EPIGRAPHE
« Peut-être seulement le Vieux qui a
provoqué tout ceci avec le son des tam-tam, sait que « l'homme
», ce héros, marque de sa mort la fin d'une Afrique et donne le
début d'une autre ».
Elisabeth OYANE MEGNE
In« La poétique
cubaine aux sources de l'oralité bantou »
DEDICACE
A feu mon grand-père Paul ONJI'I ESONO, fondateur de
l'Abââ de Mebem ;
A tous les acteurs qui oeuvrent par une action
dynamique,afin que les peuples d'Afrique perpétuent leurs traditions
malgré la mouvance de la modernisation.
REMERCIEMENTS
Chaque étape du chemin difficile qui mène
à la gradation dans la connaissance est généralement
abordée et bravée avec l'aide ou le soutien des Maîtres.
Tout seul, il serait prétentieux de croire que l'on irait loin...sinon
vers quoi ?
Je remercie de prime abord le Professeur Eugène BOOH
BATENG, mon directeur de mémoire qui, malgré ses occupations
importantes, a consenti à m'accorder tout le temps nécessaire,
avec beaucoup de sollicitude, afin de conduire ce travail. Il s'est
approprié cette thématique et la bonne compréhension qui
en a résulté a favorisé la symbiose entre lui et moi.
Certes, il s'agit pour lui d'une contrainte académique, mais j'aimerais
tant dire que c'est lui qui, après m'avoir suggéré de
mieux développer un article qu'il m'a commandé au sujet de
l'Abââ, m'a ouvert les yeux sur le vaste champ de recherche en
anthropologie de la communication. J'espère pouvoir y faire longue route
sous son encadrement.
De même, je tiens à remercier le Professeur
Laurent Charles BOYOMO ASSALA, Directeur de l'Ecole Supérieure des
Sciences et Techniques de l'Information et de la Communication pour son
soutien, son encadrement académique, ses précieux conseils et ses
encouragements, grâce auxquels nous avons pu arriver à ce stade de
notre formation et de notre travail de recherche.
Je remercie le Docteur MESSANGA OBAMA qui, de façon
spontanée, a participé significativement à
m'éclairer dans le domaine de l'anthropologie. Ma reconnaissance est
également exprimée au Docteur Emmanuel NDJEBAKAL dont la vision
m'a permis de développer le volet de ce travail de recherche relatif aux
réseaux sociaux.
Je remercie aussi tous ces
« lettrés traditionnels», selon
une expression de mon directeur de recherche, grâce à qui les
connaissances à nous transmises ont servi à plus d'un titre. Ils
sont en effet détenteurs d'un autre type de savoirs dont les chercheurs
peuvent s'inspirer pour développer des travaux au profit de la science.
C'est le cas du patriarche Jean Marc NDONG ONDJI'I, aîné et chef
de l'Abââ de Mebem qui m'a accordé plusieurs entretiens et
mis à ma disposition des documents anciens.
Je ne saurai oublier Ghislaine Sandrine FOUDA, mon
épouse. Son soutien affectif et psychologique m'a ragaillardi quand
j'éprouvais beaucoup de difficultés à devoir concilier mes
responsabilités familiales, mes tâches professionnelles et mon
travail académique.
RESUME
Depuis des générations, les
communautés fang d'Afrique Centrale ont développé le corps
de garde dans leurs villages sous l'appellation de
« Abââ ». Il s'agit d'une case
traditionnellement construite en matériaux végétaux sous
forme de hangar. C'est vers l'Abââ que les hommes et les
adolescents de sexe masculin convergent et passent du temps après leurs
travaux champêtres. Placé sous l'autorité d'un patriarche,
généralement aîné de la communauté,
l'Abââ joue plusieurs rôles déterminants au niveau de
la gestion du village dans tous les aspects de la vie. Plusieurs fonctions
remplies par l'Abââ, dont celle d'espace de communication et
d'interaction font de cette structure traditionnelle la plateforme
d'échange et de partage qui régit l'essentiel des relations
interpersonnelles dans les sociétés de l'aire culturelle Fang
à l'image des réseaux sociaux de l'ère moderne.
En soumettant notre constat à une analyse
scientifique, nous avons convoqué les théories de l'
organisation
sociale telles
qu'élaborées par Marshall MACLUHAN, qui stipule que la structure
sociale est un ensemble de relations sociales non fortuites entre individus,
liant les parties entre elles et le tout dans une organisation. Nous avons
également fait recours au fonctionnalisme, à la lumière
des travaux de MALINOWSKI qui propose d'intégrer que toute pratique
sociale, comme le phénomène de l'Abââ, par exemple, a
pour fonction de répondre aux besoins des individus. Les fonctions que
remplit l'Abââ et le jeu des rôles incarnés par les
acteurs sociaux qui se relaient selon les circonstances et les situations, ont
étépris en compte pendantla phase d'investigation. C'est dans
cette optique que nous avons aussi puisé dans les théories
d'Erving GOFFMAN qui soulignent la forme théâtrale de la
communication et suggèrent une lecture théâtraliste de la
société.
A travers différentes manifestations d'une
dynamique d'interactions observables au sein de l'Abââ, nous avons
envisagé d'établir une similitude entre l'Abââ et les
réseaux sociaux modernes. Force a alors été de constater
que des traits caractéristiques identiques et communs ressortent de
l'Abââ et de ces réseaux sociaux.
En conséquence, contemporain des réseaux
sociaux modernes, l'Abââ, dans son environnement qui est l'aire
socioculturelle des Fang d'Afrique Centrale, se révèle être
ce que les réseaux sociaux électroniques sont pour ce monde dans
la mouvance de la mondialisation ou de la globalisation.
ABSTRACT:
For many generations, Fang communities of Central Africa
have been developing the barrack room in their villages. These social
structures are labeled «Abââ». It generally consists of a
shed made of wood and plant material. It is at these
«Abââ» that men and male teenagers converge and spend
time after their rural works. Placed under the authority of an individual,
generally the eldest of the community, the «Abââ» plays
several crucial roles in the management of the village geared towards the
aspects of life. Several roles played by the «Abââ»,
notably providing a space for communication and interaction, make this
traditional social order the platform of exchange and sharing, which governs
the interpersonal relations in the Fang cultural area, just as the social
networking of modern time.
To further probe our notion in the realm of scientific
tools, we have summoned theories of social organization elaborated by Marshall
MACLUHAN, which postulates that the social structure consists of a set of
non-fortuitous social relationships between individuals linking these parties,
amongst themselves and in an organization as a whole. We also appealed to the
functionalism depicted in the publications of MALINOWSKI who suggests
acknowledging that any social practice, as the Abââ phenomenon, is
established to meet the needs of individuals. The roles embodied by the
Abââ and by the social leaders who take turns depending on the
circumstances or the situations form an integral part of our investigation.
Following this school of thought, we also draw from the theories of Erving
GOFFMAN which underline the theatrical shape of communication.
Through various manifestations of observable dynamic
interaction within the Abââ, we intend to demonstrate a similarity
between the Abââ and modern social networks. It is indeed evident
that identical and common characteristic features are portrayed between the
Abââ and thosesocial networks.
Consequently, existing in the same period, the
Abââ is in its natural environment, the sociocultural area of the
Fang of Central Africa, and is deemed to be what the electronic social network
is for the world in the sphere of influence of globalization.
AVERTISSEMENT
L'université de Yaoundé II n'entend donner
aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans le
présent mémoire.Celles-ci doivent être
considérées comme étant propres à leur auteur.
ABREVIATIONS, ACRONYMES, SIGLES
EPC : Eglise Presbytérienne
Camerounaise
ESSTIC : Ecole Supérieure des
Sciences et Techniques de l'Information et de la Communication.
Etc. : Et cetera
Ibid. :
Ibidem,(même endroit de l'oeuvre
citée)
LAN : Local Area Network
MPA : Mission Protestante
Américaine
NTIC : Nouvelles Technologies de
l'Information et de la Communication
Op. Cit. : opere citato, (dans
l'oeuvre citée)
RS : Réseau Social
TIC : Technologies de l'Information et
de la Communication
LISTE DES CARTES, FIGURES, TABLEAU
ET PHOTOS
Carte 1: Répartition
géographique des groupes Fang, Bulu et Beti (Perrois, 1972, p. 102),
reproduit par Xavier CADET.
4
Carte 2: Les sites de
réseaux sociaux mondiaux les plus fréquentés
66
Carte 3: Répartition
des réseaux sociaux utilisés en général dans les
différents continents du monde en 2008
67
Figure 1:
Représentation de l'architecture des LAN (Local Area Network).
4
Figure 2:
Modélisation de l'Abââ dans le village fang
78
Figure
3: Représentation de la communauté des membres de
l'Abââ de Mebem sur trois générations
80
Figure
4: Schéma de la théatralisation d'interactions
communicationnelles lors d'une cérémonie de dot dans
l'Abââ.
83
Tableau 1: Décompte
des Mebââ (pluriel d'Abââ) sur l'axe Meyo
Centre - Ma'an et environs
4
Photo 1 :Une vue d'un
village fang avec l'Abââ placé au
centre........................
4
Photo 2: Photo de
l'Abââ de Thoo-Efack, village situé entre Oyem et Bitam, au
Nord du
Gabon.................................................................................
33
Photo 3: Une vue de
l'Abââ modernisé de Mefoup, village situé dans
l'arrondissement d'Ambam/Sud Cameroun, sur l'axe Ebolowa-Ambam, PK
26..................
33
Photo 4: Une vue de
l'Abââ de Mvi'ilimengalé reconstruit par la
société forestière WIJMA, village situé dans
l'arrondissement de Ma'an, PK 15 sur l'axe Ma'an-Nyabizan
(Memve'ele)................................................................
34
Photo 5: Image d'un
tamtam.....................................................................
36
Photo 6: Une partie de
Songo à l'Abââ dans un village près de Mimvul au nord
du
Gabon....................................................................................
36
SOMMAIRE
EPIGRAPHE
Erreur ! Signet non
défini.
DEDICACE
ii
REMERCIEMENTS
iii
RESUME
iv
ABSTRACT:
v
AVERTISSEMENT
vi
ABREVIATIONS, ACRONYMES, SIGLES
vii
LISTE DES CARTES, FIGURES, PHOTOS ET
TABLEAU
viii
INTRODUCTION GENERALE
1
1. CONTEXTE
2
2. RAISONS DU CHOIX DU
SUJET
3
3. DELIMITATION DU
SUJET
4
4.
PROBLEMATIQUE
5
5.
HYPOTHÈSES
6
6. CADRE
THÉORIQUE
7
7. REVUE DE
LITTERATURE
9
8. CADRE
METHODOLOGIQUE
14
9. PLAN DU
MEMOIRE
16
10. DIFFICULTES RENCONTRES
ET LIMITES DE LA RECHERCHE
17
CHAPITRE
PREMIER:
ESQUISSE DE SOCIO-ANTHROPOLOGIE DES
FANG
4
Introduction :
20
1. Les Fang, des origines
à nos jours
20
2. Répartition
géographique et démographie
23
3. Organisation
sociale
23
4. Organisation
politique
24
5. Quelques
caractéristiques culturelles
26
Conclusion
27
CHAPITRE
DEUXIEME:
L'ABAA DANS LA SOCIETE FANG
4
Introduction
30
1. Historique et
évolution de l'Abââ
30
2.
L'Abââ : un construit physique
34
3. La dimension symbolique
de l'Abââ
41
Conclusion
43
CHAPITRE
TROISIEME:
FONCTIONS SOCIALES DE
L'ABÂÂ
4
Introduction
45
1. Identification et
ralliement
46
2. Siège des
pouvoirs Exécutif-Législatif-Judiciaire
47
3. Centre communautaire
d'initiation et de socialisation
49
4. Lieu d'accueil et
d'expression de l'hospitalité
51
5. Centre culturel et
musée
52
6. Lieu de culte et de
requiem
54
7. Salle des
manifestations :
55
8. Lieu communautaire
d'exposition aux médias de masse
56
Conclusion
57
CHAPITRE
QUATRIEME:
HOMOLOGIE ENTRE L'ABAA ET LE RESEAU SOCIAL
MODERNE
4
Introduction :
59
1. Fondements de
l'Abââ et des réseaux sociaux
59
2. Objectifs de
l'Abââ et des réseaux sociaux
62
3. Typologie des
réseaux sociaux
63
4. Similitudes entre les
réseaux sociaux modernes et l'Abââ
67
5. Dynamique de
l'Abââ
76
Conclusion
85
CONCLUSION GENERALE
86
ANNEXES
88
BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................................99
TABLE DES
MATIERES..............................................................................................
.105
INTRODUCTION GENERALE
1. CONTEXTE
Dans une perception occidentale, le corps-de-garde est une
construction servant à protéger l'entrée d'une
fortification, souvent
située au-dessus de l'unique accès à une place. De cette
pièce, les gardes pouvaient baisser la
herse et
lâcher des pierres ou décocher des flèches par les
assommoirs sur des
assaillants. C'est un poste de garde, un bâtiment destiné à
abriter les soldats chargés de surveiller un espace stratégique
militaire (porte, arsenal,
bastion, ou
batterie). C'est
un type d'architecture militaire qui se développe en France au
XVIIIe siècle1(*).
Dans la même vision, les communautés fang de la
forêt équatoriale ont développé le corps-de-garde
dans leurs villages sous l'appellation d'«Abââ».
Initialement, la piste reliant deux villages débouchait sur
l'Abââ. Le passant étranger dans la contrée
était alors interrogé sur sa provenance, son identité et
son éventuelle parenté avec la communauté qu'il
traversait. Ainsi, le nom « corps-de-garde » qui
désigne cette maison des hommes provient, selon Jean Marc NDONG ONDJI'I,
de « la période coloniale où le Blanc assignait
superficiellement le seul rôle de poste de garde et de surveillance
à l'Abââ »2(*). La forme, la position géographique et les
fonctions de cette case jouxtant les habitations chez les Fang suscitent
pourtant une réflexion poussée.
Au fil du temps, l'appellation de l'Abââ a subi
une évolution. A l'origine, il s'agissait du verbe
« ba » qui signifie dépecer. L'action de
découper un gibier en gigots afin de le partager à toute la
communauté se dit alors « a ba » car les peuples de
la forêt équatoriale vivaient surtout des produits de la chasse.
Selon Jean Pierre OVONO ENGONGA3(*), « Ce qui est communément
appelé Abââ aujourd'hui est le lieu où le village
procédait au dépeçage des animaux abattus lors des parties
de chasse. Il s'est avéré que certains animaux comme la
vipère, la civette...ou certaines parties de gibiers étant
interdites à la consommation aux femmes, les hommes eux-mêmes les
cuisinaient à cet endroit où, finalement, ils passaient beaucoup
de temps dans la journée. C'est ainsi que le feu a fait son
entrée à l'Abââ et les hommes ont trouvé utile
de transformer cet endroit de partage en un abri contre les
intempéries. ».
A cette explication s'ajoute celle de Antoine NDONG ALO'O qui
permet de déboucher sur la relation que l'on ferait entre cet espace de
partage et un poste-de- garde car « Dans la langue ntumu,
observer avec attention, mais sans intention de surveiller se dit « a
bàba ». Par conséquent, ceux qui restaient dans cette
case pouvaient bien partager tout et veiller sur le village »4(*).
En réalité, cette matérialisation de la
présence des hommes est devenue progressivement un espace communautaire
d'échange, de partage et d'interactivité.
2. RAISONS DU CHOIX DU SUJET
Nous avons grandi dans la tradition Fang. Depuis le bas
âge, nous avons bénéficié d'un encadrement qui
permettait de séjourner régulièrement au village pendant
les vacances. L'on s'entendait répéter
régulièrement que les hommes ne restent pas dans les cuisines,
mais plutôt à l'Abââ. L'organisation des espaces au
village a prévu, comme c'est le cas dans les autres communautés,
ce cadre-là pour les hommes. Nous avons remarqué que c'est
systématiquement que, après les travaux champêtres, nous
nous retrouvions au corps de garde du village avec les autres frères et
les aînés. Au fil du temps, nous avons observé que cette
case abrite nombre d'activités relatives à la vie du village.
Toutes les cérémonies impliquant la communauté villageoise
et beaucoup d'échanges se déroulent à l'Abââ,
sous la férule d'un aîné qui coordonne le tout, agissant
autant comme modérateur que président des séances.
Le constat se poursuit lorsque, nous avons remarqué que
dans tout village fang, il existe un Abââ et que dans d'autres
communautés culturellement et linguistiquement voisines comme chez les
Bulu, les Ewondo, les Etôn et les Manguissa par exemple, cet
élément n'existe presque pas. D'où la curiosité qui
nous anime à vouloir comprendre pourquoi la présence de
l'Abââ.
A l'observation, ce système d'organisation met en
action différents acteurs, chacun ayant ses affinités
personnelles avec d'autres personnes dans le groupe. De plus, le fait que cette
case soit un lieu de convergence dans le quotidien des peuples fang de
l'Afrique Centrale, position qui l'apparente à une plateforme ou plaque
tournante du village, suscite beaucoup de curiosité. En
réalité, l'Abââ est devenu notre objet de recherche
davantage lorsque, en transposant cet organe dans le domaine du fonctionnement
des organisations de la société moderne, il nous a semblé
possible d'envisager son analyse dans une perspective de réseaux de
communication dans ce contexte rural ou traditionnel, à l'image du
rôle que jouent présentement les réseaux sociaux moderne.
Enfin, nous nous intéressons au champ de
l'anthropologie de la communication dans les communautés africaines.
L'Abââ est donc un phénomène qui peut être
étudié dans cette perspective.
3. DELIMITATION DU
SUJET
Ce travail n'est pas strictement du ressort de
l'anthropologie, ni exclusivement du domaine des sciences de l'information et
de la communication. Mais à travers la jonction qui s'établit
dans l'analyse de l'Abââ comme réseau social de
communication, cette recherche est scientifiquement éclairée par
les deux disciplines.
En tenant compte de ces deux disciplines, la présente
étude rentre tout de même dans le champdel'organisation sociale.
Il s'avère que dans leursrapports relationnels, les groupes sociaux
génèrent des actes de communication interpersonnelle relevant de
la vie en communauté. Cette étude aborde un
phénomène social, lieu d'interactions diverses, en l'occurrence
l'Abââ dans l'aire culturelle fang d'Afrique Centrale.
Sur le plan géographique, certes l'on retrouve ce
peuple au Gabon, en Guinée Equatoriale, au Cameroun, au Congo et
à Sao Tomé Y Principe, mais cette étude s'est beaucoup
plus circonscrite au Gabon (Bitam, Oyem et la région de Libreville), en
Guinée Equatoriale (région de Kyè Ntem, Ebibeyin) et au
Cameroun (département de la Vallée du Ntem). En effet, la
concentration de la population dans ceszones permet de retrouver une
représentation significative de toutes les tribus fang qui sont :
les Ntumu, les Mvae, les Okak et les Zaman.5(*)
La préoccupation qui nous anime est d'essayer de
démontrer que dans la relation indéfectible qui unit le village
Fang à l'Abââ, cette institution traditionnelle à
multifonctions est un réseau social traditionnel ou communautaire de
communication et d'interaction qui évolue dans un contexte culturel
où les Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) ne
sont pas utilisées, parce qu'inexistantes.
Au moment où le monde moderne connait une montée
certaine des réseaux sociaux sous forme d'interfaces numériques,
ce dispositif traditionnel d'interaction dans la société fang
qu'est l'Abââ peut également intéresser la recherche.
Il s'agit d'une structure qui met en place un système de communication
et assure la cohésion sociale, le tout dénotant d'une
organisationcertaine.
4. PROBLEMATIQUE
Tout part d'un constat. Dans les villages appartenant à
l'aire géographique occupée par les Fang en Afrique Centrale,
l'on retrouve systématiquement un élément architectural
dénommé Abââ, en dehors des habitations familiales.
C'est dans cet espace que les hommes du village passent du temps après
leurs occupations quotidiennes. Ils y convergent, discutent, partagent
même les repas entre eux jusqu'au soir et se séparent au moment
d'aller se coucher dans leurs cases respectives.
A force de remarquer de façon constante la
présence de l'Abââ dans les villages, nous avons fini par
intégrer a priori que cet élément revêt
certainement une importance dans l'organisation sociale des Fang.
Le constat majeur qu'il importe de révéler est
que de manière générale, malgré les mutations
sociales conséquentes à la modernisation et à d'autres
facteurs propres à la rencontre des civilisations africaine et
occidentale, l'Abââ semble constituer l'expression de la
perpétuation d'une tradition ancestrale dans l'organisation sociale des
Fang.
La problématisation de cette étude ne se pose
pas véritablement en termes de paradoxe à élucider. Elle
s'inscrit davantage dans la logique d'étudierun élément
prégnant de la culture Fang sur lequel toute la vie de la
communauté semble être rattachée et qui
génère du trafic en son sein ; un espacedans lequel les
membres de la communauté accèdent avec toute la conscience
d'aller à la rencontre des autres afin d'échanger avec eux, comme
lorsqu'une personne se connecte sur l'internet pour accéder à un
réseau social.
En effet, bon nombre de personnes originaires de ce milieu
s'accordent à penser que « Parler de l'aba, c'est parler
nécessairement du village Fang. Car les deux réalités sont
fondamentalement liées »6(*). L'Abââ joue plusieurs rôles
déterminants dans la gestion du village sous tous les aspects de la vie.
A priori, plusieurs fonctions remplies par l'Abââ, dont
celle d'espace de communication et d'interaction font de cette structure
traditionnelle une plateforme d'échange et de partage qui régit
les relations interpersonnelles dans lescommunautés de l'aire culturelle
fang. D'où l'ambition qu'a cette étude de vouloirétablir
une similitude entre l'Abââ et les réseaux sociaux
modernes.Dans cette perspective, la préoccupation majeure de cette
étude s'articule autour de la question suivante : dans quelle
mesure est-il possible d'assimiler l'Abââ traditionnel des villages
fang aux réseaux sociaux modernes? En d'autres termes, pourquoi
pourrait-on établir une homologie entre l'Abââ et les
réseaux sociaux modernes ?,
Il nous apparait judicieux d'aborder cette
problématique essayant d'élucider les aspects suivants :
- Qu'est-ce que l'Abââ est effectivement pour le
village Fang ?
- Quelles sont les différentes fonctions qu'il
remplit?
- Eu égard aux différentes fonctions qu'il
remplit, quels sont les éléments qui peuvent conduire à
entrevoir une équivalence entre l'Abââ et un réseau
social moderne ?
5.
HYPOTHÈSES
En guise de réponses a priori aux
préoccupations énoncées, nous allons développer des
hypothèses en nous basant sur les orientations suivantes :
1. l'Abââ est un élément
spécifique à la culture Fang répondant à la
nécessité pour le groupe de personnes vivant ensemble dans un
village de disposer d'un espace organisé, destiné à la
bonne gestion de l'essentiel des affaires de la communauté. Par
conséquent, il existe un contrat social indéfectible entre le
village et l'Abââ dans l'aire culturelle Fang.
2. l'Abââ est une plateforme qui joue divers
rôles et remplit de nombreuses fonctions dont la plus prégnante
est essentiellement celle d'espace de communication pour la communauté,
où convergent l'essentiel des actions sociales.
3. En raison de l'interactivité et des échanges
interpersonnels qui se déroulent au sein de l'Abââ, cette
institution est un outil relationnel dynamique qui favorise la communication
sociale chez les Fang, autant que le sont les réseaux sociaux
modernes.
6. CADRE
THÉORIQUE
Comme il a été mentionné plus haut, cette
étude s'intéresse à un phénomène
inhérent à l'organisation sociale chez les Fang. Elle essaie,
dans un premier temps, de comprendre ce qu'est l'Abââ et
l'étendue de ses fonctions sociales dans la communauté ;et
dans un second temps, tente de démontrer qu'entre autres rôles,
l'Abââ constitue une interface d'interaction sociale qui peut
s'apparenter à une plate-forme de communication, et par
là-même, être développé comme réseau de
communication dynamique au sein de chaque village de l'aire culturelle Fang.
Cette recherche se fonde d'une part sur les théories de
l'
organisation
sociale7(*), telles
qu'élaborées par des chercheurs comme Marshall MACLUHAN, qui
postule que la structure sociale est un ensemble de relations sociales non
fortuites entre individus liant les parties, entre elles et le tout dans une
organisation (au sein des
sociétés,
d'une entreprise...).
A la lumière des travaux d'Yves WINKIN, une certaine
complémentarité viendrait du modèle ethnoscientifique qui
permet d'envisager l'Abââ comme un signe de la manifestation des
« cadres de perception et d'organisation par lesquels certains
phénomènes naturels et sociaux sont tenus, dans un groupe social
donné, pour des événements ou des actes de
communication ». Cette description
« émique » doit reconstituer en quelque
sorte l' « ethnoscience de la communication du
groupe ou de la communauté en question ».8(*)
C'est fort de ce qui précède qu'il peut
être permis d'appréhender l'Abââ dans un le village
fang comme un phénomène dynamique et actant qui entrerait bien
dans le registre de ce que Claude LEVI-STRAUSS appelle invariant
culturel9(*) propre au
groupe Fang.
Etant donné que l'Abââ est une structure
opérationnelle, il aurait été indiqué de le
regarder à la lumière du fonctionnalisme. En effet, MALINOWSKI
suppose que toute pratique sociale ait pour fonction de répondre aux
besoins des individus. Par conséquent, à tout
élément de toute culture correspond une fonction et à
toute fonction correspond un élément. A la lumière de
cette théorie, il sera possible d'examiner les différentes
fonctions que l'Abââ remplit dans la culture et la
société Fang. Mais entretemps, la théorie du
structuro-fonctionnalisme, elle, nous semble plus idoine en ce sens qu'elle
intègre en même temps la structure et le fonctionnement. En effet,
ce paradigme stipule que le comportement de l'être humain est
commandé par la structure sociale et par des modèles
comportementaux relativement stables fournis par un environnement culturel et
social. Cette conception remonte à Émile Durkheim qui concevait
la société comme un système social harmonieux
composé de parties interconnectées ou d'institutions le
régulant pour maintenir l'ordre et la stabilité.
A partir de l'idée que la société forme
un tout structuré et intégré dont les
éléments constitutifs remplissent des fonctions
nécessaires et indispensables à la société, les
travaux d'Albert R. Radcliffe - BROWN et Talcott PARSONS donnent une importance
aux concepts de structure et de fonction. C'est fort de cela qu'il est
recommandé de chercher à comprendre comment l'Abââ
qui est une entité sociale remplit ses différentes fonctions qui
lui sont rattachées.
Si à un moment donné de son évolution
dialectique, l'Abââ a effectivement joué le rôle
initial qui lui a été assigné par les ancêtres, ce
qui remonte maintenant à des années auparavant, il est possible
que maintenant, l'Abââ dans son fonctionnement traditionnel, ait
connu des adaptations conjoncturelles. Il reste tout de même qu'il s'agit
d'une structure comprenant différentes composantes de la
société et qui y joue encore de multiples rôles. Ces
entités, physiques ou symboliques sont en interactivité. C'est
dans cette optique que l'on peut convoquer les théories d'Erving GOFFMAN
qui soulignent la forme théâtrale de la communication. Pour ce
chercheur, « les interactions sociales constituent la trame d'un
certain niveau de l'ordre social parce qu'elles sont fondées sur des
règles et des normes...Mais ces interactions apparaissent si banales et
si « naturelle » tant pour les acteurs sociaux que pour
l'observateur qui les étudie... Or, c'est dans les rencontres les plus
quotidiennes que se livrent les enjeux sociaux les plus riches
d'enseignement »10(*). C'est en s'appuyant sur cette posture qu'il est
loisible d'observer qu'au sein de l'Abââ qui connaît des jeux
de rôles dans la société fang, l'on constate une
interactivité qu'il faut cependant décrypter. Il s'agit en effet
d'un « cadre social » qui réunit des
« interactants » et qui leur permet de partager les
mêmes significations dans la « relation
cognitive » qui est établie entre les individus de la
communauté, dans une perspective
« théâtrale».
