INTRODUCTION
Historiquement, le marché du luxe présente une
succession de modifications importantes concernant son assimilation au milieu
des codes sociaux (ceux-ci aussi dans un renouvellement parallèle et
constant). Jusqu'aux années 1980, le luxe moderne1
était très statutaire, considéré comme
inaccessible, unique, cher et souvent représentatif du pouvoir qu'il
soit politique et /ou économique. Le luxe moderne dont la consommation
était de nature ostentatoire, une consommation « pour autrui
», était destinée à perpétuer le
système de stratification sociale. Cette orientation garantissait pour
la marque la valorisation continuelle de son identité de marque par son
histoire et ses valeurs, la reconnaissance par son produit, son artisanat et la
mise en oeuvre de sa stratégie d'intemporalité.
À partir des années 1990, le marché du
luxe a commencé à se muter, il s'est ouvert davantage aux
consommateurs en abandonnant peu à peu le règne du superflu et de
la démesure ; le luxe est devenu de moins en moins perçu comme un
signe de réussite sociale. Ce phénomène vient, en partie,
du fait qu'un grand nombre de marques de luxe ont été
rachetées par des groupes financiers comme LVMH, Richemont, Kering
où la rentabilité financière est devenue la
priorité. Par conséquent, les marques n'ont pas eu d'autres choix
que d'accepter de conquérir de nouveaux marchés, comme la Chine,
et d'appliquer de nouvelles méthodes de marketing et de management en
dépit de certaines conventions établies par le marché. Le
secteur quitte alors son statut d'activité artisanale pour devenir une
industrie.
Il ne faut pas croire que la démocratisation du
marché du luxe est seulement due au fait que les points de ventes se
soient multipliés, elle s'est aussi ouverte en raison de la
publicité. La surexposition de grandes Maisons de luxe dans les
magazines « Elle » ou « Vogue » a
banalisé le luxe. En effet, ces groupes financiers, à la fois
propriétaires des marques de luxe et des marques de masse, ont
réduit leur différence de communication, ce qui a favorisé
la ressemblance des campagnes publicitaires. Nous constatons que des marques de
luxe se retrouvent dans un paradoxe : d'une part, leur volonté de se
démocratiser et, d'autre part, les
1 Le luxe moderne de 1980 à 2001 est un luxe
pour autrui. Alexandre De Sainte Marie ; Luxe et marque / Identité,
stratégie, perspectives. P35.
7
marques de mass market qui utilisent les mêmes
codes du luxe. Ces marques de mass market associent leur image
à celle d'une célébrité venue de l'univers de la
mode des métiers du spectacle, du sport, ne correspondant pas
forcément au « standing » de la marque.
De plus, l'arrivée de la «
génération Y » a bousculé le luxe traditionnel ; elle
compose actuellement 40% des actifs en France née entre 1980 et 2000.
Moins statutaire que « la génération X »2,
la génération Y et demain Z s'affirment davantage,
connectée en permanence avec sa communauté, elle s'identifie plus
à la montée des influenceurs que les stars. Elle est une grande
consommatrice de marques « prémium » mais n'est pas
forcément intéressée par l'hyper luxe. Elle recherche un
luxe plus libre, plus décomplexé dans le mélange des
genres, il est ressenti comme un style de vie, comptant comme une
expérience, plutôt que la possession.
De ce fait, pour toucher une population plus large et
augmenter ses parts de marché, les marques de luxe se sont ainsi
diversifiées pendant la première décennie 2000, en
élargissant sans cesse leurs gammes de produits. Par cette technique de
mass-marketing, il faut bien différencier « l'extension » de
« l'expansion ». L'extension qui est légitime pour se
développer, consiste à appliquer une stratégie de luxe
à un nouveau marché, en contrôlant tout le processus de
fabrication et de distribution, et « l'expansion » qui nuit à
l'image de marque du luxe, consistant à exploiter un nouveau
marché sans appliquer une stratégie de luxe mais une
stratégie de mode ou prémium.
Le modèle d'expansion ne nécessite pas
d'investissement élevé, seulement un fort capital identitaire de
la marque. Les licenciés deviennent alors les fabricants et les
distributeurs, ils offrent sur le marché des produits qui ne sont pas
traditionnellement du luxe mais permettront d'accélérer la
croissance de la marque, sans avoir besoin de prendre le temps
d'acquérir tout un savoir-faire. Le « stretching » de
la marque s'est donc amplifié, il est devenu vecteur de
démocratisation et d'exposition sur le marché international, en
quête d'un luxe pour tous, peu sensible à ses anciens codes
d'expression et pour laquelle ses produits ont tout d'une consommation
extraordinaire. Cette association entre marque de luxe et mass marketing a
donné naissance à ce qu'on appelle aujourd'hui « le
mass-tige »3 (mass-market + prestige), qui
2
http://www.cultivezvostalents.fr/developpement-personnel-efficacite-professionnelle/generations-x-et-y-quelles-differences/
Une génération plus discrète, plus fonctionnel dans
l'achat, construite dans le respect des règles sociétales en
vigueur.
3
http://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Masstige-ou-mass-tige--242295.htm#tgMBDiyjo7Bl3XZY.97.
Masstige désigne la commercialisation de produits de luxe et/ou
hauts de gamme à des prix anormalement bas et donc plus accessibles
à la masse des consommateurs.
8
est en quelques sorte l'état transitoire de la marque,
qui ne tardera pas à perdre son statut de marque de luxe.
Par le fait de sa démocratisation, le luxe a
segmenté son offre en trois niveaux de produits qui sont : le «
luxe accessible » par des produits fabriqués en série, plus
abordables pour la classe moyenne. Dans ce domaine, nous pouvons citer les
parfums, la cosmétique, le prêt-à-porter, et d'autres
accessoires divers. Ce sont des produits qui n'ont pas pour vocation de
durer.
En outre, le « luxe intermédiaire » est
considéré comme de grande qualité, n'ayant aucun
défaut, il lui manquera ce brin de folie pour être
considéré comme du luxe. Il peut se reposer sur un concept
original tel que des produits prestigieux de jeunes créateurs, convenant
à la classe moyenne supérieure, laquelle souhaite se distinguer
socialement.
Le « luxe inaccessible », de surcroît,
correspond à des produits de qualité exceptionnelle, des plus
précieux, fabriqués en petites séries. Concernant ces
points, nous pouvons mentionner la haute couture de Chanel, la
maroquinerie de Hermès, les oeuvres d'art de Picasso et les
belles automobiles accessibles à une élite dite «
traditionnelle ». Les marques de luxe se diversifient aussi vers d'autres
activités : Hôtels, spas de luxe, espaces surfant sur le «
bien-être » ou création de fondation pour l'art
contemporain.
Aujourd'hui, le luxe contemporain4 doit se
réinventer autour de nouvelles stratégies de développement
devenues indispensables pour maintenir leur potentiel de croissance et pour se
démarquer des concurrents. Selon l'Ipsos, « La possession n'est
plus un moteur principal pour l'achat de produits de luxe. Les consommateurs
veulent rêver, s'échapper. 76% des répondants
déclarent qu'en achetant une marque de luxe, ils souhaitent vivre une
« expérience inoubliable ». L'expérience « client
» en lien avec l'évolution technologique, et des différentes
motivations d'achat, doivent être l'une des priorités
stratégiques des marques de luxe. La montée en puissance du
marketing digital oblige les marques à avoir plus d'innovation et de
créativité. Ordinateurs portables, smartphones, tablettes,
partage des données via e-mails, SMS, MMS, réseaux sociaux, blog
et autres plateformes d'échanges sont devenus une source
privilégiée d'information pour les marques. Cette
stratégie e-commerce doit, impérativement, être
optimisée en proposant le maximum de fluidité dans le parcours
d'achat, un véritable
4 Luxe contemporain de 2008 à aujourd'hui.
Un luxe pour soi, intimiste. Sur les marchés une rupture avec les
caractéristiques qui définissaient le luxe moderne.
https://www.dunod.com/entreprise-economie/luxe-et-marque.
9
service autour de l'offre, tout en racontant une histoire
crédible sur le produit mais aussi de l'entreprise. Actuellement, les
clients s'informent en ligne avant d'acheter en boutique, témoignent de
l'accueil qu'ils ont reçu et informent de leur expérience d'un
service après-vente. De cette façon, l'expérience d'achat
proposée en ligne ne doit pas être négligée au
détriment de l'expérience physique en boutique. La mise en place
d'un marketing one-to-one va permettre de répondre plus
facilement aux attentes de chaque client, notamment par la personnalisation des
produits et des services.
Face à cette mutation des comportements d'achat et des
nouveaux développements de canaux de distributions, les grandes marques
doivent réfléchir à adapter la relation client et de son
suivi. Le client n'est plus forcément consommateur de la boutique la
plus proche de chez lui, mais consommateur de la marque n'importe où. En
même temps, les marques doivent faire face à un changement de
priorité de la consommation du luxe par la société.
La surabondance de l'offre, l'accélération des
modes de vie, la crise financière, la crise écologique, la menace
terroriste, définissent un nouvel environnement peu propice à la
prolifération des logos. La recherche du plaisir lié à
l'achat, l'excitation de l'achat est toujours d'actualité mais le
consommateur se recentre davantage sur ses fondamentaux : il est plus sensible
aux valeurs de plaisir et de bien-être personnel auxquelles il peut
accéder.
La consommation du luxe d'aujourd'hui est au contraire un luxe
« pour soi », répondant à la montée de valeurs
hédonistes et dont les démonstrations sont bien plus intimistes.
D'ailleurs, l'accès au produit n'a plus nécessairement besoin de
se montrer ; la notion du « paraître » est en déclin, la
relation d'achat est devenue plus liquide. Cette nouvelle orientation «
pour soi » est une véritable rupture par rapport aux années
précédentes.
Concomitamment, nous assistons à une bascule dans les
critères d'évaluation des entreprises et des marques, en se
fondant plus sur leurs valeurs écologiques, leurs notions
d'éthique et d'humanisme que sur ce qu'elles produisent
concrètement. Cette domination collective passée laisse place
à une montée de l'éthique individuelle. Les grandes
marques de luxe l'ont bien comprises et ont ajusté, voire
redéfini leurs valeurs du luxe passées de mode, pour maintenir le
désir d'achat. Les entreprises s'intéressent de plus en plus
à l'industrie du sport qui a une place prépondérante dans
la société actuelle. Elle retrace les mêmes valeurs
recherchées par la société : dépassement de soi,
respect, solidarité. Le sport est également symbole de
beauté, d'élégance, d'exclusivité, de
précision ou encore d'exigence, des valeurs qui se rejoignent avec le
luxe. Des points sur lesquels les entreprises peuvent se reposer. Nous
10
comprenons alors pourquoi le sport est devenu pour les marques
de luxe un support idéal pour la mise en place de stratégies
marketing sportif et digital telles que : le Co-branding, le multi-branding, le
marketing relationnel ou bien le sponsoring sportif ou
d'événements. L'intérêt des stratégies
mentionnées ci-dessus est d'améliorer la notoriété
et l'image de marque des entreprises, de démocratiser leur relationnel.
Ce partenariat peut également faire évoluer vers de nouveau
segment de marché ou de positionnement tout en élargissant les
cibles de consommateurs.
Problématique
Dans ce mémoire nous tenterons de répondre aux
questions soulevées à savoir : Pourquoi dans un monde d'hyper
concurrence et face à la démocratisation du luxe et aux besoins
nouveaux des consommateurs, l'industrie du sport est devenue attrayante pour le
marché du luxe. Pour répondre à cette question, il ne
suffit pas de traiter seulement l'attrait de l'industrie du luxe pour
l'industrie du sport. Mon but est d'abord de comprendre les évolutions
du luxe assimilées aux mutations sociétales en constantes
renouvellements. Pour ce faire, en première partie nous
étudierons l'histoire du luxe de ses origines à nos jours, les
codes marketing et stratégiques et son processus de
démocratisation.
La deuxième partie portera sur les changements de
valeurs de la société contemporaine et des nouveaux besoins
d'achat. Cette étude est essentielle dans la mesure où elle vise
à comprendre les différences générationnelles et
les rapports opposés au luxe qu'elles impliquent. Si bien qu'il est
aujourd'hui stratégique pour le marché du luxe de se renouveler
vis-à-vis de l'évolution des codes sociétaux. Nous verrons
donc les quatre principaux enjeux du luxe actuels en regard des nouveaux
comportements d'achat.
Enfin, devant la compétition exacerbée que se
livrent les acteurs du luxe pour continuer à se démarquer encore
plus, en troisième partie, nous comprendrons pourquoi le sport devient
bien plus qu'une simple activité physique pour les marques de luxe.
Pourquoi ont-elles besoin de s'allier au sport dans leur processus de
renouvellement stratégique ? Par conséquent, nous nous
intéresserons à la croissance de ce marché, aux valeurs
sportives qui inspirent et influencent le marché du luxe, et le retour
à « l'événementiel » qui permet à
l'industrie du sport de valoriser ses produits, contrôler son image et
atteindre un coeur de cible si cher au marché du luxe. Pour
compléter notre étude nous analyserons la stratégie des
groupes de luxe Kering et LVMH, deux mastodontes qui se
lancent dans le secteur sportif.
11
I. Le secteur du luxe et ses
caractéristiques
« Nous sommes entrés dans l'âge de
l'individualisation du luxe, qui marque à bien des égards une
rupture avec la logique de la distinction sociale. Ce qu'on achète
dorénavant c'est un style de vie, ce qui nous distingue et nous met en
valeur personnellement et non plus seulement socialement »
Gilles Lipovetsky
1.1 Histoire, origine et modernité a) Etymologie
et définition.
Définir le luxe peut, dans un premier temps, paraitre
chose facile, mais le luxe, au-delà d'un simple mot, est
considéré comme un concept subjectif mêlant la
sensibilité et les préférences de chacun. Dans un souci
d'objectivité, nous allons, tout d'abord, revenir à son
étymologie. Le mot « luxe » vient du latin « Lux »,
la lumière, l'éclat brillant. Une différence de
connotation varie selon les époques, en effet une signification plus
péjorative du terme, à partir du XIIe siècle, donnera
naissance au mot luxure, du latin « Luxuria » d'abondance,
de dépravation, d'excès, et dérivé de «
Luxus » pour la débauche et l'ostentatoire.5
Les parutions sur le luxe se multiplient tout au long de
l'âge classique, notamment au tournant des XVIIe et XVIIIe
siècles, et témoignent de cette ambivalence sémantique. Le
mot « luxe » à partir du XVIIe siècle,
représentera tout ce qui est faste, coûteux, somptueux, superflu,
mais nécessaire selon Voltaire (poème mondain, 1736). A cette
époque, le luxe était réservé à une
élite, il était rare, d'un prix relativement élevé,
que l'on s'offrait sans vraie nécessité vitale. Nous savons
aujourd'hui que cette définition ne correspond plus exactement aux
réalités du marché. De nos jours, le mot luxe est d'emploi
très courant et ce n'est pas forcément péjoratif (on parle
de l'industrie du luxe) à la différence du terme « luxure
», au sens immoral fort.
Au-delà de ce début d'analyse culpabilisante, se
trouve la réalité de l'univers du luxe. Le luxe est une
expérience ou une rêverie générée par
différents éléments qui sont notamment
5
http://www.institut-numerique.org/1-luxe-origine-et-signification-503cbc7e99a3f
: l'univers métier et humain, un savoir-faire, une
ambiance, des matériaux, une architecture, des beaux produits, des
rencontres, l'attitude et l'élégance du personnel. Le luxe est
devenu aujourd'hui une industrie bien singulière qui, au-delà
d'une relation de vente, exprime tout un univers de désir,
d'identification, un plaisir solitaire ou de partage, d'image et de
sérénité.
En effet, le mot et le concept sont en train de changer. Les
experts du marché s'accordent sur le fait que le nouveau consommateur du
luxe est moins intéressé par une accumulation de produits
révélateurs d'un besoin de stratification sociale (appartenance
à une classe supérieure), mais plus sensible à des
expériences immatérielles, émotionnelles et novatrices. Il
cultive un style de vie équilibré qui laisse beaucoup de place
aux instants dédiés à la famille, aux amis ou à une
communauté6. Le luxe englobe, désormais, davantage de
petits luxes personnels qu'au passé : un thé l'après-midi,
une promenade dans le parc à l'heure du déjeuner, un ballet au
théâtre, de la méditation, prendre des cours ou du temps
pour soi sont devenus un vrai luxe. Et lorsqu'il s'agit de consommer des
produits haut-de-gamme, le consommateur envisage davantage le luxe suivant les
critères de valeur intrinsèque en s'interrogeant de la
manière suivante : « Ce produit a-t-il une valeur d'éthique
? », « Suis-je en phase avec la façon et l'endroit où
il a été fabriqué ? », « Est-il agréable
au toucher et à l'oeil ? » et « Est-ce qu'il me ressemble ?
» Ces nouvelles perspectives ont élargi la définition
même du luxe dans ces dernières années. Cette facture
générationnelle ne cessera pas d'évoluer la
définition du luxe dans les décennies à venir.
12
6
http://www.e-marketing.fr/Thematique/etudes-1000/Breves/Quel-est-comportement-consommateurs-marques-luxe-259765.htm#bhzclbfxoewlsc5t.97
13
Illustration 1 : la frise nous montre l'évolution du
luxe de sa naissance en 3150 avant Jésus-Christ
jusqu'en 20097.
b) Histoire du luxe et son évolution
Vieux de 30000 ans avant J.C, le luxe était d'abord une
culture avant d'être un métier ou un marché. Dès
l'aube de l'humanité, il apparaissait des sociétés
organisées, des groupes dirigeants, des objets, des signes, des modes de
vie réservés aux individus socialement dominants. Les
anthropologues ont même démontré que, chez les
chasseurs-cueilleurs du paléolithique, existaient les premières
expériences du luxe sous la forme de fêtes, de festins, et de
parures. Il paraît alors évident de penser que l'esprit du luxe
existait avant même l'objet du luxe. Ce « luxe ancien »
provient d'une nécessité sociale et profonde puisqu'il s'agissait
de gagner honneurs et titres, d'assurer les liens communautaires, ou de
construire des temples. Il s'agissait d'un luxe concret et utile.
v Le luxe pharaonique des Egyptiens
Outre la Préhistoire, la civilisation ayant
accordé une importance au luxe était l'Ancienne Egypte sous
l'Antiquité, 3 200 ANS AV.J.-C. En effet, les privilèges
réservés aux pharaons et aux personnes de pouvoir
dépassaient la simple acquisition d'objets beaux et rares. Leur ultime
privilège était de bénéficier d'une infinité
de rituels et de techniques dans le but de passer d'un monde à l'autre
en toute sérénité (le processus de momification). Les
pharaons
7
http://tout-sur-le-luxe.over-blog.com/2016/06/les-origines-du-luxe.html
14
étaient glorifiés par de gigantesques pyramides
et tombeaux alors que la population devait se contenter d'être enterrer
sous le sable égyptien. C'est ainsi qu'ont été construites
les pyramides, les tombeaux de la Vallée des Rois et de la Vallée
des Reines. Un luxe qui était synonyme de croyances, de lieux et
d'objets précieux, ou symboliques et réservés à une
petite élite dirigeante.
v De l'antiquité grecque jusqu'au XIXème
siècle
Dans la Rome antique, les Gréco-Romains avaient eux
aussi une approche du luxe manifestée notamment par les bijoux, les
poteries, les villas et les palais. Tous ces biens précieux
étaient réservés à une élite et permettaient
de distinguer socialement les familles nobles et le peuple. Les tables
gastronomiques étaient signes de richesse sur lesquelles l'on observait
des poissons relevés d'épices, des fruits exotiques, des vins
rares consommés sans modération. Les plus pauvres ne pouvant pas
se payer ce luxe, se contentait d'une bouillie, faite de farine d'orge
délayée dans de l'eau. En traversant le temps, le luxe est devenu
un moteur puissant de découvertes artistiques et techniques, mais
également un sujet conflictuel du fait d'une noblesse qui le consomme
extensivement. En effet, du XVIème au XVIIIème siècle, le
luxe est au centre de débats philosophiques, religieux,
économiques et moraux. Seule la noblesse des cours européennes et
les bourgeois, avides de pouvoir et de reconnaissance, pouvaient s'offrir des
parfums, des étoffes précieuses et autres denrées rares
venues de pays lointains. Déjà, à cette
période-là, l'on voit un changement de paradigme mais surtout un
changement de mentalité : la bourgeoisie, qui joue un rôle
économique de plus en plus important, accepte mal qu'une partie des
richesses de la société soit avalée par une noblesse
devenue totalement inutile. Elle veut devenir la seule classe dominante de la
société.
v Révolution Industrielle du
XIXème
Il est tout à fait accepté que les
prémices de la démocratisation du luxe ont été
amorcés par la transition démocratique moderne (fin
XVIIIème, début XIXème siècle), période qui
met fin à la monarchie à la révolution et confirme
l'émergence de la bourgeoisie. Cette classe sociale, qui s'est
construite sur plusieurs décennies, s'est renforcée sous la
Révolution Industrielle du XIXème. A cette époque, la
bourgeoisie comprend aussi bien les grands propriétaires, ceux qui ont
fait fortune dans les affaires, les professions libérales, ou ceux qui
tiennent une boutique en ville. Cette classe sociale affiche en façade
les signes de sa réussite et de son enrichissement en consommant des
produits de luxe (symbole de privilège historique). Nous pouvons citer
en exemple des maisons qui naissent comme : Guerlain (1828), Baume
&
15
Mercier (1830), Hermès (1837),
Cartier (1847), Louis Vuitton (1854), Boucheron
(1858), ou encore les champagnes Laurent Perrier (1812).
Concomitant à cela, cette révolution
industrielle s'est caractérisée par le passage d'une
société à dominante agricole et artisanale à une
société commerciale et industrielle. Les populations ont alors
migré vers les villes du fait des salaires plus élevés et
des professionnels qualifiés de plus en plus nombreux.
