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Analyse de l'impact des activités de l'association nationale pour le bien etre de la population (ANBEP) dans la dynamique du développement local au Sénégal


par Aliou WANE
Université de Franche Comté (France) - Master 2 Aménagement et Gouvernance dans les Pays des Suds  2012
  

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CHAPITRE II : LES CARACTERISTIQUES DU STAGE

Grâce aux instruments juridiques et règlementaires favorables, des milliers d'associations se créent ou s'établissent au Sénégal chaque année. Cet environnement propice s'est renforcé avec le processus de décentralisation qui prône une concertation étroite et permanente entre tous les acteurs du territoire. Ce qui nécessite d'illustrer le contexte du stage, les activités réalisées ainsi que les contraintes.

2.1 LE CONTEXTE DU STAGE

ANBEP se localise dans la banlieue informelle de Dakar, là où on retrouve aujourd'hui les plus grandes concentrations de pauvreté au Sénégal. Actif dans de nombreux projets de développement solidaire et plus spécifiquement d'éducation, de sensibilisation, d'assainissement et d'activités génératrices de revenus, cette structure attache une importance toute particulière à la qualité pédagogique des activités proposées et à l'impact de celles-ci sur le public cible.

Ce bilan des activités va permettre d'éclairer et de mettre en parallèle : les partenaires au développement coptés, les fonds et subventions reçus et les réalisations en retour.

L'étude de l'impact spatial des activités de l'association depuis sa création en 1991 est une nécessité pour sa traduction en termes de développement local (renforcement de la décentralisation) et de sa participation au processus d'aménagement du territoire au Sénégal. Ce travail permettra également d'effectuer un diagnostic organisationnel et de préparer de prochaines échéances de renouvellement du bureau.

2.2 LES MISSIONS DU STAGE

Pour réaliser cette mission un certain nombre d'objectifs sont fixés dont le principal est d'assister le coordonnateur de l'ONG dans l'exécution des tâches administratives et de suivi opérationnel des programmes mis en oeuvre sur le terrain pour la rédaction d'un rapport sur l'impact des activités de la structure.

D'une manière spécifique ce travail permet de :

- vivre une expérience de travail en mettant en pratique les connaissances théoriques acquises dans le cadre de ce master et de participer au pilotage, suivi-évaluation de projets notamment par la mise en place d'indicateurs ;

- S'impliquer dans la vie de l'association et à l'actualisation de ces données pour la production d'un rapport détaillé.

CHAPITRE III : CADRE DE REFERENCE

Ce travail s'est réalisé au siège social de ladite structure avec des sorties sur le terrain. On a adopté une méthodologie de recherche basée sur l'approche systémique qui a permis de faire une analyse approfondie des différents acteurs intervenants dans le développement local au Sénégal.

Il s'agit d'analyser l'ensemble des forces qui interviennent dans l'association (membres, populations cibles, partenaires extérieurs et collectivités locales) qui forment un système complexe de faits interreliés dans la fabrication de ce territoire de projet. L'étude de ces éléments dans sa globalité permet de spécifier les niveaux d'analyse (échelle) et les actions d'aménagement. La production d'infrastructures et d'activités de développement ont marqué un emprunte dans la zone d'intervention de cette association qui est la résultante des choix et décisions des acteurs (collectivités locales et bailleurs de fonds) extérieurs au système.

Ce diagnostic territorial est nécessaire pour organiser et structurer les informations relatives au territoire de l'association, les éléments indispensables à sa représentation et les types d'équipements réalisés.

3.1 PROBLEMATIQUE

La recherche de l'amélioration des conditions de vie des populations a toujours été la préoccupation majeure de tous les gouvernants. Malheureusement, nombre d'Etats des pays pauvres ne peuvent garantir des services collectifs efficaces et universels à leurs populations, ni financer d'importants investissements d'infrastructures pour assurer le développement. Depuis l'accession du Sénégal à l'indépendance, les différents gouvernements ont essayé à travers des outils de planification de résoudre cette équation du développement harmonieux. Malgré les multiples efforts fournis, les résultats obtenus sont largement en deçà des attentes. Les citoyens ont compris la nécessité de se regrouper, de s'unir, afin de construire durablement leur nation.