7. REVUE DE
LITTERATURE
Deux principaux concepts se côtoient dans de ce travail.
Il s'agit de l'Abââ et du réseau social. Ces deux
réalités ont fait chacune, séparément, l'objet de
réflexions et travaux scientifiques, même si la première
peut présenter un champ moins exploré que la seconde.
En ce qui concerne l'Abââ, c'est une chanson
populaire de l'artiste-musicien Pierre Claver ZENG11(*) centrée sur la
thématique de l'Abââ qui réveille cette institution
dans l'imagerie collective. Son oeuvre est principalement inspirée de la
littérature orale fang qui pose les jalons de la définition de
l'Abââ comme un « espace mythique et même
mystiqueoù tout génère ». Reprenant
à son tour la définition de l'Abââ, MVE BEKALE
propose que cette institution de la culture fang soit perçue comme la
« maison des hommes, véritable centre géographique
et symbolique du village, d'où s'origine toute la culture
fang »12(*)
De ces considérations qui consacrent l'Abââ
comme espace ou centre, les deux auteurs ont une approche métaphorique
qui permet tout de même de déduire qu'une certaine convergence
existe autour de l'Abââ en tant que centre, espace qui accueille
des personnes. Autrement dit, il s'agit d'une aire communautaire
partagée par différents acteurs. C'est dans cet ordre
d'idées que s'aligne Jean Marie AUBAME qui pense aussi que
l'Abââ est un élément hautement symbolique à
travers lequel un clan (ndà bôt) est identifié.
C'est par le truchement de ce dernier que « le Fang est saisi ou
isolé en tant qu'individu, par l'étranger... comme un homme
attaché à un clan. L'Abââ constitue une cellule de
différenciation [...] C'est dans cette cellule fondamentale que toutes
les décisions, quel qu'en soit le domaine, étaient
élaborées, mûries et prises par le conseil des
anciens »13(*).
L'Abââ serait donc un élément de
l'organisation sociale Fang qui symbolise la conscience qu'a legroupe de vivre
en réseau et même la force publique de la communauté, un
peu comme ce que représentent le
« Mbàmbà » (résidence du
Chef) et le « Nkùn nnàm » (panier
sacré) dans l'aire culturelle Yebekolo, tel qu'élucidé par
MESSANGA OBAMA14(*).
En effet, ce chercheur démontre que la disparition du
nkùn nnam dans un village entraine la désuétude
et la misère dans cette communauté, de même que sa
conservation garantit une certaine prospérité au peuple.
La relation qui peut dès lors s'établir entre
les deux réalités est que l'Abââ et le nkùn
nnàm sont deux institutions qui symbolisent pour les uns et les autres
l'organisation, la puissance, le souci de développement et de
pérennisation de la communauté qui conserve ses valeurs. Ces
entités sont en réalité celles sans lesquelles il serait
difficile d'envisager logiquement une communauté fang ou
yebekolo bien structurée. Toutefois, tandis que le
nkùn nnàm est une « institution
coiffée par le Chef, au sens de l'administration »,
l'Abââ lui est rattaché à un
nyambôrô qui n'est pas forcément le Chef du
village, par tradition. MESSANGA OBAMA s'est appesanti sur une
préoccupation de développement de la communauté Yebekolo.
La présente étude s'inspire de cet éclairage et apporte
une lecture qui suggère qu'au-delà des aspects liés au
développement de la communauté, l'Abââ, lui, soit
perçu comme institution favorisant la cohésion sociale et
l'interaction le tout sur fond de communication interpersonnelle.
Actuellement, certains observateurs soulèvent la
question de la survie de l'Abââ. En effet, avec l'ère
moderne, les villages se transforment, les habitudes changent, les us et
coutumes connaissent des influences et certaines pratiques, naguère
usuelles, tombent dans la caducité. C'est dans le tourment de ces
mutations sociales que se retrouverait l'Abââ de nos jours. Ce
point de vue est partagé par nombre d'auteurs dont Jacques Fulbert OWONO
qui pense dans son analyse qu' « il n'est pas superflu voire
incongru de penser aujourd'hui que la rupture communicationnelle criarde qui
existe entre les frères, les villages ou les clans, vient du fait que
l'aba soit tombé en désuétude ».15(*) Cet auteur pousse plus
loin dans son analyse et soutient que la perte de valeurs de l'Abââ
peut être l'un des facteurs de pauvreté des villages
fang-béti car, l'introduction du système colonial de chefferie de
canton et de terre aurait porté un coup tragique au fonctionnement de
l'Abââ dans les villages. Selon cet auteur, l'on a introduit des
systèmes d'organisation sociale sans tenir compte des
préoccupations des populations et de leurs modes de fonctionnement.
Il rejoint Emmanuel KAMDEM sur le champ émergent de
l'analyse des organisations en Afrique qui veut surtout s'inscrire dans
« une approche interculturelle »16(*). Son travail consiste à
dégager et à expliquer le rapport entre une organisation, sa
société de référence et les autres
sociétés. L'auteur essaie de voir comment peuvent être
envisagés les rapports ou les interrelations entre valeurs culturelles
du peuple pahouin et le management des organisations modernes.
Sans entrer dans une analyse des organisations sociales,
nous ne décrions pas, comme Jacques Fulbert OWONO, la tombée en
désuétude de l'Abââ dans l'aire culturelle fang qu'il
est difficile de lier directement aux questions complexes de
développement. Au contraire, les villages fang existent avec
leursMebââ (pluriel d'Abââ) qui constituent en
général l'élément distinctif par lequel le peuple
fang fait la différence avec les autres communautés proches, avec
lesquelles il partage pratiquement la même souche linguistico-culturelle
(Bulu, Béti, etc.).
Il s'avère que nous observons un élément
de la culture fang vendable (approche marketing) comme un modèle, et qui
peut être extrait et présenté dans l'optiqued'un support de
communication au sens propre du terme, tout en conservant une certaine
opérationnalité qui fait de lui un réseau social
multifonctionnel dans la communauté fang.
Dans le domaine des réseaux sociaux, l'on peut dire
qu'un réseau social est perçu comme « un ensemble
de personnes, d'
associations,
d'établissements, d'organismes ou d'entités sociales qui ont le
même objectif et qui sont en relation pour agir
ensemble. »17(*).
Selon une autre approche, il conviendrait également de
présenter un réseau social en tant qu'« ensemble
d'identités sociales, telles que des
individus ou
encore des
organisations,
reliées entre elles par des liens créés lors d'
interactions
sociales ». Il se représente dans ce cas par
une structure ou une forme dynamique d'un groupement social.
Bien que ces acceptions de réseau social se
complètent dans le sens, celle de Jean François MARCOTTE apparait
plus édifiante. Elle propose de retenir que « les
réseaux sociaux sont des ensembles de relations sociales de natures
pluriels avec une diversité d'acteurs sociaux qui sont entretenues par
différents canaux de communication ». Ainsi, les
individus interagissent avec d'autres individus
« [...]dans des relations de niveaux variables,
spécialisées ou générales, ponctuelles ou durables,
en personne ou via une interface technologique»18(*).
En définitive, plusieurs auteurs s'accordent à
fédérer les différentes acceptions connues du
réseau social comme étant « un ensemble
d'acteurs(individus, groupes ou organisations) reliéspar des
interactions sociales. Ces interactions sociales peuvent être de
différentes natures: familiales, sentimentales (liens forts) ou plus
distantes : affinité, relation d'affaire, de
travail »19(*).
Au cours de la Cinquième Ecole Doctorale de Telecom
Ecole de Management qui s'est tenue du 5 au 9 septembre 2011 à Evry en
France, le thème débattu par les jeunes chercheurs de divers
horizons réunis était le suivant : les réseaux
sociaux en ligne vont-ils remplacer les réseaux traditionnels ? Le
constat établi est celui-ci : qu'ils soient en ligne ou hors ligne,
les réseaux sociaux structurent profondément les
sociétés tout en les transformant sans cesse. Mais toute
société conserve des éléments culturels
invariants ; c'est le cas de l'Abââ chez les Fang. En
créant des forums en ligne sur des sites internet, à l'exemple de
www.monefang.com, les ressortissants fang
opèrent une transposition virtuelle et la rattachent, en terme de
configuration et de menu, à l'Abââ traditionnel, un espace
physique d'échanges interactifs.
Dans les sociétés traditionnelles comme chez les
Fang, l'interaction sociale qui est établie naturellement - et pas
occasionnellement ou conjoncturellement - se fonde d'abord sur les liens
familiaux de sang et de parenté qui favorisent une certaine
homogénéité, comme le fait remarquer Georg SIMMEL qui
avait distingué les liens sociaux selon qu'ils se déployaient au
sein des communautés ou au sein de la société20(*). Dans le premier cas,
l'étroitesse des relations interindividuelles est telle que la
conscience de soi de l'individu se fond dans le groupe dont il revêt
l'identité. Au contraire, dans la société, l'individu
appartient à divers « cercles sociaux » vers lesquels
ses aspirations et ses intérêts le conduisent.
C'est sans doute ce qui a conduit FARRUGIA à observer
qu'« il convient de comprendre le lien social comme ce qui
maintient, entretient une solidarité entre les membres d'une même
communauté, comme ce qui permet la vie en commun, comme ce qui lutte en
permanence contre les forces de dissolution toujours à l'oeuvre dans une
communauté humaine »21(*).
C'est cet enchevêtrement de liens et cercles qui conduit
à la formation des groupes communautaires (les chasseurs du village, les
pécheurs, les grands cultivateurs, la main d'oeuvre, etc.), tous ces
acteurs évoluant dans le réseau local du village au sein de
l'Abââ. C'est cet aspect du champ d'investigation qu'offrent les
réseaux sociaux qui nous intéresse dans la présente
étude.
Un réseau social est aussi pris comme
« un ensemble de personnes, d'
associations,
d'établissements, d'organismes ou d'entités sociales qui ont le
même objectif et qui sont en relation pour agir
ensemble. »22(*).
Dans une autre approche, il conviendrait également de
présenter un réseau social en tant qu'« ensemble
d'identités sociales, telles que des
individus ou
encore des
organisations,
reliées entre elles par des liens créés lors d'
interactions
sociales ». Il se représente dans ce cas par
une structure ou une forme dynamique d'un groupement social.
En définitive, bien que ces acceptions de réseau
social se complètent dans le sens, celle de Jean François
MARCOTTE apparait plus édifiante. Elle propose de retenir que
« les réseaux sociaux sont des ensembles de relations
sociales de natures pluriels avec une diversité d'acteurs sociaux qui
sont entretenues par différents canaux de
communication ». Ainsi, les individus interagissent avec
d'autres «[...] dans des relations de niveaux variables,
spécialisées ou générales, ponctuelles ou durables,
en personne ou via une interface technologique»23(*).
Selon Yves WINKIN, « l'apprentissage occidental
se concentre sur le langage verbal écrit, non sur la gestualité
ou le rapport entre êtres surnaturels ». L'on peut donc de
ce fait dénoncer le fait que Jean François MARCOTTE
débouche uniquement sur des relations interpersonnelles qui se
développent dans un réseau supporté par
« une interface technologique ». Cette vision
semble mettre en marge les sociétés où ces dispositifs
technologiques modernes n'existent pas, et qui peuvent pourtant
intéresser la recherche sur d'autres phénomènes de
communication, dans les formations sociales dites traditionnelles comme nombre
de communautés d'Afrique. C'est pour cela que, dans une approche
inspirée du modèle ethnoscientifique, il est
d'intérêt que l'Abââ soit culturellement
considéré et mis en exergue comme moyen dynamique, au même
titre que ces dispositifs technologiques, en ce sens que, dans son
environnement, l'Abââ constitue un « modèle
par lequel les membres d'une culture construisent le monde dans lequel ils
vivent »24(*)
.
8. CADRE
METHODOLOGIQUE
Nous avons opté d'entreprendre une étude de type
exploratoire qui s'est donné pour ambition d'interroger
l'Abââ en tant que structure sociale et les fonctions qu'il remplit
chez les Fang. Dès lors, notre méthode de recherche épouse
le type qualitatif et nous avons mené notre collecte d'information au
moyen des sources suivantes : la recherche documentaire sous forme
d'enquête littéraire, les entretiens avec des personnes-ressources
(personnes âgées détentrices de la tradition et des
intellectuels) ayant abordé peu ou prou notre sujet.
La revue de littérature nous a permis de
développer d'abord une esquisse de socio-anthropologie du peuple Fang et
la connaissance relevant du domaine des réseaux sociaux essentiellement
à travers des sources documentaires que nous avons exploitées.
En ce qui concerne l'élucidation des fonctions sociales
de l'Abââ, nous avons investigué par observation directe qui
est une technique de l'observation participante, et par des entretiens, dans la
phase de pré-enquête qui, selon GHIGLIONE et MATALON25(*), sont utilisés pour
aider à la construction du cadre conceptuel, surtout dans un contexte
comme celui dans lequel nous avons mené cette recherche, qui
caractérisé par l'indisponibilité de données
déjà collectées. C'est également fort de ce que
cette méthode est recommandée par Yves WINKIN que nous avons
jugé adéquat de l'intégrer dans la palette d'outils qui
nous ont permis de mener cette investigation. La raison de ce choix se justifie
lorsque cet auteur déclare à ce sujet que :
« Il me parait que le travail scientifique sur la communication
doit s'accomplir à deux niveaux, ou en deux temps. Tout d'abord, il
s'agit de dégager par observation participante les cadres de perception
et d'organisation par lesquels certains phénomènes naturels et
sociaux sont tenus, dans un groupe social donné, pour des
événements ou des actes de
communication. »26(*)
En territoire camerounais, en raison de la forte concentration
de villages sur l'axe routier reliant Meyo Centre à Ma'an et environs,
nous avons choisi cette contrée qui compte 50 mebââ
(pluriel d'Abââ) répartis dans 31 villages. C'est ainsi
qu'entre 2010 et 2012, nous avons parcouru ces villages dont la liste figure
plus loin (voir page 40). Le nombre total de voyages effectuées dans le
cadre de cette étude et en dehors se chiffre à quarante-deux
(42), avec la fréquence d'environ un voyage par mois.
En outre, afin de ressortir quelque éventuelle
différence au niveau des Mebââ des Fang du Cameroun
et ceux de Guinée Equatoriale, nous avons séjourné pendant
deux semaines en Guinée Equatoriale dans l'Abââ de Minkok
Messeng, du clan Esa nguii dans la période comprise entre le
1er et le 13 aout 2011. Il nous a été donné
d'assister à plusieurs cérémonies qui se sont
déroulées à l'Abââ, notamment des
funérailles, une réunion du clan et un mariage traditionnel. Pour
les mêmes raisons, nous avons effectué plusieurs voyages
d'étude au Gabon au courant du mois de mai 2012, séjournant
à Thoo Efak pendant une semaine et à Libreville pour sillonner
certains villages environnants, à proximité de la localité
de Ntoum située à une trentaine de kilomètres sur la route
nationale qui mène vers le nord.
C'est à base de ces données collectées
sur le terrain relevant de l'observation des activités menées par
la communauté villageoise et de l'interaction que cela
génère qu'il nous est apparu possible de rapprocher
l'Abââ et les réseaux sociaux. En effet, c'est à
travers ces outils qu'il a été possible de mettre en
évidence leurs manifestations au travers de comportements observables.
Cela nous a conduit à envisager une certaine homologie entre les deux
phénomènes.
En fait, une étude exploratoire avec l'Abââ
comme objet d'investigation, un sujet aussi singulier peut poser des
problèmes d'unanimité sur les outils méthodologiques
permettant de le cerner complètement. Mais, nous sommes dans une logique
ethnographique qui privilégie l'observation participante
confortée par l'approbation qu'en fait Yves WINKIN qui
déclare : « personnellement, je crois à la
pertinence de la démarche ethnographique. Les travaux qu'elle peut
produire sont loin d'être de simples « monographies de
village », comme d'aucuns l'ont dit. Elle permet d'appréhender
le social avec tout le respect qu'on lui doit - et avec tout le plaisir que
nous pouvons en tirer »27(*).
En ce qui concerne spécifiquement les entretiens, nous
avons ciblé des informateurs sur la base du critère social de
nyambôrô. Dans les communautés fang
investiguées au Cameroun, au Gabon, et en Guinée Equatoriale,
nous avons mené des entrevues individuelles avec une quarantaine
d « anciens » rencontrés pendant nos
différents voyages. Pour la plupart, ce sont des personnes
âgées de cinquante ans et plus. Le contact s'est établi au
sein de leurs différents Abââ où nous avons
été introduits avec la facilitation de nos connaissances locales.
Les aspects sur lesquels il leur a été demandé de
s'exprimer concernaient notamment l'origine de l'Abââ et la
symbolique de cette institution. Les autres domaines comme les fonctions
sociales et la similitude de l'Abââ avec les réseaux sociaux
modernes a ont été développés et analysés
sur la base de l'observation directe.
De surcroit, nous pouvons aussi révéler que nous
sommes originaire de cette aire socioculturelle. Certaines connaissances qui
étaient déjà acquises, peut être a priori,
ont été élaborées, exploitées, et mises en
forme comme éléments du contenu de ce travail.
9. PLAN DU MEMOIRE
La présente étude comporte quatre (04)
chapitres.
Le premier est une esquisse de socio-anthropologie du peuple
Fang avec un état des lieux qui présente de manière
substantielle l'aire géographique et culturelle dans laquelle
l'étude a été réalisée.
Le deuxième situe l'Abââ comme structure
à part entière dans l'organisation sociale des Fang d'Afrique
Centrale, avec l'ambition de mieux l'élucider dans son fonctionnement,
avec les principes majeurs qui soutendent son action et légitiment ses
actes dans la communauté.
Le troisième chapitre édifie sur les fonctions
sociales majeures de l'Abââ dans l'ensemble, en débouchant
sur cette plateforme communautaire qui a su s'adapter aux mutations sociales
engendrées par l'ère moderne.
Le quatrième chapitre établit une homologie
entre l'Abââ et un réseau social moderne, sur la base des
fonctions prégnantes de réseau social de communication de
l'Abââ qui favorise toujours l'interaction et
l'interactivité entre personnes d'une même communauté
villageoise et, par extension, avec d'autres entités ou organisations
sociales.
10. DIFFICULTES
RENCONTRES ET LIMITES DE LA RECHERCHE
Il est possible que ce travail inspire d'autres productions
intellectuelles en termes de travaux de recherche. Pour parvenir à sa
rédaction, nous avons certes bénéficié de
l'encadrement de nos maîtres. Mais il est difficile d'éluder
certaines entraves qui se sont posées à nous même pour en
arriver là.
D'abord, l'Abââ est une réalité de
l'organisation sociale fang, une question qui, dans une certaine mesure,
concernerait directement la sociologie ou l'anthropologie, des disciplines que
nous n'avons pas la prétention d'avoir suffisamment
étudiées pendant notre cursus académique. Par
conséquent, la bonne maîtrise des outils nécessaires pour
mieux appréhender le phénomène de l'Abââ en le
rapprochant du champ des sciences de l'information et de la communication nous
a certainement fait défaut.
A côté de cela, il convient également de
révéler que si certains auteurs qui s'y sont appesanti de
façon générale, en évoquant sommairement des
aspects, nous n'avons cependant pas retrouvé une littérature
spécifiquement prolixe à ce sujet. Nombre de chercheurs et
informateurs rencontrés résident au Gabon et nous avons dû
effectuer de nombreux déplacements dans ce pays pour y investiguer.
La Guinée Equatoriale aurait pu également
figurer parmi les lieux où cette recherche a été
menée en partie. Mais l'accès dans ce pays n'a pas
été possible au moment où nous le sollicitions en raison
de la fermeture de sa frontière avec le Cameroun.
Ensuite, devant concilier avec nos responsabilités
professionnelles, nous avons organisé la rédaction de ce travail
de manière contraignante en partageant les horaires entre les
obligations familiales et le devoir académique.
Toutefois, nonobstant ces quelques obstacles
évoqués, nous sommes parvenu à produire cette oeuvre que
nous n'avons pas la prétention de présenter comme étant
parfaite. Il serait souhaitable que le lecteur de ce mémoire
intègre ces aspects dans le jugement qu'il peut en faire au demeurant,
dans un esprit scientifique.
CHAPITRE PREMIER:
ESQUISSE DE SOCIO-ANTHROPOLOGIE DES FANG
Introduction:
Nous ne saurions aborder cette
étude sans situer le lecteur sur un ensemble d'éléments
qui lui permettent de s'imprégner de la connaissance du peuple Fang sur
son origine, telle que rapportée par diverses sources. Par la suite, le
présent chapitre introductif abordera les aspects démographiques
et la répartition sur ce que l'on pourrait appeler l'aire
géographique peuplée par ces communautés principalement
dans les trois pays qui abritent le plus grand nombre de cette population.
Enfin, nous parlerons de l'organisation sociale chez les Fang.
1. Les Fang, des
origines à nos jours
1.1. Origines controversées du nom
« Fang »
Malgré leur notoriété en Afrique centrale
et une bibliographie abondante, l'étude des Fang demeure encore
délicate aujourd'hui, que ce soit du point de vue historique,
sociologique ou culturel. De nombreux points divisent encore les auteurs et il
convient de les traiter au préalable. Le premier point consiste à
cerner avec précision le groupe Fang. En effet, le terme « Fang
» fait l'objet d'une discussion infinie qui ouvre la plupart des
études. « Pamouay » est le premier terme utilisé pour
désigner un groupe situé dans l'intérieur, au-delà
des villages courtiers. Selon une certaine source28(*), Il apparaît en 1819
avant d'être adopté par les Espagnols qui le transforment en
« Pamue », par les Allemands : « Pangwe », et par les
Français : « Pahouin », trois traductions
phonétiquement proches de l'origine, les Français ayant
nasalisé le phonème final. Quelle qu'en soit la traduction,
« Pamouay » est aussi inapproprié que « Eskimo »
pour les Inuit. En réalité, « Pamouay » vient de «
Mpangwe » donné par les Mpongwe, habitants des rives de l'Estuaire
de Gabon, signifiant, en langue vernaculaire, « je ne sais pas »,
indiquant ainsi qu'ils ne savent pas comment se nomme le groupe. Pendant
près de quarante ans, « Pahouin » est utilisé dans la
plupart des écrits. Il faut attendre 1861 pour qu'il soit
dénoncé pour la première fois.
Selon Xavier CADET29(*), avant de se désigner comme tels, les Fang se
reconnaissent d'abord dans une appartenance à un clan, (ayong)
comme Esakôran, Nkodjeign, Efak, Yendzok, Mimbôman, etc. Or, pour
des raisons sans doute simplificatrices, les auteurs ont reconnu, entre
l'ensemble Fang et les clans, un sous-groupe intermédiaire, celui des
tribus qui seraient, les Betsi, les Okak, les Ntumu, les Nzaman, les Meke et
les Mvae. Si elles reposent sur une réalité, elles ont
néanmoins le redoutable désagrément de
s'interpénétrer au niveau des clans, ce qui réduit leur
pertinence. L'autre trouble vient de ce que les clans peuvent prendre plusieurs
noms, selon la localisation géographique de ses représentants,
tantôt s'écartant d'une simple prononciation, Ekodjé ou
Nkodjeign, tantôt changeant radicalement : Nkodjeign, Efak, Yevo, tandis
que d'autres clans quoique absolument distincts, portent des noms très
similaires, Efak et Effak, ce qui multiplie les risques de confusion.
Enfin le chevauchement des clans au-delà des
frontières coloniales étale parfois les liens familiaux entre
Gabon, Guinée Equatoriale, Cameroun et Congo, se connectant alors aux
ethnies voisines, ce qui évidemment rajoute une certaine
complexité sur le plan ethnographique.
1.2. Aperçu historique des origines du peuple fang
Notre étude ne porte pas sur la migration des Fang,
mais il nous paraît nécessaire de faire une présentation
sommaire de l'origine des Fang d'Afrique Centrale.
Selon Aimée Prisca MEKEMAZA ENGO30(*), lorsqu'on parle de la zone
d'origine des Fang, deux hypothèses s'opposent de nos jours : celle
d'une origine très lointaine (non-forestière) d'une part et au
contraire, celle d'une origine proche, par rapport à leur habitat actuel
d'autre part. La première hypothèse (celle d'une origine
très lointaine), a été formulée par plusieurs
chercheurs mais notre attention est retenue par celle du Père TRILLE,
telle que reprise par Pither MEDJO MVE31(*). En effet, le Père TRILLES situe l'origine des
Fang au Nord-est de l'Afrique, et précisément dans le
Bahr-el-Ghazal (région du Haut-Nil au Soudan). Il résume cette
origine en ces mots : « Les Fang sont un des chaînons qui
relient les races du Nil et de la Lybie ». L'hypothèse d'une
idée très proche des Fang est d'abord de l'ethnologue Laburthe
TOLRA tel que le rappelle Pither MEDJO32(*). Pour sa part, cet auteur situe l'origine des Fang
à l'est du Cameroun et émet ensuite l'hypothèse d'une
coprésence dans la région de Minlaba (Sud du Nyong) de Bassa, de
Maka, et du groupe fang autour de 1850.
A la suite de cet anthropologue, nous avons l'hypothèse
de l'archéologue CLIST. En effet cet auteur pense que l'origine des Fang
est à rechercher soit au Nigeria, soit dans la région
interlacustre (Grand Lacs). Le linguiste Pither MEDJO MVE dira que les Fang
reviennent des régions des sources du Ntem et de l'Ivindo, suivant deux
courants : le courant septentrional et le courant oriental. Le premier courant
aurait amené les Fang du Woleu-Ntem et de la
Guinée-Equatoriale.
Pour sa part, Adzidzon BEKALE33(*) qui a échangé avec certains patriarches
fait état, à son tour d'une autre approche qui semble se
rejoindre ceux qui pensent que les Fang viennent du
« nord ». En effet, dit-il, « Les
anciens avec lesquels nous avons discuté, tels les vieux Ayo, Akoba,
Bitegue...nous ont tous répondu invariablement que les fang reviennent
d' « Okuign ». « Okuign » est un mot qui s'oppose à
« Nkiègn ». Il signifie à la fois « le Nord »
et « l'amont (quand il s'agit de parler d'une rivière ou d'un
fleuve) » tandis que « Nkiègn » signifie « le Sud
» et « l'aval (quand il s'agit de parler d'une rivière ou d'un
fleuve) ».
Dans la phrase « Bôt be ye Okuign »,
la traduction française donnera « Les gens du Nord ». Tandis
que dans celle-ci : « Bot be ye nkiègn », elle
donnera : « Les gens du Sud ». D'après ces anciens, l'Afrique
centrale ne serait donc pas le foyer originel des fang, ceux-ci viendraient du
Nord (le Nord de l'Afrique). D'après eux toujours, ce n'est qu'au terme
d'une grande et longue migration appelée « Obane »
que les Fang sont arrivés dans leur foyer géographique actuel :
au Cameroun, au Congo, au Gabon, en Guinée Equatoriale et à Sao
Tomé. Les documents historiques le soutiennent car ils affirment que la
présence fang a été signalée pour la
première fois en Afrique centrale, et notamment dans la région de
l'Estuaire au Gabon, vers le début du XIXè siècle.
Nous évoquons le récit mythologique du sage
AFA'A BIBO34(*) ,
«Dulu bone b'Afiri Kara », traduit en français par
« les pérégrinations des descendants d'AFIRI
KARA »35(*), selon lequel, pour préserver sa famille des
attaques ennemies, le vieil AFIRIKARA, ancêtre du peuple de Fang qui
viendrait des bords du Nil et a migré vers le sud, pour échapper
aux guerres et autres invasions des peuples étrangers.
