Annexe 9 : Echanges identifiés entre les
pisciculteurs de deux groupements avec un ACP pisciculteur au centre
88
Annexe 10 : Etude de cas de Victor12 (P2
dans notre étude), un pisciculteur qui n'a pas réussi à
devenir alevineur
Caractéristique de l'exploitation
:
Victor est un pisciculteur de la commune d'Andasibe,
situé à 16 km de Vatomandry en passant par des routes secondaires
peu praticables. Il a commencé la pisciculture en 2004 en élevant
du gourami pêché dans les cours d'eau mais il a fini par
arrêter par manque de connaissances techniques. Il a repris la
pisciculture avec l'APDRA en 2017 en rizière puis très rapidement
a construit un étang barrage de 5 ares. Il a aujourd'hui près
d'un demi-hectare de rizière empoissonné près de sa
maison. Il est en train de construire deux étangs barrages
supplémentaires. La partie aval de ses rizières est
exposée aux risques d'inondation. Victor a des parcelles de café,
c'est ce qui lui rapporte le plus d'argent. Grâce à ses
rizières, lui et sa famille arrivent à être auto-suffisant
en riz.
Conduites d'élevages des espèces
piscicoles : (année 2020) Elevage mono
spécifique de carpe en rizière :
Victor n'élève que de la carpe depuis
qu'il a perdu ses tilapias donnés par l'ADPRA lors d'une inondation. Il
utilise ses étangs de service pour séparer ses géniteurs
carpes et faire la reproduction de carpe. Cette année, il a fait 3
reproductions de carpes. Il laisse pré grossir ses alevins de carpes
dans un étang de service de 2 ares équipé d'un ombrage.
Ensuite les alevins continuent leur pré grossissement et le
grossissement dans les rizières. Une partie des rizières,
situées en aval, est plus exposé aux risques d'inondations. Il
peut alors, notamment grâce à des canaux de pêches
récupérer ses poissons pour les empoissonner dans les
rizières en aval. Initialement, Victor arrivait à faire 3 cycles
de riz par an. Depuis qu'il fait de la pisciculture, il ne peut faire que 2
cycles de riz en rizière par an à cause des travaux d'entretiens,
notamment le piétinage des rizières par les zébus qui
empêchent les activités piscicoles d'avoir lieu.
L'étang barrage lui a servi cette année
pour stocker ses géniteurs de carpes d'avril à juillet. En effet,
il vivait à ce moment près de son étang barrage et il
préférait garder ses géniteurs de carpes près de
lui pour éviter le vol. Après le mois d'août, il n'avait
plus assez d'eau dans son étang barrage. Il a donc décidé
d'y cultiver du riz sur la totalité. Cependant, il est en train de
finaliser un étang barrage de 28 ares pour y faire grossir ses carpes
partir d'avril 2021. Victor pense que le riz dans les rizières
gêne les poissons quand ils sont trop gros (il n'a pas de canaux refuges
dans toutes ses rizières).
« Je compte finir mon étang barrage de 28 ares
pour y faire séparément le grossissement de 1600 carpes
que j'irai vendre sur le marché de Vatomandry lors des fêtes
».
Production et débouchés
:
Victor se trouve dans une zone isolée. Pour
l'instant il n'a vendu que localement des petites carpes en tas et en petites
quantités car il ne produisait pas beaucoup d'alevins de carpes
jusqu'alors.
Cette année, Victor a produit 10 500 alevins en
2 reproductions et les alevins obtenus lors de la troisième reproduction
n'ont pas encore été comptés. Il espérait pouvoir
les vendre facilement. Cependant, il n'a pas de contact d'acheteurs. Il a
réussi à vendre 140 alevins à 400MGA pièce. Cet
argent lui a permis de payer de la main d'oeuvre pour la construction de ses
deux nouveaux étangs barrages. Il a également reçu une
commande de 200 alevins mais il a dû la refuser pour ne pas perdre l'eau
de ses rizières lors des pêches. Il se plaint de n'avoir que
quelques acheteurs locaux qui ne veulent que des petites quantités
d'alevins alors qu'il en a beaucoup à proposer.
12 L'ensemble des noms des pisciculteurs
présentés dans ces études de cas ont été
changé pour respecter leurs anonymats
89
« Les pisciculteurs de la zone ne veulent que des
petites quantités d'alevins, moins de 100, mais moi j'ai beaucoup
d'alevins à vendre et je ne sais pas à qui. »
Il sait que s'il obtient des grosses carpes, il pourra
les vendre sur les marchés de Vatomandry facilement lors des grandes
fêtes de l'année. Il est prêt à transporter 20 kilos
de poissons à pied (3 heures de marche).
Evolution de la pratique :
Lors de son premier cycle d'élevage de carpe et
de tilapia, il a d'abord laissé ses poissons dans ses rizières
pendant 3 mois avant de les transférer dans son étang barrage. Il
a remarqué que les poissons grossissaient mieux en étang
barrage.
Ensuite, Victor a voulu produire beaucoup d'alevins en
espérant les vendre et gagner beaucoup d'argent. Cependant, il se trouve
dans une zone reculée dur d'accès et il n'a pas beaucoup de
contacts d'acheteurs. Il se retrouve cette année avec beaucoup d'alevins
non vendus.
Il a construit deux nouveaux étangs barrage et
y prévoit d'y faire le grossissement de ses carpes et des tilapias qu'un
ami va lui fournir. Il prévoit de faire le pré grossissement de
ses carpes en rizières et le grossissement de 1600 alevins carpes dans
son étang barrage de 28 ares. Les tilapias seront empoissonnés
dans le deuxième étang afin de tester quels poissons grossissent
le mieux.
Evaluation de la pratique :
Victor dit être « heureux » de son
activité piscicole, surtout cette année où il a
réussi à produire beaucoup d'alevins de carpes mais il est
également « triste » de ne pas réussir à les
vendre. Il aimerait que l'APDRA lui rachète ses alevins de carpes. Il
envisage alors de faire grossir des poissons et de les vendre sur les
marchés de Vatomandry où il est sûr de pouvoir
écouler toute sa production.
