CONCLUSION GENERALE
Au reste, pour être un levier important du
développement et lutter efficacement contre la pauvreté dans le
monde, la microfinance a changé d'option et s'est engagée depuis
les années quatre vingt dix sur la voie de la pérennité
financière conformément à la perspective
institutionnaliste. En effet, la plupart des acteurs du secteur se sont
investis pour l'atteinte de ces objectifs. Mais cette procédure a
créé une tension pour les IMF entre la poursuite de leurs
missions sociales (toucher les exclus, renforcer leurs capacités, etc.)
et l'atteinte de leurs objectifs financiers (couvrir les coûts de l'offre
de services) (CERISE, 2010). Ainsi, dans le but de mieux
cadrer les institutions de microfinance et les différents acteurs sur
les leviers à agir, nous avons choisi de travailler sur le thème
« Performance Sociale et Viabilité Financière des IMF
au Sénégal ». Ce thème se situe dans la
problématique d'arbitrage entre objectifs sociaux et
pérennité financière ayant fait, dans le domaine de la
microfinance, l'objet d'un débat entre le courant Welfariste et le
courant Institutionnaliste.
L'objectif général du travail consiste
à voir la convergence entre une prise en compte de la dimension sociale,
par les IMF, et la recherche de la viabilité financière. Cet
objectif général est scindé en trois objectifs
spécifiques qui consistent à :
· étudier le lien pouvant exister entre le ciblage
des pauvres et le ratio d'autosuffisance opérationnelle ;
· vérifier s'il ya une corrélation entre
l'adaptation des services aux besoins des clients et le ratio d'autosuffisance
opérationnelle;
· examiner le lien entre le capital social et le ratio
d'autosuffisance opérationnelle des IMF.
Pour atteindre ces objectifs cités ci-dessus, une
méthodologie hypothético-déductive a été
retenue, alliée à une démarche quantitative. Cette
dernière nous a permis de recueillir une moisson d'informations sur
notre terrain de recherche à l'aide des instruments de collecte de
données comme le questionnaire et l'interview. Après un dur
travail de labeur, nous sommes parvenus aux résultats suivants:
l'analyse descriptive révèle que les mutuelles de
l'échantillon pratiquent correctement les trois dimensions de la
performance sociale prises en compte dans ce travail. Il s'agit essentiellement
du ciblage des pauvres exclus, de l'adaptation des produits et services aux
besoins de la clientèle et de l'amélioration du capital social et
politique des clients. Par contre la plupart des mutuelles de
l'échantillon ne sont pas autosuffisances c'est-à-dire elles ne
parviennent pas à atteindre la norme de 100% édictée par
la BCEAO. Pour mieux visionner ce résultat, les scores moyens obtenus
sont agrégés dans le tableau ci-après:
Tableau 11 : Scores
moyens des dimensions des différentes variables
Concepts de la recherche
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Dimensions
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Scores moyens
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Performance sociale
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Le ciblage des pauvres exclus
|
58,4 %
|
L'adaptation des produits et services
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61,33%
|
L'amélioration du capital social et politique des
clients
|
56,6%
|
Viabilité financière
|
Ratio d'autosuffisance opérationnelle (RAO)
|
54%
|
Source : Données de
l'enquête
Après l'analyse descriptive, les tests
statistiques notamment l'utilisation du test de corrélation de Pearson
au seuil de 5% a été appliquée à l'ensemble de nos
hypothèses. Ainsi, concernant l'hypothèse H1, aucune
corrélation n'est notée entre le ciblage des pauvres exclus et le
ratio d'autosuffisance opérationnelle. Ce faisant, l'hypothèse H1
est rejetée.
L'hypothèse H2 est aussi
rejetée mais les services innovants et non financiers en
général et les alliances extérieures en particulier
élargies à la diversité des produits et services sont
corrélées positivement et de manière significative avec le
ratio d'autosuffisance opérationnelle.