En guise de conclusion à ce sujet, OWONA NGUINI dira
que « le mythe de « la marche des enfants d'Afiri Kara
» situe les origines fangs
en
Haute-Égypte. Cette légende a été
inventée pour lier des groupes plus hétérogènes
qu'ils ne le disent. Dans la matrice dite fang-betie, des groupes ont des
origines anthropologiques diverses, mais se sont retrouvés à
partir d'un même répertoire culturel. On retrouve des
éléments strictement fangs, des éléments
assimilés aux Fangs et des non-Fangs qui ont été
acculturés. Les Betis
du
Cameroun, au sens strict, ne sont pas des Fangs. Moins nombreux,
ils ont été « pahouinisés » et se sont fondus
dans la communauté, au point d'en perdre leur
langue »36(*).
2. Répartition
géographiqueet démographie
Le peuple Fang est un peuple négro-africain que l'on
retrouve aujourd'hui en Afrique centrale. On rencontre des regroupements
principalement au Gabon où ils représentent environ 40% de la
population, en Guinée-Equatoriale où ils représentent 80%
de la population, au Cameroun où ils sont estimés à 20%
des habitants, et quelques milliers de personnes
au
Congo, en
République
centrafricaine et
à
São Tomé. Ils n'ont jamais remis en question l'entrelacs de
parentés interclaniques qui se ramifient depuis les Fangs de Libreville
jusqu'aux Ewondo de Yaoundé, en passant par les Ntoumou de
Bata.37(*)
3. Organisation
sociale
Les sociétés de la forêt en
général et celle des Fang qui nous préoccupe en
particulier, sont des sociétés lignagères (mvog).
Le lignage reste l'unité fondamentale de toute l'organisation sociale.
Le village fang (dzaa) est organisé autour du lignage et du
clan, qui sont des valeurs morales et aussi autour des valeurs socio-politiques
dont les sages font office d'autorité. Le lignage joue un rôle
essentiel dans les règles du mariage et de solidarité sociale.
C'est à travers ce dernier que s'organise la vie politique,
économique et religieuse. Ainsi, Laburthe TOLRA définit le
lignage comme « l'ensemble des descendants de l'homme ou de la femme
fondatrice »38(*).
Le clan (ayoñ) et le lignage sont des critères de
reconnaissance et d'identification des individus à l'intérieur
d'une tribu. Le clan est un cadre de référence social par
excellence. Il désigne un groupe d'hommes revendiquant une
parenté ou un ancêtre commun. Le lignage comme le clan repose sur
« la parenté par consanguinité », autant que
le dit Maurice FOUDA ONGODO39(*) et chacun au sein de ce groupe a la maîtrise de
sa généalogie. C'est à l'intérieur du lignage que
se trouve le système d'éducation. On apprend aux jeunes gens leur
généalogie, les manières de faire et d'être. On leur
apprend également les règles du mariage, le respect de la nature
et du surnaturel. Au sein de cette société, les relations entre
les individus sont d'ordre fraternel. Les Fang sont patrilinéaires et la
filiation se fait de père en fils.
Une lignée de personne est déclinée sur
six niveaux de parenté ainsi qu'il suit chez les Fang :
- Esaa : (le père) ou nyiè (la mère)
engendre le moan (fils ou fille) ;
- Moan (ndoman) : le fils engendre le Ndègn
(petit-fils) ;
- Ndègn : le petit fils engendre le Ndzii
(arrière-petit-fils) ;
- Ndzii : l'arrière-petit-fils engendre
l'Owaban ;
- Owabang :
l'arrière-arrière-petit fils engendre le Ngirbong
- Ngirbong : à partir de ce niveau, la
génération s'estompe.
Dans cet environnement comme dans plusieurs autre
société, il est rare qu'une personne vive et voit sa
génération jusqu'au niveau de
l'arrière-arrière-petit-fils.
4. Organisation
politique
Dans cette société, le pouvoir est exercé
par les sages à travers un seul porte-parole. En réalité,
le village fang est une communauté sans pouvoir centralisé, sans
spécialisation du pouvoir politique. Toutefois, l'autorité
revient à l'aîné qui conduit les destinées du
village, même en présence des auxiliaires d'administration que
sont les chefferies de villages instaurées. Pour représenter le
village, celui que la communauté reconnaît comme chef doit
être éloquent, courageux, généreux ; il doit
avoir le don de l'art oratoire. Ces caractéristiques sont très
importantes pour prétendre au leadership. La société fang
valorise l'homme qui est capable de réunir en lui toutes ces diverses
qualités et d'influencer suffisamment ses pairs pour les orienter vers
des objectifs communs. On devient chef lorsque l'équité et
l'efficacité de son pouvoir d'exécution sont reconnues dans la
zone d'influence.
Le chef règle toutes sortes de conflits à
caractère social, grâce aux pouvoirs que lui lèguent les
ancêtres lors de l'initiation antérieure à son
intronisation. Le chef est également le coordonnateur de toutes les
autres entités qui influencent la vie du village, le siège de
cette institution est son Abââ et non son domicile. Au sein de
cette société, le corps de garde occupe une place de choix, c'est
« le centre de décision et le fondement du conseil des anciens
», d'après Georges BALANDIER40(*). C'est dans le corps de garde que
l'autorité du chef s'exprime.
Cette organisation politique est différente de celle de
la société berbère de Kabylie en Algérie. En effet,
dans le village de Zoubga par exemple, il s'agit d'un mode de gouvernance
locale participative. Certes, le mode d'organisation et le fonctionnement de ce
village reflètent à la fois l'organisation
politico-administrative ancestrale et les règles de l'administration
officielle. Il est basé sur un mode d'organisation socioculturel tenant
compte des aspects de son environnement et fonctionne sur des règles
démocratiques. Mais, la structure principale demeure l'assemblée
du village qui est souveraine qui se réunit régulièrement,
ordinairement une fois par mois, pour débattre de l'ordre du jour que le
comité du village prépare avec les citoyens du village. La
deuxième structure rattachée directement à
l'assemblée du village est le comité de village
agréé comme association à caractère social par
l'administration. En réalité, « ce comité
est composé de toutes les familles du village à raison de deux
représentants par famille (totalisant 22 membres) qui forment les grands
électeurs. Ces derniers élisent démocratiquement le bureau
exécutif et le président du comité du village. Cette
structure exécutive est chargée d'assurer la gestion des biens
communs du village (l'eau, les routes, les pistes et sentiers du village), de
faire fonctionner les affaires sociales du village, de veiller à la
quiétude des citoyens, de faire respecter les règles de
fonctionnement du village telles que la propreté et l'enlèvement
des ordures ménagères et de représenter le village
auprès des élus des collectivités locales et de
l'administration, ainsi que d'organiser les festivités et
d'exécuter les décisions de l'assemblée du village, en
suivant la réalisation des projets »41(*). Ce type de gouvernance
est un modèle rare dans l'espace socioculturel fang.
5.
Quelques caractéristiques culturelles
La société fang regorgeait d'un patrimoine
culturel très riche dont la pérennisation surplusieurs aspects se
faisait oralement. Les aspects les plus connus sont les légendes, les
contes, les fables et récits mythiques, les rites
ésotériques. A cela il faut ajouter les danses, rythmes et
instruments de musique, l'artisanat et la religion. L'on peut constater
néanmoins que le folklore fang a été victime de mutations
sociales importantes émanant, entre autres, de l'instauration du
christianisme par le colon européen. En effet, beaucoup de danses ont
été abandonnées parce que jugées soit
obscènes pour le « chrétien » ; soit maléfiques
parce qu'elles étaient exécutées au clair de lune, la
nuit. Il faut également noter, comme raison de la disparition des danses
et rythmes traditionnels fang, que nombres d'entre eux nécessitaient une
initiation, un apprentissage. Or, avec la disparition des aînés,
ce patrimoine culturel a connu également un important déclin.
L'essentiel des danses a disparu aujourd'hui.
Dans certaines régions du Gabon et en Guinée
Equatoriale, l'on retrouve encore quelques conteurs de l'épopée
du Mvet , et des instruments de musique comme le mbeign, ou ngom (tambour),
nkul (tamtam), mendzañ (balafon ou xylophone) utilisés
également pendant les célébrations cultuelles. En ce qui
concerne les danses, la plus populaire en ce moment est l'élôn.
Mais avant elle, nous connaissions, les mekom, mbatwa, ômias, obus ;
ozila, mengan, nlup...que l'on retrouve rarement maintenant.
A l'origine, sur le plan religieux, les Fang croyaient en une
divinité suprême dénommée Eyôô. En
effet, Tsira NDONG NDOUTOUME explique que ce nom provient du verbe vomir qui
se dit en Fang a yô. Selon lui, le vocable Eyôô a
été prononcé pour la première fois par son
maître ZUE NGEMA dans un passage célèbre de son
maître-livre :
« Tous les êtres qui vivent et se meuvent sur
la terre ont une origine. Mais quant à l'origine, personne n'en sait
rien. Personne ne sait rien de ce qui est à l'origine des choses. De
cela, nous ne connaissons que le nom d'Eyôô. ». Il
poursuit en pensant que c'est de lui-même que lui est venue l'idée
de la vie.
En intégrant qu'au commencement, c'est bien par la
parole que cet être a bien voulu sortir de sa bouche ou « vomir
», la genèse de l'univers a été créée.
D'après Joseph OWONA NTSAMA, c'est donc cet Eyôô que les
anthropologues (Alexandre et J. BINET) nommèrent aussi Mebe'e. Des
cultes avec sacrifices de bêtes lui étaient voués.
D'autres cultes traditionnels comme le Byèri existent
aussi; il s'agit au départ de la religion des Pygmées du Gabon
qui s'est répandue au cours du XIXè siècle à
l'ensemble des peuples bantous. Ces Bantous lui donnent une forme
ritualisée qui, selon Marion LAVAL JEANTET,présente
d'étonnants croisements avec la religion catholique au début du
vingtième siècle.
Conclusion
En somme, même s'il est reconnu que ce peuple reste
très attaché à sa tradition, il est néanmoins
indéniable que son patrimoine culturel a connu beaucoup de tribulations
conséquentes à son brassage avec les autres peuples et la
civilisation occidentale. Plusieurs rites, pratiques ancestrales et coutumes
ont disparu aujourd'hui. L'un des ferments de l'organisation sociale qui aura
traversé l'histoire du peuple Fang reste tout de même
l'Abââ dont la présence physique et la symbolique
mériteraient d'être examinées.
Carte 1 :
Répartition géographique des groupes Fang, Bulu et Beti
(Perrois, 1972, p.102).
Reproduit par Xavier CADET dans Histoire des Fang, Peuple
Gabonais, Thèse présentée pour l'obtention du
diplôme de Doctorat d'Histoire, Université de Lille 3 - Charles de
Gaulle, U.F.R. d'Histoire, Juin 2005.
CHAPITRE DEUXIEME:
L'ABAA
DANS LA SOCIETE FANG
Introduction
Selon la contrée où l'on se trouve et à
cause des dialectes parlés dans le vaste ensemble linguistique fang, les
manières d'appeler ou d'écrire ce nom sont différentes.
Dans ce chapitre introductif, il est important, non seulement de savoir
exactement ce qu'est l'Abââ, dans une approche évolutive,
mais également de cerner ce que cette institution traditionnelle
représente dans l'aire culturelle fang. Nombre d'analystes s'accordent
à reconnaître que l'Abââ revêt une dimension
symbolique que la tradition et la culture ont pu construire autour de cette
entité organisationnelle au fil du temps.
1. Historique et
évolution de l'Abââ
1.1. Historique
De prime abord, dans cette étude, l'orthographe
adoptée de façon conventionnelle de l'Abââ sera celle
qui précède. S'il faut transcrire ses diverses appellations l'on
aura aussi, chez certains, le même mot écrit
« abê 42(*)», comme c'est le cas dans certaines
régions du Gabon. Tandis qu'ailleurs, il s'agit de
« abeign ». Dans l'aire géographique Fang qui couvre
principalement le nord du Gabon, la Guinée Equatoriale, et le sud du
Cameroun où cette recherche a été menée en partie,
à savoir les quatre arrondissements d' Ambam, Kyè-Osi, Ma'an et
Olamze qui forment le département de la Vallée du Ntem, l'on
convient à retenir « Abââ ».
En effet, dans la prononciation, il est important de ressortir
un effet d'étirement sur la dernière syllabe qui donnerait alors
d'écrire « Abââ », les accents
circonflexes permettant de mettre en évidence l'intonation haute. Il est
à faire remarquer que dans les langues des peuples Fang, comme dans bien
d'autres langues africaines, le changement de ton lors de la phonation d'un mot
peut également entraîner une modification radicale son sens.
Mais que ce soit « aba »,
« abê », « abègn » ou
« abââ », l'essentiel est que cela
désigne la même réalité physique dans cette aire
culturelle.
1.2. Evolution
A l'origine, sur le plan architectural, le village
était souvent construit de manière à constituer deux
rangées de cases situées de part et d'autre d'une avenue centrale
jalonnée, elle, de corps de garde. D'après Nicolas METEGHE N'NAH,
« le corps de garde fang tient son origine des
migrations ». A ce sujet, Raponda WALKER, cité par H.
TRILLES rappelle qu'« autrefois, chez les Fang, l'abègn
faisait [...] fonction de corps de garde. A chaque extrémité du
village, un de ces hangars barrait complètement le
passage »43(*).
Photo 1 :
Une vue d'un village fang avec l'Abââ placé au
centre.
Source : www.google images/village Fang,
Marche, 1878. p. 413.
Perçu de façon sommaire, l'Abââ sert
de lieu de rencontre aux hommes d'un même village afin de
réfléchir sur les maux qui minent la communauté.
Davantage, et de manière un peu plus précise, c'est
« le lieu de rassemblement du village pour échanger et
passer du temps avec les sages »44(*).
Ainsi, pour contribuer à étayer
l'Abââ à la compréhension collective, il faut
appréhender la relation Abââ-communauté villageoise
comme indéfectible. Selon la conception des ressortissants Fang, le
village doit disposer absolument de sa composante Abââ pour en
être un véritable. Logiquement, il sera difficile d'envisager un
village fang sans cet Abââ que Marc MVE BEKALE45(*) magnifie par ces
propos : « A tous ces tièdes, ces bâtards culturels,
Pierre-Claver Zeng oppose donc la parole de « ceux qui savent », et
il les invite à rejoindre « l'abâ » ou maison des
hommes, véritable centre géographique et symbolique du village,
d'où s'origine toute la culture fang ».
Sur les aspects physique et esthétique, il est à
remarquer que l'Abââ a évolué, depuis ses origines
jusqu'à nos jours. Une certaine tendance est à la modernisation
de ce bâtiment. Nous avons également constaté que dans
certains villages, intervenant dans le cadre de ses relations publiques une
entreprise forestière a entrepris, à la demande des populations,
de reconstruire « bénévolement » des corps
de garde en matériaux définitifs. Une façon pour elle de
faire bénéficier aux autochtones des retombées
« positives » de l'exploitation du bois dans les
forêts environnant leurs habitations et champs. Avec cette nouvelle
configuration, il devient difficile de continuer à conserver certains
éléments qui pourtant avaient été
intégrés à l'Abââ pour des raisons
claires ; le feu servait à cuir des aliments et à se
réchauffer ; les étriers de bois servaient à
fabriquer divers instruments de chasse et de travaux champêtres.
En retour, l'entreprise forestière WIJMA marque ses
réalisations de son logotype suivi d'un texte :
« Réalisation Sociale » en gros
caractère, une façon de se positionner et paraître comme
une entreprise « citoyenne » qui participe au
« développement » de la communauté.
Photo 2:
Photo de l'Abââ de Thoo-Efack, village situé entre
Oyem et Bitam, au Nord du Gabon.
Source :
Régis Ollomo
(CNRS-LACITO, été 2009), disponible sur
http://lacito.vjf.cnrs.fr/image_semaine/2010.htm
Photo 3:
Une vue de l'Abââ modernisé de Mefoup, village
situé dans l'arrondissement d'Ambam/Sud Cameroun, sur l'axe
Ebolowa-Ambam, PK 26.
Source : photo de l'auteur, prise de vue
effectuée en décembre 2011.
Photo 4
:Une vue de l'Abââ de
Mvi'ilimengalé reconstruit par la société
forestière WIJMA, village situé dans l'arrondissement de Ma'an,
PK 15 sur l'axe Ma'an-Nyabizan (Memve'ele).
Source : photo de l'auteur. Prise de vue
effectuée le 20 octobre 2012
2. L'Abââ : un
construit physique
2.1. La réalité physique
de l'Abââ
D'abord, il est à préciser que le village
(Dzââ) n'est pas un espace informe. C'est un
environnement organisé qui, ainsi que le précise Bernardin MINKO
MVE, puise sa forme de l'épopée du Mvet selon laquelle
« la Terre a des pieds, des bras et une tête, elle est
soutenue en son milieu par un pilier central et un pilier secondaire à
chacun des quatre coins. C'est la même configuration qu'avait le village.
Avec à une extrémité de chacune des deux rangées de
maison formant un coin, une cour qui constituait le centre, une entrée
Est et la tête »46(*). Cet auteur pense que c'est de cette
configuration que dérive celle de la case : un pilier central et
les quatre piliers secondaires des quatre coins. Pour lui, un tel schéma
est semblable à celui du cosmos, donc de l'homme.
L'espace villageois est une structuration ou un produit
matériel façonné par diverses composantes d'ordre
politique, idéologique, écologiques du système social.
Chaque village occupe son espace en fonction du relief certes, mais en tenant
compte également de ces composantes. A l'intérieur de l'espace du
village, l'on distingue également d'autres espaces avec lesquels chaque
sous ensemble de la communauté, la famille a une relation
spécifique. Ainsi, la devanture de la case laisse
généralement une cour (nseng nda) où s'amusent
les enfants. La maison principale réserve un espace de séjour
(abââ nda) pour les hommes. Derrière cette maison
principale se trouve la cuisine et derrière elle, il existe une autre
courà l'arrière appelée (fa'a nda). C'est
l'espace féminin, zone intime et de retranchement,
généralement occupé par des plantes utiles pour la
cuisine, la médecine traditionnelle, les enclos d'élevage des
animaux domestiques et, plus loin vers la lisière où
débute la cacaoyère, l'on retrouve le fumier et les fausses
à aisance. C'est au milieu de la cour du village que se dressait
l'Abââ.
Dans sa plus simple présentation, l'Abââ
recouvert d'une toiture en matériaux végétaux, feuilles de
raphia tissées sous forme de natte. Les côtés
élevés à mis hauteur, permettaient aux personnes assises
de voir ce qui se passe à l'extérieur, sans que ces
dernières en retour ne puissent être distinguées. A toute
heure de la journée et même de la nuit, quelqu'un devait veiller
sur le village en sentinelle à partir de l'Abââ. Les
écorces des arbres ou une haie constituée de petits arbustes
taillés faisaient le périmètre en laissant une porte
d'entrée et une porte de sortie. En dehors du mobilier constitué
de lits en bambous qui décorait l'Abââ, quatre autres
éléments hautement symboliques devaient absolument se retrouver
dans cette case :
- Le tamtam d'appel, principal outil de
communication et de télécommunication. Parfait MIMBIMI
ESÔNO affirme qu'« à l'aide d'un tam-tam qui a une
portée de 15 kilomètres environ, l'on pouvait encore transmettre
aux habitants des villages avoisinants des informations telles que les deuils,
les mariages. Le tam-tam permettait également de rappeler soit
individuellement une personne soit collectivement des personnes se trouvant
dans la forêt, en cas de nécessité. Chacun savait la
déclinaison phonique de son nom ou éndan que le batteur de tamtam
répercutait à travers le son ! Sans confusion
possible...»47(*).
Photo
5:Image d'un tamtam.
Source :
http://www.google.fr/
- Le « Songo »48(*) , sport
cérébral de relaxation chez les Bantou en général
qui favorise le développement de la ruse, l'intelligence et la
sagesse.
Photo 6: Une
partie de Songo à l'abââ dans un village près de
Mimvul au nord du Gabon
Source :
www.afrikimages.blogspot.com
-le feu, « Au centre est
réservé un espace où l'on fait le feu pour se chauffer et
chasser les moustiques. Un certain nombre de jeunes sont chargés
à tour de rôle de ravitailler l'Abââ en bois de
chauffage, car la braise doit être ardente toute la
journée 48(*)».
Au-delà de permettre aux vieillards de se
réchauffer, de griller certains vivres comme du maïs, l'arachide et
autres, de faire chauffer du fer pour fabriquer certains outils comme des
manches de machettes ou des lances pour la chasse et d'allumer leurs pipes, Sur
un tout autre plan, sous une approche symbolique, « une autre
lecture de la présence permanente du feu à l'Abââ
l'appréhende comme une volonté de posséder cet
élément de la nature, autre symbole de la présence humaine
en ces lieux. A l'origine, les villages étaient noyés dans la
forêt et la fumée du feu de bois pouvait servir à orienter
des personnes vers le village. Toutes les cuisines du village pouvaient bien
manquer de feu, du fait que le pétrole et les allumettes étant
des produits manufacturés, la conservation de cette denrée rare
à l'Abââ permettaient aux femmes de s'y approvisionner pour
faire la cuisine »49(*).
Sur un tout autre angle, une certaine analyse consacre aussi
le feu, selon Bonaventure MVE ONDO50(*), comme étant « l'autre mot de
l'Esprit. A titre d'illustration, rappelons que le feu (nduàn) tient une
place symbolique et rituelle importante dans le Bwiti syncrétique fang.
Il est généralement entendu comme le sang de Dieu. Il est ensuite
lié à la purification qui intervient à l'autre
extrémité de l'Existence. Le feu est enfin le symbole de la
lumière, il est comme l'eau de l'Esprit (mendzim me nsisim). C'est lui
qui constitue la nourriture supérieure de l'homme
accompli ».
- les armes et les trophées de chasse,
puisque les hommes représentaient également la force de
défense du village, l'arsenal composé de sagaie, d'arcs, de
lances, de gourdins et de machettes essentiellement était stocké
dans ce lieu où, à tout moment, les hommes pouvaient y avoir
accès en cas d'attaque. D'une part, pour faire comprendre aux passants
que de vaillants hommes habitaient le village, l'on exposait dans
l'Abââ les crânes et peaux de bêtes féroces
abattues lors des parties de chasse. D'autre part, ces décorations
étaient mieux conservées là, en guise de musée,
grâce à la fumée que le feu de l'Abââ
dégageait.
Aujourd'hui, ces éléments sont devenus rares ou
carrément retirés de l'Abââ. Certains évoquent
que des espèces animales sont désormais protégées,
par conséquent, lorsqu'il arrive qu'une bête de ce registre soit
abattue, c'est dans le secret que le partage des gigots se fait dans la
forêt. Le butin est alors transporté au village en morceaux, de
peur que l'administration en charge de la faune ne sévisse. Du plus, par
crainte de vol ou d'appropriation pour des usages maléfiques les
reliques de certains animaux ne peuvent plus être exposées
à l'Abââ. A titre d'exemple, la moustache du léopard
est souvent utilisée dans le domaine mystique pour servir de
fléchettes, que l'on appelle « nsong » en
Ntumu, pour atteindre des personnes qui par après, peuvent
développer des maladies comme des éruptions cutanées
purulentes.
Au travers de cette description qui consacre la forme
rectangulaire de l'Abââ, à l'opposé de la forme
circulaire partagée par les peuples pygmées ou les peuples du
nord du Cameroun (boukarou) dans l'architecture des habitations, il est
maintenant à relever la présence effective de l'Abââ
dans le village Fang.
2. 2. Effectivité de
l'Abââ dans les communautés villageoises
C'est certainement en raison de l'importance des fonctions que
remplit encore l'Abââ dans les communautés fang que chaque
clan s'efforce à conserver son « temple » de la sagesse et de
la tradition. A titre d'exemple, ce qui est de prime abord observable est que
les villages fang marquent la différence avec les villages bulu qui
leurs sont pourtant voisins, avec la présence de l'Abââ. En
effet, lorsque vous quittez le département de la Mvila limitrophe du
département de la Vallée du Ntem, en empruntant la route
nationale n° 2, entre le dernier village de la Mvila (Oveng Yessok) et le
premier village de la Vallée du Ntem (Mefoup), il est facile de
remarquer que les Abââ apparaissent du coup dans les villages
appartenant à l'aire culturelle fang. Cette remarque s'appuie sur une
observation constante car nous avons régulièrement
séjourné dans la région du Sud du Cameroun, non seulement
dans le cadre de cette recherche, mais également parce que nous sommes
originaire du département de la Vallée du Ntem et très
souvent, même dans le cadre professionnel, nous sommes en contact avec
les communautés villageoises de cette circonscription administrative.
De façon plus précise, contrairement aux autres
arrondissements de la Vallée du Ntem, il existe une concentration
importante de villages entre la localité de Meyo-Centre située
à 45 km d'Ebolowa en allant vers Ambam et la localité de Ma'an,
le chef-lieud'arrondissement et sa banlieue immédiate. Sur une distance
d'environ 65 km, nous avons visité et recensé les
Mebââ dans trente et deux (32) villages dont la liste apparait dans
le tableau ci-après et établi le constat que chaque village
dispose de son Abââ. Lorsque le village s'étend sur une
longue distance, il peut y avoir plusieurs Mebââ (pluriel
d'Abââ), mais l'un étant principal. Ces villages sont les
suivants dans l'ordre de localisation sur la route :
NOMS DES VILLAGES
|
CLANS ETHNIQUES
|
NOMBRE
DE MEBAA
|
1. Meyo Centre
|
Esambira
|
03
|
2. Ekoumedoum
|
Esakôran
|
03
|
3. Oveng
|
Esakôran
|
01
|
4. Mpkwè-Evolé
|
Esambé
|
03
|
5. Zalom
|
Esakôran
|
02
|
6. Konemekak
|
Esakôran
|
02
|
7. Mvila Yôp
|
Esakôran
|
01
|
8. Okông
|
Esakôran
|
03
|
9. Mebem
|
Esakôran
|
01
|
10. Ndjazeng
|
Esakôran
|
02
|
11. Nko'ondo'o
|
Esambira
|
02
|
12. Mfang
|
Esambira
|
01
|
13. Aloum
|
Esambira
|
02
|
14. Mekok
|
Esambira
|
01
|
15. Endendem
|
Esakôran
|
01
|
16. Biyan
|
Esambgwak
|
01
|
17. Minkan Mengalé
|
Esambgwak
|
01
|
18. Mekomengôn Eté
|
Esambgwak
|
02
|
19. Tya'asono
|
Esambgwak
|
02
|
20. Bidzap
|
Esambira
|
02
|
21. Bitôto
|
Esambira
|
01
|
22. Mebera
|
Esambira
|
01
|
23. Abang
|
Esambira
|
01
|
24. Nnezam
|
Esambira
|
01
|
25. Ma'an (Village)
|
Esambira
|
02
|
Dans les environs de Ma'an (soit 10 km environ à
la ronde)
|
26. Ebègn
|
Esambira
|
01
|
27. Zoétélé
|
Azôk
|
01
|
28. Alen I (Mbong Eté)
|
Esambgwak
|
01
|
29. Nkongmeyôs
|
Esambgwak
|
01
|
30. Mvi'ilimengalé
|
Esambira
|
02
|
31. Nseng Avion
|
Esambira
|
01
|
32. Anguirdzang
|
Esakôran
|
01
|
|
|
Total : 50
|
Tableau
1:Décompte des Mebââ (pluriel
d'Abââ) sur l'axe Meyo Centre - Ma'an et environs
Source : l'auteur.
3. La
dimension symbolique de l'Abââ
L'Abââ n'est pas seulement ce bâtiment
commun de réunions. C'est aussi un élément hautement
symbolique à travers lequel un clan (ndà bôt) est
identifié. C'est par le truchement de ce dernier que « le
Fang est saisi isolé en tant qu'individu, par l'étranger... comme
un homme attaché à un clan. L'Abââ constitue une
cellule de différenciation... C'est dans cette cellule fondamentale que
toutes les décisions, quel qu'en soit le domaine, étaient
élaborées, mûries et prises par le conseil des
anciens »51(*).