L'industrialisation a radicalement transformé le processus de production
par la mécanisation et s'est ouverte à une production à
plus grand échelle, se traduisant par la baisse du prix des marchandises
auparavant inaccessibles. Cette vague d'industrialisation a favorisé la
hausse du pouvoir d'achat contribuant ainsi à la naissance d'une
nouvelle classe, laquelle s'est détachée de la classe
ouvrière : la classe moyenne.
Cet enrichissement lui a permis de s'ouvrir à une
nouvelle économie de consommation, et donc d'avoir plus facilement
accès à des objets de luxe. L'accès au luxe n'est donc
plus restreint à une élite dominante de « droit divin »
mais aux élites dominantes (celles qui disposent du pouvoir et/ou des
richesses) et aux personnes ayant suffisamment de revenus pour y
prétendre8. Le luxe a donc suivi les évolutions
sociétales et n'est plus seulement symbole de stratification sociale
naturelle. Il symbolise dorénavant davantage l'accomplissement
professionnel (l'ascension sociale) que le statut naturel d'une personne bien
née.
Illustration 2 : 7 octobre 1873 : Lundi Exposition d'hiver,
beau temps très chaud9
8
https://fr.scribd.com/doc/104997484/Julie-Dumaine-Memoire-Luxe-et-Internet
9
http://lesgravereaux.marret.co/index.php/jules-gravereaux/jules-gravereaux-au-bon-marche/
v 16
Les tournants du XXème siècle
Comme nous l'avons vu, le luxe a évolué au
cours de ces siècles, et son évolution suit les modifications des
comportements sociaux. D'ailleurs, afin de ne pas perdre leur clientèle,
dès les années 1920, les fondateurs des marques de luxe comme :
Louis Vuitton, Guerlain, Cartier, se sont regroupés en «
clubs » pour échanger les informations nécessaires à
leur développement respectif puis suivre et satisfaire
l'évolution des goûts de leur clientèle.
La guerre de 1939-1945 a affaibli le développement de
l'industrie de luxe en France mais la fin des années 40 peut être
qualifiée comme la libération du luxe : 106 maisons sont
labellisées Haute-Couture et le secteur de la parfumerie explose.
L'automobile avec la naissance de Ferrari (1939), arbore aussi une
nouvelle image haut de gamme, devenant la convoitise internationale des grands
noms de l'époque. La France a repris sa première place de leader
au moment de la libération, grâce en partie à la mode de
Christian Dior (1946). Il a été le premier à
imaginer sa marque de façon globale et transversale. Il déclina
sa marque sur différents supports et appliqua le système des
licences dans la mode. Ainsi en 1951 on trouve des bas, de la maroquinerie, des
foulards, des chemises, des cravates avec la griffe Christian Dior. En
1983, 90% des ventes de la marque Christian Dior étaient
réalisées sous licence. Quant à la marque Gucci,
maroquinier au départ, elle a multiplié les licences en 1990,
avec 22 000 produits différents. Mais cette vision a connu bien des
limites et ce processus de « diversifications » n'a pas
été toujours légitime et a altéré
considérablement l'image de ces marques.
C'est d'ailleurs véritablement à cette
période de fin du XXème siècle que le luxe a
commencé à se démocratiser, devenant un secteur
économique et industriel à part entière. Au passage, il
intègre une double logique financière et de management, qui lui
était jusqu'ici inconnue, sous l'impulsion de grands groupes de luxes
comme : LVMH créé en 1987, autour d'un portefeuille
diversifié de marques : Louis Vuitton, Chaumet, Céline,
Kenzo, Moët et Chandon, Hennessy, Dior ou de Richemont
créé en 1987, qui possède les marques de luxe :
Cartier, Chloé, Mont-Blanc, Lancel, Van Cleef & Arpels. Le
luxe passe progressivement : d'une culture de « maisons » à
une industrie de marques. Une reconnaissance visuelle de la marques (logo,
formes, matériaux, couleurs), afin de rassurer les clients sur la
visibilité de leur achat : ostentatoire, le luxe continue d'être
acheté pour être vu pour autrui et donc jouer le rôle de
marqueur social.
17
Illustration 3 : LVMH 1987 ; Richemont 1988 ;
Kering (PPR) 1963.
v La crise économique du XXIème
siècle
Cette crise historique de 2008 est à l'origine de
nombreuses mutations dans le secteur du luxe. Des mutations face aux
changements dans l'attitude du client, et dans son rapport avec les grandes
marques. En premier lieu, le client est devenu beaucoup mieux informé,
frivole, et exigeant, et les grandes maisons ont dû désormais se
plier à leurs attentes. Là où le consommateur s'offrait
cinq produits, la crise n'a laissé qu'un ou deux dans le panier, choisis
avec précaution après délibération. Il s'agit
désormais de « consommer moins pour consommer mieux », de
nouvelles valeurs, liées au contexte de crise, se sont ancrées
dans l'inconscient collectif : les notions de futur, de durabilité et de
proximité.
En second lieu, le consommateur a démontré un
intérêt renouvelé pour une consommation de produits plus
sobres, évitant d'acheter des produits trop ostentatoires ou
tape-à-l'oeil. Des questions ont ainsi émergé, devenant le
centre des préoccupations des consommateurs, mais également des
clients traditionnels du luxe : ces questions portent sur le prix des objets,
sur le rôle des décideurs, et sur la valeur réelle des
choses. Le niveau de vie s'est ainsi transformé, éloignant la
classe supérieure du luxe ostentatoire et du contact populaire. Ces
changements comportementaux ont ainsi poussé les marques de luxe
à se repositionner, lors de cette période de transition.
18
Le luxe, qui avait connu une démocratisation dans les
années 1995 à 2008, a dû se recentrer sur ses valeurs
originelles, et s'adapter aux nouvelles caractéristiques de ses
consommateurs pour perdurer. Le luxe a ainsi de tout temps été le
reflet des évolutions sociales : de nos jours, avec les nombreuses
évolutions technologiques et l'explosion des réseaux de
communication, de transport, et d'information l'accompagnant, le luxe peut
désormais bénéficier d'une gestion rationalisée,
avec un potentiel de croissance exponentiel.
Illustration 4 : consommation collaborative dans la
mode10.
2.1 Prestige du luxe : les « codes » du
marketing du luxe a) Les racines de la marque
De nos jours, imagine-t-on le luxe sans marques ? La marque
est inséparable du produit de luxe, mais non des concepts de luxe, qui
eux, sont plus profonds. La marque est l'âme d'une maison de luxe, elle
décrit les valeurs et les promesses de la maison, mais surtout ce qui la
rend unique, d'où elle vient et vers quelle direction elle tend. La
marque de luxe va au-delà de l'objet, elle se construit par la
réputation faite à ses objets et à son service. Le client
désire être reconnu par la marque non comme membre
indifférencié d'une communauté d'acheteurs, mais comme
individu au milieu de ses semblables. Une signature reconnue du beau et de
l'exceptionnel par le produit et le service, la marque de luxe se chargera
alors d'une signification particulière : elle renvoie à l'aspect
de stratification sociale et culturelle, et fait du porteur et de
l'acquéreur, une personne à part. De plus, elle remplit la
fonction de reconnaissance essentielle du luxe : recréer cet
écart, qui la distingue du prémium11. L'image de la
marque doit permettre à l'entreprise d'affirmer son identité et
par la même occasion de se distinguer de ses concurrents. Elle
10
http://mooc.politechnicart.net/moderecup/
11
https://memoires.sciencespo-toulouse.fr/uploads/memoires/2013/5a/memoire_gaudin-anne%20charlotte.pdf
19
constitue une réelle source de valeur si elle est
cohérente, en harmonie avec son identité de marque et qu'elle ne
stagne pas.
Il est aussi nécessaire de comprendre que la marque de
luxe est d'abord marque et ensuite luxe. Prenons l'exemple de l'Inde qui n'a
pas véritablement de marque de luxe alors qu'elle dispose d'un artisanat
séculaire de haute qualité (tisserand de soie, tailleur de
pierre, etc.). En effet, son manque d'infrastructures (route et réseau
électrique défaillants, distribution, etc.) empêche son
industrie du luxe de se développer correctement. Les artisans craignent
même la disparition de leur artisanat d'ici une génération
par la fabrication industrielle et de la concurrence chinoise, si l'Etat
n'intervient pas. Par ailleurs, la notion de marque n'est pas encore comprise,
le côté luxe se tient seulement à la poly
sensorialité de produit (vue, toucher, odeur), ce qui l'accompagne (sur
les matières, la finition, la coupe) et à l'importance de la
signature du créateur qui atteste de l'authenticité du
produit12.
L'idée d'investir dans des écrins somptueux,
des emballages qui participent à la mise en beauté de l'objet, de
s'inventer, surprendre, raconter une histoire (story teilling), et de
communiquer un message vivant, clair et cohérent pour une image de
marque de luxe est encore méconnue. C'est ce qui est repris par toutes
les grandes marques pour créer la différence, créer une
véritable valeur d'attachement et permettre ainsi son
développement économique.
v L'intemporalité de la marque de
luxe
Cependant, face à un environnement économique
devenu incertain et à une consommation de masse qui peut influer sur le
monde du haut de gamme/luxe, la marque de luxe ne peut plus vraiment se
contenter d'exprimer la seule dimension constante de son identité pour
conserver son statut d'intemporalité. Il est désormais
indispensable, en ce XXI siècle, de combiner les dimensions variables et
constances de son identité. La marque doit performer en même temps
sur le « soi » et le « même » si elle veut respecter
le bon équilibre par rapport aux attentes du client contemporain, lequel
a aujourd'hui une extrême diversité dans ses
aspirations13.
Ce client est sensible à l'ouverture et la
mobilité de l'ancienne structure sociale cloisonnée et statique.
Il est, dès lors, beaucoup moins motivé par son éventuelle
appartenance
12
http://www.lexpress.fr/actualites/1/styles/inde-la-survie-des-tisserands-de-soie-ne-tient-qu-a-un-fil_1537390.html
13 Luxe et Marque, identité, stratégie,
perspectives. Alexandre de sainte marie. P107
à tel ou tel groupe que par son accomplissement
personnel et la qualité de ses expériences de luxe. Les relations
deviennent plus superficielles voire éphémères,
l'e-réputation peut se défaire très rapidement sur
internet, la reconnaissance peut s'essouffler en une saison, le succès
est donc faillible.
L'exemple de Louis Vuitton, reprit par Alexandre de
Sainte Marie dans le livre Luxe & marque (2015) peut illustrer mes
propos. Si nous remontons en arrière, au milieu des années 1990,
la marque s'est élevée au rang de marque globale et mondiale.
Elle est devenue désirable aux yeux des jeunes femmes qui rêvaient
du sac monogrammé, la marque était devenue le signe
extérieur de réussite pour des catégories sociales. En
1997, la mode devient l'accélérateur d'une stratégie
d'intemporalité, une extension de l'offre produits, combinée
à un déploiement international sans précédent des
opérations de vente. Cette stratégie d'intemporalité est
exemplaire par l'inventivité et du second degré dont la marque
témoigne dans la mise en scène de ses codes stylistiques,
variations à l'infini de ses matériaux, et ses motifs iconiques.
Louis Vuitton entre 1990 et aujourd'hui a multiplié par dix son
chiffre d'affaires, bondissant de 678 millions de plus de 7 milliards
d'euros14. Pour autant, l'année 2012 marque un coût
d'arrêt de la croissance exponentielle de Louis Vuitton, qui
doit se contenter de taux de progressions de ses ventes à un chiffre.
Constat partagé par tous les observateurs, cette stratégie
d'intemporalité était attachée au luxe moderne, un luxe
pour autrui privilégiant une consommation de nature
ostentatoire15.
A l'heure du luxe contemporain « pour soi »,
recentré sur une expérience individualisée et intimiste,
les produits, trop signés, paraissent avoir fait leur temps. Les marques
ne laissent guère place à l'imagination, ni à un
réel supplément d'âme puisqu'elles sont copiées,
trop vues et trop portées. Dans l'urgence, de nouvelles
stratégies doivent être repensées : intemporalité,
renouvellement, refondation, rupture ou stratégie de l'océan
bleu.
20
14
https://www.challenges.fr/entreprise/yves-carcelle-l-artisan-de-la-transformation-de-louis-vuitton-est-mort_142690
15 Luxe et marque : identité et
stratégie de marque de luxe moderne. Alexandre de Sainte Marie. P101.
21
Illustration 5 : Kering 2025 : Crafting Tomorrow's Luxury
(Kering 2025 : Créer le luxe de demain)16.
b) Le produit et/ou service de luxe
Dans le luxe, tout commence par le produit. Il peut prendre
le terme de « produit » au sens large : il peut s'agir d'un produit
concret, comme l'achat d'un bijou, d'un tableau ou d'un bien culturel comme un
concert, d'un service comme un séjour dans un Spa.
La notion de produit de luxe fait référence
à « six caractéristiques ». En effet le produit doit
être doté d'une qualité d'excellence,
conférée soit par la singularité des matières
(comme dans le cas du diamant), soit par son caractère (le cas d'une
montre de renom qui peut être tout sauf une montre parfaite), ou bien
soit par l'expertise d'un processus d'élaboration (comme dans le cas
d'un grand restaurant). Malgré la mondialisation, le produit de luxe
doit perpétuer une certaine rareté, elle est centrale à
l'identité du luxe, à la différence des autres objets
produits massivement. Un produit rare procure une expérience unique de
celui qui le possède. Autrement dit, la rareté a toujours eu une
connotation positive en termes de qualité et de valeur.
Le produit de luxe est également poly sensoriel
(vision, toucher, ouïe, etc.), le produit doit jouer avec les
émotions, avec la sensualité, l'éthique, l'optimisme et
l'éphémère, il fait vivre au consommateur une
expérience hédoniste. Dans ce sens, ce n'est plus le produit qui
est rare et cher : c'est l'individu. C'est grâce à ces
différences que la confiance et la fidélité sont davantage
présentes dans la marque de luxe.
De plus, le produit de luxe a un rapport avec son
passé. L'héritage et le prestige de la marque du luxe sont
créateurs du mythe. L'ancienneté n'est pas seulement le seul
privilège des produits du luxe, pourtant elle permet de donner une
légitimité aux clients, cela suppose tout de même que
le storytelling fasse rêver une histoire crédible, non
seulement sur le produit, mais
16
https://journalduluxe.fr/kering-2025/
22
aussi sur la maison. Le produit de luxe résulte d'un
savoir-faire artisanal, culturel puisqu'il est l'oeuvre d'un artiste. Le
savoir-faire de l'artisan sublime la matière première pour en
faire un produit unique, affecté de sa signature, d'un poinçon ou
bien d'une marque, de sorte à être classé et garanti et
reconnu par le grand public.
Pour terminer, je dirais que le luxe est également
« éthique » par le respect du produit d'origine, le respect de
l'humain et de son travail, comme son refus de la délocalisation, le
mettant à l'abri des dérives de la mondialisation.
c) Fixer le prix dans le luxe
« Ce n'est pas le prix qui fait le luxe, mais le luxe
qui fait le prix »17 (luxe oblige 2009).
Le prix d'un objet de luxe est étudié en
fonction de ses caractéristiques. Il ne suffit pas d'être le plus
cher restaurant de Paris ou la voiture la plus chère du monde pour
être du luxe. Le luxe est un marketing de l'offre, on fabrique d'abord le
produit et après on voit à quel prix on peut le vendre. Le prix
n'est pas le facteur majeur de la stratégie de luxe et non le
critère principalement recherché par le client, puisque, plus le
prix augmente pour un produit de luxe et plus le désir pour le produit
augmente aussi. Nous savons qu'un produit très cher comme un foulard de
soie Hermès n'est pas à la portée de tout le monde. C'est
une stratégique volontaire de la marque qui, hors coûts de
production, souhaite par-dessus tout obtenir du client, qu'il se sente hors
norme, membre d'une élite, très valorisé et qu'il
perçoive cette offre comme du luxe. Le prix aura peu d'importance pour
ce consommateur de luxe car l'achat de ce produit se relèvera être
un désir. De plus, les professionnels du secteur considèrent
qu'un produit de luxe ne se vend pas, c'est le client qui l'achète.
v Quelle stratégie de prix ?
De façon générale, une marque de luxe
doit voir son prix croître continuellement afin de recréer
l'écart ainsi le renforcement de la demande : la dynamique de
développement de sa clientèle n'est pas l'augmentation du nombre
de clients par la baisse du prix d'accès qui dévalorisera le
produit et la marque, mais par la hausse du nombre de clients qui sont
prêts à payer pour accéder à la marque.
17
http://www.marketing-professionnel.fr/bibliographie/critique-luxe-oblige-bastien-kapferer-eyrolles.html
P.396
23
Néanmoins, si l'on décide d'augmenter
continuellement son prix et que l'on souhaite maintenir les ventes, il faut
veiller à augmenter progressivement le prix du produit, en apportant si
nécessaire une amélioration à l'offre, contrôler en
parallèle la valeur perçue par le client (part de rêve,
satisfaction du produit) et s'assurer qu'il est prêt à payer pour.
Il faut enfin bien connaître la zone de prix dans laquelle on est
légitime, jusqu'à trouver la zone d'équilibre entre le
volume et la marge, jusqu'à que la demande cesse d'augmenter pour ne pas
en sortir par le haut, auquel cas, les clients vous abandonnent et les ventes
s'effondrent. Une fois que l'on découvre à combien se chiffre
cette valeur symbolique, à partir de là, on peut adopter ses prix
aux contraintes économiques de la société et à sa
stratégie (croissance, rentabilité, image, etc.).
Concernant le lancement de produit d'entrée de gamme,
il n'est pas incompatible avec une stratégie de luxe, à
conditions que ces produits soient d'une grande qualité. Le but n'est
pas d'en vendre beaucoup mais d'initier de nouveaux clients à l'univers
de la marque. C'est typiquement l'exemple de Louis Vuitton avec la
petite maroquinerie, Tiffany avec ses bijoux en argent ou Pierre
Hermès avec ses petits macarons. Il est également acceptable
d'introduire une ligne moins chère qu'une précédente
version comme c'est le cas dans l'industrie automobile avec BMW ou
Porsche ; en revanche, il faut qu'il soit clair pour tous qu'il ne s'agit
pas d'une stratégie de faiblesse de la marque, mais d'une
stratégie de force par l'innovation.
En résumé, selon l'auteur de luxe Oblige de
Vincent Bastien, la clé du succès du prix tient en quelques mots
: « savoir vendre cher et avoir un client plus que satisfait
».
d) La distribution dans le luxe
La distribution est une des parties les plus délicates
à manager dans la stratégie de luxe, en effet, une trop grande
diffusion nuit à l'image du produit et/ou du service, en le privant d'un
élément essentiel de sa valeur, sa rareté. La
rareté doit être perceptible à tous les niveaux : peu de
points de vente, emplacements précis, personnel de vente de
qualité, magasin écrin, merchandising ou e merchandising comme
mise en scène. Ainsi, la plupart des maisons de luxe choisissent de
mettre en place des canaux de distribution très spécifiques en
résistant le plus longtemps possible aux pressions de la grande
distribution. L'apparition des formes de distribution modernes, et surtout de
la grande distribution, provoque un débat très vif, entre une
production qui ne veut pas banaliser ses produits, et des distributeurs qui se
doivent de commercialiser de gros volumes, et donc de faire pression sur les
prix pour assurer une rotation des produits.
24
Illustration 6 : »Island Maison», la
boutique Vuitton de Singapour, semble flotter sur la marina de
l'île18.
La boutique en propre
Le premier canal de distribution est le canal de la boutique
en propre - le retail - C'est le premier système de
distribution de luxe, et le plus cohérent avec la conception du luxe et
sa notion de rapport personnelle.
Ces avantages sont considérables : Un parfait
contrôle de la distribution pour garantir l'image et la réputation
de la marque - Le point de vente permet une grande efficacité
économique - Une boutique en propre permet de savoir exactement et en
temps réel, quels sont les produits leader, d'où le pilotage
très précis de sa chaine logistique. La stratégie
poursuivie par Vuitton est contrôlée : aucun produit de la marque
ne doit être vendu dans un point de vente qui n'est pas
contrôlé, au moins à 51 %, par la
société19. Cela permet d'éviter les
intermédiaires qui coûtent cher en point de marge, en gâchis
de produits, en mauvaise gestion des stocks, et de réapprovisionnement
aléatoire - L'univers humain est l'atout majeur, le personnel de vente
est l'ambassadeur de la marque pour tout client. Il y a une maîtrise
totale du recrutement, de la formation, de la rémunération, et de
la promotion du personnel de vente et des responsables de boutiques au niveau
mondial - La boutique en propre est le seul système qui permet une
distribution qui protège totalement le client de la
contrefaçon.
Cela dit, ce système intégré
verticalement est très rigide, il demande une gestion réactive et
anticipatrice, une gamme de produits stables vendue en quantités
suffisantes, et à une cadence
18
http://www.capital.fr/entreprises-marches/les-marques-de-luxe-reprennent-le-controle-de-leur-distribution-847942
19
https://memoires.sciencespo-toulouse.fr/uploads/memoires/2013/5a/memoire_gaudin-anne%20charlotte.pdf
25
permettant aux magasins d'être rentables (maroquinerie,
parfumerie, cosmétique). Cela exclut un métier comme la
joaillerie où les quantités vendues et la cadence de vente ne
sont pas excessives. De cette manière, l'industrie des produits de luxe
est partagée entre deux tendances opposées : d'un
côté, le besoin d'aller à la rencontre de la nouvelle
classe moyenne, qui demande des articles haut-de-gamme et, de l'autre
côté, la nécessité de préserver son image
d'exclusivité, de raffinement, de produits et articles dont la
composante immatérielle de rêve est un élément
fondamental.
v La distribution exclusive
Le second canal est celui de la distribution exclusive, elle
s'adapte parfaitement à la stratégie de luxe, elle implique une
sélection quantitative des distributeurs liée à
l'attribution d'un territoire exclusif. Cette méthode de distribution
permet au fournisseur de protéger la relation personnelle de la marque,
sous réserve que l'accord de distribution stipule bien que le produit ne
peut être commercialisé que dans le lieu spécifié,
et que le personnel soit qualifié par la marque. De plus, la
distribution exclusive garantit la maîtrise des coûts logistiques
de la marque, le contrôle de la disponibilité du produit (la
rareté d'un produit ayant une image prestigieuse, et qui ne peut
être trouvé ailleurs, augmente la demande et la
fidélité), le suivi de ses clients (CRM), ainsi que de ses offres
exclusives.
