II. Les manifestations de l'insécurité en
Afrique centrale
Le spectre d'autres facteurs déstabilisateurs
et crisogènes se combinant selon des logiques et des schémas
extrêmement complexes caractérise cet espace. Certains facteurs
peuvent être considérés comme à forte incidence sur
la stabilité et la paix sous régionale les activités
criminelles autour des frontières, la prolifération des armes
légères et petits calibres (ALPC) et la piraterie maritime dans
le Golfe de Guinée.
II.1. La criminalité transfrontalière
L'insécurité transfrontalière en
Afrique centrale peut être appréhendée à travers
plusieurs modalités : les pratiques, les facteurs explicatifs, les
motivations et les incidences. Du point de vue des pratiques, il faudrait
commencer par les usages des coupeurs de route50. C'est un
phénomène récurrent dans cette zone qui se manifeste en
embuscades et raids sur des campements isolés et en vol de troupeaux.
Une autre pratique consiste en des prises d'otages. Le kidnapping de personnes
et personnalité s'exerce généralement sur des individus
issus de familles rurales, en vue du paiement d'une rançon sous peine de
l'assassinat des otages51. Une troisième pratique consiste en
la transmigration des groupes politico-militaires localisés aux
alentours du Lac Tchad, au Darfour ou au Nord-Ouest de la RCA. Par ailleurs, on
observe un banditisme militaire transfrontalier, pratiqué par des
éléments des forces régulières et des combattants
affiliés ou non à des mouvements armés.
En outre, on note l'itinérance de bandes
armées, qui consiste en la segmentation des groupes, à partir de
leur lieu de départ, pour se reconstituer à des centaines de
kilomètres, souvent hors de leur pays d'origine. Une autre pratique se
manifeste par un mercenariat et une solidarité militaire intra-ethnique
transfrontalière. On note des pratiques de transhumance et de trafic du
bétail. C'est l'un des maillons de l'économie régionale,
expliquant la récurrence de l'insécurité dans les zones de
pâturages; l'interdiction momentanée de sortie du bétail
tchadien
50 Djimtoloum Rangar, « La
prolilifération des ALPC et le phénomène des coupeurs de
route en Afrique centrale :quel rôle pour la société civile
? Lutte contre la circulation des armes légère et le
phénomène des coupeurs de route en Afrique centrale : quel
rôle pour la société civile ?, Friedrich Ebert
Stiftung, Yaoundé, 2006.
51 Saibou Issa, « La prise d'otages aux
confins du Cameroun, de la Centrafrique et du Tchad : une nouvelle
modalité du banditisme transfrontalier », in Polis,
RCSP, Vol. 1-2, 2006.
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du fait de son impact sur le coût de la viande
et de ses liens présumés avec le financement des groupes
armés non étatiques. Il y a également des trafics d'armes
légères, de véhicules volés et des pierres
précieuses52.
En ce qui concerne l'Afrique centrale, deux zones
transfrontalières présentent des facettes d'une
insécurité chronique : Cameroun, Tchad et Centrafrique,
qualifiée de « triangle de la mort », en opposition à
l'autre « triangle de l'opulence » (Cameroun, Gabon et Guinée
Equatoriale), que s'est beaucoup développée cette forme de
criminalité. Le triangle frontalier Cameroun-Centrafrique et Congo est
aussi une zone de libre circulation des armes légères. Cette zone
est entourée de foyers de tensions de toutes natures, à savoir la
partie sud du Congo, le Tchad, la RCA, le Darfour, les Grands
Lacs53.
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