Dans la même lancée, l'on se
référera aux propos d'AZOMBO, cité par P. NGUEMA-OBAM, qui
présentent l'Abââ en tant que lieu de rencontre où
tous les hommes s'assemblent pour arriver à élaborer une
décision commune. En effet, l'Abââ est « la
résidence de cet Esprit dont la vie doit animer la tribu tout
entière. Se diriger vers l'Abââ, c'est se rendre à la
rencontrer de cet Esprit dont la perfection est évoquée par la
manière à permettre aux hommes assis de regarder à
l'extérieur sans obstacle »52(*). Cette hypostasie de l'Abââ
ressort sa valeur sociale et culturelle et sa dimension symbolique et
philosophique, d'où prend essence la culture fang. A la base de la
structuration symbolique de l'Abââ, quatre principes
président à la stabilité de cette institution :
3.1. Le principe de l'autorité d'un
nyambôrô
Entre le droit d'aînesse qui régit les relations
interindividuelles, l'unanimité de respect et de confiance que la
communauté s'accorde à placer en un individu comme le guide et le
garant de la sagesse, le nyambôrôauquel l'institution
Abââ de chaque village est rattachée, est
désigné par ses pairs. C'est lui qui représente le village
en toute situation selon la tradition. Il diffère en cela du chef de
village qui est beaucoup plus un auxiliaire de l'administration. C'est sur lui
que toute la politique du village s'articule. Il règne de façon
consensuelle et les décisions qui émanent de lui sont prises avec
la participation de la communauté de l'Abââ.
3.2. Le principe de
prise de décision commune
Toute décision importante qui doit être prise
pour le compte de la communauté ou de l'un de ses membres est sujette
à une concertation ouverte. A ce titre, « l'Abâ est
l'archétype qui typifie les valeurs d'un véritable village fang
dans lequel l'« Abâ », c'est-à-dire le Corps de garde
reste au centre des décisions prises au quotidien et au bon
fonctionnement de la communauté toute
entière »53(*). Chacun, sans exclusive, a le droit de donner
son point de vue et les aînés s'y accordent pour arrêter une
position finale.
3.2. Le principe de non exclusion d'un membre
Traditionnellement, tout homme est d'office membre de
l'Abââ de son village, aussitôt qu'il est adolescent et le
demeure jusqu'à sa mort. Selon ce principe, chacun peut apporter son
point de vue sur les questions débattues à l'Abââ.
Toutefois, pour certaines questions, il est possible que ce
soit les sages qui se concertent et font part, après, de leur
décision à la communauté. Ne pas exclure un membre
signifie également qu'il a droit, qu'il bénéficie de tous
les avantages que l'Abââ octroie à la communauté
individuellement ou collectivement.
3.3. Le principe de partage et de solidarité
Le verbe partager en ntumu se dit
« akap », il induit la division ou le morcellement
d'un objet (repas, vin de palme, noix de kola, etc.) en plusieurs parts, selon
le nombre de personnes qui doivent le partager en autant de parts que de
personnes ou familles qui constituent la communauté.
Le partage est de règle dans l'Abââ. Comme
l'a expliqué l'ancien ONDO NGUEMA ; la société fang
ne supporte pas de voir une inégalité criarde entre les membres
d'une même communauté. Selon lui, « il est admis que
chacun peut avoir ses biens, mais il n'est pas compréhensible que
quelqu'un jouisse de ses biens sans les partager, sans faire de la
charité pour que les uns ne soient pas très pauvres el les autres
très riche. Car selon la philosophie fang, le bonheur autant que le
malheur se partagent. »54(*). A être titre d'exemple, même
un passant a le droit de partager le repas qu'il trouve sur la table sans
demander l'avis des personnes à qui il était initialement
destiné. Même les hommes célibataires ou veufs ne sont pas
exclus des repas lorsque les épouses des autres frères et oncles
font parvenir les repas à l'Abââ. C'est ainsi que tout se
partage entre les personnes qui séjournent à l'Abââ.
L'on peut alors reconnaître ici que le volet social soit relevé
plus loin comme une fonction essentielle de cette institution.
En dernier ressort, la dimension symbolique de
l'Abââ peut côtoyer le mystique dans la mesure où
même pour établir une relation entre les hommes et les existants
métaphysiques, les aînés y invoquent les esprits
tutélaires. C'est à l'Abââ que les Fang sont en
communion avec les ancêtres, en ce sens que chaque village aura connu des
aînés qui ont légué cette institution aux
générations d'après et ils les ont toujours
évoqués et invoqués lors des assises qui s'y tiennent.
D'ailleurs, en cas de situation sérieuse dépassant la
compétence humaine, comme des décès successifs des enfants
du village, sans cause explicable, ou d'autres malheurs affectant la
communauté, les ancêtres peuvent être invoqués
à travers un rituel, au cours d'une cérémonie
ésotérique qui s'appelle en Fang ngii55(*). Celle-ci est
organisée par les anciens du village afin de susciter le nettoyage du
mal et la purification du clan. Chaque ancien doit pouvoir prêter
verbalement le serment de l'innocence avant que les esprits n'agissent. En cas
de réticence, des soupçons peuvent alors être portés
aisément sur cette personne comme auteur du mal qui s'est abattu sur le
village.
Conclusion
En conclusion il convient de retenir de l'Abââ, au
moment où il revient d'étayer ses différentes fonctions
sociales, que la structure sociale fang est très complexe, ainsi,
en partant de l'ethnie, pour aboutir aux familles élémentaires,
l'on rencontre des regroupements intermédiaires au sein desquels
l'individu a pleinement conscience d'être un être avec et pour la
société et surtout d'y réaliser son destin. C'est au corps
de garde que l'homme Fang réalise tout une multitude d'entreprises,
« en l'occurrence les initiations, la résolution des
litiges, les stratégies de chasse et de guerre, les questions de
mariage... »56(*), tel que le soutien Cyriaque Simon Pierre AKOMO
ZOGUE.
CHAPITRE TROISIEME:
FONCTIONS SOCIALES DE L'ABÂÂ
Introduction
L'Abââ a souvent été
considéré simplement comme le lieu où les personnes
désoeuvrées de la communauté villageoise passaient du
temps. Mais le fait que le chef de l'Abââ du village y rassemble
souvent ses notables, tous les adultes de sexe masculin et les adolescents a
conduit à intégrer que c'est à l'Abââ que
« tous les aspects de la vie du village »57(*)sont pensés et
gérés. Une certaine lecture qui permet d'en
refléter une image concrète révèle que
l'« on y mène une expérience de vie communautaire
très poussée: on y partage tous les repas en commun et on plonge
la main dans le même plat, aussi bien les autochtones que les
étrangers de passage. C'est là qu'on se livre également
à toutes sortes d'occupations sérieuses ou futiles. L'Aba se
transforme tantôt en salle de jeux, tantôt en atelier de vannerie
ou de sculpture, tantôt en forge et enfin en palais de justice lorsqu'il
faut régler les litiges, statuer sur des contrats de mariage. C'est
finalement une construction polyvalente, car elle sert à beaucoup
d'autres rassemblements de population, réunions politiques,
séances de vaccination, etc. »58(*). Du coup, il devient difficile de penser que
cette case qui accueille les hommes après leurs différents
travaux journaliers ne sert qu'à leur permettre de passer du temps,
attendant le retour de leurs épouses des champs. Une telle
considération nous éloigne de la dynamique sociale que
l'Abââ impulse en tant que institution qui élabore la
politique générale du village. Ainsi, l'Abââ remplit
habilement diverses fonctions, les unes aussi importantes que les autres.
Au cours de nos investigations, nous avons pu observer que
l'Abââ estun espace de communication qui accueille des acteurs dont
les posturesletransforment en une institution qui remplitles diverses fonctions
suivantes :
- identification et ralliement ;
- siège des pouvoirs
Exécutif-Législatif-Judiciaire ;
- centre communautaire d'apprentissage et de
socialisation ;
- centre culturel et musée ;
- lieu d'accueil et d'expression de
l'hospitalité ;
- lieu de prière et du requiem ;
- salle des cérémonies ;
- lieu communautaire d'exposition aux médias de masse.
1. Identification
et ralliement
En règle générale, chaque village de
l'univers culturel fang a pour identifiant symbolique son Abââ. Cet
identifiant, comme il a été prouvé
précédemment, est une particularité culturelle des peuples
et des villages fang. Selon la posture structuraliste développée
dans ses travaux par Lévi STRAUSS59(*), cet élément constitue un des
invariants de cette aire culturelle-là. Chaque village
s'identifie à travers son corps-de-garde. Comme il a été
dit précédemment, l'Abââ est souvent rattaché
nommément au nyambôrô qui encadre le village. C'est
parfois un moyen pour faciliter la distinction au cas où des villages
venaient à porter le même nom.
Sur un tout autre plan, l'Abââ contribue à
rallier toute la communauté et à renforcer le sentiment
d'appartenance à une même souche ancestrale. Comme sous une
bannière, l'Abââ rassemble la nation fang dans les
différentes entités villageoises qui la constituent. Chaque Fang
s'identifie à l'Abââ auquel il appartient où dont il
est originaire, c'est un élément culturel qui, sous un angle
symbolique, a valeur d'emblème fédérateur. En effet,
lorsqu'un Fang s'interroge dans sa langue en disant « Ye
Abââ be taa va ?60(*) », il exprime la fierté et
toute l'assurance qu'il a que tout pourrait lui arriver ailleurs, sauf
lorsqu'il est sous le corps de garde de ses ancêtres. Cette expression
fang est souvent reprise avec fierté, de même que,
« A kam mbông Abââ »61(*), pour dire que chaque
ressortissant d'un Abââ défend et protège les
intérêts de son Abââ d'origine. C'est comme un
ressortissant dirait qu'il défend les couleurs de son pays. Tout cela
marque l'attachement naturel que le Fang a vis-à-vis de son
Abââ. A titre d'illustration, un proverbe tiré de cette aire
culturelle et déclamé en Fang dit :
« Olañ nkukut ka'a dañ asu baa be
esaa ». Littéralement, cela signifie que quel que soit le
degré de folie d'un individu, ce dernier reconnaît toujours
l'Abââ de son père. En d'autres termes, le fait d'appartenir
à un clan et à un Abââ est une identité dont
le Fang ne saurait se détourner parce qu'il est appréhendé
par rapport à cette institution. Ce proverbe souligne l'attachement que
le Fang a vis-à-vis de l'Abââ dont il est
l'émanation.
Dans l'organisation sociale du village fang,
l'Abââ est l'institution qui projette l'image du village et la
reflète autant sur les habitants du village que sur les
communautés environnantes. C'est l'Abââ qui élabore
la politique du village, défend également les
intérêts de celui-ci et construit sa réputation.
2. Siège des
pouvoirs Exécutif-Législatif-Judiciaire
Le fait que chaque Abââ soit placé sous
l'autorité d'un homme, aîné62(*) du village, dont le pouvoir découle des
anciens et pas forcément de l'autorité administrative, comme
c'est le cas des chefferies dites « traditionnelle »
d'aujourd'hui, est significatif. Il s'agit, au-delà de cette
matérialisation par un "hangar", de l'institution la plus grande du
village Fang. C'est dans ce sens que Pierre Claver ZENG clamait que
« rien de ce qui est grand ne génère hors de
l'Abââ ». En effet, pour appuyer ce point de vue,
Grégoire BIYOGO entoure l'Abââ d'une aura plutôt
fédératrice et symbolique. Selon lui, l'Abââ est
également « le lien social par excellence dans un village
Ekang, il est explicitement comme symbole de l'ordre qui régit le
village. A telle enseigne qu'on peut juger un village étranger du
premier coup d'oeil, à l'ordre et à la propreté qui y
règnent ».63(*) C'est à travers l'Abââ que le
village se donne une renommée ou un nom, comme le soutiennent Jean Marc
NDONG ONDJI'I et Marcel ONDJI'I NDONG64(*) : « l'on rattache même
généralement chaque Abââ à des individus
réputés et célèbres, les chefs en l'occurrence, par
exemple : l'Abââ de NGEMA MBA au point de faire abstraction du nom
même du village ».
Mais, la précision importante à y apporter est
que le tout n'était pas qu'il soit simplement aîné en
âge ; il devait également être reconnu comme un
nyambôrô65(*). En effet, si naturellement les anciens
léguaient les destinées des villages à des successeurs,
congénères ou descendants les plus âgés, ils sont
quand même arrivés à marquer une prudence sur ce mode de
transmission du pouvoir. C'est alors exceptionnellement que, si un
aîné ne revêtait pas la dimension mythique et mystique de
nyambôrô, on lui préférait un cadet plus
prédisposé, aux yeux des anciens, à remplacer celui-ci en
cas de décès ou d'incapacité à conduire
l'Abââ du village. A Mebem par exemple, le village est resté
sans guide à la mort de son chef, Paul ONJI'I ESÔNÔ66(*)décédé
depuis le 08 août 1974. Ce dernier avait « une
personnalité et un caractère tellement forts que ses pairs n'ont
pas pu lui désigner un successeur, jusqu'à ce jour ».
Ceci démontre à suffisance que le
nyambôrô de l'Abââ est investi de tous
pouvoirs par ses pairs. Son autorité s'étend à tous les
niveaux de la vie du village. Sous l'Abââ, il incarne
l'exécutif, régnant en véritable chef du village, avec
l'onction des anciens. De manière concrète, les décisions
ou orientations politiques prises de manière concertée et
consensuelle ont force de loi sur le village. C'est à l'Abââ
que s'élaborent la politique intérieure et extérieure,
l'image et le positionnement du village comme entité évoluant
dans une contrée comprenant d'autres villages. L'Abââ initie
des décisions pour l'intérêt de la communauté et
s'assure de leur mise en oeuvre.
Agissant dans la posture de tribunal par exemple, le
différend est porté à l'Abââ par le plaignant
selon la procédure qui veut que celui-ci saisisse d'abord le
nyambôrô du village et lui explique la situation ;
c'est lui qui juge de l'opportunité de réunir ses pairs pour
connaître le problème. Les faits sont exposés publiquement
à l'Abââ et le verdict est aussi rendu surplace. Toutefois,
il ne faut pas s'attendre à ce que la sentence départage les deux
parties dans le sens de désigner un coupable et un gagnant. En
général, c'est par des paraboles et des proverbes que l'on fait
comprendre à tout le monde en faveur de qui la balance de la justice
s'est penchée. Dans une logique qui participe de décourager les
personnes à se lancer dans un conflit, chez les Fang, il est de
notoriété publique qu'un aîné n'a jamais tord
vis-à-vis d'un cadet ; qu'il ait tort ou raison,
l'aîné a toujours le dessus afin qu'il ne perdre pas la face ou
son autorité devant un cadet.
Lorsqu'il s'agit d'un conflit opposant un habitant du village
à unétranger, la défense du concerné est
endossée par le chef, après concertation avec les autres anciens.
Dans toutes les situations aussi importantes que banales, le
nyambôrô est le seul porte-parole de la
communauté.
Il peut se glisser comme une considération misogyne ou
phallocratique de l'Abââ en ce sens que les femmes sont mises
à l'écart. Il est à souligner que la prise en compte de la
femme aux débats de l'Abââ se fait par personne
interposée. Les femmes, conscientes que l'Abââ n'est pas
leur lieu d'expression, communiquent généralement leur point de
vue à leurs époux sur une situation qui sera débattue.
Ainsi, pour s'assurer que leur avis est pris en compte, chacune contrôle
que son mari reporte son point de vue à travers une autre personne
membre de cet Abââ ; il pourrait alors s'agir d'un de ses
beaux-frères. De toute manière, un compte rendu des
différentes interventions et de la décision finale est
rapporté aux femmes dans les échanges qui vont suivre. Ainsi, la
femme participe à la vie politique du village sans forcément
être présente lors des assises des hommes à
l'Abââ. Il ne s'agit donc pas d'exclusion, mais de l'expression de
l'organisation particulière de la société fang selon ses
normes traditionnelles.
En revanche, pour que la femme (épouse) soit
intégrée dans le clan ou le village, il faut, qu'au cours d'une
cérémonie solennelle, sa famille négocie qu'elle soit
présentée au clan de son époux sous le corps de garde. En
effet, « la femme va apparaître au public au son de la musique,
qui peut être celle des balafons, des tambours et tam-tam, lorsque le
matériel de musique moderne n'est pas accessible. Après cette
sortie en public, les festivités continuent avec la remise des cadeaux
aux visiteurs après qu'ils ont « habillé » la
case de leur fille de tout ce qu'ils ont destiné à propos. On
appelle ces cérémonies de remise de la femme
« Yala », « éliri » et
« ékulu abaa »67(*). Dès lors, la femme qui a reçu
cette onction a désormais sa place à l'Abââ, autant
que les hommes du village.
Pour leur part enfin, les garçons adolescents, en
séjournant à l'Abââ, s'initient à la sagesse
et à la connaissance de la culture.
3. Centre
communautaire d'initiation et de socialisation
Dans une chanson sur la thématique de
l'Abââ, Pierre Claver ZENG, artiste musicien et poète
gabonais disait dans une tirade :
« La sagesse, c'est à
l'Abââ ;
Tout le bien, c'est à l'Abââ ;
Tout s'apprend à l'Abââ... ».
L'apprentissage et la socialisation sont des processus. Pour
le premier, il s'agit de « l'acquisition de savoir-faire,
c'est-à-dire le processus d'acquisition de pratiques, de connaissances,
compétences, d'attitudes ou de valeurs culturelles, par l'observation,
l'imitation, l'essai, la répétition, la présentation,
etc. ».68(*)Dans un sens plus large, c'est l'ensemble
d'activités qui permettent à une personne d'acquérir ou
d'approfondir des connaissances théoriques et pratiques, ou de
développer des aptitudes.
Quant à elle, « la socialisation est le
processus au cours duquel un individu apprend et
intériorise
les normes et les valeurs tout au long de sa vie, dans la société
à laquelle il appartient, et construit son
identité
sociale. Elle est le résultat à la fois d'une contrainte
imposée par certains
agents
sociaux, mais aussi d'une interaction entre l'individu et son
environnement. »69(*). Elle passe par différents canaux ou
écoles. Et dans la société fang, l'Abââ est un
centre d'instruction dynamique qui participe de ce processus. Des pratiques et
des rites qui sont du domaine de l'initiation des garçons à la
vie d'homme sont inculqués aux enfants depuis le bas âge à
l'Abââ.
Premièrement, il est de coutume que, lorsque les femmes
et les hommes se rendent à leurs travaux champêtres, les enfants
en bas âge, filles et garçons sont confiés aux vieillards
qui restent en journée dans l'Abââ, fatigués par
l'âge. Ces derniers, de façon consciente ou non, à travers
contes et fables, berceuses et chants, dictons et proverbes, etc. transmettent
progressivement des valeurs et de la sagesse aux enfants. Survienne une dispute
entre les enfants laissés sous sa garde que le vieux la réglait
pacifiquement, non sans laisser une leçon de vie à ces derniers.
Un élément important à relever est que
d'habitude, les enfants se livrent à des jeux et autres activités
ludiques sous le regard des vieux. Dans ces rapports interpersonnels, il
prévaut « l'anyôs », un esprit qui se
manifeste tantôt par des moments de conflits et très souvent par
des moments de convivialité resserrés par les liens fraternels
qui unissent les enfants d'une même mère, d'une même famille
ou d'un même village.
De même, pour la jeune fille, sa place est naturellement
à la cuisine, aux côtés de sa mère ou nourrice.
L'espace réservé à la cuisson des aliments pour les repas
familiaux est tout aussi un centre de formation et d'apprentissage de
l'économie familiale et l'art culinaire. C'est une préparation
de la jeune fille à la future vie d'épouse et de maîtresse
de maison. La jeune fille y apprend les recettes de la cuisine fang et la
culture de l'organisation en vue de la bonne gestion du ménage. Par
exemple, il est primordial pour elle de savoir qu'il ne doit pas manquer de
vivres dans sa cuisine ; elle s'arrangera à toujours faire des
réserves de bois, d'aliments frais, séchés ou fumés
dans sa claie. Elle s'y imprégnait tout aussi bien des gestes, des
attitudes et des postures de la femme, par exemple, comment s'asseoir en
public, que des caractères positifs d'une bonne épouse et son
rôle dans la famille.
En termes de valeurs inculquées aux enfants, elles se
rapportent aux qualités physiques et morales que l'enfant devait
adopter. En effet, l'effort, le travail, l'endurance sont des valeurs que l'on
enseigne aux enfants mâles qui, très tôt, commencent
à suivre leurs pères dans toutes leurs activités de la
vie, notamment les travaux champêtres, la chasse, la pêche, la
cueillette des fruits de la forêt, etc. Ceci permet aux enfants
d'apprendre à connaître et à identifier nommément
les arbres, les herbes, certaines étant de la pharmacopée et
d'autres utiles comme matériau et bois de chauffage. De même,
savoir désigner les animaux, les oiseaux de la forêt, et les
poissons par leurs noms ne s'apprend mieux que dans cet
environnement-là.
La rencontre des hommes du village à l'Abââ
est toujours une occasion d'échanges à travers lesquels des
expériences relevant du vécu quotidien sont partagées.
Certaines débouchent sur des leçons qui se déclinent en
proverbes et dictons traduisant toute une philosophie de la vie. Nous avons
appris cette sagesse, à travers ce qu'un homme racontait à ses
frères qu'il était allé visiter ses pièges en
brousse, il y trouva une antilope prise au piège. Mais lorsqu'il se
rapprocha d'elle, celle-ci se démena et s'en échappa, trainant
avec elle la ficelle qui la retenait. L'homme qui n'en cru pas ses yeux se
lança à la poursuite de l'animal à travers ronces,
épines et lianes tranchantes. Finalement, l'animal se sauva et l'homme
s'en tira avec plusieurs lésions sur lecorps. La moralité qu'un
patriarche tira de ce récit et qui continue d'édifier la jeunesse
est que si un chasseur décide de poursuivre un animal qui s'est
détaché du piège, il s'expose à la
« vindicte » des épines et autres obstacles de la
forêt. Par contre, en ne suivant pas l'animal dans ces conditions, il
s'évite également la peine et les blessures. L'on déduit,
à travers ce récit, la sagesse qui conseille de ne pas toujours
forcer des situations. Parfois, il faut accepter de laisser tomber, voire de
perdre en s'évitant d'autres ennuis.
C'est donc progressivement que le jeune Fang s'imprègne
des connaissances et acquiert des aptitudes qui lui permettront
d'évoluer normalement dans son environnement. La structure familiale et
l'Abââ sont ces moules qui contribuent encore au façonnage
des hommes. Entretemps, l'école occidentale est également
arrivée, mais l'Abââ garde sa vocation de perpétuer
et transmettre la culture ancestrale.
4. Lieu d'accueil
et d'expression de l'hospitalité
Les communautés villageoises de la forêt
équatoriale sont généralement constituées de
regroupement de hameaux abritant quelques familles. Cette configuration qui
s'oppose à des installations clairsemées et éparses
participe, à l'origine, du souci pour des personnes ayant un lien de
sang, de ne pas s'éloigner du noyau familial. C'est cet habitat
regroupé de part et d'autre de la piste ou de la route que l'on appelle
communément village. L'isolement ou le détachement était
perçu comme un signe d'égoïsme, comme un refus de communier
et de partager avec les autres.
De plus, certaines personnes dont le comportement était
désapprouvé par la communauté, à travers une
décision de l'Abââ, étaient sommées de
quitter le village. Cette sanction a conduit à un dicton Fang qui
renforce l'idée que le fait qu'une maison se retrouve dans un bosquet,
à l'écart de toutes les autres cases est signe qu'il y a eu in
incident par le passée qui a conduit à cette situation
d'exclusion. Cela se dit alors « ô ndenda okang,
dzam ».
D'autre part, ce regroupement met aussi en exergue la
solidarité et la force des liens familiaux chez les Fang. L'esprit de
partage et de communion prévaut ici au point où,
généralement, en face de l'Abââ côté
route, il y avait une claie, en guise de garde-manger public, appelé
« atak mvam » (Etagère de
l'hospitalité), sur laquelle l'on laissait
généralement une main de banane, des morceaux de canne à
sucre, un avocat, une calebasse d'eau pour permettre aux passants de manger et
de se désaltérer en cas de besoin. Selon Jean Pierre OVONO
ENGONGA, « les hommes ne mangeaient jamais dans leurs cases
respectives ; leurs épouses acheminaient les repas de la
journée à leurs maris à l'Abââ par
l'intermédiaire des enfants. D'habitude, même les passants ne
traversaient pas un village sans faire un détour à
l'Abââ soit pour des civilités d'usage, soit pour partager
le repas.».70(*)
Le rôle hospitalier de l'Abââ se manifeste
également par le fait qu'un voyageur de passage à la
tombée de la nuit dans un village pouvait être interpellé
par un ancien pour se laisser proposer une couchette. L'étranger
bénéficiait alors de l'hospitalité de l'Abââ
et du village. Et lorsqu'il devait repartir, il se voyait très souvent
offrir un présent, à l'exemple d'un poulet, et des provisions
pour la suite de son voyage.
D'Abââ en Abââ, la même culture
de l'accueil et de l'hospitalité se manifeste encore, à quelques
égard, même si beaucoup de changements sont observés, cette
culture de partage caractérise encore les communautés de la
forêt équatoriale.
5. Centre culturel
et musée71(*)
Selon Steeve Elvis ELLA, « en pays Ekang (Fang),
le Mvett se dit habituellement au lieu traditionnel appelé Corps de
garde (aba) »72(*). L'Abââ est ce cadre d'expression des
éléments fondamentaux de la culture fang qui se rattache
étroitement à l'épopée du Mvet contée par
des joueurs initiés. En effet, c'est dans le Mvet que réside
toute la culture fang. Dans cette optique, « Le Mvett est
joué initialement dans les corps de garde, dans les « cases de
vie » (aba), qui est la demeure où s'assemblent les sages pour
instruire les générations montantes. C'est le centre discursif et
analytique où se façonne le jugement, lieu d'apprentissage de
l'histoire, de la sagesse, de la rectitude, c'est là que l'on
débat des affaires de la Cité. »73(*). Il est donc difficile
d'entamer une lecture des aspects prégnants de la culture fang que
sont : l'art oratoire guidé par les dictons et proverbes, les
contes et légendes, les danses et rythmes, le jeu des instruments de
musique et la formation des sonorités, la généalogie et
autres relations de la parenté entre le clan qui occupe un village et
les autres qui l'environnent, l'histoire du village ou de la communauté,
les rites, etc. sans évoquer l'Abââ. En tant
qu'entité culturelle à vocation d'institution millénaire
chez les Fang, l'Abââ est génitrice et dépositaire de
la culture. Le fait que cette culture est restée fondamentalement
tributaire de l'oralité justifie son mode de transmission à
travers les échanges interpersonnels, de génération en
génération. Contenu dans le mythe, le mystique, les croyances,
les représentations et l'ésotérique, les
éléments constituant le socle de la culture, sont partagés
par la communauté et deviennent alors « l'ensemble des
traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs,
qui caractérisent une société ou un groupe
social ». Cette acception de la culture englobe, «...
outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de
l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les
croyances »74(*). A côté de cette
réalité sociale qui se déroule naturellement, il convient
de faire remarquer que, certes le souci de transmettre ces
éléments de la culture anime les anciens, mais ils les
gardentpour les léguer aux descendants qui s'y intéressent
manifestement et consciemment. C'est dans ce sens que MVE BEKALE dira
que « l'abà » ou maison des hommes, est quelque peu
le berceau de la culture fang »75(*), étant entendu que pour apprendre cette
culture ou la transmettre, il faut bien cette communion interpersonnelle au
sein de l'Abââ.