Les exemples les plus connus en la matière sont
l'horlogerie et l'automobile dont les secteurs nécessitent de fortes
contraintes d'après-vente. Rolex, par exemple, a réussi
à devenir la première marque au monde d'horlogerie de luxe, et la
plus rentable, sans développer de magasin en nom propre, mais en
s'appuyant sur tout un réseau de distributeur exclusifs de haute
qualité. Il est tout de même important de bien connaître sa
concurrence locale et de ne pas compter sur un seul point de vente, il serait
alors difficile de maintenir le prestige de la marque de luxe.
v La distribution sélective.
Le troisième canal qui s'est développé
durant le processus de démocratisation du luxe est la distribution
sélective. La stratégie de distribution passe de
l'exclusivité à la sélectivité, un vecteur de
croissance qui est choisi en fonction de critères qualitatifs, comme par
exemple les capacités et qualités commerciales des
détaillants. Il s'agit de la rencontre entre des producteurs de haut
niveau et des détaillants très qualifiés, aussi bien par
leur image vis-à-vis de la clientèle
26
que par leur professionnalisme. Ce système
présente l'avantage d'une grande distribution du produit accessible
adapté aux achats fréquents comme les parfums, les
cosmétiques, les accessoires de cuir ou même le
prêt-à-porter.
Illustration 7 : Neiman Marcus Fondé à
Dallas en 1907, occupe la première place des grands magasins pour le
luxe aux États-Unis20.
Cependant, ce vecteur de croissance peut affaiblir la marque
de luxe si la sélection des partenaires n'est pas suffisamment
crédible pour maintenir l'avantage compétitif de la marque. En
effet, le client devient celui du point de vente, et non plus de la marque, le
lien entre le client et la marque est rompu. L'exemple de Marionnaud
ou Sephora peut illustrer mes propos : des « gift with
product » envahissent le marché du parfum, illustrant la
baisse du statut produit, telle marque offre des échantillons, telle
autre un sac « made in china » pour l'achat d'un flacon de
parfum. Nous remarquons que la différence entre le produit
prémium et de luxe devient de plus en plus mince, on peut donc se
demander combien de temps encore le parfum restera dans l'univers du luxe. Il
faudra alors dépenser de plus en plus d'argent en communication et en
publicité pour recharger l'image du produit, alors même que les
marges continueront à baisser.
v La distribution numérique
Enfin, le tout dernier canal de distribution est la
distribution numérique, un secteur dont les marques de luxe ont
longtemps hésité avant de dire « oui ». En cause, un
sentiment d'incompatibilité entre les valeurs d'exclusivité,
d'exception et de qualité associées au luxe et l'effet «
mass-market » d'un Internet symbole de gratuité et de
transparence. Pour de nombreuses marques, il reste encore un véritable
obstacle à franchir entre l'utilisation du web comme instrument
marketing et la mise en place de la vente en ligne. Même si le
e-commerce
20
http://www.altaviawatch.com/tag/omni-canal/
représente déjà 5 % des achats du
secteur luxe dans le monde (dont 32 % lors de ventes en soldes), sur 127
marques de luxe recensées, seulement 52 marques proposent de la vente en
ligne21. Pour autant, l'industrie de luxe ne peut plus se contenter
de subir la transformation du numérique ou de résister
passivement. Elle doit s'emparer des différents leviers d'innovation
avant que les nouveaux entrants comme Burberry qui investit 60% de son
budget marketing sur le digital, la marque Tiffany qui a signé
un partenariat d'exclusivité avec la plateforme en ligne
Net-à-Porter, ou encore Louis Vuitton qui fait
bénéficier à ses clients du « Click & Collect
» - ne l'impose et qu'elle ne soit ringardisée. Elle doit
continuer son évolution et s'adapter aux nouveaux comportements
générationnels (génération Y et Z) ; une
clientèle contemporaine née avec les nouvelles technologies qui
les maîtrise parfaitement et qui souhaite dorénavant acheter
n'importe où, à tout moment et surtout sur n'importe quel support
d'achat. C'est pourquoi je pense que la digitalisation du parcours client en
boutique propre et e-commerce est une évolution indiscutable pour le
secteur du luxe.
Le réel challenge aujourd'hui pour les entreprises est
de réussir à faire vivre une vraie expérience
digitalisée encore plus extraordinaire qu'en boutique physique.
Concevoir des applicatifs qui consomment le moins de puissance informatique
possible. Les phénomènes de 3D, de réalité
augmentée ou de technologies sans contact font partie de ces nouveaux
applicatifs qui permettent de superposer des éléments virtuels
aux éléments réels, et ce de manière simple et
intuitive. Une plateforme de commerce agile, qui propose un nouveau
modèle d'interactions multiples avec le client et permet une gestion
unifiée de la navigation, du merchandising, du catalogue, de la
transaction, ainsi que du CRM et de la web-analyse. En offrant au client une
expérience cohérente à travers les différents
canaux (site web, point de vente, centre d'appel, catalogue papier, mobile), la
solution de commerce connecté apporte aux marques et aux enseignes les
réponses fonctionnelles et techniques les plus efficaces aux
problématiques de croissance de chiffre d'affaires et d'optimisation de
la productivité.
27
21
http://www.capital.fr/entreprises-marches/lvmh-va-vendre-ses-produits-sur-son-propre-site-1212741
28
Illustration 8 : Clos19, tel est le nom de la
première plateforme e-commerce (vins et spiritueux) lancée
par LVMH22.
e) La communication du luxe
Selon Kapferer et Bastien23, « dans le
luxe on communique pour créer le rêve et recharger la valeur de la
marque, non pour vendre », l'ambition première pour les
marques de luxe ne serait donc pas de vendre leurs produits ou de toucher une
grande masse de la population mais de faire son audience et de susciter
l'impression d'inaccessibilité. « Oui », cela fait bien partie
de l'ADN d'une marque de luxe.
Néanmoins, aujourd'hui les marques de luxe doivent
suffisamment métamorphoser leur communication afin de fidéliser
leur clientèle et séduire des cibles nouvelles comme l'exemple
d'Hermès qui a joué le jeu de la transformation, en
proposant du « brand content » - une série de 5 web
épisodes appelés petit H et qui nous permet d'entrer dans les
coulisses de l'organisation d'un évènement et de vivre de
l'intérieur le travail des équipes - ou encore la marque de luxe
italienne Gucci, qui, à l'occasion de la sortie de son nouveau
parfum Guilty, n'a pas hésité à laisser le
contrôle de son compte Snapchat à l'acteur Jared Leto
pour 24h pour une série de story décalée - et le dernier
mais surement le plus inspirant - Burberry qui a récemment
lancé « L'art du Trench », une campagne qui rassemble
des photos de professionnels et de consommateurs portant le « Burberry
trench »24. Cette campagne se concentre sur le produit
mettant en scène les gens de partout dans le monde et a eu un effet
viral sur les réseaux sociaux - tout en intégrant dans sa
démarche une volonté de conserver sa singularité. D'autre
part, les marques de luxe ont très souvent recours au
mécénat et au sponsoring dans l'univers de l'art, du sport et de
la culture, plutôt qu'à la publicité même.
22
http://www.vitisphere.com/actualite-85167-Avec-Clos19-LVMH-se-lance-dans-le-e-commerce.htm
23
http://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/luxe-oblige-9782212554656
24
https://www.1min30.com/inbound-marketing/5-marques-de-luxe-et-leur-strategie-de-contenu-29341
29
Hermès ayant un lien patrimonial avec
l'équitation, a décidé durant les Jeux olympiques de Rio,
de sponsoriser la Fédération brésilienne
d'équitation en fournissant des selles équipées, ainsi que
tout ce qui concerne la briderie. De même, Louis Vuitton qui a
conçu lors de la Coupe de monde de rugby en 2015, une malle qui a
transporté le fameux trophée lors de la finale à
Twickenham.
Illustration 9 : comme Simon Delestre la
Fédération brésilienne bénéficiera de selles
Hermès. (A. Martin-L'Equipe)25.
Par ailleurs, selon Vincent Bastien et Jean-Noël
Kapferer, voici les éléments indispensables que l'on doit
retrouver dans sa communication : pas de personnages publics dans la
publicité ou seulement en arrière-plan, seule la domination de la
marque compte - Le rôle respectif « des témoins » qui
signe le luxe et non celui des « ambassadeurs » c'est le cas de
Mikhaïl Gorbatchev dans sa voiture devant le mur de Berlin, utilisant un
produit courant de Louis Vuitton, le sac Speedy - Communiquer le rêve de
la marque par l'utilisation des nouveaux outils de communication technologique,
les consommateurs de luxe voyagent souvent, pour le business ou le plaisir, et
se reposent sur leurs smartphones pour passer le temps - Ne jamais mentir,
internet est dans le domaine de la transparence, le mensonge y est très
vite repéré - Avoir un blog ou collaborer avec les influenceurs
et bloggeurs de préférence en toute sincérité - Pas
de site web plutôt qu'un site médiocre, l'imperfection est
à bannir- Savoir innover pour rester en avance, il faut être
« poly sensoriel » original dans ses animations - Créer du
« contenu de marque » c'est le rôle du brand content, son
historie, ses légendes, ses aventures, ses rumeurs - Créer et
animer des communautés de fidèles à l'image de la
stratégie de Nike qui à cimenter sa communauté autour de
ses produits.
25
https://www.lequipe.fr/Equitation/Actualites/Partenariat-entre-hermes-et-la-federation-bresilienne/644424
30
Nous pourrions rajouter trois nouvelles tendances
observées ces dernières années : en premier lieu, les
marques de luxe qui évoquent et promeuvent leurs valeurs et leurs
engagements. L'exemple de la marque de montres
Oméga26 qui insiste sur l'histoire du savoir-faire
maison et notamment la vente de montres aux femmes. Oméga
cherche ainsi à se positionner comme vendeur de montres pour
femmes, mais espère aussi démontrer avec ses racines
féminines et son engagement envers la cause féministe.
Ensuite, l'arrivée des marques de luxe sur les
médias sociaux permettent leur évolution, aujourd'hui, 75 % des
acheteurs du secteur du luxe utilisent les réseaux sociaux. Le luxe est
le deuxième sujet le plus présent sur Instagram, avec
pas moins de 2,6 millions d'images échangées tous les mois et aux
quatre coins de la planète sur la plateforme. Les images les plus
échangées concernent la joaillerie-horlogerie (44%), les
chaussures (36%), la maroquinerie (15%) et enfin les vêtements (5%). Les
marques générant le plus d'images spontanées sur Instagram
sont Channel, Dior, Prada, Hermès. Ce qui a engendré une
révolution digitale.
Enfin, le luxe du 21ème siècle se doit
d'être éthique, d'aborder les questions environnementales au
travers de sa communication. Ses clients privilégiés exigent que
les marques reflètent leurs ambitions (valorisation du
développent économique local, respect de la planète, etc.)
Cette politique de communication devra être associée et
cohérente avec les trois autres éléments du mix
marketing.
3.1 Le marché du luxe et sa clientèle a)
La croissance du marché du luxe
Le marché du luxe en 2016 est estimé par la
compagnie Bain & Company à 249 milliards d'euros ; une
croissance de 13% par rapport à 2014 malgré un contexte
géopolitique incertain. Certains effets comme le Brexit, les
élections présidentielles américaines et le terrorisme en
Europe, ont influé sur la consommation et eu un impact négatif
sur les flux touristiques en 2016.
En Europe, la croissance du marché du luxe a ralenti
du fait des attaques terroristes et par les nouvelles exigences de visas
biométriques. Mais la reprise de la consommation locale a permis de
maintenir le niveau de performance dans les différents marchés et
catégories du luxe avec une croissance de 1% à taux de change
constant (-1% à taux de change courant). La dépréciation
de la livre sterling a dopé la croissance des achats touristiques au
Royaume-Uni.
26 Luxe et expérience client, Auteur = Wided
Batat ; pages 96
31
A contrario, l'Allemagne et la France ont été
négativement impactées par le terrorisme. L'Espagne et l'Europe
du Nord ont mieux résisté grâce à un sentiment
d'insécurité plus faible.
Dans la région Amérique, le marché des
Etats-Unis est victime d'un dollar fort entraînant la baisse de la
fréquentation touristique et d'un niveau de dépense local faible,
les marques de luxe sont en difficulté avec une baisse 2% à taux
de change constant (-3% à taux de change courant). En Amérique
Latine, les acheteurs de luxe se concentrent sur des dépenses locales,
ceci permet d'inverser la tendance générale au Brésil et
maintient, au Mexique, les perspectives positives pour l'année. Au
Canada, les dépenses de produits de luxe sont restées stables.
En Asie, l'année 2016 a été globalement
positive surtout pour l'Asie du Sud-Est qui a connu une croissance de 3%
à taux de change constant (1% à taux de change courant).
Singapour a attiré les dépenses provenant des villes chinoises de
taille moyenne. Ces signes de reprise de la dépenses chinoises ont
stimulé également les performances de la Thaïlande et de la
Malaisie. Mais les marchés de Hong-Kong et Macao continuent de
décroître, en baisse de 15% à taux de change constant (-16%
à taux de change courant) en 2016 ; Sur le long terme, les
dépenses chinoises dans le luxe et la contribution du pays à la
consommation des produits personnels de luxe devraient connaître une
tendance à la hausse. Cela est en grande partie dû à une
classe moyenne grandissante voyant son revenu disponible augmenter. Le Japon
remporte de nouveau le titre mondial de marché du luxe, le plus
performant en termes de croissance (5% à taux de change courant, 7%
à taux de change constant). Néanmoins, par rapport à 2015,
le marché montre des signes de ralentissement en raison d'un Yen plus
fort qui entraîne une réduction du nombre de touristes chinois.
Les clients locaux ne pourront pas dépenser suffisamment à
domicile pour compenser cette baisse.
Concernant le reste, le Moyen Orient reste en déclin,
malgré un fort intérêt porté à l'Iran. En
Australie, le marché du luxe restera porteur. A noter que l'Afrique a le
potentiel d'être une nouvelle vedette dans les années à
venir.
Les prévisions à l'horizon de 2020 restent
rassurantes, le secteur du luxe connaîtra une croissance de 2 à 3
%, pour atteindre entre 280 et 295 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
Mais cette performance dépendra de la croissance des classes moyenne de
la Chine Continentale qui devraient normalement représenter 34% des
achats de luxe dans les quatre prochaines années, bien au-delà de
ceux réalisés par les consommateurs américains et
européens.
32
Illustration 10 : « les échos » / source :
Bain & Company pour la Fondazione Altagamma27.
b) Les choix nouveaux des clients du luxe
La clientèle du luxe a beaucoup évolué
au cours de ces 20 dernières années : massification,
démocratisation, mondialisation. Dans une analyse menée en 2014
auprès d'environ 10 000 consommateurs de luxe, l'étude du cabinet
de conseils Bain & Company, déclare que « la
catégorie homogène de consommateurs aisés du monde entier,
est en train de se transformer en une classe plus large et très
hétérogène d'acheteurs »28. Le luxe doit
désormais satisfaire une clientèle de plus en plus
diversifiée, mais aussi de plus en plus renseignée, exigeante,
volage, mobile et éthique ; Selon la maturité du continent, les
manières de consommer le luxe ont changé de marqueur social, il
est devenu un marqueur d'identité, une manière de mettre en avant
son bon goût et sa connaissance très prisée de ce milieu.
Des dépenses réorientées vers des expériences
haut-de-gamme nouvelles et plus personnelles telles que les voyages de luxe, la
gastronomie et le vin, et même les beaux-arts.
Une clientèle qui s'est aussi digitalisée, pour
atteindre un taux de pénétration dans le monde de 7% en 2016,
l'e-commerce est en tête des canaux d'achat dans le luxe, à
contrario, la vente physique qui gagnait encore des parts de marché en
2015, a baissé drastiquement avec l'apparition des premiers signes de
rationalisation du marché. Le marché du luxe à prix
réduit continue de croître du fait de la démocratisation,
mais est davantage contrôlé par les marques.
27
https://www.lesechos.fr/21/10/2016/LesEchos/22303-094-ECH_le-marche-mondial-du-luxe-devrait-retrouver-la-croissance.htm
28
http://www.bain.fr/publications/communiques-de-presse/zoom-sur-les-330-millions-de-consommateurs-qui-depensent-217-milliards-d-euros-en-produits-de-luxe-dans-le-monde.aspx
33
Aujourd'hui, les produits de luxe au rabais
représentent 35% du marché de produits personnels de luxe. Ces
chiffres risquent d'augmenter sous la pression des consommateurs de plus en
plus exigeants sur le rapport qualité-prix. Selon le rapport du cabinet
Bain & Company « Ce sont les marques de luxe qui arriveront
à gérer, de façon stratégique plutôt que
tactique, le canal des outlets, tout en minimisant les baisses de prix
en boutique, qui tireront leur épingle du jeu ».
Autre fait d'une stratégique contrôlée
« L'accessoirisation » du luxe est une des tendances de fond du
marché. Des produits d'entrées de gammes comme un flacon de
Chanel N°5 à un portefeuille carré et
élégant de Dupont, permettent aux marques de luxe
d'élargir leur clientèle, de dynamiser leur image et d'augmenter
leurs marges29. Les marques de joaillerie comme Cartier, Van
Cleef & Arpels et Piaget restent des valeurs sûres, leurs ventes
ont augmenté de 11% sur les neuf premiers mois de l'année 2015 ;
ils restent les principaux contributeurs au chiffre d'affaires de
Richemont30
c) Typologie des clients du luxe
Selon Gilles Lipovtsy disait en 2003 « nous sommes
entrés dans l'âge de l'individualisation du luxe qui marque une
inflexion et non une rupture avec la logique de distinction sociale
théorisée par Veblen et reprise par Bourdieu
»31 En effet, d'après lui, bien que l'idée
du luxe « ostentatoire » basé sur la consommation visible de
produits de luxe ayant pour finalité d'appartenir ou de se
démarquer d'un groupe social fera toujours partie d'une forme de
consommation, notamment pour les strates de populations nouvellement riches
comme celles d'Inde, de Russie, de Chine, la tendance de ces dernières
années d'hyper modernité mène le client du luxe à
préférer des objets lui apportant une jouissance
intérieure plutôt que sociale. Il précise alors que «
la distinction est alors plus narcissique que sociale ». Les
acheteurs réguliers du luxe privilégient aujourd'hui davantage le
bien-être, la sécurité, la qualité de vie. Gilles
Lipovetsky appelle cela « l'esthétisation des comportements de
consommation ».
29
http://www.lemonde.fr/m-mode-business-of-fashion/article/2016/01/14/luxe-petits-accessoires-grands-enjeux_4847349_4497393.html
30
https://www.letemps.ch/economie/2016/01/14/fin-annee-richemont-confirme-frein-demande
31 G. Lipovetsky et E. Roux - Luxe Eternel : de
l'âge du sacré au temps des marques. Collection Le Débat,
Gallimard, 2003
34
Illustration 11 : le shopping de luxe, prisé des
touristes chinois. (c) Reuter32.
Selon Bain & Company : « 10 millions de
nouveaux consommateurs entrent chaque année sur le marché du luxe
». Au regard de cette évolution, les grandes marques doivent
adapter leur stratégie pour prendre acte de cette diversité
croissante, en analysant des courants de tendance, et cela passe par le
décodage des habitudes de consommation de tribus bien
identifiées.
De cette façon, Bain & Company a
identifié les « 7 nouveaux visages de la consommation mondiale de
luxe » :
v L'omnivore 25%
Il est caractérisé comme un nouvel entrant sur
le marché du luxe. Acheteur compulsif, généreux dans ses
achats, en majorité des femmes actives, qui ne veulent négliger
ni vie de famille, ni vie professionnelle et désireux de tester les
produits et les marques. L'omnivore veut tout réussir, il se met sous
pression. C'est pourquoi, en compensation, il a besoin de s'accorder des
gratifications personnelles comme des séances de SPA, massages et
beauté. Il répond au phénomène de la «
collectionnite ». Ces clients spécifiques aiment des produits
à prix élevé et se concentrent sur les bijoux et les
montres. L'omnivore privilégie les magasins en propre et fait surtout
ses achats lors de voyages. Sa loyauté est cependant assez faible. Ses
marques fétiches sont Balenciaga, Giorgio Armani et Bottega
Veneta.