Annexe 11 : Etude de cas de Alex, un grossisseur et un
alevineur de carpe et de tilapia Caractéristique de
l'exploitation :
Alex est un pisciculteur de la commune d'Antanambao
Mahatsara, il travaille avec l'APDRA depuis 2016. C'est un grand
propriétaire terrien, il a 30 hectares de terres. La route secondaire
qui accède à son exploitation est en mauvaise état
(quasiment impraticable en saison des pluies) et il y a plus de 40 km pour
rejoindre la route nationale RN11A. Il a commencé par aménager un
étang barrage de 20 ares et 3 étangs de service. Depuis 3 ans, il
a transformé trois hectares de terrain en une vingtaine de parcelles de
rizières de 15-20 ares chacune, dont 2 ha sont maintenant
dédiés à la rizipisciculture. Sa femme a également
aménagé un étang de 15 ares en amont des rizières,
et un troisième étang-barrage de 30 ares a été
construit dans un bas-fond à quelques km de ses rizières. Sur ses
terres, il cultive également du maïs pour l'autoconsommation et
l'alimentation de ses volailles, du girofle, du letchi et des ananas (Mounayar
M, 2019). Depuis 2020, il a commencé à cultiver du soja dans le
but de produire de l'aliment artisanal pour ses poissons.
Conduites d'élevage des espèces
piscicoles : (année 2020)
Alex utilise ses rizières pour le pré
grossissement et le grossissement des carpes et dans une moindre mesure, des
tilapias. Les 2 hectares aménagés de rizières dont il
dispose lui permettent d'avoir une grande surface à empoissonner. Il
fait 2 cycles de riz court à paille longue (cycle de 4 mois) par an et 1
cycle de pré grossissement et de grossissement par an (8 mois). Il n'a
pas manqué d'eau dans ses rizières cette année. Quand
ça lui arrive, il se sert de ses étangs barrages qui ne tarissent
pas pour stocker son cheptel (en priorité les poissons les plus gros).
Les risques d'inondations en rizières sont plus fréquents (entre
janvier et mars), il utilise également ses étangs barrage pour
stocker son cheptel. En effet, le système de vidange de l'étang
barrage permet de réguler plus facilement le niveau d'eau et le trop
plein permet d'éviter les risques de débordements. Après
le mois mars, il pêche ses poissons stockés, les vend s'il a des
commandes ou les remet en grossissement dans le cas contraire. Sur une partie
de ses rizières il ne fait que de la carpe en monoculture car il a
observé que les
90
carpes grossissaient mieux que le tilapia. Dans les
autres rizières, il fait de la polyculture de tilapia et de carpe. Pour
les pêches, il récolte d'abord le riz de toutes ses
rizières et laisse une lame d'eau pour ses poissons. Ensuite, il fait la
pêche de la majeure partie de ses rizières et utilise les
rizières restantes (qui ressemble alors à des petits
étangs car il n'y plus de riz) pour stocker ses poissons. Cela lui
laisse le temps de travailler ses rizières vidées en restaurant
les canaux refuge et en piétinant la terre avec ses
zébus.
L'année 2019, M. Alex a produit 14 000 alevins
de carpes. Pour cela, il utilise ses 3 étangs de service plus facile
à fertiliser que les rizières car ils sont plus petit et il y a
moins de fuite. Dans un premier temps, il sépare les géniteurs
mâles et femelles puis il utilise un étang de ponte pour la
reproduction. Ensuite, il amène les larves jusqu'au stade alevins avant
de les empoissonner en rizière. Selon lui, il y a des risques de
mortalité important si on empoissonne les larves de carpes directement
dans la rizière car il y a plus de prédateurs et de poissons
sauvages.
Pour le tilapia, Alex a arrêté de faire
le sexage des alevins. En effet, cela lui prenait trop de temps et il avait des
difficultés à identifier le sexe des alevins du fait de sa
mauvaise vue. De plus, les erreurs de sexage amenaient les tilapias à
des tailles de 50g tout au plus. En 2019, il a failli arrêter de faire du
tilapia mais il a appris que des clients aisés achetaient des alevins de
tilapias. L'ACP pisciculteur qui l'encadre lui a proposé de produire 25
000 alevins pour une commande qu'il a auprès d'un cagiste. Le tilapia
est alors redevenu un des objectifs de production d'Alex.
Alex fertilise seulement les rizières
empoissonnées avec la fiente de ses poules et le fumier de ses
zébus. Il embauche de la main d'oeuvre pour fertiliser et déverse
environ 30kg de fumier de zébu 1 à 2 fois par an par
rizière. De plus, il laisse les pailles de riz quelques jours
après le piétinage des zébus. Depuis l'année 2020,
il a commencé à fabriquer sa propre provende artisanale à
partir de maïs et de manioc qu'il produit et bientôt en ajoutant du
soja qu'il compte produire.
Production et débouchés
:
Alex est un vendeur d'alevins très
réputé dans le district de Vatomandry. Il est connu du directeur
du service des pêches pour ses nombreuses ventes d'alevins en dehors du
district. Sur les 14 000 alevins qu'il a produits en 2019, il en a vendu
presque 12 000. Une petite partie a été vendue localement aux
pisciculteurs de la commune. La plus grande partie a été vendue
en dehors, notamment à Tsarasambo et Vaotmandry (500 alevins à
l'APDRA). Le prix des alevins varie selon la taille et donc selon la
durée de pré grossissement. En général il vend
à 300MGA l'alevin de moins de 4 mois, entre 400 et 500 MGA 500 l'alevin
de 4 à 7 mois et 1000 MGA l'alevin de plus de 7 mois.
Il a empoissonné 2000 alevins dans ses
rizières et ils ont grossi jusqu'à 400 à 500g. Une partie
a été autoconsommée au fur et à mesure et l'autre
partie a été vendue. Il vend en bord d'étang lors des
fêtes importantes de l'année, en faisant du « porte à
porte » dans les environs de chez lui et en vendant dans les villes de
Vatomandry et d'Antsampanana (aux restaurateurs). Il ne vend pas au
marché de sa commune car cela lui prendrait beaucoup de temps. Il a
également vendu des géniteurs de carpes, notamment à des
pisciculteurs de Brickaville de la coopérative de « Tilapia de
l'Est » qui cherchent à diversifier leurs productions.
Alex est certain de pouvoir écouler ses
poissons sur le marché de Vatomandry. Selon lui, c'est « facile d'y
vendre 100 kilos, surtout pendant la période cyclonique car il y a moins
de poissons de mer qui approvisionne les marchés des grandes villes de
la route nationale ». En effet, à cause des mauvaises conditions
météorologiques, les pêcheurs ne vont pas en mer et seules
la pêche et la pisciculture d'eau douce alimentent les marchés du
district.
Le plus gros problème rencontré par Alex
actuellement est le caractère isolé de son exploitation. La route
étant quasi impraticable, il transporte ses poissons et ses alevins sur
les grands marchés en passant par la voie fluviale. Il paye environ 20
000 MGA pour un trajet avec sa marchandise. Ensuite, une fois sur la route
nationale, il doit payer le taxi brousse pour aller dans la ville de son
choix.