L'association nationale pour le bien être de la population s'inscrit dans cette logique. Son atout majeur est lié au fait qu'elle est plus proche de la population. Etant l'émanation du peuple, elle remplit une mission d'utilité sociale, de relais, d'accompagnement, de substitution, de contre - pouvoir, de participation aux projets et programmes, bref, de développement local. Elle est alors à l'avant-garde de tous les combats qui sont menés en faveur des populations à la base.

Pour mieux cerner les contours de cette problématique, les orientations suivantes sont élaborées.

3.1.1 Contexte et justification de l'étude

A l'image de toutes les grandes villes des pays Suds, Dakar est le lieu d'accueil des populations en situation difficile, territoires que l'on qualifie de quartiers en crise, lieux-refuge de populations rejetées par le reste de la ville. Les mécanismes de redistribution des richesses ont généré une ville à plusieurs vitesses à tous les points de vue (économique, social, politique et institutionnel...).

L'habitat irrégulier s'est étendu dans la capitale suite à l'afflux de populations, aux déguerpissements et à la vente des terres par les propriétaires coutumiers. Les migrants venus à la recherche de meilleures conditions de vie, ne disposent pas d'une stabilité économique leur permettant d'être éligibles aux programmes immobiliers. C'est ainsi qu'ils se retournent vers les propriétaires qui ont commencé à parcelliser et à commercialiser des terres dont la majeure partie se trouvait dans des parties basses réservées à des exploitations agricoles. En témoigne cette fulgurante occupation de l'espace à Yeumbeul entre 1954 et 2003 (Carte 3).

Carte 3: Occupation du sol de la zone de Yeumbeul en 1954 (a), en 1978 (b), et en 2003 (c)

Source : Aminata DIOP, 2006, modifié par Wane 2013

L'extension des zones d'habitations dans la région de Dakar a influencé négativement le cadre de vie des populations. Il est certes difficile d'analyser tous les problèmes mais certains d'entre eux sont directement et quotidiennement vécus par les populations : les problèmes liés aux inondations, à l'assainissement et à la gestion des ordures ménagères ainsi qu'à la santé des populations.

Les pouvoirs politiques ont participé à la production de cet espace en mettant à la disposition des populations des équipements de base (l'eau, l'électricité, l'extension de la route, la poste de santé etc.) pour bénéficier leurs suffrages lors des élections municipales ou présidentielles.

Cependant à partir des années 1980, la défection de l'Etat dans la prise en charge de la demande sociale a eu des incidences négatives sur les conditions de vie. Le désengagement progressif de l'Etat a coïncidé avec une réorientation de l'aide internationale dont trois nouvelles règles ont été appliquées avec insistance dans les actions de lutte contre la pauvreté, favorable à l'émergence des associations.

D'une part, la principale stratégie faisait son cheval de bataille de la réponse à des requêtes émanant du milieu associatif et du milieu communautaire  et, si possible, de « groupes déjà organisés ». L'accès aux financements de nombreuses institutions de développement, est largement conditionné par l'appartenance à des associations, lesquelles ont comme point commun d'être des organisations reconnues par les pouvoirs publics. L'ANBEP est à mettre dans le foisonnement des associations nait à cette période. Suite au retrait de l'Etat6(*), elle a joué un rôle alternatif en essayant de prendre en charge les préoccupations des populations.

L'école communautaire ANBEP a émergé dans le contexte de la dégradation des conditions scolaires7(*) dans la banlieue Dakaroise (la classe à double flux, la classe multigrade, diminution des subventions destinées au cycle moyen, secondaire et universitaire, avec en contrepartie l'augmentation des frais d'inscription).