32
http://www.lopinion.fr/edition/economie/luxe-l-eldorado-chinois-se-merite-100941
v 35
Le Smarty 20%
Moins de 35 ans, ou pour la plupart étudiants, adeptes
des nouvelles technologies, ces acheteurs sont très informés,
issus des générations X et Y, ils privilégient les
produits high-tech, la qualité irréprochable des produits et la
pérennité des biens. Ce profil accorde une importance certaine au
service dispensé en magasin et à l'histoire de la marque. Il est
fidèle aux marques qu'il affectionne et réitère son achat
plusieurs fois par an. Comme l'omnivore, il fait souvent ses achats en ville,
est accessible aux informations qu'il reçoit en ligne et sur les
réseaux sociaux. Il lit la presse sport, loisirs et automobile. Il
domine les villes chinoises urbaines et est très présent en
Europe occidentale et aux Etats-Unis. Ses marques fétiches sont
Céline, Berluti, Brunello, Cucinelli. Il est
particulièrement représenté aux Etats-Unis, en Europe
Occidentale et en Chine.
v L'investisseur 13%
Il reste attaché aux traditions, aux racines et aux
valeurs sûres, il cultive un art de vivre centré autour de la
famille qui s'enrichit par l'intérêt qu'il porte à la
gastronomie, la politique, l'économie, le bien-être, l'art,
l'histoire, la littérature, la décoration. Cette catégorie
d'acheteurs prête une grande attention à la qualité et
à la durabilité des matériaux de luxe. Selon Bain
& Company, « Il privilégie les cuirs très
résistants et les montres qui peuvent se transmettre de
génération en génération. Il agit avec prudence en
matière d'achats de luxe, se renseigne et se réfère
à l'expérience d'autres consommateurs » Cette
catégorie concerne les acheteurs du Japon, d'Europe de l'Est et des
marchés matures, où la dépense discrétionnaire se
fait avec plus de prudence. Il privilégiera des enseignes comme
Ermenegildo Zegna ou Jaeger-Lecoultre.
v L'hédoniste 12%
Largement tourné vers l'ostentation, il aime consommer
des marques facilement reconnaissables par tous, avant d'être des
produits qualitatifs. Achetant souvent en groupe, il aime avoir l'approbation
sociale et la reconnaissance de ses pairs avant de choisir son produit. A
l'affût des tendances, il consomme du shopping de luxe sur ce qui est
mode, art, voyages et design, dont une grande partie des achats s'effectuent
dans la catégorie des accessoires. Il est très attaché aux
logos des marques qu'il considère comme structurant socialement. Il est
particulièrement influencé par la publicité. C'est la
seule typologie représentée dans toutes les
36
nationalités et générations. Ses marques
préférées sont Gucci, Coach ou Burberry.
C'est la seule typologie représentée dans toutes les
nationalités et générations.
v Le conservateur 16%
Appartement à la génération X, la
cinquantaine, il est très concerné par l'actualité
culturelle, l'art, le cinéma et la politique. Il est le consommateur
habitué du luxe, mature, classique, privilégiant des biens
durables (montres, joaillerie, maroquinerie), le service clientèle de
qualité, les marques reconnues comme Rolex, Valentino, Alfred Dun
Hill. Le luxe pour lui est très personnel, il correspond à
une quête individuelle, la recherche de l'original, du créatif, du
produit exclusif. Il préfère les montres et les bijoux de grandes
marques davantage dans un objectif de se faire plaisir avec intensité,
plus que de se distinguer. Autant masculin que féminin, le conservateur
privilégie les magasins multimarques dans lesquels il a le choix et
demande souvent l'avis de ses pairs. Ils se trouvent principalement sur les
marchés matures, mais aussi en Chine.
v Le déçu 9%
Cette catégorie profite pour voyager, pour se
cultiver, pour pratiquer des loisirs. Ils sont les adeptes des vacances dans
des lieux d'exception. Selon Bain & Company « Ce sont des
acheteurs de la génération du baby-boom, en quelque sorte
lassés du luxe. Ils achètent des produits de maroquinerie et des
produits de beauté ». Le déçu recherche des
articles qui durent une saison ou plus, et les achète, lorsqu'il le
peut, en ligne. Il est peu sensible aux messages des marques et à la
publicité, majoritairement des femmes, cette typologie de clients du
luxe est issue d'Europe, des Etats-Unis, du Japon et privilégie les
marques dites traditionnelles et reconnues comme Chanel, Hermès ou
Cartier.
v L'aspirant 5%
Il s'agit majoritairement des femmes qui recherchent des
articles accessibles en termes de valeur, sur les secteurs des produits de
beauté et des chaussures mais qui est tout à fait susceptible de
combiner les produits de luxe avec d'autres produits. « C'est une
catégorie d'acheteurs impulsifs qui montrent peu de
fidélité à la marque, influencés avant tout parce
que disent leurs amis et ce qu'ils voient dans les magazines de mode. Ils sont
issus de la classe moyenne mondiale et se trouvent surtout aux Etats-Unis, en
Europe occidentale et depuis peu
37
en Europe orientale », écrit Bain &
Co. Louis Vuitton, Prada et Dior s'affichent en tête des marques
préférées de cette tranche d'acheteurs du luxe.
d) Synthèse
Nous constatons qu'il existe un nombre important de profils
de consommateurs du luxe positionné sur trois types de zones
géographiques : les « nouveau marché » comme la Chine,
le Brésil, la Russie ; les « marché mature » tels que
les USA, la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et l'Italie ; le «
marché spécifique » du Japon où les clients sont plus
sélectifs dans leur démarche d'achat.
Ces typologies de consommateurs peuvent varier au sein d'un
même pays ou d'une même génération. Cette
étude confirme que le marché du luxe est toujours entre les mains
des baby-boomers représentant 45% de la consommation du luxe dans le
monde. Leurs comportements et leurs préférences restent
très différents de ceux de leurs enfants (la
génération Y), futurs acheteurs du luxe. Cette
génération a une attitude positive du luxe mais présentent
des profils particulièrement hétéroclites : des novices
aux experts, du très classique au très pointu, des enthousiastes
aux réfractaires. La maitrise de cette génération
fragmentée est assurément l'un des grands défis actuels
pour les maisons de luxe.
Dans l'avenir, les jeunes générations
dépenseront plus que la génération du baby-boom dans
toutes les catégories de produits personnels de luxe. L'augmentation des
dépenses de la Génération X, est liée à
l'évolution des habitudes de consommation, et la croissance constante de
la Génération Y qui se verra augmenter d'environ 50 millions de
nouveaux consommateurs dans le marché. Nous remarquons que certaines
marques commencent déjà à s'intéresser à la
génération suivante, la Génération Z, qui regroupe
toutes les personnes nées entre 1995 et 2000, dont la part des
dépenses « luxe » reste encore faible, mais dont les nouvelles
pratiques de consommation sont passionnantes. Ces trois
générations de consommateurs représenteront les trois
quarts du marché mondial du luxe d'ici 2020. Le marché ne peut
pas se permettre de les ignorer ni d'ignorer leurs préférences
pour des produits et marques à prix accessibles, mais riches en
contenu.
38
4.1 Stratégie de démocratisation du luxe :
une réalité a) Le processus de démocratisation du
luxe
Après avoir expliqué en début de partie
les prémices de la démocratisation du luxe à travers son
histoire, voyons maintenant de façon plus théorique, ce que veut
réellement dire ce sens « démocratisation du luxe ».
Par définition, la démocratisation consiste de mettre à
disposition des produits de luxe pour un plus grand nombre de personnes,
c'est-à-dire, offrir l'accès à des produits de luxe
à un plus large public, à un prix abordable. En effet, à
l'intérieur de cette concurrence mondialisée, se trouvent des
groupes puissants, ingénieux, qui ont jugé nécessaire de
s'adonner à cette stratégie de croissance pour tirer leur
épingle du jeu. Conséquence d'une centralisation du luxe devenu
à la mode, cette opération intègre des maisons
indépendantes dans des grands groupes financiers afin de conforter leurs
positions à l'international, d'étendre leur visibilité sur
des territoires et de s'agrandir à la fois au niveau des produits et des
activités. Cette économie de marché oblige les industriels
du luxe à mettre en place une politique stratégique notamment en
poursuivant le désendettement par un accroissement de la capacité
financière, une modernisation des outils de production, un
déploiement des réseaux commerciaux, plus de création et
d'innovation pour se démarquer des concurrents.
De plus, au cours des vingt dernières années,
le luxe a intégré une nouvelle ère. Les produits de luxe
se sont progressivement intégrés à la population. Par
exemple, un sac créé par une marque de luxe ou certains produits
comme les accessoires, sont occasionnellement consommés par le plus
grand nombre. Certaines maisons de luxe ont démocratisé leur
offre afin d'élargir leur clientèle, espérant
par-là faire du volume. La longévité des marques luxe
repose sur une contradiction : mettre en scène des produits luxueux
réservés à l'élite, pour vendre en toute
simplicité des produits banalisés au plus grand nombre. Prenons
l'exemple de Louis Vuitton qui a d'ores et déjà
commencé à se placer dans cette optique. Pour combler la baisse
de la demande des consommateurs chinois qui compte toujours pour plus de la
moitié du marché mondial du luxe, la marque phare de LVMH
propose davantage de sacs accessibles et des produits de petite
maroquinerie aux consommateurs. Le sac accessible de Louis Vuitton
appelé « Sac Alma BB » est vendu pour 1 210
euros33. Ce fut notamment le cas pour les marques, Gucci et
Prada, lesquelles ont en effet davantage alimenté leurs gammes de
sacs vendus entre
33
https://journalduluxe.fr/luxe-accessible/
39
2 000 et 3 500 euros. Un autre exemple concernant la marque
Mercedes-Benz34 qui a lancé en 2014 sa petite
berline CLA, vendue à partir de 29 700 $ aux États-Unis. Il
insiste sur le fait que ce modèle ne menace en rien son image ou son
précédent modèle d'entrée de gamme, la classe
C, qui représente son plus gros volume de ventes
à travers le monde. Près de 80 % des acheteurs de CLA sont des
nouveaux clients pour la marque. Nous constatons que le luxe n'est donc plus
tant destiné à la seule clientèle d'élite, mais
à chacun des consommateurs qui souhaitent y accéder. La
démocratisation de ce marché va engendrer un bouleversement : la
naissance du nouveau luxe. La réalité contemporaine de la notion
de luxe repose désormais sur la cohabitation de différents
niveaux de luxe.
Mais attention, élargir son bassin de clientèle
n'est pas sans risque si les frontières de la stratégie de luxe
sont mal maitrisés. Cela a été le cas de la
société Italienne Gucci : elle avait tellement
multiplié les licences qu'en 1995 on ne reconnaissait plus son
appartenance au monde du luxe. A grands coups de marketing, de fermetures et
d'ouvertures de flagships (immenses boutiques phares et froides,
emblèmes de la marque), le créateur Tom Ford et son PDG Domenico
de Sole veulent vendent le rêve Gucci : sacs, chaussures,
costumes, chemises, robes, pulls, lunettes, bonnets, jouets, matériels
de bureau, os pour chien, balles pour chat, guitares et autres pares-feux de
cheminée, tout cela hors de prix. En moins de 10 ans, M. Ford a
répandu sa marque dans toutes les soirées, les diners, pour
arriver à saturation et au n'importe quoi. Cela a marché pendant
3 ou 4 ans (il fallait porter du Gucci pour faire bien), et puis les
clients se sont lassés, les prix ont augmenté, la qualité
a baissé et les ventes ont chuté, aujourd'hui, Gucci ne
fait plus vraiment rêver.
Illustration 12 : Avril 2017 ; quand Balenciaga copie
l'homme de la rue qui sort du magasin35.
34
http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/397380/salon-de-detroit-quand-le-luxe-se-democratise
35
https://creapills.com/moquerie-sac-ikea-balenciaga-20170426
40
Par conséquent, pour conserver une stratégie de
luxe, il est nécessaire de bien manager le capital humain de la maison,
maximiser les valeurs de la marque, diffuser tout en préservant la
rareté de l'objet, de produire sans délocaliser, de promouvoir
sans se compromettre, satisfaire sa clientèle sans espérer
nécessairement la retenir. En effet, un produit de luxe est par
définition un produit rare alors que l'essence même du marketing
est de garantir une diffusion en continu du produit auprès du grand
public.
b) Différencier les trois niveaux du luxe et les
stratégies marketing adaptées
Comme nous l'avons évoqué dans la
définition, l'achat d'un produit de luxe est stimulé par un
désir de satisfaction personnelle et sociale mais il est aussi
encouragé par une stratégie de communication et de marketing.
Néanmoins, une source d'ambiguïté tient à la
multiplication des concepts marketing tels que « massluxury » «
hyper luxe », « vrai luxe » « luxe prémium »
« masstige » qui lui fait perdre tout son sens et amène
à l'anarchie. Cette multitude d'appellation, à la fois source
d'ambiguïté et de confusion, reflète en fait deux
stratégies : une volonté de montée de gamme de la part de
marques premium et une certaine dérive des marques de luxe qui cherchent
à élargir leur clientèle afin de réaliser des
profits que leur activité d'origine, le luxe, ne leur permet plus
d'atteindre.
Fortement préjudiciable au vrai luxe, cette confusion
viserait à faire croire qu'il existerait une échelle du prestige
entre la marque de masse et le luxe, que l'on pourrait gravir. Or cela est
absurde. Une marque est luxe ou ne l'est pas. Cela démontre que la
frontière parfois mince entre luxe et premium n'est autre que le fait
des grandes marques à l'image de l'Oréal ou Procter
& Gamble qui ont intérêt à brouiller les pistes.
Ces confusions sont préjudiciables tant d'un point de vu conceptuel que
managérial : on ne gère pas le luxe comme le non-luxe, ou du haut
de gamme. Selon, l'économiste Danielle Allérès,
spécialiste des métiers du luxe « il existe au sein du
nouveau luxe trois catégories de luxe auxquels elle associe des classes
sociales d'une part et des différents types de marketing d'autre part :
luxe inaccessible, luxe intermédiaire, luxe accessible ».
v 41
Le luxe accessible
Il suit un modèle de marketing scientifique par la
production industrielle en grande quantité et produit rapidement
(parfums, cosmétiques), ce qui diminue les coûts
d'exploitation.
Politique de produit : ce sont des produits
réalisés et pensés par des marques prestigieuses, mais qui
cherchent à toucher un public plus large et représentatif d'une
classe sociale moins aisé. C'est un marché ultra concurrentiel.
Ses produits restent tout de même de bonne qualité face au luxe
intermédiaire et le luxe inaccessible. En exemple pour se produit j'ai
choisi les parfums « J'adore » de Christian Dior.
Politique de prix : la marque s'adresse à un large
public, le prix est plus accessible bien qu'encore chère. La
stratégie de base est le rapport qualité-prix afin d'augmenter la
quantité de ventes.
Illustration 13 : 2016, une respiration Nature et une nouvelle
posture anti BlingBling pour le parfum Dior
J'adore36.
Politique de communication : la communication de la marque
s'adapte à sa cible féminine. En
effet, la publicité de ce parfum lancée en 1999
est toujours présente, et de qualité recherchée. Le mode
de communication change selon les périodes de l'année avec
beaucoup de campagnes publicitaires, télévision, dans les
magazines.
Politique de distribution : le circuit de distribution est
plus large et plus abondant, les produits sont souvent présente dans les
magasins multimarques mais il existe tout de même des boutiques
exclusives propres à la marque.
36
http://www.beautydecoder.com/pub-dior-jadore-gold-anti-bling-bling-nature/
v 42
Le luxe intermédiaire
Il suit un modèle de marketing élaboré par
la production à moitié industrielle de produits de qualité
haute gamme.
Politique de produit : ce produit correspond principalement
aux produits de la mode, plus contemporains et moins affirmés, vendus en
séries limités.
Politique de prix : les prix sont très
élevés et cela est dû à la qualité et les
coûts de fabrication qui sont très lourds. Les clients s'offrent
l'image de marque.
Politique de communication : les clients du luxe
intermédiaires sont à la fois sensibles au prestige de la marque
et à la qualité des produits. Cela réclame la mise en
place d'une stratégie offre demande, plus élaborée, des
campagnes de communication sélective mettant en exergue autant la marque
que le produit. Forts investissements en communication pour augmenter la
notoriété à l'international.
Politique de distribution : on peut trouver des points de
vente notamment dans les grandes villes avec l'ouverture de franchises et
d'espaces réservés à la marque.
Illustration 14 : ADN sportif. « Lacoste, c'est le
sport chic, jamais le sport pour la performance »37.
v Le luxe inaccessible
Il suit un modèle de marketing intuitif, par des
marques célèbres dans la réalisation de produits les plus
précieux, effectués en petites séries dans le cadre d'un
haut artisanat artistique et prestigieux.
37
https://business.lesechos.fr/directions-marketing/marketing/positionnement/0203503401645-pourquoi-lacoste-se-remet-au-sport-64163.php
43
Politique de produit : la plus grande sensibilité des
demandeurs de produits inaccessibles repose sur son patrimoine culturel, sa
rareté, une culture du désir, parfois l'originalité de ces
produits et sur le prestige souvent mondial de la marque.
Politique de prix : le prix est fortement
élevé, car l'usage des matériaux est rare, les
méthodes de fabrication sont difficiles, ce qui nécessite de
profondes recherches tant sur l'image de la marque que la rareté du
produit.
Politique de communication : la communication est simple,
sélective et fermée qui se fait à travers le produit. Pour
ce type de produit nous allons prendre comme exemple le nouveau yacht
crée par la nouvelle société créée par
Hermès. Fruit de la collaboration avec yacht Wally
(constructeur de yacht italien). C'est un produit qui est très
limité, ils sont fabriqués seulement sur commande. D'autre part
la production du produit a duré 3 ans.
Politique de distribution : La distribution est captive, elle
peut se fait pendant les grands évènements et les produits ne
sont pas sous-traités.
Illustration 15 : Van Cleef & Arpels - Midnight
Planetarium. £187,300.00 TTC38.
c) Les deux modèles stratégiques du
luxe
Jusqu'au début du XXe siècle, le luxe
fleurissait dans un monde cloisonné et structuré par des
professions réglementées de la même manière que les
avocats et les médecins ou association de coopération. Un monde
qui a duré jusqu'à la période de « la belle
époque »39, puisque le nouveau modèle de
consommation d'après-guerre à participer à
l'élargissement des activités des maisons de luxe. Cet
accroissement économique encourage les grandes maisons à
38
http://www.vancleefarpels.com/eu/fr/collections/watches/poetic-complication/vcaro4j000-midnight-planetarium-watch.html
39
http://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1995_num_47_1_3179
44
mettre en place des stratégies de développement en
se mettant à fabriquer ou signer ce qu'elles ne savaient pas faire
à l'origine.
v L'extension de marque
De fait, le luxe a été transformé par la
pratique de l'extension de ces marques ou « brand extension ».
Cette stratégie consiste à appliquer la stratégie de
luxe de la marque à un nouveau territoire conquis. C'est
précisément la stratégie qui a pu être prolonger par
le Joaillier Cartier en devenant Horloger, le Maroquinier
Hermès en s'appropriant le marché de la soie, le
Malletier Louis Vuitton en devenant Maroquinier, Chanel en
devenant propriétaire de champs de jasmin à Grasse pour produire
son parfum Chanel N°5, et enfin Christofle bien connu
pour sa haute orfèvrerie française.
v L'expansion de marque
Bien plus tard, quand les maisons sont devenues des «
marques », beaucoup ont tenter l'expérience de de l'expansion ou
« brand stretching » afin d'accroitre les retombées
commerciales de leur notoriété sans avoir besoin d'investir ou de
prendre le temps d'acquérir ses savoir-faire. Cette stratégie
consiste donc à exploiter la marque dans un nouveau territoire du
marché du luxe sans y appliquer une stratégie de luxe. On utilise
aujourd'hui le terme une stratégie « mode » ou « premium
». Cette distinction est nécessaire afin d'appréhender les
différentes nuances de diversification de marques. C'était
précisément la stratégie qu'a pu suivre Cartier
en produisant des stylos et des parfums et Louis Vuitton du
prêt à porter. Dans le livre luxe oblige, l'auteur affirme que
c'est « la phase d'adolescence du luxe, ou beaucoup de marques tentent
des incursions tous azimuts. Elles se sont mises à fabriquer
elles-mêmes ou signer ce qu'elles ne savaient pas faire à
l'origine quitte à chercher des partenariats pour ce faire
»40.
Il faut noter que l'examen de ces deux modèles
d'extension se fera par deux approches différentes : soit la marque
recherche l'extension verticale, dans ce cas elle recherchera plus
d'accessibilité en prix et descend donc en prix absolu, via, les
accessoires pour séduire la vaste clientèle visiteur du luxe.
Nous pouvons citer l'exemple d'une extension vers le bas : les Must de
Cartier lancées en 1973, répondant à un désir
de de pénétrer une cible moins aisée et occasionnelle ;
à l'inverse, l'extension verticale peut se faire par le haut, comme
Armani
40 Livre Luxe Oblige / Vincent Bastien,
Jean-Noël Kapfferer, p219
45
qui a lancé la marque Armani privé afin de
séduire une clientèle élitiste et conserver un
écart avec la clientèle occasionnelle. Cette extension par le
haut permet à la marque de luxe de recréer des barrières
à l'entrée par le prix, et la création d'un univers
culturel ; Armani a ainsi ouvert un hôtel à Dubaï en
2010, dans la tour la plus haute du monde41.
Illustration 16 : L'entrée de l'hôtel Armani
le 27 avril 2010 à Dubaï Karim Sahib AFP42.
Quant au second modèle, la marque s'étend
horizontalement en gravitant autour d'un centre, sans changer son niveau de
prix, déployant son style de vie dans d'autres univers de vie du client.
Nous pouvons citer le modèle d'extension de Ralph Lauren qui
vend en effet de tout, sans que rien soit vraiment luxueux
(prêt-à-porter, accessoires, parfums, cosmétiques, mais
aussi meubles, peintures, café, restaurant). Un lifestyle de la
marque qui se décline selon les moments de la journée ou de la
semaine, selon les occasions et les situations d'usage, en vue de faire plonger
le consommateur dans le cosmos de la marque.
Pour résumer, nous voyons dans le premier cas que
l'extension de la marque devient un véritable acteur du luxe sur le
nouveau marché conquis, en contrôlant tout le processus de
fabrication. Dans le second cas, l'expansion de la marque se rapproche plus
d'une stratégie de licence que d'une stratégie de luxe. On fait
appel à un designer ou une société
indépendante de conception de parfums et on recherche des fournisseurs.