Dans son rôle de musée, l'Abââ
présentait diverses pièces allant des trophées de chasse
aux instruments ou outils utilisés de tradition ancestrale. En effet, il
était possible de voir des crânes de certaines bêtes
redoutables de la forêt comme le gorille, l'éléphant, le
buffle, le boa, le léopard...ou des peaux de reptiles accrochés
aux poutres de l'Abââ. Cette pratique permettait, dans un premier
sens, de conserver des reliques de ce genre pour que les
générations à venir puissent contempler ces tableaux et
pouvoir les reconnaître. Dans une autre approche, l'Abââ
accueillant des passants et des étrangers, ces décorations
exprimaient également la présence de vaillants hommes dans ce
village, capables de dompter des créatures impressionnantes. Par
conséquent, ce village méritait ou bénéficiait
d'une considération certaine.
En dehors de ces éléments, les anciens
travaillent habillement dans l'Abââ autour des petits
métiers de l'artisanat, de la vannerie, du tissage des filets de
pêche et de la sculpture des outils utilisés dans la cuisine ou
pour les travaux champêtres. C'est ainsi que les plus jeunes peuvent
également apprendre ces métiers, chacun selon son talent. Par
exemple, au moment de l'achat, la machette est garnie d'un manche. Mais, les
paysans ont pris l'habitude de remplacer ce manche en bois par un autre, plus
long, qu'ils savent fabriquer eux-mêmes, à partir d'un arbuste
appelé « ndzitsip » chez les Ntumu. Ce
manche rallongé est une adaptation à l'utilisation qui permet de
résoudre un problème sérieux. En effet, l'homme qui
défriche peut avoir une envergure plus importante de la lame de son
outil qui balaie un rayon plus grand. D'autre part, certaines bêtes
dangereuses comme les reptiles à venin peuvent être
neutralisées à distance avec une machette qui a connu cette
modification. Les paysans l'appellent « avion »,
comme pour insinuer que son rayon d'action a augmenté et qu'elle balaie
une envergure plus grande, comme l'aile d'un aéronef.
6. Lieu de culte et
de requiem
Au lever du jour, dans plusieurs villages fang devenus
essentiellement chrétiens, les gens se rassemblent entre 5h30m et 6h
pour prier. Ceux qui sont d'obédience protestante utilisent le programme
officiel de l'Eglise Presbytérienne Camerounaise (EPC) comme guide des
lectures, des cantiques à exécuter et des intentions de
prière. Une des personnes dirige la prière cette prière
matinale qui dure environ 20 mn. Cette prière matinale s'appelle
filiya dans les villages. En fait, selon les personnes
interrogées sur la signification de ce nom, il nous a été
expliqué qu'il s'agit d'une déformation du nom anglais
prayer qui signifie prière en français. Il a
été introduit et adopté dans leur environnement par les
premiers évangélistes de la Mission Protestante Américaine
(MPA) au début du XIXè siècle, comme plusieurs
autres mots tirés des langues de ces missionnaires et colonisateurs.
C'est à l'issue de cette séance de prière
que les uns et les autres se saluent et entreprennent d'échanger
d'informations relatives à la vie en général ou aux
nouvelles parvenues pendant la nuit. Certains qui écoutent la radio
communiquent les nouvelles du jour à la communauté. D'autres
échangent sur leur programme de la journée et les travaux qu'ils
vont entreprendre, en précisant même de quel côté du
village ils iraient, dans le souci d'orienter les autres en cas de
nécessité.
Au cours des pratiques cultuelles traditionnelles,
l'Abââ fait souvent office de temple de Byèri76(*) lors des rites initiatiques
chez les Fang du Gabon. Ces cultes se célèbrent
généralement à la tombée de la nuit, une
cérémonie animée de rythmes et danses
réservées aux seules personnes dites
« initiées ».
De même, les cérémonies mortuaires
également se déroulent à l'Abââ. Le corps du
défunt est disposé au corps de garde. C'est là que le
culte d'inhumation se déroulera, avant qu'il soit transporté
vers sa tombe. Il est vrai qu'en raison du nombre de personnes, une extension
en matériaux végétaux ou avec des dispositifs plus
modernes comme des tentes est souvent faite à l'Abââ s'il
s'avère étroit.
7. Salle des manifestations :
Dans son rôle de salle des cérémonies,
l'Abââ abrite très souvent des événements et
des réunions de divers ordres.
Sur le plan coutumier ou culturel, les
cérémonies concourant au mariage traditionnel se
déroulent souvent à l'Abââ. C'est ici que le clan qui
vient demander la main d'une jeune fille native du village est accueilli
publiquement. A l'occasion d'une cérémonie de cet ordre, les
pourparlers menés par les porte-paroles des deux clans se
déroulent à l'Abââ et les débats y relatifs
s'inscrivent dans un registre linguistique soutenu, essentiellement
émaillé de proverbes, de dictons, de paraboles, etc. Chaque
groupe peut, à la suite de l'intervention du porte-parole de la partie
adverse, se retirer en aparté pour une concertation, comme un temps
mort. Pour des raisons de circonstance, le porte-parole de la famille du jeune
garçon qui vient demander la main ne dira pas, par exemple :
« Nous avons aimé une fille du nom de X
dans ce village et nous sommes venus demander à
l'épouser ». Il est souhaitable qu'à travers sa
prise de parole, l'on dénote en lui la maîtrise de la
rhétorique, de l'art oratoire et de la sagesse. Cela suscite du respect
de la part de ses pairs de l'autre partie ; par conséquent, il
serait plus indiqué pour lui d'utiliser des images pour laisser
comprendre la raison de sa présence en ces lieux.
En outre, l'Abââ sert souvent de lieu de
rassemblement lors de la tenue des réunions politiques, les campagnes de
sensibilisation entreprises par les agents des services d'Agriculture et les
vulgarisateurs agricoles, etc. C'est également à
l'Abââ que les autorités administratives sont
généralement accueillies lors de leurs tournées dans les
villages, même si par la suite, le visiteur pourra être conduit au
domicile d'un tiers, après la séance de travail publique.
8. Lieu communautaire d'exposition aux
médias de masse
Certains supports de médias de masse ont su
intégrer l'Abââ progressivement. Au départ, il
arrivait que de vieux journaux soient lus par une personne
éclairée qui essayait de traduire le contenu de certains articles
aux autres, avec des commentaires selon son inspiration. De même, un
récepteur radio, avec l'antenne ingénieusement rallongée
avec des fils de courant, est souvent placé au centre de
l'Abââ pour permettre à la communauté
d'écouter les informations. Si le propriétaire peut emporter son
poste radio au champ, il a conscience tout de même qu'il devra revenir en
mi-journée pour ne pas priver ses pairs de l'écoute des nouvelles
de la journée.
Avant 1985, date de l'avènement de la
télévision au Cameroun, les matches de football dont le reportage
était diffusé à la radio drainaient de nombreux auditeurs
à l'Abââ. D'ailleurs, c'est encore le cas dans nombre de
villages où il n'y a ni électrification rurale, ni même de
téléviseur pour permettre aux populations de visionner ces
programmes. C'est parfois à l'aide d'un groupe électrogène
que les rares téléviseurs qui existent sont souvent
alimentés, en y associant des équipements comme des antennes
numériques qui permettent de recevoir des images.
C'est ainsi que s'est effectuée l'intrusion des moyens
de communication de masse modernes dans l'Abââ. De plus en plus
aussi, la téléphonie mobile se répand dans les zones
rurales. Le tamtam qui servait d'instrument de communication, lui, se retire de
l'environnement de l'Abââ. C'est davantage pour des animations
publiques ou religieuses qu'il est désormais plus présent, autant
que les xylophones et les tambours.
Conclusion
Eu égard à ce qui précède, nous
pouvons conclure que l'Abââ est une institution multifonctionnelle
dans l'aire culturelle fang. L'on peut relever que c'est fort de cette
diversification des fonctions qui se rattachent à cette structure
sociale qu'il est possible de l'envisager comme plateforme importante dans la
vie communautaire du groupe. Autant de rôles joués par une
même structure sociale l'amènent à acquérir un
caractère dynamique et à générer un trafic
communicationnel. C'est ce qui explique l'interactivité tissée
sur la toile de l'Abââ par les membres des communautés
traditionnelles qui vivent ensemble et partagent ce même espace. Comme
dirait Erving GOFFMANN, cette mise en scène de la vie quotidienne se
déroule au sein de l'Abââ depuis des
générations, malgré l'effet des agents de changements
sociaux77(*). Ceci
justifie que cette structure soit perçue comme une transposition
homologique des réseaux sociaux de cette ère moderne.
CHAPITRE QUATRIEME:
HOMOLOGIE ENTRE L'ABAA ET LE
RESEAU SOCIAL MODERNE
Introduction :
L'enjeu majeur de ce dernier chapitre est de mettre ensemble
deux phénomènes appartenant à deux univers culturels
différents et d'en établir des traits de similitudes. Parler
d'Abââ nous ramène naturellement dans la
société traditionnelle et même rurale des Fang, mettant en
exergue un phénomène culturel perpétué depuis des
générations. De même, l'évocation de réseau
social nous amène à jeter un regard sur cette mouvance de
mondialisation dans laquelle certains observateurs essayent de globaliser tous
les continents. Avant tout développement, la considération que
nous aurons des réseaux sociaux est celle qui se situe dans une optique
de type relationnel et interactif. De manière générale, un
réseau est dit social en ce qu'il permet à une personne
d'échanger avec les autres membres. Nous avons envisagé de
relever des ressemblances entre l'Abââ ancestral et les
réseaux sociaux modernes. Cette entreprise ne serait possible que si
nous dégagions d'abord les fondements de chacune des deux
réalités qui se sont certainement développées sur
la base de certains objectifs précis qu'il importe aussi de
connaître.
1. Fondements de l'Abââ et
des réseaux sociaux
Avant toute chose, il serait peut-être important de
distinguer médias sociaux de réseaux sociaux. En effet, Selon
Brian SOLIS78(*), le terme
médias sociaux décrit «
les
outils en ligne que les personnes utilisent pour partager du contenu, des
profils, des opinions, des points de vue, des expériences, des
perspectives et le média lui-même, ainsi ils facilitent la
conversation et l'interaction en ligne entre des groupes de
personnes. ». Ces outils sont à l'origine
d'un profond changement dans la diffusion de l'information. Les discussions
portant sur le terme font d'ailleurs apparaître une différence
entre les outils et le concept, selon qu'il est écrit en majuscule ou en
minuscule, en français cette séparation pourrait se traduire par
les médias sociaux en tant qu'outil, et le média social en tant
que concept. Selon Brian SOLIS«
le
concept de média social marque un tournant dans la manière dont
les personnes découvrent, lisent et partagent les nouvelles, les
informations et les contenus. C'est la fusion de la sociologie avec la
technologie qui transforme le monologue en dialogue, le one to many, en many to
many ». Alors que Brian SOLIS milite pour
l'appellation des médias sociaux en nouveaux médias, un autre
penseur,
Robert SCOBLE79(*), dans son
blog
Scobelizer,insiste sur l'importance de l'impact des médias sociaux
sur Internet, selon lui ce sont des « médias Internet qui ont
la possibilité d'interagir sur l'Internet
lui-même ». Dans cette discussion l'apport de
Stow BOYDet de son
blog
stowboyd.com est fondamental. Dans
un
article
se voulant une réponse à Robert SCOBLE, il donne les
caractéristiques qui distinguent les médias sociaux des
médias traditionnels. Ces indicateurs sont les suivants :
a. ils ne sont pas des médiums enregistrés, ils
ne diffusent pas un seul message à une audience ;
b. ils sont sur le modèle many to many, ils
sont conversationnels et impliquent une discussion ;
c. ils sont ouverts, toute personne peut y publier ;
d. ils sont perturbateurs, ils n'obéissent pas à
un modèle hiérarchisé et contrôlé.
Selon Stow BOYD, le terme définit aussi bien la «
socialisation de l'information que les outils qui facilitent la
conversation ». Tout comme les autres penseurs des
médias, il opère une distinction dans le terme mais cette fois
c'est par rapport aux outils eux même. Les blogs et les wikis sont, selon
lui, seuls dignes d'intérêt et concentrent tous ses espoirs de
changement « C'est le blog qui est devenu une formidable
plateforme pour les médias sociaux ».
Nous avons vu que sur le plan physique, l'Abââ a
connu une évolution avec le temps. Ce qui lui est intrinsèque
c'est sa vocation à générer une convergence et à
favoriser une interaction entre les membres de la communauté
villageoise. En effet, les fonctions que remplit l'Abââ ne se sont
pas dévoilées toutes au même moment dans cette structure
sociale. L'on peut y comprendre une dynamique progressive qui amène
l'Abââ à se constituer en une institution, celle qui
coordonne la vie des familles du clan qui habite un village.
Leconcept de l'Abââ dans les villages
intègre trois principes fondamentaux qui semblent s'imposer aux membres
de la communauté. D'abord il faut l'érection d'un bâtiment
qui matérialise l'esprit Abââ dans la conscience collective.
Ensuite, la confiance que la communauté doit avoir en
l'aîné du clan ou du village de bien conduire les affaires du
groupe.
Enfin, l'obligation morale, placée comme norme sociale,
que tous les hommes ont, à moins que l'un d'eux ne s'exclut
lui-même, de se connecter au reste de la communauté à
travers leur présence physique à l'Abââ. Cela se
manifeste par une organisation qui a pour fondement les liens familiaux, ou la
filiation ; c'est sur cette entité basique que le village est
généralement constitué chez les Fang. C'est sur ce socle
relationnel indéfectible - car les liens de famille ne dépendent
pas de la volonté des membres du clan - que, comme le dirait Eric
LETONTURIER80(*), se
développent les relations interpersonnelles avec des
« positions équipotentes au sein d'un espace
pluricentré ». S'inspirant des travaux de TARDES, cet
auteur arrime ce type de formation sociale à ce qu'il appelle
« modèle général du réseau dans la
conception du social », défendu par TARDES, en faisant
appel à certains concepts propres à la psychologie sociale. Il
règle ainsi la question du rapport individu/société au
moyen de la notion d'imitation qu'il
« désubstantialise » pour ne retenir que sa
dimension relationnelle. La transposition des relations entre individus du
village repose sur le modèle de « groupes de gens qui
s'entre-influencent» par échange de leurs différences, la
société est donc cet espace réticulaire de circulation et
d'échange de flux imitatifs entre des individus ».
Finalement, il s'agit d'une communauté reposant selon TARDES
sur «cette communication sociale générale
».
Les fonctions sociales que joue l'Abââ ont
été ressassées dans le précédent chapitre.
Néanmoins, en se basant sur la position majeure qu'occupe cette
structure de l'organisation sociale fang, nous allons l'aborder sous l'angle
que Van VESLSEN81(*)
appelle « analyse situationnelle ».En effet, la
structuration des relations sociales induites par l'Abââ aux
habitants d'un village peut se schématiser. Le village Fang n'est pas
constitué, par exemple, comme le voisinage dans un quartier de centre
urbain. La base des relations humaines étant essentiellement le lien
familial. L'analyse du réseau local que forme naturellement un village
est centrée sur certaines personnes et le groupe dans sa
globalité, comme le recommande d'ailleurs EPSTEIN82(*).
Le rapport qui se dégage entre le tissu relationnel
établi dans un village sous la férule de l'Abââ et un
réseau social est basé sur la théorie des réseaux
sociaux qui conçoit les relations sociales en termes de noeuds et liens.
Selon certains auteurs ayant abordé la question de l'analyse des
réseaux sociaux, à l'instar de DEGENNE et FORSE83(*), il convient de
considérer que les noeuds sont habituellement les acteurs sociaux dans
le réseau mais ils peuvent aussi représenter des institutions.
Les liens sont par conséquent les relations entre ces différents
noeuds. Ainsi, le couple, la famille, la communauté et plusieurs autres
formations sociales peuvent représenter des réseaux sociaux. Pour
le cas d'espèce, nous avons envisagé l'Abââ dans la
perspective d'une entité sociale de type institutionnel. Il s'agit d'un
ensemble, d'une organisation dont les familles du village sont les membres et
les individus en représentent des éléments, à
travers laquelle certains objectifs de leur vie sont atteints.
2. Objectifs de l'Abââ et
des réseaux sociaux
Aborder la question des objectifs revient à se demander
pourquoi l'Abââ existe et pourquoi les réseaux sociaux sont
formés. D'abord, les émanations de l'un et l'autre
répondent naturellement à un besoin de raffermir les relations
communicationnelles et les différents échanges entre les
individus. A ce sujet, J. L. MORENO pense que « de tous les
temps, notre société est formée en réseaux ayant
des modes d'organisation variés. En développant la
sociométrie, il propose des hypothèses sur le fonctionnement
microsocial des réseaux et sur leurs possibles effets
macrosociaux »84(*). Partant des formations sociales comme les
églises, les associations ou même les sectes, ce qui motive les
membres à créer un cercle qui leur est propre est
déterminé par les différents objectifs qu'ils se fixent.
Avec l'évolution des technologies de l'information et de la
communication, l'on vit une forte émergence des réseaux sociaux
sous la forme virtuelle ou électronique. Ceux-là aussi se
constituent dans le sens de rapprocher les membres et favoriser les
échanges entre eux. Parler d'un réseau social revient donc
à considérer l'existence d'une communauté d'individus
échangeant entre eux toutes sortes d'informations. Les réseaux
sociaux font appel aux points communs qui relient les individus entre eux. Sur
sa propension moderne développée à travers l'internet, le
réseau social existe à travers n'importe quel site facilitant les
flux d'informations autour de sujets communs aux membres du réseau.
En effet, « le système du réseau
social est basé sur la théorie des six degrés affirmant
qu'entre deux personnes prises au hasard, il existe forcément des liens
qui les unissent »85(*). Le monde virtuel de l'internet est assez vaste
pour accueillir une très grande diversité de réseaux
sociaux qui diffèrent les uns des autres par les objectifs qu'ils
poursuivent.
Ainsi, les réseaux sociaux ont pour but de créer
des interactions sociales entre les utilisateurs : c'est ce qui explique leur
essor en cette ère de la mondialisation. Une majorité
d'utilisateurs s'inscrivent pour créer des relations amicales,
professionnelles et des affinités diverses. Les différents
réseaux sociaux sont spécialisés dans des domaines
spécifiques. Facebook, le plus populaire actuellement, se base
principalement sur les relations amicales, les amis perdus de vue ou encore les
relations intimes86(*).
3. Typologie des réseaux
sociaux
Il est important de rappeler qu'avant l'arrivée des
nouvelles technologies de l'information et de la communication, certaines
formations sociales fonctionnaient déjà en réseau. Nous
les admettons dans l'acception qui définit le réseau social comme
étant « un ensemble d'identités sociales, telles
que des
individus ou
encore des
organisations,
reliées entre elles par des liens créés lors d'
interactions
sociales ». Il se représente par une structure ou une
forme dynamique d'un groupement social87(*). A l'échelle d'un village, les individus se
retrouvent au sein d'une plateforme afin d'interagir entre eux en un
réseau social local.
Ces réseaux sociaux traditionnels ont
préfiguré les réseaux sociaux modernes qui sont
passés d'une plateforme physique, limitée par le facteur de la
distance géographique d'interaction entre membres, à une
interface virtuelle favorisant l'extension du réseau à
l'échelle mondiale. Ce qui fait que globalement, nous avons deux grands
ensembles typologiques des réseaux sociaux : les réseaux
sociaux physiques et les réseaux sociaux électroniques et
virtuels.
3.1. Les réseaux
sociaux physiques
En tant que réalité sociale, le réseau
peut s'entendre comme un groupe, une organisation ou une institution
particulière. À ce titre on peut parler d'un réseau
d'individus - ou d'un réseau social - d'un réseau
d'entités internes à une organisation ou encore de réseaux
d'entreprises. Il s'agit alors de considérer davantage l'interaction
sociale, la façon dont les acteurs vivent l'échange, plutôt
que la spécificité du cadre institutionnel sous-tendant cet
échange. C'est ce type de réseau que nous convoquons dans cette
étude, type auquel appartient l'Abââ des Fang. En effet,
cette forme naturelle de réseaux que peuvent constituer les individus
ou les organisations, adaptées aux réalités, aux
contingences et aux contraintes de leur environnement fonctionne dans la
plupart des communautés traditionnelles. On distinguera les groupes
sociaux, caractérisés par l'existence d'interactions (directes ou
indirectes) entre les membres et la conscience d'une appartenance commune
(familles, collectifs de travail, associations...), des simples agrégats
physiques (par exemple une file d'attente ou le public d'un spectacle) ou de
catégories statistiques (Caractéristiques socioculturelles...).
Les groupes sociaux se différencient en fonction de leur taille, de leur
rôle, de leur mode de fonctionnement et de leur degré de
cohésion.
3.2. Les réseaux
sociaux électroniques
Dans le domaine virtuel des technologies de l'information et
de la communication (TIC), un réseau social est une application internet
dédiée à la communication avec ses connaissances, à
la rencontre de nouvelles personnes ou à la construction de son
réseau professionnel. Ici, l'on distingue les réseaux sociaux
généralistes et les réseaux sociaux
spécialisés. Eu égard à leur niveau de
développement dans le domaine des TIC, les pays d'Amérique, de
l'Europe et de l'Asie sont les plus importants utilisateurs de ces
réseaux sociaux formés via l'internet.
A titre d'exemple, en mars 2012, l'institut d'études
Nielsen, publiait les résultats d'une enquête menée sur les
réseaux sociaux et annonçait que plus des deux tiers des
internautes au monde fréquentent ce type de site. Leur utilisation
dépasse celle des e-mails (66,8 % contre 65,1 %). Les réseaux
sociaux occupent près de 30,4 % du temps passé par les
internautes européens sur internet.?
De son côté, ComScore Media Metrix, autre
institut d'études, plaçait Facebook comme le réseau
préféré des Français avec 17,8 millions de
visiteurs uniques (V.U) en mai 2012. Il était suivi de Skyrock - Skyblog
avec 14,6 millions de visiteurs, puis de Windows Life Profile (8 millions). Le
réseau social « Copains d'avant », qui a connu sur la seule
année 2008, une croissance de 112 % avec 5,9 millions d'adeptes, se
classe en quatrième position. MySpace avec 3,7 millions de V.U ferme la
marche du top cinq français. Mais avec des chiffres de croissance
impressionnants, ce classement évolue rapidement88(*).
La carte qui suit illustre la répartition des
réseaux sociaux les plus fréquentés en 2007.
Carte
2:Les sites de réseaux sociaux mondiaux les plus
fréquentés
Source : ValeyMag août 2007,
Datamonitor.
Au regard de cette carte, l'on peut constater que l'Afrique
est parmi les continents qui utilisent très peu ou presque pas les
réseaux sociaux en ligne. Seuls l'Egypte, la Tunisie, le
Sénégal et l'Afrique du Sud ont été classés
ici.
Par contre, sur cette autre carte ci-dessous, il apparait la
répartition des réseaux sociaux utilisés en
général dans les différents continents du monde en
2008.
Carte
3:Répartition des réseaux sociaux utilisés en
général dans les différents continents du monde en 2008
Source :
www.oxyweb.co.uk, octobre 2008.
4. Similitudes entre les réseaux
sociaux modernes et l'Abââ
4.1. Critères
indicateurs d'un réseau social
Nous allons définir les éléments
caractéristiques d'un réseau dit social. Parlant de celles du
réseau « Facebook » par exemple, Lino PUNGI le
présente comme étant « site communautaire,
permettant de se maintenir et de tisser les liens entre individus. Il s'agit
d'une boite à outil social, en quelque sorte, qui peut servir à
la fois personnellement (jouer, se divertir, faire de rencontre, trouver de
l'emploi, etc.) et professionnellement (acheter, vendre, collaborer, organiser
des événements, se former, se faire de la publicité,
etc.). »89(*).
Quatre critères sont à considérer de ce
fait pour typer un réseau social.
Premièrement, l'existence d'une plateforme qui peut
être ouverte ou semi ouverte, en ce sens que tout le monde peut y avoir
accès librement ou que des conditions sélectives doivent
être remplies pour appartenir à ce réseau. Ici, plateforme
s'entendrait comme un cadre ou un espace expressément destiné
à regrouper les membres du réseau.
Deuxièmement, la possibilité de création
d'un profil individuel ou collectif, un identifiant à travers
l'inscription que l'on fait pour appartenir à la communauté des
membres de ce réseau.
Troisièmement, la possibilité qu'offre ce
dispositif physique ou virtuel aux membres de pouvoir échanger diverses
données.
Quatrièmement, l'interaction qui s'établit entre
les membres une fois que ceux-ci accèdent à la plateforme
communautaire.
Dans le domaine des TIC par exemple, un site de réseau
social est donc une catégorie de site internet avec des profils
d'utilisateurs, des commentaires publics semi-persistants sur chaque profil, et
un réseau social public navigable (traversable) affiché
en lien direct avec chaque profil individuel."
Le réseau social repose donc sur une participation
égale d'une communauté d'internautes (on parle aussi de
networking ou réseautage). On y communique
« one-to-one », « one-to-many » ou
« many-to-many ». Par ailleurs, le réseau social se
distingue d'autres formes de travail collaboratif sur l'internet par la notion
de profil qui lui est centrale.90(*)
Un réseau social répond à un besoin
primaire d'appartenance sociale de tout individu. Il s'ajoute à cela, le
besoin de tout individu à être estimé par les autres
membres de sa communauté. La première caractéristique du
réseau social est de regrouper des personnes autour de concepts communs.
Toutes sortes de centres d'intérêts se retrouvent à un
même endroit et tout le plaisir est de rencontrer d'autres personnes qui
les partagent.
4.2. Mode de fonctionnement du réseau social
La plupart des réseaux sociaux fonctionnent de la
même manière. Pour devenir membre du réseau chaque personne
doit créer son propre profil en procédant à une
inscription en ligne sur le site. Ce profil lui servira de clé
d'entrée au site et lui permettra d'être identifié par tous
les autres membres tout au long de sa navigation sur le site. Chaque membre
peut par la suite soit intégrer un groupe existant, soit créer sa
propre communauté avec qui il partagera les centres
d'intérêts et les motivations liées au site, à
travers un système d'invitations et de recherche d'individus membres de
la communauté. Des applications sont ensuite proposées par le
site pour inciter les membres à être actifs et ne pas seulement se
servir du site comme vitrine.
Une remarque doit être faîte en ce qui concerne
les modalités d'inscription au site. En effet, tout membre du
réseau peut en toute liberté s'inscrire dans les groupes ou
communautés qu'il désire sans aucune restriction de nombre.
4.3. Utilité
du réseau social
Le plus grand intérêt des réseaux sociaux
est la suppression des barrières de communication. En effet, les limites
espace-temps sont nettement réduites voire inexistantes car en un temps
record, le réseau social permet de joindre un nombre considérable
de personnes se trouvant aux quatre coins du globe. Rien de mieux donc pour
renouer des liens avec des personnes que l'on a perdues de vue et
d'établir de nouvelles relations.
Les réseaux sociaux sont des outils qui permettent
à certains individus de se valoriser. Ils permettent de manière
indéniable de communiquer et de partager des sentiments et des opinions
avec des personnes qui peuvent comprendre ce que l'on ressent à travers
le monde. En reliant les individus de toutes nationalités et cultures,
le réseau social permet de sortir de nombreuses personnes de la solitude
ou de l'isolement.
Enfin, il est tout aussi important de reconnaître que
des dérives sont possibles sur ces plateformes de type virtuel. Le
virtuel développe souvent chez certain individus une vie autre,
ignorée de l'entourage, différente de celle qu'ils vivent
réellement.