91
Evolution de la pratique :
En 2017, Alex commence la pisciculture dans son
étang barrage de 20 ares. Il obtient alors un très bon rendement
de plus de 1T/ha/an. Il remarque que les carpes grossissent mieux que les
tilapias (100 g en moyenne contre 50) et il obtient une quantité
importante d'alevins de tilapias lors de ses pêches.
Il participe ensuite à une visite
échange sur les hauts plateaux et se forme en rizipisciculture. A son
retour, il aménage une partie de ses rizières et décide de
faire de la monoculture de carpe dans une partie de ses rizières. Il
arrête le sexage du tilapia qui lui prend trop de temps et ne
s'intéresse plus vraiment à cette espèce. Il agrandit
petit à petit ses surfaces de rizipisciculture jusqu'à 2
hectares.
Dans le futur, il aimerait aménager quelques
autres parcelles rizicoles pour la pisciculture mais elles sont plus petites et
plus exposées aux inondations. Il souhaite également acheter sa
propre pirogue pour être autonome et limiter ses frais de
transport.
Evaluation de la pratique :
L'adoption de la rizipisciculture lui a permis de
multiplier par 10 ses surfaces empoissonnées. La mono culture de carpe
en rizière permet d'obtenir des poissons de grosses tailles, il a obtenu
un rendement allant jusqu'à 1t/ha/an en rizière. La vente
d'alevins de carpe est son activité la plus importante car il
génère beaucoup d'argent rapidement. Cela lui permet de payer les
études de ses 3 enfants à la capitale, Antananarivo.
Annexe 12 : Etude de cas de Christine (P1 dans notre
étude), une piscicultrice qui mise sur le grossissement en
rizière
Caractéristique de l'exploitation
:
Christine a commencé la pisciculture avec
l'APDRA en 2016. Elle se situe dans une zone très isolée,
difficilement accessible à 2 heures de moto depuis la route nationale.
Avec son mari et ses enfants, ils possèdent un étang barrage de 8
ares, 6 étangs de services et plus d'un hectare de rizière
aménagé pour la rizipisciculture. Certaines de ses
rizières ont été léguées à ses 3
enfants mais c'est toujours elle qui dirige l'activité piscicole sur
l'exploitation. Une partie des rizières se trouve plus en amont et est
moins soumise aux risques d'inondations que l'autre partie. Elle ne connait pas
de problème de tarissement de ses parcelles en saison sèche. Le
vol est un problème survenu plusieurs fois : lors de notre
échange, le mari était au tribunal pour régler une affaire
de vol de carpes.
Conduites d'élevages des espèces
piscicoles : (année 2020)
Le grossissement de carpes et de tilapias mâles
en rizière et l'utilisation de l'étang barrage comme étang
de service :
Christine utilise son étang barrage entre
janvier et juillet pour stocker ses géniteurs de carpes et de tilapias
et stocker ses alevins de carpes de l'année précédente.
Dans le même temps, les géniteurs de tilapias se reproduisent de
manière non contrôlée. L'étang barrage est l'endroit
le plus sûr sur son exploitation face aux risques d'inondations
importants entre janvier et avril. Elle fait une première pêche en
mai pour récupérer ses géniteurs de carpes qu'elle
sépare avant la reproduction. A ce moment elle récupère
également des alevins de tilapias pour les faire pré grossir en
étang de service. Au mois de juillet, elle refait une pêche de son
étang barrage pour enlever tous les poissons qui s'y trouve : les
géniteurs de tilapias sont transférés en étang de
service avec les alevins de tilapia et les alevins de carpe sont
empoissonnés dans l'ensemble des rizières aménagées
de l'exploitation. L'étang barrage sert alors pour la reproduction de
carpe à partir du mois d'août car il y a moins de risque de vol
qu'en étang de service. Christine place des jacinthes d'eau dans son
étang barrage et récupère au fur et à mesure les
jacinthes d'eau où sont présents des oeufs de carpes pour les
transférer dans un étang de service. Fin novembre, elle fait une
pêche de son étang barrage pour récupérer les
géniteurs et les alevins de carpe encore présents. Le tout est
transféré dans les étangs de services en attendant que
l'étang barrage se remplisse.
92
Les alevins de tilapias sont produits en étang
de service et en étang barrage. Christine fait des pêches de
comptage pour sélectionner les plus gros alevins et les met dans une
rizière équipée d'une zone de pêche (technique
observée sur les hauts plateaux lors d'une visite échange). Elle
fait ensuite le sexage des tilapias pour essayer de n'empoissonner que les
mâles par la suite. Une vingtaine d'ares sont situés en amont et
sont moins exposés aux inondations. Ils sont empoissonnés deux
fois dans l'année pendant les deux cycles de riz avec 80 alevins de
tilapias mâles et 120 carpes (rizière de 3 à 5 ares). Les
4/5 -ème des rizières restantes ne sont empoissonnés
qu'une seule fois par an sur un cycle de 6 mois à cause du risque
d'inondation. Lors de l'année 2020, il n'y a pas eu d'inondation dans
l'ensemble des rizières aménagées.
Production et débouchés
:
Les cycles de 4 à 5 mois de grossissement en
rizière lui donnent des carpes de 100 à 200 g et des tilapias.
Christine vend la plupart de ses poissons localement en tas.
Elle vend également des alevins de carpes aux
alentours et à l'extérieur de la commune. Lors de la pêche
de son étang barrage, un pisciculteur du coin venait l'aider pour avoir
des alevins à un prix inférieur de 200 MGA/pièce. Sinon,
elle les vend à 400 MGA/pièce. Elle a vendu 5000 alevins de
carpes en 2019 pour financer la construction de sa maison.
Evolution de la pratique :
En 2016 et en 2017, Christine faisait des cycles de 6
mois de grossissement en étang barrage et obtient des rendements de plus
de 500 kg/ha/an. En 2018, avisée par l'équipe de l'APDRA, elle
décide de prolonger son cycle de grossissement à 1 an pour
augmenter ses rendements car elle n'en était pas satisfaite. Cependant,
lors de ce cycle en 2018, elle subit un vol de l'ensemble de son cheptel. Cette
même année, Christine participe à une visite échange
dans la région Itasy sur les hauts plateaux de Madagascar. Elle y
découvre la rizipisciculture qu'elle décide d'adopter dès
son retour. Ce nouveau système d'élevage lui permet d'augmenter
ses surfaces empoissonnées (multiplier par 12 en 2 ans) et donc
d'augmenter le nombre de poissons empoissonnés à l'are et/ou de
diminuer la densité de poisson à l'are. Cela permet
également de répartir le cheptel dans l'espace et ainsi diminuer
les risques de vol.
