I.3. ATTEINTES OCULAIRES AU COURS DE L'INFECTION A
VIH/SIDA
(19, 20)
Elles sont cliniquement présentes dans 75% des cas et
histologiquement observées dans près de 100% des cas.
Différents tableaux existent en rapport avec
l'infection à VIH ou relatif à l'immunodépression,
à un cancer ou à une neuropathie.
Les altérations vasculaires observées
ressemblent à la micro angiopathie diabétique. La
pathogénie de ces lésions n'est pas élucidée mais
différentes hypothèses sont évoquées :
altération endothéliale due au VIH, dépôts de
complexes immuns ou troubles rhéologiques.
I.3.1. Les atteintes des annexes, de la surface oculaire
et du segment antérieur
Elles sont variées, polymorphes, isolées ou
associées. Des altérations des vaisseaux conjonctivaux sont
fréquentes (télangiectasies, tortuosités, dilatations,
shunts, hémorragies).
La raréfaction du film lacrymal est responsable de
xérophtalmie chez 15% des malades.
Les lésions dues au Molluscum contagiosum sont
plus étendues que chez le sujet immunocompétent ; elles sont
confluentes et nécessitent exérèse et/ou
cryothérapie.
On observe un lymphome chez 3 à 8% des patients
séropositifs. La localisation orbitaire représente 2% des
lymphomes Hodgkiniens. Le tableau clinique est celui d'une exophtalmie
inflammatoire aigue. La tomodensitométrie met en évidence une
érosion osseuse évocatrice, une déformation du globe par
refoulement et une infiltration diffuse de la graisse orbitaire, du muscle
releveur de la paupière supérieure et du muscle droit
supérieur. Il s'agit de lymphomes de haut grade de malignité ou
de lymphomes de Burkit. La biopsie est d'un grand secours pour le diagnostic
positif et histologique.
16
Une forme viscérale disséminée de
syndrome de Kaposi est observée chez 20 à 50% des patients
séropositifs. La localisation palpébro-conjonctivale est
caractérisée par ses éventuelles complications
cornéennes (kératite superficielle, ulcère), des troubles
secondaires de la sécrétion lacrymale et un déficit
esthétique. Dans ces formes localisées, l'exérèse
conjonctivale, cryothérapie palpébrale sont plus efficaces que la
chimiothérapie et la radiothérapie.
Des kératites et des conjonctivites bactériennes
voire fongiques, sont observées dans 10% des cas. On note avec une plus
grande fréquence les complications du zona ophtalmique et des
kératites herpétiques. Quelques cas d'épithéliites
bilatérales, diffuses et douloureuses dues à une microsporidiose
ont été rapportés.
I.3.2. Les atteintes du segment
postérieur
Les lésions choriorétiniennes (souvent
difficiles à différencier les unes des autres) sont multiples,
parfois silencieuses tout en constituant un index certain de gravité.
Elles justifient une surveillance ophtalmologique systématique et
régulière dans le SIDA. Les unes paraissent liées à
l'atteinte directe par le VIH (vascularite). D'autres plus nombreuses, sont
l'expression d'infections opportunistes développées à la
faveur de l'immunodépression ; elles ont la particularité,
surtout pour celles d'origine virale, d'être fréquemment
associées. Leur diagnostic étiologique passe par la
réalisation de prélèvements d'humeur aqueuse et/ou de
vitré (mesure des taux d'anticorps, étude en PCR).
a) Vascularite rétinienne
artériolaire
Les nodules cotonneux représentent le signe le plus
fréquemment retrouvé (50% des patients). Ils sont d'autant plus
fréquents que le taux de CD4 est bas et qu'il existe
parallèlement une élévation de la vitesse de
sédimentation et du fibrinogène. Les signes cliniques et
angiographiques ne diffèrent pas de ceux des autres rétinopathies
dysoriques. Ils disparaissent en 3 à 4 semaines. Le mécanisme en
cause n'est pas connu mais on évoque une altération de
l'endothélium capillaire due au VIH. Ils sont à l'origine d'une
destruction de fibres optiques et de ce fait interviennent dans la perturbation
du sens chromatique et de la sensibilité aux contrastes. Le diagnostic
différentiel se pose avec une
17
forme débutante de rétinite à
CMV, d'autant plus que ces nodules peuvent être un facteur de
risque pour une surinfection au virus CMV par l'altération de la BHR
qu'ils provoquent. L'angiographie à la fluorescéine montre une
hypo fluorescence même aux temps tardifs en cas de rétinite
à CMV, alors que le nodule cotonneux donne lieu à une hyper
fluorescence marginale aux temps tardifs. D'autres signes de vascularite
rétiniennes peuvent être notés : hémorragies, micro
anévrysmes, télangiectasies, tache de Roth, foyers
d'ischémie capillaire.
