses oeuvres à Tours est à inscrire dans sa démarche de diffusion de l'impressionnisme à l'échelle nationale et internationale. À l'exception de Louis-Émile Bénassit (1833-1902), tous les artistes qu'il représente sont des impressionnistes. À l'évidence Durand-Ruel envoie à Tours des oeuvres récentes exécutées pendant l'année, à l'exemple de la Marée basse à Varengeville (fig. 35) de Claude Monet et deux toiles de Camille Pissarro intitulées Le Goûter (fig. 36) et Femme et enfant au puits (fig. 37). La toile de Monet est réalisée durant son séjour de deux mois à Dieppe. Elle est acquise en avril 1882 par Durand-Ruel avec vingt-deux autres tableaux pour la somme totale de 8 800 francs418. En ce qui concerne les oeuvres de Pissarro, Durand-Ruel les achète respectivement le 28 juin et le 5 août 1882419. Néanmoins, le public tourangeau semble écouter les recommandations du critique du Journal d'Indre-et-Loire qui recommande narquoisement de ne pas les acheter420. Durand-Ruel doit attendre 1888 pour que les deux toiles de Pissarro soient vendues à sa galerie new-yorkaise421. Si quelques années plus tard les oeuvres impressionnistes se vendent à des prix relativement soutenus, en raison de leur exportation aux États-Unis, en 1882 les Salons de province sont encore des espaces d'attractions commerciales pour leur marchand, bien qu'en l'occurrence l'exposition de Tours n'amène aucune vente. b) Les rendez-vous des collectionneurs Les expositions en Touraine confrontant simultanément les oeuvres des artistes locaux à celles des artistes de stature régionale et a fortiori nationale voire internationale sont des événements relativement rares. Il semble ainsi que la Société des Amis des Arts de la Touraine s'affère en 1882 à proposer un cadre confortable et prestigieux aux visiteurs de son exposition, en éditant un catalogue mentionnant l'ensemble des oeuvres exposées, dans le but de faciliter la visite, mais également l'achat. La publication d'un catalogue n'est pas chose courante au cours des expositions d'arts vivants en Touraine. Outre la Société Archéologique qui édite un 417 SOCIÉTÉ DES AMIS DES ARTS DE L'AIN, Livret explicatif des ouvrages de peinture, sculpture, dessin, gravure, Bourg, Imp. P. Barbier, 1878. 418 BERGERET-GOURBIN, Anne-Marie, « Claude Monet. Low Tide at Varengeville », [en ligne], Museo Thyssen-Bornemisza : https://www.museothyssen.org/en/collection/artists/monet-claude/low-tide-varengeville Consulté le 19/05/2017. 419 WIDELSTEIN INSTITUTE, PISSARO, Joachim, DURAND-RUEL SNOLLAERTS, Claire, Pissaro catalogue critique des peintures, Paris, Skira, 2005, p. 457-459. 420 VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de peinture. Aperçu général. Lettre 1. », op. cit., p. 2. 421 WIDELSTEIN INSTITUTE, op. cit, 2005, p. 457-459. 119 catalogue pour son exposition de 1847 qui mêle concomitamment présentation d'arts anciens et d'arts vivants422, seule la Société des Amis des Arts de la Touraine ne propose un livret pour ses expositions de 1882 et 1887423. Les Amis des Arts s'inspirent à l'évidence des livrets des Salons parisiens lors de la constitution de leur catalogue d'exposition de 1882. En effet dans celui-ci sont indiqués les noms des artistes, leurs lieux de naissance, leurs maîtres, l'adresse de leur atelier ou celle de leur marchand ainsi que les titres de leurs oeuvres, à l'instar des livrets de Salon édités depuis 1852424. De fait, les expositions cataloguées de la Société des Amis des Arts s'inscrivent dans la tradition des Salons français. La mise à disposition d'un catalogue participe à la valorisation de l'exposition, tout en facilitant pour les potentiels acquéreurs l'appréciation des oeuvres présentées. Les expositions de 1853, 1882 et 1889 ainsi que les Expositions nationales de 1881 et 1892 sont des événements importants pour le commerce des oeuvres des artistes parisiens, puisque décentralisant en province leur commerce. Dès lors elles permettent aux amateurs de profiter d'une variété d'oeuvres provenant de différentes régions. De toutes ces expositions, l'exposition de 1882 est celle pour laquelle les informations sont les plus riches et plus nombreuses, ce qui permet de juger l'importance de son organisation sur le commerce des oeuvres présentées. Cette exposition est l'occasion pour les collectionneurs locaux, et non des moindres, d'acquérir des oeuvres d'artistes vivants de Paris. La nature morte de Philippe Rousseau (1816-1887) intitulée Un repas frugal rejoint la collection de Jacques Drake del Castillo. Elle est vendue pour la somme de 1 500 francs425 (ann. 3.1), ce qui en fait la troisième oeuvre vendue la plus chère à l'exposition après Les Rhododendrons d'Alida Stolck cédée pour la somme de 2 500 francs426 et offerte à la loterie par Mme CÉ - qui est probablement Jenny Conquéré de Monbrisson (1828-1903), membre honoraire et veuve de Maurice Cottier fondateur de la société - et L'Égyptologue (fig. 25) de Georges Moreau acquis par la ville de Tours au prix de 2 000 francs427. Le prix de vente de la toile de Philippe Rousseau s'explique 422 S.A.T., Notice des tableaux et objets d'art exposés à Tours en 1847, Tours, Imp. Lecesne, 1847, Le Mans, Médiathèque Aragon, SA 8* 4108. 