Sur le plan sanitaire, ANBEP s'est développé dans le cadre de l'absence de système de collecte des ordures ménagères qui plonge la banlieue dans un état d'insalubrité désolant. La prolifération des maladies sexuellement transmissibles et le SIDA constituaient également un tabou dans ce milieu (l'association a brisé le silence autour de ces maladies honteuses). Le diagnostic de la situation médicale de la ville de Pikine a conduit au développement des activités de sensibilisation, de formation et même la décentralisation de certaines d'entre elles à l'intérieur du pays dans la région de Matam.

D'autre part, la deuxième règle est la gouvernance. Nouveau principe de structuration de l'action publique dans les pays en développement comme dans les pays développés (Gaudin, 2002), la gouvernance implique l'instauration d'espaces de concertation réunissant élus locaux et représentants de la société civile8(*). Le quartier s'est révélé ainsi un cadre favorable à l'émergence d'une démocratie participative9(*) . Le mouvement associatif sert de trait d'union entre les résidents des quartiers comme lieu de discussion et de gestion des problèmes du territoire. ANBEP a su associer aux groupements de femmes et aux cercles de sages, les jeunes. C'est grâce à cette entente, que la zone de Yeumbeul, précisément le quartier Houdalaye a eu à bénéficier de certains services urbains essentiels.

La troisième règle est relative à la contractualisation de l'action publique qui fait que la gestion d'équipements comme les bornes-fontaines revient à des comités de quartier (GIE, ASC etc.), lesquels sont liés aux financiers de l'équipement par un contrat d'exploitation ou de concession.

Cette réponse est porteuse d'alternatives car elle vise la transformation du milieu de vie qu'est le quartier. La vie de quartier se transformant en une culture entrepreneuriale, a créé une solidarité de génération qui s'est révélée plus solide que tout autre lien social. Les initiatives menées au niveau local ont pu bénéficier d'une reconnaissance de la part des autorités municipales qui pourtant voyaient en elles de potentiels concurrents au départ. Notre thème de stage « Analyse de l'impact des activités de l'Association Nationale pour le Bien Etre de la Population (ANBEP) dans la dynamique du développement local au Sénégal » trouve son intérêt dans ce contexte global de promotion des initiatives locales comme facteur de développement. Cette association est un cadre favorable pour mener cette étude, de part l'étendue de ses activités, les secteurs touchés et les populations impactées. A travers un réseau d'acteur constitué, elle a responsabilisé les populations, décloisonné l'espace local et joué un rôle dans la promotion et la réalisation du développement local. Il s'agit donc de comprendre le rôle joué par l'ANBEP à l'échelle locale en termes d'organisation et d'aménagement de l'espace, d'offre de service, de médiation entre les populations et les institutions, etc.

3.1.2 Position du problème

Caractérisées par sa grande flexibilité, ANBEP a su diversifier ses interventions en fonction de la demande sociale. On peut retrouver cet état des faits à travers les groupements de promotion féminine à objectif commercial qui, devant l'ampleur de la saleté dans les quartiers, mobilisent les habitants pour un investissement humain. Les jeunes face à la montée des braquages se sont rapidement transformés en veilleurs de nuit pour faire face à l'insécurité (le bras armé du quartier) ou en manoeuvres pour construire un édifice d'intérêt public (mosquée, école du quartier, etc.) ou évacuer les eaux stagnantes sans contrepartie financière.

Il est donc nécessaire de s'interroger sur l'existence, l'importance et le regain de la vie associative autour de ces paramètres : comment cette association contribue-elle au développement socio - économique du pays ? Quel est l'impact de cette contribution sur les conditions de vie des populations et sur le développement local ? Comment est-on arrivé à ce que cette association urbaine devient aujourd'hui un acteur de premier plan dans la « fabrication » des identités urbaines et locales10(*), dans la gestion des quartiers ?

Ce regard critique, nous permettra d'évaluer d'une manière spécifique l'impact spatial des associations de façon globale par rapport à leur raison d'être, à leur mission qui est de participer au développement du pays.

Pour mieux aborder ce problème, il est important de définir le sens que nous octroyons aux concepts utilisés.