Cependant, pour être légitime, une stratégie de
diversification (extension ou expansion) devra être faite avec un minimum
de cohérence pour ne pas altérer le capital d'origine de la
marque (nature et fonction différentes par rapport aux catégories
de produits originelles de la marque) perçu par le public et les
41
http://www.ladepeche.fr/article/2010/04/27/824621-dubai-inauguration-hotel-armani-nouvelle-destination-luxe.html
42
http://www.ladepeche.fr/article/2010/04/27/824621-dubai-inauguration-hotel-armani-nouvelle-destination-luxe.html
46
extensions envisagés. La marque se verrait alors sortir
du luxe en se lançant par facilité dans ce système de
licences, en mettant des produits qui ne seraient pas du luxe. De la même
manière qu'une trop grande diversité de produits dans des univers
différents peut, à long terme, affaiblir la marque. Dans une
logique de minimisation des risques d'endommagement d'une marque mère
forte et d'économie des coûts de lancement, les extensions de
marque devraient se faire davantage dans des marchés en phase de
maturité.
d) Modèle stratégique d'extension
réussi
Voici maintenant un modèle d'extension réussi
: comment la maison Montblanc s'est imposé
comme une marque globale ? Montblanc est perçu comme un cas
typique de marque qui a su utiliser les extensions avec doigté, sans
enfreindre à son identité, ses valeurs, et en gardant comme
objectif de croître et surtout de survivre.
Diagnostic SWOT et vision stratégique : La marque doit
faire face en 2013, à une baisse de 20% de ses ventes en Asie, et doit
réagir vis à vis des nouveaux modes de communication, tels que,
les courriels et SMS qui tendent à démoder définitivement
le stylo Montblanc43. Pour renouer avec la croissance,
Montblanc a choisi de devenir une marque globale par la
diversification, tout en conservant cette image de luxe artisanal, de
manufacture.
Repositionnement : Une connaissance approfondie des
territoires de la marque est indispensable pour savoir vers quels nouveaux
domaines elle peut légitimement s'étendre. La marque doit
s'interroger sur son orientation à venir, au regard de son histoire, sa
culture et ce qu'elle incarne auprès du public.
Ciblage : il faut croiser les pistes envisagées avec
les clients visés. Qui sont ces clients ? Comment sont-ils
segmentés ? Quelles sont leurs attentes, quels sont leurs besoins et
leur appétence dans les domaines d'extension considérés ?
Quelles sont leurs habitudes de consommation ? Où achètent-ils ?
Quelles sont les spécificités socioculturelles et
comportementales des clients de chaque pays ou région. Les
réponses à ces questions permettent de segmenter la
clientèle et de décliner les offres. D'ailleurs, les femmes
constituaient la nouvelle cible de la marque. Une stratégie
réussie, aujourd'hui, 48 % des clients
43
https://www.challenges.fr/entreprise/comment-montblanc-veut-renouer-avec-la-croissance_152621
47
sont des femmes. « Un club privé et
élitiste leur est dorénavant dédié »,
souligne Mirabelle Jubert, directrice Marketing de
Montblanc44
Développement de la gamme : Montblanc met en
place un processus de développement de type concentrique45.
Dans le premier cercle de Montblanc se trouvent les objets autour de
l'écriture : serviettes de cuir, range-documents, blocs de bureau, un
univers pour le bureau. Le deuxième cercle correspond aux objets plus
intimes, personnels : bouton de manchette, portefeuilles, enveloppes de cuir
iPod, iPhone ou BlackBerry. Le troisième cercle correspond
à celui des montres, des bijoux pour l'homme et la femme. Enfin le
quatrième cercle, très immatériel, est celui des
parfums.
Développer un mix marketing cohérent :
La réussite d'une stratégie d'extension de marque
dépend de la capacité à maîtriser la
cohérence du mix marketing. Celle-ci repose sur quatre dimensions : la
cohérence du produit par rapport au portefeuille de marques existant, la
stratégie de pricing46 des nouveaux produits, la
stratégie de communication associée, et la maîtrise du
réseau de distribution. Il s'agit de bien conjuguer les « 4P »
du marketing, de façon à ne pas diluer ou dégrader l'image
globale de la marque. La maison Montblanc a décidé de
reprendre la main sur son réseau de distribution en ouvrant ses propres
magasins et se montre de plus en plus drastique dans la sélection de ses
revendeurs indépendants. Quant à la communication de ses
extensions, elle fait appel à des célébrités du
monde des arts et du cinéma qui par leur personnalité renforcent
l'identité de la marque.
Illustration 17 : « Le design, c'est créer des
objets à l'épreuve du temps. Des objets intemporels de haute
qualité - des valeurs qui riment avec Montblanc. » Marc
Newson47.
44
http://www.actionco.fr/Action-Commerciale/Article/Montblanc-veut-feminiser-sa-clientele-18145-1.htm#4IyI3PBut6yktmKh.97
45
http://diversification.insa-rennes.fr/i/
46 Def Pricing = Le terme anglais « pricing
» désigne une discipline à part entière qui consiste
à définir les prix de vente. « Tarification » est le
terme français au sens le plus proche.
47
http://www.montblanc.com/fr-fr/discover/specials/montblanc-m.html
II. Les nouveaux besoins des consommateurs de
luxe
48
1.1 Changement de valeurs de la société
contemporaine
Les acteurs du luxe font face à un environnement
économico-financier, socioculturel et technologique de plus en plus
complexe qui appelle un certain nombre d'interrogations. Nous avons pu voir
précédemment que la crise historique de 2008 était en
partie à l'origine de nombreuses mutations dans le secteur du luxe. De
nouvelles valeurs sont en vogue depuis 2008 : les notions de futur, de
durabilité, de proximité, de sobriété, qui
devraient s'ancrer durablement dans l'inconscient collectif.
Nous avons également une nouvelle phase où les
codes se transforment, les contextes de consommation varient : l'explosion
d'internet, les smartphones, les réseaux sociaux, le e-commerce,
l'économie de partage. Une naissance d'une nouvelle clientèle
internationale issue en majorité des BRICS, des pays du Moyen Orient et
de l'Asie mais aussi par certains clients issus des pays de l'Afrique du Nord.
Enfin de nouvelles marques (chinoises, russes, indiennes) qui tentent de
concurrencer les marques de luxe françaises.
Un constat qui pousse aujourd'hui les marques de luxe
à se repositionner, et à repenser leurs orientations
stratégiques. C'est pourquoi nous étudierons les nouvelles
habitudes de consommation et les différences
générationnelles dans le rapport opposés au luxe qu'elles
impliquent. De cette façon, nous répondrons aux quatre principaux
enjeux du luxe face aux nouveaux comportements d'achat et à leurs
attentes.
Illustration 18 : Les espèces qui survivent ne sont pas
les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles
qui s'adaptent le mieux au changement. Charles Darwin48.
48
http://www.ladn.eu/nouveaux-usages/etude-marketing/quel-consommateur-en-2020/
49
a) L'hédonisme : la recherche du
plaisir
L'industrie du luxe, qui a été
créée par les baby-boomers en Europe, rencontre aujourd'hui sa
première crise structurelle. Le luxe a été au
départ localisé sur un marché très local, celui de
l'Europe. Grâce au développement des marchés
émergents comme la Chine et le Brésil, le luxe a
échappé à la crise. La conquête de la
clientèle issue des marchés en pleine croissance compense en
partie la baisse de consommation des pays acheteurs traditionnels de luxe
impactés par la crise financière en Europe et aux
États-Unis. Mais si l'impact économique est moindre aujourd'hui,
le ralentissement mondial a eu d'autres répercussions plus inattendues
comme celles de changer les habitudes d'achat des consommateurs en
général et des clients du luxe en particulier.
Les experts du marché s'accordent pour affirmer que la
recherche d'une expérience ostentatoire des années 90 et 2000 est
révolue. De nombreux acheteurs reviennent aujourd'hui aux fondamentaux :
savoir-faire, artisanat et qualité du produit. Le nouveau consommateur
du luxe est moins intéressé par une accumulation de produits
révélateurs d'un statut, que par vivre de manière profonde
l'instant présent et d'y trouver un plaisir immédiat. Là
où l'ostentation se révélait jusque dans l'acte d'achat,
à travers la visite de boutiques prestigieuses, l'expérience se
vit désormais pour soi. L'accès au produit n'a plus
nécessairement besoin de se montrer. Parallèlement, le droit aux
loisirs est considéré comme aussi important que le droit au
travail et l'individu a tendance à travailler moins pour
privilégier une qualité de vie meilleure. Il cultive de plus en
plus un style de vie équilibrée qui laisse beaucoup de place aux
instants dédiés à la famille et aux amis, les voyages, le
déplacement et le sentiment de liberté.
Les professionnels du tourisme l'ont bien compris et ont vu
leurs ventes exploser en proposant des week-ends à l'étranger de
dernière minute. Alors qu'avant un voyage s'organisait à
l'avance, le consommateur d'aujourd'hui n'hésite plus à faire des
économies au jour le jour pour s'offrir des séjours
improvisés quand l'envie lui en prend. De même, cette tendance a
de forts impacts à travers la multiplication des achats impulsifs et la
recherche d'émotions sensorielles. Une recherche de plaisir qui englobe
maintenant des petits luxes personnels : un thé l'après-midi, une
promenade dans le parc à l'heure du déjeuner, un spectacle dans
un lieu atypique, une exposition culturelle, de la méditation le matin.
Ces nouvelles perspectives ont
50
élargi la définition même du luxe ces
dernières années, affirme Gregory J. Forman, le fondateur et
président du groupe de conseil Luxury Marketing Council49.
b) L'argent n'est plus une valeur en soi
La société contemporaine est aussi de plus en
plus porteuse de valeurs potentiellement critiques pour cet univers qui a
longtemps incarné l'argent, l'ostentatoire, et le statut social.
L'argent, par exemple, n'est plus une valeur en soi. Ce n'est qu'un outil qui
permet d'accéder à la consommation. Selon Ford qui identifie les
tendances marquantes de la consommation de 2017 et les années à
venir « 68% des adultes disent qu'ils prêtent moins attention
à l'aspect matériel des choses et à la possession
qu'auparavant »50 Le plaisir réside souvent autant
dans le fait d'utiliser que dans celui de posséder. Et lorsqu'il s'agit
de consommer des produits haut-de-gamme de nouvelles valeurs sont
entrées dans l'inconscient collectif : les notions de futur, de
convivialité, d'humanisme, de développement durable,
d'éthique.
Illustration 19 : l'éco-conception, cycle de vie des
produits. Le pot est nettoyé puis rechargé de la
fragrance51.
On assiste aujourd'hui à une bascule dans les
critères d'évaluation des entreprises et des
marques en se fondant plus sur leurs valeurs, leur
éthique que sur ce qu'elles produisent globalement. Pour confirmer ces
propos, toujours selon Ford « Dans le monde, 67% des adultes pensent
que boycotter une marque peut avoir un impact positif et 86% reconnaissent
faire plus
49
http://www.rubel-menasche.com/fr/industrie/entreprises/la-definition-du-luxe-pour-le-consommateur-du-xxie-siecle/
50
http://www.strategies.fr/actualites/marques/1053566W/10-tendances-pour-definir-le-consommateur-en-2017-selon-ford.html
51
https://www.lvmh.fr/groupe/engagements/environnement/leco-conception-chez-guerlain/
51
attention à l'éthique des marques lorsqu'ils
achètent un produit ou service »52. Puis selon
Stéphane Truchi, président du directoire de l'IFOP et du club
luxe de l'Adetem, il constate un changement de paradigme depuis une dizaine
d'années. « Le schéma porteur pour le luxe où le
travail, l'argent, et la consommation sont intimement liés,
évolue. Les valeurs à la hausse sont la convivialité,
l'échange et les «temps vides». Le riche en tant que
consommateur recherche du fonctionnel intelligent, novateur et plus
éco-conscient. Les marques de luxes, même si elles se sentent
encore peu menacés sur le terrain de l'écologie et le
développement durable, devront par conséquent s'y mettre plus que
jamais, pour éviter de faire naître la suspicion de plus gros
clients. Certaines ont déjà commencé intuitivement, en
revalorisant notamment leurs racines et leurs valeurs
fondatrices53.
Enfin, le consommateur est en attente d'une relation
plus étroite avec la marque, plus horizontale. Il faut qu'elle se
positionne dans un mode plus conversationnel, plus proche du consommateur et
qu'elle parvienne à l'engager. L'engagement est un élément
très important pour susciter le désir des consommateurs. Le luxe
s'est astreint, paradoxalement, à devenir plus global.
Illustration 20 : cours de savoir-faire dans l'atelier de
joaillerie Van Cleef & Arpels54.
c) La génération Y et le luxe
Le luxe a toujours l'image d'un secteur
impénétrable dans lequel la sélection des consommateurs se
veut constant et drastique. Certes, le luxe par définition serait
sélectif et élitiste et les barrières à
l'entrée y seraient plus fortes que dans d'autres domaines.
Néanmoins,
52
http://www.strategies.fr/actualites/marques/1053566W/10-tendances-pour-definir-le-consommateur-en-2017-selon-ford.html
53
http://www.ifop.com/media/pressdocument/920-1-document_file.pdf
54
http://www.vancleefarpels.com/eu/fr/la-maison/icons/legends-of-van-cleef---Arpels/lecole-van-cleef-arpels.html
52
de nouveaux enjeux et de nouveaux acteurs ont fait leur
apparition et ont bouleversé les codes et les caractéristiques de
ce secteur. Analysons les caractéristiques clés de comportement
d'achat et des nouveaux besoins de la cible « Y » et « Z »
devenu un enjeu majeur pour les marques.
La génération Y concerne les personnes
nées entre 1980 et 200055. Il s'agit d'une
génération sociologique, c'est-à-dire un ensemble de
personnes qui ont à peu près le même âge, et ont
vécu des expériences et des événements historiques
communs qui leur ont conféré une vision du monde et un mode de
pensée similaires. Cette génération est également
liée par la conscience d'appartenir à un même groupe social
et différencié des autres générations. Selon les
auteurs du livre « la génération Y et le luxe » cette
génération serait un phénomène social
interplanétaire. Mais pourquoi avoir choisie le nom
génération « Y » ? Certains disent que la lettre Y a
été choisie pour succéder au X qui définit la
génération X (celle de nos parents), d'autres disent que ce nom
vient de la phonétique anglaise de l'expression Y qui signifie «
pourquoi » ? Enfin, Selon les auteurs du livre, le Y représenterait
la forme des écouteurs branchés à chacune de leurs
oreilles, forme un Y sur leur poitrine.
v Les grandes caractéristiques de la
génération Y
Demain la génération Y constituera une
véritable opportunité pour les marques. Un tiers de la population
mondial active sera issue de la Génération Y en
202056. C'est donc un marché qui se dessine pour les
entreprises à condition qu'elles s'adaptent à ces nouveaux modes
de consommation fortement influencés par les nouvelles technologies. La
génération Y, appelée parfois « Digital Natives
», vit depuis toujours dans un environnement numérique comme celui
des ordinateurs, d'internet, des téléphones mobiles, et
connectée aux réseaux sociaux. Quant aux médias plus
classiques comme la télévision et la radio, ils sont aujourd'hui
jugés « obsolètes ». Les entreprises doivent donc
utiliser les nouveaux moyens de communication pour atteindre leur cible. La
génération Y ayant grandi au milieu de services et d'applications
nomades, rapides et individualistes, accorde une grande importance aux
critères d'illimité et de rapidité, c'est la
première génération pour qui les nouvelles technologies
sont naturelles et vont de soi. Il s'en est suivi de nouveaux usages et de
nouvelles habitudes de consommation. Les jeunes de cette
génération n'ont pas appris à être patients et ils
s'attendent à ce que tout bouge rapidement.
55
http://www.journaldunet.com/management/expert/54153/la-generation-y--une-definition-contextuelle-avant-tout.shtml
56
https://blogs.mediapart.fr/lesaviezvous/blog/260716/quelle-sera-la-proportion-de-generation-y-en-2020
53
Un concept du temps caractérisé par
l'instantanéité ou l'immédiateté et cela est
valable pour tous. Ainsi les cartes de fidélité qui demandent 6
mois avant d'être récompensé de ses achats, ne les
intéressent plus, le bénéfice doit être
immédiat ! Aussi les « digital natives » sont moins
fidèles que la génération précédente, car
ils apprécient davantage l'innovation et désirent toujours mieux.
Les entreprises doivent donc s'adapter en termes de promotion et de
fidélisation.
v La génération Y consomme le
luxe
La génération Y consomme le luxe autant que la
génération précédente, mais différemment.
Moins statutaire que pour la génération X, le luxe devient plus
libre, davantage transgressif et personnel. Au-delà des produits, il
s'agit d'abord d'un lifestyle, un luxe avant tout immatériel
que matériel, il réside dans le privilège de vivre des
expériences extraordinaires plus que la possession bête et
inutile. Nous sommes clairement dans quelque chose d'intime, un besoin de se
sentir valorisé pour se détourner de cette crise.
En vrai expert, la génération y attend d'un
produit qu'il soit innovant et qu'il lui facilite la vie, mais aussi qu'il soit
personnalisable pour se l'approprier ! En effet, à l'instar de
l'industrie automobile ou du mobilier, le phénomène devrait
s'étendre notamment à l'habillement, aux loisirs et à
l'information comme pour exemple de Nike ou Louis Vuitton.
Plus globalement, afin de capter l'attention de la
génération Y, la marque de luxe doit s'adapter en proposant une
expérience renouvelée et un véritable service autour de
son offre, tout en racontant une histoire crédible non seulement sur le
produit, mais aussi sur l'entreprise dont le produit est issu. Les Y attendent
du luxe qu'il soit à la pointe des combats en matière de
développement durable tant sur le plan écologiques,
éthiques et sociétale, son activisme en la matière est
déjà un élément clé de sa valeur
perçue.
Tel un véritable investisseur averti, le client Y
cherche un véritable retour sur investissement. Il veut être un
« smart shopper » qui sera jugé par ses amis sur son
talent à dénicher un produit de qualité. Sa vision
iconoclaste à fait exploser les frontières entre le luxe, le
premium, et la mode, pour autant les marques ne sont pas sans
responsabilité. Une stratégie de « masstige »
et une politique généralisée d'offres « ultra
prémium » mise en place dans les années 2000 à
portée à confusion les différents modèles
stratégiques. Ce qui oblige aujourd'hui les marques à se
justifier sur sa valeur et à garantir une grande transparence pour
contrer la méfiance de ses consommateurs. Par ailleurs, la
génération Y est plus sensible au rapport
54
qualité-prix et le qualitatif l'emportera sur le
quantitatif. Malgré une forte consommation, la génération
Y achète peu le luxe à crédit, ainsi 54% affirme avoir
économisé pendant quelques mois pour acheter du luxe. D'un
tempérament rebelle, cette génération n'a aucunement
l'intention d'être la victime consentante de la crise. D'autre part la
génération Y achète moins et loue plus, comme le
préfigure par exemple le site de location de produit de luxe «
SacDeluxe » ou « Collectionist » pour la
location de villas de luxe
Illustration 21 : les Locations de Yachts aiguisent
l'appétit de la génération Y57.
La génération Y aime l'information en temps
réel et veut y contribuer. Elle aime créer le buzz, le
« lol » est le lien social de cette
génération, elle aime qu'on lui demande son avis et qu'on le
prenne en compte. A l'heure d'Instagram, Snapchat ou de YouTube, elle
est informée comme jamais et utilise toutes les ressources d'internet.
Il suffit de voir l'explosion et le succès des blogs modes, qui
commentent, décryptent les marques, leur communication et leurs
produits. Prenons l'exemple de Lacoste, qui en 2014, avait fait une
opération intéressante baptisée
#spotthecroc58. Les utilisateurs devaient trouver des
crocodiles cachés dans des vidéos éphémères.
Les gagnants bénéficiaient d'un bon de réduction de 20 %
sur leur prochain achat. La dimension commerciale et ludique était
pertinente car elle parlait à une cible jeune. L'engouement a
été total.
En résumé, la génération Y
devient le coeur de cible des entreprises et représente un enjeu
considérable. Cette génération a bouleversé les
modes de consommations traditionnels et ce sont tous les aspects du
mix-marketing qui doivent être repensés par les marques pour ne
pas rater leur cible. Le produit doit être plus personnalisable avec un
souci constant d'inventivité
57
https://www.luxurychartergroup.com/fr/post.php/location-de-yachts-de-luxe-et-generation-y-184/
58
http://madame.lefigaro.fr/style/snapchat-nouveau-terrain-de-jeu-des-marques-de-luxe-071116-117674
55
de qualité, d'éthique et d'écologie. Une
nouvelle politique de prix s'avère nécessaire pour cette
génération, plus sensible au rapport qualité-prix.
Afin de toucher le consommateur «
génération Y », la marque doit adopter une stratégie
de communication « omnicanal » et créer un rapport intime avec
lui, notamment via les réseaux sociaux. Elle doit également lui
montrer qu'il joue un rôle important dans la notoriété et
l'évolution de la marque. Cette génération complexe,
subtile et parfois paradoxale prend elle aussi place à l'écriture
des codes très sophistiqués du luxe.
c) La génération Z et le luxe
Malgré les quelques années qui les
séparent, la Génération Z est différente de son
aînée. La génération Z regroupe toutes les personnes
nées après 1995 et avant 2010 qui ont grandi avec les nouvelles
technologies et les réseaux sociaux sans avoir connu le monde avant les
crises économiques et identitaires que nous connaissons59.
Contrairement à la génération Y qui s'est adaptée
à la révolution numérique, la génération Z
est née dedans. Selon une étude définie par des
sociologues, ethnologues et historiens, la génération Z est
marquée par deux marqueurs générationnels.
D'une part la rupture technologique, les jeunes de la
génération Z n'ayant pas connu un monde sans Internet
contrairement à leurs aînés, et toutes les
spécificités qui s'y rapportent : les réseaux sociaux,
l'économie collaborative ou encore la globalisation de la culture. De
l'autre, la situation de crise permanente qui a débuté en
septembre 2001 et se poursuit encore récemment, et qui s'étend
à d'autres sphères comme le réchauffement climatique, les
scandales sanitaires et bien sûr la précarité
professionnelle. C'est pour cette raison que l'intérêt d'une telle
adaptation est doublement source de nouveaux marchés : en touchant les
Z, on touche en réalité à tous ceux qui sont le produit de
nos sociétés modernes.
v Les grandes caractéristiques de la
génération Z
Le marché des Z est considérable pour les
prochaines années : avec 16 millions de Z en France en 2014 (20 millions
aux États-Unis, 7millions au Canada), il est en passe de devenir la
prochaine source de rentabilité des entreprises qui sauront traiter avec
eux60. A ce titre une étude complète de la cible est
nécessaire afin de mettre en oeuvre les stratégies
adéquates. Pour le
59
http://www.influencia.net/fr/actualites/media-com,luxe,nouveau-luxe-pour-generation,6210.html
60
http://cdn-actus.bnpparibas.com/files/upload/2015/01/20/docs/lagrandeinvazionbnpparibastbpweb.pdf
56
décryptage, on pourra se référer à
plusieurs études réalisées par des organismes
privés ou public de sondage ou de statistiques. Il conviendra
d'établir un profil type, indispensable à l'ajustement des
stratégies marketing. Selon une étude faite par Google
et l'agence de conseil NellyRodi : la génération Z
graviterait autour de 7 valeurs et 5 mots d'ordre.
