L'abà¢à¢, corps de garde et espace de communication chez les Fang d'Afrique centrale. Une préfiguration des réseaux sociaux modernes.( Télécharger le fichier original )par Gérard Paul ONJI'I ESONO Université de Yaoundé II Cameroun - Master 2015 |
5. Centre culturel et musée71(*)Selon Steeve Elvis ELLA, « en pays Ekang (Fang), le Mvett se dit habituellement au lieu traditionnel appelé Corps de garde (aba) »72(*). L'Abââ est ce cadre d'expression des éléments fondamentaux de la culture fang qui se rattache étroitement à l'épopée du Mvet contée par des joueurs initiés. En effet, c'est dans le Mvet que réside toute la culture fang. Dans cette optique, « Le Mvett est joué initialement dans les corps de garde, dans les « cases de vie » (aba), qui est la demeure où s'assemblent les sages pour instruire les générations montantes. C'est le centre discursif et analytique où se façonne le jugement, lieu d'apprentissage de l'histoire, de la sagesse, de la rectitude, c'est là que l'on débat des affaires de la Cité. »73(*). Il est donc difficile d'entamer une lecture des aspects prégnants de la culture fang que sont : l'art oratoire guidé par les dictons et proverbes, les contes et légendes, les danses et rythmes, le jeu des instruments de musique et la formation des sonorités, la généalogie et autres relations de la parenté entre le clan qui occupe un village et les autres qui l'environnent, l'histoire du village ou de la communauté, les rites, etc. sans évoquer l'Abââ. En tant qu'entité culturelle à vocation d'institution millénaire chez les Fang, l'Abââ est génitrice et dépositaire de la culture. Le fait que cette culture est restée fondamentalement tributaire de l'oralité justifie son mode de transmission à travers les échanges interpersonnels, de génération en génération. Contenu dans le mythe, le mystique, les croyances, les représentations et l'ésotérique, les éléments constituant le socle de la culture, sont partagés par la communauté et deviennent alors « l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social ». Cette acception de la culture englobe, «... outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances »74(*). A côté de cette réalité sociale qui se déroule naturellement, il convient de faire remarquer que, certes le souci de transmettre ces éléments de la culture anime les anciens, mais ils les gardentpour les léguer aux descendants qui s'y intéressent manifestement et consciemment. C'est dans ce sens que MVE BEKALE dira que « l'abà » ou maison des hommes, est quelque peu le berceau de la culture fang »75(*), étant entendu que pour apprendre cette culture ou la transmettre, il faut bien cette communion interpersonnelle au sein de l'Abââ. Dans son rôle de musée, l'Abââ présentait diverses pièces allant des trophées de chasse aux instruments ou outils utilisés de tradition ancestrale. En effet, il était possible de voir des crânes de certaines bêtes redoutables de la forêt comme le gorille, l'éléphant, le buffle, le boa, le léopard...ou des peaux de reptiles accrochés aux poutres de l'Abââ. Cette pratique permettait, dans un premier sens, de conserver des reliques de ce genre pour que les générations à venir puissent contempler ces tableaux et pouvoir les reconnaître. Dans une autre approche, l'Abââ accueillant des passants et des étrangers, ces décorations exprimaient également la présence de vaillants hommes dans ce village, capables de dompter des créatures impressionnantes. Par conséquent, ce village méritait ou bénéficiait d'une considération certaine. En dehors de ces éléments, les anciens travaillent habillement dans l'Abââ autour des petits métiers de l'artisanat, de la vannerie, du tissage des filets de pêche et de la sculpture des outils utilisés dans la cuisine ou pour les travaux champêtres. C'est ainsi que les plus jeunes peuvent également apprendre ces métiers, chacun selon son talent. Par exemple, au moment de l'achat, la machette est garnie d'un manche. Mais, les paysans ont pris l'habitude de remplacer ce manche en bois par un autre, plus long, qu'ils savent fabriquer eux-mêmes, à partir d'un arbuste appelé « ndzitsip » chez les Ntumu. Ce manche rallongé est une adaptation à l'utilisation qui permet de résoudre un problème sérieux. En effet, l'homme qui défriche peut avoir une envergure plus importante de la lame de son outil qui balaie un rayon plus grand. D'autre part, certaines bêtes dangereuses comme les reptiles à venin peuvent être neutralisées à distance avec une machette qui a connu cette modification. Les paysans l'appellent « avion », comme pour insinuer que son rayon d'action a augmenté et qu'elle balaie une envergure plus grande, comme l'aile d'un aéronef. * 71NGUEMA-OBAM, Paulin. - Fang du Gabon. Les tambours de la tradition. Paris, Karthala, 2005, 192 p * 72ELLA, Elvis Steeve,Mvettékang et le projet Bikalik : essai sur la condition humaine,l' Harmattan Gabon, février 2011, 358 p. * 73BIYOGO, G., op. cit. pp. 182-183. * 74 Définitionque donne l'UNESCO de la culture. Source : http://www.techno-science.net, consulté le 12 octobre 2011. * 75MVE BEKALE, M., op. Cit., cité par Michel Fabre, Professeur émérite, Université Paris III-Sorbonne, http://mmvebekale.free.fr/pages/litt%20gabonnaise.htm |
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