3.1.3 Analyse conceptuelle et théorique

Pour mieux cerner les contours de ce travail, il nous a paru nécessaire de définir les concepts clés ci-après et de faire des analyses de chacun d'eux en vue de préciser le sens que nous leur accordons. Que signifie l'impact ? Qu'est-ce qu'une association ? Quelle signification conférons-nous à la dynamique et au développement local ?

Dans le dictionnaire universel (page 595) l'impact est défini comme un effet produit, une influence sur l'opinion par un événement. Le mot « impact » vient du latin « impactus », du participe passé de « implique », signifiant heurté. Selon l'encyclopédie libre wikipédia, dans les sciences de l'environnement, l'impact environnemental désigne l'ensemble des modifications qualitatives, quantitatives et fonctionnelles de l'environnement (négatives et positives) engendrées par un projet, un processus ou un procédé.

Dans les sciences sociales notamment en gestion des projets, les impacts sont décrits comme la combinaison des résultats (changement produit directement par l'action en fonction des objectifs du départ) et des effets (incidences directes et indirectes de l'action sur le milieu). Le temps joue également un rôle important dans l'analyse d'impact. Ici, l'échelle temporelle est prise sur une période de 20 ans. D'une manière plus pratique, on inclut dans le cadre de ce travail tous les changements significatifs dus aux projets où ce qui en restera. Autrement dit, l'ensemble des changements significatifs, durables, positifs et négatifs, prévus et imprévus sur les personnes, les groupes et leur environnement ayant un lien de causalité avec l'action. La réalisation des projets a donc entraîné une modification, c'est-à-dire une perturbation du système par rapport à l'état initial dont il faut rendre compte.

En ce qui concerne le mot association, étymologiquement il vient du latin associare qui signifie compagnon. C'est l'action d'associer, de s'unir. C'est le fait de réunir, d'unir, de joindre, d'assembler, de grouper.

Aux origines, les hommes et les femmes ont toujours eu besoin de s'associer. C'est pourquoi, on retrouvait en Egypte à l'époque de la construction des pyramides, des structures qu'on peut considérer comme les ancêtres des associations de secours mutuel.

De même, la vie économique et politique du Moyen Age a largement reposé sur des formes d'organisation à caractère associatif (communes, confréries, monastères, corporations,...) 
L'article 1er de la loi française du 1er juillet 1901 définit l'association comme la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices.

Il ressort d'une manière générale qu'une association est un regroupement volontaire et idéalement affinitaire d'au moins deux personnes qui décident de mettre en commun des moyens afin de poursuivre un but commun sans qu'il y ait enrichissement personnel et sans chercher à réaliser des bénéfices au profit des membres.

Plusieurs définitions ont été données pour caractériser le monde associatif. Pour la Commission Européenne11(*): « À la base, une association est tout simplement un groupe de personnes réunies en vue d'atteindre un but quelconque ». Pour le Petit Larousse12(*) illustré : « L'association est un groupement de personnes réunies dans un intérêt commun, différent de la poursuite de bénéfices ».

Par principe toute association naît d'un besoin. Celui-ci peut être de nature différente. Il est le moteur de la volonté de quelques-uns de faire naître une association. Au Sénégal quatre éléments caractérisent une association :

- La forme juridique : toute association est soumise à une déclaration préalable consistant pour les fondateurs à déposer, dès la constitution de l'association, deux exemplaires des statuts au Ministère de l'Intérieur qui après vérification délivre un récépissé dépôt. L'ANBEP est reconnue comme association sous le numéro 06458 du M. Int du 24 Octobre 1991. De par son rayonnement plus large et la nature de ses activités, elle est considérée comme poursuivant un but d'intérêt général (utilité publique), au bénéfice de tous et de ce fait tirant parti des subventions publiques c'est-à-dire des aides du gouvernement, des dons et legs provenant de toutes personnes. D'ailleurs, elle s'est transformée en ONG (sous l'agrément d'ONG n° 003616) depuis le 31 Mai 2003 sous l'autorité du Ministère de la Famille, de la Solidarité Nationale, de l'Entreprenariat Féminin et de la Micro Finance.