En 2019, Christine décide de vendre ses alevins
de carpes pour avoir de l'argent et finaliser la construction de sa maison en
bois avec un toit en tôle. Il lui manque alors des alevins au mois de
juillet 2020 pour empoissonner l'ensemble de ses rizières. En 2021,
Christine aimerait empoissonner une surface plus importante de ses
rizières pendant la saison cyclonique au risque de perdre ses poissons.
Son mari s'y oppose et préfère vendre les alevins, une
stratégie qu'il juge plus sûre.
A moyen terme, Christine aimerait acheter des grilles
pour éviter la perte de poissons dans ses rizières lors des
inondations et une décortiqueuse pour leur riz et celui des gens du
village. Le son de riz serait alors récupéré pour nourrir
les poissons.
Evaluation de la pratique :
Christine a une volonté d'investir du temps et
des moyens dans la pisciculture car elle juge que c'est une activité qui
peut rapporter beaucoup d'argent, même dans sa zone qui est
isolée. Elle est satisfaite de son activité piscicole, surtout
depuis qu'elle a adopté la rizipisciculture. En effet, elle pense avoir
trouvé une stratégie lui permettant de produire du poisson sur
une grande surface en évitant au maximum les problèmes de vol et
d'inondation. A l'avenir, elle veut miser de plus en plus sur l'activité
piscicole mais son mari semble retissant à quelques-unes de ses
propositions (l'achat du grillage, le grossissement plutôt que la vente
d'alevin).
93
Annexe 13 : Etude de cas de Sylvain, un pisciculteur
et un producteur d'huiles essentielles de girofles
Caractéristique de l'exploitation
:
Sylvain a commencé la pisciculture avec l'APDRA
en 2017. Il habite dans la commune de Ambalamangahazo et se trouve relativement
isolé des grands marchés (Ilaka Est est à 2 heures
à pied). Il possède un étang barrage de 33 ares et un
étang de service idéalement situés tout près du
village. A 30 minutes de marche, sa mère possède 60 ares de
rizières en bas-fonds. Seule une petite partie est empoissonnée
à cause des risques d'inondations (Mounayar, 2019).
Conduites d'élevages des espèces
piscicoles : (année 2020) L'élevage mono spécifique
de carpe en étang barrage : (SE1)
La conduite d'élevage de Sylvain dépend
grandement de la disponibilité en eau dans son étang barrage et
du fonctionnement de ses 2 alambics. Quand il a assez d'eau dans son
étang barrage, il fait 2 cycles de riz par an et 2 cycles de
grossissement de 6 mois d'alevins carpes achetés (élevage mono
spécifique). Quand son étang barrage manque d'eau, il choisit de
ne faire qu'un cycle de riz (riz de saison) et un cycle de grossissement de
carpes d'un an. Il s'assure d'avoir de l'eau dans son étang barrage pour
faire fonctionner ses 2 alambics en saison des pluies et 1 alambic en saison
sèche. L'emplacement de son étang barrage (juste à
côté du village) est idéal pour installer ses alambics et
louer leurs utilisations aux villageois pour qu'ils distillent leurs feuilles
de girofle.
Cette année, pour financer les études de
sa petite soeur, il a dû faire la pêche de son étang barrage
en juin avant la fête nationale. Il n'y avait alors plus assez d'eau pour
la pisciculture et pour le fonctionnement de son alambic. Il a alors fait un
cycle de riz de contre saison sur la totalité de son étang
barrage. Pour ses alambics, il a loué l'accès à l'eau du
terrain d'un autre agriculteur du village.
L'élevage mono spécifique de tilapia en
rizières : (SE3)
Les rizières empoissonnées de tilapia
(élevage mono spécifique) appartiennent à sa mère
et sont gérées par la famille nucléaire. Ils font 2 cycles
de riz par an et 3 pêches dans l'année. Ils réempoissonnent
seulement les alevins de petites tailles. Sylvain aimerait gérer les
tilapias tout seul pour les laisser grossir plus longtemps et potentiellement
les sexer mais les membres de sa famille préfèrent maintenir les
3 pêches par an.
Production et débouchés
:
Lors de la pêche de juin, Sylvain a
pêché 53 kg de carpe. Il en a vendu 40 à environ 10 000MGA
le kg (400 000 MGA soit 90 €). Les plus petits en tas dans son village et
les plus gros sur le marché et dans les restaurants d'Ilaka Est. Il a
également gardé 10 kilos de géniteurs et a
autoconsommé les 3 kilos restants. Les tilapias sont vendus en tas sur
le marché et autoconsommé.
Pour la location de ses alambics, Sylvain et le
propriétaire du terrain sont payés directement en huile de
girofle. Sylvain achète ensuite l'huile de girofle produits par les
villageois et va la revendre à l'extérieur de la commune. Il nous
dit qu'il achète à 32 000 MGA le litre pour le revendre à
36 000 MGA. Marion Mounayar avait elle relevé le chiffre de 20 000 MGA
le litre acheté et 50 000 MGA revendu. Selon elle, la production de
girofle représentait 91% de sa marge brute en 2019, soit près de
23 millions MGA (5000 €), une somme très importante (Mounayar,
2019).
Evolution de la pratique :
En 2017 et 2018, Sylvain faisait de l'élevage
pluri spécifique de carpe et de tilapia tout venant dans son
étang barrage situé à côté du village. Il
n'avait qu'un étang de service et peu d'eau disponible donc il n'a pas
adopté la pratique du sexage de tilapia. Finalement, lors des
pêches, il se retrouvait avec 1000 à 2000 alevins de tilapias de
moins de 10g qui freinaient la croissance de ses carpes.
94
A partir de 2019, il a décidé de faire
du grossissement de carpe uniquement. Le résultat va dans le sens de ses
observations car en 2017, le GMQ moyen de ses carpes était de 0,8g/j et
en juin 2020, il était de 1,8g/j selon la base de données de
l'ADPRA.
Dans le futur, Sylvain prévoit de revenir
à l'élevage pluri spécifiques de carpe et de tilapia dans
son étang barrage mais en s'assurant de n'empoissonner que des tilapias
mâles. Pour cela, il va utiliser une rizière pour produire des
alevins de tilapias, les sexer puis les faire pré-grossir de nouveau
dans un étang barrage situé à côté des
rizières. Enfin il fera un deuxième sexage des alevins de
tilapias avant de les mettre dans l'étang barrage situé
près du village.
