La problématique du droit de l'homme à l'autodétermination informationnelle: défis et perspective de ce droit en rdcpar Gonzalez ELIANE KACHUNGA Université Libre des Pays de Grands Lacs ( ULPGL) - Licence 2019 |
SECTION II. DE L'APPLICATION DU DROIT DE L'HOMME A L'AUTODETERMINATION INFORMATIONNELLELa protection des données et du droit à l'autodétermination informationnelle sont des conditions pour une démocratie libre, le maintien de l'état de droit et de la liberté d'expression. D'où, nous allons voir le contenu et la mise en oeuvre de ce droit en tant que tel c'est-à-dire,il faut préciser le contenu (§1) et sa mise en oeuvre(§2). §1. LE CONTENU DU DROIT DE L'HOMME A L'AUTODETERMINATION INFORMATIONNELLELa protection de l'intimité de la personne porte à la fois sur l'ensemble des éléments matériels (son patrimoine, son domicile, ses correspondances) et immatériels de la vie d'une personne (son image, son corps, sa vie amoureuse et spirituelle). Le droit au respect de l'intimité, pour fondamental qu'il soit, n'est pas cependant pas absolu. Ainsi, si les immixtions dans la vie privée d'autrui sont, en principe, illicites, il peut exister des ingérences étatiques légitimes, par exemple pour la protection de la liberté d'expression ou la lutte contre la criminalité. Il convient alors de trouver un juste équilibre entre les différents intérêts fondamentaux en présence. Plus récemment, sous l'influence de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme31(*), la notion de vie privée a évolué, pour englober la sphère au sein de laquelle toute personne peut librement se construire et s'épanouir dans ses relations avec autrui et le monde extérieur. Le droit au respect de la vie privée est donc également un " droit de se découvrir ", que garantit le respect de l'identité de la personne. Ainsi, la Cour Européenne des Droits de l'Homme fait de la vie privée " une notion large qui englobe, entre autres, des aspects de l'identité physique et sociale d'un individu, notamment le droit à l'autonomie personnelle, le droit au développement personnel et le droit d'établir et entretenir des rapports avec d'autres êtres humains et le monde extérieur ". Bien plus, la Cour estime que la protection de la vie privée implique également la reconnaissance au profit de chaque individu d'une " capacité à être soi-même " : " Sur le terrain de l'article 8 de la Convention en particulier, où la notion d'autonomie personnelle reflète un principe important qui sous-tend l'interprétation des garanties de cette disposition, la sphère personnelle de chaque individu est protégée, y compris le droit pour chacun d'établir les détails de son identité d'être humain ".32(*) Cette conception étendue de la vie privée, entendue comme une protection de l'autonomie de la personne et de son droit à l'autodétermination, a des répercussions en termes d'indisponibilité de l'Etat-civil des personnes (nom, sexe) et de protection des relations affectives (familiales, amoureuses et sexuelles). Le droit au respect de la vie privée comporte donc deux composantes : un droit " interne " de préserver sa sphère d'intimité des intrusions extérieures, et un droit " externe " de déployer librement sa personnalité dans la vie sociale, notamment en communiquant ses informations personnelles selon sa convenance. L'extension croissante des domaines de la vie connectée soulève évidemment de nombreuses questions en matière de protection de la vie privée ; son régime juridique ne doit pas être moins exigeant dans la vie numérique que dans la réalité physique. Les progrès numériques offrent aux individus, même très éloignés des centres d'activités, la possibilité d'un développement culturel et social, source d'enrichissement personnel. Cette richesse humaine, rendue possible par les progrès numériques, pour laquelle la consécration au niveau régionale et internationale manifesterait son enthousiasme, est toutefois susceptible de mettre en péril les droits humains. Au nombre de ceux-ci, on compte des atteintes croissantes à la vie privée, la marchandisation générale des données personnelles, le ciblage par des algorithmes, ainsi que la falsification d'informations ou encore la manipulation des faits33(*). De nombreux usagers exposent plus ou moins volontairement et de manière croissante leurs données à caractère personnel, sans nécessairement prendre conscience des risques pour le respect de leur vie privée. Certes, ces pratiques sont souvent la transposition numérique d'atteintes aux droits déjà anciennes, mais le développement de l'Internet leur donne une dimension nouvelle, qui appelle de nouvelles normes et de nouvelles actions. L'encadrement de ces pratiques s'avère donc nécessaire pour éviter toute intrusion abusive dans la vie privée des individus, et pour garantir le droit à connaître l'usage qui est fait des données personnelles collectées. Aussi, les progrès du numérique nécessitent de nouvelles règles, le renforcement de certains droits et donc une certaine révolution sociétale et juridique, afin d'être en mesure de gérer toutes les problématiques que la déterritorialisation est susceptible de générer. De la même manière, les droits de la personne sur ses données relèvent des droits de la personnalité, et non de du droit de propriété. La doctrine critique toute patrimonialisation des données personnelles, même au nom d'une vie privée active.34(*) * 31CEDH, Christine Goodwin c/ Royaume-Uni, Grande chambre, 11 juillet 2002, req. n° 28957/95. * 32CEDH, Grande chambre, S. et Marper c/ Royaume-Uni, 4 décembre 2008, req. n° 30562/04 et 30566/04. La décision prend acte du fait que la Convention de sauvegarde ne consacrait pas d'article spécifique au traitement des données personnelles, et a donc fait découler celles-ci de l'article 8 relatif au droit à la vie privée. * 33L'article 7 de la Charte porte sur le droit à la vie privée et familiale, l'article 8 sur la protection des données à caractère personnel. Le paragraphe 93 de la jurisprudence Télé 2 Sverige AB, notamment, rappelle que la protection des données personnelles doit également être appréciée au regard d'un autre droit non moins fondamental, celui de la liberté d'expression (article 11 de la Charte). * 34CNIL et la MGEN : " Protéger sa vie privée ! ", disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=U7xOBOnQ0G4(consulté le 3 mars 2020). |
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