- Le champ géographique est relatif à la zone ou au domaine d'intervention de l'association. Certaines associations ont une vocation strictement locale, à l'échelle de la commune, d'un quartier, voire d'une institution.

- Pour la finalité, on peut avoir des associations sportives, de culture au sens large, d'éducation et de formation, de défense d'idées, d'intérêts, de solidarité et d'action sociale.

- L'importance peut s'évaluer de plusieurs manières : le nombre de membres, le rythme des activités, le public drainé par ces dernières, le volume des ressources humaines et financières, l'infrastructure, la médiatisation ... C'est donc une notion très relative.

En ce qui concerne la dynamique, elle est définit selon Salimata Wade13(*) comme « une initiative de développement qui s'opère dans le temps, dans un espace donné, et qui se caractérise par l'existence d'une motivation (d'ordre social, politique, économique) ». Dans un cadre plus large, nous intégrons dans la dynamique l'existence d'au moins une action, l'intervention d'un ou plusieurs acteurs avec des stratégies pour surmonter les difficultés et exploiter les opportunités. Nous y joignons, l'existence de résultats tangibles, susceptibles d'être reproduits, multipliés jusqu'à produire une évolution notable de l'environnement.

Le développement local est un concept qui est au coeur des débats dans les pays des Suds et en Afrique en particulier depuis la fin du 20 siècle. Esquissé déjà dans la réforme foncière de 1964, ce concept est réapparu au Sénégal vers les années 1980 à la faveur de la loi sur la décentralisation de 1972.

Il est formé de deux termes : « développement » et « local ». Le développement est une notion polysémique qui sur le plan théorique est toujours en construction (il est qualifié par certains d'utopie). Selon Brunet14(*): « le développement n'est pas et ne sera sans doute jamais une science exacte mais une délicate alchimie qui s'élabore et se transforme jour après jour dans ces nouveaux laboratoires de la société que sont les territoires ». En revanche, le local est un concept qui a été développé par les géographes pour exprimer une catégorie d'acteurs qui implique la notion de proximité, d'exercice des actes à une grande échelle (exemple le quartier). La notion de « local » recouvre un échelon infra-régional, qui selon les cas peut-être une ville, une zone rurale, une commune, un quartier. La notion de territoire, plus globale, permet de faire le lien entre différents espaces locaux, régionaux ou nationaux ainsi qu'entre les espaces ruraux ou urbains. En effet, le développement local a été défini par Jacqueline Mengin15(*) comme « une intervention structurée, organisée, à visée globale et continue dans un processus de changement des sociétés locales en proie à des déstructurations et des restructurations ».

Le développement local, tout en répondant à un certain nombre de finalités, est fondé sur un ensemble de postulat notamment :

- Il s'agit d'un processus ou d'une démarche et non un projet défini ou une simple procédure. C'est un type de réflexion concertée sur les problèmes locaux et sur les spécificités sociales ;

- Il intervient dans un espace donné (un territoire construit) non pas administratif mais dans lequel les acteurs se retrouvent sur les bases de solidarité (lien entre les acteurs) et d'identité (les gens se connaissent et se reconnaissent dans cet espace et appartiennent à un même milieu territorial et culturel) ;

- Il dépasse l'échelle communale, régionale..., qui était historiquement l'espace social de base. Le niveau local permet une meilleur identification des besoins et par là une plus grande souplesse, de capacité d'ajustement et de suivi. L'échelle d'intervention du développement local est ainsi un territoire de vie. La proximité et la connaissance du terrain facilitent la construction d'une confiance entre acteurs nécessaire à la concertation ;

- Il se fonde sur un mode de gestion basé sur le partenariat entre la société civile et les autres acteurs du développement. Les pouvoirs publics vont jouer un rôle de régulateur et de facilitateur autorisant un partenariat public - privé ;

- Il réunit une pluralité d'acteurs dont la gouvernance locale (jeu des acteurs) permet à chacun d'entre eux (entreprise, élus, associations, population) de faire valoir sa vision du problème ce qui amène une meilleure prise de décision et l'émergence d'un espace d'information et de discussion.