Evaluation de la pratique :
Sylvain est satisfait de l'utilisation qu'il donne
à son étang barrage. En effet, en plus de faire fonctionner ses
alambics (source principale de revenu économique en 2019), son cheptel
de carpe est un capital qu'il peut mobiliser en cas d'urgence comme cette
année pour les frais de scolarité de sa petite soeur. Les
rizières empoissonnées sont gérées par les membres
de la famille nucléaire ce qui fait que Sylvain a moins de
liberté dans la gestion du tilapia. Finalement, cette activité
reste surtout pour l'autoconsommation de la famille et quelques petites ventes
locales.
Annexe 14 : Etude de cas de Melville (P3 dans notre
étude), un producteur d'alevins de tilapia pour le projet FORMAPROD
Caractéristique de l'exploitation
:
Melville est un pisciculteur de Amboditavolo qui
travaille avec l'ADPRA depuis 2016. Son site piscicole se trouve au bord de la
route nationale 11A, à 30 km au Sud de Antsampanana, l'embranchement
avec la route nationale 2 qui relie les deux plus grandes villes du pays. Sur
son exploitation, Melville dispose de peu de surfaces aménagées
pour la pisciculture (>15 ares). Il a un bas fond de 50 ares, et sur
celui-ci, il dispose d'un étang barrage de 9 ares et de 8 étangs
de services faisant entre 1 et 3 ares. Il possède également une
pépinière (fruitiers, épices) qui en 2018 lui rapportait
85 % de sa marge brute (Mounayar.M, 2019). En saison sèche, son
étang barrage manque d'eau mais il arrive à conserver de l'eau
dans l'ensemble de ses étangs de service en la renouvelant très
peu. En plus de manquer d'eau, son étang barrage est très peu
fertile : entre 2016 et 2019, les 4 cycles de production n'ont jamais
dépassé un rendement de plus de 200 kg/ha/an* (Mounayar.M,
2019).
Cette année, Melville a fait un cycle d'un an
dans son étang barrage où il laisse se reproduire des
géniteurs de tilapia en association avec des carpes. L'objectif est en
premier lieu de produire un maximum d'alevins de tilapia. Ensuite, une partie
des poissons grossis (carpe et tilapia) servira de futurs géniteurs et
l'autre partie sera vendue ou autoconsommée.
Conduites d'élevages des espèces
piscicoles : (année 2020)
Melville dispose de 8 étangs de services, dont
7 ont pour objectifs de produire des alevins de tilapias. 2 étangs de
service sont mobilisés pour la reproduction (sexe ratio APDRA : 6
mâles et 18 femelles par étang). Il laisse ses géniteurs se
reproduire trois fois d'affilée, en retirant à chaque fois la
génération de larves naissantes pour ne pas les mélanger
entre elles, puis il change de géniteurs. Les larves naissantes sont
transférées dans deux étangs de service pour le pré
grossissement. En fonction des commandes, les alevins pré grossissent un
temps plus ou moins long, la moyenne étant de 2 mois pour un poids final
de 20 à 30 g selon le pisciculteur. Il dispose également d'1 ou 2
étangs de service pour stocker les géniteurs s'étant
déjà reproduits. Il mobilise également deux autres
étangs de service pour le grossissement des futurs géniteurs.
Quand il peut séparer les géniteurs mâles et femelles, il
le fait pour éviter des reproductions non contrôlées et
pour nourrir en priorité les génitrices. A noter, le dernier
étang de service, qui est le plus grand (3 ares) et le plus
fertilisé (élevage porcin au-dessus de l'étang), est
mobilisé pour le grossissement des futurs géniteurs de carpes.
Melville a perdu tous ses géniteurs de carpes l'an dernier à
cause d'une casse de digue et veut reconstituer son cheptel.
95
« Si tu n'as pas assez d'espace, il vaut mieux
être producteur d'alevins » Melville, novembre 2020 La
production et les débouchés :
Melville s'est constitué un réseau de
clients grâce au « bouche à oreille » et au
travail qu'il a avec FORMAPROD (projet du MAEP financé
principalement par le Fond International de Développement Agricole). Sa
proximité avec la route nationale lui a permis d'avoir une grande
visibilité et un accès facile pour les acheteurs. Il vend
aujourd'hui de Mahanoro jusqu'à Brickaville. Les acheteurs sont des
pisciculteurs non encadrés par l'ADPRA : quelques cagistes et grands
propriétaires qui ont un étang barrage mais surtout des
pisciculteurs possédant des trous qui font partie du projet FORMAPROD.
Melville a d'abord travaillé avec FORMAPROD à travers son
activité de pépiniériste. Aujourd'hui, il joue un
rôle de formateur en pisciculture et fait des prospections de sites pour
conseiller les bénéficiaires du projet. En retour, il attend
d'eux qu'ils lui achètent ses alevins. Si Melville n'a pas assez
d'alevins, il fait appel à d'autres pisciculteurs pour le fournir
(notamment des pisciculteurs de l'ADPRA). Il leur achète à 150
MGA pièce pour les revendre 300 MGA pièce aux
bénéficiaires de FORMAPROD.
Melville nous dit avoir honoré cette
année 5 grosses commandes pour un total de 2000 alevins vendus à
300 MGA, soit un gain annuel de 600 000 MGA (110€). Cependant, il nous dit
qu'aujourd'hui, la pisciculture lui rapporte autant que son activité de
pépiniériste et que la marge dégagée par sa
pépinière est restée relativement stable ces
dernières années. Nous émettons l'hypothèse que
Melville gagne autant en 2020 avec la pisciculture qu'il ne gagnait avec sa
pépinière en 2019, lors de l'étude de cas de M. Mounayar.
La pisciculture lui rapporterait dans ce cas 2 800 000 MGA (510€) de marge
brute. Cet écart pourrait s'expliquer par le fait qu'il n'ait pas
mentionné ses gains auprès de FORMAPROD.
Evolution de la pratique :
Au départ, Melville cherchait à faire
grossir des tilapias mâles et des carpes dans son étang barrage.
Cependant, celui-ci s'est révélé défaillant car de
petite taille, très peu productif et en partie tari en saison
sèche. Il a alors changé de stratégie et
aménagé une série de 8 étangs de services en aval
de son étang barrage dans le but de produire des alevins de tilapias
pour la vente. En effet, il a remarqué que la demande en alevins de
tilapia a fortement augmenté ces deux dernières années car
de plus en plus de gens font de la pisciculture dans la zone. Il prévoit
également de produire des alevins de carpes dans le futur car cela se
vend à un bon prix (500 MGA pièce contre 200 à 300 MGA
pièce pour les alevins de tilapias). Cependant, il souligne qu'il risque
de manquer d'étangs de service sur son exploitation et que pour lui, la
vente d'alevins de tilapias reste prioritaire car plus sûr en termes de
vente.