Nous commençons par le mot : « Now
» Instantanéité & Fluidité, s'il y a bien une
chose que déteste les jeunes, c'est l'attente. Nés dans une
société de consommation et d'information du « tout de suite
», il est de plus en plus difficile de saisir leur attention.
« Care » Engagés &
Responsables, une valeur qui s'inscrit bien dans le mouvement Slow
Made61 qui prône le respect de l'environnement pour la
création des produits. Les acteurs du luxe auraient donc une carte
à jouer dans la production « éthique » de leurs
produits. Certaines marques commencent d'ailleurs à l'assimiler,
notamment en ce qui concerne l'utilisation de la fourrure pour les produits de
luxe.
« Clan » Echange & Communauté,
moins individualistes que leurs grands frères, les
génération Z abordent la société de consommation
à travers le prisme de l'horizontalité. Le web 2.0 est devenu le
terrain d'échanges de ces consommateurs. En donnant leurs avis, ils
influent sur la notoriété d'un produit. L'influence des «
consom'acteurs » se retrouve également dans leur tendance à
exposer leur personnalité sur la toile. En entretenant continuellement
et parfois inconsciemment une stratégie de personal branding,
les membres de la Génération Z deviennent de véritables
vecteurs de communication.
« Show » Exposition &
Déconnexion, le personal branding est une discipline qu'ils
maîtrisent parfaitement. Ni trop ni pas assez, les codes des
médias sociaux n'ont pas de secrets pour eux. Quitte à opter pour
la déconnexion lorsqu'elle est nécessaire.
« Trans » Genre & Culture, les
frontières culturelles n'ont plus lieu d'être pour cette
génération qui refuse de se plier aux carcans qui briment leur
identité. 80% des générations Z n'estiment plus que le
genre permet d'identifier une personne. Une valeur d'ores et déjà
exploitée dans l'univers de la mode, Louis Vuitton ayant fait
porter une robe au jeune rappeur Jaiden Smith à l'occasion
d'une campagne de communication. Enfin, les cultures de la
Génération Z aux quatre coins du monde sont amenées
à se mélanger par l'intermédiaire d'internet. En
résulte une culture de singularisation sur laquelle les marques de luxe
peuvent s'appuyer pour cibler leurs nouveaux clients.
61
https://journalduluxe.fr/luxe-generation-z/
57
« Niche » Alternatifs & Singuliers, la
globalisation a permis aux cultures de niche de gagner en visibilité et
en viralité. En mélangeant les cultures, la
Génération Z crée la sienne et affirme ainsi sa
singularité.
« Work » Entrepreneurs &
Sérieux, 8 jeunes américains sur 10 veulent être leur
propre patron. Une statistique qui suffit à caractériser cette
population travailleuse, réfléchie et ambitieuse. Une
génération qui n'hésitera pas à créer son
métier plutôt que d'espérer en trouver un qui
réponde à toutes ses attentes !
Et pour finir les valeurs « d'engagement », de
« dialogue », « d'audace », de « personnalisation
» et « d'efficacité » sont les mots d'ordre de cette
génération Z en mouvement permanent62. En effet, cette
génération souhaite un véritable échange avec les
marques, que cela soit pour participer à la création d'un
produit, donner son avis ou participer à un événement
organisé par la marque. Dans cette nouvelle ère de l'engagement
client, ce qui pourra faire la différence sera une expérience
unique avec une personnalisation convaincante de la marque quel que soit
l'endroit où le client est.
Illustration 22 : une génération connectée
et solidaire ; CoolMatters : sport, technologie et musique ;
Logophobie : vers un luxe sans marque63.
v La génération Z consomme le
luxe
Nous remarquons que la génération Z consomme le
luxe de façon immatérielle en donnant la priorité à
l'expérience plutôt qu'à la possession. « Le luxe
c'est l'exceptionnel » résument NellyRodi et Google.
Un constat illustré par le voyage, désigné en
première position
par les français et les américains
interrogés comme le luxe qui fait rêver. Cet univers reste
62
http://lareclame.fr/nellyrodi-google-generationz-149356
63
https://www.actu-marketing.fr/actu/%C3%A9tude-google-ce-qui-est-cool-pour-la-g%C3%A9n%C3%A9ration-z/
58
néanmoins toujours associé à
l'exclusivité pour un jeune sur trois, et à un prix
élevé, premier élément qui vient à l'esprit
en pensant au luxe. La Génération Z est loin d'être
blingbling puisqu'elle considère à 85% que le luxe n'est
pas une fin en soi64. L'ostension, le « luxe de papa » est
désuet. En effet, les jeunes choisissent des objets statutaires et
symboliques comme par exemple les montres et les bijoux et les objets
technologiques pour 21% des américains, 14% des français et 12%
des japonais plutôt qu'un sac iconiques plébiscité par
seulement 11% des français interrogés et 6% des japonais
interrogés. Les marques de luxe doivent aujourd'hui avoir conscience
qu'aucune d'elles ne fait « rêver » les jeunes, même
s'ils affichent chez les femmes une certaine préférence pour la
maison Chanel, Dior qui revient le plus, citée
à la fois en France, aux États-Unis et au Japon. Pays par
pays, Michael Kors et Louis Vuitton plaisent aux
américaines tandis que les japonaises adopterait Hermès et
Tiffany. Chez les hommes, les réponses varient : Dior,
Rolex et Apple en France, Rolex, Gucci et Ferrari
aux États-Unis, et Chanel, Hermès et
Louis Vuitton au Japon.
v Expérience en boutique physique
Le magasin physique et la place de l'e-commerce ne sont pas
boudés par cette génération. Selon la dernière
étude US de IBM Institute for Business Value & la National
Retail Federation auprès de 15 000 Génération Z,
« 67 % de la Génération Z fait souvent ses achats en
boutique et 31 % de temps en temps. 98% des membres de la
Génération Z préfèreraient réaliser leurs
achats en boutique plutôt qu'en ligne, mais exigerait des interactions
hautement personnalisées. 76% d'entre eux ont toutefois
déclaré réaliser leurs achats sur internet et 48% via les
applications mobiles. ». L'achat en magasin est
privilégié pour l'essayage, première raison citée
par le panel, et pour sa praticité selon 25% des français et des
américains. En revanche, le personnel de vente souffre d'une perte de
crédibilité : seulement 18% des français attendent des
conseils de la part d'un vendeur, un chiffre qui descend à 11,3% au
Japon et 8% aux États-Unis65. Une étude
complémentaire d'IBM sur l'expérience client en magasins
révèle que seulement 19% des commerçants sont en mesure de
fournir une expérience d'achat numérique personnalisée.
Par exemple, seules 17% des marques peuvent fournir des informations sur les
stocks disponibles aux clients en temps réel, et 84% d'entre elles
n'offrent pas de services mobiles en magasin.
64
https://journalduluxe.fr/luxe-generation-z/
65
http://www.generationy20.com/boutique-avenir-generation-z
59
Les autres résultats obtenus montrent que 26 % de la
génération Z désire des magasins physiques avec des
parcours shopping personnalisés en fonction de leurs habitudes et leurs
préférences et le tout baigné avec la technologie comme
par exemple des tablettes tactiles, des bornes interactives, du réseaux
Wi-Fi offert, des cabines d'essayage connecté ,des scanner « QR
» codes attaché aux vêtements, des murs d'écrans
vitrines, voire des dispositifs de projection avec lesquels il est possible de
créer des expériences clients uniques, sensorielles et
émotives. La digitalisation du parcours d'achat peut être
associés à des systèmes de CMS magasin qui peuvent servir
à piloter les écrans de TV connectés et gérer leur
contenu, notamment émotif. Ces nouvelles solutions technologiques
doivent permettre de ré enchanter l'acte d'achat en magasin et de
fidéliser les consommateurs. D'un point de vue économique et
financier, les vendeurs gagnent en productivité et en
crédibilité. Certaines marques de luxe ont déjà
compris ces enjeux et déploient une stratégie digitale qui booste
leur efficacité commerciale.
Illustration 23 : le digital et la mobilité ont
imposé l'omnicanal en boutique66.
v Phénomène du e-commerce
Quant au phénomène du e-commerce, les
pourcentages sont en croissance constante et ne cessent d'augmenter
d'année en année. Il suscite d'ailleurs beaucoup de
questionnements et de bouleversements pour les marques de luxe. Selon
l'institut BI Intelligence : la génération Z est celle qui
accorde la plus grosse part de son budget aux achats en ligne, bien devant la
génération Y et encore plus loin devant les autres
générations. Les membres de cette toute jeune
génération, âgés de 16 à 24 ans,
dépenseraient ainsi 8,75% de leur budget sur internet, contre
66
http://www.entreprendre.fr/e-commerce-omnicanal
60
5,33% pour la génération Y et 3,85 pour la
génération X67. Selon cet institut, cette cible
doit constituer la nouvelle cible privilégiée des marketeurs
puisque, avec l'âge avançant et le revenu augmentant, elle risque
fort de devenir une cible capitale.
Sur la toile, la génération Z privilégie
l'instantanéité, l'adoption immédiate des nouvelles
technologies. Elle est exigeante, volatile et impatiente. Elle exige des temps
d'affichage rapides, des catalogues produits exhaustifs, une navigation fluide,
un moteur de recherche performant, un « shopping expérience »
autant d'éléments déterminants le site e-commerce d'une
marque de luxe. Pour preuve, la tolérance moyenne pour l'affichage d'une
page web était de huit secondes en l'an 2000. Elle est maintenant de
moins d'une seconde. Le réel challenge aujourd'hui pour les marques de
luxe est de s'orienter vers des applicatifs qui consomment le moins de
puissance informatique possible. Les phénomènes de 3D, de
réalité augmentée ou de technologies sans contact font
partie de ces nouveaux applicatifs qui permettent de superposer des
éléments virtuels aux éléments réels, et ce
de manière simple et intuitive.
Dans le même temps, l'on constate une autre
particularité, la génération Z est véritablement
accro à son mobile comme le constate une étude scientifique parue
en 2014 par Ahn et Jun : 80% des jeunes américains
âgés de 15 à 18 ans reconnaissent être accros
à leur smartphone en le consultant plus de 150 fois par jour,
contre 65% des Y (25-35 ans)68. En France, les chiffres sont
aussi élevés : 78% des moins de 25 ans (contre 42% des
Français) se considèrent comme accros à leur
téléphone mobile (IFOP, février 2014).
Des signaux faibles qui ne trompent pas, dès qu'elle le peut, c'est
sûr, cette génération fait son shopping avec leur
smartphone. Elle fait d'ailleurs très attention aux critiques
présentes sur des plateformes telles que Tripadvisor, Facebook,
Instagram, les blogs et autres forums d'échanges avant de passer
à l'acte d'achat. La Génération Z est prête à
toutes les expériences à partir du moment où l'achat est
facilité, c'est avant tout une communauté pragmatique, qui
accepte les nouveaux moyens de paiement sans défiance.
En résumé, la génération Z
répond à des particularités spécifiques, entre
aspirations contradictoires, personnalités nouvelles reflétant
une nouvelle société de consommation et moyen de communication
digitaux et continue. Les marques ont donc tout intérêt à
prendre en
67
https://www.airofmelty.fr/e-commerce-la-generation-z-depense-la-plus-grosse-part-de-son-budget-en-ligne-une-cible-a-privilegier-a336058.html
68
http://www.influencia.net/fr/actualites/design-lab,conversation,nomophobie-mal-generation-accro-smartphone,6705.html
61
compte les spécificités de cette
génération dans leur stratégie de communication pour
toucher au mieux cette cible. Témoigner de son engagement, se mettre sur
un pied d'égalité avec les clients, oser une approche radicale et
différente du marketing traditionnel, s'orientant vers un marketing
davantage numérique et personnaliser son offre sont autant de pistes
à explorer pour séduire cette nouvelle génération
de consommateurs.
2.1 Les quatre principaux enjeux du luxe face au nouveau
comportement d'achat
Après les années de démocratisation, puis
de globalisation, l'industrie du luxe qui a étendu son influence et
gagné de nouvelles clientèles doit aujourd'hui envisager de
nouveaux leviers de croissance et de développement. Les marques doivent
ainsi s'adapter à l'évolution des attentes d'une clientèle
toujours plus exigeante et à la recherche de nouvelles
expériences, en adaptant notamment leur stratégie de
communication pour attirer de nouvelles cibles générationnelles
mais surtout, mieux fidéliser et engager leur client. Cette
problématique d'engagement est aujourd'hui l'une des clés de la
réussite d'une stratégie de fidélisation pour une marque
de luxe. Pour générer et renforcer cet engagement, les marques
doivent innover sur quatre éléments forts. Les marques doivent
investir sur les canaux digitaux et les sites d'e-commerce, nouvelles sources
de relais, sont aujourd'hui leur priorité.
a) Développement du e-commerce
Selon une étude publiée par le cabinet McKinsey
et la fondation Altagamma qui réunit les grands noms du luxe italien. Le
e-commerce de luxe (vêtements, joaillerie, horlogerie) a
représenté un marché de « 14 milliards d'euros
l'année dernière, contre 9 milliards en 2013 et 4 milliards en
2009 ». Toujours Selon l'étude faite par McKinsey et
Altagamma, ils estiment que la part du e-commerce dans les ventes totales de
luxe va doubler au cours des cinq prochaines années, pour passer de 6
à 12% en 2020. « Et d'ici 2025, elle triplera pour atteindre
18% et 70 milliards, faisant du e-commerce le troisième grand
marché mondial du luxe après la Chine et les Etats-Unis »,
selon l'étude.
Les acteurs du luxe qui étaient auparavant très
prudents concernant le e-commerce, internet et le numérique,
cèdent donc discrètement aux sirènes de la vente en ligne.
Le digital était globalement perçu comme une perte de
contrôle sur l'image des marques, et le e-commerce étant
considéré comme une menace à cause de plateformes web qui
favorisaient le
62
développement de la contrefaçon, ou encore des
moyens de paiements et des données privées des utilisateurs (vol
de données bancaires ou d'informations personnelles) qui
n'étaient pas sécurisés. Par la suite, le commerce en
ligne s'est démocratisé et est devenu beaucoup plus sûr en
termes de confidentialité des données et de la
sécurisation des transactions (Paybal,etc). Le digital est
devenu aussi synonyme d'une profonde mutation du "business model" du luxe car
vendre en ligne n'est pas simple et demande une répartition des produits
entre les différents canaux de distribution, gestion des stocks,
logistique de livraison. De ce constat, le secteur du luxe tente de rattraper
son retard dans le commerce en ligne, canal devenu crucial pour capter
davantage de croissance et appréhender une clientèle de plus en
plus jeune, volatile et connectée. Pris de vitesse par la
rapidité avec laquelle évoluent les nouveaux consommateurs du
luxe, les groupes n'ont pas d'autre choix que de s'engager de façon plus
volontariste dans le digital, au prix d'importants changements dans leur
culture d'entreprise.
A cet égard, Hermès fut en 2001, la
première marque de luxe à ouvrir un site de vente en ligne en
démarrant avec de la soie et des parfums69. Cela
présentait un double intérêt pour la marque : attirer une
cible qui n'osait pas pousser la porte du magasin et proposer des articles qui
ne nécessitaient pas d'essayage, pour ensuite élargir sa palette
de produits. Aujourd'hui, la séparation entre boutiques et magasins en
ligne est un concept du passé. Comme précise Thierry Outin
directeur du groupe en Suisse « Nous cherchons à passer de la
vente multicanale à la vente omnicanal, qui est la convergence entre le
magasin et le web ». Hermès a mené l'expérience
du « click and collect », qui a particulièrement bien
fonctionné en Suisse, où le taux est le double de la moyenne
européenne. « Quand le client vient chercher le colis, il est
plus rassuré que s'il le reçoit par la poste. Le tout est
d'anticiper les besoins du client qui vient chercher ce colis au magasin, et
d'enrichir cette expérience. ». De surcroît, le n°1
mondial du luxe s'apprête à miser sur la stratégie du
digital. Le groupe LVMH est en train de finaliser un important projet
de plate-forme de e-commerce qui devrait accueillir les multiples marques du
groupe de luxe et voir le jour d'ici à l'été 2017, ont
déclaré à Reuters des sources proches du
dossier70. Pour renforcer ses projets le groupe LVMH vient
d'ailleurs de faire appel à l'expérience de Kelly McCarthy qui
oeuvrait depuis 2014 en tant que directrice senior de la
69
http://france.hermes.com/la-maison-des-carres/echarpe-cachemire-jumping-100-cachemire-70x200cm-98872.html
70
http://www.capital.fr/bourse/actualites/bientot-une-plate-forme-de-e-commerce-dans-le-luxe-griffee-lvmh-1212741
63
stratégie numérique mondiale et des partenariats
chez Nike. L'expérience de l'américaine permettra
à LVMH de germer de nouveaux projets innovants et de
s'émanciper sur la toile71.
Aux Etats-Unis, le site de e-commerce de Sephora est
le plus actif en termes de ventes en ligne dans un secteur (la
cosmétique) de plus en plus digitalisé, est devenu le premier
magasin de la chaîne. Selon le directeur général
délégué du groupe Antonio Belloni : « les ventes
en ligne de LVMH ont totalisé 2 milliards d'euros en 2016 (soit 5% du
chiffre d'affaires) » ; McKinsey et Altagamma soulignent
également que : « plus une marque propose des produits chers,
moins il lui sera facile de les vendre en ligne : Chanel, Cartier ou Dior par
exemple ne réalisent que 3,9% de leurs ventes en ligne, alors que
Burberry enregistre un taux de 7,5% et que Michael Kors ou encore Longchamp
atteignent une moyenne 8,5%. Dans la même logique, les performances sur
internet varient aussi selon la typologie de produits : les cosmétiques
et le prêt-à-porter peuvent représenter 7,2% des ventes sur
internet, mais les montres et les bijoux n'atteindront que 4,1%
»72. A l'heure où la croissance du secteur se
"normalise" après des années explosives et où les
réseaux des magasins des grandes griffes ont atteint leur
maturité, l'accélération du e-commerce constitue une
nécessité absolue pour l'industrie qui a tardivement pris le
chemin du digital.
Illustration 24 : LVMH futur concurrent de
Net-A-Porter73.
71
https://journalduluxe.fr/lvmh-strategie-digitale-kelly-mccarthy/
72
http://www.leparisien.fr/laparisienne/mode/les-ventes-en-ligne-de-produits-de-luxe-devraient-doubler-d-ici-2020-17-07-2015-4951977.php
73
https://journalduluxe.fr/lvmh-site-e-commerce/
64
b) Développer des partenariats
Le secteur du luxe doit continuellement être
fédérateur concernant la valeur stratégique de la marque,
à l'égal des savoir-faire d'excellence et de
créativité. Cette valeur stratégique est essentielle, elle
peut prendre effet par le partenariat sur lequel le secteur du luxe est
insuffisamment impliqué. Ce qui fait la réussite d'un partenariat
c'est l'innovation du projet et le partage de valeurs qui déterminent le
succès. C'est aussi ce qui fait toute la difficulté : savoir
trouver un équilibre dans les échanges et dans les associations.
Nous pouvons évoquer comme exemple le partenariat marketing par le
« co-branding » qui associe deux acteurs, deux marques, de deux
secteurs différents dont l'objectif est de pénétrer de
nouveaux marchés, de conquérir une nouvelle clientèle ou
créer des animations de communauté de fidèles ou encore de
(re) dorer son blason. Ce partenariat doit créer de la valeur et
renforcer positivement l'image de la marque. Toucher de près ou de loin
aux valeurs de la marque en l'associant à une autre n'est pas sans
études en amont. Des questions stratégiques doivent se poser pour
ne pas dégrader l'image de marque originelle en termes de dimension
temporelle, de segmentation marketing, d'objectifs de communication, de choix
du modèle de partenariat, d'organisation des opérations
promotionnelles, de distribution (collections limitées, points de vente,
etc.), de relation client ainsi que de retour
d'expérience74.
Nous pouvons prendre le cas de la relation entre l'automobile
et le luxe (haute couture généralement) qui a toujours bien
fonctionné. C'est en 1956 que le co-branding fait son apparition dans ce
secteur entre Renault qui s'était associé au joaillier
Van Cleef & Arpels pour le design du tableau de bord de la
Dauphine Ondine. Puis des collaborations ont vu le jour et le
phénomène s'est intensifié ces dernières
années. Dans ce secteur où le consommateur est devenu de plus en
plus exigeant et difficile à séduire, le co-branding permet de
vendre davantage, à l'image de l'alliance il y a quelques années
entre Fiat 500 & Gucci qui a permis au constructeur automobile de
prendre un positionnement plus luxueux en se référant à la
mode italienne. Une belle réussite stratégique qui permet
également à Gucci de donner des gages à ses
clients sur le positionnement « sportwear » et à Fiat de
contribuer à diversifier son activité en lien avec une image haut
de gamme.