A l'Abââ, l'on est une communauté physique
essentiellement interactive, satisfaisant exactement les mêmes besoins
que dans le réseau social virtuel,avec des acteurs sociaux actants
directement et individuellement connus. Cela lui confère un avantage en
chaleur humaine plus immédiate, favorisant la contribution de tous les
autres organes sensoriels dans les actes de la communication interpersonnelle
qui se développent au sein de cet espace. Ce qui pouvait paraitre comme
avantage indéniable, la possibilité d'échanger avec des
membres géographiquement très éloignés les uns des
autres se compense dans une certaine mesure par la proximité des acteurs
et l'immédiateté qui renforcent l'expressivité de tous les
aspects verbaux et non verbaux de la communication interpersonnelle. Ce type
d'espace permet alors de développer une communication globale assez
efficace.
4.4. Eléments de similitudeentre
le réseau social et l'Abââ
4.4.1. La configuration
Faisons d'abord remarquer que le menu principal du
« site » Abââ obéit aussi à une
configuration particulière, semblable à nombre de sites internet.
D'ailleurs, en discutant avec l'administrateur du site internet
www.monefang.com, il déclare
s'être inspiré de l'Abââ pour proposer un menu aux
internautes sur ce site-là. En effet, une fois dans l'Abââ,
c'est-à-dire que l'on a ouvert la page « Accueil ».
Dès lors, chacun peut marquer un intérêt pour l'une ou
l'autre des pages qui composent le menu principal:
- Qui sommes-nous ? Celui qui souhaite en savoir
plus sur le clan pourra être édifié par un ancien de
l'Abââ ;
- Actualité : toutes les nouvelles du
village et même de la contrée sontpartagées à
l'Abââ dans les causeries que les uns et les autres engagent. C'est
également le lieu d'échange d'informations afin que la
communauté soit au courant de la dernière actualité :
faits divers, cas de maladie, deuil, d'accident, mariage, réunion,
circulaires de l'administration, visite des autorités administratives,
etc.
- Tradition :c'est justement à
l'Abââ que l'on apprend beaucoup d'élément de la
tradition fang ;
- Proverbes, Contes et légendes : tous
s'apprennent à l'Abââ car, chaque fois qu'une assise a lieu,
ce sont ces éléments rhétoriques qui sont
généralement convoqués pour appuyer les idées des
intervenants ;
- Divertissement : A l'Abââ, l'on
joue à divers jeux dont le plus traditionnel est le Songo.
Parfois, c'est dans l'esprit d'un tournoi que des protagonistes s'affrontent
pour désigner le plus grand joueur de Songo du village. Ce
dernier est souvent le dernier rempart des confrontations qui opposent les
natifs du village à un joueur venu d'ailleurs. Il est mal perçu
qu'un étranger vienne s'imposer sous l'Abââ d'un village
autre que le sien. C'est davantage ici que l'expression « a kam
mbong Abââ »trouve toute sa raison
d'être ; cela signifie dans ce contexte que le joueur local ne doit
pas se laisser battre par un étranger au risque de voir ce dernier
« arracher » la poutre centrale de l'Abââ.
- Forum : des discussions et des échanges
ont effectivement lieu entre les membres de l'Abââ.
Vu ainsi, il s'esquisse bien une similitude entre l'espace
d'échange qu'offre l'Abââ et celui qu'ouvre également
un site internet, à quelque différence près. C'est une
transposition qui s'opère dans une logique qui vise à
démontrer que cette configuration de l'Abââ est
séculaire et que les interfaces virtuelles créées par la
technologie modernesont souvent calqués sur le modèle des
plateformes physiques plus anciennes.
4.4.2. Le mode opératoire
En ramenant donc notre analyse au niveau des réseaux
sociaux, rappelons que ces derniers peuvent se différencier par leur
taille et même par leur spécificité.
L'élément le plus important est que chacun révèle
les caractéristiques qui leur sont communes, à savoir : une
plateforme, un profil, le partage des données, et l'interaction.
Pour le cas de l'Abââ, nous allons transposer ces
éléments pour mettre en évidence le côté
homologique des deux entités. La première similitude
apparaît lorsqu'un individu entre à l'Abââ ; il
se connecte avec la communauté des membres de cet Abââ,
tout comme peut le faire un membre d'un réseau. En fait, une personne
qui prend place à l'Abââ accède à la
plateforme qui va désormais favoriser les échanges avec les
autres membres ou utilisateurs. Son comportement est désormais induit
par les règles qui régissent cet espace.
Dans un premier cas, il peut entamer son échange par
les civilités, les salutations qu'il adresse aux membres de
l'Abââ qui sont présents, eux aussi connectés par
conséquents. Selon qu'il s'agit d'un membre du clan ou d'un
étranger de passage, le rituel des salutations sera évidemment
différent, car à ce dernier, inconnu de surcroit, il lui sera
demandé, si lui-même n'anticipe pas, de se présenter ( nom
de l'intéressé, nom des parents, clan d'appartenance,
lignée de sa mère, éventuelles connexions parentales avec
l'Abââ dans lequel il se trouve, lieu de provenance et destination,
l'objet de son escale à l'Abââ, etc.) comme lorsqu'un nouvel
utilisateur s'inscrit sur un réseau social moderne, ne serait-ce que
pour quelques temps. Il est donc présent à l'Abââ en
mode actif.
De même, un individu peut également
décider de se connecter en mode inactif dans la mesure où il peut
décider de ne pas adresser la parole à un autre membre, de ne pas
s'intéresser aux autres, exactement comme sur un site internet ou un
réseau social. Mais, il ne pourra pas empêcher les autres de
s'intéresser à lui ; ne pas répondre aux messages qui
lui sont adressés ou ne pas y réagir sera alors la forme de
communication qu'il aura choisi de manifester.
Chaque Abââ est rattaché
généralement au nom de son chef, comme pour le
référencer, dans la logique d'une adresse de site internet, avec
un administrateur qui régule le fonctionnement de cette institution et
veille à la préservation d'une bonne image, au
développement d'une bonne réputation ou notoriété.
C'est par là aussi que sa visibilité est garantie afin de
créer une différenciation avec les autres organisations
similaires des villages voisins.
En se référant aux critères-indicateurs
qui caractérisent un réseau social, nous dirons que
l'Abââ constitue tout d'abord une plateforme commune, un espace
communautaire qui met en relation tous ceux qui rentrent dans cet espace, comme
un « switch » partagé par les membres
connectés à un réseau social local.
A titre d'exemple, pour illustrer comment une personne qui
entre à l'Abââ pour retrouver les autres qui y ont
déjà pris place, l'on pourrait simuler la conversation
suivante :
Le nouveau venu : Mbôlanooo !
(Bonjour à tous !)
Les personnes assises :
Ambôlôô ! (Bonjour !)
Le nouveau venu : Ye mi ne mvu'è ?
(Comment allez-vous ?), etc. Me ne X, mone Esakôran ye Endendem,
mone ngoane Esambira ye Ma'an, me ne é moan Y. (Je m'appelle X,
Esakôran d'Endendem, ma mère est Esambira de Ma'an, je suis fils
de Y.).
Une fois ce contact établi, la personne peut
désormais évoluer à l'intérieur du réseau en
s'intéressant à n'importe quel autre
« utilisateurs » avec lequel une affinité pourrait
naître et se développer en fonction des centres
d'intérêts.
Le profil du membre de l'Abââ c'est son nom de
famille. A l'Abââ, on appelle chacun par son nom et tout le monde
peut être identifié par les autres. Généralement,
à côté du nom de famille, il existe des pseudonymes ou des
surnoms qui sont attribués aux gens, surtout lorsque les patronymes sont
les mêmes pour deux individus du clan. La différence avec les
profils que les membres de la communauté des internautes s'attribuent et
veulent bien communiquer aux autres est qu'à l'Abââ,
au-delà des traits physiques et de la physionomie même les
habitudes, caractères et comportements des uns et des autres sont
connus.
Pour aller plus loin, nous dirons que le profil de chaque
individu peut également se décliner au niveau de son
Abââ en un référent nominal personnel, une
espèce de surnom évocateur que l'on appelle
« endan » chez les Fang. C'est une identité
nominative donnée à un individu très souvent à la
naissance qui dégage ou évoque les traits de caractères
que les sages de la communauté présagent en lui. C'est dans le
registre de la bravoure, de la sagesse, de la grandeur et de la probité
morale que l'on puise pour attribuer son profil nominal à chaque membre,
décliné en « endan ».
En dernier ressort, puisque l'enfant qui nait porte le nom
d'un de ses ascendants, il peut également hériter de l'endan de
son homonyme.
Le partage des donnéesphysiques ou nonest naturellement
ouvert au sein de l'Abââ. D'abord, ce qui peut rentrer dans le
cadre des actes de communications et qui induit forcément, consciemment
ou inconsciemment, une influence mutuelle entre les membres de
l'Abââ. A travers la communication verbale et la communication non
verbale, la communauté des membres de l'Abââ échange
plusieurs données immatérielles comme des informations diverses,
des idées et des connaissances, des émotions dont le flux est
difficile à quantifier.
En outre, l'Abââ est un lieu de partage. Il faut
déjà intégrer que l'espace géographique de
l'Abââ est un environnement physique qui est justement
partagé par les membres de la communauté. En se basant sur la
notion de territoire en communication où chacun peut avoir son espace
délimité, nous pouvons retenir que la configuration des places
assises dans l'Abââ présente une organisation qui met en
évidence la préséance que les aînés ont sur
les cadets, un métadiscours qui peut aussi faire l'objet de toute une
étude.
La place du « nyambôrô » est
identifiée au sein de l'Abââ de telle manière que
même s'il n'est pas présent, personne n'a le droit de l'occuper.
C'est généralement une chaise différente, qui peut
épouser la forme d'un divan ou sofa. A l'Abââ, l'on partage
donc plusieurs données, comme des informations, des repas, de la
boisson, des outils de travail, des documents comme de vieux journaux, des
recueils de cantiques, livres de prières, des connaissances à
travers contes, légendes, dictons et proverbes, etc. L'échange
des données est une réalité observable et palpable au sein
de l'espace.
Toutefois, les sociétés de tradition orale se
caractérisent toujours par la construction et le fonctionnement
codifié d'un système d'information et de communication
essentiellement oral, et donc immédiat. Les moyens utilisés le
plus souvent sont la parole et des instruments dont la portée et les
performances, on s'en doute, sont soumises aux conditions limitatives du temps
et de l'espace. La communication qui se réalise dans de telles
conditions reste très contingente à l'espace de communication et
à la présence effective des acteurs sociaux de la
communication.
En effet, comme le souligne André NYAMBA,
« la différence fondamentale que l'on constate
aujourd'hui, entre les systèmes de communication traditionnels et ceux
des TIC, est que dans le premier cas les acteurs sont présents en une
sorte de face à face verbal ou leur communication se limite à
l'espace et au temps qui les rassemblent. Dans le second cas, les acteurs ne se
« voient » pas physiquement et réellement, pour ne pas dire
qu'ils ne se touchent pas, mais ils ne sont pas soumis aux contraintes
limitatives du temps et de l'espace. »91(*)Ces deux situations
présentent des avantages et des inconvénients.
Il est intéressant d'observer ce qui se passe dans le
cas des changements dans les systèmes de communication traditionnels.
Enfin, de part ce partage, il s'établit une interaction
entre les personnes qui se retrouvent dans l'Abââ. Les
affinités et intérêts président parfois au
développement de différentes interactions. Si l'on saisit un
instant précis, il est possible d'observer et de schématiser les
échanges et interactions qui se déroulent à
l'Abââ. Les systèmes antérieurs de communication
servaient une cause sociale, celle des relations de solidarité
multiforme au niveau des espaces familiaux, lignagers, villageois et ethniques,
dans leur grande diversité organisationnelle : on se connaissait et
se reconnaissait en tant qu'acteurs sociaux complémentaires.
4.4.3. L'Abââ et le
réseau social sont des tribus et des communautés
Certains mots qui ont intégré le vocabulaire des
internautes proviennent du domaine de l'anthropologie. Ainsi, l'on pourrait
évoquer les vocables comme « tribu » ou encore
« communauté », qui sont des emprunts tirés
de l'étude des groupes humains. Une fois dans leur nouveau domaine, ces
expressions ne changent pas beaucoup dans leurs acceptions. Ainsi, selon le
dictionnaire Larousse, le mot tribu s'entend comme étant une
« Agglomération de familles vivant dans la même
région, ou se déplaçant ensemble, ayant un système
politique commun, des croyances religieuses et une langue communes, et tirant
primitivement leur origine d'une même souche. »92(*). Pour le cas des Fang, c'est
dans cette tribu déclinée en clan et dans son unité
groupale, le village, que se retrouve l'Abââ.
En marketing, également, la notion de tribu a aussi
été récupérée pour désigner
« un réseau de personnes partageant sur un sujet des liens
identitaires forts. Le marketing tribal fait la promotion de produits et de
services auprès d'une ou plusieurs tribus.».Il arrive qu'une
marque devienne le lien identitaire ("tribu" Apple, Harley Davidson, 2CV,
Téléphone Nokia...). Mais le plus souvent, la tribu existe
indépendamment des marques qui la ciblent ("Tribu" des
écologistes, des rollers...). Comme il est donc dit que la
tribu peut exister sans relation avec une marque, cela sousentend que les
individus se regroupent dans la société par affinités.
C'est dans cet ordre d'idée qu'autrefois, la
localisation géographique des tribus était importante. Avec
l'arrivée des TIC, Internet élimine la géographie. Cela
signifie que les tribus existant virtuellement sont plus grandes, et qu'elles
sont désormais plus nombreuses. Ces tribus se regroupent à
l'intérieur des réseaux sociaux qui sont alors la plateforme qui
favorise leurs échanges et leur interactivité.
De même, le terme communauté
(virtuelle) est un groupe de personnes qui communiquent par
l'intermédiaire de
courriers
électroniques, de l'
Internet en particulier via
des
forums,
courrier, téléphone, pour des raisons professionnelles, sociales,
éducatives ou autres93(*).La communauté Internet est une plateforme en
ligne qui permet à ses membres, à travers différents
outils, de communiquer, de rester en contact et d'échanger leurs points
de vue. Généralement les communautés se créent
autour d'un thème commun qui permet de rassembler les internautes.
Le mot
virtuel est employé
pour signifier qu'il ne s'agit pas de
communication face
à face. A titre d'exemple, l'on pourra évoquer des
communautés liées au Web :
Usenet,
Wikipédia,
MySpace,
Facebook,
Second Life,
Google+ , etc.
L'idée de regroupement affinitaire à travers les
groupes que constituent les tribus et les communautés virtuelles, comme
il apparait, sont donc des réalités sociales ayant toujours
existé, qui inspirent la terminologie usuelle des réseaux sociaux
modernes.En plus, à travers ces regroupements, il en ressort une
adéquation avec ce qu'est l'Abââ également pour un
village fang. A quelque différence près donc, nous pouvons
conclure sur ce point que l'Abââ est une émanation de
l'organisation sociale fang qui forme une communauté physique et
même virtuelle car même les ancêtres en restent des membres
dans une dimension de la communication qui intègre des existants
métaphysiques. Les réseaux sociaux modernes, eux, sont issus du
développement des TICqui s'appuient sur les tribus (selon l'acception
marketing)existant pour former des communautés virtuelles. C'est en ce
sens aussi que l'on peut comprendre la ressemblance dressée entre
l'Abââ et les réseaux sociaux modernes.
5. Dynamique de l'Abââ
A partir des
données que la science informatique utilise, nous allons ressortir
schématiquement la topologie du réseau local que chaque
Abââ peut présenter. En effet, il faut considérer
avec que la dimension institutionnelle de l'Abââest le fondement
d'une méta-réalité sociale qui, comme le dit Yvan VAN
CUYCK est « doté d'un fort pouvoir de sujétion et
de mise en forme de l'espace social, dans une perspective de topique
communicationnelle où se jouent et s'actualisent les pratiques
sociales »94(*). Notre cadre de référence est
l'Abââ du village Mebem qui se situe dans le département de
la Vallée du Ntem, arrondissement de Ma'an, à 12 km de la
localité de Meyo Centre.
Premièrement, le chef de l'Abââ est le plus
âgé du village95(*), le nommée NDONG ONDJI'I Jean Marc. Il est
entouré de ses pairs au sein de l'«Ekôane benya
bôrô» (Conseil des anciens), des hommes de la même
génération que lui. Il s'agit des personnes suivantes :
- ONDJI'I NDONG Marcel ;
- Et EDO NDONG Emmanuel.
En réalité, si l'on se réfère
à l'arbre généalogique du clan Esakôran du
village Mebem, le chef de l'Abââ est descendant des deux anciens
ci-dessus nommés. Toutefois, quoiqu'étant à cette
position, il est le plus âgé du village et a été
désigné par ses oncles, moins âgés que lui, pour
conduire les affaires du village.
Tous les autres frères du chef de situent au niveau
d'une strate constituée d'entités importantes de
l'Abââ, même s'ils ne sont pas membres du comité des
anciens. Leur point de vue est pris en compte lors des différentes
assises que l'institution organise et abrite. Les enfants de sexe masculin de
ceux-ci sont tous membres de l'Abââ à travers leurs
pères.
A l'observation, il est important de préciser que le
village lui-même est déjà constitué en réseau
local animé par une interaction évidente. Les personnes peuplant
le clan sont d'abord unies par le lien familial. Puis, des affinités se
sont tissées entres des personnes en fonction de leurs
intérêts, leurs occupations, de leurs liens internes (religion,
parti politiques, etc.). Les habitants du village évoluent donc dans cet
espace communautaire partagé.
Sur la base des schémas topologiques des réseaux
ci-dessous, nous allons extraire le modèle qui semble cadrer avec la
réalité de l'Abââ et l'adapter au contexte local du
village Mebem.
Figure 1:
Représentation de l'architecture des LAN (Local Area Network).
Source :
http://www.commentcamarche.net/contents/initiation/topologi.php3,
consulté le 07 décembre 2012
Les figures ci-dessus représentent les
différents modèles de réseaux locaux. Ils différent
des réseaux métropolitains (Metropolitain Area Network, MAN) dont
l'envergure peut s'étendre à une dizaine de kilomètres et
des réseaux publics (Wide Area Network, WAN) à couverture
nationale ou internationale, comme l'internet.
De ces 5 modèles de réseaux locaux, celui qui
s'apparente à la configuration des liens familiaux qui unissent les
personnes du village correspond au type dit en « arbre ».
C'est cette arborescence qui peut être transposée dans le cadre de
la modélisation de l'Abââ. En effet, c'est sur la base sa
similarité avec l'arbre généalogique du village que l'on
peut esquisser une schématisation des liens et des noeuds qui
constituent l'Abââ de Mebem. Il s'agit de présenter la
configuration de la tribu des membres de cette institution,
indépendamment des interactions qui se développent chaque jour
dans l'Abââ, s'inspirant de la technique de la
modélisation96(*)
qui nous permettra de représenter schématiquement le
modèle appliqué à l'Abââ comme l'indique la
figure qui suit.
Le
Village Fang
Le Chef de l'Abââ désigné par
Nyambôrô ou bien Mbi Ntum
L'Abââ du village
Le peuple ou la communauté du village
Membres du conseil des Anciens
Niveau 0
Niveau 1
Niveau 2
Figure 2:
Modélisation de l'Abââ dans le village fang
Source : l'auteur.
Cette figure présente des entités constitutives
de l'ensemble à 3 niveaux.
D'abord, le village qui est une unité sociale où
vivent des familles issues d'un même clan et liées par la
généalogie parce que descendant des mêmes ancêtres.
Ensuite, c'est cette formation sociale qui abrite donc l'Abââ en
tant que institution traditionnelle séculaire, placée
généralement sous l'autorité d'un
« nyambôrô » désigné par
les anciens pour conduire les affaires du village de concert avec ses pairs,
pour l'intérêt de la communauté toute entière. Enfin
c'est de cette configuration que les actions de l'Abââ sont
légitimées parce que le système s'impose aux individus.
A titre d'exemple, dans la figure qui suit, nous allons
représenter le cas de la communauté des membres de
l'Abââ de Mebem en ressortant les liens familiaux existants.
Ensuite, nous allons représenter les différentes
interactions qui peuvent découler de l'Abââ dans sa fonction
de lieu de cérémonies, en prenant l'exemple du mariage coutumier
rendu à l'étape de la dot.
ESONO
NDONG
Eric Moïse, 41 ans
NDONG ONJI'I
Steeve Armel, 18 ans
ESONO ONJI'I
Eryck Anthony, 05 ans
ESONO ba ONJI'I
Rodrigue
21 ans
NDONG ESONO Jean Marc, 06 ans
ONJI'I ESONO
Ndem Elat, 03 ans
MVE ESONO
Ngalane Mvam, 06 mois
ALO'O ONDJI'I
Junior, 02 ans
VILLAGE MEBEM FONDE PAR LE PATRIARCHE ONJI'I ESONO
PAUL
L'Abââ du village
NDONG ONDJII
Jean Marc, 74 ans, chef de l'Abââ,
EDO NDONG
Emmanuel, 61 ans, Ancien de l'Abââ et notable
à la chefferie
ONDJII NDONG
Marcel, 74 ans, Ancien de l'Abââ
ALO'O
ONDJI'I
Jeannot Pierre,
63 ans
MVE ONDJI'I
Alphonse,
62 ans
N
N
ALO'O
TOUNG
Diderot, 51 ans
ONDJI'I
ESSONO
Mathurin, 62 ans
ALO'O ESSONO Désiré, 55 ans
ONDJI'I
TOUNG
Richard,
48 ans
NDONG
TOUNG
Antoine
ESSONO
ONDJI'I
Moïse,
45 ans
NDONG
ONDJI'I
Médard, 55 ans
ONJI'I
ESONO
Gérard Paul, 43 ans
NDONG
ALO'O
Antoine, décédé en juin 2012 à 58
ans, sans engendrer de garçon
NGUEMA ONDJI'I Samuel, décédé en 2009
ONDJI'I MVE Mérimée, 14 ans
ONDJI'I ESONO Paul, 31 ans
TOUNG ALO'O Teddy, 07 ans
MVE
NGUEMA
Paulin, 12 ans
ESSONO ONDJI'I Débauger, 37 ans
TOUNG NDONG Junior, 14 ans
NDONG NDONG Antoine ;
12 ans
ONDJI'I ESSONO Pierre Paul, 14 ans
TOUNG ONDJI'I, Brady, 10 ans
MENGUE ONDJI'I, Joseph, 06 ans
ONDJI'I ESSONO
Junior, 11 ans
ALO'O ESSONO
Désiré, 09 ans
Figure 3:
Représentation de la communauté des membres de
l'Abââ de Mebem sur 03 générations
Source : l'auteur
L'exercice effectué dans la figure qui
précède a consisté à retracer d'abord les relations
parentales qui caractérisent l'Abââ de Mebem sur la base
d'une reconstitution du lignage généalogique. Nous avons
représenté trois générations. La remarque
fondamentale est que les femmes ne sont pas inscrites parmi les profils,
excepté celles qui ont engendré des enfants mâles sans
être allées en mariage, parce qu'elles ont perpétué
la lignée au profit de la communauté de leur village natal. Cela
obéit à une logique ancestrale qui veut que les enfants
nés d'une fille dont les parents n'ont pas reçu de dot portent
les noms donnés par leurs oncles maternels. Si par la suite cette fille
allait en mariage, les enfants qu'elle aura engendrés en étant
chez ses parents restent d'office chez leurs oncles maternels.
La femme, en tant que fille venue en mariage à Mebem a
un profil latent, c'est-à-dire que si elle a été
présentée solennellement à l'Abââ à
travers la cérémonie de « l'ekulu Abââ
ou Yala », elle bénéficie d'un rôle
consultatif. En cas de nécessité, elle peut être admise
à l'Abââ au cours d'une assise pour donner son avis sur la
question à l'ordre du jour. Généralement, une femme qui a
bénéficié de « l'ekulu
Abââ » se voit attribuer un nom autre que celui de
jeune fille ou de son époux. Le conseil des sages lui donne un nom
émanant d'une personne du clan, ou alors un nom choisi sur la base des
préférences et des affinités que la belle famille de cette
femme a développées avec une personne autre, quand elle n'est pas
issue du clan97(*).
Deuxièmement, après le chef de
l'Abââ, le conseil des anciens constitue un sous-groupe à
l'intérieur de l'Abââ, donc un sous réseau qui a une
position politique, jouant le rôle de conseillers ou de contrepoids
auprès du chef lorsque l'Abââ se réunit. Il faut
faire remarquer que même entre ces pairs du chef, c'est le droit
d'ainesse qui prévaut aussi ; ce sous-groupe se concerte et fait
part au chef de ses orientations dans la prise de décision.
Enfin, tous les autres hommes membres de l'Abââ de
Mebem forment à leur tour un autre sous-groupe, majoritaire mais qui ne
fonctionne que sous l'autorité de leur aîné
également. Il n'existe pas de vote pour départager les groupes
dans leurs positions par rapport à un sujet débattu. La
méthode utilisée pour régler une question reste la
concertation, appelée « Esok » en Ntumu,
où chacun émet son point de vue et l'aîné
décide en dernier lieu. C'est lui qui vient annoncer à
l'Abââ ce qui a été dit en conclave.
Porte-parole étranger
Porte-parole local
Famille du fiancé
Famille de la fiancée
Échanges de
présents
Autres Parents et amis (invités)
concertation inter personnelle lors d'une
cérémonie de dot au sein de l'Abaa
Zone de
concertation
Zone de
concertation
Zone de restauration pour la famille du fiancé
Figure
4:Schéma de la théatralisation des interactions
communicationnelles lors d'une cérémonie de dot dans
l'Abââ.
Les flèches induisent les interactions qui se
déroulent au cours de ces assises.
Source : l'auteur
Nous avons choisi arbitrairement d'illustrer un cas
d'interaction communicationnelle lors d'un mariage traditionnel. Le
schéma représente non seulement le cadre de l'interaction, mais
également les acteurs, les espaces occupés, les positions des
personnes et les influences qui peuvent être
générées pas ces différents acteurs. En effet,
c'est le lieu où s'exprime ou qui exprime la tradition sans influence
importante d'agents étrangers, notamment la religion, comme c'est
maintenant le cas lors des cérémonies de deuil. L'Eglise s'est
imposée grandement dans les obsèques et funérailles au
point où les hommes d'église pratiquent même
déjà le rite de veuvage aux femmes lorsqu'ils estiment que
celles-ci seraient en position défavorable par rapport à la
famille du défunt mari. C'est une mouvance qui a tendance à
s'implanter maintenant comme pratique courante, alors que l'exécution de
ce rite était de la compétencedes soeurs du défunt mari. A
tort ou à raison, il est évoqué que parfois, les
méchants en profitent pour régler des comptes à la
veuve.
Selon notre observation, les Fang font encore ressortir
plusieurs éléments de leur culture lors des
cérémonies de mariage coutumier et de funérailles. Pour le
cas du mariage, il met en scène trois catégories de personnes.
D'abord, la grande famille de la fille (fiancée) qui accueille
généralement l'autre groupe constitué de la grande famille
du garçon fiancé. On entendra par « grande
famille », une composition hétérogène de
personnes issues de la famille du père du fiancé, des personnes
issues de la famille maternelle du fiancé et vice versa pour la
fiancée.
Ici, les acteurs principaux, de part et d'autre, sont les deux
porte-parole. Chacun est entouré de personnes imprégnées
de la tradition en matière de mariage. Il est aussi souhaitable qu'ils
usent de sagesse pour contourner les écueils que leur pose le
vis-à-vis. Il s'agit d'un échange discursif empreint de
proverbes, métaphores, anecdotes...où l'art oratoire est un atout
majeur visant à mettre en difficulté le porte-parole de l'autre
partie.
Lorsque cela est nécessaire, l'un ou l'autre groupe
peut se retirer dans les espaces de concertation attenants à la
scène pour mieux réviser la stratégie en vue de
répondre à la préoccupation de la
partie « adverse ». Entre temps, d'autres acteurs
peuvent occuper la scène ; il s'agit généralement des
femmes qui entonnent des chansons dont les paroles sont des pics lancés
à leurs pairs d'en face. La réponse de celles qui se sentent
provoquées ne se fait pas souvent attendre ; elles aussi
contrecarrent par une chanson appropriée en guise de réplique.