Evaluation de la pratique par le pisciculteur
:
Melville est très satisfait de son
système d'élevage. Il estime « qu'un pisciculteur doit
s'adapter aux surfaces disponibles qu'il possède » et qu'il a
réussi à s'en sortir en devenant producteur d'alevins de tilapia.
Une fois que les aménagements sont faits, « la pisciculture ne
demande pas beaucoup de temps et rapporte beaucoup ». Sa
pépinière lui prend plus de temps car il doit arroser tous les
jours. Finalement, son activité de pisciculture lui rapporte autant que
sa pépinière, qui était de loin sa principale source de
revenus il y a encore deux ans. (Mounayar.M, 2019).
Annexe 15 : Francis, un producteur d'alevins et un
prestataire de service pour les grands propriétaires
Caractéristiques de l'exploitation :
Francis est pisciculteur avec l'APDRA depuis fin 2015.
Il est localisé à Ambohimiadana et son site piscicole se trouve
au bord de la route nationale 11A, à 30 km au sud de Vatomandry. Il
possède un étang barrage de 37 ares où il cultive du riz
de saison sur 12 ares (Mounayar.M, 2019). Il a 3 étangs de services
(< 1are) et 3 rizières aménagées pour la pisciculture
(< 2 ares). Pendant la saison sèche de 2020, il a connu des
problèmes d'eau : une partie de son étang barrage s'est tari
ainsi que ses 3 rizières et 2 de ses 3 étangs de
service.
96
Conduites d'élevages des espèces
piscicoles : (année 2020)
Francis empoissonne une partie de ses géniteurs
tilapias dans son étang barrage de 37 ares et l'autre partie dans deux
de ses rizières (sexe ratio ADPRA). De janvier à juin, les
géniteurs de tilapia se reproduisent de manière non
contrôlée et les alevins pré grossissent. Dans
l'étang barrage, il y a également des carpes de la reproduction
de l'année 2019, des hétérotis et des gouramis. Dans les
rizières, il a uniquement des tilapias. En juin, il récolte le
riz de ses parcelles et récupère les alevins de tilapias produits
pour les transférer dans ses étangs de service. Ils sont alors
stockés jusqu'à ce qu'un client vienne les acheter. Lors du
deuxième cycle de juillet à décembre, Francis n'utilise
plus que son étang barrage pour la production d'alevins car il mobilise
la rizière où il a encore de l'eau pour stocker ses
géniteurs de carpe mâles avant la reproduction.
Cette année, Francis n'a pas fait de
reproduction de carpe. En effet, d'août à octobre, il a
travaillé sur la construction de l'étang barrage d'un grand
propriétaire situé à Ilaka Est et l'a fourni en alevins de
tilapia et en carpes. De plus, ses deux étangs de service les plus
alimentés en eau étaient mobilisés pour le stockage de ses
alevins de tilapia avant la vente. D'octobre à décembre, il
n'avait plus assez d'eau dans ses rizières et ses étangs de
service et a donc transféré ses géniteurs de carpes dans
son étang barrage. Il pense acheter des alevins de carpes en 2021 pour
les faire grossir dans son étang barrage.
Francis construit actuellement un petit étang
de service situé près du sentier menant vers la route nationale.
Il prévoit d'y faire un étang de vente pour ses alevins de
tilapias. Cet étang sera alimenté directement par sa source. Il a
le projet de cimenter le fond de cet étang pour éviter la boue et
ainsi vendre des alevins « plus propres » et « limiter le taux
de mortalité des alevins ».
La production et les débouchés
:
Francis vend ses alevins de tilapias directement
à des personnes qu'il connait. Ce sont majoritairement des
propriétaires de cage, notamment à Ilaka Est, à 30 km au
sud de son exploitation mais aussi des propriétaires d'étangs
barrages.
Nous avons comparé ici deux années de
production de ce pisciculteur : En 2017, où il a effectué son
meilleur cycle de grossissement en empoissonnant des tilapias mâles ; et
en 2020, où la majeure partie de ses revenus piscicoles proviennent de
la vente d'alevins.
Pêche et vente
|
Poissons
|
Poids moyens (g)
|
Poids total produits (kg)
|
Prix de vente et bénéfice
(MGA)
|
Gain total (MGA et euros)
|
Marché / débouché
|
Juin 2017 (cycle de 6 mois)
|
Tilapia grossis
|
140
|
68
|
(7500MGA/kg) 510 000 MGA
|
987 000 MGA soit
180 €
|
Marché de Vatomandry
|
Carpe
|
580
|
53
|
(9 000MGA/kg) 477 000 MGA
|
Marché de Vatomandry (direct au
client)
|
2020
|
Alevins tilapias vivants
|
Non estimé
|
Nombre :
4000
|
(3500 à 200 MGA et 500 à 100
MGA/ pièce) 750 000MGA*
|
1 125 000 MGA soit
205 €
|
2 clients : - Cagiste (1000
alevins) -Propriétaire d'étang barrage (3 000
alevins)
|
Carpes vivantes (futur géniteur)
|
100
|
15
|
(30 000 ar/kg) 375 000 MGA
|
A 1 client : Propriétaire
d'étang barrage
|
*A noter, il lui restait 700 alevins TN non vendus qu'il
pensait vendre à un prix > 200MGA/pièce
97
Cette année, Francis a aménagé
l'étang barrage d'un grand propriétaire d'Ilaka Est. Il a
été payé 275 000 MGA (50€) pour cette prestation de
service et a vendu 3000 alevins de tilapia ainsi que 150 futurs
géniteurs carpes à ce même propriétaire. Ceci
représenterait les trois quarts de son chiffre d'affaire annuel sur les
activités liées à la pisciculture (230€).
Evolution de la pratique :
En 2016 et en 2017, FRANCIS cherchait à
produire une quantité importante d'alevins de tilapia pour empoissonner
des fingerlings mâles dans l'étang barrage. Il a effectué
son meilleur cycle de grossissement en 2017 (rendement de 1T/ha/an) qu'il
écoula au marché de Vatomandry (voir figure 25). Cependant, il
souligne la difficulté qu'il a eu pour produire suffisamment d'alevins
mâles. Il a le souvenir de n'avoir obtenu que 300 alevins mâles sur
1000 alevins lors du sexage alors qu'il voulait en empoissonner 1000. Il a
également observé que les carpes grossissent plus vite que les
tilapias.
En 2018 et en 2019, il a effectué ses
premières ventes d'alevins de tilapias à des cagistes d'Ilaka
Est. Il a gagné successivement 300 000 MGA puis 500 000 MGA. A partir de
là, il a choisi de privilégier la vente d'alevins de tilapia qui
permet de générer de l'argent rapidement et
facilement.
