Les lanceurs d'alerte français, une espèce protégée ?( Télécharger le fichier original )par Julia Le Floc'h - Abdou Paris X Ouest - Nanterre La Défense - Master II Droit pénal et Sciences criminelles 2015 |
2 - Des supports numériques pour accueillir les signalementsLa protection juridique seule n'est pas suffisante pour tranquilliser la personne constatant des actes répréhensibles. Une confidentialité doitlui être offerte et ce pour garantir que l'accent est mis sur le contenu de la révélation plutôt que sur la personne qui en est à l'origine.À ce propos, Edward Snowden avait souligné « Mon sentiment c'est que les médias modernes se focalisent trop sur les personnes (qui divulguent). Cela me préoccupe car plus on se focalise sur eux, plus les médias pourront détourner l'attention »205(*). La question des hotlines ou plateformes numériques recueillant des alertes éthiques est donc centrale, celles-ci permettant au lanceur d'alerte de bénéficier de la confidentialité, voire de l'anonymat (dans un premier temps à tout le moins), le protégeantde représailles immédiates. Comme cela a été vu préalablement, c'est par l'application de laloi SOX en France que la problématique de plateformes électroniques chargées de recueillir des signalements s'est posée. En effet, la SOX avait fondé l'obligation de prévoir des systèmes de collecte d'alertes professionnelles nécessitant un anonymat. Mais sur le fondement de la loi du 6 janvier 1978, la CNIL a condamné, le 26 mai 2005, deux dispositifs mis en place.Elle a assoupli sa position en novembre 2005 avec la publication d'un vade-mecum dans lequel elle a énoncé, qu'elle n'était pas opposée à un système d'alerte éthique « dès lors que les droits des personnes mises en cause [...] dans une alerte sont garantis au regard des règles relatives à la protection des données personnes », tout en rappelant que l'alerte anonyme « ne peut que renforcer le risque de dénonciation calomnieuse »206(*).Actuellement, les dispositifs d'alertes professionnelles, fixés par l'AU-004, ne sont pas anonymes. L'auteur doit être identifié et son identité doit est traitée de façon confidentielle. Cette confidentialité a une grande importance. La problématique de confidentialité figure au principe 18 de la recommandation du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe du 30 avril 2014. Selon la recommandation, ellene doit pas être confondue avec la révélation anonyme (c'est-à-dire le cas où un signalement ou des informations soient reçus sans que personne n'en connaisse la source).Cette confidentialité, davantage primordiale que l'anonymat, peut être améliorée et protégée grâce à des plateformes numériques gérées par une autorité administrative indépendante et non par les entreprises, utilisant les dispositifs AU-004, qui pourraient agir contre le lanceur d'alerte suite à la connaissance officieuse de son identité. D'ailleurs, dans son étude sur le droit d'alerte de février 2016, le Conseil d'État prône l'instauration et la garantie de la stricte confidentialité de l'identité des auteurs de l'alerte ainsi que, avant que le bien-fondé de l'alerte soit confirmé, des personnes qu'elle vise et des informations recueillies par l'ensemble des destinataires, internes et externes, de l'alerte (proposition 5).Corollaire de cette confidentialité et du bon traitement des informations, il préconise dans sa proposition 9la mise en place d'un portail chargé de transmettre aux autorités compétentes les alertes émises par des personnes ne sachant pas à quelles autorités s'adresser207(*). Retenons que davantage l'anonymat, la confidentialité du lanceur d'alerte doit être protégée. L'anonymat ne permet aucune traçabilité des sources, ni des intentions de l'auteur et peut engendrer une vérification approximative des informations. * 205 Propos tenus dans le film documentaire Citizenfourde Laura Poitras, produit par Praxis Films, sorti en 2014 (114 mn). * 206JP FOEGLE, Les lanceurs d'alerte, étude comparée France-Etats-Unis, op. cit., p. 85/86-167 * 207Conseil d'Etat « Etude sur le droit d'alerte : signaler, traiter, protéger », adoptée par l'Assemblée plénière en février 2016 |
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