Le développement local est ainsi une nouvelle forme de l'action publique basée sur le constat de dysfonctionnement. De ce fait, ce processus s'applique à tous les territoires en proie à une gestion de l'espace inexistant, défaillant ou encore inefficace. Au Sénégal, les villes et les campagnes cristallisent les dysfonctionnements et celles-ci sont soumises à une paupérisation aggravée par le manque de moyens financiers des pouvoirs publics. S'appuyant donc sur un important dynamisme des populations et surtout des associations, le développement local consisterait à définir une nouvelle gestion de l'espace permettant à terme, une réduction de la pauvreté et une amélioration des conditions de vie des habitants.

Les zones d'interventions de l'ANBEP sont le lieu d'analyse et d'observation privilégié du phénomène. Le développement local s'apparente ici au développement à la base16(*) et se fonde sur deux constats importants :

- Le premier concerne les politiques d'aménagement du territoire (logique d'Etat) mises en oeuvre pour corriger les grands déséquilibres géographiques et socio-économiques (logiques de marché) qui ont montré leurs limites. Le mode de gouvernance s'appuyant sur une organisation des volontés locales (logique de territoire) se trouve ainsi plus efficace ;

- Le second est celle de l'échec des projets de développement n'impliquant pas et ne responsabilisant pas assez les populations bénéficiaires (ou les associations communautaires) notamment à cause d'un manque de moyens d'actions et de leur inadéquation par rapport aux besoins réels.

Placé sous l'angle des associations, le développement local est un projet global d'animation du territoire et permet un renforcement des capacités d'agir des collectivités locales. Autrement dit, une démarche partant du bas et privilégiant les ressources endogènes. La pertinence en est que ce type de développement se délimite dans des territoires correspondant à un espace de solidarité, dans lequel les habitants ont une histoire commune (pauvreté, exclusion sociale, même identité culturelle...), à laquelle ils sont attachés individuellement et collectivement.

3.2 METHODOLOGIE

La méthodologie est une exigence pour tout travail car sans elle on ne peut prétendre à aucun résultat scientifique conséquent. Chemin faisant, nous avons adopté un processus permettant de recueillir des informations appropriées selon une démarche en trois phases. 

3.2.1 La démarche de diagnostic

Elle s'est réalisée selon trois phases : l'analyse des données primaires et secondaires, les sources tertiaires (interviews) et l'observation directe.

Une des premières étapes du stage a consisté à faire un état de la question. Elle s'est résumée à la collecte et à la vérification des données disponibles relatives au développement local. Les sources consultées sont :

- de types primaires (document officiels) ;

- secondaires (articles, revues et livres) ;

- et les données socio-économiques sur la zone d'intervention de l'association.

Ce travail a permis de faire un état des lieux de l'ensemble des activités menées par l'association, d'analyser et de faire la synthèse des données pour l'identification et la mise en évidence des enjeux spécifiques liés au développement local.

Ce procédé a revêtu une importance capitale dans notre démarche en orientant la conception méthodologique et la problématique des associations pour le développement local. Cette étape est complétée par la fréquentation des centres de documentation comme : la bibliothèque de l'école Nationale d'Economie Appliquée, de l'Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie, de l'UCAD, de l'Institut de Recherche pour le Développement et le CRDI. Nous avons aussi consulté des sites web d'organisme spécialisé sur la question.

La seconde phase plus pratique s'est résumée d'une part à la participation aux activités de cette structure par :

- l'appui à l'organisation, aux suivis quotidiens de réunions et de mission sur le terrain ;

- la participation active aux tâches administratives et logistiques, la rédaction de comptes-rendus.