Evaluation de la pratique par le
pisciculteur
Francis est très satisfait de son
activité piscicole cette année 2020. Selon lui, c'est
l'activité de son exploitation qui lui a fait gagner le plus d'argent,
devant les letchis (notamment car les prix ont baissé cette
année). Il qualifie la vente d'alevins de « vola malaky » qui
veut dire « l'argent rapide ».
Annexe 16 : Etude de cas de Martin (P4 dans
l'étude), producteurs de poissons vendus « en tas » sur les
marchés locaux
Caractéristique de l'exploitation
:
Mr Martin est un ancien fonctionnaire à la
retraite, il a 76 ans. Il a commencé la pisciculture avec l'APDRA fin
2014. Son exploitation se situe dans la commune d'Ambalavolo, accessible par
une route secondaire difficilement praticable en saison des pluies. C'est un
grand propriétaire : 30 hectares de terre dont la majorité se
situe sur les coteaux. En bas fond, il possède 3 hectares de
rizières en métayage, un étang barrage de 13,5 ares et un
étang de service de 3,5 ares (équipé d'un moine). Il a
également des cultures de rentes (letchis, vanille) et 3 hectares de
maïs en coteaux qui lui rapportait 60% de sa marge brute en 2019 (Mounayar
M, 2019).
Conduites d'élevages des espèces
piscicoles : (année 2020)
Martin fait de l'élevage pluri
spécifique de tilapias, carpes, hétérotis et gourami dans
son étang barrage. Dans son étang de service, il
élève uniquement des tilapias. Dans ses deux étangs,
Martin a un total de 40 géniteurs de tilapia (sexe ration APDRA) qu'il
laisse se reproduire de manière non contrôlée en continue
dans l'objectif d'obtenir beaucoup de poissons à vendre. Pour la carpe,
il n'ose plus faire une ponte maîtrisée dans son étang de
service depuis qu'il s'est fait voler 8 géniteurs en 2018. Il laisse
alors ses géniteurs carpes dans l'étang barrage et y met des
jacinthes d'eau en espérant qu'elles se reproduisent naturellement.
Depuis le mois d'août, il teste d'élever séparément
la carpe et le tilapia car il pense que la surdensité de tilapia freine
la croissance des carpes dans l'étang barrage.
Martin essaie de faire des pêches tous les 4
mois dans ses 2 étangs pour vendre fréquemment ses poissons. Lors
de la saison des pluies, Martin peut se permettre de faire plus de pêches
car les étangs se remplissent rapidement. Alors qu'en saison
sèche, il ne fait pas de pêche entre septembre et
décembre.
« Acheter des petits poissons en tas permet à
chaque personne de la famille d'avoir son poisson dans l'assiette » Mr
Martin, octobre 2020
98
« La pisciculture a pour moi des fins
pécuniaires ... avoir des gros poissons ne m'intéresse pas
vraiment mais c'est avoir de nombreux poissons car ça sera
consommé par les acheteurs de la localité ici » Mr
Martin,
novembre 2020
La production et les débouchés
:
Lors de la pêche, Martin sélectionne tous
les tilapias qui ont atteint une taille vendable (estimée à plus
de 50 g) et toutes les carpes de plus de 150 g (estimation). Il
réempoissonne tous les poissons plus petits pour un nouveau cycle de
grossissement d'environ 4 mois avec les géniteurs. Lors des
pêches, les villageois des hameaux environnants viennent acheter la
production de Martin au bord de son étang. S'il ne vend pas tout, ses
fils vont, en plusieurs fois, vendre ses poissons en petite quantité sur
les marchés avoisinants (Ambalavolo, Anosomanasa).
Evolution de la pratique :
L'évolution de sa conduite d'élevage est
liée aux problèmes qu'il a rencontrés dans le passé
pour écouler ses poissons. En 2016, à ses débuts, Mr
Martin a voulu vendre ses poissons à Antananarivo, la capitale,
où le prix est plus élevé (150 % du prix à
Vatomandry en 2020). Il a fait venir un camion sur son site. Les erreurs de
sexage ont entraîné une surdensité des poissons dans son
étang barrage réduisant ainsi le GMQ des poissons
empoissonnés. Sur les 400 alevins de tilapias mâles qu'il avait
empoissonnés, il s'est retrouvé avec 1000 tilapias d'un poids
moyen de 40g et 1500 alevins de tilapias de moins de 5g. Les carpes elles
avaient plutôt bien grossi (150g). Finalement, Martin n'a pas pu
rentabiliser le coût du transport du camion.
Depuis, Mr Martin s'est replié sur les
marchés locaux. Il est allé vendre à Vatomandry mais il a
rapidement remarqué que le plus avantageux était de vendre dans
les hameaux et les petits villages autour de chez lui. En effet, à
Vatomandry, il doit parfois brader ses poissons car il ne peut pas revenir avec
sa marchandise. Tandis que chez lui, il n'est pas obligé de tout vendre
en une seule fois.
Récemment, il a décidé de
séparer son élevage de carpe (en étang barrage) et son
élevage de tilapia (en étang de service). A partir de 2021, il
utilisera quelques-unes de ses rizières pour empoissonner des alevins de
tilapias tout venants sur une surface plus grande. On peut s'attendre à
une augmentation de sa production de tilapias de petites tailles. Selon lui, la
demande locale est importante car « le poisson est la protéine la
moins chère ici ».
Evaluation de la pratique par le pisciculteur
:
Martin dit être satisfait de la combinaison
actuelle qu'il a trouvée car il ne prend pas de risque financier (aucun
investissement mise à part la main d'oeuvre familiale), il limite les
problèmes de vol (reproduction en étang barrage des carpes) et
l'activité piscicole ne lui prend pas beaucoup de temps (3 pêches
par an de ses deux étangs). Il aimerait produire et vendre davantage de
carpes car c'est un poisson qui grossi bien. Cependant, lors de sa
dernière pêche, il n'a trouvé aucun alevin de carpes issu
d'une potentielle reproduction naturelle dans son étang barrage. Selon
lui, le problème vient des Channa sp. qu'il a retrouvé dans son
étang barrage et qui aurait éliminé les alevins
naissants.