Pour amuser l'assistance, principalement la grande famille du fiancé,
des personnes déguisées dans des costumes et développant
des mimiques et gestes qui suscitent le rire entrent en action à leur
tour. Ce rire sera alors interprété comme outrage à la
famille de la fiancée et sera sujet à réparation
pécuniaireappelée « amende », sans
définition exacte du montant ; en réalité, la somme
versée est généralement comprise entre 500 et 1 000
francs CFA. Il s'agit encore là d'un piège que doit éviter
la personne mise en cause.
A la fin de la cérémonie, les deux familles en
ressortent souvent plus conviviales car c'est également une
épreuve de nerfs pour tester l'endurance, la tempérance, la ruse
et l'engagement de la famille du fiancé à prendre femme. Quand
tout s'est bien passé, les deux groupes échangent des
présents et partagent un repas.
Conclusion
En somme, nous voulions mettre en évidence l'homologie
que nous avons décelée entre le réseau social moderne et
l'Abââ traditionnel. L'un se déploie et se ramifie
grâce aux prouesses des TIC qui lui offrent une plateforme, un espace
virtuel mais dynamique à travers lequel les membres échangent des
données indépendamment de la distance qui les sépare.
L'autre participe de l'organisation sociale des Fang qui institue une
entité communautaire de regroupement annexe aux habitations familiales.
Dans ce cadre aussi, tel des internautes, mais dans une dimension locale, les
interactions interpersonnelles sont une réalité indéniable
qui permet bien aux villageois de rester localement en connexion, les uns avec
les autres, tout en échangeant des informations et des données
diverses. C'est l'instrument qui joue également de nombreux rôles
et assure des fonctions sociales variant selon les circonstances.Pour cela,il
apparait donc que l'Abââ précède les réseaux
sociaux modernes de par son antériorité, les remplace
naturellement dans ces régions reculées, cadres de viede groupes
sociaux où la mouvance de la mondialisation est encore loin de permettre
le rapprochement des communautésgrâce aux moyens des TIC et pas si
près d'intervenir dans l'essentiel des actes de communication
interpersonnelle au quotidien.
CONCLUSION GENERALE
Après plusieurs hésitations, nous avons
développé, à partir des discussions avec notre directeur
de mémoire, une lecture de l'Abââ des Fang autre que celle
de départ. En fait, nous envisagions de parcourir uniquement les
fonctions sociales remplies par cette institution propre à
l'organisation sociale de ce peuple de la forêt équatoriale, en
ressortant la prégnance et la dynamique de la communication
interpersonnelle dans le groupe. Pour y parvenir, il aurait bien fallu que nous
présentions, non seulement le cadre de notre étude, mais
également quelques repères socio-anthropologiques du groupe Fang.
De même, pour favoriser une appropriation de la dimension
rattachée à l'Abââ, il a été
nécessaire de développer ses aspects physiques et symboliques si
bien qu'à travers ces fondements, l'Abââ a été
perçu comme un centre névralgique de l'organisation de la vie de
la communauté fang à l'échelle des villages. Pour
rattacher cela à un cadre théorique, nous avons convoqué
les théories de l'
organisation
sociale telles
qu'élaborées par Marshall MACLUHAN, qui stipule que la structure
sociale est un ensemble de relations sociales non fortuites entre individus
liant les parties, entre elles et au tout dans une organisation. Nous avons
également fait recours au fonctionnalisme à la lumière des
travaux de MALINOWSKI qui propose d'intégrer que toute pratique sociale,
comme le phénomène de l'Abââ, a pour fonction de
répondre aux besoins des individus. Les fonctions que remplit
l'Abââ et le jeu des rôles incarnés par les acteurs
sociaux qui se relaient selon les circonstances et les situations constituent
une partie importante de notre investigation. C'est dans cette optique que nous
avons enfin puisé dans les théories d'Erving GOFFMAN qui
soulignent la forme théâtrale de la communication dans la
société.
A travers différentes manifestations d'une dynamique
d'interaction observable au sein de l'Abââ, nous avons
envisagé d'investiguer sur les similitudes que l'Abââ
pourrait présenter avec les réseaux sociaux modernes qui
connaissent un essor remarquable en cette ère de la communication
assistée par les TIC. Force a alors été de constater que
des traits caractéristiques, quasi-identiques et communs ressortent de
l'Abââ et des réseaux sociaux. En conséquence,
existant dans la même époque, l'Abââ dans son
environnement, l'aire socioculturelle des Fang d'Afrique Centrale, se
révèle être ce que les réseaux sociaux
électroniques sont pour ce monde dans la mouvance de la mondialisation
et de la globalisation. Car parler de l'Abââ dans le village fang
c'est évoquer cette structure sociale qui génère une
convergence en son sein en tant que centre communautaire des communications.
Cette entité culturelle est au coeur des échanges sociaux dans
les villages et constitue le socle même de la gouvernance du village, en
tant que formation sociale ou organisation. C'est également dans
l'Abââ que la gestion des affaires de la communauté se
développe. Tout ce qui précède a contribué à
confirmer notre hypothèse qui postulait que l'Abââ est un
élément de la culture Fang qui joue divers rôles et remplit
de nombreuses fonctions dont la plus prégnante est essentiellement celle
d'espace et de plateforme communicationnelle. C'est donc à dessein que
les détenteurs de la tradition ancestrale perpétuent
l'Abââ face aux mutations sociales que la rencontre des
civilisations africaine et occidentale engendre.
Au demeurant, au rendez-vous du donner et du recevoir,
l'Abââ est un modèle de gestion de la société
développé par un groupe en vue de renforcer la cohésion
sociale et de favoriser les échanges d'information en mettant les
acteurs locaux dans diverses situations de communication et d'interaction.
Cette institution pourra inspirer d'autres chercheurs afin que l'anthropologie
de la communication, à l'échelle africaine, s'enrichisse de plus
de littérature capable de transformer ce riche patrimoine culturel oral
en travaux scientifiques édifiants.
ANNEXES
Annexe 1 : Article du Magazine Jeune Afrique
Oyem, capitale du "Fangland", est la quatrième ville du
Gabon.
(c) Baudoin Mouanda pour J.A
BIENVENUE CHEZ LES FANG !
Ils vivent au Cameroun, au Gabon ou en Guinée
équatoriale. Ils partagent la même culture, les mêmes
langues et ont produit des générations de dirigeants. De quoi
alimenter tous les fantasmes sur leurs ambitions... Voyage au coeur d'une
communauté incontournable.
C'est le débat interdit. Celui qui ne se tient ni
à la télévision, ni à la radio, ni dans les
amphithéâtres de l'université de Libreville, même
s'il est souvent chuchoté avec passion en famille, entre amis, en petit
comité... « Non, il n'y a pas de problème fang
au Gabon »,
assure-t-on à Libreville, avec un certain malaise lorsqu'on
évoque un sujet tabou, politiquement incorrect, dont on nie non sans
hypocrisie l'existence...
Inspirateur de ce déni,
le
défunt président Omar Bongo Ondimba (OBO), qui n'a pas
varié de sa ligne jacobine en quarante-deux années de pouvoir.
« Il y a des ethnies dominantes, mais moi,
délibérément, je ne parle pas de ça [...]. En
réalité, je ne connais pas une ethnie supérieure ni
minoritaire : on est Gabonais, c'est tout », expliquait-il dans son
livre-entretien avec Airy Routier, Blanc comme nègre (Grasset).
Les deux slogans de la présidentielle en 2009 : "tout
sauf Ali" et "tout sauf les Fangs». Mais si l'ethnie n'existe pas, des
remèdes contre l'ethnicisme sont néanmoins administrés,
sous la forme d'une politique de quotas et de partage «
géopolitique » du pouvoir. Selon une règle non écrite
longtemps en vigueur, Omar Bongo Ondimba, natif du Sud gabonais en pays
batéké,
choisissait
invariablement son Premier ministre parmi les Fangs natifs de l'Estuaire,
alors que cette ethnie est présente dans cinq provinces sur les neuf que
compte le pays. De même, pour recruter ses cadres, l'administration
mettait en place des critères d'égalité provinciale...
Népotisme
Le pays n'a pas échappé pour autant aux replis
identitaires favorables au vote ethnique, à la constitution de
réseaux de népotisme tribal ni aux revendications d'essence
régionaliste. À partir de juin 2009, quand la perspective de
succéder au chef de l'État décédé a
opposé frontalement ses anciens collaborateurs, le vernis de
l'équilibre interethnique a craqué. La liste des candidats
comptait une majorité de dignitaires fangs,
dont
l'ex-Premier ministre Jean Eyéghé Ndong (Estuaire),
l'ex-ministre de l'Intérieur André Mba Obame (Woleu-Ntem),
l'ex-ministre
du Pétrole Casimir Oyé Mba (Estuaire), l'ex-vice Premier
ministre Paul Mba Abessole (Estuaire). Fangs aussi, certains prétendants
plus ou moins sérieux issus de l'opposition (Jean Ntoutoume Ngoua) ou de
la diaspora (Daniel Mengara)... Des patriarches fangs, réunis en
comité secret quelques semaines avant l'élection du 30
août, ont tenté en vain d'obtenir le désistement de Mba
Obame en faveur d'Oyé Mba. « Avec un tel sens politique, jamais les
Fangs n'arriveront à conquérir le pouvoir », a alors
dénoncé l'ancien ministre de l'Intérieur, qui s'est
finalement imposé au détriment de son rival de l'Estuaire. La
veille du scrutin, ce dernier se retirait de la course après avoir subi
d'intenses pressions.
Antagonismes
Les Fangs représentent selon différentes
estimations entre 35 % et 40 % de la population gabonaise. Mais la classe
politique non fang se méfie
de
leur « appétence » pour le pouvoir. Des politiciens peu
scrupuleux se sont saisis de cette peur pour en faire un argument de campagne,
s'alarmant de la volonté d'hégémonie de l'ethnie
majoritaire, résolue à reconquérir coûte que
coûte le pouvoir confié en 1967 au Téké Albert
Bernard Bongo par le Fang Léon Mba. Les adversaires du Parti
démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) scandaient « Tout sauf Ali
[Bongo Ondimba, candidat à la succession de son père, NDLR]
» ? Leurs contradicteurs opposaient un « Tout sauf les Fangs
».?Par bonheur, aucun des deux slogans n'a abouti au résultat
escompté. Échec au « Tout sauf Ali », car il a
été élu. Pas plus de succès pour le « Haro sur
les Fangs » : troisième du scrutin, André Mba Obame a
recueilli des suffrages non pas seulement dans son ethnie, mais dans toutes les
régions. Il n'empêche, cette campagne agressive a eu le temps
d'imprégner les esprits. Les deux candidats ont fait le plein de voix
dans leurs fiefs respectifs. Le Haut-Ogooué des Bongo a voté
à plus de 90 % pour son champion, tandis que le Woleu-Ntem (Nord) a
massivement soutenu l'enfant du pays, Mba Obame, renforçant les
apparences d'un antagonisme ethnique. Dans l'ombre, quelques faucons incitent
même le chef de l'État à « punir » ceux qui n'ont
pas voté pour lui. Ce qu'il ne fera pas. Dans le Nord, on perd confiance
et on n'attend plus grand-chose du Palais du bord de mer.
Plus de deux ans après cette crispation, le
président a fait un geste d'apaisement en nommant début
février un natif d'Oyem (Woleu-Ntem),
Raymond
Ndong Sima, au poste de Premier ministre, rompant ainsi avec la pratique
héritée de son père. Cette main tendue va-t-elle
finalement atténuer le ressentiment ? À Ndong Sima de faire
mentir les pessimistes.
Frontières
Frontalier avec
la
Guinée équatoriale et
le
Cameroun, le Woleu-Ntem est la seule des neuf provinces du pays qui soit
quasi exclusivement habitée par le groupe fang. S'y rendre n'est pas
aisé. Il faut parcourir plus de 500 km entre Libreville et Oyem sur une
« transafricaine » bitumée sur certains tronçons
seulement. Premier obstacle, au bout d'une heure de route, le pont de Kango sur
le fleuve Komo. Arrêt obligatoire, seuls les véhicules
légers sont autorisés à emprunter l'ouvrage. Les camions
sont dirigés vers un embarcadère en contrebas. À
marée haute, deux barges assurent la traversée, évitant
ainsi à la capitale gabonaise une rupture de ses approvisionnements en
produits alimentaires en provenance du nord. Et les voyageurs de pester encore
contre le capitaine d'une barge qui a endommagé début mars un
pilier du pont... Les plus pressés peuvent quitter la route nationale
par une déviation non bitumée serpentant dans la bruine vers le
nord-ouest, par Medouneu. Ce voyage est entrecoupé d'arrêts
imposés par des contrôles de gendarmerie auxquels nul ne
déroge. Puis on entre dans Medouneu, ce bourg de près de 2 000
âmes, aux alentours du parc national des Monts-de-Cristal. À 2 km
plus à l'ouest se trouve la frontière avec la Guinée
équatoriale.
Medouneu, un paradis vert ? Pas vraiment. Le voisinage des
mandrills et des éléphants rend l'agriculture quasi impossible.
Cibles régulières des mammifères, les cultures sont
saccagées et les rendements des parcelles si bas que les jeunes,
dégoûtés, s'en sont allés grossir les quartiers
populaires de Libreville. Jusqu'à la présidentielle de 2009, la
ville de naissance d'André Mba Obame - même s'il ne s'y rend que
rarement - vivait hors du temps, oubliée du reste du monde dans les
moiteurs de la forêt primaire. Selon les échos de cette
élection présidentielle, le président
équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, Fang de Mongomo,
aurait accordé un généreux soutien financier à
l'opposant Mba Obame. Pis, des informations, jamais prouvées à ce
jour, parlent de caches d'armes, de projets de rébellion, etc.
Le voyage entre Libreville et le Woleu-Ntem n'est pas
aisé. La route est bitumée sur quelques tronçons
seulement.
(c) Baudoin Mouanda pour J.A.
Du jour au lendemain, la petite commune a vu débarquer
des escouades de gendarmes et d'agents des services secrets qui lui ont
imposé pendant des mois un dispositif de sécurité
inédit. Même la voiture de monsieur l'abbé Clément
n'a pas échappé à la fouille méticuleuse
effectuée avec zèle. « Ils ont confisqué ma
pièce d'identité parce qu'ils doutaient de ma nationalité
gabonaise », se plaint un villageois qui assure ne pas être le seul
dans ce cas. Jusqu'à ces dernières années, les familles
établies de part et d'autre de la frontière allaient et venaient
librement, enjambant allègrement les limites territoriales. Pour eux,
les frontières fixées au gré des intérêts des
colonisateurs français (Gabon), allemands (Cameroun) et espagnols
(Guinée équatoriale) sont moins fortes que les liens du sang et
la conscience de partager les mêmes ancêtres et de parler la
même langue. En plus, ces limites ont changé avec le temps. Ainsi
la France dut-elle céder en 1912 le Woleu-Ntem à l'Allemagne,
avant que la défaite de Berlin à l'issue de la Première
Guerre mondiale ne favorise le rattachement définitif de ce territoire
au Gabon.
En dépit de ces péripéties, les Fangs,
Ntoumous et Mvaes, qui représentent 20 % de la population au Cameroun,
80 % en Guinée équatoriale et quelques milliers de personnes
au
Congo, en
République
centrafricaine et
à
São Tomé, n'ont jamais remis en question l'entrelacs de
parentés interclaniques qui se ramifient depuis les Fangs de Libreville
jusqu'aux Ewondos de Yaoundé, en passant par les Ntoumous de Bata...
Ainsi retrouve-t-on des liens inattendus entre différents clans qui ont
essaimé au gré des migrations du XIXe siècle. Selon des
généalogistes, le président Obiang Nguema Mbasogo, du clan
Essangui de Guinée équatoriale, l'activiste Marc Ona Essangui, du
même clan au Gabon, et le directeur du cabinet civil à la
présidence de la République du Cameroun, Martin Belinga Eboutou,
du clan Esse de Zoétélé (Sud), auraient le même
ancêtre. Et le président camerounais, Paul Biya, un Bulu de
Mvomeka'a, dans le Cameroun méridional, est beti, un groupe
rattaché aux Fangs. De quoi alimenter les suspicions d'un soutien
à Mba Obame, alors qu'hier beaucoup extrapolaient sur un rapprochement
entre OBO et son voisin congolais, Denis Sassou-Nguesso, pour contrebalancer
une possible coalition Biya-Obiang...
Vieilles routes "yougoslaves", hôpital fermé,
gouvernorat à l'abdandon... Les habitants d'Oyem ont le sentiment
d'être oubliés.
(c) Baudoin Mouanda pour J.A.
Société
Ces craintes d'hégémonie sont-elles
fondées ? « Si on interprète la cohésion des Fangs,
on pourrait en effet considérer qu'il s'agit d'un danger
régional, comme il en existe ailleurs, explique le politologue
camerounais Mathias Eric Owona Nguini. Mais je ne vois pas de raison de
craindre l'émergence d'un pays fondé sur des bases ethniques
», conclut-il. D'autant que l'unification n'est pas le point fort de la
société fang. Dans Le Petit Journal militaire, maritime, colonial
du 26 février 1905, Émile Gentil, commissaire
général de France au Congo, observe : « Ce qui fait le fond
du caractère du Pahouin (Fang), c'est l'indépendance. Il ne veut
se soumettre à personne et entend être le maître absolu de
sa famille et de ses biens. Aussi, le rêve absolu de tout Pahouin est de
vivre seul avec les siens. Et n'était le besoin d'être assez
nombreux pour se défendre, on verrait autant de villages que de
familles. »
La question fang ne date pas d'hier. Des tentatives
d'unification eurent lieu, notamment en 1947, lors du congrès de Mitzic
réunissant autour des Fangs du Gabon ceux du Cameroun et de
Guinée équatoriale... Cette préfecture traversée
par la route du Nord à 400 km de la capitale, Libreville, est une
ville-symbole qui entretient la mémoire de la résistance au
colonisateur, mais aussi celle de la bataille entre forces de la France libre
et troupes vichystes. Léon Mba, futur président du Gabon, fut
porté à la tête du congrès. Mais les querelles de
personnes empêchèrent le consensus. En jeune leader «
évolué » venu de la côte et formé à
l'école catholique, il s'était montré trop ouvert à
des influences extérieures, s'aliénant ainsi une partie des
délégués issus pour la plupart du Nord. Ces derniers lui
reprochèrent notamment de prôner l'extension du bwiti (religion
traditionnelle) parmi les Fangs, alors que ce syncrétisme était
issu des Mitsogos (une minorité du centre du pays). Ils lui firent
également grief de fréquenter les milieux francs-maçons et
communistes de Libreville. Élu président du pays en 1961,
Léon Mba, rongé par un cancer, acheva de « trahir » la
cause en confiant le pouvoir à Albert Bernard Bongo, un
Téké du Sud. D'où une profonde fracture entre Fangs du
Nord et ceux de l'Estuaire, d'autant que ces derniers se sont consolés
avec le poste de Premier ministre.
Discrimination
Fracture aussi avec les Mpongwés, un sous-groupe
européanisé et très métissé d'ascendance
myénée, des « autochtones » de l'Estuaire qui
cohabitaient avec les Fangs depuis leur arrivée au XIXe siècle.
Dans sa tendance à créer une hiérarchie entre les ethnies,
l'administration coloniale avait tout d'abord élevé les Fangs au
rang de « peuple savant » en magnifiant ces hommes « grands
» et « clairs » venus des rivages du Nil dans la
Haute-Égypte et des Grands Lacs. Au départ
déconsidérés par le colonisateur français à
cause de leurs royautés esclavagistes et « décadentes
», les Mpongwés ont ensuite été mis en avant et en
concurrence avec les Fangs, quand le colonisateur comprit la difficulté
de domestiquer ces derniers et l'impossibilité de les intégrer
dans les cadres coloniaux. Selon l'historienne Florence Bernault, « les
Fangs sont donc restés les grands perdants de l'État moderne au
Gabon, un État qui n'a cessé de brider leur influence ».
Plusieurs décennies d'instrumentalisation politicienne ont eu des effets
néfastes sur le « vivre-ensemble ». « Pendant nos
études, personne ne se préoccupait de savoir qui était du
Nord, qui était du Sud », regrette Firmin Obame Nguéma, chef
d'entreprise à Libreville. Mais, selon lui, à l'heure des
concours d'entrée dans les grandes écoles, la politique des
quotas reprend le dessus.
Aujourd'hui, les Fangs se sentent mal aimés et se
plaignent de discrimination. « Quand on est originaire du Woleu-Ntem, on
est soupçonné de manquer de patriotisme », s'indigne un
ancien haut cadre de l'administration qui a perdu son poste quand il a rejoint
les rangs de l'Union nationale, un parti d'opposition dissous en 2011. Le 11
février dernier, le ministère de la Défense a
publié, dans le quotidien L'Union, un avis de recrutement à la
garde républicaine qui ne concernait que sept provinces. « Le
recrutement dans l'Ogooué-Maritime et le Woleu-Ntem fera l'objet d'un
communiqué ultérieur », précise l'avis. « Le
portefeuille de ministre des Finances ne sera jamais confié à un
Fang. Ainsi, ils sont exclus de toutes les régies financières et
des postes stratégiques de l'État, tels que le ministère
de la Défense », dénonce un opposant, qui oublie
néanmoins de citer notamment Jean-Claude Ella Ekogha, le chef
d'état-major de l'armée, ou René Aboghé Ella, le
président de la Commission électorale nationale autonome et
permanente (Cenap), qui sont bien fangs.
Souffrances
Les complaintes de ses jeunes sans-emploi ne semblent pas
perturber l'indolente Oyem, capitale du pays fang. Avec ses vieilles routes
« yougoslaves » datant des années 1970, son gouvernorat neuf
mais à l'abandon, son hôpital fermé pour réfection
depuis six ans, pillé sans vergogne et squatté par des
fonctionnaires en attente de logement... Puis l'incroyable
Mont-Miyélé, une ville nouvelle construite en 2005 à
l'occasion des fameuses « fêtes tournantes » et dont les villas
cossues exclusivement attribuées aux pontes du régime sont
abandonnées dans l'herbe folle... « L'argent dépensé,
à savoir plusieurs milliards de F CFA, aurait pu servir à refaire
la voirie délabrée », fulmine l'ancien député
local du Parti démocratique gabonais Jean-Christophe Owono
Nguéma. « Moi, je me sens profondément gabonais avant
d'être fang », se définit-il.
À
l'instar de l'opposition, il a boycotté les législatives du 17
décembre 2011 et consacre désormais son temps à ses
plantations de bananiers. Avec Paulette Oyane Ondo, il s'était
déjà attiré le courroux de son groupe parlementaire pour
avoir refusé de voter la révision constitutionnelle de
décembre 2010, qui accordait plus de pouvoirs au président.
« Toutes les ethnies endurent les mêmes souffrances,
relativise-t-il. Nos ennemis communs, ce sont la corruption, les
détournements de l'argent de l'État et l'impunité. »
La frontière avec le Cameroun et la Guinée équatoriale est
à une centaine de kilomètres. De l'autre côté des
bornes, d'autres citoyens en colère ne le démentiraient pas.
Malabo, sanctuaire Bubi
Bien qu'elle soit née aux Baléares, la chanteuse
de flamenco Concha Buika n'oublie pas ses origines
équato-guinéennes. Issus de la minorité bubie (40 000
personnes) qui peuple l'île de Bioko, où se trouve la capitale,
Malabo, ses parents ont fui la dictature de Macias Nguema dans les
années 1970. À Majorque, où elle a grandi, ils lui ont
transmis la culture et la langue bubies, menacées de disparition. Les
Fangs ont massivement quitté la partie continentale du pays (ancien
Río Muni), pour s'installer à Bioko (ancien Fernando Póo),
attirés par le développement des infrastructures urbaines et par
la prospérité due à l'exploitation du pétrole. Ici,
les Fangs, ethnie du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, sont
accusés de discriminer le deuxième groupe ethnique du pays. Selon
une politique d'équilibre en vigueur depuis l'indépendance (1968)
jusqu'en 2006, le Premier ministre était désigné au sein
de l'ethnie bubie. Il n'en est plus question : Ricardo Mangue Obama Nfubea
(2006-2008) et Ignacio Milam Tang (depuis juillet 2008) sont fangs.
Par Georges Dougueli, envoyé spécial au Gabon et
au Cameroun
Source :
http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2680p026-033.xml1/
Annexe 2 : Interview
Mathias Eric OwonaNguini :
"Les origines fangs sont disparates"
Mathias
Eric OwonaNguini, enseignant à l'université de
Yaoundé-II(c) Baudoin Mouanda pour J.A
La nation pahouine est une construction symbolique et
non un projet politique, selon ce politologue camerounais. Qu'est-ce
qu'être fang aujourd'hui ?
Le mythe de « la marche des enfants d'Afiri Kara »
situe les origines fangs
en
Haute-Égypte. Cette légende a été
inventée pour lier des groupes plus hétérogènes
qu'ils ne le disent. Dans la matrice dite fang-betie, des groupes ont des
origines anthropologiques diverses, mais se sont retrouvés à
partir d'un même répertoire culturel. On retrouve des
éléments strictement fangs, des éléments
assimilés aux Fangs et des non-Fangs qui ont été
acculturés. Les Betis
du
Cameroun, au sens strict, ne sont pas des Fangs. Moins nombreux, ils ont
été « pahouinisés » et se sont fondus dans la
communauté, au point d'en perdre leur langue. La langue ewondo [telle
qu'elle est parlée à Yaoundé, NDLR], aujourd'hui, est une
variante du fang et non pas de la langue betie, qui, elle, a disparu.
Quel est le rapport entre identité fang et
revendications politiques ?
Dans les années 1990, la perspective d'une grande
nation transethnique fang a resurgi dans un contexte où les luttes
politiques comportaient aussi un élément identitaire. Il est vrai
que les identifications géoethniques et anthropoethniques fangs
existaient,
surtout
dans des pays où ces communautés étaient proches du
pouvoir. Ainsi, entre les années 1960 et 1970, avec la
présidence de Léon Mba
au Gabon, puis
de Macias Nguema
en
Guinée équatoriale, on a évoqué l'idée
d'une hégémonie des Fangs. Au Cameroun, cette idée
n'était pas absente, mais elle a pris un poids considérable avec
l'accession de Paul Biya au pouvoir en 1982. Elle s'est particulièrement
cristallisée dans les années 1990.
Faut-il prendre au sérieux l'idée d'un
État fang ?
La fameuse nation pahouine est une construction symbolique,
puisque le registre politique de ces différentes communautés n'a
jamais été celui de la centralisation. Elles sont marquées
par une forte organisation segmentée et décentralisée. Ce
ne sont pas des sociétés sans chef, mais elles ont des
patriarches dotés d'une autorité décentralisée. Il
pourrait y avoir des conjonctures qui les amèneraient à se
fédérer autour d'une espèce d'épouvantail
sous-régional. Mais cela ne peut survenir que dans des conditions
particulièrement traumatiques.
Ce n'est donc pas un ensemble
homogène...
Il y a une variation identitaire selon les pays. Elle montre
que nous avons affaire à une construction extrêmement complexe qui
recèle cependant des points de partage entre les groupes. En
Guinée équatoriale, il existe une tension entre les Fangs
ntoumous et les Fangs okaks. Aujourd'hui, la communauté fang-betie
partage la langue mais ne partage pas forcément les
références généalogiques, malgré l'invention
de mémoires unificatrices comme le mythe d'Afiri Kara. En
réalité, les origines sont disparates.
_______
Propos recueillis par Georges Dougueli
Source :
http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2680p026-033.xml1/
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III. THESES ET
MEMOIRES :
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Lille 3 - Charles de Gaulle, U.F.R. d'Histoire, Juin 2005.
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Mémoires :
LUKESO, Prince, L'appropriation du
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milieux universitaires. Cas de l'Université de Kinshasa,
Mémoire de Master II en Informatique et
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MEKEMEZA ENGO, Aimée Prisca,
Cohabitation population fang/CNPN, WCS dans la conservation de
l'environnement au Gabon : Analyse du cas du Parc National des Monts de
Cristal, mémoire deMaîtrise, 2007, Université Omar
Bongo - Libreville Gabon.
MESSANGA OBAMA, NKÚN NNÀM
«le panier du peuple» et le développement des Yebekolo : Le
cas de la communauté Fang-Biloun d'Ayos (région du centre au
Cameroun),mémoire présenté et soutenu publiquement en
vue de l'obtention du Diplôme d'Etudes Approfondies en Anthropologie,
Université de Yaoundé I, avril 2009.
IV. ARTICLES :
AKINDES, Francis, Le lien social en
question dans une Afrique en mutation, un article publié dans
l'ouvrage sous la direction de Josiane Boulad-Ayoub et Luc Bonneville,
Souverainetés en crise, pp. 379-403. Collection: Mercure du Nord.
Québec: L'Harmattan et Les Presses de l'Université Laval, 2003,
569 p.
AUBAME, Jean-Marie, 2002, Les Beti du
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http://africanistes.revues.org/898.
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Tarde, Simmel et Elias, article paru dans Hermès
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locale traditionnelle solidaire, Cadre conceptuel d'une nouvelle gouvernance
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Décembre 2011.
BACHELET, Rémi, Enseignant-Chercheur
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ligne sous licence, version janvier 2012.
FOUDA ONGODO, Université de
Yaoundé II, Chercheur au GEREA LAF-202,
Yaoundé-Cameroun,Valeurs culturelles des Pahouins d'Afrique
Centrale et management des organisations, communicationdonnée au
colloque des 28 et 29 octobre 2004 à Beyrouth au Liban sur le
thème : « le management face à l'environnement
socioculturel ».
VI. PRINCIPALES PERSONNES-RESSOURCES
RENCONTREES :
1. ASSALE Patrick, 57 ans, ressortissant du
village Zoameyong dans l'arrondissement de Ma'an, rencontré à
Yaoundé, le 02 août 2011.
2. ELLA MBO, habitant du village Meyo Bibulu,
dans l'arrondissement d'Olamze, entretien du 15 août 2011.
3. MIMBIMI ESÔNO Parfait, 70 ans,
ressortissant du village Ekoumedoum, dans l'arrondissement d'Ambam, entretien
mené le 10 août 2011 de 11 à 12 heures 30mn
4. MVOA ESSONO Félix, 57 ans,
Instituteur, ressortissant du village Okong dans l'arrondissement de Ma'an,
entretien du 27 décembre 2012.
5. NDONG ALO'O Antoine, actuel maire de la
localité de Kyè-Osi, entretien du 20 juillet 2011
6. NDONG ONDJI'I Jean Marc, 74 ans,
fonctionnaire retraité, patriarche du village Mebem, entretien du 03
juillet 2011.
7. ONDO NGUEMA, Instituteur retraité,
67 ans, entretien tenu avec l'intéressé le 19 mai 2010, de 17h30
à 19h à Libreville au Gabon, dans son domicile sis au quartier
dénommé la SNI.
8. ONDJI'I NDONG Marcel, 74 ans, planteur,
ancien de l'Abââ de Mebem, rencontré le 03 juillet 2011.
9. ONDJI'I TOUNG Richard
(Révérend Docteur), 49 ans, secrétaire
Général Assistant de l'Eglise Presbytérienne Camerounaise
et enseignant permanent à l'Institut des Relations Internationales de
l'Université de Yaoundé II, échanges permanents eus avec
lui entre 2011 et 2012.
10. OVONO ENGONGA Jean Pierre, 42 ans,
Professeur des Lycées d'enseignement général, enseignant
d'histoire, originaire du village Meka'a Minkumu dans l'arrondissement
d'Olamze, entretien du 15 juillet 2011 de 9heures à 10h30 mn.
VII. SITES
INTERNET :
www.africanistes.revues.org
www.culturevive.com
www.jeuneafrique.com
www.justaskgemalto.com
www.kezako.tv
www.monefang.com
www.sociometrie.blogspot.com
www.toupie.org
www.wikipedia.fr
TABLE DES
MATIÈRES
EPIGRAPHE
i
DEDICACE
ii
REMERCIEMENTS
iii
RESUME
iv
ABSTRACT:
v
AVERTISSEMENT
vi
ABREVIATIONS, ACRONYMES, SIGLES
vii
LISTE DES CARTES, PHOTOS, FIGURES ET TABLEAU
viii
INTRODUCTION GENERALE
1
1. CONTEXTE
2
2. RAISONS DU CHOIX DU SUJET
3
3. DELIMITATION DU SUJET
4
4. PROBLEMATIQUE
5
5. HYPOTHÈSES
6
6. CADRE THÉORIQUE
7
7. REVUE DE LITTERATURE
9
8. CADRE METHODOLOGIQUE
14
9. PLAN DU MEMOIRE
16
10.DIFFICULTES RENCONTRES ET LIMITES DE LA
RECHERCHE
17
CHAPITRE
PREMIER:
ESQUISSE DE SOCIO-ANTHROPOLOGIE DES FANG
19
Introduction : 20
1. Les Fang, des origines à nos
jours
20
1.1. Origines
controversées du nom « Fang »
20
1.2. Aperçu historique
des origines du peuple fang
21
2. Répartition géographique et
démographie
23
3. Organisation sociale
23
4. Organisation politique
24
5. Quelques caractéristiques
culturelles
26
Conclusion
27
CHAPITRE
DEUXIEME:
L'ABAA DANS LA SOCIETE FANG
29
Introduction
30
1. Historique et évolution de
l'Abââ
30
1.1. Historique
30
1.2. Evolution
31
2. L'Abââ : un construit
physique
34
2.1. La réalité
physique de l'Abââ
34
2. 2. Effectivité de l'Abââ
dans les communautés villageoises
38
3. La dimension symbolique de
l'Abââ
41
3.1. Le principe de
l'autorité d'un nyambôrô
41
3.2. Le principe de prise de décision
commune
42
3.2. Le principe de non
exclusion d'un membre
42
3.3. Le principe de partage et
de solidarité
42
Conclusion
43
CHAPITRE
TROISIEME:
FONCTIONS SOCIALES DE L'ABÂÂ
44
Introduction
45
1. Identification et ralliement
46
2. Siège des pouvoirs
Exécutif-Législatif-Judiciaire
47
3. Centre communautaire d'initiation et de
socialisation
49
4. Lieu d'accueil et d'expression de
l'hospitalité
51
5. Centre culturel et musée
52
6. Lieu de culte et de requiem
54
7. Salle des manifestations :
55
8. Lieu communautaire d'exposition aux
médias de masse
56
Conclusion
57
CHAPITRE
QUATRIEME:
HOMOLOGIE ENTRE L'ABAA ET LE
RESEAU SOCIAL MODERNE
58
Introduction :
59
1. Fondements de l'Abââ et des
réseaux sociaux
59
2. Objectifs de l'Abââ et des
réseaux sociaux
62
3. Typologie des réseaux sociaux
63
3.1. Les réseaux sociaux
physiques
64
3.2. Les réseaux sociaux
électroniques
64
4. Similitudes entre les réseaux
sociaux modernes et l'Abââ
66
4.1. Critères indicateurs d'un
réseau social
66
4.2. Mode de fonctionnement du
réseau social
68
4.3. Utilité du
réseau social
68
4.4. Eléments de
similitude entre le réseau social et l'Abââ
69
5. Dynamique de l'Abââ
75
Conclusion
84
CONCLUSION GENERALE
85
ANNEXES
87
Annexe 1 : Article du Magazine Jeune
Afrique
88
Annexe 2 :
Interview :
Mathias Eric Owona Nguini : "Les origines fangs
sont disparates"
97
BIBLIOGRAPHIE:
99
I. OUVRAGE METHODOLOGIQUE :
100
II. OUVRAGES :
100
III.THESES ET MEMOIRES :
101
IV.ARTICLES :
102
V. COMMUNICATIONS
103
VI.PRINCIPALES PERSONNES-RESSOURCES
RENCONTREES :
103
VII.SITES INTERNET :
104
TABLE DES MATIÈRES
105
*
1Source :fr.wikipedia.org/wiki/Corps_de_garde,
consulté le 1er juillet 2011.
* 2NDONG ONDJI'I Jean
Marc, 74 ans, patriarche du village Mebem, entretien du 03 juillet
2011.
* 3OVONO ENGONGA Jean
Pierre, 43 ans, Professeur des Lycées d'enseignement
général,enseignant d'histoire, originaire du village Meka'a
Minkumu dans l'arrondissement d'Olamze, entretien du 15 juillet 2011 de 9heures
à 10h30 mn.
* 4NDONG ALO'O
Antoine, actuel maire de la localité de Kyè-Osi,
entretien du 20 juillet 2011.
* 5Fang, Ntumu et
Mvae, représentent 20 % de la population au Cameroun, 40% de
la population au Gabon, 80 % en Guinée équatoriale et quelques
milliers de personnes
au
Congo, en
République
centrafricaine et
à
São Tomé, Lire l'article sur Jeuneafrique.com : Afrique
centrale : bienvenue chez les Fangs www.jeuneafrique.com.
* 6OKOMO
Béatrice, Fragment de la tradition fang, article mis en ligne
le 18 août 2006, disponible sur
http://monefang.com/okomo.html,
consulté le 28 juillet 2011.
*
7Source :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Structure_sociale
* 8WINKIN,
Yves, op. cit. pp. 95-96.
* 9STRAUSS,
Levi, Le regard éloigné, Plon, pp. 59-62.
* 10
GOFFMAN, Erving, in la nouvelle communication, textes recueillis
et présentés par Yves Winkin » Ed. Du Seuil, 1981,
p. 94.
*
11Artiste-musicien originaire du Nord du Gabon,
ancien ministre de la culture et député,
décédé le 18 mai 2010.
* 12MVE
BEKALE, Pierre-Claver Zeng et l'art poétique fang :
esquisse d'une herméneutique,L'Harmattan, Paris, 2001.
* 13AUBAME,
Jean Marie ; NZE NGUEMA Fidèle Pierre ; PANYUS Henry, Les
Béti du Gabon et d'ailleurs, sites parcourus et structures,
l'Harmattan, 2003, pp. 210-211.
* 14MESSANGA
OBAMA, NKÚN NNÀM «le panier du
peuple» et le développement des Yebekolo : Le cas de la
communauté Fang-Biloun d'Ayos (région du centre au
Cameroun) »,mémoire présenté et soutenu
publiquement en vue de l'obtention du Diplôme d'Etudes Approfondies en
Anthropologie, Université de Yaoundé I, avril 2009.
*
15 OWONO Jacques
Fulbert,Pauvreté ou paupérisation en Afrique ;
étude exégetico-éthique de la pauvreté chez les
Beti Fang du Cameroun, University of Bamberg Press, 2011, p 70.
* 16KAMDEM Emmanuel,
Managementet interculturalité en Afrique,Paris/Laval,
Les Presses de l'Université de Laval/l'Harmattan, 2002.
*
17Source :
http://www.toupie.org/Dictionnaire/Reseau.htm
*
18MARCOTTE, Jean François,
http://sociometrie.blogspot.com/2012/02/pour-une-definition-des-termes-reseaux.html,
consulté le 11 juillet 2012.
*
19BACHELET, Rémi, Enseignant-Chercheur Ecole
Centrale de Lille, in Réseaux sociaux, cours distribué
en ligne sous licence, version janvier 2012, p. 7.
* 20SIMMEL,
Georg ,La différenciation sociale ,
Revue internationale de sociologie, 1894, reproduit in G. Simmel,
Sociologie et épistémologie, PUF, 1981
*
21FARRUGIA, Francis, cité par Dr Francis
Akindès, in «Le lien social en question dans une Afrique en
mutation», Un article publié dans l'ouvrage sous la direction
de Josiane Boulad-Ayoub et Luc Bonneville, Souverainetés en crise,
Collection: Mercure du Nord. Québec: L'Harmattan et Les Presses de
l'Université Laval, 2003, pp. 379-403.
*
22Source :
http://www.toupie.org/Dictionnaire/Reseau.htm,
consulté en juillet 2012/
*
23MARCOTTE, Jean François,
http://sociometrie.blogspot.com/2012/02/pour-une-definition-des-termes-reseaux.html,
consulté le 11 juillet 2012.
* 24WINKIN,
Yves, Anthropologie de la communication, de la
théorie au terrain, Editions du Seuil, 2001, p 95.
* 25GHIGLIONE,
R. et MATALON, B. Les enquêtes sociologiques, Armand Collin,
Collection U, 1978, 301 p.
* 26WINKIN,
Yves, op. cit. pp. 95-96.
* 27 WINKIN,
Yves, op. cit. p. 154.
*
28Source : lire article sur
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fangs,
consulté le 15 octobre 2012.
* 29CADET,
Xavier, Histoire des Fang, Peuple Gabonais, Thèse
présentée pour l'obtention du diplôme de Doctorat
d'Histoire, Université de Lille 3 - Charles de Gaulle,
U.F.R. d'Histoire, Juin 2005.
* 30MEKEMEZA ENGO, Aimée Prisca, Cohabitation
population fang/CNPN, WCS dans la conservation de l'environnement au Gabon :
Analyse du cas du Parc National des Monts de Cristal, mémoire
deMaîtrise, 2007, Université Omar Bongo-Libreville Gabon,
disponible en ligne sur : http://www.memoireonline.com, consulté le
16 octobre 2012.
* 31MEDJO MVE,
Pither,Essai sur la phonologie panchronique des parlers fang du
Gabon et ses implications historiques, Thèse de doctorat
linguistique, 1997, Université Lumière-Lyon 2, 543 p.
* 32MEDJO
Pither, op. cit.
*
33Source :
http://www.gabonlibre.com/Histoire-Gabon-Origines-des-fangs_a5447.htmle,
consulté le 15 octobre 2012.
* 34AFA'A
BIBO était originaire du village Ekoumedoum et s'est
établi à Efoulan, village de la Vallée du Ntem,
arrondissement de Ma'an, situé à une quinzaine de km de Ma'an,
dans la région du sud du Cameroun. Il était
considéré comme un homme sage et éclairé qui
comptait l'épopée de la marche des enfants d'Afiri Kara,
retraçant la longue migration des peuples Fang beti depuis le Nil en
Egypte vers l'Afrique Centrale. Il a disparu sans laisser de trace un jour, au
début des années 1970, âgé d'environ 90 ans.
*
35ABOMO-MAURIN, Marie-Rose, Traduit de
l'oeuvreDulu bon b'Afrikara(écrit en boulou) de OndouaEngutu,
l'Harmattan, 2012.
* 36OWONA
NGUINI, Mathias E., interview accordée à Jeune Afrique,
propos recueillis par Georges Dougueli., disponible en ligne sur
http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2680p026-033.xml1,
consulté le 30 juillet 2012.
*
37Source : article de Georges DOUGUELI,
« Bienvenue chez les Fang ! », disponible sur
internet,
http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2680p026-033.xml1/,
consulté le 10 octobre 2012.
* 38TOLRA,
Laburthe, cité par MEKEMEZA ENGO, Aimée Prisca, op.
cit.
* 39FOUDA
ONGODO, Université de Yaoundé II, Chercheur au GEREA
LAF-202, Yaoundé - Cameroun, « Valeurs culturelles des
Pahouins d'Afrique Centrale et management des organisations »,
communicationdonnée au colloque des 28 et 29 octobre 2004 à
Beyrouth au Liban sur le thème : « le management face
à l'environnement socioculturel ».
* 40BALANDIER,
Georges. 1982 - Sociologie actuelle de l'Afrique
noire. Paris, PUF, p 137.
* 41ABRIKA,
Bélaid, in "La gouvernance locale traditionnelle solidaire Cadre
conceptuel d'une nouvelle gouvernance territoriale : Cas de la wilaya de
Tizi-Ouzou dans la région de Kabylie en Algérie",
communication délivrée lors du Colloque«
Gouvernance et responsabilité : propositions pour un
développement humain et solidaire », CCFD-Terre Solidaire.
Décembre 2011
* 42AKOMO-ZOGHE,Cyriaque Simon-Pierre, Parlons fang:
culture et langue des Fang du Gabon et d'ailleurs, l'Harmattan, mai 2010, 295
pages
* 43
TRILLES, H. Contes et légendes fang du Gabon 1905,
Paris, Karthala, 2002, p. 24
* 44ASSOUMOU
NDOUTOUME, Daniel, Parlons Fang : culture et langues fang du
Gabon et d'ailleurs, Paris, l'Harmattan, 2010, p.163.
* 45MVE BEKALE,
Marc, Pierre Claver Zeng et l'art poétique fang, esquisse
d'une herméneutique, Paris, l'Harmattan, 2001, pp. 152-153.
* 46MINKO MVE,
Bernardin, Gabon entre tradition et post-modernité : Dynamique
des structures d'accueil Fang, l'Harmattan, 2003, p. 129.
* 47MIMBIMI ESÔNO
Parfait, habitant du village Ekoumedoum dans le département de
la Vallée du Ntem au Sud du Cameroun, âgé d'environ 70
ans, entretien mené le 10 août 2011 de 11 à 12 heures
30mn
* Jeu traditionnel
très répandu chez les Fang qui se joue à deux sur un
tableau composé de 7 cases de part et d'autre, avec au départ 5
pions dans chacune, soit 70 pions que les deux protagonistes se discutent en
respectant les règles du jeu. Pour gagner la partie, il faut totaliser
un minimum de 40 pions.
* 48MIMBIMI
ESÔNO Parfait, op. cit.,entretien
accordé le même jour.
* 49ELLA
MBO, habitant du village MeyoBibulu, dans l'arrondissement d'Olamze,
département de la Vallée du Ntem au sud du Cameroun, entretien du
15 août 2011.
*
50 MVE ONDO Bonaventure, Sagesse
et initiation à travers les contes, mythes et légendes fang,
L'Harmattan, Paris, 2007, pp. 36-37.
* 51LABURTHE
TOLRA, Philippe, cité par AUBAME, Jean-Marie, dansLes Beti
du Gabon et d'Ailleurs: tome I, Sites ; parcours et structures ; tome II,
Croyances, us et coutumes ; », Journal des africanistes [En
ligne], 76-2 | 2006, mis en ligne le 22 mai 2007, consulté le 02 octobre
2012. URL : http://africanistes.revues.org/898
* 52AKOMO
ZOGUE, Cyriaque Simon Pierre, Parlons fang : culture et
langues du Gabon et d'ailleurs, Paris ; l'Harmattan ; 2010, p.
163.
*
53 MVE BEKALE, Marc, Pierre
Claver Zeng et l'art poétique fang, esquisse d'une
herméneutique, Paris, L'Harmattan, 2001, pp. 139-140.
* 54ONDO
NGUEMA, 66 ans, originaire de la localité de Mimvul entretien
tenu avec l'intéressé le 19 mai 2010, de 17h30 à 19h
à Libreville au Gabon, dans son domicile sis au quartier la SNI.
*
55 Il s'agit d'un rite
organisé par les anciens de la communauté lorsque plusieurs
malheurs inexplicables par la compréhension humaine. Il a pour but
d'invoquer les esprits des ancêtres qui protègent la
communauté afin qu'ils purifient le village.
* 56AKOMO
ZOGUE, op cit. p. 164.
* 57ASSALE,
Patrick, ressortissant du village Zoameyong dans l'arrondissement de
Ma'an, département de la Vallée du Ntem dans le sud du Cameroun,
rencontré à Yaoundé, le 02 août 2011.
* 58OKOUE NGOU,
F., op. cit., ibid.
* 59LEVISTRAUSS,
Claude, Le regard éloigné, Plon, 1983, pp.
59-62.
* 60 Cette expression
signifie littéralement « ici dans le corps de garde de mon
père ? », mais elle est généralement
utilisée pour dire que le corps de garde est le lieu où le Fang
bénéficie de la protection de la communauté et même
des ancêtres. Rien de fâcheux ne pourrait lui arriver là.
* 61 Littéralement,
cette expression signifie protéger ou garder la poutre centrale qui
soutient l'ensemble de l'Abââ, de peur que tout l'édifice ne
tombe, synonyme de honte de toute la communauté pouvant constituer une
source de raillerie de la part des villages voisins.
* 62C'est le droit
d'aînesse qui régit en général les rapports entre
les membres de la communauté.
* 63BIYOGO,
G., Encyclopédie du Mvett. Tome I. Du haut Nil en Afrique
Centrale, le rêve poétique et musical des Fang Anciens : la
quête de l'éternité et la conquête du logos
solaire, Paris, Ciref-Icad, 2000, Rééd. Ménaibuc,
2002, p. 33.
* 64 Les personnes
citées sont âgées toutes les deux de 74 ans aujourd'hui.
L'auteur s'est entretenu avec ces témoins vivants sous leur
Abââ à Mebem, arrondissement de Ma'an, le 22 juillet 2011 de
11h30 à 15h 15 mn.
* 65 Littéralement,
cette expression signifie nya(vrai) mbôt(Homme) nyambôrô =
vrai homme. Pour mieux comprendre, il faut considérer
considérerl'homme dans son paraitre et dans son être. En fait, le
« vrai homme » est un idéal, celui par lequel l'on
s'identifierait pour faire montre de beaucoup de sagesse dans la parole, le
comportement, la gestion des avoirs, etc. afin de mériter le respect de
toute la communauté.
* 66Feu ONJI'I
ESÔNÔ Paul, ancien chef du village de Mebem dans
l'arrondissement de Ma'an au sud du Cameroun, décédé le 08
août 1974, évoqué par Richard ONDJI'I TOUNG au cours de
l'entretien accordé à l'auteur le 08 août 2011 à
Mebem.
*
67Source :
www.culturevive.com/betifang/presentation,
consulté le 09 septembre 2011.
*
68Source :
fr.wikipedia.org/wiki/Apprentissage.
*
69Source :ROCHER, Guy, in
http://fr.wikipedia.org/wiki/Socialisation,
consulté le 24 aout 2011.
* 70OVONO
ENGONGA, Jean Pierre, op. cit. Entretien accordé le même
jour que celui indiqué avant.
* 71NGUEMA-OBAM,
Paulin. - Fang du Gabon. Les tambours de la tradition. Paris,
Karthala, 2005, 192 p
* 72ELLA,
Elvis
Steeve,Mvettékang et le projet Bikalik : essai sur la
condition humaine,l'
Harmattan
Gabon, février 2011, 358 p.
* 73BIYOGO,
G., op. cit. pp. 182-183.
* 74
Définitionque
donne l'UNESCO de la culture. Source :
http://www.techno-science.net,
consulté le 12 octobre 2011.
* 75MVE
BEKALE, M., op. Cit., cité par Michel Fabre, Professeur
émérite, Université Paris III-Sorbonne,
http://mmvebekale.free.fr/pages/litt%20gabonnaise.htm
* 76 Ce terme désigne
un rite initiatique chez les Fang du Gabon, utilisé dans la revue
« Cahiers Gabonais d'Anthropologie », Université
Omar BONGO, N°17-2006 consacré à l'anthropologie religieuse,
* 77Les agents de
changement « ce sont les acteurs et les groupes dont
l'action est animée par des buts, des intérêts, des
valeurs, des idéologies qui ont un impact sur le devenir d'une
société », source :
Mamadou
Guèye, in
Développement et sociétés, transformations sociales et
implications culturelles, Ethiopiques numéro 34 et 35 revue socialiste
de culture négro-africaine nouvelle série 3ème et
4ème trimestre 1983, volume I n°3 et 4.
* 78SOLIS,
Brian, est un Américain
analyste
de l'industrie. Il travaille avec les entreprises sur
les
nouveaux médias des stratégies et des cadres à relier
les entreprises et les clients, les employés et les autres parties
prenantes ) cité dans un article intitulé « Les
médias sociaux face aux médias traditionnels la
blogosphère nouveau terrain de pensée »,disponible sur
http://www.museonet2.com/,
consulté le 04 décembre 2012.
* 79SCOBLE,
Robert(né le 18 janvier
1965) est un
blogueur et
podcasteur
américain. Il
s'est d'abord fait connaître à travers son premier blog, alors
qu'il travaillait encore pour
Microsoft. Depuis
2006, il s'est lancé
dans le podcasting avec
Podtech
Network.
*
80LETONTURIER, Éric,
Sociologie Des Réseaux Sociaux et Psychologie Sociale
:Tardes, Simmel et Elias, article paru dans Hermès
41-2005,Université Paris 5-René Descartes Groupe
d'étude pour l'Europe de la culture et de la solidarité
(Gepecs), Paris 5p. 42-43., disponible sur
http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/8951/HERMES.
* 81VAN
VELSEN, J. The extend case method and situationalanalysis,
1967, pp. 149-169, cite par Vincent LEMIEUX dans l'articulation des
réseaux sociaux, article publié dans la revue «Recherches
sociographiques, vol. 17, n° 2, mai-août 1976, Québec,
Université de Laval.
*
82EPSTEIN, A. L., The network of urban social
organization, 1969, pp. 77-116.
*
83DEGENNE, A. et FORSE, M., Les réseaux
sociaux, une approche structurale en sociologie, 2è édition,
Paris, Armand Colin, collection « U », 2004.
*
84MORENO,Jacob Lévy (1934),Fondements de
la sociométrie, Paris, PUF, 1954.
* 85
Source :
http://kezako.tv/societes/culture/les-reseaux-sociaux-du-web.xhtml,
consulté le 20 novembre 2012.
* 86 Facebook annonce en
Novembre 2012 130 millions d'utilisateurs permanents. Source :
http://oseox.fr/ereputation/reseaux-sociaux.html,
consulté le 20 novembre 2012.
* 87
Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau_social
*
88Source :
http://www.justaskgemalto.com/fr/naviguer/tips/,
consulté le 22 novembre 2012.
*
89 PUNGUI Lino, cité par
Prince LUKESO, dans L'appropriation du réseau social Facebook dans
les communications interpersonnelles en milieux universitaires. Cas de
l'Université de Kinshasa, Mémoire de Master II en
Informatique et Télécommunication, Graduat 2011, mémoire
disponible en ligne sur
http://www.memoireonline.com,
consulté le 22 novembre 2012.
*
90Source :
http://zero202.free.fr/cr01-net/html/ch01s02.html,
consulté le 22 novembre 2012.
* 91NYAMBA,
André, Approche sociologique et anthropologique de la communication
dans les villages africains, article paru dans Les
télécommunications, entre bien public et marchandise,Edition
Charles Léopold MAYER, 2005, p.p. 77 et suite.
*
92Source :
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/tribu/79517,
consulté le 21 février 2013.
*
93Source :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Communaut%C3%A9_virtuelle
consulté le 25 février 2013.
* 94VAN
CUYCK, Alain,L'instance institutionnelle comme fondement
anthropologique, social et communicationnel de la culture organisationnelle,
article publié en 2005, disponible en ligne sur
http://bibapp.u-paris10.fr/works/21104,
consulté le 28 novembre 2012.
* 95 En novembre 2012, cet
homme était âgé de 74 ans.
* 96En informatique, on
parle de
modélisation
des données pour désigner une étape de construction
d'un système d'information.
* 97 A titre d'exemple,
notre épouse, Mme ONJI'I ESONO née FOUDA Ghislaine a
bénéficié de la cérémonie d'Ekulu
Abââ le 09 décembre 2011, à l'issue de laquelle son
beau-père, NDONG ONDJI'I Jean Marc, le chef de l'Abââ de
Mebem l'a surnommée NGUEMA EDOH, du nom d'un de ses jeunes frères
envers qui il semble avoir de l'estime. C'est désormais sous ce nom que
la communauté l'Abââ l'identifie.