Autre réussite pour la marque automobile avec cette
fois-ci le parfumeur Guerlain et la Fiat 500 la petite robe noire
produit en série limitée à 250 exemplaires. Cette
collaboration créative employée périodiquement a permis de
séduire la gente féminine et de positionner la
74
http://www.cegid.com/fr/blog/luxe-de-lexcellence-produit-a-lexcellence-de-relation-client/
65
Fiat 500 en accessoire mode des fashionistas. Les marques de
luxe invitent parfois les constructeurs à co-créer leurs
produits. Prenons par exemple Vertu, qui,
après un premier partenariat en or et rouge avec Ferrari, s'est
associé à Bentley pour le design d'une série
limitée de smartphones. Dernièrement, c'est la maison de luxe
Louis Vuitton qui a collaboré avec BMW pour le
lancement de bagages à mains parfaitement adaptés aux dimensions
de la BMW 18.
Illustration 25 : la maison Guerlain et
l'équipementier Le Coq Sportif ont réuni leurs talents
pour créer Black Perfecto, une déclinaison de la Petite
Robe Noire75.
Une autre stratégie adoptée par les marques de
luxe est d'établir un partenariat avec les acteurs incontournables de la
distribution de produits de luxe, sur lesquels elles peuvent s'appuyer pour
relayer une partie de leurs collections. Le but n'est pas d'abandonner la
stratégie unique du « stand-alone store », boutique
en propre, à laquelle s'accrochent certains dirigeants dans un souci de
contrôle absolu. Ce modèle de distribution permet de diversifier
sa distribution en conservant plus ou moins une certaine indépendance
mais point important, elle permet aussi de tester de nouveaux territoires, pour
pénétrer des marchés plus complexes. Selon la
stratégique et le secteur d'activité de la marque, les choix de
distribution sont multiples pour établir un partenariat profitable. Des
corners indépendants comme (Harrods, Galeries Lafayette), en
passant par la collaboration avec un « wholesaler ». C'est ainsi que
certaines marques comme Berluti choisissent de s'appuyer sur des
« wholesalers » de luxe (Neiman Marcus et Berdgorf
Goodman) pour s'étendre sur le marché américain et
répondre à des habitudes de consommation
spécifiques76.
75
http://newpubmarketing.over-blog.fr/2017/05/co-branding-le-coq-sportif-et-guerlain-black-perfecto.html
76
http://www.businessinsider.fr/us/the-difference-between-neiman-marcus-and-bergdorf-goodman-2015-8/
66
Comme nous l'avons identifié dans la stratégie
de e-commerce, les marques de luxe doivent prendre le virage du digital. Des
partenariats permettent également de tester de nouveaux canaux de
distribution, comme celle de la vente online. Nous pouvons prendre le cas de
Dior vient d'achever sa collaboration avec le grand magasin
newyorkais Bergdorf Goodman. La Maison de luxe a
présenté en exclusivité 14 modèles de souliers de
la collection `croisière' 2016 qui ont été vendus en
exclusivité auprès du site internet du distributeur. Dior,
qui n'avait jusqu'alors jamais vendu de chaussure « on line
», que ce soit directement, ou même par le biais
d'intermédiaires sélectionnés, a pu donc effectuer un
test. La limitation dans le temps de l'opération avait pour but
d'accroitre la désirabilité de cette collection et de booster les
ventes du site internet Bergdorf Goodman pendant la période de
Noël. Afin de promouvoir cette collaboration, les marques ont
réalisé une vidéo avec la participation de It girls.
Des bandeaux publicitaires ont aussi été diffusés sur
le site du magazine `The Cut'.
c) Constituer une communauté engagée sur
les réseaux sociaux
L'industrie du luxe a bien compris que pour engager une
communauté, il était nécessaire d'investir dans les
réseaux sociaux. Aujourd'hui, on recense une population de 3,025
milliards d'internautes, 2,060 milliards d'individus actifs sur les
réseaux sociaux, soit 68% des internautes et 28% de la population
mondiale77. On comprend bien que ce mode de communication ne peut
plus être exclu des stratégies marketing. De ce fait, la
transformation digitale se poursuit chez les marques de luxe, on constate que
99% des maisons de luxe ont un site internet de marque, 97% des marques de luxe
sont inscrites sur au moins un réseau social et 88% des maisons de luxe
possèdent une application mobile. Quant à l'investissement 54%
des marques de luxes allouent plus de 30% de leur budget marketing au digital,
et 70% prévoient d'augmenter ce poste de dépenses de
manière significative.
Le réseau social le plus utilisé par les marques
de luxe est Instagram suivi ensuite de Facebook, Twitter, Google +,
Snapchat et Pinterest. Les marques de luxe les plus actives sur ses
réseaux sociaux sont Burberry, Chanel, Louis Vuitton et
hermès78 ; les plus populaires en 2017 sont Chanel,
Louis Vuitton, Christian Siriano et Puma du groupe
Kering79. Chaque maison calibre sa politique de
réseau social en fonction de son identité et adapte son
discours
77
http://www.bridge-communication.com/2016/03/07/reseaux-sociaux-quelle-est-votre-plateforme/
78
http://digitaluxury.fr/wp-content/uploads/2013/01/Digitaluxury-Trend-Report-Infographie.pdf
79
http://www.puretrend.com/article/les-10-marques-les-plus-populaires-sur-les-reseaux-sociaux-en-2017_a183604/1
67
aux différents réseaux sociaux. Chaque contenu
doit être complémentaire, et c'est bien là toute la
complexité d'une relation client digitale.
Il faut bien comprendre que les marques de luxes ne sont pas
là seulement pour montrer leur connectivité mais cherchent
à explorer de nouveaux territoires pour communiquer directement avec les
clients, et leur donner une sensation de proximité. Les réseaux
sociaux challengent les marques de luxe à interagir avec leur
communauté à l'image de ce qu'a fait Burberry en retransmettant
pour la première fois son défilé « Burberry
Prorsum » en direct et en 3D sur son site, sur Facebook, Twitter
et YouTube et lors de projections privées organisées
simultanément à Paris, Tokyo, Dubaï, Los Angeles et New York
: jamais un défilé de mode n'avait bénéficié
d'une telle visibilité. C'était en 2011, il était
d'ailleurs possible de commander les vêtements directement à
partir du défilé, livrables en sept semaines80.
De plus, le digital pousse aussi le luxe dans une direction
d'ouverture et de créativité, comme la marque Jimmy Choo
qui a l'occasion du lancement de la première collection de tennis a
organisé une chasse au trésor dans les rues de Londres.
Grâce au réseau de géolocalisation Foursquare, les
paires de tennis pouvaient être localisées, les lieux choisis
comme le Ritz par exemple, était en cohérence avec
l'image de la marque. La première personne à se rendre sur place
gagnait la paire de chaussures. 4000 personnes ont participé en moins de
trois semaines. Les informations étaient relayées sur les
réseaux sociaux par des bloggeurs avant d'être reprise par les
médias. Enfin, les réseaux sociaux permettent également de
créer et mesurer l'engagement des internautes vis-à-vis des
marques de luxe, en facilitant le dialogue et l'échange via les
différents contenus proposés notamment par la possibilité
de suivre les marques en s'abonnant, en dialoguant, en recommandant les
contenus et les informations qui leurs sont proposés ou par une plus
grande proximité en découvrant le quotidien des grandes
maisons.
Tel est le cas d'Olivier Rousteing, directeur artistique de
Balmain qui publie régulièrement sur Instagram des
photos prises dans les coulisses des défilés. Une parfaite
adéquation avec une stratégie de « See now, buy now
» comme le souligne l'intéressé 81. En
effet, un nouveau dispositif permet aux utilisateurs d'acheter plus facilement.
Désormais, un bouton est placé dans le coin inférieur
gauche de l'application Instagram, permettant aux utilisateurs d'en savoir plus
sur les produits, leur composition et de leur prix. Ils peuvent par la
80
http://comdeluxe.fr/le-marketing-digital-selon-burberry/
81
https://journalduluxe.fr/classement-marque-luxe-instagram/
68
suite être redirigés sur le site de la marque par
le biais du bouton « acheter maintenant ». Avec le
développement de cette nouvelle fonctionnalité, les marques de
luxe sont en mesure d'accroître leurs ventes. Les réseaux sociaux
comme Instagram ne sont plus seulement une plateforme de visibilité mais
un véritable pilier dans la stratégie commerciale des marques de
luxe. L'enjeux de la digitalisation du marché du luxe a donc de belles
perspectives d'évolution et représente de bonnes
opportunités de développement pour des marques de luxe en contact
constant avec l'international.
Illustration 26 : luxe et réseaux sociaux : Burberry sur
Snapchat depuis 201582.
d) Le défi du développement durable
(RSE)
Face à des valeurs de durabilité fortement
ancrées dans la consommation, les marques de luxes ont dû prendre
de nouvelles décisions stratégiques. Le développement
durable est devenu un facteur essentiel, l'industrie du luxe témoigne
d'une vraie prise de conscience sur l'obligation d'agir pour l'avenir de la
planète, accélérée par la loi sur les nouvelles
régulations économiques, votée en 2001, qui oblige les
entreprises cotées en Bourse à publier un rapport de
développement durable83. Par ailleurs, c'est aussi une
convergence d'intérêts qui participe à valoriser l'image de
l'entreprise, à construire sa réputation, et les entreprises qui
s'engagent dans cette voie réussissent mieux que les autres à
attirer les meilleurs talents, les investisseurs, les partenaires et les
consommateurs. C'est aussi une prise de conscience des organisations pour
pérenniser les activités actuelles et ouvrir de nouvelles
opportunités économiques différenciante. Selon le dernier
rapport Global Corporate Sustainability 2015 de Nielsen, «
les marques qui mettent la responsabilité sociétale des
entreprises (RSE) au coeur de leurs activités
82
https://siecledigital.fr/2015/05/04/luxe-reseaux-sociaux-burberry-snapchat/
83
http://www.portail-rse.fr/actualite-rse/formation-developpement-durable-entreprise/reporting-rse-obligatoire-pour-les-entreprises-le-grenelle-2-entre-en-vigueur-38.html
69
connaissent un développement de leur chiffre
d'affaires de +4% contre moins de +1% pour les autres marques
»84.
Par nécessité ou obligation, un grand nombre
d'entre elles se sont donc lancé vers la « croissance verte »,
solution à beaucoup de problèmes. En effet, face à la
mobilisation active de la population et une réorientation des
intérêts des dirigeants politiques sur la question de la
sauvegarde de la planète pour les générations futures, ne
cesse d'influencer la place de l'entreprise dans les stratégies de
développement durable. Mise en avant du respect des ressources locales,
préservation du savoir-faire, délocalisation responsable,
meilleure utilisation des matériaux naturels sont autant de défis
urgents pour les grands groupes du luxe. Toujours Selon cette étude,
Nielsen a interrogé 30 000 internautes dans 60 pays sur les
critères intervenant dans leurs décisions d'achat. « 66%
des consommateurs dans le monde se déclarent prêts à payer
plus cher pour des produits issus d'entreprises engagées dans le
développement durable (contre 55% en 2014). Une attente
particulièrement forte au sein de la génération Y (21-34
ans) d'où ce pourcentage atteint » ; « Pour un nombre
croissant de consommateurs dans les pays développés, l'engagement
durable est plus qu'une valeur ajoutée, c'est un réel
impératif » ; « Le développement durable est
une préoccupation mondiale qui continue à prendre de l'ampleur,
surtout dans les pays où l'augmentation de la population ajoute une
pression supplémentaire sur l'environnement »85 Ces
consommateurs attendent des entreprises qu'elles se montrent pionnières
en matière de durabilité puis qu'elles reviennent à des
pratiques commerciales durables inhérentes aux principes fondamentaux du
luxe, valorisant par exemple l'artisanat et la qualité. Ces attentes ne
concernent pas uniquement les catégories les plus favorisées des
pays développés. Les consommateurs sont bien prêts à
payer plus pour rester fidèles à leurs valeurs, quels que soient
leurs revenus.
Les entreprises doivent ainsi privilégier la
responsabilité sociétale des entreprises, afin
de donner de la valeur à leur image de marque et pouvoir être
à la hauteur des défis imposés. Par exemple le groupe
Kering met à la disposition des marques du groupe des
matières premières responsables à intégrer dans
leurs collections. Une bibliothèque de tissus et de fibres alternatifs a
ainsi été élaborée : elle contient actuellement
plus de 2000 tissus, la mise au point d'un procédé innovant de
tannage du cuir sans métaux pour réduire la consommation d'eau
et
84
http://www.nielsen.com/fr/fr/insights/reports/2015/la-rse--un-avantage-competitif-pour-les-marques-de-grande-consom.html
85
http://www.nielsen.com/fr/fr/insights/reports/2015/la-rse--un-avantage-competitif-pour-les-marques-de-grande-consom.html
70
d'énergie, une évaluation des fournisseurs
clés au moins une fois tous les deux ans, notamment pour veiller
à l'application des principes du code d'éthique du groupe.
Illustrations 27 : actions du groupe Kering sur les
émissions de CO2, réduction des déchets, une
bibliothèque de 2000 tissus et de fibres alternatifs, une
évaluation des fournisseurs clés, l'élimination du PVC
dans l'ensemble des collections et des produits chimiques
dangereux86.
III. Luxe et sport : nouvelle
stratégie
Dans la deuxième partie de ce mémoire, nous
étudierons les nouveaux besoins des consommateurs de la
société contemporaine, nous permettant de définir les
nouveaux défis qui émerges - démocratisation des produits
de luxe suite à l'émergence de classes moyennes dans les pays
émergents - nouveaux canaux de distribution et vente de produits par le
biais d'internet - développement des partenariats / Co-branding
- constituer une communauté engagée sur les réseaux
sociaux - séduire une nouvelle génération d'actifs plus
intéressée par un mode de vie « life style » que des
produits logotés - le défi du développement durable (RSE).
Face à cette compétition exacerbée que se livrent les
acteurs du luxe et face à l'infidélité de cette nouvelle
génération qui suit une mode en perpétuel changement,
toutes ces marques cherchent à se démarquer encore plus afin de
répondre aux nouveaux besoins.
Les grands groupes de luxe sont continuellement obligés
de renforcer leur potentiel de croissance soit en diversifiant leur
portefeuille d'activités par l'acquisition de nouvelles marques ou par
la collaboration dans le cadre d'un cobranding. Ces stratégies
ont pour but d'enrichir ou d'élargir les produits des activités
existantes, d'améliorer son positionnement en se bâtissant une
réputation sur le marché, et d'aider à conquérir et
fidéliser une clientèle en
86
https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/luxe-kering-ambitionne-de-reduire-de-50-ses-emissions-de-co2-d-ici-2025_110055
71
insufflant au consommateur la confiance dans les biens et
services qu'elle fournit. De ce fait, l'industrie du sport peut être un
virage stratégique pour les groupes de luxe et simultanément
répondre aux défis de demain. Il faut comprendre que le luxe et
le sport ont la même chaine de valeur, le même segment de
l'habillement et de l'accessoire. Et quand vous regardez ces deux segments, ils
sont basés sur les mêmes données macroéconomiques.
Quand les gens commencent à disposer de temps et d'argent, ils se font
plaisir et commencent à désirer à jouer au golf, jouer au
tennis, faire du yoga, veulent s'habiller pour sortir le soir, veulent se faire
plaisir, veulent se faire des cadeaux. L'industrie du sport a une réelle
base commune de ressources et de compétences clés et un fort
pouvoir d'influence sur les communautés de fans et de passionnés
que les marques de luxe d'ailleurs jalousent. Nous verrons dans cette
troisième partie comment les marques de sport ont réussi à
développer une stratégie gagnante et comment le luxe envisage de
prendre ce même visage.
1.1 Le sport, un marché en pleine
croissance
Si le sport est reconnu pour ses vertus en termes de
développement personnel (dépassement de soi, contrôle de
soi, respect) et vecteur de partage de valeurs universelles (partage,
solidarité, cohésion sociale), il se révèle
également être un puissant moteur économique,
créateur de richesses et d'emplois. Avec près de 1 200 Mds€,
le secteur du sport génère près de 2% du PIB mondial, ce
qui, à titre d'exemple, le place en position intermédiaire entre
des secteurs économiques tels que ceux de la culture (3% du PIB mondial)
et du luxe (1,6%)87. Au vu de sa relative résistance aux
chocs conjoncturels et des externalités qu'il engendre, le sport est
régulièrement présenté par l'OCDE comme une
nouvelle source de croissance. Le sport est aujourd'hui devenu bien plus qu'une
simple activité physique. C'est devenu un concept, qui s'est
installé dans de nombreux secteurs.
Le premier secteur qui m'a particulièrement
intéressé est l'habillement puisque c'est dans le segment «
sportwear » que les groupes de luxe souhaitent investir. Le luxe
voit dans ce nouveau mode vestimentaire la possibilité d'avoir une image
plus cool, touchant un public plus large, plus jeune et plus international. Le
sportswear est un bon moyen de donner un peu de souplesse et de sortir d'un
côté trop traditionnel. Aujourd'hui, on évalue à
seulement 33% la part des achats de chaussures destinées à un
usage strictement sportif. A tel point que la pratique
87
http://admin.tousprets.sports.gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/tricolore_economiqu_fev2016_bd.pdf
devient plus rare que l'usage des signes de sportivité.
Le marché de la distribution d'articles de sport a
généré en France 10 milliards d'euros de chiffre
d'affaires en 2014, avec une dépense moyenne des français de
253€ chaque année pour leur équipement sportif. Quant
à son marché global, il a atteint 37 milliards d'euros en 2016,
soit près de 2 % du produit intérieur brut (PIB)
national88.
72
Illustrations 28 : collections capsules, des produits en
édition limitée. Une logique de toucher
des micromarchés à fort pouvoir de prescriptions, mais
également assurant un excellent retour RP89.
Le sport est devenu donc un enjeu économique de taille
et c'est le segment de la femme qui tire la croissance vers le haut, avec une
augmentation annuelle de 5 % en volume, selon NPD Sport Tracking
Europe90. Désormais selon l'Ipsos, près de 80 % des
femmes pratiquent un sport, la marche figure en tête des pratiques (44
%), suivie du fitness et du sport en salle (30 %), devant le running (21 %). La
danse, la zumba et le yoga sont aussi au programme, un peu moins les sports de
combat (2 %). Cette montée en puissance de la gente féminine
intéresse au plus haut point les marques qui en font aujourd'hui sa
cible principale. Cette accélération s'est faite depuis trois
ans, notamment chez les moins de 30 ans qui adoptent un mode de vie «
lifestyle » ; génération « Y »
étudié dans le chapitre précédent.
a) Sportives coeur de cible des marques
Pour mieux répondre à leurs attentes, les femmes
sont désormais chouchoutées par les marques de sport qui voient
en ce segment un véritable relais de croissance. Pour les
séduire, plus question de cosmétique : désormais, il faut
conjuguer technicité, mode et performance, et
88
https://www.lesechos.fr/19/09/2014/LesEchos/21775-083-ECH_le-sport-pese-35-milliards-d-euros-en-france.htm
89
https://blog.emakina.fr/2012/01/03/les-collaborations-vers-plus-de-marketing-communautaire/#.WWQJ0ojyjDc
90
http://www.e-marketing.fr/Marketing-Magazine/Article/Quand-le-sport-se-fait-glamour-17099-1.htm#ydRyoWziw5Ymy0Oh.97
73
sur cet aspect, les marques de sport ne manquent pas
d'innover. Elles se lancent tous azimuts dans la création de gammes
féminines : lignes de raquettes, skis, vélos, surf wear et tenues
de golf. Tout se décline au féminin. Dans le textile
également, dès les années 2000, les créateurs
s'inscrivent dans une double culture, entre l'héritage de la maison pour
laquelle ils travaillent et leur culture urbaine. Les créateurs de
grandes maisons de luxe sont sollicités par les griffes sportswear,
à l'image de Riccardo Tisci et Olivier Rousteing (Balmain) pour
Nike, ou de Stella McCartney, Rick Owens et Alexander Wang
pour Adidas. En effet, c'est Stella McCartney pour
Adidas qui porte le nouveau concept de la marque : le
prêt-à-sporter91. Des tenues et accessoires de sport
haute performance pour femme conçue pour des sportives fashionistas. Sa
ligne de vêtement est distribuée dans vingt-cinq points de vente
sélectifs et reste 30 % plus cher que les autres articles. Depuis son
lancement, la part de marché du textile femme pour Adidas a
augmenté de 40 %, ce qui a prolongé le contrat de la
créatrice pour 10 ans92. Une autre marque à avoir
adopté cette stratégie de partenariat est la marque Puma,
filiale du groupe Kering, qui s'est associé avec Alexander
McQueen et Christy Turlington pour développer des collections
où les matières et les détails en font de
véritables produits hybrides, à la croisée du sport et de
l'Urban wear. Enfin, Lacoste qui s'est allié avec le designer
Cristophe Lemaire, venu de chez Thierry Mugler, pour lancer
une collection tennis preppy pop.
Illustration 29 : Un blason signé « OR », pour
Olivier Rousteing : la collaboration du directeur93.
91
http://www.sportetstyle.fr/mode/breve/pourquoi-les-marques-de-sport-s-arrachent-les-top-modeles/3504
92
http://www.e-marketing.fr/Marketing-Magazine/Article/Quand-le-sport-se-fait-glamour-17099-1.htm#IOZITDJxiGIV6wuB.97
93
http://www.vogue.fr/vogue-hommes/mode/diaporama/olivier-rousteing-nike-collaboration-nikelab/34198
74
Illustrations 30 : Adidas by Stella McCartney, créatrice
secteur du luxe et sport94.
Concernant les maisons de haute couture, rares sont celles qui
n'ont pas investi le marché : Chanel, Armani, Versace, Prada,
toutes ont pris les devants et ont leur ligne « sportive ».