Annexe 17 : Etude de cas de Bastien, un alevineur qui
veut à l'avenir devenir grossisseur Caractéristique de
l'exploitation :
Bastien est un jeune pisciculteur de Amboditavolo qui
travaille avec l'ADPRA depuis 2018. Son père,
décédé, avait commencé la pisciculture avec l'ADPRA
en 2015. Son site piscicole se trouve au bord de la route nationale 11A,
à 30 km au Sud de Antsampanana, l'embranchement avec la route nationale
2 qui relie les deux plus grandes villes du pays. Près de sa maison, il
possède un premier site de 14 étangs de services. Ce site est
alimenté par une source en amont à l'aide d'un canal
d'alimentation. Il manque un peu d'eau au mois d'octobre et la moitié
des étangs de service ne sont pas utilisable en saison sèche. A 5
kilomètres du village, il possède un
99
étang barrage de 26 ares construit par son
père en 2015. Bastien a le projet de s'installer plus tard près
de cet étang barrage et d'en aménager d'autres afin de faire du
grossissement de poissons en étang barrage.
Conduites d'élevages des espèces
piscicoles : (année 2020)
Bastien fait de la reproduction contrôlée
de tilapia dans 2 étangs de service entre octobre et janvier (4 mois).
Il n'applique pas le même sexe ratio que celui de l'APDRA, il met 5
femelles pour 1 mâle. Le pré grossissement des alevins de tilapia
se fait avec les alevins de carpes. Avant octobre, il n'a pas assez d'eau dans
une partie de ses étangs de service et il préfère
prioriser la reproduction et le pré grossissement des alevins de carpe.
Cette année, il a fait 4 reproductions de carpe, dont 2 pontes
multiples, entre le mois d'août et le mois de décembre et a
produit 10 000 alevins de carpes sans compter la 4ème
reproduction du mois de décembre. Après janvier, il estime que
ses capacités de stockage d'alevins dans les étangs de services
sont saturées. Les alevins produits sont stockés jusqu'au mois de
juin dans les étangs de service et vendus petit à petit. En juin,
après la pêche de l'étang barrage il empoissonne les
alevins non vendus. A ce moment-là, s'il lui reste des alevins de
tilapias, il les sexe et empoissonne les mâles dans l'étang
barrage.
Entre le mois de février et le mois de juin,
l'étang barrage lui sert principalement à stocker ses
géniteurs de carpes et ses géniteurs de tilapias mâles. En
effet, ils ont plus d'espace pour grossir et il y a moins de risque de vol. En
juin, il fait la pêche de son étang barrage pour
récupérer les géniteurs de carpes pour la reproduction
débutant au mois d'août.
Entre juillet et janvier, Bastien fait du
grossissement dans son étang barrage avec les alevins de l'année
N1 non vendus. En 2019, Bastien n'avait mis que 130 alevins de carpes car il
avait écoulé tous ses alevins de tilapias. En 2020, il a mis des
alevins de carpes et des alevins mâles de tilapia en
grossissement.
La production et les débouchés
:
Bastien vend en grande majorité à des
pisciculteurs en dehors de l'APDRA. Il est surtout connu en tant que producteur
d'alevin de carpe. Il a un client à Antananarivo, la capitale, qui lui
achète des alevins de carpe. Cette année, il a vendu 2000 alevins
de carpes au propriétaire d'un étang barrage à
Brickaville. Il donne parfois des conseils techniques à ses clients,
notamment lorsqu'il va livrer les alevins (à partir de 500 alevins
achetés). Il a déjà eu, mais rarement, des commandes
d'alevins de tilapia mâles vendu à 700 MGA/pièce au lieu de
300 MGA pour les alevins tout venant. Bastien a remarqué que beaucoup de
pisciculteurs de la zone font leurs pêches pendant la saison
sèche, vers le mois d'octobre et attendent que la saison des pluies soit
finie pour réempoissonner leurs étangs. Bastien reçoit
souvent des commandes au mois de décembre mais les acheteurs ne viennent
récupérer leurs alevins qu'à partir de mars-avril quand la
période cyclonique est passée.
Pêche et vente
|
Poissons
|
Poids moyens (g)
|
Poids total produits (kg)
|
Prix de vente et bénéfice
(MGA)
|
Marché / débouché
|
2020
|
Tilapia
|
Non estimé
|
5
|
8000/kg
40 000 MGA
|
Autoconsommation
|
Carpe
|
Non estimé
|
5
|
(10 000/kg) 50 000 MGA
|
Marché local
|
Alevins TN vivants
|
Non estimé
|
Nombre :
2000
|
(300 MGA/pièce) 600 000 MGA
|
Marché extérieur : 1
client
|
Alevins Carpes vivantes
|
Non estimé
|
Nombre :
6000
|
(500 MGA/pièce) 3 000 000 MGA
|
Marché extérieur : Brickaville
/Antananarivo
|
Sur l'année 2020, c'est la vente d'alevins de
carpe qui a été la plus rentable pour Bastien (près de 3
000 000 MGA), vient ensuite la vente d'alevins de tilapias (600 000 MGA) et
enfin la vente de carpes grossies pêchées en octobre 2020 (60 000
MGA). Enfin, 5 kg de tilapia grossis ont été autoconsommés
(l'équivalent de 40 000 MGA).
100
Evolution de la pratique :
Bastien a repris l'exploitation piscicole de son
père en 2018 avec son grand frère Max. Ils se sont mis à
produire des alevins et à ouvrir leur boutique le long de la route
nationale. Au départ, il faisait de la reproduction de carpe entre
août et décembre et la reproduction de tilapia entre août et
mars dans ses étangs de services. En 2020, il a réduit cette
durée entre août et janvier. Cela lui a libérer du temps
pour d'autres activités : la vente de charbon de bois,
l'aménagement de l'autre site où il prévoit de faire du
grossissement, la préparation de ses étangs de service pour la
prochaine reproduction (mis à sec, fertilisations, défrichage des
bords d'étangs et du canal d'alimentation.) et il est également
chauffeur de taxi brousse ponctuellement.
Evaluation de la pratique par le pisciculteur
:
Bastien est satisfait de son activité de
producteur d'alevins car cela lui rapporte beaucoup d'argent (« vola
malaky »). Il a connu une casse de digue en 2018 qui lui a fait perdre ses
poissons en grossissement. La vente d'alevins est plus sûre que la
production d'alevins grossis. Cependant, il constate que la production de
poissons grossis est une opportunité intéressante. En effet, sa
localisation, à 30km de la route nationale 2, lui donne accès
à des marchés prometteurs : la vente de poissons grossis aux
restaurateurs d'Antsampanana ou d'Andranamafana. Les tilapias de plus de 200g
valent entre 12 et 14 000 MGA/kg et la carpe 16 000 MGA /kg. Il prévoit
d'aménager son bas fond en construisant 5 autres étangs barrage,
en cascade et alimentés par deux canaux de contournement reliés
à deux sources d'eaux différentes. Quand il aura
aménagé son bas fond, il léguera l'activité de
producteur d'alevins à son petit frère et se concentrera sur le
grossissement
|