Des occlusions veineuses rétiniennes, dont les
manifestations ne diffèrent pas d'une autre occlusion veineuse de forme
ischémique, ont été rapportées. Les études
histologiques en microscopie électronique et utilisant les techniques
d'hybridation, n'ont pas mis en évidence de cause virale aux
altérations de l'endothélium vasculaire. Un mécanisme
rhéologique est avancé.
b) Infections choriorétiniennes
Des multiples micro-organismes et parasites sont susceptibles
de se développer dans l'oeil, et tout particulièrement au niveau
choriorétinien, au cours du SIDA. L'atteinte est
généralement multifocale.
1. Infections bactériennes
Des mycobactéries, mais aussi des spirochètes
peuvent être en cause. La syphilis prend l'aspect d'un foyer
choriorétinien nécrosique blanc associé à des
hémorragies, à des engainements artério-veineux, et
parfois à une hyalite. Le pronostic est favorable sous
pénicilline. La neuro syphilis peut s'accompagner d'une névrite
optique. Dans le SIDA, les sérologies VDRL et TPHA sont parfois
faussement négatives.
S'il existe une tuberculose disséminée, une
localisation oculaire peut apparaître sous la forme d'une uvéite
granulomateuse, d'une hyalite modérée ou d'une infiltration blanc
jaune choroïdienne.
18
2. Infections mycosiques et parasitaires
Si des choriorétinites multifocales à
Cryptococcus neoformans, à Pneumocystis carinii, à Histoplasma
capsulatum, à aspergillus, à candida ont observées, c'est
la toxoplasmose qui domine les parasitoses oculaires du SIDA,
bien que sa fréquence ait diminué depuis la prévention de
l'infection à Pneumocystis carinii par l'administration de
sulfaméthoxazole-triméthoprime. Elle représente 1 à
3% des infections oculaires. Elle est bilatérale dans 20% des cas,
associée à un foyer ancien cicatriciel dans 4% des cas, à
un abcès cérébral dans plus d'un tiers des cas. Le taux de
CD4 est ici plus élevé (entre100 et 200/mm3). Le patient se
plaint de myodésopsies, d'amputation du champ visuel ou de baisse de
l'acuité visuelle. Contrairement à la rétinopathie
à CMV, la réaction inflammatoire est plus importante avec un
Tyndall de l'humeur aqueuse dans 50% des cas et une hyalite qui peut
gêner l'examen du fond d'oeil. Le foyer est unique ou peut prendre
l'aspect d'une miliaire ou d'une nécrose diffuse.
Sont en faveur d'une toxoplasmose : un foyer sans
hémorragie retienne, un épaississement rétinien, des bords
de lésion mieux définis et plus régulier. L'angiographie
est caractérisée par une hypo fluorescence précoce, puis
une hyper fluorescence débutant en périphérie de la
lésion et s'étendant de façon centripète. La
lésion parait angiographiquement plus étendue que le foyer
observé au fond d'oeil.
Le diagnostic repose par ailleurs sur l'efficacité du
traitement (association pyriméthamine-sulfadiazine). Le diagnostic
différentiel doit être fait avec la rétinite à CMV,
la syphilis et la nécrose rétinienne.
3. Infections virales
Elles sont fréquentes, graves et sont à
l'origine de syndrome ou de maladies choriorétiniennes
d'individualisation récente.
- Rétinite à CMV :
Elle est la plus fréquente des infections virales
opportunistes (20 à 25%), rarement observée, quand le taux de CD4
est supérieur à 100/mm3. La rétinite à CMV survient
en général chez des patients ayant moins de 50/mm3 de CD4,
parfois aux alentours de 100/mm3 de CD4, exceptionnellement au-
19
dessus de 150/mm3 de CD4. Au cours de la maladie à CMV,
la rétine est la localisation la plus fréquente (80 %), suivie
par le tube digestif (10-15 %). Pour un patient ayant moins de 50/mm3 de taux
de CD4, le risque de développer une rétinite à CMV est de
42 % à 27 mois.