D'autre part, nous avons réalisé des interviews vers les cibles pouvant détenir une réponse appropriée à nos préoccupations. Puisque le cadre d'étude est restreint et limité à l'aire d'intervention de l'ANBEP, nous n'avons pas effectué d'échantillonnage. Une étape préparatoire (le croisement des documents papiers et électroniques) a facilité le dialogue avec les acteurs locaux. En s'appuyant sur l'expérience vécue, les interviewés sont plus coopératifs et s'ouvrent plus à la discussion. L'enquête par entretien était une démarche pertinente, car elle est de nature un processus exploratoire. Alain Blanchet et Anne Gotman17(*) le soulignent, « l'entretien s'impose chaque fois que l'on ignore le monde de référence, ou que l'on ne veut pas décider à priori du système de cohérence interne des informations recherchées ».

La dernière étape est consacrée à l'observation directe sur le terrain. Elle a permis de procéder à des vérifications et d'évaluer l'incidence des activités réalisées.

Cette démarche de diagnostic territorial a intégré une dimension plurielle du territoire notamment :

- la multiplicité des acteurs intervenants dans le territoire de l'association (pour appréhender systématiquement les relations entre le local et le global) ;

- les relations entre les phénomènes (superposition des localités, des spécificités culturelles et territoriales) ;

- la compréhension des acteurs en présence, leurs prérogatives formelles et informelles et la traduction spatiale de ces dernières ;

- l'explication de cette organisation spatiale ;

- l'identification et la compréhension des jeux d'acteurs qui sont en amont, leur position institutionnelle ou non, les ressources et contraintes qui leurs sont associés.

3.2.2 Les informations collectées

Pour analyser l'impact des activités et la participation des différents acteurs sur le développement local, les informations collectées sont en gros :

- les données et indicateurs qui permettent de décrire l'organisation spatiale par une analyse multi-échelle ;

- les temporalités et dates clés de l'association qui permettent d'interconnecter les processus et d'identifier les étapes essentielles au système territorial ;

- les connaissances liées aux processus de décision et aux équilibres entre les acteurs qui placent les territoires en tension autour des organisations spatiales ;

- les rapports d'activités et d'évaluations réalisées par les institutions chargées de l'exécution des projets ;

- les entretiens effectués avec les personnes ressources ;

- l'observation participante qui permet de saisir les acteurs sur le vif.

3.2.3 Analyse et interprétation des données

La méthode d'analyse par de l'observation des actions identifiées, les réseaux d'acteurs ou sociaux impliqués à la manière dont ils se l'approprient et transforment les projets en ressources économiques ou politiques. Cette analyse s'est effectuée selon une démarche déductive en partant du général vers le particulier. La grille d'analyse des entretiens exploratoires et la construction du cadre théorique ont fortement permis de dégager les grandes étapes de l'association et les stratégies mises en place. Nous avons utilisé les procédés de traitement du cycle de l'information. Les différentes données (phénomènes observables et matériaux bruts retenus) traitées et analysées ont servi à la production de ce rapport.

En fonction des différents objectifs que nous nous sommes fixés, nous avons établi des indicateurs d'impacts18(*) (cf. tableau 1) pour évaluer les incidences des activités de l'ANBEP sur le terrain. La situation de référence est l'année de création de l'ANBEP qui se distingue par la raréfaction des infrastructures de bases dans la zone d'intervention de cette structure.

Tableau1 : Indicateurs d'impacts

Impacts

Indicateurs

Modalité d'analyse

Source à mobiliser

Impact social et sanitaire

- Nombre d'activités volet environnement,

- Action thématiques et outils utilisés

- Nombre de relais communautaires formés

- Nombre d'infrastructures d'amélioration du cadre de vie

Extension des activités et pérennité du réseau des acteurs.

Diminution de certaines maladies liées à l'hygiène.

Comparaison des données sanitaires

En interne : rapports annuels des activités de formation, information et sensibilisation, sur la gestion de l'environnement.