423 S.A.A., Exposition de 1882, op. cit., 1882. STALL De, « Le Salon Tourangeau. L'exposition des Amis des Arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 115, 16 et 17 mai 1887, p. 2. 424 CLÉMENT DE RIS, Louis, op. cit., 1852, p. 81. 425 S.A.A., Exposition de 1882, op. cit., p. 56. 426 Ibid., p. 58. 427 Ibid., p. 51. 120 essentiellement par le succès qu'il remporte auprès des amateurs. Ses natures mortes s'inspirant des travaux des peintres hollandais du XVIIe siècle sont extrêmement recherchées par les collectionneurs d'art vivant depuis le milieu du XIXe siècle. Le président de la Société des Amis des Arts est un collectionneur important d'art contemporain. Son château de Candé abrite effectivement de belles collections, parmi lesquelles figure notamment le Portrait du sculpteur Lorenzo Bartolini (fig. 38) peint par Jean-Auguste-Dominique Ingres en 1805428. L'achat d'une oeuvre par le président de la société organisatrice fait figure d'exemple. Il est possible que cet achat soit nécessaire pour encourager les acquisitions, d'autant que la vente du Repas frugal est médiatisée dans la presse locale429. En tout, 49 tableaux, 3 oeuvres sur papier et 11 objets d'art sont vendus au cours de l'exposition de la Société des Amis des Amis de 1882430. À la très grande majorité, les oeuvres des artistes étrangers et principalement parisiens ont été privilégiées par les amateurs de Touraine. Les oeuvres de ces artistes représentent 98% des oeuvres achetées. À l'évidence ce sont les oeuvres de genres mineurs qui sont favorisées. Sur les 49 oeuvres vendues, 23 sont des paysages, 18 des représentations de genre et 8 des natures mortes. Cette répartition correspond finalement au goût des amateurs de l'époque, compte tenu du renversement de la hiérarchie des genres. Si les oeuvres vendues au salon de Tours de 1882 ne représentent qu'un peu plus d'un dixième de l'ensemble des oeuvres exposées, il semble néanmoins que cette exposition figure parmi les plus rémunératrices pour les artistes cette année-là. À la clôture de son exposition, la Société des Amis des Arts publie dans le Journal d'Indre-et-Loire une dépêche, dans laquelle elle démontre que son exhibition « s'est élevée au premier rang, rivalisant avec les grandes villes et avec celles de sociétés ayant un déjà un long passé d'existence »431 en raison du nombre d'oeuvres vendues. En relevant dans les journaux spéciaux quel chiffre ont atteint les ventes qui se sont faites dans les plus importantes des expositions provinciales organisées par les sociétés artistiques dans le cours de l'année 1882 ; nous trouvons à Douai 16 ventes, à Montbéliard 20, à Versailles 29, à Bordeaux 31, à Saint-Quentin 44, à Auxerre 47, à Rouen 68432. 428 [ANONYME], Exposition de portraits par Ingres et ses élèves, cat. exp., Paris, Fondation de la Maison de Santé du Gardien de la Paix, Paris, Jacques Seligmann & Fils, 1934. 429 VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de peinture. Aperçu général. Lettre 1. », op. cit., p. 2. 430 [ANONYME], « Société des Amis des arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 279, 27 et 28 novembre 1882, p. 2. 431 Ibidem. 432 Ibidem. Au numéro suivant du Journal d'Indre-et-Loire la Société des Amis des Arts corrige le nombre de ventes réalisées à l'exposition rouennaise organisée du 1er octobre au 15 novembre433. Ce ne sont plus 68, mais 58 achats qui ont été effectués à Rouen, faisant de l'exposition de Tours la manifestation artistique de province la plus vendeuse de l'année 1882. Si les chiffres avancés par les Amis des Arts de Touraine n'ont pu être vérifiés, la publication du nombre d'oeuvres d'art vendues participe à la mise en évidence de la réussite de l'exposition et à la valorisation de la jeune association organisatrice. De surcroît la commission de 5% prélevée par la société sur chaque oeuvre vendue participe à compenser les frais liés à l'organisation de l'exposition. L'exposition de 1882 apparaît comme un unicum en Touraine, de part le nombre de ventes réalisées durant son ouverture, mais également de part la présence massive des artistes étrangers. En effet, plus de trente ans la sépare de la première exposition ouverte aux artistes de la capitale, et il semble qu'il faille attendre 1889 pour qu'une nouvelle exposition soit ouverte à tous les artistes français. Toutefois l'exemple de cette exposition est révélateur des enjeux liés à l'organisation des salons en province. Ils sont effectivement au XIXe siècle et jusqu'au premier quart du XXe siècle, des manifestations non négligeables pour les peintres comme pour les marchands, puisque permettant de trouver des amateurs en dehors de Paris. Les expositions de Tours sont donc à envisager dans la démarche globale de décentralisation du marché de l'art sur l'ensemble du territoire national. 121 433 [ANONYME], « Les expositions prochaines », Courrier de l'art, n° 21, 25 mai 1882, p. 245. 122 |
|