- Nécrose rétinienne virale :
Deux syndromes sont caractérisés par le
développement de plages de nécrose rétinienne : la
nécrose rétinienne aigue (syndrome ARN : Acute Retinal Necrosis)
et le syndrome PORN (Progressive Outer Retinal Necrosis). Observés avec
une fréquence croissante au cours du SIDA, mais également dans
d'autres circonstances (panvascularites). Ces deux syndromes seraient dus aux
même virus (HSV, VZV) ; leur présentation clinique exprimant
peut-être une différence d'immunodépression.
I.3.3. Atteintes neuro-ophtalmologiques
Il existe différentes causes neurologiques aux baisses
d'acuité visuelle chez les patients séropositifs pour le VIH. En
dehors des infections choriorétiniennes, les études ont
montré chez les patients une altération de l'ERG, une
altération de la vision des contrastes de type trytan, une diminution de
la sensibilité aux contrastes et des déficits
périmétriques. L'atteinte se situe au niveau des fibres optiques
(c'est le problème des nodules cotonneux), au niveau du nerf optique
(par cryptococcose méningée, par lymphome ou par
altération par le virus VIH lui-même). D'autre part, des troubles
neurologiques sont retrouvés cliniquement chez 40% et dans 70 à
80% des études anatomopathologiques. Les troubles visuels ou des
ophtalmoplégies peuvent être secondaires à une atteinte
cérébrale : leucoencephalite ou démence provoquée
directement par le VIH, une carcinomatose ou une infection opportuniste du SNC
par différent agent : toxoplasme, cryptocoque herpès.
I.3.4. Atteintes oculaires dues aux
traitements
Ce sont avant tout les traitements antituberculeux qui sont en
cause : la neurotoxicité de l'éthambutol et les uvéites
antérieures et postérieures apparaissent sous rifabutine
(donnée dans le traitement des mycobacterioses atypiques ou en cas
d'échec des autres antituberculeux).
20
I.3.5. Atteintes oculaires dans le cadre du syndrome de
reconstitution immunitaire (21)
Le syndrome de reconstitution immunitaire est un ensemble des
manifestations cliniques de nature inflammatoire survenant quelques semaines
après la mise en route d'un traitement antirétroviral,
habituellement chez un patient infecté par le VIH très
immunodéprimé.
Le SRI survient à la faveur de la restauration des
lymphocytes CD4, après réduction de la charge virale plasmatique,
le plus souvent chez des patients en cours de traitement d'une infection
opportuniste.
Le traitement antirétroviral entraîne une
reconstitution des réponses immunitaires, ce qui a permis une diminution
de la mortalité liée aux infections opportunistes. Cependant,
cette reconstitution peut parfois être pathologique et être
à l'origine d'un syndrome de reconstitution immunitaire (SRI) regroupant
l'ensemble des manifestations liées à la présence d'une
réponse immunitaire excessive dirigée contre des antigènes
d'un agent infectieux ou non infectieux. Les manifestations du SRI sont
polymorphes, son diagnostic est complexe. Il est observé avec la plupart
des agents infectieux responsables d'infections opportunistes, mais il regroupe
aussi des manifestations auto-immunes ou inflammatoires.
Des manifestations oculaires peuvent être
observées, surtout en cas d'infection à CMV, des uvéites
inflammatoires ont été également décrites chez des
patients traités pour une rétinite à CMV. L'uvéite
de reconstitution immunitaire se voit chez les patients VIH avec une
rétinite à cytomégalovirus pour laquelle ils
reçoivent un traitement. Cette uvéite apparaît lorsque le
taux de lymphocytes devient supérieur à 50 cellules/mm3,
permettant de suspendre le traitement d'entretien anti-CMV. La toxicité
oculaire se manifeste par l'apparition d'une vitrite, d'un oedème
maculaire, par la formation d'une membrane épi rétinienne ou la
survenue d'une cataracte.
21
II.1. TYPES ET PERIODE D'ETUDE
Nous avons réalisé une étude descriptive
à visée transversale, documentaire portant sur les fiches des
patients à sérologie VIH positive suivis au Service des Maladies
Infectieuses des Cliniques Universitaires de Kinshasa durant la période
allant de janvier 2002 à décembre 2015.
|