Il y'a enfin l'hypothèse H3 liant
l'amélioration du capital social et politique des clients et le ratio
d'autosuffisance opérationnelle qui est, tout de même,
rejetée. Mais l'item « l'accès des
clients aux bilans financiers », traduisant ainsi la transparence
dans la gestion et la confiance entre clients et IMF, est aussi lié
positivement et de manière significative au ratio d'autosuffisance
opérationnelle.
Les résultats issus de nos analyses sont
intéressants dans la mesure où, dans le contexte du
Sénégal, l'hypothèse H1 est en déphasage avec la
plupart des travaux réalisés en Europe, en Amérique et en
Afrique plus particulièrement au Bénin avec le consortium ALAFIA.
En revanche, les hypothèses H2 et H3 confirment en partie ces travaux
précités.
Sur ce point, la convergence entre performance sociale et
viabilité financière passe donc par l'adaptation des produits et
services aux besoins des clients à travers les alliances
extérieures et la diversité des produits et services des
institutions d'une part, et d'autre part par l'amélioration de la
situation politique et économique des clients (capital social) à
travers la transparence et la confiance entre clients et institutions.
Pour approfondir ce travail, il est intéressant
d'élargir ces comparaisons à d'autres types d'études. Par
exemple, inclure à cette analyse des mesures de la pauvreté
permettant de vérifier la concordance entre les efforts entrepris par
les IMF pour servir les pauvres exclus et le profil réel de leurs
clients. A cet effet, deux nouveaux instruments d'évaluation de la
pauvreté comme l'Index de Progression de sortie de la Pauvreté
(PPI) et le Poverty Assessment Tool (PAT) ont été mis au point
pour évaluer la pauvreté d'usagers d'un programme de
développement d'une manière particulièrement
opérationnelle et peu onéreuse.
Comme le remarque CERISE (2008), ces
méthodes s'appuient sur un nombre réduit d'indicateurs issus
d'enquêtes nationales sur les niveaux de vie et sont
sélectionnées en fonction de leurs capacités statistiques
à déterminer le niveau de pauvreté d'un ménage. Les
indicateurs non financiers portent sur des critères facilement
identifiables et vérifiables, et permettent d'établir la
probabilité qu'une personne soit pauvre. En l'appliquant à
l'ensemble de la clientèle ou à un échantillon, nous
pouvons en déduire la proportion de clients qui sont en situation de
pauvreté.
En croisant également les résultats issus
des indicateurs de performance sociale avec ceux d'études de
marché, nous pourrons, en outre, savoir si une prise en compte de la
performance sociale, en termes de diversité des produits, de services
innovants et non financiers, de confiance et de transparence, influence
effectivement l'image de l'institution auprès du public.
Au final, ce travail a donné l'opportunité
d'étudier les relations existantes entre les indicateurs de performance
sociale à savoir le ciblage des pauvres exclus, l'adaptation des
produits et services aux besoins des clients et l'amélioration du
capital social des clients et celui de la viabilité financière en
l'occurrence le ratio d'autosuffisance opérationnelle. Cette recherche
constitue, à notre connaissance, un terrain peu exploré en
Afrique de manière général et au Sénégal en
particulier. Nous avons ainsi pu mettre en évidence la convergence
existante entre les deux concepts tout en montrant à travers les
résultats que les relations peuvent être approfondies davantage,
surtout au niveau de l'amélioration du capital social et politique des
clients, afin de développer de manière beaucoup plus fine des
approches intégrées d'évaluation de gouvernance et de
gestion de performance sociale. Ces dernières constituent ainsi une
perspective encourageante pour permettre aux IMF de combiner avec plus
d'efficacité l'utilité sociale et viabilité
financière.
En plus de ces perspectives de recherches, nous pouvons
également, dans nos études futures, intégrer des variables
comme le rendement des capitaux propres, le rendement des actifs et la
productivité du personnel qui constituent des variables
stratégiques de la performance financière. L'intégration
des ces variables nous conduit ipso facto à nous interroger sur la
question de l'analyse de la convergence entre performance sociale et
performance financière des IMF au Sénégal ?
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