Cependant beaucoup de ces maisons ont des difficultés à trouver
des distributeurs à leur image qui leur permettent d'exprimer pleinement
leur concept, notamment par le besoin d'espace et de merchandising
spécifique. A l'instar des boutiques « Sweaty Betty »
à Londres qui présentent des tenues de fitness, de danse ou de
yoga dans des échoppes aux couleurs blanches et roses, aux
éclairages doux et aux cabines spacieuses. Ces derniers ont
décidé de faire de leur magasin un croisement entre une salle de
danse et une boutique de lingerie où les femmes trouveront des articles
grandes tailles ou pour femmes enceintes, des grandes marques ou des plus
confidentielles et des collections exclusives. Une étendue de choix
qu'on rencontre encore difficilement ailleurs. Nous constatons que les
distributeurs des marques de luxe ne répondent pas suffisamment vite
à l'évolution du marché en comparaison des marques de
sport qui gèrent naturellement leur collection comme le
prêt-à-porter et adoptent les mêmes codes
stratégiques que le luxe. Le sportswear apparaît comme une
évolution naturelle pour le luxe. Un besoin de nouveautés tant le
luxe a été stéréotypé depuis le XIX
siècle. Il doit continuer à exprimer une recherche
élégante et de confort pour ne pas devenir trop sportswear qui
risquerait de banaliser le luxe avec une redondance de basiques, tee-shirts,
sweats, coupe-vent, facilement copiable. C'est maintenant aux marques de luxe
de continuer à innover
b) Devenir l'égérie d'une grande maison de
sport
A un autre niveau, des collaborations se font avec les
égéries des maisons de couture plutôt qu'avec les
ambassadrices des marques de sport. L'heure est au mixage des genres. Finie
94
http://www.gallery.ad/fr/marques-de-createurs/nouveau/article/adidas-by-stella-mccartney
75
l'ère des mannequins inaccessibles et secrètes,
les top-modèles du moment s'exposent et sont très suivies sur le
web, devenant aussi populaires, voire beaucoup plus que les sportives de haut
niveau. Les mannequins s'imposent des entraînements drastiques n'ayant
rien à envier à celles de certains athlètes : gymnastique,
TRX, pilates, arts martiaux. Un engouement pour le muscle dessiné qui va
de pair avec une tendance « healthy » de la nouvelle
génération « Z ». Facebook, Snapchat et
Instagram permettent aux fans d'entrer dans leur quotidien, et de
s'identifier à ces jeunes femmes qui gèrent leur image comme une
marque. Ainsi, Puma s'offre Cara Delevingne qui réunit pas
moins de 37,4 millions d'abonnés sur Instagram, qui fut
notamment égérie de la prestigieuse enseigne Burberry et
défila avec d'autres grandes marques comme Dolce & Gabbana, Yves
Saint Laurent ou Chanel. De la même manière pour
l'égérie Karlie Kloss qui réunit 6,7 millions
d'abonnés sur Instagram, un des tops les mieux payés au monde.
Karlie Kloss est passée chez Nike avant de rejoindre
Adidas, qui a aussi foulé les podiums pour Balmain, Versace
ou encore Kenzo. Nous pouvons apercevoir un effacement des
frontières qui légitime le recrutement plus large des labels
sportifs. En revanche, les marques de sport n'abandonnent pour autant les
sportives de haut niveau. Mais cherchent simplement à diversifier leur
armada d'ambassadrices, pour concerner toutes les sportives (apprenties et
confirmées), et donc recruter toujours plus de potentielles clientes.
Illustration 31 : les marques sportswear, nouvel eldorado des
mannequins / Puma (Kering)95.
Concernant la communication, les marques de sport
réinventent le marketing au travers d'activités
sponsorisées. Les marques rivalisent aussi d'imagination grâce aux
retours d'événements ludiques et communautaires qu'ils
organisent. Reebok a décidé de s'associer à
« La Parisienne », une compétition sur route
réservée aux femmes, en dépliant des banderoles sur le
parcours, mais aussi en coachant 200 participantes. Elles ont reçu un
« carnet
95
http://www.ladepeche.fr/article/2016/10/12/2437923-les-marques-sportswear-nouvel-eldorado-des-mannequins.html
76
d'entraînement » qui mêle programme sportif,
conseils diététiques et astuces délivrées par un
podologue. Chez Puma, c'est le lancement du raid européen
baptisé « 4some » dont l'objectif est d'attirer ses
consommatrices vers la compétition. Ce sont 48 équipes
composées de 4 femmes lesquelles vont se mesurer à travers 4
épreuves, une course de 2 kilomètres, un relai de natation, un
relai VTT de 4 kilomètres et un match de football pour se qualifier pour
la finale européenne. A la clé, pas de médailles mais un
diamant, une prime et des cadeaux. Enfin Nike organise la Nike
Women's, une course de 10 ou 15km dans les rues de Paris
entièrement réservée aux femmes ou lors de la
Journée internationale de la femme des animations étaient dans
les boutiques afin de faire tester ses chaussures et accessoires de fitness. Ce
retour à « l'événementiel » permet aussi aux
marques de d'obtenir un niveau d'engagement supérieur. Il permet de
créer des souvenirs positifs et d'associer «un bon moment»
à un lieu, à la marque, au produit, au concept. Autant
d'arguments qui en font un média à ne pas négliger.
Illustration 32 : Nike Women's Race
Paris96.
2.1 Le sport et ses valeur retranscrites au luxe a) Sport
et luxe : des valeurs qui gagnent
Les valeurs associées au sport sont nombreuses et
facilement identifiables. Ces valeurs sont la politesse, le respect, l'honneur,
le contrôle de soi, le courage, l'amitié et la modestie.
Nous pouvons ainsi citer de nombreux sports. Le Judo, par exemple, a
un code moral. Le respect de ce code est la condition première, la base
de la pratique du judo. Le rugby, quant à lui, suppose la
coopération entre les partenaires, mais aussi le respect d'autrui
à travers l'arbitre et les adversaires. Quant au tennis, un sport de
face-à-face, suppose le respect des règles du jeu, de
l'adversaire dans la victoire comme dans la défaite. Le sport est donc
perçu comme une véritable école de la vie, il porte des
valeurs indispensables à la cohésion sociale
96
http://www.nike.com/fr/fr_fr/c/women/events
77
d'une société. Ce qui fait du sport un support
idéal pour les marques de luxe en quête de valeur
émotionnelle, et renouvellement d'image, face à des nouveaux
consommateurs plus intéressés par un style de vie que de
possession.
D'ailleurs le luxe et le sport se rejoignent sur plusieurs
plans. Tous deux provoquent l'exaltation. Leurs valeurs se rejoignent :
beauté, élégance, émotion, pureté ou encore
exigence. Les marques de luxe se retrouve désormais au centre de
nombreuses transactions commerciales dans le domaine du sport, notamment sous
forme d'accords de parrainage sportif, d'un événement ou
l'exploitation de produits dérivés. Elles aident la marque
à se bâtir une réputation sur le marché et à
conquérir et fidéliser une clientèle en insufflant au
consommateur la confiance dans les biens et services qu'elle fournit. Elle
permet aussi d'affuter une stratégie de prix plus élevés
stimulant les recettes et la croissance de l'entreprise. L'affichage des
marques de luxe lors de manifestations sportives renforce les ventes en
éveillant les aspirations et les émotions des amateurs de sport
qui sont attirés par des signes liés à tel ou tel club ou
support. Les marques de luxe peuvent également devenir des symboles d'un
mode de vie ou d'un comportement particulier.
b) Le luxe au coeur des évènements
sportifs
Nous constatons, qu'à ses débuts, le sponsoring
sportif était réservé pour la plupart du temps à
une élite sportive. Cette quête d'innovation conduisait les
marques à investir seulement dans les sports de haut niveau, notamment
le groupe LVMH qui a signé son premier contrat en de
partenariat en 2005 avec les écuries de F1 McLaren Mercedes,
mais encore l'horloger Tag Heuer qui à travers la voile
montrait la résistance de ces montres à l'eau ou rolex qui se
présentait déjà à des évènements
sportifs les plus prestigieux : tournois de golf et de tennis, concours
hippiques97. Des sports qui sont plus proches du luxe que les sports
de rue, tels le football ou le basket-ball. Cependant la société
évolue et certaines maisons de luxe ont continué d'opérer
sa démocratisation à travers des sports plus populaires. C'est
ainsi que le parrainage d'une manifestation sportive prestigieuse telle que la
Coupe du Monde FIFA World CupTM ou les jeux olympiques, peut associer
une marque ou un produit au prestige, à la jeunesse et au dynamisme
liés à cette manifestation. On peut citer l'exemple avec le
maroquinier Louis Vuitton, qui a habillé d'un écrin la
Coupe du monde de football de 2012. De son côté, la
97
https://www.lesechos.fr/05/08/2005/LesEchos/19471-051-ECH_le-sport-de-haut-niveau-courtise-par-le-luxe.htm
créatrice britannique Stella McCartney supervisera la
confection des tenues des athlètes de Grande-Bretagne aux Jeux
olympiques et paralympiques de 2012, à Londres.
78
Illustration 34 : la malle de transport Louis Vuitton a
entièrement été réalisée à la main
par un maître artisan pour l'évènement de la coupe du monde
de football en Afrique du Sud, 98.
Illustration 35 : la Coupe Louis-Vuitton est l'une des
coupes les plus prestigieuses du monde de la
voile99.
De nombreuses marques de luxe font également appel
à des célébrités, plus particulièrement des
sportifs reconnus et se servent de leurs images dans les publicités. Les
marques de luxe peuvent adopter aux grés des évènements
une stratégie destinée à un large public pour communiquer
sur leurs produits plus accessibles. Christiano Ronaldo pour Emporio
Armani, Olivier Giroud pour le parfum Hugo Boss. Les nombreux
spectateurs et amateurs s'identifient inévitablement à leurs
sportifs préférés. Non seulement la présence de ces
visages familiers rassure les destinataires des publicités, mais ces
sportifs de haut niveau symbolisent la force, le courage, l'endurance, le
dynamisme ou encore l'élégance qui leur ont permis de se hisser
parmi les élites. L'exemple de David Beckham qui est le héros
pour Breitling et Bentley, ambassadeur de la marque depuis
2012100.
La publicité concerne aussi les équipes de sport
et peuvent être une activité commerciale importante et de
viabilité financière. Plus une équipe a du succès,
plus sa marque a de la valeur et plus les recettes seront importantes. Aux Jeux
olympiques de Rio, la société avait annoncé la signature
d'un accord de partenariat avec la Fédération
brésilienne
98
http://www.luxuo.fr/sport/malle-louis-vuitton-coupe-du-monde.html
99
https://what.isup.ws/fr/tag/coupe/20170525
100
http://www.eurosport.fr/economie/david-beckham-heros-tenebreux-pour-breitling-et-bentley_sto4867208/story.shtml
79
d'équitation. La démocratisation du luxe est
donc évidente dans ses relations avec le marché du sport. Mais
cette démocratisation est encore très timide concernant les
sponsors de luxe derrière un joueur de basket-ball.
c) Co-branding : l'alliance du luxe et de la
sportivité
Le cobranding est une stratégie marketing qui
séduit de plus en plus les marques de luxe. Elle désigne dans son
sens strict, l'association entre deux marques distinctes et
généralement indépendantes à créer ensemble
un produit afin que celles-ci gagnent en image de marque, et par
conséquent en volume de ventes. De nombreuses collaborations se font,
notamment dans l'automobile « sport de prestige » et «
l'horlogerie » comme Jaeger-Lecourbe et Aston Martin,
Breitling pour Bentley ou encore entre des maisons de vins et
spiritueux d'exception telles que Dom Périgno et Aston Martin,
Bollinger et le constructeur britannique Land Rover. Pouvons-nous
parler là d'un partenariat sportif ? pas réellement, mais les
critères de sportivité sont présents : puissance,
élégance, détermination. En revanche, nul n'était
mieux placé que le sportif « David Beckham » pour incarner
cette alliance, une icône mondiale devenue le symbole par excellence du
chic britannique.
Illustration 37 : Reitling for Bentley montre bien
l'étroite relation que partagent ces deux
boites. Ingéniosité et exploit en sont les principes
directeurs101.
Illustrations 38 : le constructeur a imaginé en 2016 une
mini-cave à vin en insérant trois bouteilles de champagne Dom
Pérignon de 1998102.
101
http://blogs.ionis-group.com/iseg/mcs/paris/marketing-marques-innovation/2012/04/breitling-for-bentley.html
102
http://blogdupartenariat.typepad.fr/le_blog_du_partenariat/2016/01/top-10-des-partenariats-de-2015.html
80
Dans ce secteur où le consommateur est devenu de plus
en plus exigeant et difficile à séduire, l'alliance il y a
quelques années entre Fiat 500 & Gucci a permis au
constructeur automobile de prendre un positionnement plus luxueux en se
référant à la mode italienne. Une belle réussite
qui permet également à Gucci de marquer des points sur le
positionnement « sportwear » et à Fiat de
contribuer à diversifier son activité en lien avec une image haut
de gamme.
Illustrations 39 : Gucci a lancé tout un univers «
sport wear » (ligne d'accessoires en cuir, des survêtements,
etc.). L'objectif est de monter en gamme (en 2011 ses prix ont augmenté
de 30%)103.
3.1 Stratégie de Kering et de LVMH
a) Kering se met au sport
L'ancêtre de Kering, Pinault a
été fondé en 1963 par François Pinault. A l'origine
c'était une entreprise spécialisée dans la production et
la commercialisation du bois. En 1994, le groupe devient
Pinault-Printemps-Redoute, un acteur majeur de la distribution. En 1999, le
groupe entre dans le secteur de la mode et du luxe avec l'achat de
Gucci qui regroupe maintenant toutes ses activités de la mode et
luxe. En 2005, le groupe devient PPR après la cession du
Printemps puis, en 2013, Kering (la redoute et la Fnac
sont cédées la même année). Ce changement de
nom et d'identité visuelle est concomitant d'un changement en profondeur
de la structure du groupe devenu de plus en plus international et qui souhaite
réorganiser ses activités en un pôle « luxe »
d'une part (Gucci, Saint Laurent, Balenciaga, Bottega Veneta, ou encore le
joaillier Pomellato, Boucheron, etc.) et d'un pôle « sport
& lifestyle » d'autre part (l'achat de Puma en 2007 et
de sa marque Golf cobra en 2010 et Volcom en 2011, sa marque
de surf, de skate et de snowboard)104.
103
https://modeactuelle.wordpress.com/2012/04/
104
http://www.kering.com/fr/marques/sport-lifestyle/cobra
81
À cette époque pour Kering, le but
était de redresser la marque Puma et devenir un vrai groupe
industriel avec des structures centrales permettant aux futures acquisitions de
bénéficier de l'effet Kering pour
accélérer leur croissance. Le groupe continue sa mission de
favoriser les échanges de savoir-faire entre les marques, son engagement
en matière de développement durable et d'encourager l'innovation
et la création. Chacune de ses marques emblématiques constituent
l'univers des mondes du sport, de l'outdoor ou des sports extrêmes. Elle
définit un certain style d'une vie ou lifestyle pour une nouvelle
génération, toute représente un potentiel de croissance
sur les marchés de l'habillement, de la chaussure et des accessoires.
Une stratégie qui a bien fonctionné pour le groupe Kering
qui démarre l'année 2017 avec des ventes historiques. Le
pôle « sport & life style » est seulement
représenté par trois marques maison et affiche une hausse de
16,5% de ses ventes, porté par l'équipementier sportif «
Puma ». Son chiffre d'affaire trimestriel a atteint pour la
première fois le milliard d'euros105.
Illustration 40 : en 2014, Kering et Kelly Slater
alliés pour lancer la griffe Outerknown106.
Par zone géographique, les performances commerciales
ont été particulièrement exceptionnelles en Europe (+50%)
et Asie Pacifique (+47%), très solides en Amérique du Nord
(+30%), seul le Japon se contentant d'une hausse modeste (+4%). Concernant le
pôle luxe, il représente plus des deux tiers des ventes avec ses
dix-sept marques maison, a particulièrement brillé (+34% en
données publiées), avec une performance "exceptionnelle" de
Gucci, sa marque phare (+51,4%) et sa principale source de profits. Les
ventes en ligne se sont envolées (+60%). Ce qui fait un résultat
net record pour l'année 2016, avec un bénéfice net de
813,5 millions d'euros, en hausse de 16,9%, et des ventes franchissant le cap
des 12 milliards d'euros, en progression de 8,1%, croissance la plus
élevée depuis sa réorganisation en 2012107.
105
http://www.boursier.com/actions/actualites/news/croissance-historique-pour-kering-au-1er-trimestre-725167.html
106
http://www.lefigaro.fr/societes/2014/09/09/20005-20140909ARTFIG00098-kering-et-kelly-slater-allies-pour-lancer-la-griffe-outerknown.php
107
http://www.lavoixdunord.fr/153453/article/2017-04-25/kering-demarre-l-annee-avec-des-ventes-historiques
82
Outre les questions marketing, Kering a
également créé à son nom une fondation
engagée dans la promotion de certaines plateformes et des programmes qui
luttent contre les actes de violence perpétrés à
l'encontre des femmes. Le groupe participe aussi à des projets «
Sport intégration et lien social » avec l'association l'ELA dont le
parrain est Zinedine ZIDANE. Les actions sociétales de Kering
mobilisent les parties prenantes du groupe comme cette opération
faite au siège. Le principe de l'opération est simple : le
collaborateur reçoit un podomètre pour compter les pas
effectués durant une journée normale de travail. Pour chaque pas,
l'entreprise s'engage à reverser 1 centime d'euro à ELA. Comme
Puma fait partie du groupe Kering, le groupe a choisi
d'offrir, le matin même de l'opération, une paire de baskets de la
marque à tous les participants. L'uniforme, ce jour-là,
était donc « costume-baskets » ! L'objectif était de
faire grimper le nombre de pas. A la fin de la journée, les compteurs
ont été relevés. Depuis 2011, le groupe Kering a
collecté 58 500 € pour ELA108.
Illustration 41 : Zinedine Zidane, parrain d'honneur de
l'association ELA109.
b) LVMH : le sport, le bien-être, les loisirs et
les JO 2024
Nous avons pu constater que le groupe LVMH
s'investissait dans de nombreux projets sportifs comme le sponsoring, des
contrats publicitaires et la signature de trophées. En revanche, le
groupe ne s'était encore lancé dans l'aventure de l'acquisition
de marques sportives. C'est dorénavant chose faite puisque le groupe
LVMH réoriente sa stratégie d'acquisition et devient
propriétaire majoritaire depuis décembre 2016 de la marque
italienne et familiale Pinarello, société productrice de
vélos haut de gamme. Dans ce groupe, on y retrouve déjà
plusieurs marques investies dans le sport dont Peloton
(spécialiste en vélo d'intérieur) mais aussi la
compagnie australienne spécialiste dans les besoins vestimentaires du
triathlète soit 2XU. Le fabricant italien
bénéficie d'une grande expertise en équipant de grands
noms comme Miguel Indurain ou encore Chris Froome et Bradley Wiggins de
l'équipe « sky »,
108
http://ela-asso.com/evenements/francois-henri-pinault-pdg-du-groupe-kering/
109
http://ela-asso.com/fiche_parrain/zinedine-zidane/
83
une des meilleures équipes au monde. La marque
Pinarello commercialise des produits qui peuvent dépasser les
10 000 euros.
Après Pinarello, LVMH serait cette
année intéressé pour racheter Rapha. La marque
britannique excelle sur le marché de vêtements de luxe
destinés aux cyclistes. Le chiffre d'affaires de Rapha s'est
élevé à hauteur de 57 millions d'euros en 2015. Ce
potentiel de rachat marquerait la deuxième acquisition d'une marque
sportive haut de gamme par LVMH et s'inscrirait dans la
continuité de la stratégie d'acquisition de marques sportives
haut de gamme du groupe de luxe110. Cette entrée dans le
sport via le cyclisme est bien calculée, LVMH serait
intéressé par l'image que renvoient les créations de
Pinarello et de Rapha : elles se fondent sur le loisir
premium, avec des univers proches du sport et du voyage. En effet, Rapha
se positionne sur le marché des voyages de luxe et ambitionne
d'ouvrir des clubhouses à travers le monde111. Pour LVMH,
la stratégie est désormais d'acquérir de nouvelles
marques « art de vivre » à l'image de RIMOWA
également acquise par le groupe en 2016 (fabricant de valises, un
concentré de technologies), des marques capables d'offrir une
expérience sensorielle aux consommateurs et plus seulement un objet
matériel haut de gamme qu'il faille posséder.
Illustrations 42/43 : le fabricant de vélo italien
Pinarello et la marque de vêtements cyclistes
Rapha112.
Dans sa lancée sportive, le géant
français du luxe LVMH a officialisé lundi 30 mai 2017
son soutien à la candidature de Paris à l'organisation des jeux
Olympiques 2024. Un « ticket d'entrée » fixé à 2
millions d'euros par entreprise pour devenir partenaire de Paris-2024. LVMH
devient ainsi le douzième partenaire de l'événement
et rejoint AccorHotels, la MAIF, Orange,
110
https://journalduluxe.fr/lvmh-rachat-rapha-2016/
111
https://fashionunited.fr/actualite/business/lvmh-s-interesse-de-plus-en-plus-aux-marques-de-loisirs-premium/2016121112085
112
https://journalduluxe.fr/lvmh-rachat-rapha-2016/
Vivendi, La Française des Jeux, la RATP, la Poste,
BNP Paribas, JC Decaux, la Caisse des dépôts et consignations et
Elior. Doit-on imaginer une planification stratégique de la part de
LVMH ? Marc-Antoine Jamet, Secrétaire Général du
Groupe, a déclaré au cercle des Partenaires : « Nous
sommes les ambassadeurs de la France et de son art de vivre partout dans le
monde grâce à Paris. Il était normal, il était
logique que nous soyons, partout dans le monde et pour la France, les
ambassadeurs de Paris et de son envie de gagner. C'est un nouvel engagement au
service de l'excellence, de l'innovation et de la créativité, des
valeurs qui rassemblent LVMH et Paris113. » Des mots qui
font référence au segment sport « art de vivre » que
LVMH tente bien d'exploité.
Illustration 44 : LVMH soutient la candidature 2024 de
Paris114
.
84
113
https://www.lvmh.fr/actualites-documents/communiques/lvmh-soutient-paris-2024-integre-cercle-partenaires-paris-2024/
114
http://www.capital.fr/entreprises-marches/jo-2024-lvmh-soutient-la-candidature-de-paris-1133326
85
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