En externe : entretiens avec les deux Infirmiers Chefs de Poste (ICP) de Yeumbeul

Impact économique et financière

- Nombre de AGR crée et de personnes employées

- Nombre de caisse d'épargne crée

- Nombre d'atelier de formation en économie

Evaluation de la situation financière des personnes impliquées dans les activités économiques depuis la situation de référence.

En interne : rapports annuels des AGR

Impact technique et organisationnel

- Nombre de formation des populations à la gestion, à l'entretien d'ouvrage

- Nombre de comité de gestion crée

Implication des services techniques

En interne : rapport des ateliers de formation

Implication dans la gouvernance locale

- Publication des rapports mensuels, semestriels et annuels

- Organisation de réunion, d'ateliers périodiques

- Nombre de participants aux assemblées

Evaluation des rencontres réunissant membres de l'association et membres de la collectivité locale

Nature des subventions accordées à l'association

En interne : participation aux rencontres de l'association

En externe : évaluation des rapports des collectivités locales dans l'implication et l'appui aux OCB

PRESENTATION DES RESULTATS

* 6 La fin de la guerre froide et de la rente stratégique ont aggravé la situation brutalement. On parle pour les années 1990 de la « décennie perdue » en Afrique. Les politiques d'ajustement structurel ont poussé l'Etat du Sénégal fortement endetté à se désengager par le transfert de compétences de certains services clés aux collectivités locales, le retrait des subventions et la privatisation des sociétés nationales. Les associations se voient ainsi favoriser par cette nouvelle démarche.

* 7 Elles se traduisent par un cycle prolongé de grèves scolaires et universitaires (avec comme points culminants, l'année blanche de 1988 et l'année universitaire invalidée de 1993).

* 8Le règlement du Programme d'appui au développement local urbain (PADELU) financé par le Fonds Européen de Développement (FED) indique dans l'article 1 que « la commune est responsable de la phase « Identification et Elaboration des projets », à laquelle les populations à travers les organisations communautaires de base (OCB) participent pleinement selon un processus participatif. L'existence d'un cadre de concertation est une condition sine qua non pour l'agrément des projets par le programme. Le cadre de concertation doit être un espace d'échanges et de réflexions entre les élus, la société civile et les services déconcentrés de l'Etat, pour définir les projets prioritaires de développement de la commune ».

* 9 Les chefs de quartiers ont toujours joué un rôle de pilier à l'Etat en remplissant un rôle de médiateur.

* 10 Cadre de socialisation, de reconnaissance où les acteurs locaux bénéficient d'une reconnaissance sociale à l'échelle du quartier

* 11 Commission Européenne, Communication sur la promotion du rôle des associations et fondations en Europe, Office des publications officielles des communautés européennes, Luxembourg, 1997, p.6

* 12 Petit Larousse, 1980, page 69

* 13 Wade, Salimata, 2001, « Lecture des dynamiques associatives à travers leur participation au fonctionnement des villes ouest-africaines », Revue sénégalaise de sociologie, 4-5, pp.129-97.

* 14 Roger Brunet, 1992 « les Mots de la géographie »

 

* 15 Jacqueline Mengin, 1989 « Guide du développement local », collection Harmattan, 120 pages

* 16 Esquissé déjà dans la réforme foncière de 1964, ce concept est réapparu au Sénégal vers les années 1980 à la faveur de la loi de décentralisation de 1972. Le développement à la base est une dynamique de développement impulsée par le bas, c'est-à-dire par la communauté locale elle-même, pour mieux satisfaire les besoins locaux qui se différencient en fonction des caractéristiques naturelles, sociales ou culturelles propres à chaque territoire. Les initiatives locales sont portées par des acteurs locaux issus du monde associatif, de la société civile et de l'économie informelle ou populaire, pour contrecarrer les effets de la crise dans les zones en difficulté.

* 17 Alain Blanchet et Anne Gotman, 2006 «  L'enquête et ses méthodes : l'entretien ». Armand Colin, coll.128, Paris, Page 40.

* 18 Il s'agit de signes vérifiables et mesurables qui par comparaison à une référence permettent de porter une appréciation.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand